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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 12 septembre 2024, n° 23/06318

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Villa Marie Ladislas (SCI), Fondation Lenval

Défendeur :

Consultations 7 sur 7 (SELAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pacaud

Conseillers :

Mme Neto, Mme Perraut

Avocats :

Me Concass, Me Raducault, Me Boulan, Me Cherfils, Me Agnetti

TJ Nice, du 21 avr. 2023, n° 23/00679

21 avril 2023

EXPOSE DU LITIGE

La société civile immobilière (SCI) Villa Marie Ladislas détient des locaux situés[Adresse 7]e dans lesquels exerce la Fondation Lenval, son associée majoritaire, spécialisée dans la pédiatrie.

La société Polyclinique Santa Maria est un établissement de santé spécialisé dans la maternité. Elle exerce son activité dans des locaux appartenant à la société Villa Marie Ladislas situés [Adresse 5] et [Adresse 2] à [Localité 8] aux termes d'un bail commercial consenti le 7 juillet 2003.

La SELAS Consultations 7 sur 7 exerce une activité d'exercice libéral de consultations médicales dans les locaux donnés à bail à la Polyclinique Santa Maria aux termes d'une convention d'exercice signé le 10 juin 2005. Cette dernière met à la disposition de la société Consultations 7 sur 7 les moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice de son activité.

La société Polyclinique Santa Maria a donné congé des lieux, à la suite de quoi un protocole d'accord sera signé le 25 février 2020 avec la société Villa Marie Ladislas. En application de ce dernier, la bailleresse va lui consentir un bail dérogatoire de courte durée, en date du 25 février 2020, d'une durée de trois ans, allant jusqu'au 24 février 2023 au plus tard.

A la date du 24 février 2023, la société Polyclinique Santa Maria s'est maintenue dans les lieux.

Tout en faisant assigner la société Polyclinique Santa Maria devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nice aux fins d'entendre ordonner son expulsion, sous astreinte, pour occupation sans droits ni titre des locaux et de la voir condamner à lui verser une indemnité d'occupation, la société Villa Marie Ladislas a mis en demeure, le 24 mars 2023, la société Consultations 7 sur 7 de libérer les lieux avant le 31 mars 2023, avant de lui signifier, le 6 avril 2023, une sommation interpellative. Elle expose que le bail dérogatoire consenti à celle qui lui sous-loue les locaux, la société Polyclinique Santa Maria, est arrivé à expiration le 24 février 2023, de sorte qu'elle est, depuis cette date, occupante sans droit ni titre. Elle relève que la sous-location que lui a consentie la Polyclinique Santa Maria a été faite sans son autorisation, et ce, en méconnaissance des clauses contractuelles du bail initial et du bail dérogatoire. Elle fait donc grief à la société Consultations 7 sur 7 d'occuper les locaux lui appartenant sans droit ni titre. De plus, elle lui reproche d'exercer une activité de consultations de jour incluant une activité de pédiatrie en totale violation de la clause de non-concurrence prévue au bail dérogatoire.

Se prévalant d'un dommage imminent caractérisé par la tentative d'expulsion initiée à son encontre et d'un trouble manifestement illicite consistant à dénier son droit d'occupation contractuel des lieux, la société Consultations 7 sur 7 a fait assigner la société Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval, par actes d'huissier en date du 14 avril 2023, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice. A titre principal, afin de prévenir tout dommage imminent, elle sollicite la suspension de tout effet contraignant à la mise en demeure et la sommation interpellative qui lui ont été délivrées et, plus généralement, de voir interdire à la société Villa Marie Ladislas ou toute personne missionnée à cet effet d'engager à son encontre la moindre mesure d'exécution tendant à l'expulser de son site d'activité. A titre subsidiaire, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite, elle demande à ce que les défendeurs cessent immédiatement toute obstruction sur son site d'activité en application du contrat d'exercice conclu le 10 juin 2005 avec la société Polyclinique Santa Maria.

A titre reconventionnel, la société Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval ont sollicité l'expulsion de la société Consultations 7 sur 7 des locaux qu'elle occupe illégalement depuis le 10 juin 2005 ainsi qu'une indemnité d'occupation depuis cette date jusqu'à parfaite libération des lieux.

Par ordonnance en date du 21 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

- suspendu les effets du courrier du 24 mars 2023 et de la sommation de quitter les lieux en date du 6 avril 2023 et interdit à la société Villa Marie Ladislas, ou toute personne physique ou morale missionnée à cet effet par elle, à engager quelque voie d'exécution que ce soit qui tendrait à voir expulser la société Consultations 7 sur 7 de son site d'activité, et ce, jusqu'au départ effectif, volontaire ou forcé, de la société Polyclinique Santa Maria, le tout, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée ;

- condamné solidairement la société Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval à payer à la société Consultations 7 sur 7 la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Villa Marie Ladislas aux dépens ;

- débouté les parties du surplus.

Il a estimé qu'en l'absence de décision de justice ordonnant l'expulsion de la société Polyclinique Santa Maria des locaux litigieux pour occupation sans droit ni titre, l'expulsion de la société Consultations 7 sur 7, qui tenait ses droits d'occupation de ladite polyclinique, ne pouvait être poursuivie, et ce, d'autant que la société Villa Marie Ladislas connaissait parfaitement la présence de la société Consultations 7 sur 7 dans les lieux depuis 18 ans, du fait qu'elle exerçait une activité de consultations médicales au bénéfice des enfants et que son expulsion, sans délai, aurait pour conséquence de la priver brutalement de la jouissance des locaux mis à sa disposition par la société Polyclinique Santa Maria et de l'exercice de son activité de consultations médicales pédiatriques.

Suivant deux déclarations transmises le 5 mai 2023, la société Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.

Elles ont été jointes par ordonnance en date du 12 mai 2023.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises le 27 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval sollicitent de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau qu'elle :

- juge que la société Consultations 7 sur 7 s'est vue consentir un droit d'occupation par le contrat d'exercice en date du 10 juin 2005 en infraction au contrat de bail dérogatoire du 25 février 2020 aujourd'hui arrivé à son terme ;

- juge qu'elle est occupante sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 6] à [Localité 8] ;

- ordonne en conséquence son expulsion de ces locaux qu'elle occupe illégalement depuis le 10 juin 2005 ainsi que de tous occupants de son chef, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours après la signification de la décision à intervenir ;

- la condamne, à titre de provision, à lui verser une indemnité d'occupation de 1 227,94 euros par mois du 10 juin 2005 au 24 février 2023 et de 1 841,90 euros par mois à compter du 24 février 2023, et ce, jusqu'au jour de la libération totale des locaux et de la restitution des clés, soit une somme de 287 419,69 euros à parfaire au jour de la sortie définitive des lieux ;

- rejette l'intégralité des demandes formées par la société Consultations 7 sur 7 à son encontre ;

- se réserve la liquidation des astreintes ;

- condamne la société Consultations 7 sur 7 à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamne aux dépens.

Elles se prévalent du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 18 mars 2024 aux termes duquel l'occupation sans droit ni titre de la société Polyclinique Santa Maria, depuis le 24 février 2023, a été constatée, de sorte que la société Consultations 7 sur 7, en tant que sous-locataire, ne peut bénéficier plus de droits que l'occupant principal.

Dans tous les cas, elles exposent que, même avant l'expiration du bail dérogatoire consenti à la société Polyclinique Santa Maria, la société Consultations 7 sur 7 ne disposait d'aucun droit pour se maintenir dans les lieux. Elles relèvent que c'est elle qui subit un trouble manifestement illicite par l'occupation de la société Consultations de ses locaux sur la base d'un contrat illégal d'occupation accordé par la société Polyclinique Santa Maria afin d'y exercer une activité de soins pédiatriques en violation de clause de non-concurrence stipulée dans le bail dérogatoire consenti à la société Polyclinique Santa Maria, et ce, alors même que la Fondation Lenval a un besoin incompressible des locaux litigieux pour restructurer ses activités existantes et en développer de nouvelles et que la société Consultations 7 sur 7 dispose d'au moins quatre autres établissements sur la ville de [Localité 8] pour exercer son activité, outre trois autres à moins de 30 kilomètres, de sorte qu'elle peut aisément transférer ses activités vers un autre site, sachant que son activité ne nécessite pas que des patients soient hospitalisés. Elles insistent sur le fait que la société Villa Marie Ladislas n'a jamais autorisé de sous-location ou de mise à disposition, de sorte que le contrat d'exercice consenti par la société Polyclinique Santa Maria à la société Consultations 7 sur 7 lui est inopposable. Elles relèvent, qu'indépendamment de la qualification qui peut être donnée à leur relation contractuelle, la société Polyclinique Santa Maria n'avait pas le droit de consentir à la société Consultations 7 sur 7 un droit d'occupation sans autorisation préalable et écrite du bailleur. Elles soulignent que la simple tolérance, déduite de la simple connaissance du bailleur ou du fait qu'il s'est contenté de la subir ou de la tolérer, sans accord, ne suffit pas à rendre l'occupation de la société Consultations 7 sur 7 régulière. Elles exposent que le bailleur ne s'est pas impliqué dans la sous-location dès lors qu'il n'a perçu aucun loyer et que, dans tous les cas, même à retenir une autorisation tacite, qui supposerait d'établir qu'il a été invité à concourir à l'acte de sous-location par le bailleur, cette dernière a pris fin le 24 février 2023. Elles insistent sur le fait que les échanges de mails dont se prévaut l'intimée proviennent de la Fondation Lenval et non de la société Villa Marie Ladislas, propriétaire des locaux.

Elles considèrent, qu'en tant qu'occupante sans ni titre des locaux, la société Consultations 7 sur 7 ne peut invoquer aucun droit au soutien de ses demandes de voir ordonner des mesures conservatoires afin de faire cesser un prétendu dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, dès lors qu'elle est responsable de sa propre situation et qu'elle reconnaît n'être liée au propriétaire des locaux par aucun lien contractuel. Elles relèvent que l'action initiée par l'appelante était d'autant moins fondée que la société Villa Marie Ladislas n'aurait jamais pu poursuivre son expulsion sans titre exécutoire. Elles estiment donc que l'action qui a été introduite n'avait que pour but de nuire volontairement au droit de propriété de la société Villa Marie Ladislas, ce qui explique les demandes reconventionnelles qu'elles ont faites et sur lesquelles le premier juge ne s'est pas prononcé.

Elles fondent leur demande tendant à voir ordonner l'expulsion de la société Consultations 7 sur 7 par le fait qu'elle ne peut avoir plus de droits que la société Polyclinique Santa Maria qui est occupante des lieux sans droit ni titre depuis le 24 février 2023 et qui a consenti une sous-location en méconnaissance des clauses insérées dans le bail initial et dans le bail dérogatoire ainsi que des dispositions de l'article L 145-31 du code de commerce. Elles font valoir que, compte tenu de l'attitude de la société Consultations 7 sur 7, une astreinte doit être prononcée, faisant observer qu'il n'y a aucun risque pour les patients, étant donné que l'ARS, qui sera immédiatement informée de l'expulsion, réquisitionnera un autre prestataire pour poursuivre l'activité de soins, et en l'occurrence la Fondation Lenval, à la place de la société Consultations 7 sur 7 dans l'attente d'un transfert définitif de l'activité. Elles estiment par ailleurs être fondées à solliciter une indemnité d'occupation depuis le 10 juin 2005 qui sera proportionnelle au montant du loyer accordé à la société Polyclinique Santa Maria en fonction de la surface occupée (170 m2 sur les 6 149 m2 occupés par la Polyclinique) 7 jour sur 7 de 8h30 à minuit et dont les montants résultent du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 18 mars 2024.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises le 6 juin 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société Consultations 7 sur 7 sollicite de la cour qu'elle :

à titre liminaire,

- ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture et, à défaut, rejette les conclusions et pièces signifiées le 27 mai 2024 par les appelantes, la veille de la clôture fixée le 28 mai 2024 ;

- sursoit à statuer dans l'attente de connaître le sort de la procédure d'expulsion engagée par les appelantes à l'encontre de la société Polyclinique Santa Maria, objet d'un premier jugement d'incompétence rendu par le tribunal de commerce de Nice en date du 18 mars 2024 ;

à titre principal,

- confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- déboute les appelantes de leurs demandes ;

à titre subsidiaire,

- lui octroie le bénéfice d'un délai de grâce de 24 mois courant à dater du mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

- ordonne sur cette période la suspension de toute voie d'exécution visant à son expulsion des locaux, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée ;

en toutes hypothèses,

- déboute les appelantes de leurs demandes ;

- les condamne in solidum à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Elle estime que, pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente du sort qui sera réservé à la procédure d'expulsion engagée à l'encontre de la société Polyclinique Santa Maria, sachant que le tribunal de commerce de Nice a, par jugement du 18 mars 2024, renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Nice.

Elle justifie les mesures conservatoires sollicitées, à savoir la suspension de toutes voies d'exécution tendant à obtenir son expulsion des lieux, tant pour prévenir un dommage imminent que pour mettre fin au trouble manifestement illicite qu'elle subit.

Concernant la cessation du dommage imminent, elle expose que la mesure d'expulsion envisagée à son encontre aurait pour conséquence un dommage irréversible consistant dans la méconnaissance de son droit d'occuper les lieux, la violation de son contrat d'exercice et la violation des droits des parties de bénéficier de prestations qu'ils bénéficient depuis 18 ans sans la moindre difficulté. Elle souligne qu'elle est titulaire d'une délégation de service public dans le domaine médical et que seul l'ARS et la Préfecture des Alpes-Maritimes disposent du pouvoir de décider si elle peut, ou non, poursuivre son activité. Elle insiste sur le fait que, n'étant aucunement engagée contractuellement à l'égard de la société Villa Marie Ladislas, cette dernière ne peut revendiquer aucun droit à son expulsion.

Concernant la cessation du trouble manifestement illicite, elle se prévaut du contrat d'exercice conclu le 10 juin 2005 avec la société Polyclinique Santa Marie pour justifier son droit d'occuper les lieux.

En réplique aux moyens de défense, elle indique que :

- la société Villa Marie Ladislas ne s'est jamais opposée à son occupation des lieux afin d'y exercer un service d'urgence depuis 18 ans ;

- le fait qu'elle collabore en toute transparence avec la Fondation Lenval, actionnaire dirigeant de la société Villa Marie Ladislas, démontre l'absence de violation de la clause de non-concurrence stipulée dans le bail dérogatoire ;

- les conventions liant l'hôpital Lenval à la société Polyclinique Santa Maria, sur la base desquelles les appelants fondent leurs demandes d'expulsion et de paiement à une indemnité d'occupation, lui sont inopposables ;

- la requalification du contrat d'exercice dont elle bénéficie en une sous-location excède les pouvoirs du juge des référés.

Dans tous les cas, l'activité de service public qu'elle développe au regard des services d'urgence exercés et le fait qu'elle emploie 36 salariés et recoure au service de 15 médecins associés titulaires d'un contrat d'exercice libéral justifient d'organiser son maintien dans les lieux pendant une période de 24 mois.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rabat de l'ordonnance de clôture

Il résulte de l'article 802 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.

L'article 803 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. Elle peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats sur décision du tribunal.

Par ailleurs, l'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacun soit à même d'organiser sa défense.

Enfin, aux termes de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il est admis que le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et/ou des pièces ont été déposées en temps utile. Ainsi, s'il estime qu'elles ont été déposées peu de temps avant le moment prévu pour l'ordonnance de clôture, il doit veiller au respect des droits de la défense et, éventuellement, les écarter des débats en caractérisant les circonstances particulières qui l'ont conduit à se prononcer en ce sens.

En outre, par application des dispositions de ce texte, doivent également être considérées comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.

En l'espèce, l'intimée a transmis ses dernières conclusions le 6 juin 2024, postérieurement à l'ordonnance de clôture qui a été rendue le 28 mai précédent, en réplique à des conclusions transmises par les appelantes le 27 mai 2024, soit la veille de l'ordonnance de clôture.

A l'audience, avant le déroulement des débats, les avocats des parties ont indiqué qu'ils ne s'opposaient pas à la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre les derniers jeux de conclusions de chacune des parties, ainsi que les nouvelles pièces qui y sont annexées.

La cour a donc, de l'accord général, révoqué ladite ordonnance puis clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire, celle-ci étant en état d'être jugée.

Sur le sursis à statuer

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Il résulte de l'article 378 du code de procédure civile que la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la procédure aux fins d'expulsion initiée par le propriétaire des locaux litigieux, la société Villa Marie Ladislas, à l'encontre de sa locataire, la société Polyclinique Santa Maria, suivant, dans le dernier état de leur relation contractuelle, un bail dérogatoire d'une durée de trois ans allant du 25 février 2020 au 24 février 2023, est pendante devant le tribunal judiciaire de Nice concernant uniquement la demande d'expulsion.

Il reste que le sort de cette procédure n'aura aucune incidence sur celle initiée par les appelantes à l'encontre de la société Consultations 7 sur 7 pour occupation sans droit ni titre d'une partie des locaux loués à la société Polyclinique Santa Maria.

Il y a donc lieu de débouter la société Consultations 7 sur 7 de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans la procédure opposant les appelants à la société Polyclinique Santa Maria.

Sur les demandes principales portant sur le dommage imminent et le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il peut également résulter d'une voie de fait, entendue comme un comportement s'écartant si ouvertement des règles légales et usages communs, qu'il justifie de la part de celui qui en est victime le recours immédiat à une procédure d'urgence afin de le faire cesser.

Il doit nécessairement être apprécié, à la date à laquelle le premier juge a statué, sachant que l'existence de contestations, fussent-elles sérieuses, n'empêche pas le juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

Il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué, et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage ou d'un préjudice sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, un dommage purement éventuel ne pouvant être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés. La constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets.

En l'espèce, à l'examen des pièces de la procédure, et notamment du bail dérogatoire de trois ans non soumis au statut des baux commerciaux consenti par la société Villa Marie Ladislas à la société Polyclinique Santa Maria, du 25 février 2020 au 24 février 2023, il apparaît que la locataire a occupé une partie de l'ensemble immobilier situé [Adresse 5] et [Adresse 2] à [Localité 8], suivant acte sous seing privé en date du 7 juillet 2003, modifié par voie d'avenants en date des 1er septembre 2006, 16 novembre 2009, 1er juillet 2010, 1er septembre 2010 et 26 juin 2024, renouvelé du 1er décembre 2008 jusqu'au 30 novembre 2019, pour y exercer une activité de gynécologie obstétrique et de chirurgie, l'autre partie de l'ensemble immobilier étant occupée par la Fondation Laval, qui détient la majorité des titres de la société Marie Ladislas, pour y exercer une activité de pédiatrie.

Suite à la cession de 99,56 % du capital et des droits de vote du preneur à la société Clinique Saint-George et à sa volonté d'étendre les bâtiments de la polyclinique [Localité 9] existante située [Adresse 3] afin d'y accueillir l'ensemble des activités du preneur exploitées dans les locaux appartenant à la société Villa Marie Ladislas, cette dernière a conclu avec la société Polyclinique Santa Maria une protocole d'accord transactionnel aux termes duquel elles ont convenues de prendre acte de l'expiration de l'ancien bail et de conclure un bail dérogatoire de courte durée autorisant le preneur à occuper les locaux jusqu'au 24 février 2023 au plus tard.

L'article 5.5 intitulé 'sous-location' stipule que le preneur ne pourra sous aucun prétexte et sans autorisation préalable et écrite du bailleur, sous-louer tout ou partie des locaux objets du présent bail dérogatoire. En conséquence, le preneur ne pourra en aucun cas consentir un quelconque droit d'occupation au profit d'un tiers, même à titre gratuit, sur tout ou partie des locaux.

Il s'avère qu'alors même que le bail dérogatoire, à l'instar de l'ancien bail, porte sur une surface totale de 6 149 m2, la société Polyclinique Santa Maria a, aux termes d'un contrat d'exercice à durée indéterminée à effet au 12 juin 2005, consenti à la société Urgences Consultations, aux droits de laquelle intervient la société Consultations 7 sur 7, le droit d'exercer une activité de consultations non programmées dans une partie des locaux qu'elle occupe, à savoir 170 m2 situés au rez-de-chaussée, et ce, moyennant une redevance proportionnelle aux honoraires réalisés par la société Consultations 7 sur 7 dans les locaux.

L'article 10 du contrat d'exercice intitulé 'résiliation' stipule que l'une des parties pourra mettre fin au contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un délai de préavis qui sera fonction du temps réel pendant lequel la société Consultations 7 sur 7 aura exercé à la clinique, et notamment un an au-delà de dix ans. Si la rupture intervient à l'initiative de la société Polyclinique Santa Maria, elle devra verser une indemnité de rupture égale à une annuité des honoraires de la société Consultations 7 sur 7 calculée sur la moyenne des honoraires perçus au cours des 365 derniers jours effectifs. Cette indemnité sera d'un montant minimum de 400 000 euros lors des 540 premiers jours effectifs.

Tant la société Polyclinique Santa Maria que la société Consultations 7 sur 7 se sont maintenues dans les locaux à l'expiration du bail dérogatoire susvisé.

Se prévalant d'une occupation sans droit ni titre de ces sociétés, la société Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval ont initié une procédure d'expulsion à l'encontre du preneur, la société Polyclinique Santa Maria. Aux termes de son jugement, en date du 18 mars 2024, le tribunal de commerce de Nice a débouté la société Polyclinique Santa Maria de sa demande de régularisation de la convention d'occupation précaire prévu au protocole transactionnel du 25 février 2020, a constaté qu'elle occupait sans droit ni titre les locaux, objets du bail dérogatoire qui est arrivé à expiration le 24 février 2023, et l'a condamnée, pour se maintenir indûment dans les lieux, au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 103 158,57 euros hors taxes à compter du 25 févrrier 2023, outre les charges et taxes, jusqu'au jour de la libération totale des locaux et de la restitution des clés, outre au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens. En revanche, faisant application de la clause contractuelle insérée dans le bail dérogatoire, qui énonce que l'expulsion du preneur à l'issue de ce bail pourra avoir lieu en vertu d'une ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire compétent et exécutoire nonobstant appel, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'expulsion formulée par la société Villa Marie Ladislas à l'encontre de la société Polyclinique Santa Maria.

Parallélement à la procédure initiée à l'encontre de la société Polyclinique Santa Maria, la société Villa Marie Ladislas a, par courrier recommandé en date du 24 mars 2023, mis en demeure la société Consultations 7 sur 7 de quitter les lieux. Le 6 avril 2023, une sommation interpellative de quitter les lieux lui a été signifiée par acte d'huissier.

En l'absence de décision de justice exécutoire constatant l'occupation sans droit ni titre de la société Consultations 7 sur 7 et ordonnant son expulsion des locaux litigieux, aucune mesure d'expulsion ne pouvait être initiée par le propriétaire.

Dans ces conditions, contrairement à ce que le premier juge a estimé, la société Consultations 7 sur 7 n'était pas fondée à se prévaloir d'un trouble manifestement illicite et/ou d'un dommage imminent pour obtenir la suspension d'une mesure d'expulsion qui ne pouvait être poursuivie sur la base d'une simple mise en demeure et d'une sommation interpellative.

En outre, s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de qualifier le contrat par lequel la société Polyclinique Santa Maria, locataire principal, qui a la jouissance des locaux en vertu d'un bail principal, remet à son tour la jouissance d'une partie de ces locaux à un tiers, la société Consultations 7 sur 7, moyennant une redevance, il lui appartient de rechercher si les contestations soulevées par l'intimée sont telles que la société Villa Marie Ladislas n'était pas fondée à lui demander de quitter les lieux.

S'il résulte de ce qui précède que la société Consultations 7 sur 7 occupe une partie des locaux loués à la société Polyclinique Santa Maria par la société Villa Marie Ladislas, en vertu d'un contrat d'exercice à effet au 12 juin 2005, elle n'allègue ni ne démontre qu'elle bénéficie d'un contrat opposable à la société Villa Marie Ladislas.

Alors même que le contrat d'exercice a été conclu à un moment où la société Polyclinique Santa Maria occupait les lieux en vertu d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, la preuve de l'autorisation du bailleur de sous-louer, par une clause du bail ou un accord expresse, n'est pas rapportée, et ce, alors même que les dispositions de l'article L 145-31 alinéa 1 du code de commerce posent le principe de l'interdiction de la sous-location.

Même à supposer que l'occupation d'une partie des locaux donnés à bail à la société Polyclinique Santa Maria par la société Consultations 7 sur 7 a été tolérée directement par le propriétaire-bailleur ou indirectement, par l'intermédiaire de son associé gérant, la Fondation Lenval, qui occupe l'autre partie des locaux, le seul courriel versé aux débats, en date du 2 décembre 2022, aux termes duquel le docteur [R], chef du service des urgences pédiatriques de la Fondation Lenval, demande à ce que des patients soient orientés vers le service des Consultations 7 sur 7, en raison du flux massif de patients, ne permet aucunement d'établir un accord implicite du bailleur à l'occupation d'une partie de ses locaux par la société Consultations 7 sur 7.

Cela est d'autant plus vrai que le bailleur n'apparaît pas avoir été appelé à concourir au contrat d'exercice, contrairement à ce qu'exige l'alinéa 2 de l'article L 145-31 du code de commerce, afin qu'il connaisse avec exactitude les conditions précises de l'occupation, et notamment son prix.

Bien plus, alors même que le bail commercial consenti à la société Polyclinique Santa Maria a expiré pour laisser place à la signature, à effet au 25 février 2020, d'un bail dérogatoire non soumis au statut des baux commerciaux, cet acte stipule expressément l'interdiction pour le preneur de sous-louer tout ou partie des locaux sans autorisation préalable et écrite du bailleur, et ce, conformément à l'article 1717 du code civil qui énonce que le preneur a le droit de sous-louer si cette faculté ne lui a pas été interdite. L'interdiction insérée dans le bail dérogatoire démontre que la société Villa Marie Ladislas n'a jamais entendu autoriser, par un accord implicite, l'occupation consentie par la société Polyclinique Santa Maria.

Le contrat d'exercice autorisant la société Consultations 7 sur 7 à occuper une partie des locaux loués à la société Polyclinique Santa Maria étant inopposable à la société Villa Marie Ladislas, l'intimée occupe les lieux, à l'égard du bailleur principal, sans droit ni titre.

Or, s'il est admis que, même en cas de bail irrégulier, le bailleur ne peut agir en expulsion du sous-locataire tant que le bail principal se poursuit et que la location produit ses effets dans les rapports entre locataire principal et sous-locataire, il résulte de ce qui précède que le contrat d'exercice consenti à la société Consultations 7 sur 7 porte sur des locaux donnés à bail à la société Polyclinique Santa Maria aux termes d'un bail commercial qui n'a plus d'existence, en l'état du bail dérogatoire d'une durée de trois ans signé le 20 février 2020.

Même à supposer que la société Consultations 7 sur 7 s'est maintenue dans les lieux en vertu du bail dérogatoire consenti à la société Polyclinique Santa Maria, ce dernier est arrivé à expiration le 24 février 2023, comme l'a jugé le tribunal de commerce de Nice dans son jugement susvisé en date du 18 mars 2024. Si aucune expulsion n'a été ordonnée à l'encontre de la société Polyclinique Santa Maria, le tribunal de commerce se déclarant, sur ce point, incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Nice, il n'en demeure pas moins que son occupation sans droit ni titre depuis le 25 février 2023 a été reconnue par une décision de justice.

Ainsi, dès lors que la preuve de la poursuite du bail principal n'est pas rapportée, ce n'est pas en violant, à l'évidence, ses droits d'occupant, que la société Villa Marie Ladislas a demandé à la société Consultations 7 sur 7 de quitter les lieux postérieurement au 25 février 2023 en lui faisant savoir, qu'à défaut, elle entendait poursuivre son expulsion en justice.

Enfin, si la société Consultations 7 sur 7 insiste sur les répercussions que pourrait avoir son départ des lieux litigieux sur son activité et sur le personnel, cela n'enlève rien à son occupation sans droit ni titre de locaux appartenant à la société Villa Marie Ladislas en vertu d'un bail principal qui est arrivé à expiration.

De plus, les répercussions dénoncées par l'intimée relèvent, à l'évidence, de la responsabilité de la société Polyclinique Santa Maria. En effet, la perte pour la société Consultations 7 sur 7 de la possibilité d'occuper les lieux résulte de la conclusion et de la poursuite d'un contrat d'exercice sans que les conditions requises pour qu'il soit opposable au propriétaire n'aient été respectées par la société Polyclinique Santa Maria. En outre, cette dernière n'a pas jugé utile de procéder à la résiliation du contrat d'exercice, avant l'expiration du bail dérogatoire, conformément aux stipulations contractuelles.

Pour toutes ces raisons, la société Consultations 7 sur 7 n'apporte pas la preuve d'un trouble manifestement illicite et/ou d'un dommage imminent résultant de la demande que lui a faite la société Villa Marie Ladislas de quitter les lieux et, à défaut, de son intention de poursuivre en justice son expulsion.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a suspendu les effets du courrier du 24 mars 2023 et de la sommation de quitter les lieux en date du 6 avril 2023 et interdit à la société Villa Marie Ladislas ou toute personne physique ou morale missionnée à cet effet par elle à engager quelque voie d'exécution que ce soit qui tendrait à voir expulser la société Consultations 7 sur 7 sur son site d'activité, et ce, jusqu'au départ effectif, volontaire ou forcé, de la société Polyclinique Santa Maria, le tout, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée.

La société Consultations 7 sur 7 sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles en référé-expulsion

Il résulte en premier lieu de l'article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'urgence est caractérisée chaque fois qu'un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur. Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond. C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier non seulement l'urgence mais également l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ces moyens.

En second lieu, il résulte de l'article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Si l'existence de contestations sérieuses sur le fond du droit n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite, l'absence d'évidence de l'illicéité du trouble peut en revanche justifier qu'il refuse d'intervenir. En effet, même lorsque le juge est appelé à faire cesser un trouble manifestement illicite, le trouble illicite doit être évident, comme doit l'être la mesure que le juge des référés prononce en cas d'urgence. La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite et, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

Enfin, il relève de l'office du juge des référés d'ordonner les mesures propres à faire cesser le trouble dont il constate l'existence et l'illicéité. Il apprécie souverainement le choix de la mesure propre à remplir cet objectif en ordonnant celle qui lui semble la mieux appropriée, sans être lié par la demande dont il est saisi et, dès lors, sans être réduit à l'alternative d'admettre ou de refuser la mesure précise qu'il est sollicité de prescrire. Ainsi, à une mesure demandée, il peut substituer, au besoin, des dispositions moins radicales qu'il estime plus respectueuses des valeurs ou des intérêts en présence voire mieux à même de résorber les conflits. L'objet du litige doit être, dans un tel cas, entendu largement en y incluant l'objectif poursuivi.

Un contrôle de proportionnalité doit être exercé sur le choix opéré, de sorte qu'il appartient au juge des référés de veiller à la proportion de la mesure. Ainsi, lorsqu'il caractérise un trouble manifestement illicite, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre les intérêts en balance et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice d'un intérêt le plus légitime.

En l'espèce, se prévalant d'une occupation sans droit ni titre de la société Consultations 7 sur 7, en ce qu'elle s'est maintenue dans les lieux au-delà de l'expiration du bail dérogatoire consenti au locataire principal, la société Polyclinique Santa Marie, à compter du 25 février 2023, la société Villa Marie Ladislas entend obtenir son expulsion.

La société Consultations 7 sur 7 se prévaut d'un titre, à savoir le contrat d'exercice consenti par le locataire principal, pour justifier de son droit d'occuper les lieux.

S'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de se prononcer sur la validité de l'occupation dont se prévaut la société Consultations 7 sur 7 et, le cas échéant, sur ses effets à l'égard du propriétaire, il lui appartient de rechercher si les contestations portant sur le contrat d'exercice sont telles qu'elles impliquent l'absence d'évidence de l'illicéité du trouble allégué, à savoir une occupation sans droit ni titre de la société Consultations 7 sur 7 de locaux appartenant à la société Villa Marie Ladislas et, le cas échéant, sur son droit de poursuivre l'expulsion de l'intimée.

Il résulte de ce qui précède que le contrat qui lie la société Polyclinique Santa Maria et la société Consultations 7 sur 7 est, de toute évidence, irrégulier, faute pour les conditions de validité requises à l'égard du propriétaire d'avoir été satisfaites, ce qui rend le contrat d'exercice dont se prévaut l'intimée inopposable à la société Villa Marie Ladislas.

De plus, si l'irrégularité de l'occupation n'affecte pas, en principe, la validité du contrat dans les rapports entre le sous-locataire et le sous-bailleur, tel n'est plus le cas si le bail principal a pris fin. En l'occurrence, la société Polyclinique Santa Maria étant redevable d'une indemnité d'occupation mensuelle depuis l'expiration du bail dérogatoire consenti du 25 février 2020 au 24 février 2023, aux termes d'un jugement rendu par le tribunal ce commerce de Nice, le 18 mars 2024, la société Villa Marie Ladislas est fondée à solliciter l'expulsion du sous-locataire. En effet, au cas présent, la société Consultations 7 sur 7 ne peut opposer aucun titre lui permettant de mettre en oeuvre un droit direct vis-à-vis du propriétaire.

Enfin, le fait que la sous-locataire a reçu l'autorisation de l'ARS et de la préfecture pour exercer son activité est inopérant dès lors que la preuve n'est pas rapportée que l'autorisation a été donnée selon des critères faisant apparaître sa qualité de sous-locataire et l'identité de la bailleresse principale.

Il s'évince donc de ces éléments que l'obligation de la société Consultations 7 sur 7 de quitter les lieux en raison de son occupation sans droit ni titre depuis l'expiration du bail dérogatoire consenti par la société Villa Marie Ladislas à la société Polyclinique Santa Maria ne se heurte à aucune contestation sérieuse tenant à l'existence d'un contrat d'exercice consenti par le locataire principal il y a plusieurs années, à l'absence de décision judiciaire ordonnant l'expulsion de la société Polyclinique Santa Maria suite à l'expiration du bail dérogatoire qui lui a été consenti et aux autorisations administratives données à la société Consultations 7 sur 7 pour exercer son activité.

La société Consultations 7 sur 7, qui insiste sur les dommages qu'elle subira et fera subir si elle venait à quitter les lieux, oppose son droit de poursuivre l'exercice de son activité, ce qui implique pour elle de rester dans les locaux litigieux, face au droit de propriété de la société Villa Marie Ladislas.

Or, outre le fait que les appelantes démontrent que la société Consultations 7 sur 7 exerce la même activité sur différents sites, situés à proximité des locaux litigieux, les appelants exposent que l'ARS, informée de l'expulsion, réquisitionnera un autre prestataire pour poursuivre l'activité de soins, et notamment la Fondation Lenval, qui occupe une partie des locaux, dans l'attente d'un éventuel transfert définitif de l'activité.

En tout état de cause, l' expulsion est la seule mesure de nature à permettre à la propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement. Le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d'obtenir en référé l' expulsion des occupants. En l'occurrence, le droit allégué par la société Consultations 7 sur 7 de disposer des locaux pour poursuivre son activité, au profit de patients, n'est pas supérieur à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété de la société Villa Marie Ladislas qui a mis fin au droit pour la société Consultations 7 sur 7 d'occuper une partie de ses locaux en vertu d'un contrat d'exercice consenti par un locataire principal dont les baux principaux sont arrivés à expiration.

Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner d'expulsion de la société Consultations 7 sur 7 des locaux appartenant à la société Villa Marie Ladislas.

En revanche, étant donné que le recours à la force publique s'avère suffisant pour contraindre la société Consultations 7 sur 7 à quitter les lieux, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expulsion sous astreinte. Les appelantes seront donc déboutées de leur demande formée de ce chef.

En tant qu'occupante sans droit ni titre devant quitter les lieux, la société Consultations 7 sur 7 est redevable d'une indemnité d'occupation.

Dès lors que le contrat d'exercice a produit ses effets dans les rapports entre la locataire principale et l'intimée, que la société Polyclinique Santa Maria réglait, à l'évidence, les loyers qu'elle devait, correspondant à l'intégralité de la surface louée de 6 149 m2, en ce compris les 170 m2 occupés par la société Consultations 7 sur 7, que la société Villa Marie Ladislas a attendu l'expiration du bail dérogatoire consenti à la société Polyclinique Santa Maria pour demander à l'intimée de quitter les lieux, faisant notamment valoir l'occupation sans droit ni titre du locataire principal des locaux, depuis l'expiration du bail dérogatoire qui lui a été consenti, et qu'une sous-location irrégulière, si elle est inopposable au propriétaire, n'est pas pour autant nulle, le droit pour la société Villa Marie Ladislas de solliciter une indemnité d'occupation depuis la signature du contrat d'exercice, le 10 juin 2005, se heurte à des contestations sérieuses.

En revanche, étant donné que la société Polyclinique Santa Maria est redevable d'une indemnité d'occupation mensuelle depuis le 25 février 2023, la société Consultations 7 sur 7, qui ne peut plus se prévaloir d'un droit d'occuper les lieux, sera tenue de verser à la société Villa Marie Ladislas une indemnité d'occupation mensuelle de 1 841,90 euros, montant non discuté, à compter du 25 février 2023, et ce, jusqu'au jour de la libération totale des locaux.

Sur le délai de grâce

Il est admis que le pouvoir d'accorder un délai de grâce pour quitter les lieux à l'occupant d'un local commercial résulte de l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution qui énonce que le juge de l'exécution peut accorder des délais renouvelables pour quitter les lieux à des personnes dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement ne pourra avoir lieu dans des conditions normales.

En l'espèce, alors même que la société Consultations 7 sur 7 occupe les lieux sans droit ni titre depuis plus d'une année, elle n'allègue ni ne démontre les mesures qu'elle a prises pour les quitter, pas plus que les difficultés qu'elle rencontre pour exercer son activité ailleurs, sachant qu'elle exerce la même activité sur différents sites, situés à proximité.

De plus, si l'expulsion de la société Consultations 7 sur 7 a un impact sur son activité, l'inobservation des conditions requises lors de la conclusion d'une sous-location est constitutive d'une faute engageant la responsabilité du preneur envers le sous-locataire.

Enfin, le propriétaire n'a pas à pâtir indéfiniment de la présence de la société Consultations 7 sur 7 dans ses locaux.

Il y a donc lieu de rejeter le délai de grâce sollicité par la société Consultations 7 sur 7.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Dès lors que la société Consultations 7 sur 7 succombe en appel, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné les appelantes aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Consultations 7 sur 7 sera tenue aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

L'équité commande en outre de la condamner à verser à la société Villa Marie Ladislas uniquement, propriétaire des lieux, la somme de 5 000 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens.

La Fondation Lenval sera donc déboutée de sa demande formée du même chef.

En tant que partie perdante, la société Consultations 7 sur 7 sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rappelle qu'à l'audience, avant l'ouverture des débats, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture puis clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire, celle-ci étant en état d'être jugée ;

Déboute la SELAS Consultations 7 sur 7 de sa demande de sursis à statuer ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SELAS Consultations 7 sur 7 de ses demandes tendant, sous astreinte, à suspendre les effets du courrier du 24 mars 2023 et de la sommation de quitter les lieux en date du 6 avril 2023 et à interdire à la société Villa Marie Ladislas, ou toute personne physique ou morale missionnée à cet effet par elle, d'engager quelque voie d'exécution que ce soit qui tendrait à voir expulser la SELAS Consultations 7 sur 7 sur son site d'activité, et ce, jusqu'au départ effectif, volontaire ou forcé, de la société Polyclinique Santa Maria ;

Ordonne l'expulsion de la SELAS Consultations 7 sur 7 et celle de tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 5] et [Adresse 2] à [Localité 8], sans délai, à compter de la signification de l'arrêt, au besoin avec le concours de la force publique ;

Déboute la SCI Villa Marie Ladislas et la Fondation Lenval de leur demande d'astreinte ;

Déboute la SELAS Consultations 7 sur 7 de sa demande de délai de grâce ;

Condamne la SELAS Consultations 7 sur 7 à verser à la SCI Villa Marie Ladislas la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;

Déboute la Fondation Lenval de sa demande formée sur le même fondement ;

Déboute la SELAS Consultations 7 sur 7 de sa demande formée sur le même fondement ;

Condamne la SELAS Consultations 7 sur 7 aux dépens de première instance et d'appel.