CA Montpellier, 3e ch. civ., 12 septembre 2024, n° 20/01387
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
S.C.I. (Sté)
Défendeur :
Allianz IARD (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sainati
Conseillers :
M. Carlier, M. Durand
Avocats :
Me Huot, Me Agier, Me Esquirol, Me Auché, Me Justafre
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 31 janvier 1973, [S] [F] [H] et son épouse [V] [I] épouse [H] ont acheté un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 4] cadastré sur la commune de [Localité 14] (Pyrénées-Orientales).
[V] [H] est décédée le 12 juin 1997.
Par acte authentique du 19 mars 2007, [S] [H] père, Mme [T] [H] et M. [S] [H] fils ont vendu cet immeuble à la SCI [Adresse 4] au prix de 160 000 euros.
La vente de cet immeuble de trois étages sur rez-de-chaussée (environ 600 m² habitables) comportant huit appartements à usage d'habitation avait été précédée de la signature le 12 octobre 2006 d'une promesse stipulant une commission de négociation de 10 000 euros au profit de la SARL Arago Immobilier.
M. [P] [D] est gérant de la SCI [Adresse 4] (ci-après dénommées « la SCI ») immatriculée le 10 janvier 2007 au RCS d'Orléans.
La SARL Arago Immobilier a été radiée du RCS le 16 novembre 2016, Mme [N] [Z] [O] en étant liquidateur amiable.
La SARL Arago Immobilier est assurée en responsabilité civile professionnelle par la SA Allianz IARD aux termes d'une police n°48508775 ayant pris effet le 1er janvier 2012.
La SCI a fait procéder à des travaux de rénovation sur l'immeuble par la SARL Technibat domiciliée aux [Localité 15] (Var) selon devis daté du 30 août 2010 d'un montant de 158 539,60 euros TTC.
Par courrier du 2 mars 2011, la SCI s'est plainte auprès de [S] [H] de ce que les travaux réalisés dans l'immeuble auraient révélé d'importants vices de structure ayant conduit à l'arrêt du chantier.
La SCI a fait établir le 14 avril 2011 un rapport d'expertise privé par la société Saretec.
Par actes d'huissier des 30 avril, 4 et 9 mai 2012, la SCI a assigné M. [S] [H] fils, Mme [T] [H] et la SARL Arago Immobilier devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Perpignan aux fins de voir ordonner une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 8 août 2012, le juge des référés a débouté la SCI de sa demande et l'a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Sur appel relevé par la SCI et par arrêt du 14 mars 2013, la cour d'appel de Montpellier a infirmé l'ordonnance de référé du 8 août 2012 et ordonné une mesure d'expertise, confiée à M. [J] [Y].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 novembre 2014.
Par courrier d'avocat du 16 juillet 2015, la SCI a mis en demeure les consorts [H] de l'indemniser à hauteur du préjudice évalué par l'expert judiciaire à 329 284,65 euros TTC.
Par actes d'huissier signifiés respectivement les 5 et 25 février 2016, la SCI a assigné les consorts [H] et la SARL Arago Immobilier aux fins d'obtenir la résolution de la vente et le paiement de diverses indemnités sur le fondement des articles 1648 et suivants, 1134, 1147 et 1382 du code civil.
Par actes d'huissier du 13 mars 2017, la SCI a assigné en intervention forcée la SARL Arago immobilier représentée par sa liquidatrice amiable Mme [Z] [O] ainsi que son assureur de responsabilité civile la SA Allianz IARD.
[S] [H] père est décédé le 12 mars 2018, laissant pour lui succéder ses deux enfants Mme [T] [H] et M. [S] [H] qui sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
' donné acte aux héritiers du défunt [S] [H] de leur intervention volontaire ;
' déclaré irrecevable l'action en garantie des vices cachés exercée par la SCI à l'encontre des consorts [H] ;
' débouté la SCI de ses autres demandes ;
' débouté Mme [Z] [O] et la SA Allianz IARD de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
' condamné la SCI à la moitié des dépens et les consorts [H] à l'autre moitié avec distraction, en ce qui concerne la SCI, au profit de Me Teixidor, avocate ainsi que de la SCP Sagard-Coderch Herre-Justafre-Massot ;
' débouté la SCI et les consorts [H] de leur demande d'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné la SCI à payer 2 500 euros à Mme [Z] [O] et 2 500 à la SA Allianz IARD sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration déposées au greffe le 6 mars 2020, la SCI a relevé appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions n°3 de la SCI [Adresse 4] déposés au greffe le 19 avril 2024 ;
Vu les dernières conclusions n°3 des consorts [H] déposées au greffe le 22 avril 2024 ;
Vu les dernières conclusions de la SARL Arago Immobilier déposées au greffe le 17 juillet 2020 ;
Vu les dernières conclusions n°4 de la SA Allianz IARD déposées au greffe le 22 avril 2024 ;
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 avril 2024.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la procédure d'appel,
Par conclusions déposées le 25 avril 2024, Mme [Z] [O] sollicite le rejet des conclusions déposées le 23 avril 2024 par la SCI alors que l'instruction était clôturée le 24 avril 2024.
Contrairement à la position soutenue par la SCI dans ses conclusions d'incident déposées le 25 avril 2024, ses conclusions n°4 déposées le 24 avril 2024 ne se bornent pas à simplement actualiser à leur date le montant de l'indemnité sollicitée au titre du préjudice locatif et des préjudices annexes.
En effet, ces conclusions n°4 de la SCI s'appuient sur deux nouvelles pièces communiquées (n°43 et 44) pour procéder à un nouveau calcul de deux chefs de préjudice dont le nouveau montant est substantiellement majoré :
' 202 876,63 euros de perte de chance, au lieu de 80 255,29 euros ;
' 209 472,68 euros en préjudice annexe, au lieu de 170 263,29 euros.
Il en résulte que la SARL Arago Immobilier est fondée à soutenir que ces conclusions n°4 ont été déposées tardivement le 23 avril 2024 avant la clôture du 24 avril 2024 et que ce dépôt tardif a porté atteinte au principe du contradictoire à son égard.
Ces conclusions n°4 déposées le 23 avril 2024 par la SCI sont donc écartées des débats et la cour statuera en l'état de ses conclusions n°3 déposées le 19 avril 2024.
Sur l'action en garantie pour vices cachés,
Sur la recevabilité de l'action,
L'article 1648 du code civil dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
En l'espèce, le vice allégué par la SCI réside dans les défauts de structure affectant l'immeuble qu'elle a acheté le 19 mars 2007.
Les consorts [H] ne démontrent pas que la connaissance des vices allégués aurait été acquise par la SCI antérieurement à son courrier de mise en demeure adressé le 2 mars 2011.
Le contenu de ce courrier démontre qu'à cette date la SCI connaissait les vices dans leur intégralité, leur ampleur, leurs causes et conséquences, le rapport d'expertise déposé le 27 novembre 2014 n'ayant pas révélé d'élément déterminant quant à la nature précise et à la gravité des vices cachés allégués.
Cette date du 2 mars 2011 sera donc retenue comme point de départ du délai biennal prévu par l'article 1648 du code civil, étant précisé que ce délai est un délai de prescription susceptible d'être suspendu durant l'exécution d'une mesure d'instruction conformément à l'article 2239 du code civil (Cass. mixte, 21 juillet 2023 n°21-15.809).
En l'espèce, la prescription biennale a été interrompue par l'assignation en référé signifiée le 30 avril 2012 par la SCI aux consorts [H] avec effet jusqu'à la date de l'ordonnance de référé du 8 août 2012 ordonnant l'expertise, et ensuite suspendue à compter du 8 août 2012 jusqu'à la date de remise de son rapport par l'expert judiciaire le 27 novembre 2014.
La SCI est donc fondée à soutenir que son action en garantie des vices cachés, engagée par acte introductif d'instance signifié le 5 février 2016 aux consorts [H], n'est pas prescrite pour avoir été engagée avant expiration du nouveau délai biennal courant depuis le 27 novembre 2014.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en ses dispositions ayant déclaré prescrite l'action en garantie des vices cachés exercée par la SCI contre les consorts [H].
Sur le bien-fondé de l'action,
En l'espèce, la SCI soutient les « travaux de rafraîchissement et de rénovation de l'immeuble » auraient révélé de très nombreux désordres résultant de travaux antérieurs à la vente dont certains auraient été dissimulés.
Les consorts [H] concluent au rejet de cette action en faisant notamment valoir que l'état de vétusté de l'immeuble était apparent, que l'acte de vente du 19 mars 2007 (page 12) stipule une clause de non-garantie des vices cachés et qu'ils n'ont dissimulé aucune information à leur acquéreur sur l'état du bien vendu.
L'article 1641 du code civil dispose :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice allégué, de sa gravité, de son antériorité et de son caractère caché.
Enfin, il résulte de l'article 1643 du code civil que le vendeur ne peut pas invoquer la clause de non-garantie des vices cachés lorsqu'il est de mauvaise foi ou lorsqu'il connaissait l'existence du vice au moment de la vente.
Au cas d'espèce, il ressort des constations de l'expert judiciaire que l'immeuble litigieux a été acquis par la SCI à un prix particulièrement bas (280 euros/m²) aux fins de rénovation complète et que la vétusté de cet immeuble était apparente lors de la vente du 19 mars 2007.
Indépendamment de l'existence contestée de la mention « vendu en l'état - travaux à prévoir » sur le compromis de vente, il est largement établi par les pièces versées aux débats que cette vente portait sur un immeuble vétuste destiné à une opération de rénovation complète par la SCI.
En effet, l'expert judiciaire indique qu'une simple visite révélait l'état de délabrement de l'escalier central dont le limon en bois était complètement déformé.
Les fissures présentes sur les deux meneaux du rez-de-chaussée (désordres n°1 et 2) n'étaient pas apparentes lors de la vente en raison de la présence de cloisons. Mais la simple présence de plâtre à l'intérieur d'une lézarde du premier meneau n'est pas suffisante pour établir la mauvaise foi des vendeurs en l'absence de connaissance de la date, des modalités et des conditions de cette intervention. Il n'est aucunement établi que les consorts [H] auraient eux-mêmes eu connaissance et encore moins réalisé des travaux de reprise sur cette lézarde.
Les désordres n°3, 4 et 5 affectant les planchers des 1er et 2e étages et la cloison du 2e étage décrits par l'expert n'étaient pas apparents et aucun élément du dossier n'établit que les vendeurs en avaient connaissance. Aucune preuve n'est apportée par la SCI que les consorts [H] auraient réalisé des travaux de réparation des planchers leur ayant révélé les vices affectant ces éléments du bâtiment.
L'expert judiciaire précise que la toiture n'est affectée d'aucun vice caché mais présente un défaut de conformité aux règles de l'art.
Aucun élément du dossier n'établit que les consorts [H] ont dissimulé des éléments relatifs à l'état de l'immeuble ni qu'ils ont été informés antérieurement à la vente, notamment par leurs locataires, de désordres affectant le bâtiment.
La cour relève en outre que le désordre généralisé d'effondrement de l'immeuble a été directement provoqué par les travaux de démolition engagés par la SCI au mépris des précautions imposées par une telle opération.
Les consorts [H] ont hérité de ce bien ancien et vétuste et l'ont partiellement loué en dépit de son mauvais état avant de le vendre à un investisseur à un prix que l'expert décrit comme étant le prix du terrain à bâtir vierge ou comprenant un immeuble à démolir, nettement inférieur au prix d'un immeuble permettant une habitabilité sans travaux.
M. [D], cadre bancaire par ailleurs associé et gérant de plusieurs SCI immobilières, n'a pas pu ignorer lors de la visite de l'immeuble litigieux que son état était vétuste et qu'un audit général de la structure était nécessaire avant d'entreprendre son opération de rénovation.
L'ampleur des travaux confiés à la SARL Technibat selon devis du 30 août 2010 d'un montant de 158 539,60 euros TTC rendait nécessaire une étude préalable de la structure de l'immeuble qui n'a manifestement pas été réalisée par le maître de l'ouvrage et son entreprise.
L'expert relève qu'il est anormal que ces travaux de rénovation lourde n'aient pas prévu de réfection des planchers, comme si les ouvrages de structure étaient considérés comme sains, alors que l'ancienneté de l'immeuble et notamment l'inclinaison et les lézardes de la cage d'escalier alertaient fortement l'acquéreur et l'entreprise sur la fragilité de la structure.
Il ressort des investigations de l'expert judiciaire que l'effondrement de l'immeuble a été causé par l'intervention brutale et téméraire de la SARL Technibat qui n'a pas pris les précautions nécessaires avant d'abattre les cloisons et les plafonds en rez-de-chaussée, y compris des étais positionnés pour soutenir la salle de bains d'un appartement du premier étage.
Selon un mécanisme décrit par l'expert comme classique dans les immeubles anciens, la démolition des cloisons et des plafonds en rez-de-chaussée en déclenché un enchaînement de désordres, l'immeuble s'effondrant sur lui-même en raison de la déstabilisation complète de sa structure.
L'expert résume son propose en ces termes (page 33) : « Cet immeuble dont la vétusté était apparente, comportait un système constructif avec des planchers bois lesquels devaient faire l'objet de la plus extrême prudence pour entreprendre des travaux de démolition. »
En effet, le vendeur d'un immeuble en état, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'une indivision profane en matière immobilière, n'est pas en capacité d'informer son acquéreur de l'état précis des éléments de structure ni d'évaluer l'ampleur ni le coût des travaux de confortation à réaliser.
La cour partage donc l'analyse de l'expert judiciaire qui a ainsi conclu ses opérations : « Les consorts [H] n'habitaient pas l'immeuble ; c'est la maman décédée qui s'occupait de la gestion de l'immeuble, lequel avait en effet fait l'objet de travaux de réfection de toiture et de ravalement de façades et de reprises ponctuelles des planchers qui n'étaient manifestement pas visibles et probablement pas connues des consorts [H] ».
Il résulte des précédents développements que les vices affectant l'ensemble de la structure de l'immeuble allégués par la SCI étaient visibles du fait de la vétusté manifeste de l'immeuble pour l'acquéreur.
S'agissant des vices plus précisément dénoncés concernant les meneaux, les cloisons et les planchers, ces vices n'étaient pas connus des vendeurs.
En conséquence, la SCI est déboutée de son action en garantie des vices cachés.
Sur l'action en nullité fondée sur l'erreur,
Sur la recevabilité de l'action,
Le délai de prescription de l'action en nullité en cas d'erreur ne court qu'à partir de la date à laquelle le titulaire de l'action a eu connaissance de l'erreur qu'il invoque au soutien de cette action.
En l'espèce, le contenu du courrier adressé le 2 mars 2011 par la SCI aux consorts [H] démontre qu'à cette date la SCI disposait d'une parfaite connaissance des éléments qu'elle fait valoir pour prétendre démontrer qu'une erreur a vicié son consentement.
L'action en nullité, engagée par la SCI par acte introductif d'instance signifié le 5 février 2016 aux consorts [H], n'est donc pas prescrite pour avoir été engagée avant expiration du délai quinquennal courant depuis le 2 mars 2011.
Sur le bien-fondé de l'action,
L'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Pour constituer un vice du consentement, l'erreur doit être prouvée par la partie qui l'allègue et cette erreur doit être excusable.
La SCI soutient avoir contracté sous l'empire de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue tenant « au caractère habitable de l'immeuble et la nécessité de réaliser de simples travaux d'embellissement et de rénovation, à l'exclusion de tous travaux lourds afférents à la structure ».
La cour adopte expressément les motifs des premiers juges dont elle partage l'analyse quant à l'absence d'erreur sur les qualités substantielles de l'immeuble acheté par la SCI.
En effet, au regard de l'état apparent de l'immeuble tel que l'expert judiciaire le décrit dans son rapport, la SCI n'a pas acheté cet immeuble en croyant qu'il était habitable ou qu'il pouvait le devenir après réalisation de simples travaux d'embellissement.
Bien au contraire, les motifs adoptés du jugement déféré ainsi que les motifs antérieurement exposés dans le présent arrêt établissent que la vétusté de cet immeuble était manifeste et que cette vétusté rendait nécessaire la réalisation d'une étude technique de l'ensemble de sa structure en vue de définir les lourds travaux de rénovation et de confortation indispensables pour le rendre habitable de façon pérenne.
La SCI de démontre donc pas avoir commis une erreur excusable lors de cette acquisition.
Le jugement déféré sera donc confirmé en sa disposition ayant rejeté la demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur commise par la SCI.
Sur l'action de la SCI contre la SARL Arago Immobilier et la SA Allianz IARD,
Le jugement déféré n'a pas statué sur l'action exercée par la SCI contre la SARL Arago Immobilier, représentée par Mme [Z] [O], et son assureur SA Allianz IARD
Sur la recevabilité de l'action,
Concernant la SARL Arago Immobilier,
Le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle contre un agent immobilier pour manquement à son obligation de conseil est régi par l'article 2224 du code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, le point de départ de cette prescription est fixé au 2 mars 2011, date à laquelle les travaux de démolition ont révélé les vices allégués par la SCI sur lesquels cette société se fonde pour prétendre engager la responsabilité de la SARL Arago Immobilier.
L'assignation de la SARL Arago Immobilier devant le tribunal par la SCI étant intervenue le 5 février 2016, cette action n'est pas prescrite.
Concernant la SA Allianz IARD,
L'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable, ne peut être exercée contre l'assureur au-delà de ce délai que tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré.
Il convient pour appliquer cette règle de prendre en compte une éventuelle assignation en référé de l'assuré qui déclenche elle-même la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances (Civ. 3e, 14 septembre 2023 n°22-21.493).
En l'espèce, la prescription de l'action de la SCI contre la SARL Arago Immobilier a couru à partir du 2 mars 2011 et a donc expiré le 2 mars 2016 tandis que la prescription biennale de l'action de la SARL Arago Immobilier contre son assureur la SA Allianz IARD a commencé à courir à compter l'assignation en référé de la société assurée par la SCI le 4 mai 2012 et a donc expiré le 4 mai 2014.
Il résulte des précédents développements que lors de l'assignation de la SA Allianz IARD par la SCI le 14 mars 2017, cette action directe de la victime contre l'assureur était prescrite.
Sur le bien-fondé de la demande contre la SARL Arago Immobilier,
Aux termes d'un rapport complet et documenté dont les principaux éléments sont repris dans les motifs du présent arrêt, l'expert a conclu ainsi (page 48) :
« A notre avis, les désordres n°1, 2, 3, 4, 5 et 6 n'étaient pas décelables de la part d'un professionnel de l'immobilier s'il n'en avait pas connaissance auparavant ».
La SARL Arago Immobilier n'a commis aucun manquement à son devoir d'information à l'égard de la SCI.
Le fait que ce professionnel ait assuré la gestion locative de l'immeuble depuis 1990, ou même depuis 1988 ainsi que le soutient la société appelante, ne lui donnait pas pour autant capacité à connaître l'état précis de la structure de l'immeuble en l'absence de signe de dégradation ou de désordre signalés par les locataires.
La SCI n'est pas fondée à exiger de la SARL Arago Immobilier qu'elle ait procédé à une expertise technique d'un immeuble ancien manifestement vétuste alors qu'une telle étude relevait de la faisabilité du projet de rénovation dont l'acquéreur assume seul la responsabilité.
Toutes les demandes formées par la SCI contre la SARL Arago Immobilier sont donc rejetées à défaut d'une quelconque faute démontrée à son encontre.
Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [Z] [O] et de la SA Allianz IARD contre la SCI pour procédure abusive,
Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus qu'en présence d'une faute caractérisée démontrée à l'encontre de la partie ayant engagé le procès.
Au cas d'espèce, il n'est pas établi par Mme [Z] [O] et la SA Allianz IARD que la SCI, bien que succombante en première instance et en appel, aurait commis une faute ainsi caractérisée.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] [O] et la SA Allianz IARD de leur demande de ce chef.
Sur les demandes accessoires,
Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI [Adresse 4] succombe en toutes ses demandes et doit donc supporter les entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens afférents à l'instance en référé expertise et les frais d'expertise judiciaire.
Au regard des circonstances de l'espèce, l'équité commande en outre de condamner la SCI [Adresse 4] à payer aux consorts [H] les indemnités de 6 000 euros en première instance et 4 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (soit une indemnité totale de 10 000 euros).
La SCI sera condamnée sur le même fondement à payer à la SARL Arago Immobilier et à la SA Allianz IARD à chacune les indemnités de 3 000 euros en première instance et 2 000 euros en cause d'appel (soit 5 000 euros à chacune).
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Ecarte des débats les conclusions n°4 déposées au greffe le 23 avril 2024 par la SCI [Adresse 4] ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf celle ayant rejeté la demande subsidiaire de la SCI d'annulation de la vente pour erreur et de celle ayant rejeté la demande de dommages-intérêts de Mme [Z] [O] et de la SA Allianz IARD ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Déclare recevable l'action engagée par la SCI [Adresse 4] contre M. [S] [H] fils et Mme [T] [H] sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
Déboute la SCI [Adresse 4] de cette action en garantie des vices cachés ;
Déclare l'action engagée par la SCI [Adresse 4] recevable contre la SARL Arago Immobilier et irrecevable contre la SA Allianz IARD ;
Déboute la SCI [Adresse 4] de son action en responsabilité délictuelle contre la SARL Arago Immobilier ;
Condamne la SCI [Adresse 4] à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les dépens afférents à l'instance en référé-expertise et les frais d'expertise judiciaire ;
Condamne la SCI [Adresse 4] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel :
' 10 000 euros à M. [S] [H] et Mme [T] [H] pris ensemble ;
' 5 000 euros à la SARL Arago Immobilier ;
' 5 000 euros à la SA Allianz IARD.