CA Colmar, 2e ch. A, 12 septembre 2024, n° 22/00880
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Époux
Défendeur :
Société de Participation Financière et Immobilière Soparfim (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diepenbroek
Conseillers :
Mme Denort, Mme Hery
Avocats :
Me Frick, SELARL ACVF Associés, Me Heichelbech
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique reçu par Me [T] [W], notaire à [Localité 10] (68), le 27 juin 2018, l'Etablissement public du culte dénommé « [11] » a vendu à M. [D] [S] et Mme [Y] [F], épouse [S], une maison d'habitation et ses dépendances situées [Adresse 7], cadastrées dans cette commune section [Cadastre 8], n°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], pour un prix de 115 880 euros.
Par acte introductif d'instance déposé le 28 mai 2020, signifié le 16 juin 2020 à la SARL SOPARFIM (Société de Participation Financière et Immobilière), exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et à Me [T] [W], les époux [S]-[F] ont saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse d'une action en responsabilité contre ces dernières, faisant valoir que, contrairement à l'indication de l'acte de vente, la maison ne comportait pas d'installation autonome d'assainissement et que le diagnostic technique relatif à l'assainissement n'avait pas été annexé à cet acte de vente.
Par jugement du 12 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
- condamné la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et Me [W], in solidum, à payer aux époux [S]-[F] :
* la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation pour une perte de chance, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2021,
* la somme de 1 000 euros à titre d'indemnisation en réparation de leur préjudice moral, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2021,
- rejeté le surplus de la demande d'indemnisation au titre du préjudice matériel,
- condamné in solidum la société SOPARFIM, exploitant [Localité 10] Immobilier, et Me [W] à payer aux époux [S]-[F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, ainsi que la demande de Me [W], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et Me [W] aux dépens,
- rappelé que la décision était exécutoire par provision de droit.
Le tribunal a relevé que, si le fondement juridique de l'action en responsabilité n'était pas indiqué par les demandeurs, dans la mesure où ils faisaient état d'une jurisprudence sur l'obligation de conseil et de renseignement vis-à-vis du mandant, ils invoquaient, de
façon implicite et non équivoque, la responsabilité contractuelle relative à un contrat de mandat dont la défenderesse ne contestait pas l'existence. Elle niait tout manquement de sa part, au motif que l'immeuble disposait bien d'un système d'assainissement, mais hors d'âge et hors normes.
Or, l'acte authentique de vente mentionnait, en page 24, que le vendeur déclarait qu'il existait un réseau public d'évacuation communale destiné à recevoir les eaux usées domestiques, mais qui ne constituait pas, à ce jour, un réseau communal d'assainissement collectif, celui-ci n'étant pas encore raccordé à une installation de retraitement des eaux usées domestiques collectées.
Le vendeur déclarait spécialement : « l'immeuble' est actuellement équipé d'une installation autonome d'assainissement. » Cependant, il n'avait fourni, ni à la date de la signature du « compromis », ni à la date de l'acte de vente, le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif exigé par l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable à la date de l'acte de vente. Celui-ci exigeait la fourniture, par le vendeur, d'un tel document daté de moins de trois ans dans le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente.
Le tribunal a retenu que les époux [S]-[F] ne justifiaient pas de l'absence d'installation autonome d'assainissement mais que, suite aux contrôles effectués par le service d'assainissement de la communauté de communes, une lettre du 30 juillet 2018 mentionnait que cette installation autonome (qui existait donc bien) n'était pas en conformité avec les normes en vigueur, sans engendrer de risques environnementaux ou sanitaires. Elle devait être mise aux normes dans un délai d'un an.
Il a rappelé qu'il appartenait à l'agent immobilier de s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité de la convention négociée par son intermédiaire et, à cette fin, de se faire communiquer par les vendeurs, notamment, les diagnostics obligatoires prévus par l'article L.271-4 du code de la construction et de l'habitation. Dès lors, il a considéré qu'en ne se faisant pas communiquer, avant le « compromis » du 28 mars 2018, le document évoqué plus haut, qui faisait apparaître une non-conformité de l'installation existante entraînant des frais de mise aux normes obligatoires dans un délai d'un an, la société SOPARFIM avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux [S]-[F].
Par ailleurs, le tribunal, au visa de l'article 1240 du code civil, a notamment indiqué qu'engageait sa responsabilité le notaire qui ne s'assurait pas que l'ensemble des diagnostics et contrôles obligatoires requis par la loi avait été fourni par le vendeur avant la signature de l'acte authentique de vente, et que commettait un manquement à son obligation de conseil, celui qui, bien qu'ayant avisé les acheteurs de l'absence d'un contrôle obligatoire, ne les informait pas des risques encourus.
En l'espèce, Me [W] avait fixé la date de signature de l'acte au 27 juin 2018, bien qu'ayant connaissance de l'absence de contrôle obligatoire de l'installation d'assainissement. Le premier juge a considéré qu'en n'attirant pas l'attention des époux [S]-[F] sur les risques attachés à l'absence du document relatif à ce contrôle avant la signature de l'acte authentique de vente, le notaire avait commis un manquement à son obligation de conseil engageant sa responsabilité.
Sur le préjudice matériel et financier des époux [S]-[F], qui invoquaient la réalisation de travaux toujours en cours, avec intervention d'un architecte, ce qui ne leur permettait pas de déterminer exactement ce préjudice, le tribunal a considéré que celui-ci consistait en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions financières plus avantageuses, qu'il a évaluée à la somme de 5 000 euros.
Par ailleurs, il a évalué à 500 euros le préjudice moral subi par chacun des demandeurs, relevant qu'au regard de l'importance des travaux de rénovation de leur maison d'habitation, établie par les factures produites, une partie du stress qu'ils invoquaient était manifestement en lien avec les autres travaux à réaliser.
Les époux [S]-[F] ont interjeté appel de ce jugement le 24 février 2022.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 février 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par leurs conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 28 octobre 2022, les époux [S]-[F] sollicitent l'infirmation du jugement déféré en ses dispositions relatives aux condamnations des défenderesses à indemnisation pour perte de chance et en réparation de leur préjudice moral et enfin en celle par laquelle il a rejeté le surplus de la demande d'indemnisation au titre d'un préjudice matériel.
Les époux [S]-[F] sollicitent que la cour, statuant à nouveau :
- condamne in solidum la société SOPARFIM et Me [W], notaire à la résidence d'[Localité 10], à leur payer :
* la somme de 15 625 euros en réparation de leur préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 mai 2020,
* la somme de 5 000 euros, soit 2 500 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 mai 2020,
- ordonne que le point de départ des intérêts légaux sera fixé à compter de la date des mises en demeure, soit le 5 mai 2020 sur les montants dus, et condamne in solidum la société SOPARFIM et Me [W] à leur payer les intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2020 sur les montants dus,
- confirme le jugement déféré pour le surplus,
- rejette les appels incidents de la société SOPARFIM et de Me [W] et les déboute de l'ensemble de leurs demandes,
En tout état de cause :
- condamne in solidum la société SOPARFIM et Me [W] à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Sur la responsabilité de la société SOPARFIM, les époux [S]-[F] soutiennent que celle-ci, contrairement à ses allégations non prouvées, ne leur a pas apporté les informations requises et tous les renseignements utiles en tant que professionnel de l'immobilier, car elle leur a présenté le bien comme étant équipé d'un système d'assainissement, sans les alerter a minima sur le fait qu'il était hors norme et hors d'âge et que des travaux importants étaient nécessaires.
Ils invoquent un manquement de l'agent immobilier à son obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son mandant et à ses obligations contractuelles, ainsi qu'une jurisprudence selon laquelle il a manqué à son devoir de conseil en omettant d'informer l'acheteur sur l'existence de désordres apparents affectant l'immeuble, qu'il ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel de l'immobilier.
De même, les époux [S]-[F] soulignent que le notaire ne pouvait ignorer que l'état des installations d'assainissement non collectif devait être fourni par le vendeur dans le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou, à défaut, à l'acte authentique, ce qui n'a pas été le cas. Ils reprochent à Me [W] de ne jamais les avoir informés non plus de l'absence de raccordement au tout-à-l'égout et de ce que le système d'assainissement était non seulement hors normes et hors d'usage, mais que des travaux importants seraient rendus nécessaires, alors qu'il s'agissait d'une information essentielle.
Les appelants reprennent à ce titre les motifs du jugement entrepris quant au défaut de délivrance, par le notaire, d'une information valable et fidèle. Ils soulignent en effet que, dans leurs démarches relatives au financement des travaux nécessaires, ils n'ont jamais envisagé ceux relatifs au raccordement au tout-à-l'égout alors que, s'ils avaient été utilement informés de cette difficulté, ils ne se seraient jamais engagés.
Les époux [S]-[F] soulignent la qualité de professionnels de l'immobilier du notaire et de l'agent immobilier.
Sur leur préjudice matériel et financier, les époux [S]-[F] font valoir que celui-ci est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions financières plus avantageuses, comme l'a retenu le tribunal. Cependant, ils estiment que l'évaluation qu'en a faite ce dernier est particulièrement faible au regard des conséquences financières qu'ils doivent aujourd'hui assumer.
Ils soutiennent en effet que, s'ils avaient été informés de la situation réelle et des montants importants à investir en plus du budget prévu, ils n'auraient pas pu acquérir le bien immobilier. S'ils avaient inclus ces frais, la banque ne leur aurait pas accordé le prêt.
Ils ajoutent que, compte tenu du comportement fautif des défendeurs, ils ont notamment dû faire établir un diagnostic technique, puis déposer un dossier de conception aux fins d'installation d'un dispositif d'assainissement non collectif, ce qui leur a occasionné des frais, d'autant plus qu'il a été nécessaire de mandater un architecte, non prévu initialement, et ce tout en générant un retard dans les travaux de rénovation de l'immeuble.
Ils indiquent que différents travaux sont toujours en cours, mais que le montant de 15 625,20 euros qu'ils sollicitent représente sept mois supplémentaires de loyer qu'ils ont dû assumer, compte tenu des travaux liés à l'assainissement, ainsi que la facture de raccordement.
S'agissant de leur préjudice moral, ils invoquent des difficultés qui ont été sources de stress et d'anxiété pour eux et dont ils justifient par des attestations. Ils estiment que ce préjudice doit être évalué à 2 500 euros pour chacun d'eux, compte tenu des faits de l'espèce, les deux intervenants ayant failli, chacun, à leur niveau respectif.
Ils ajoutent enfin que leur demande est fondée sur les articles 1240 et suivants du code civil.
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 5 août 2022, la société SOPARFIM sollicite que l'appel des époux [S]-[F] soit déclaré recevable mais qu'ils en soient déboutés et que son appel incident soit déclaré recevable et bien fondé.
Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré en chacune des condamnations prononcées à son encontre et en celle par laquelle il a rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite la confirmation de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de la demande d'indemnisation au titre d'un préjudice matériel, et que la cour, statuant à nouveau, déboute les époux [S]-[F] de l'intégralité de leurs prétentions et, en tout état de cause, les condamne solidairement à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
La société SOPARFIM, qui conteste toute faute de sa part, soutient avoir correctement informé les acquéreurs de la situation de l'immeuble au regard de l'assainissement, en ce que la maison dispose effectivement d'un système autonome d'assainissement, lequel, comme l'ensemble de la maison, était évidemment hors d'âge et hors normes.
Elle fait valoir que le compromis précisait l'état du bien au regard de l'assainissement et rappelait les obligations de l'acquéreur résultant de l'article L271-4 II du code de la construction et de l'habitation, et que le devoir de conseil de l'agent immobilier s'exerce en fonction des connaissances que l'on est en droit d'attendre d'un professionnel de la vente et de l'immobilier, mais non de la construction.
Elle ajoute que l'acquéreur reste libre de s'adjoindre la compétence technique d'un professionnel du bâtiment ou d'un architecte et qu'en l'occurrence, les acquéreurs ont été accompagnés au moins lors d'une visite par un architecte, membre de l'ASMA (association de sauvegarde de la maison alsacienne), qui devait les accompagner dans leur démarche de rénovation du bien. Ils ont visité les lieux à leur convenance et ont pu constater l'état de vétusté de l'immeuble, qui était dans un état d'insalubrité très marqué et ne disposait d'aucun élément de confort (ni chauffage, ni sanitaire, distribution électrique totalement vétuste). Cet état de vétusté, évident pour tous, ne permet pas de rechercher la responsabilité de l'agent immobilier.
Contestant la motivation du jugement déféré, elle ajoute que l'absence de diagnostic ne rendait pas l'acte inefficace, soulignant l'état avéré de vétusté du bien et la précision, dans le « compromis » et l'acte de vente, que les travaux nécessaires sur le système d'assainissement étaient à la charge des acquéreurs, mais aussi que l'installation autonome n'engendre aucun risque environnemental ou sanitaire, selon le président de la communauté de communes.
Elle ajoute que, le « compromis » et l'acte de vente précisant clairement que les travaux nécessaires sur le système d'assainissement sont à la charge des acquéreurs, il n'existe donc aucun préjudice, dans la mesure où ces frais n'auraient pas été évités si un diagnostic avait été annexé à l'acte de vente.
Sur la perte de chance de ne pas contracter retenue par les premiers juges, la société SOPARFIM soutient qu'elle n'est pas caractérisée, dès lors que l'état de vétusté de l'immeuble, qui nécessitait une très lourde rénovation, était connu des acquéreurs et que le prix de vente avait été fixé en considération de cet état.
Elle conteste également le lien de causalité avec les frais relatifs à la prolongation du contrat de location, faisant valoir que celle-ci ne peut être due aux seuls travaux relatifs à l'assainissement et que, compte tenu de la vétusté de l'immeuble et de l'importante
rénovation dont il devait faire l'objet, une certaine durée des travaux était à prévoir. Il en est de même concernant le préjudice moral pour cause de stress et d'anxiété, dans la mesure où un projet de rénovation d'une telle ampleur ne peut être que source de stress et d'anxiété.
Subsidiairement, la société SOPARFIM conteste les préjudices invoqués par les appelants, au motif qu'ils ne justifient pas des frais qu'ils auraient exposés, permettant l'octroi de telles sommes, ne produisant qu'un simple devis, non accepté, d'un montant de 629 euros, ainsi qu'un contrat d'architecte dont la mission n'est pas définie, pour des honoraires de 576 euros, les autres documents concernant d'autres postes de travaux.
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 4 août 2022, Me [W], notaire, sollicite le rejet de l'appel principal, que la cour reçoive son appel incident et, statuant à nouveau, déboute les époux [S]-[F] de l'ensemble de leurs demandes et les condamne aux dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelant qu'au regard de l'article 1240 du code civil, la mission du notaire est de conférer une sécurité juridique complète aux actes qu'il reçoit et de leur donner une pleine efficacité en conseillant ses clients et en les informant sur la portée et les conséquences des engagements souscrits, elle conteste toute faute de sa part, au motif que les époux [S]-[F] étaient parfaitement informés de l'état du réseau et des travaux à effectuer.
Elle soutient qu'ils ont été avisés dès la signature du « compromis » de vente de l'absence de raccordement de la maison à un réseau public d'eau usée et de la nécessité de procéder à des travaux de mise en conformité dans un délai d'un an à compter de la signature de l'acte authentique.
Elle affirme avoir, dans un courriel du 21 juin 2018, informé les acquéreurs de ce que la communauté de communes ne pouvait garantir le contrôle d'assainissement avant un délai de 15 jours et leur a confirmé que la maison était dotée d'un assainissement autonome. Si ce rapport, effectué après la signature, n'a pas été joint à l'acte notarié, cette absence ne les a pas privés de la connaissance qu'ils avaient de ce que la maison était dotée d'une installation autonome et des travaux de raccordement indispensables à effectuer.
Elle rappelle les mentions de l'acte notarié précisant notamment que des travaux permettant le raccordement de la maison au réseau d'assainissement collectif devaient être réalisés dans un délai de deux ans à compter de la mise en service de la rhizosphère.
Si la communauté de communes ne leur a accordé qu'une année au lieu de deux pour mettre l'installation aux normes, Me [W] souligne que ce délai était néanmoins prévu dans le « compromis » de vente et que l'absence de diagnostic lors de la signature de l'acte authentique de vente a pour seul effet de ne pas permettre aux vendeurs de pouvoir s'exonérer de la garantie des vices cachés.
Elle soutient avoir pour sa part parfaitement rempli sa mission d'information et de conseil, l'absence d'un diagnostic n'ouvrant pas de droit à indemnisation en tant que tel.
Sur le lien de causalité et le préjudice, Me [W] fait valoir que le notaire ne peut être condamné à indemniser la victime au titre d'un manquement à son devoir d'information que s'il est relevé que cette information lui aurait permis de se soustraire au dommage.
Or, en l'espèce, le préjudice dont les appelants demandent l'indemnisation n'est pas en lien causal avec la faute du notaire, dans la mesure où ils avaient l'obligation de mettre en 'uvre l'installation conformément aux normes en vigueur et que, comme l'a retenu le premier juge, le seul préjudice résulterait, non pas du coût de la remise aux normes, mais de l'impossibilité de négocier le prix. Or, l'acte de vente mentionne que le prix de la maison a été négocié en fonction de l'absence d'installation d'assainissement conforme.
En tout état de cause, rien ne justifie un délai de sept mois pour effectuer la mise aux normes, pas plus que la nécessité de faire appel à un architecte.
* Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.
MOTIFS
I ' Sur les demandes d'indemnisation des époux [S]-[F]
A ' Sur les responsabilités
1°) Sur la responsabilité de l'agent immobilier
Si les époux [S]-[F] invoquent des manquements de l'agent immobilier à ses obligations contractuelles, ils indiquent fonder leur action sur les articles 1240 du code civil relatifs à la responsabilité délictuelle et reprochent à la société Soparfim d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil à leur égard. Aucun contrat ne les ayant liés à l'agent immobilier, mandataire des seuls vendeurs, sa responsabilité ne peut être engagée à leur égard que sur le seul fondement délictuel, étant précisé qu'il découle de sa qualité de professionnel de l'immobilier, en tant que négociateur et rédacteur de la promesse synallagmatique de vente, un devoir d'information loyale et de conseil adapté à l'égard de toutes les parties à l'acte auquel il prête son concours, y compris celles qui ne l'ont pas mandaté.
Dans la situation présente, il résulte des termes de la promesse synallagmatique de vente signée le 28 mars 2018, à laquelle la société Soparfim a prêté son concours, que le vendeur déclare que les biens objets de la vente ne sont pas raccordés à un réseau public de collecte des eaux usées. À la suite sont rappelés les termes de l'article L.1331-11-1 du code de la santé publique relatif à l'obligation de joindre au dossier de diagnostic technique le document établi à l'issue du contrôle du système d'assainissement, lors de la vente d'un immeuble d'habitation non raccordé au réseau public de collecte des eaux usées. Sont également rappelés les dispositions de l'article L.271-4 II du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles, lorsque l'installation n'est pas conforme, l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité prescrits dans un délai d'un an à compter de la signature de l'acte authentique.
Cependant, il est établi que ce contrôle n'a eu lieu que postérieurement à l'acte authentique de vente, qui ne fait lui-même aucune référence à l'obligation de joindre son compte-rendu au diagnostic technique relatif à la maison objet de la vente et aux dispositions de l'article L.271-4 II du CCH.
Or, en sa qualité de professionnel de l'immobilier ayant concouru à la rédaction de la promesse synallagmatique de vente, la société Soparfim se devait d'alerter la venderesse sur son obligation relative à ce contrôle, ce dont elle ne rapporte aucune preuve. Elle devait également alerter les acquéreurs sur ce point et sur les conséquences de l'absence d'un tel contrôle, dans l'hypothèse où, comme cela s'est vérifié, l'installation ne répondrait pas aux normes réglementaires et nécessiterait des travaux à ce titre. Or, elle ne rapporte pas davantage la preuve d'avoir satisfait à cette obligation d'information complète et loyale, celle donnée sur la simple existence d'une installation d'assainissement autonome et sur la nécessité, à terme, d'un raccordement au réseau public d'assainissement ne pouvant en tenir lieu, n'ayant pas porté sur les risques afférents à l'absence d'un tel contrôle préalable à la vente.
Dès lors, ces manquements caractérisent une faute délictuelle vis-à-vis des acquéreurs, étant à l'origine du préjudice subi par ces derniers, suite au résultat du contrôle de l'installation opéré postérieurement à l'acte de vente. Ni la simple mention de l'article L.271-4 II du code de la construction et de l'habitation, sans avertissement précis adressé aux époux [S]-[F], ni l'intervention d'un architecte auprès de ces derniers aux fins d'évaluation des travaux de rénovation du bien immobilier en cause, ni l'état de vétusté de ce bien ne peuvent réduire la portée de ces manquements. C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité de la société Soparfim à l'égard des époux [S]-[F], étant souligné cependant qu'il s'agit de sa responsabilité délictuelle.
2°) Sur la responsabilité du notaire
Si Me [W] conclut à hauteur de cour au rejet de l'appel principal ainsi que des demandes des époux [S]-[F], elle ne sollicite pas l'infirmation du jugement déféré dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour des prétentions qui y sont formulées. Dès lors, les appelants ne remettant pas en cause le principe de la responsabilité du notaire, mais seulement le montant des condamnations prononcées par le tribunal à l'encontre des deux intimées, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de Me [W], en sa qualité de notaire rédacteur de l'acte de vente.
3°) Sur la réparation des préjudices
- Sur le préjudice matériel et financier
Le préjudice causé aux époux [S]-[F] par les fautes de la société Soparfim et de Me [W] consiste en la perte de chance, pour les acquéreurs, d'avoir pu négocier le prix de vente au regard des travaux de mise en conformité de l'installation d'assainissement aux normes dans le délai d'un an ou d'avoir pu renoncer à l'achat du bien. Compte tenu du coût de ces travaux de mise en conformité et du prix déjà négocié, qui tenait compte de l'état de vétusté de l'immeuble, cette perte de chance peut être évaluée à 50 %, étant relevé qu'au vu de la facture produite, du 19 mai 2020, ces travaux de mise en conformité, par une « micro-station d'épuration », se sont élevés à 10 375,20 euros TTC, outre 629,28 euros de frais de dossier de conception d'une installation d'assainissement non collective et 576 euros de contrat d'architecte relatif à la demande d'autorisation d'installation non collective d'assainissement.
Si les acquéreurs invoquent une prolongation de la location de leur logement qui serait due aux travaux de mise en conformité de l'assainissement du bien immobilier acquis, il n'existe aucune preuve du lien de causalité entre la date de leur départ effectif du logement loué et la réalisation de ces travaux, d'autant plus que la lettre du président de la communauté de communes du 30 juillet 2018 notifiant le résultat du contrôle de l'installation autonome et la non-conformité de celle-ci aux normes en vigueur, a précisé
qu'elle n'engendrait pas de risque environnemental ou sanitaire. Il n'est donc pas établi que le bien n'ait pas été habitable en raison de cette non-conformité et il n'est pas plus démontré que ces travaux aient duré sept mois.
Il en résulte donc que, s'agissant de leur préjudice matériel, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a alloué aux époux [S]-[F] la somme de 5 000 euros et qu'il convient de condamner la société Soparfim et Me [W] à leur régler, in solidum, la somme de 5 790,24 euros, soit 50 % de (10 375,20 + 629,28 + 576) en réparation de leur préjudice matériel.
Au vu de la nature de la créance en cause et de ce que les appelants ne justifient pas de la réception de la mise en demeure du 5 mai 2020 par les intimées, cette somme ne portera intérêts au taux légal qu'à compter du présent arrêt.
- Sur le préjudice moral
Les attestations produites par les époux [S]-[F] ne suffisent pas à démontrer que le tribunal ait fait une appréciation erronée de leur préjudice moral en allouant à chacun d'eux la somme de 500 euros à ce titre, étant observé que, comme il le relève fort justement, le stress et les tensions entre eux évoqués par les témoignages produits sont manifestement liés non pas à la seule découverte de la non-conformité de l'installation d'assainissement, mais à l'ampleur des travaux dans lesquels sa mise aux normes s'est insérée. C'est pourquoi le jugement déféré sera confirmé sur ce chef, y compris quant à la date du point de départ des intérêts légaux.
II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.
Pour les mêmes motifs, la société Soparfim et Me [W] seront condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer à chacun des époux [S]-[F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens engagés par ces derniers en appel, leurs demandes respectives présentées sur le même fondement et au même titre étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement rendu entre les parties le 12 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse, à l'exception de la disposition par laquelle il a condamné in solidum la société SOPARFIM et Me [W] à payer la somme de 5 000 euros « à titre d'indemnisation pour perte de chance »,
Statuant à nouveau sur ce chef et ajoutant au dit jugement,
CONDAMNE la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et Me [T] [W], in solidum, à régler à M. [D] [S] et Mme [Y] [F], épouse [S], la somme de 5 790,24 euros (cinq mille sept cent quatre-vingt-dix euros et vingt-quatre centimes) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation de leur préjudice matériel,
CONDAMNE la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et Me [T] [W], in solidum, aux dépens d'appel,
CONDAMNE la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et Me [T] [W], in solidum, à payer à M. [D] [S] et Mme [Y] [F], épouse [S], la somme de 1 000,00 (mille) euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par ces derniers en appel,
REJETTE les demandes présentées par la société SOPARFIM, exploitant sous l'enseigne [Localité 10] Immobilier, et par Me [T] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que chacune d'elles a engagés en appel.