CA Limoges, ch. soc., 12 septembre 2024, n° 23/00639
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Zerda Arda (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pugnet
Conseillers :
Mme Voisin, Mme Chaumond
Avocats :
Me Dancie, Me Ghounbaj
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé établi le 29 février 2000, M. [V] [I] a donné bail à Mme [W] [E] épouse [L] des locaux à usage commercial de restauration rapide, sis [Adresse 2] à [Localité 3], moyennant un loyer annuel révisable de 48 000 Francs outre une provision mensuelle sur charges de 200 Francs, le loyer étant révisable selon l'indice INSEE du coût de la construction .
Par acte notarié du 24 avril 2017, Mme [W] [E] épouse [L] et son époux M. [M] [L] ont cédé à l'EURL ZERDA ARDA, représentée par Mme [U] [B], leur fonds de commerce de restauration rapide incluant le droit au bail ci-dessus énoncé.
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Par assignation délivrée le 23 février 2018, M. [I] a saisi le tribunal de grande instance de Limoges aux fins de voir :
- condamner Mme [W] [E] épouse [L] à lui payer des arriérés de loyers à hauteur de 36 768,89 € arrêtés au mois de mars 2017 ;
- ordonner sous astreinte à cette dernière de libérer la cave de l'immeuble loué et la condamner à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle au titre de l'occupation de cette cave à hauteur de 400 € par mois jusqu'à libération ;
- ordonner sous astreinte à Mme [L] de déposer l'extracteur d'air qu'elle a fait édifier sur Ie mur porteur, ainsi qu'à remettre en état les lieux à ses frais.
Par jugement rendu le 21 mars 2019, le tribunal de grande instance de Limoges a:
- condamné Mme [W] [E] épouse [L] à payer à M. [I] la somme de 17 621,95 € au titre des arriérés de loyers ;
- ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [Y] [D] visant à déterminer si la pose de l'extracteur d'air avait été réalisée dans les règles de l'art et, le cas échéant, décrire les malfaçons et chiffrer le coût des réparations ;
- sursis à statuer sur les autres demandes ;
- constaté l'occupation sans droit ni titre de la cave par Mme [L], mais a débouté M. [I] de sa demande visant à ordonner à cette dernière de la libérer sous astreinte et de sa demande d'indemnité d'occupation ;
- débouté les parties de leur demande de dommages et intérêts.
Par arrêt rendu le 21 décembre 2020, la cour d'appeI de Limoges a confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance le 21 mars 2019, sauf en ce qui concerne la condamnation à paiement des loyers impayés. Sur ce point, la cour d'appel a dit la clause d'indexation contractuelle du loyer non valide, débouté M. [I] de sa demande en paiement d'un arriéré de loyer et l'a condamné à payer à Mme [L] la somme de 2 861,74 € au titre du trop-perçu à ce titre.
Par ordonnance de référé rendue le 26 mai 2021 par le président du tribunal judicaire de Limoges, les opérations d'expertise ont été déclarées opposables à l'EURL ZERDA ARDA.
M. [D], expert judiciaire, a déposé son rapport le 22 novembre 2022.
Par acte d'huissier délivré le 27 avril 2023, M. [I] a fait assigner l'EURL ZERDA ARDA en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Limoges au regard de l'acte de cession du fonds de commerce du 24 avril 2017.
Il demandait au tribunal de :
- ordonner la jonction avec la procédure engagée par assignation du 23 février 2018;
- condamner solidairement Mme [L] et l'EURL ZERDA ARDA à lui payer la somme de 23'184 € en réparation du préjudice subi au titre de l'installation de l'extracteur d'air ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à lui payer une indemnité de 400 € par mois pour l'occupation sans droit ni titre de la cave avec effet rétroactif sur les cinq dernières années ;
- condamner solidairement Mme [L] et l'EURL ZERDA ARDA à lui payer la somme de 3 500 € en réparation du préjudice subi au titre du déplacement du groupe froid.
Le 10 février 2023, M. [I] a fait délivrer à l'EURL ZERDA ARDA un commandement d'exécuter des obligations de faire visant la clause résolutoire de plein droit du bail commercial, sous le délai d'un mois à compter de la délivrance du commandement:
'
Justifier de la réparation visant à garantir l'étanchéité de l'extracteur afin de protéger la charpente ;
Justifier du ramonage des conduits d'évacuation annuel depuis le 24 avril 2017 ;
Justifier de ces ramonages annuels par le fumiste de M. [I] ;
Effectuer les travaux de mise en conformité de l'alimentation électrique de la tourelle avec un câble CR1 résistant au feu issu directement du TGBT sous la surveillance de l'architecte de M. [I] et en justifier auprès de celui-ci ;
Poser un grillage anti-volatile au niveau de l'extracteur sous la surveillance de l'architecte de M. [I] et en justifier auprès de celui-ci ;
Poser un équipement de protection mécanique des pâles de l'extracteur et en justifier auprès de M. [I] ;
Vidanger et curer les corps gras présents dans les caves et issus du bac à graisse ;
S'assurer qu'aucune odeur n'émane des caves du fait de l'utilisation de celles-ci par l'EURL ZERDA ARDA ;
Evacuer tous cartons, déchets, détritus, poubelles, contenants et plus largement, tout objet entreposé par l'EURL ZERDA ARDA dans la cour, au rez-de -chaussée de l'immeuble, les caves et toutes les autres parties communes de l'immeuble de M. [I] ;
Justifier de l'état de fonctionnement du systeme d'évacuation des eaux usées et du bac à graisse ;
Justifier, le cas échéant, de l'autorisation de déverser les eaux usées autres que domestiques dans les égouts publics ;
Transférer le bac à graisse dans les locaux loués ;
Démonter toutes les canalisations d'évacuation des eaux usées présentes dans les caves sous la surveillance de l'architecte de M. [I] ;
Remettre le systeme d'évacuation des eaux usées dans l'état ou il se trouvait en 2000 sous la surveillance de l'architecte de M. [I];
Justifier de tous les travaux effectués dans le local entre 2021 et 2022 ;
Justifier de l'accord expres et par écrit du bailleur pour l'exécution de ces travaux conformément aux dispositions du bail ;
Justifier de tout document démontrant que la réalisation des travaux d'installation de la tourelle d'extraction a été effectuée sous la surveillance de l'architecte de M. [I] ;
Evacuer les caves de tous les objets, matériels, détritus, déchets par l'EURL ZERDA ARDA, y compris les blocs réfrigerants et la chambre froide ;
Transférer le groupe réfrigerant dans les locaux loués.'
Par acte du même jour, M. [I] a également fait délivrer à l'EURL ZERDA ARDA un commandement de payer les loyers dûs sur la période du 1er mars 2019 au 31 janvier 2023 pour un montant de 5 659,20 €, ce dans le délai d'un mois à compter du commandement, à défaut de quoi le bail serait résilié de plein droit.
Le 14 mars 2023, M. [I] a fait établir un procès-verbal de constat par commissaire de justice tendant à établir l'inexécution par l'EURL ZERDA ARDA de ses obligations contractuelles visées par le commandement du 10 février 2023.
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Par assignation délivrée le 27 avril 2023, M. [I] a saisi en référé le président du tribunal judiciaire de Limoges afin de voir :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial à la date du 10 mars 2023 ;
- ordonner l'expulsion de l'EURL ZERDA ARDA et de tous occupants de son chef ;
- faire constater et estimer les réparations locatives par un commissaire de justice, assisté le cas échéant, de tout technicien permettant de chiffrer les réparations locatives, ce sous astreinte ;
- ordonner la mise sous séquestre des effets mobiliers de l'EURL ZERDA ARDA à titre de sûreté des loyers échus, charges locatives, restitutions et réparations ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à verser à M. [I] une provision de 120 € par mois à titre de frais de garde-meubles ;
- condamner sous astreinte l'EURL ZERDA à évacuer la cour, le rez-de-chaussée et les caves de tous cartons, déchets, poubelles et contenants ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à lui payer une provision de 5 000 € en cas d'inexécution de cette évacuation dans les 30 jours de la signification de l'ordonnance, ce afin de faire réaliser cette prestation par tout professionnel ;
- condamner l'EURL ZERDA à curer, désinfecter et nettoyer la cave dans les 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à lui payer une provision de 5 000 € en cas d'inexécution dans les 30 jours de la signification de l'ordonnance, ce pour faire réaliser le curage, la désinfection et le nettoyage de la cave par un professionnel ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à lui payer une provision de 26 460,25 € pour la dépose et le remplacement du système d'extraction ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à faire déposer tout le matériel installé dans la cave et à faire remettre en état les installations correspondantes, ce sous astreinte passé un délai de 8 jours ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à lui payer, en cas d'inexécution sous 30 jours, une provision d'un montant de 10'000 € pour remise en état par un professionnel ;
- fixer l'indemnité d'occupation due par l'EURL ZERDA ARDA à la somme de 40 € par jour et la condamner à lui payer une provision de 3 600 € à ce titre ;
- condamner l'EURL ZERDA ARDA à lui payer la somme de 5 072,64 € au titre des arriérés de loyers dus jusqu'au 31 janvier 2023.
Par ordonnance de référé rendue le 19 juillet 2023, la présidente du tribunal judiciaire de Limoges a dit n'y avoir pas lieu à référé et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond, en considérant que les commandements délivrés par M. [I] le 10 février 2023, fondements de l'assignation en constatation de la clause résolutoire, portaient sur des obligations qui sont l'objet d'un procès au fond, actuellement pendant devant le tribunal judiciaire de Limoges, et sérieusement contestées et contestables.
Le 11 août 2023, M. [I] a interjeté appel de cette ordonnance devant la chambre civile de la cour d'appel de Limoges.
Par arrêt du 7 février 2024, la cour d'appel de Limoges en sa chambre civile a renvoyé l'affaire devant la chambre économique et sociale de la même cour.
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Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 novembre 2023, M. [V] [I] demande à la cour de :
Le recevoir M. [I] en son appel et l'y déclarer bien fondé ;
Constater l'irrecevabilité des conclusions de l'EURL ZERDA ARDA ;
Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
Constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail de l'EURL ZERDA ARDA au 10 mars 2023 ;
En conséquence :
Ordonner l'expulsion de l'EURL ZERDA ARDA et de tous occupants et biens de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique ;
Ordonner la remise des clés concomitamment ;
Autoriser M. [I] à faire constater et estimer les réparations locatives par tout commissaire de justice de son choix, assisté le cas échéant, de tout technicien permettant de chiffrer les réparations locatives, sous astreinte d'un montant de 400€ par jour de retard, 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir;
Ordonner la mise sous séquestre de tous les effets mobiliers de l'EURL ZERDA ARDA à titre de sûreté pour les loyers échus, charges locatives, restitutions et réparations ;
Condamner l'EURL ZERDA ARDA à verser à M. [I] une provision de 120 € par mois à titre de frais de garde-meubles ;
Condamner l'EURL ZERDA à évacuer la cour, le rez-de-chaussée et les caves de tous cartons, déchets, poubelles et contenants et plus généralement de tous les détritus qui s'y trouvent, dans les 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'un montant de 100 € par jour de retard ;
À défaut, autoriser M. [I] à faire réaliser cette prestation par tout professionnel de son choix aux frais de la société ZERDA ARDA ;
Condamner l'EURL ZERDA à curer, désinfecter et nettoyer la cave dans les 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'un montant de 100 € par jour de retard ;
À défaut, autoriser M. [I] à faire réaliser ces prestations par tout professionnel de son choix, aux frais de l'EURL ZERDA ;
Condamner l'EURL ZERDA ARDA à payer une indemnité d'occupation provisionnelle à M. [I] d'un montant de 40 € par jour de retard à compter du 10 mars 2023, outre les intérêts au taux légal ;
Débouter l'EURL ZERDA ARDA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
Condamner l'EURL ZERDA ARDA à payer à M. [I] la somme provisionnelle de 4 259,60 € à titre d'arriérés de loyers et 3 391,28 € au titre de l'indexation sur ces loyers de retard, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 février 2023 pour les loyers jusqu'au 31 janvier 2023 et à compter de la date de l'assignation pour les loyers postérieurs au commandement de payer ;
Condamner l'EURL ZERDA ARDA à payer à M. [I] la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC au titre de la procédure de première instance et 5 000 € sur le même fondement au titre de la procédure d'appel;
Condamner l'EURL ZERDA ARDA à payer à M. [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de commandement et d'huissier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Frédéric CUIF de la SARL DESCARTES AVOCATS pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
M. [I] soutient à titre liminaire que les conclusions déposées par l'EURL ZERDA ARDA le 3 novembre 2023 ne sont pas recevables en application des dispositions de l'article 960 du code de procédure civile, en ce que leur chapeau ne contient pas les mentions obligatoires.
Il conteste le grief à lui fait d'avoir multiplier les procédures de mauvaise foi, car le litige au fond est dirigé exclusivement contre Mme [L], la société ZERDA ARDA n'y ayant été attraite que le 27 avril 2023, alors que son action en référé est dirigée uniquement contre cette société. De plus, il a fait délivrer les deux commandements du 10 février 2023 en toute bonne foi. En outre, les demandes formées en référé, en expulsion de la société ZERDA ARDA, sont distinctes de celles formées au fond en réparation de son préjudice.
Sur les conditions du référé, il soutient justifier de l'urgence de sa demande en raison de la dangerosité de l'installation, de l'absence de contestation sérieuse et de l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué notamment par l'occupation des locaux par la société ZERDA ARDA sans droit ni titre.
Il soutient que la résiliation du bail est acquise de plein droit en application de la clause résolutoire et des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce au vu des manquements à ses obligations de la société ZERDA ARDA constatés par procès-verbal de commissaire de justice du 14 mars 2023 et au vu des impayés de loyers.
Enfin, la demande de dommages et intérêts formée par la société ZERDA ARDA n'est pas fondée car elle ne démontre pas qu'il ait commis une faute ayant dégénéré en abus.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 février 2024, l'EURL ZERDA ARDA demande à la cour de :
A titre principal et in limine litis,
Juger que la fin de non-recevoir soulevée par M. [I] est inopérante et sans objet;
Sur le fond,
Confirmer les dispositions de l'ordonnance du juge des référés en date du 19 juillet 2023 en ce qu'elles ont jugé n'y avoir lieu à référé et renvoyé M. [I] à mieux se pourvoir ;
Confirmer les dispositions de l'ordonnance du juge des référés en date du 19 juillet 2023 qui ont condamné M. [I] à payer à l'EURL ZERDA ARDA la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux dépens ;
En conséquence,
Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. [I] ;
Juger n'y avoir lieu à référé ;
Renvoyer M. [I] à mieux se pourvoir ;
Condamner M. [I] à payer à l'EURL ZERDA ARDA la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux dépens ;
Statuant à nouveau,
Réformer les dispositions de l'ordonnance de référé du 19 juillet 2023 en ce qu'elles ont débouté la société ZERDA ARDA de sa demande de paiement d'une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice né de l'abus de droit d'agir ;
En conséquence,
Condamner M. [I] au paiement d'une somme de 1 000 € à la société ZERDA ARDA en réparation du préjudice né de l'abus de droit d'agir ;
Y ajoutant,
Condamner M. [I] au paiement au profit de la SARL ZERDA ARDA de la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre liminaire, la société ZERDA ARDA soutient avoir rectifié le chapeau de ses conclusions du 3 novembre 2023 par nouvelles conclusions déposées le 19 février 2024, ce qui régularise la fin de non-recevoir en application des dispositions de l'article 961 du code de procédure civile.
En ce qui concerne la prétendue inexécution de ses obligations issues du bail, elle soutient que le commandement de faire délivré par M. [I] vise des demandes déjà faites à l'encontre de Mme [L] dès 2018, qui ne sont pas urgentes et qui font l'objet d'une procédure toujours pendante au fond devant le tribunal judiciaire de Limoges avec expertise judiciaire.
La mauvaise foi du bailleur est caractérisée en ce qu'il a agi en référé en plus de son action au fond, et en ce qu'il dit fallacieusement avoir agi seulement contre Mme [L] au fond, alors qu'il a appelé en cause la société ZERDA ARDA pour lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise.
Elle considère que le montant sollicité dans le commandement de payer les loyers est imprécis, en faisant notamment valoir que la clause d'indexation contractuelle du bail a été jugée non valide par arrêt de la cour d'appel de Limoges du 21 décembre 2020, ce qui heurte la demande en paiement à l'autorité de la chose jugée.
Les demandes de M. [I] sont donc sérieusement contestées et contestables, dans leur objet et leur montant, et il n'existe aucun trouble manifestement illicite.
L'acharnement de M. [I] constitue un abus de droit de procédure, en ce qu'il agit dans un esprit de revanche contre elle et sa gérante.
SUR CE,
- Sur la recevabilité des conclusions déposées par l'EURL ZERDA ARDA
Conformément aux dispositions de l'article 961 alinéa 1er du code de procédure civile, l'EURL ZERDA ARDA a régularisé, par conclusions déposées les 28 décembre 2023 et le 19 février 2024, les mentions requises par l'article 960 du code de procédure civile qui affectaient ses conclusions déposées le 3 novembre 2023.
Ses dernières conclusions étant conformes aux dispositions de l'article 960 du code de procédure civile, elles sont recevables.
- Sur l'acquisition de la clause résolutoire
L'article 834 du code de procédure civile dispose que 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend'.
L'article L 145-41 du code de commerce prévoit que : 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai'.
La clause résolutoire du bail commercial ne peut être mise en 'uvre que de bonne foi et que pour une violation d'une stipulation expresse du bail.
L'article 7 du bail du 29 février 2000 prévoit que 'Il est expressément convenu qu'à défaut de paiement à son échéance de tout ou partie d'un seul terme de loyer, des charges ou accessoires y compris les frais de commandement, comme en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du présent bail et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécution demeurée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, qu'il y ait préjudice ou non pour ce dernier et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire.
Si le locataire se refusait à quitter les lieux, il suffirait pour l'y contraindre d'une simple ordonnance de référé'.
1) Sur la demande de M. [I] tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire fondée sur un manquement de l'EURL ZERDA ARDA à ses obligations de faire
M. [I] ayant saisi le juge des référés pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, sa demande ne doit pas faire l'objet de contestation sérieuse.
Le commandement à l'EURL ZERDA ARDA d'exécuter des obligations de faire, délivré le 10 février 2023 et visant la clause résolutoire, fait état de différents manquements reprochés à cette dernière.
Or, comme souligné par le premier juge, sont visés à ce commandement des manquements à l'article 6 du bail commercial en ses paragraphes 3, 6, 8, 11 et 19, tout comme dans l'assignation délivrée au fond par M. [I] contre l'EURL ZERDA ARDA le 27 avril 2023 devant le tribunal judiciaire de Limoges après expertise de M. [D] en date du 22 novembre 2022, l'EURL ZERDA venant aux droits de Mme [L].
Ainsi, les points concernant l'extracteur énoncés aux paragraphes n° 3, 5, 9 du commandement font l'objet de cette assignation au fond.
De même, le paragraphe n° 9 du commandement visant la question de l'installation du système réfrigérant dans la cave est l'objet de la même assignation au fond. De plus, la question de l'occupation illicite de la cave par l'EURL ZERDA ARDA est contestée.
Par ailleurs, l'expert judiciaire n'a pas noté d'urgence à réparation concernant ces deux points dans son rapport d'expertise du 22 novembre 2022 qui concluait, à cette date, à une absence d'impropriété à destination et d'atteinte à la solidité de l'ouvrage (page 27 et 28), étant d'avis que 'Les désordres techniques rencontrés dans cette expertise sont remédiables et globalement 'mineurs' (page 28). De plus, en septembre 2021, l'extracteur a été nettoyé par la société TECHNET, si bien qu'une réparation partielle a eu lieu (facture du 17 septembre 2021).
Il s'agit là en tout état de cause de questions complexes, susceptibles de contestations sérieuses, comme le démontrent le rapport d'expertise et la délivrance par M. [I] lui-même d'une assignation au fond à ce sujet.
Concernant l'obligation d'effectuer le ramonage visé au paragraphe 4 du commandement, Mme [U] [K], gérante de l'EURL ZERDA ARDA, a indiqué dans le procès-verbal de constat du 14 mars 2023 y avoir procédé en 2020 et 2021, ce qui constitue également une contestation sérieuse.
En ce qui concerne l'écoulement d'un liquide graisseux par la canalisation d'évacuation des eaux usées (paragraphe 5 du commandement), Mme [U] [K], ès qualités de gérante, a répondu dans le procès-verbal de constat du 14 mars 2023 qu'elle avait vidangé et curé les corps gras présents dans les caves issus du bac à graisse en décembre 2022 et qu'un professionnel avait mis un produit pour éviter les odeurs (paragraphe 6 du commandement). De plus, le commandement indique que le corps gras s'échappe d'une perforation de la canalisation, ce qui peut laisser penser que ce désordre ressort des grosses réparations à la charge du bailleur visées à l'article 606 du code civil.
Sur ce point, la contestation est encore sérieuse et l'urgence non caractérisée.
En ce qui concerne la présence de cartons d'emballage, bidons et autres déchets dans la cour commune, Mme [U] [K], ès qualités de gérante, a répondu dans le procès-verbal de constat du 14 mars 2023 que ce sont les locataires de l'immeuble qui entreposent des déchets. L'EURL ZERDA ARDA soutient dans ses conclusions qu'il n'existe pas de local à poubelles dans l'immeuble, faisant valoir encore une contestation sérieuse.
De même, aucune urgence n'est caractérisée.
En ce qui concerne la réalisation de travaux sans l'autorisation expresse du bailleur (paragraphe 8 du commandement), ils ne sont pas visés précisément et ils sont manifestement sujets à contestation sérieuse, la gérante de l'EURL ZERDA ARDA indiquant dans le procès-verbal de constat qu'elle a obtenu l'accord de M. [I] pour réaliser des travaux de carrelage et changer la hotte de place. De plus, dans ses conclusions, l'EURL ZERDA ARDA fait valoir qu'elle a obtenu les autorisations nécessaires concernant l'extracteur d'air, sous le contrôle d'un maître d'oeuvre. En tout état de cause , cet extracteur fait l'objet de l'assignation au fond délivrée le 27 avril 2023.
Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments que les manquements à obligation de faire visés par le commandement du 10 février 2023 sont sujets à contestations sérieuses, faisant l'objet, pour la plupart, de l'assignation au fond du 27 avril 2023, ce qui induit qu'il ne peut pas être statué en référé à leur sujet.
De plus, l'urgence n'est pas caractérisée.
M. [I] doit donc être débouté de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire pour manquement de l'EURL ZERDA ARDA à obligations de faire.
2) Sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers
Le commandement de payer visant la clause résolutoire de plein droit délivré le 10 février 2023 est particulièrement incertain sur le montant des sommes dues par l'EURL ZERDA ARDA dans la mesure où :
' l'article 2 du bail commercial du 29 février 2000 prévoyait un loyer annuel de 48'000 francs, non compris la TVA, les charges et les accessoires ;
' l'acte de cession du fonds de commerce du 24 avril 2017 mentionne en page 5 au sujet du montant du loyer du bail commercial que 'Le cédant déclare régler comme loyer mensuel actuel 766,66 € + TVA et charges, soit 971 euros charges et tva comprises, avec une provision sur charges de 39 euros comprises.
Toutefois, Monsieur [I], à ce intervenant estime que le loyer mensuel hors TVA et charges qui lui est dû est de 1 066,02 euros, ce dont le cessionnaire déclare avoir été averti par le bailleur.
Le bailleur et le cessionnaire feront, dans le cadre du renouvellement du bail leur affaire du calcul précis du loyer mensuel' ; il existe donc une incertitude sur le montant du loyer ;
en outre, le Notaire rédacteur de la'contrainte a noté des divergences entre deux copies du bail au sujet de la cave incluse ou non dans le bail et et sur l'année de référence de l'index de révision ;
' M. [I] a adressé une lettre à l'EURL ZERDA ARDA en date du 6 février 2023 'afin de compléter le commandement de payer' dans laquelle il lui indique que le loyer est révisé sur la base de l'ILC ;
' pour autant, le commandement de payer vise l'article 3 du bail commercial sur la révision du prix du loyer, c'est à dire une révision sur la base de l'indice du coût de la construction (ILC seulement à compter du 1er mars 2023), clause jugée invalide définitivement par la cour d'appel de Limoges dans son arrêt du 21 décembre 2020, ce qui cause encore une incertitude sur l'évaluation du montant du loyer.
En conséquence, l'obligation à paiement des loyers de l'EURL ZERDA ARDA est sérieusement contestable au moins dans son quantum. Il ne peut donc pas être statué en référé.
M. [I] doit être débouté de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire de ce chef, ainsi que de sa demande de condamnation à paiement de l'EURL ZERDA ARDA à hauteur de 4 259,60 € au titre des arriérés de loyers et 3 391,28€ au titre de l'indexation sur les loyers de retard, avec les accessoires.
Aussi, il doit également être débouté de ses demandes tendant à voir ordonner l'expulsion de l'EURL ZERDA ARDA et de tous occupants de son chef des lieux loués, ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation.
- Sur les autres demandes
L'article 835 du code de procédure civile dispose que : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.
Au vu des motifs ci-dessus énoncés, M. [I] ne rapporte pas la preuve d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite :
- causé par un manquement de l'EURL ZERDA ARDA à son obligation de réparation locative, nécessitant d'autoriser ce dernier à faire constater et estimer les réparations locatives sous astreinte ;
- ou causé par un manquement de l'EURL ZERDA ARDA à ses obligations qui rendrait nécessaire de :
- la condamner à évacuer la cour, le rez-de-chaussée et les caves de tous cartons, déchets, poubelles et contenants et plus généralement de tous les détritus qui s'y trouvent (notamment au vu des éléments ci-dessus énoncés) ;
- ordonner la mise sous séquestre des effets mobiliers lui appartenant à titre de sûreté ;
- la condamner à curer, désinfecter et nettoyer la cave et autoriser M. [I] à faire réaliser ces prestations par tout professionnel de son choix, aux frais de l'EURL ZERDA.
Il doit donc être débouté de ses demandes présentées à ce titre.
- Sur la demande de l'EURL ZERDA ARDA tendant à la condamnation de M. [I] à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c'est à bon droit que le juge des référés a débouté l'EURL ZERDA ARDA de sa demande en paiement à ce titre.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [I] succombant à l'instance, il doit être condamné aux dépens et il est équitable de le condamner à payer à l'EURL ZERDA ARDA la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DIT ET JUGE recevables les dernières conclusions déposées par l'EURL ZERDA ARDA ;
CONFIRME l'ordonnance de référé rendue par la présidente du tribunal judiciaire de Limoges le 19 juillet 2023 ;
Y ajoutant :
- DEBOUTE M. [V] [I] de l'ensemble de ses demandes ;
- DEBOUTE l'EURL ZERDA ARDA de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE M. [V] [I] à payer à l'EURL ZERDA ARDA la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [V] [I] aux dépens.