CA Lyon, 6e ch., 12 septembre 2024, n° 22/01999
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Époux
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), Jérôme Allais (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Doat
Conseillers :
Mme Allais, Mme Robin
Avocats :
Me Boudier, Me Leboucher, Me Goncalves
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [Y] [X] et Mme [T] [E] épouse [X] ont commandé le 14 avril 2017 à la société Ecorenove, exerçant sous la dénomination Energie Habitat, la fourniture, la pose et la mise en service d'une installation aérothermique moyennant le prix de 29.900 euros toutes taxes comprises.
Le même jour, M. et Mme [X] ont accepté une offre préalable de prêt d'un montant de 29.900 euros consentie par la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNP), exerçant sous l'enseigne Cetelem, afin de financer en totalité le contrat de vente susvisé, le capital prêté étant remboursable au taux d'intérêt de 3,83 % l'an sur une durée de 185 mois, avec un différé de remboursement pendant les 6 premiers mois.
Le 18 mai 2017, M. [X] a signé une fiche d'installation conforme à la commande et a autorisé Ia société BNP à procéder au déblocage des fonds au profit du vendeur.
Par lettres recommandées du 2 mars 2018 adressées respectivement aux sociétés Ecorenove et BNP, M. et Mme [X] ont demandé l'annulation du contrat susvisé, au motif que celui-ci ne respectait pas les dispositions du code de la consommation, ainsi que le remboursement immédiat des sommes versées au titre de ce contrat, ce que ni la société Ecorenove ni la société BNP n'ont accepté.
Par lettre recommandée envoyée le 9 avril 2018 à la société Ecorenove, M. et Mme [X] ont exercé leur droit de rétractation, arguant de ce qu'ils pouvaient encore s'en prévaloir en raison de mentions inopposables et inexactes du bon de commande quant au délai de rétractation. Ils ont informé le même jour la société BNP de l'exercice de leur droit de rétractation.
Par actes d'huissier de justice des 29 et 30 mai 2018, M. et Mme [X] ont fait assigner la société Ecorenove et la société BNP devant le tribunal d'instance de Lyon.
Par acte d'huissier de justice du 16 juillet 2020, ils ont fait assigner en intervention forcée la société Jérôme Allais, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove.
Dans le dernier état de la procédure, M. et Mme [X] sollicitaient de voir :
- à titre principal, constater la caducité du contrat et de l'avenant conclu avec la société Ecorenove, du fait de l'exercice de leur droit à rétractation, et consécutivement la nullité du contrat de crédit affecté,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des contrats susvisés et à titre très subsidiaire prononcer la résolution des mêmes contrats,
en tout état de cause,
- condamner la société BNP à leur restituer toutes les sommes qu'ils avaient d'ores et déjà versées au titre du prêt et priver celle-ci, en raison de la faute qui lui était imputable, de tout droit à remboursement à leur encontre s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Ecorenove ; à défaut, fixer à la somme de 29.900 euros leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove outre la somme de 2.000 euros au titre d'un préjudice moral et priver la société BNP du droit aux intérêts,
- condamner solidairement la société Jérôme Allais, ès-qualités, et la société BNP à prendre en charge le coût des travaux de remise en état.
La société BNP a conclu au rejet de l'ensemble des demandes de M. et Mme [X]. Elle a sollicité reconventionnellement de voir prononcer la déchéance du terme du prêt et condamner solidairement ceux-ci à lui payer la somme de 32.486,19 euros au titre du solde du prêt outre intérêts au taux contractuel de 3,83 % l'an.
La société Jérôme Allais, ès-qualités, n'a pas comparu.
Par jugement du 28 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon, devenu compétent pour connaître du litige, a :
- constaté que M. et Mme [X] avaient régulièrement exercé leur droit de rétractation par lettre recommandée en date du 9 avril 2018,
- constaté en conséquence l'anéantissement du contrat de fourniture et de pose d'un 'Pack'System' souscrit auprès de la société Ecorenove selon bon de commande du 14 avril 2017,
- constaté que le contrat de crédit affecté au financement de ce 'Pack'System', consenti selon offre préalable acceptée le 14 avril 2017 par la société BNP, était annulé de plein droit,
- rejeté la demande de M. et Mme [X] tendant à voir condamner in solidum les sociétés défenderesses à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation 'Pack'System' et de remise en état,
- ordonné à la société Jérôme Allais, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove, de récupérer, à ses frais, les matériaux installés chez M. et Mme [X] et de procéder, à ses frais, à une remise en état du toit, en proposant à ce dernier par lettre recommandée au moins 3 dates de rendez-vous, et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision,
- dit que la société BNP devait rembourser à M. et Mme [X] la somme de 1.253,69 euros représentant les échéances de remboursement du prêt dont ils s'étaient acquittés,
- dit que M. et Mme [X] devaient rembourser à la société BNP la somme de 29.900 euros représentant le capital prêté,
- ordonné la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties,
- condamné solidairement M. et Mme [X] à payer à la société BNP la somme de 28.646,31 euros,
vu l'absence de déclaration de créances régularisée par M. et Mme [X] au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove,
- déclaré M. et Mme [X] irrecevables en leurs demandes subsidiaires de fixation de deux créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecorenove,
- condamné la société Jérôme Allais, ès-qualités, à payer à M. et Mme [X] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres et plus amples demandes des parties,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner d'office l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la société Jérôme Allais, ès-qualités, aux dépens.
Par déclaration du 15 mars 2022, M. et Mme [X] ont interjeté appel du jugement, sauf en ses dispositions afférentes aux dépens et en ce que ce jugement a constaté l'anéantissement du contrat de fourniture et de pose d'un Pack'System' du 14 avril 2017 à la suite de l'exercice régulier de leur droit de rétractation par lettre recommandée du 9 avril 2018, constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté, ordonné la reprise à ses frais par la société Jérôme Allais, ès-qualités, de l'installation selon les modalités précisées dans le dispositif du jugement, condamné la société Jérôme Allais, ès-qualités, à leur payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 13 mars 2023 à la société BNP et dont le dispositif a été signifié en même temps que leurs conclusions n°2 le 14 décembre 2022 à la société Jérôme Allais, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove, M. et Mme [X] demandent à la Cour de :
- à titre principal, infirmer le jugement dans les limites de leur appel,
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour ne prononçait pas la caducité du contrat de vente signé entre la société Ecorenove et eux, ordonner la nullité du contrat de vente au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile et la nullité consécutive du contrat de prêt affecté,
- condamner la société BNP à leur restituer toutes sommes d'ores et déjà versées au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 8.801,59 euros au mois de novembre 2020, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir et en fonction des échéances payées,
- priver la société BNP de fait de tout droit à remboursement à leur encontre s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Ecorenove en raison de la faute commise par l'organisme de crédit,
- fixer leur créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecorenove à hauteur de la somme de 5.896 euros selon devis de dépôt et de remise en état,
si par extraordinaire la faute de l'établissement de crédit n'était pas retenue,
- fixer à la somme de 29.900 euros leur créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecorenove outre la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral,
- priver rétroactivement la société BNP de son droit aux intérêts,
en toutes hypothèses :
- condamner solidairement la société Jérôme Allais, ès-qualités, et la société BNP à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 15 septembre 2022 à M. et Mme [X] et signifiées le 21 septembre 2022 à la société Jérôme Allais, Ia société BNP demande à la Cour, de :
à titre principal et reconventionnel,
- dire et juger (juger) que M. et Mme [X] ne pouvaient pas valablement exercer leur droit de rétractation, de sorte que le contrat de vente n'est pas caduc,
- juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,
- juger que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiés et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution de contrat,
- juger que M. et Mme [X] ne peuvent plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats, de sorte que l'action est irrecevable en application de l'article 1182 du code civil,
- juger que la société BNP n'a commis aucune faute,
en conséquence,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- prononcer la déchéance du terme,
- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui payer la somme de 32.486,19 euros outre intérêts contractuels de 3,83% à compter du 3 mars 2018,
à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait confirmée,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait confirmée et une faute des établissements de crédit retenue,
- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- fixer sa créance au passif de la société Ecorenove à la somme de 29.900 euros au titre du capital perdu,
en tout état de cause,
- condamner solidairement M. et Mme [X] à payer à la société BNP une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [X] aux entiers dépens.
La société Jérôme Allais, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
La déclaration d'appel ayant été signifiée le 22 avril 2022 à la personne de la société Jérôme Allais, la présente décision sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Les contrats de vente et de prêt ayant été conclus le 14 avril 2017, les articles du code de la consommation visés ci-après s'entendent dans leur rédaction applicable à cette date.
sur la rétractation du contrat principal :
Aux termes de l'article L.221-18 du code de la consommation, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
L'article L.221-20 du même code précise que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 7° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.
Les parties sont d'accord pour reconnaître que le contrat conclu le 14 avril 2017 entre la société Ecorenove et les époux [X] est un contrat de vente. Aussi, contrairement à ce que soutient la société BNP, le délai de rétractation de M. et Mme [X] expirait quatorze jours à compter de la livraison du matériel commandé et non du jour de la commande comme mentionné à tort dans les conditions générales du contrat de vente et dans le bordereau de rétractation annexé à ce contrat. M. et Mme [X] n'ont donc pas été informés correctement des modalités de rétractation du contrat de vente conformément à l'article L.221-5 2° du code de la consommation, de telle sorte qu'ils disposaient en application des articles L.221-19 et L.221-20 du même code d'un délai de 12 mois à compter du 19 mai 2017 pour exercer leur droit de rétractation. La lettre de rétractation des époux [X] ayant été envoyée le 19 avril 2018 à la société Ecorenove dans le délai susvisé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que M. et Mme [X] avaient valablement exercé leur droit de rétractation et constaté en conséquence l'anéantissement du contrat conclu le 14 avril 2017 entre les époux [X] et la société Ecorenove.
sur le sort du contrat de crédit affecté :
Le contrat de vente conclu entre la société Ecorenove et les époux [X] ayant été valablement rétracté, le contrat de crédit destiné à financer ce contrat est résilié de plein droit en application de l'article L.312-54 du code de la consommation. Le jugement sera confirmé sur ce point.
sur les conséquences de l'anéantissement des contrats :
Compte tenu de l'anéantissement des contrats de vente et de crédit, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient antérieurement à ces contrats.
quant au contrat de vente :
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a ordonné à la société Jérôme Allais, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ecorenove, de récupérer, à ses frais, les matériaux installés chez M. et Mme [X] et de procéder, à ses frais, à une remise en état du toit selon les modalités fixées dans son dispositif. Il sera confirmé sur ce point.
M. et Mme [X] sollicitent en cause d'appel de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove leur créance au titre des frais de dépose et de remise en état à la somme de 5.896 euros. Toutefois, M. et Mme [X] ne justifient pas avoir déclaré la créance considérée au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove. Il convient de déclarer leur demande irrecevable.
quant au contrat de crédit :
Compte tenu de la résiliation de plein droit du contrat de prêt, M. et Mme [X] n'ont plus aucune obligation de paiement de celui-ci. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société BNP aux fins de voir prononcer la déchéance du terme et condamner les époux [X] à lui payer la somme totale de 32.846,19 euros outre intérêts contractuels de 3,83 % l'an à compter du 3 mars 2018.
Si M. et Mme [X] soutiennent avoir payé les échéances du prêt jusqu'au mois de novembre 2020 à hauteur de la somme totale de 8.801,59 euros, ils ne justifient pas avoir réglé d'autres échéances que celles retenues dans le décompte du prêteur arrêté au 31 janvier 2019. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société BNP à payer à M. et Mme [X] la somme de 1.253,69 euros en remboursement des échéances déjà acquittées.
Il incombe également aux emprunteurs de restituer le capital prêté, sauf à démontrer une faute du prêteur leur ayant causé un préjudice pour échapper à cette restitution en tout ou partie.
M. et Mme [X] font valoir que :
- la société BNP a commis de multiples fautes contractuelles :
elle a libéré prématurément les fonds le 2 juin 2017 alors que leur droit de rétractation n'était pas expiré et que les démarches administratives obligatoires n'étaient pas achevées ; l'attestation de livraison relative uniquement à la pompe à chaleur n'était pas suffisante pour que le prêteur considère que la société Ecorenove avait exécuté l'ensemble des prestations à sa charge,
elle a remis les fonds alors qu'elle ne pouvait ignorer la nullité du bon de commande, résultant des éléments suivants : pas de détail des caractéristiques techniques, pas d'indication du délai d'exécution, erreur sur les modalités de rétractation, formulaire de rétractation non conforme,
elle a manqué à ses obligations en optant pour un crédit à la consommation plutôt qu'un prêt immobilier plus avantageux et en n'ayant pas été suffisamment vigilante quant au choix de son partenaire commercial, ne justifiant pas notamment de la formation de ce partenaire en matière de crédit,
- ces fautes lui ont causé un préjudice équivalent à la créance de restitution de la société BNP.
La société BNP réplique que :
- elle n'était pas tenue de vérifier la régularité du bon de commande en raison de l'effet relatif des contrats,
- l'attestation de fin de travaux signée par M. et Mme [X] était suffisante pour lui permettre de débloquer les fonds,
- le crédit consenti, inférieur à 75.000 euros, était destiné à financer un contrat de vente et non de louage d'ouvrage, de telle sorte qu'il n'avait pas la nature d'un prêt immobilier.
Les fautes reprochées à la société BNP quant à la nature du contrat de prêt conclu ou quant à la vérification de la formation de l'intermédiaire de crédit ne sont pas de nature à avoir participé à l'annulation de plein droit du contrat de prêt et ne sont donc pas des fautes susceptibles de permettre à M. et Mme [X] d'échapper à la restitution du capital prêté.
En revanche, compte tenu de l'interdépendance existant entre le contrat de vente et le contrat de crédit affecté, il incombait au prêteur nonobstant l'effet relatif des contrats, de s'assurer de la régularité du contrat de vente au regard des dispositions du code de la consommation quant au démarchage à domicile ainsi que de vérifier l'exécution complète du contrat principal avant de libérer les fonds prêtés.
Or, le bon de commande fait état de quatre marques possibles pour les panneaux photovoltaïques, de deux modèles différents pour les micro-onduleurs, de deux marques possibles pour le système de régulation centrale et de monitoring du chauffage solaire et ne donne aucune information quant aux caractéristiques de la pompe à chaleur mentionnée dans le bon de commande sous le terme "Pac'System". En conséquence, le bon de commande ne permet pas de connaître les caractéristiques essentielles des biens commandés.
Par ailleurs, le bon de commande indique "délai prévu: 4 à 12 semaines à compter de la prise de cotes par le technicien et l'encaissement de l'acompte ou l'accord définitif de la société de financement". Dès lors, le délai d'exécution du contrat de vente est imprécis, le point de départ de ce délai pouvant correspondre à deux dates différentes et étant laissé pour le premier à la discrétion du vendeur. Le bon de commande n'est donc pas non plus suffisamment renseigné quant au délai d'exécution du contrat.
Enfin, le bon de commande fait état dans l'article 3-3 des conditions générales ainsi que dans le formulaire de rétractation d'un délai de rétractation de 14 jours à partir de la commande alors que le point de départ de ce délai était de 14 jours à compter de la réception du bien. Il contient dès lors des informations erronées quant au délai de rétractation.
Aussi, le bon de commande est affecté de nombreuses irrégularités de nature à entraîner la nullité du contrat de vente au regard des articles L.221-9, L.221-5 et L.111-1 du code de la consommation et la société BNP a commis une faute en débloquant les fonds, nonobstant ces causes d'irrégularités.
Le fait que M. [X] ait signé une fiche d'installation le 18 mai 2017 aux termes de laquelle il reconnaissait que le matériel livré était conforme à la commande et ait autorisé Ia société BNP à procéder au déblocage des fonds au profit du vendeur ne suffit pas à établir qu'il ait agi en connaissance de cause et exprimé la volonté expresse et non équivoque de couvrir les irrégularités du bon de commande alors qu'il ne pouvait appréhender celles-ci en qualité de simple consommateur.
Par ailleurs, la société BNP a débloqué les fonds le 2 juin 2017, soit après la fiche d'installation conforme signée le 18 mai 2017 par M. [X] et le visa le 23 mai 2017 par le Consuel de l'attestation de conformité de l'installation. Or, eu égard au court délai dans lequel le déblocage des fonds est intervenu, celui-ci a été réalisé avant le raccordement de l'installation au réseau électrique. En outre, la société BNP ne démontre pas que l'installation commandée a fait l'objet d'une déclaration préalable de travaux auprès de la mairie, alors qu'une telle déclaration incombait à la société Ecorenove dans le cadre du contrat de vente. La société BNP a donc également commis une faute en débloquant prématurément les fonds avant l'exécution complète du contrat.
Compte tenu de la liquidation judiciaire de la société venderesse, M. et Mme [X], à qui le matériel vendu n'appartient plus, devront procéder à la dépose du matériel installé à leurs frais. En outre, ils ne peuvent plus récupérer le prix de vente du matériel considéré, débloqué irrégulièrement par le prêteur.
Aussi, les fautes commises par la société BNP dans le cadre du déblocage des fonds ont causé un préjudice aux emprunteurs équivalent au capital emprunté, soit la somme de 29.900 euros. La société BNP sera privée du droit à restitution du capital prêté en réparation du préjudice subi par M. et Mme [X] et le jugement infirmé sur ce point.
sur les autres demandes :
Si la société BNP fait état d'une déclaration de créance du 17 avril 2020 entre les mains de la société Jérôme Allais, ès-qualités, à hauteur de la somme de 29.900 euros à titre chirographaire, elle ne justifie pas de la réception de cette déclaration par le liquidateur judiciaire. Aussi, il convient de déclarer irrecevable sa demande afin de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove à hauteur de la somme de 29.900 euros correspondant au capital perdu, à défaut de preuve d'une déclaration de créance régulière.
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. La société BNP sera condamnée aux dépens d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera condamnée à payer aux époux [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme déjà allouée par le jugement d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement,sauf en ce qu'il a :
dit que M. et Mme [X] devaient rembourser à la société BNP la somme de 29.900 euros représentant le capital prêté,
ordonné la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties,
condamné solidairement M. et Mme [X] à payer à la société BNP la somme de 28.646,31 euros,
déclaré M. et Mme [X] irrecevables en leurs demandes subsidiaires de fixation de deux créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Ecorenove ;
L'infirme de ces chefs ;
STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT,
Déclare irrecevable la demande formée par M. et Mme [X] en cause d'appel afin de voir fixer à la somme de 5.896 euros leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove selon devis de dépose et de remise en état ;
Dit qu'en raison de la faute commise par la société BNP, celle-ci sera privée de son droit à restitution du capital prêté à l'égard de M. et Mme [X] ;
Déclare irrecevable la demande de la société BNP afin de voir fixer à la somme de 29.900 euros sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Ecorenove ;
Condamne la société BNP aux dépens d'appel ;
Condamne la société BNP à payer à M. et Mme [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette les autres demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;