Livv
Décisions

CA Metz, 3e ch., 12 septembre 2024, n° 23/00526

METZ

Autre

Autre

CA Metz n° 23/00526

12 septembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/00526 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F5NE

Minute n° 24/00244

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

C/

[Y], [Y] NÉE [G]

Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection de Metz, décision attaquée en date du 02 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 116-20-346

COUR D'APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE - TI

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 1]

Représentée par Me Nathalie ROCHE-DUDEK, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Francis DEFFRENNES, avocat plaidant au barreau de LILLE

INTIMÉS :

Monsieur [U] [Y]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nastassia WAGNER, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Samuel HABIB, avocat plaidant au barreau de PARIS

Madame [O] [Y] née [G]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nastassia WAGNER, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Samuel HABIB, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller

M. KOEHL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme BAJEUX, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE':

Le 19 septembre 2017, M. [U] [Y] a signé un bon de commande avec la SAS SVH Energie pour la vente et l'installation de panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique pour un montant de 32.081 euros et le même jour, il a contracté auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance sous l'enseigne Cetelem un crédit affecté du même montant, remboursable en 144 mensualités de 297,67 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,70'%.

Par actes d'huissier des 24 et 27 avril 2020, M. [Y] et Mme [O] [G] épouse [Y] ont fait assigner la SA BNP Paribas Personal Finance et la SAS GSE Integration devant le juge des contentieux de la protection de Metz.

Par jugement avant dire droit du 12 janvier 2022, le juge les a invités à conclure sur la recevabilité des demandes à l'encontre de la SAS GSE Integration et éventuellement mettre en cause le liquidateur de la SAS SVH Energie.

Au dernier état de la procédure, M. et Mme [Y] ont demandé au juge de déclarer recevable leur demande à l'encontre de la SAS GSE Integration, prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, ordonner à la banque de leur rembourser les sommes versées et à titre subsidiaire des dommages et intérêts pour négligence fautive, à titre infiniment subsidiaire prononcer la déchéance du droit aux intérêts, en tout état de cause condamner in solidum les défenderesses à leur verser des dommages et intérêts et la SAS GSE Integration les frais de désinstallation, à titre infiniment subsidiaire dire et juger qu'ils devront reprendre le paiement des mensualités du prêt.

La SA BNP Paribas Personal Finance s'est opposée aux demandes et a demandé au juge d'ordonner à M. [Y] de poursuivre le règlement des échéances du prêt, à titre subsidiaire le condamner à lui rembourser le montant du capital prêté déduction faite des échéances payées, subsidiairement une fraction du capital, et condamner la SAS GSE Integration à le garantir du remboursement du capital prêté à son profit.

La SAS GSE Integration a demandé au juge de déclarer irrecevable les demandes à son encontre.

Par jugement réputé contradictoire du 2 septembre 2022, le juge a :

- déclaré l'instance interrompue à l'encontre de la SAS SVH Energie

- débouté M. et Mme [Y] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la SAS GSE Integration

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts du contrat de prêt souscrit le 19 septembre 2017 par les demandeurs auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance

- en conséquence dit qu'ils devront poursuivre le règlement du prêt d'un montant de 32.081 euros selon le tableau d'amortissement du 6 juillet 2020 jusqu'à concurrence de ce montant

- condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

- débouté la SAS GSE Integration de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties de toute autre demande.

Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 27 février 2023, la SA BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du contrat de prêt souscrit le 19 septembre 2017, dit que M. et Mme [Y] devront poursuivre le règlement du prêt d'un montant de 32.081 euros selon le tableau d'amortissement du 6 juillet 2020 jusqu'à concurrence de ce montant et l'a condamnée à leur payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 octobre 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- débouter M. et Mme [Y] de l'intégralité de leurs prétentions, notamment celle tendant au paiement de la somme de 7.500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive

- dire et juger n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts à son encontre

- ordonner en conséquence à M. [Y] de poursuivre le règlement des échéances du prêt entre ses mains conformément aux stipulations du contrat de crédit affecté selon offre préalable acceptée le 19 septembre 2017 et ce jusqu'à parfait paiement

- condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens y compris ceux d'appel, dont distraction au profit de Me Nathalie Roche-Dudek.

L'appelante expose que le montant total dû par l'emprunteur est expressément indiqué sur la première page de l'offre de crédit affecté, avec précision du nombre d'échéances, du montant par échéance et du montant total, qu'elle justifie de la consultation du FICP pour M. [Y], seul emprunteur, que la seule obligation du prêteur est de justifier de cette consultation sans formalisme particulier et que la consultation a été faite le 28 décembre 2018, soit avant la délivrance des fonds du 29 décembre 2018. Elle en déduit qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts et que l'emprunteur doit reprendre le règlement des échéances du prêt selon le contrat initial. Enfin elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive aux motifs qu'il n'est démontré aucune intention de nuire, mauvaise foi ou abus de droit, ni aucun préjudice.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 19 juillet 2023, M. et Mme [Y] demandent à la cour de confirmer le jugement, débouter la SA BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes et la condamner à leur verser les sommes de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Au visa des articles L.312-28 et R.312-10 du code de la consommation, ils exposent que le coût total du crédit ne figure pas sur l'exemplaire emprunteur qui leur a été remis et que les mentions ajoutées a posteriori sur l'exemplaire de la banque ne couvrent pas les carences de leur exemplaire. Ils ajoutent, au visa l'article L.312-16 du code de la consommation, que l'appelante ne justifie pas avoir consulté le FICP avant l'octroi du crédit et que le justificatif de consultation est daté du 28 décembre 2018, soit plus d'un an après l'acceptation du crédit datée du 28 septembre 2017, concluant à la confirmation du jugement. Enfin, ils sollicitent des dommages et intérêts pour appel abusif, alors que l'enjeu est limité à la déchéance du droit aux intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Selon l'article L. 312-18 du code de la consommation dans sa version issue de la loi n°2016-301 du 1er juillet 2016, applicable au litige, l'offre de contrat de crédit est établie par écrit ou sur un autre support durable et est remise ou adressée en autant d'exemplaires que de parties. Il résulte des articles L. 312-28 et R. 312-10 2° du même code, que l'encadré inséré au début du contrat de crédit informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit et doit notamment indiquer en caractère plus apparents que le reste du contrat, le montant total du crédit. Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées notamment par les articles L. 312-18 et L. 312-28 est déchu du droit aux intérêts.

En l'espèce, les intimés produisent en original l'exemplaire emprunteur de l'offre de crédit signée le 19 septembre 2017 entre M. [Y] et la SA BNP Paribas Personal Finance et la FIPEN signée le même jour et le premier juge a exactement dit que sur ces exemplaires remis à l'emprunteur, le montant total du crédit ne figure pas. En effet la mention 'MONTANT TOTAL DU PAR L'EMPRUNTEUR.......... euros' n'a pas été complétée et le coût total du crédit n'est indiqué à aucun endroit du contrat. Si l'appelante produit une copie de son exemplaire prêteur sur lequel le montant total de 42.864,48 euros est indiqué dans la case prévue, cet élément est insuffisant à démontrer que l'emprunteur a été informé du coût total du crédit alors qu'il démontre que son exemplaire est vierge de toute indication sur ce point. De la même manière, la seule indication du nombre d'échéances et du montant par échéance est insuffisante à justifier du respect des dispositions légales alors qu'en l'absence de mention du montant total du crédit, l'emprunteur ne pouvait pas immédiatement et clairement appréhender l'étendue de son engagement sans procéder à des calculs, ce qui est contraire à la loi.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA BNP Paribas Personal Finance et a dit que M. et Mme [Y] devront poursuivre le règlement du prêt d'un montant de 32.081 euros selon le tableau d'amortissement du 6 juillet 2020 jusqu'à parfait règlement.

Sur les dommages et intérêts

L'exercice d'une action ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, l'appréciation inexacte que l'une des parties fait de ses droits ne constituant pas une faute susceptible d'engager sa responsabilité à ce titre. Par ailleurs la simple affirmation du caractère abusif de la demande ne peut suppléer la nécessaire démonstration et justification du préjudice allégué.

En l'espèce, M. et Mme [Y] ne démontrent par aucune pièce que l'appelante aurait agi abusivement en contestant la décision de première instance et doivent être déboutés de leur demande d'indemnisation.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles sont confirmées.

La SA BNP Paribas Personal Finance, partie perdante, devra supporter les dépens d'appel. L'article 699 du code de procédure civile n'étant pas applicable dans le département de Moselle, il n'y a pas lieu à distraction des dépens au profit de Me Roche-Dudek.

Il est équitable que l'appelante soit condamnée à verser aux intimés la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a'prononcé la déchéance du droit aux intérêts du contrat de prêt souscrit le 19 septembre 2017 par M. [U] [Y] et Mme [O] [G] épouse [Y] auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance, en conséquence dit qu'ils devront poursuivre le règlement du prêt d'un montant de 32.081 euros selon le tableau d'amortissement du 6 juillet 2020 jusqu'à concurrence de ce montant et condamné la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [U] [Y] et Mme [O] [G] épouse [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [U] [Y] et Mme [O] [G] épouse [Y] de leur demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel, sans distraction des dépens ;

DEBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à verser à M. [U] [Y] et Mme [O] [G] épouse [Y] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT