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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 12 septembre 2024, n° 21/04647

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Seitz, M. Gauthier

Avocats :

Me Doyez, SELARL DUREZ AVOCAT

TJ Lyon, 1re ch. cab 01 A, du 13 avr. 20…

13 avril 2021

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

A la recherche d'une parcelle de terrain, afin d'y faire construire une maison d'habitation, M. [C] et M. [Z] (les consorts [C]-[Z]) sont entrés en contact avec M. [F], propriétaire de quatre parcelles situées sur la commune de [Localité 6] (69) et qui avait reçu autorisation de lotir et permis d'aménager par arrêté du 11 mai 2018.

A la suite d'une rencontre sur les lieux, le 10 octobre 2018, les consorts [C]-[Z] ont présenté une offre, concernant le lot n° 2. Le propriétaire n'a pas donné suite à cette offre, et a indiqué que ce lot avait été vendu à un autre couple. Les consorts [C]-[Z] lui ont présenté une autre offre, concernant le lot n° 1, le 6 novembre 2018. Celle-ci n'ayant pas été suivie d'effet, ils ont mis en demeure M. [F], par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 novembre 2018, de prendre attache sous huitaine avec eux, aux fins de fixer une date de signature d'un compromis de vente concernant ce lot, aux conditions fixées par l'offre d'achat émise par eux le 6 novembre 2018.

Considérant que le propriétaire, à défaut d'avoir permis la réalisation de la vente des deux terrains, avait engagé sa responsabilité civile à leur égard, les consorts [C]-[Z] ont, par acte d'huissier de justice du 14 février 2019, fait délivrer une assignation à comparaître à M. [F] devant le tribunal de grande instance - devenu tribunal judiciaire - de Lyon pour qu'il soit condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à leur payer la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts, 2 000 euros au titre de la résistance abusive et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- débouté MM. [C] et [Z] de toutes leurs demandes ;

- débouté M. [F] de sa demande reconventionnelle ;

- condamné MM. [C] et [Z] à payer à M. [F] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les mêmes aux dépens de l'instance est autorisé les avocats qui en font la demande à recouvrer les dépens dont ils ont fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

- débouté du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration transmise au greffe le 26 mai 2021, les consorts [C]-[Z] ont relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, n° 2, déposées le 19 janvier 2022, les consorts [C]-[Z] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes, les a condamnés à verser à M. [F] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens d'instance, outre le prononcé de l'exécution provisoire ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [F] ;

- statuant à nouveau :

- les déclarer recevables et bien-fondés en leurs demandes ;

- à titre principal : constater que M. [F] a engagé sa responsabilité contractuelle pour refus de vendre ;

- à titre subsidiaire : constater que M. [F] a engagé sa responsabilité contractuelle pour rupture abusive des pourparlers ;

- en tout état de cause :

- débouter M. [F] de sa demande reconventionnelle ;

- condamner M. [F] à leur verser la somme de 20'000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis ainsi que celle de 5 000 euros au titre de la résistance abusive ;

- condamner M. [F] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens, y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcée, distraits au profit de Me Durez, avocat, sur son affirmation de droit.

Dans ses conclusions déposées le 22 octobre 2021, M. [F] demande à la cour de :

- dire et juger que les discussions entre lui et les consorts [C] [Z] portant sur l'acquisition des lots numéro 1 et 2 étaient de simples négociations précontractuelles ;

- dire et juger qu'il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité civile ;

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle ;

- statuant à nouveau, condamner les consorts [C] et [Z] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral au titre de l'abus de droit ;

- en tout état de cause, condamner la même à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de M. [F] pour refus de vente

À titre infirmatif, les consorts [C] [Z], au visa des articles 1114, 1115, 1121 et 1583 du code civil, considèrent qu'ils ont obtenu la préréservation du lot numéro deux, mise à la vente par M. [F], en juin 2018, ce qui ressort des échanges de messages téléphoniques intervenus entre les parties. Ils précisent avoir présenté une offre écrite le 10 octobre 2018 (concernant la parcelle n° 2), dès qu'ils ont eu connaissance du prix.

Ils font valoir que le vendeur n'a pas donné suite à leur offre et a modifié l'offre initiale par augmentation du prix, alors même que l'offre de vente qu'ils avaient faites constituait était ferme et avait reçu acceptation de leur part, ce qui rendait la vente parfaite.

Ils observent que l'offre d'achat supérieure concernant ce même lot, adressée par les époux [J], ne précisait pas l'identification du bien immobilier et ne peut être considérée comme une offre d'achat régulière.

Ils estiment que le vendeur a voulu, comme dans une vente aux enchères, retenir l'acquéreur le plus offrant et selon toute vraisemblance, qu'il ne souhaitait pas vendre aux appelants en raison de leur orientation sexuelle, ce qui constituait le véritable motif de son refus. Ils relèvent le temps, trop réduit, qui leur a été laissé par le vendeur pour pouvoir formuler une contre-offre plus avantageuse que celle des époux [J].

Par ailleurs, ils indiquent que le vendeur n'a pas donné de suite à l'offre d'achat que les appelants lui ont adressé le 26 octobre 2018 pour l'autre lot en vente (parcelle n° 1), au prix de 275 000 euros. Ils précisent que le vendeur a par la suite publié une offre de vente concernant ce même lot sur un site internet d'annonces, à un prix supérieur de 290 000 euros et, ce, alors qu'ils avaient adressé au vendeur une nouvelle offre au prix, par lettre recommandée, à laquelle il n'a pas été donné suite par le vendeur. Ils indiquent que celui-ci a retiré l'annonce, pour la faire reparaître quelques jours plus tard.

Ils indiquent avoir adressé cinq offres d'acquisition, qui ont donné lieu à des refus, sans motif légitime ou sont restés sans réponse de la part du vendeur.

Ils en déduisent que celui-ci, qui écrit dans ses conclusions l'attention qu'il a portée au choix des acquéreurs, qui devaient devenir ses voisins, a manifesté une véritable intention de les évincer de l'acquisition de ses terrains, ce qui traduit un comportement discriminatoire.

À titre confirmatif, l'intimé indique que les appelants l'ont contacté en juin 2018 alors que le lot numéro deux n'était pas commercialisé puisque le terrain devait être viabilisé et que le prix du bien n'était pas fixé. Il conteste tout accord de réservation en pré-commercialisation de ce lot, comme pouvant résulter des échanges entre les parties.

Il indique qu'il n'a pas approuvé la proposition d'achat formulée le 10 octobre 2018 en raison des conditions suspensives indiquées par les offrants et, ce, dès lors qu'il n'avait pas encore formulé la moindre offre de vente. Il estime en effet avoir communiqué loyalement aux appelants le prix de vente du lot numéro deux mais sans former la moindre offre de vente.

Il considère que les appelants ont fait preuve d'obstination afin d'acheter le plus rapidement possible, pour écarter toute concurrence malgré une offre moins compétitive.

Il indique que le 17 octobre 2018, les époux [J] lui ont adressé une offre d'achat d'un montant supérieur (310 000 euros) et sans condition suspensive. Il précise qu'il a alors avisé les appelants de cette offre, pour leur permettre de former une contre-proposition. Il fait valoir que les appelants n'ont alors demandé aucun délai pour étudier cette possibilité.

Il approuve le tribunal d'avoir retenu que, en présence d'une réserve à l'offre ou d'une demande de modification de celle-ci par l'acceptant, celui-ci a présenté une contre-proposition qui n'est pas susceptible de réaliser la formation du contrat.

Concernant le lot numéro un, il indique que les appelants ont, dans un premier temps fait preuve de désintérêt à l'égard de ce terrain. Il considère que, puisqu'il n'a manifesté aucune volonté d'être engagé à la suite de la proposition d'achat de ce lot pour un prix de 290'000 euros, les demandeurs ne pouvaient croire que la vente était conclue, alors qu'ils étaient informés que la question de l'absence de conditions suspensives était essentielle pour lui. Il fait ainsi valoir qu'il n'entendait pas être lié par une offre d'achat au prix, particulièrement si elle était assortie de multiples conditions suspensives, sans avoir à étudier d'autres propositions concurrentes, ce qui exclut par voie de conséquence la formation d'un contrat de vente.

Il en déduit l'absence d'engagement contractuel de sa part, soulignant n'avoir jamais laissé entendre aux appelants que la vente était acquise à leur profit et les avoir même invités à la prudence. Il indique que M. [Z] est agent immobilier de profession.

Sur ce,

Selon l'article 1114 du code civil, l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Il résulte des éléments du dossier et, particulièrement des écritures des appelants, que ce n'est que quelques jours avant la rencontre intervenue le 10 octobre 2018 entre les parties (avec la présence du beau-frère de l'intimé, M. [M]) que l'intimé leur a communiqué le prix qu'il attendait de la parcelle n° [Cadastre 1] (soit 300 000 euros).

Dès lors, il ne saurait être retenu que, précédemment à cette communication du prix, dès lors intervenue dans le courant du mois d'octobre 2018, l'intimé ait pu formuler une offre de vente à laquelle il aurait pu être tenu ou aurait pu être tenu contractuellement.

Il ne peut en outre être considéré que les appelants aient pu bénéficier, comme ils le soutiennent d'une « préréservation » dès juillet 2018, ce qui ne saurait résulter de la teneur des échanges des messages téléphoniques dont ils excipent (pièce n° 1), insuffisamment probants, notamment en raison de leur teneur et de leur absence de date précise. Il sera en outre relevé que ces échanges se sont pour l'essentiel et alors tenus entre les appelants et le beau-frère du vendeur et non celui-ci directement.

En revanche, puisque les parties se sont retrouvées le 10 octobre 2018 sur le lieu de la parcelle, il doit être considéré qu'à la suite de cette réunion la nature, l'emplacement et le prix de la parcelle étaient alors connus et que les éléments essentiels du contrat étaient déterminés. Il est au demeurant constant que le vendeur était alors informé du grand intérêt que portaient les appelants à l'acquisition de la parcelle. En acceptant de leur faire visiter le bien dans ces circonstances, il avait dès lors passé le cap de simples pourparlers ou d'invitations à discuter.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intimé, il résulte des circonstances susvisées que celui-ci a manifesté lors de cette réunion son intention de conclure un contrat en cas d'acceptation de son offre, à laquelle les appelants ont répondu en formulant - immédiatement - une offre d'acquisition correspondant à la pièce n° 2 qu'ils versent à leur dossier.

Toutefois, il est constant que l'offre d'acquisition des appelants, si elle était formulée au prix indiqué par le vendeur (300 000 euros), était assortie de différentes conditions suspensives sans que soit établi par les appelants que l'offre de vente puisse comporter un accord, implicite ou explicite, à de telles conditions, étant rappelé que le silence ne vaut pas acceptation, selon l'article 1120 du code civil.

En outre, il ne résulte d'aucun élément de la cause, et particulièrement de l'acceptation par le vendeur de l'offre des époux [J], telle qu'elle figure dans le dossier, que le vendeur ait accepté par la suite une offre d'acquisition sous condition.

En cet état, les appelants ne peuvent discuter à l'intimé son droit de ne pas accepter des conditions suspensives qu'ils entendaient imposer à la transaction.

Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1118, alinéa 3, du code civil, selon lesquelles l'acceptation de l'offre non conforme à l'offre est dépourvue d'effet, sauf à constituer une offre nouvelle, il ne saurait être considéré que l'intimé ait accepté l'offre litigieuse des appelants et qu'un contrat ait été conclu.

A défaut d'acceptation de l'offre d'achat, aucune conséquence ne peut être tirée des dispositions de l'article 1583 du code civil.

Les moyens invoqués par les appelants, concernant les conditions dans lesquelles l'intimé a finalement vendu cette parcelle, à un prix supérieur, à des tiers (les époux [J]), sont ainsi inopérants à l'égard de la responsabilité contractuelle du l'intimé, puisqu'il ne peut être déduit de ce qui précède la conclusion d'une convention entre les parties au moment où cette vente est intervenue ou, même, la persistance de l'offre de vente du bien à l'égard des vendeurs.

Aucune responsabilité de l'intimé ne saurait être retenue de ce chef.

Les appelants invoquent par ailleurs la responsabilité du vendeur à raison d'une offre de vente publique diffusée par M. [F] sur internet, concernant une autre des parcelles dont il était propriétaire, pour laquelle il lui ont adressé une offre d'achat le 6 novembre 2018.

L'intimé reconnaît avoir fait publier une annonce pour le lot n° 1, pour un prix de 290 000 euros, mais il ne la produit pas et en conteste la portée, comme étant dépourvue selon lui de toute volonté de s'engager.

Le document produit par les consorts [C]-[Z] (leur pièce n° 4) vise en son premier feuillet deux annonces (aux prix de 360 000 et 290 000 euros), diffusées, pour la seconde, le « 27 octobre ». Toutefois, ce document ne peut être daté précisément (l'année n'étant pas indiquée) et les annonces se bornent à indiquer la commune de situation du bien ainsi que le prix de celui-ci.

En son second feuillet, ce document comporte une description plus précise d'un bien immobilier, en l'occurrence d'un terrain viabilisé, mais ces éléments se rattachent à une annonce dont la date, indiquée, est le 3 novembre 2018, et qui ne comporte pas d'indication de prix.

En l'état des documents produits, il ne peut être établi de corrélation certaine entre ces deux feuillets et entre ceux-ci et l'offre d'acquisition adressée par les appelants le 6 novembre 2018.

En présence de la contestation par le propriétaire du sens et de la portée de l'annonce qu'il reconnaît avoir fait paraître, ce document ne permet pas à la cour de s'assurer du contenu de l'annonce critiquée par les appelants et, ainsi, d'en apprécier la portée juridique. Notamment, l'identité de l'auteur des annonces n'est pas précisée et il ne peut être déterminé si elles comportaient les éléments essentiels du contrat, au sens de l'article 1114 du code civil susvisé, si elle devaient être considérées comme caractérisant l'intention du vendeur d'accepter une offre d'acquisition et, encore, si elles doivent être considérées comme une offre de vente faite au public.

Il convient en outre de relever que ce seul document produit par les appelants ne permet pas d'établir, comme ils le soutiennent, que l'annonce publiée sur internet ait été diffusée, retirée puis de nouveau diffusée.

Dans ces conditions, la cour ne peut tirer aucune conséquence juridique des offres d'acquisition concernant la parcelle n° 1, qu'ils ont formulé par courriel les 27 octobre 2018 (pièce n° 16 de l'intimé) et 6 novembre 2018 (pièce n° 5 des appelants), qui ne peuvent être rattachées à aucune offre de vente caractérisée.

Il sera noté que les appelants indiquent avoir adressé une offre d'acquisition par lettre recommandée mais qu'ils ne la produisent pas (ils se réfèrent dans leurs conclusions à leur pièce n° 6 qui correspond à une mise en demeure par lettre simple).

Au vu de ce qui précède, aucune conséquence ne peut être tirée de l'annonce qu'à fait paraître l'intimé et de l'absence de réponse par celui-ci aux offres d'acquisition formulées par les appelants.

Dans ces conditions, il ne saurait être déduit que l'intimé a engagé sa responsabilité, à raison du défaut de suite donnée aux offres d'acquisition adressées par les appelants.

Le jugement ne pourra qu'être confirmé à cet égard.

Sur la rupture abusive des pourparlers

À titre infirmatif, et subsidiaire, les appelants soutiennent que, à défaut d'admettre que des offres de vente aient été émises par l'intimé, les échanges entre les parties constituaient des pourparlers qui ont été rompus abusivement par le vendeur, qui a manqué à son obligation de loyauté dans la négociation.

À titre confirmatif, l'intimé soutient que de simples pourparlers étaient intervenus entre les parties, qu'il était libre de rompre, et écarte toute discrimination de sa part.

Il soutient avoir été abasourdi par la mise en demeure qui lui a été adressée le 19 novembre 2018 par le conseil des appelants, lui commandant de leur vendre le lot numéro un sous peine de poursuites judiciaires. Il en a déduit l'impossibilité de poursuivre les négociations précontractuelles, d'autant qu'il était directement et injustement accusé de propos homophobes. Ainsi il écarte tout caractère fautif à la rupture des pourparlers.

Sur ce,

En conséquence de ce qui précède, et comme le prévoit l'article 1114 du code civil, hors l'offre de vente qui résultait de la réunion du 10 octobre 2018, les autres actes de l'intimé visant à la vente de deux parcelles doivent être considérés comme de simples invitations à négocier, soit des pourparlers. La responsabilité extracontractuelle des parties ne peut alors être retenue qu'en cas de faute commise dans les négociations, soit notamment en cas de rupture abusive, comme en dispose l'article 1112 du code civil.

A cet égard, il ne ressort d'aucune des circonstances qui peuvent être objectivement constatées dans ce dossier, ci-dessus relevées, ni des pièces produites à l'appui de leurs demandes par les appelants, que le vendeur aurait refusé de poursuivre les relations contractuelles avec les appelants en raison de leur orientation sexuelle ou, plus largement, ait fait preuve d'un comportement déloyal durant ces échanges.

A cet égard, l'intimé justifie suffisamment d'avoir tenu les appelants informés de l'évolution de la situation durant ces pourparlers (les invitant à attendre qu'il puisse se prononcer sur le prix de l'acquisition : pièce n° 7 ; de l'existence et de la teneur d'offre de tiers, postérieurement à son refus de donner suite à l'offre d'acquisition sous conditions suspensives présentées par les appelants : pièce n° 11 ; de ce qu'il entendait prendre le temps de la réflexion pour la vente de la parcelle n° 1 : pièces n° 15 et 16 ; de ce que les acquéreurs devaient prendre en considération d'autres options : pièce n° 16).

Surabondamment, il convient en outre de relever que l'intimé confirme qu'il entendait conserver la propriété d'un terrain mitoyen et qu'il a porté une attention particulière à cette vente dans la mesure où les acquéreurs allaient devenir ses voisins.

Or, la lettre adressée par les appelants à l'intimé le 24 octobre 2018 consécutivement à l'absence de suite donnée à leur première proposition d'achat qui, indépendamment du caractère fondé ou non de la teneur de ce document (au demeurant et pour l'essentiel démentie par la présente décision), adoptait un ton, que l'on pourrait qualifier de comminatoire et procédurier, qui permettait à l'intimé de raisonnablement douter de la qualité future des relations qu'il serait susceptible d'entretenir avec eux, en qualité de voisins. Ce constat peut être réitéré en ce qui concerne la mise en demeure par avocat adressée le 19 novembre 2018 (pièce n° 6 des appelants)

Dès lors, il sera retenu que l'intimé n'a pas engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard des appelants.

Toute discussion concernant la réalité du préjudice invoqué ou son caractère indemnisable est, dès lors, surabondante.

Sur la demande reconventionnelle de l'intimé

À titre infirmatif, l'intimé estime que les appelants ne pouvaient douter de la nature juridique des discussions intervenues entre eux, qui étaient de simples pourparlers et alors que M. [Z] est un professionnel de l'immobilier.

L'action engagée par les appelants étant manifestement infondée et abusive et l'accusation d'homophobie étant calomnieuse, l'intimé considère qu'il a été porté atteinte à son honneur et à sa considération, ce qui lui a causé un préjudice moral pour lequel il sollicite l'allocation de la somme de 5 000 euros.

À titre confirmatif, les appelants contestent avoir commis une quelconque faute dans l'exercice de leur droit d'agir en justice.

La cour rappelle que le droit d'agir en justice ne peut engager la responsabilité civile délictuelle de celui qui engage le recours que s'il est établi par son adversaire que cette action a été menée dans des circonstances qui la rendent fautive.

Si ce caractère fautif ne peut résulter seulement du mal fondé des demandes, il doit être relevé en l'espèce que les appelants ont soutenu que l'absence d'acceptation de leurs offres d'acquisition par l'intimé résulte pour l'essentiel de ce que celui-ci n'aurait pas souhaité avoir comme voisin un couple homosexuel.

Or, cette assertion, dont les implications peuvent être graves puisqu'elles dépassent le seul cadre des acquisitions immobilières litigieuses, et bien que réitérées dans les écritures et même évoquées dans les lettres adressées à l'intimé avant l'engagement de la procédure judiciaire, ne reposent sur aucun élément objectif.

Il a été retenu précédemment que le refus par l'intimé des propositions d'acquisition formulées par les appelants ne pouvait être considéré comme fautif, sur le plan du droit des obligations.

L'accusation injustifiée de discrimination à raison de l'orientation sexuelle des appelants a, dans ces conditions, un caractère manifestement attentatoire à l'honneur et la réputation de l'intimé et, comme servant de support aux demandes des appelants, elle confère aux recours judiciaires de ceux-ci un caractère fautif qui justifie l'indemnisation du préjudice moral qui en découle, en raison de la nature des faits reprochables.

Les appelants seront ainsi condamnés à payer à l'intimé la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera ainsi infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Les appelants, qui perdent en leur recours, supporteront les dépens d'appel.

Par ailleurs, l'équité commande de les condamner à payer à l'intimé la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes des parties ou leurs demandes plus amples et contraires ;

L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau :

Condamne MM. [C] et [Z] à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral en raison du caractère abusif de leurs recours ;

Y AJOUTANT,

Condamne MM. [C] et [Z] à supporter les dépens d'appel ;

Condamne MM. [C] et [Z] à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette leur demande au titre des frais irrépétibles ;