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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 12 septembre 2024, n° 21/02512

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Raph Immo (SCI)

Défendeur :

B (Époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Seitz, M. Gauthier

Avocats :

Me Baufume et Sourbe, Me Unite de Droit des Affaires, Me Axiojuris Lexiens

TJ Lyon, ch. 9 cab 09 F, du 02 mars 2021…

2 mars 2021

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par compromis de vente sous seing privé du 14 août 2013, M. et Mme [T] et [V] [H] ont acquis de M. et Mme [O] et [G] [B] (les consorts [B]) un bien immobilier situé [Adresse 2], dont ils étaient devenus propriétaires indivis à la suite du décès de [A] [B]-Roullet.

Le 19 novembre 2013, la vente a été réitérée par acte authentique, pour un prix de 130 000 euros, la SCI Raph immo (la SCI) s'étant substituée à M. et Mme [H].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mai 2015, le conseil de la SCI a mis en demeure les consorts [B] de verser à celle-ci la somme de 19'125 euros, représentant le surcoût de taxe foncière, en se prévalant de ce que, le jour de la vente, les acquéreurs avaient remis un avis d'imposition de taxe foncière pour l'année 2013 indiquant une somme de 800 euros alors que la taxe s'était élevée par la suite à la somme de 1 565 euros.

Par exploit du 17 novembre 2017, la SCI a attrait les consorts [B] devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Lyon.

Par jugement du 2 mars 1021, la formation collégiale de jugement du tribunal judiciaire de Lyon a :

- débouté la SCI de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté les consorts [B] de leur demande reconventionnelle de condamnation pour procédure abusive ;

- condamné la SCI a versé à Mme [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI à verser à M. [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration transmise au greffe le 7 avril 2021, la SCI a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, n° 2, déposées le 21 décembre 2021, la SCI demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande des consorts [B] pour procédure abusive ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a :

- déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

- condamnée à verser à chacun des consorts [B] la somme de 1 500 euros au type de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnée aux entiers dépens de l'instance.

- statuant à nouveau de ce chef :

- condamner les consorts [B] à lui payer la somme de 19'125 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi ;

- condamner les mêmes à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- débouter les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions;

- y ajoutant,

- condamner les consorts [B] à lui verser la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de la SCP Baufume Sourbe, sur son affirmation de droit conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions n° 2 déposées le 15 février 2022, les consorts [B] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle de condamnation pour procédure abusive ;

- statuant à nouveau de ce chef, condamner la SCI à payer à chacun des consorts la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- y ajoutant :

- condamner la SCI à payer à chacun des consorts la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP Grafmeyer Baudrier Alleaume Joussemet, avocats, sur son offre de droit.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en réparation de la SCI

À titre infirmatif, la SCI, au visa de l'article 1147 du code civil et se prévalant de l'obligation de renseignement à laquelle est tenue le vendeur à l'égard de l'acquéreur, soutient que les vendeurs ont manqué à leurs obligations pour avoir communiqué un avis de taxe foncière faisant figurer la somme de 800 euros alors que, pour les années précédant la vente, la taxe foncière s'élevait à la somme de 1 565 euros.

Elle se prévaut également des dispositions de l'article 1382 du code civil pour soutenir avoir été victime d'un dol.

Elle indique avoir ainsi dû supporter une taxe foncière supérieure de 785 euros par an, par rapport à celle indiqué par les vendeurs lors de la vente.

Elle estime justifier de ce que les vendeurs avaient connaissance du montant de la taxe foncière en juin 2013, qui s'élevait à 1 500 euros.

Elle invoque les dispositions de l'article 1112-1 du code civil pour soutenir que l'information concernant la taxe foncière avait un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat puisque celui-ci était une vente immobilière. Ils estiment que cette information était déterminante de leur consentement.

Elle estime que le fait que les vendeurs n'ont pas été en contact direct avec la SCI pendant les négociations, qui ont été menées par un agent immobilier (la société Balthasar immobilier) et qu'ils n'étaient pas présents lors de la signature de l'acte de vente ne peut les exonérer de leur responsabilité.

Elle soutient que les vendeurs ont commis une réticence dolosive ou un défaut d'information. Elle fait état de ce que l'acte de vente indique que le prorata de taxe foncière a été calculé en fonction de la première page de l'avis d'imposition 2013 alors que ce document était tronqué, pour indiquer seulement une taxation de 800 euros alors qu'elle s'élevait à la somme de 1 565 euros. En conséquence, elle soutient avoir disposé d'une information inexacte lors de la signature de l'acte de vente.

Elle fait valoir que le montant tronqué de la taxe foncière représente la somme de 765 euros soit 19'125 euros sur 25 ans et qu'elle ne peut la déduire de ses résultats, comme n'étant pas assujettie à la TVA.

À titre confirmatif, les consorts [B] contestent tout dol de leur part. Ils indiquent qu'il ne peut être retenu qu'ils ont présenté uniquement la première page de la taxe foncière lors de la vente puisqu'ils n'étaient pas présents lors de la signature et étaient représentés par un clerc de l'étude du notaire rédacteur. Ils font valoir qu'ils n'ont jamais été en contact direct avec les représentants de la SCI lors des négociations et que c'est leur mandataire, la société Balthasar immobilier, qui a contacté les acquéreurs et obtenu une offre d'acquisition. Ils soutiennent avoir adressé une copie complète de l'avis de taxe foncière à leur notaire, puisque les pages un et deux de ce document ont été intégrées à l'acte.

Ils considèrent que les lettres des notaires font apparaître un problème de communication auquel ils sont complètement étrangers.

Par ailleurs, ils considèrent que la SCI ne démontre pas que la croyance erronée qu'elle prétend avoir eu d'une taxe foncière s'élevant à 800 euros, au lieu de 1 565, aurait été déterminante pour son consentement. Ils relèvent que l'offre d'acquisition a été émise avant l'établissement de la taxe foncière 2013 et ne faisait aucune mention de celle-ci et encore moins de son montant, qui n'était d'ailleurs pas connu au moment où elle a été effectuée. Il souligne que l'offre ne prévoyait comme conditions suspensives que la fourniture d'un certificat d'urbanisme favorable à la vente, la justification d'un montant de loyers hors taxes de 549,08 euros, soit 440 euros nets, et l'obtention par l'acquéreur d'un prêt de 150'000 euros au taux de 3,5 %. Ils indiquent qu'il en était de même lors de la signature du compromis de vente du 14 août 2013, lequel a été établi également avant l'établissement de l'avis de taxe foncière. Ils estiment que la SCI ne démontre pas qu'elle n'aurait pas acquis le bien immobilier si elle avait eu connaissance du montant exact de la taxe foncière et que l'erreur qu'elle aurait commise à ce titre aurait été déterminante de son engagement. Relativement à l'affirmation de l'appelante selon laquelle la SCI ne serait pas un professionnel de l'immobilier, ils relèvent que son objet social consiste notamment dans la propriété, la mise en valeur, l'administration et l'exploitation par bail ou location de biens immeubles ou de droits immobiliers.

Ils soulignent que, étant devenus propriétaires indivis du bien à la suite du décès de [A] [B]-[Z], survenu le 12 mai 2013, ils n'avaient aucune connaissance des taxes foncières des années précédentes. Ils précisent que c'est dans le cadre de la succession que le notaire leur a remis un avis complet de taxe foncière.

Ils font valoir que la taxe foncière est déductible du résultat comptable de la SCI et que celle-ci ne veut pas se prévaloir avoir subi un préjudice de plus de 19'000 euros.

Concernant le manquement à l'obligation d'information, ils indiquent avoir transmis l'intégralité des documents en leur possession à leur notaire ainsi qu'aux autres acquéreurs potentiels et que leur bonne foi sur ce point ne peut être mise en cause.

Ils considèrent que le préjudice invoqué par la SCI est fantaisiste et injustifié, puisque la taxe est déductible de ces résultats, indépendamment de l'assujettissement ou non à la TVA.

Sur ce,

La cour relève que la SCI détermine la nature et le montant du préjudice qu'elle invoque à hauteur de 19 125 euros, qui correspond au paiement au surplus de taxe foncière à laquelle elle est assujettie, en appliquant la différence entre la somme indiquée dans l'acte authentique de vente (800 euros) et celle figurant sur l'avis de taxe foncière (1 565) aux 25 années à venir.

Cependant, il est de principe que le paiement d'un impôt légalement dû ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Au surplus, le fait que la SCI soit, ou non, assujettie à la TVA est sans emport sur la déductibilité de la taxe foncière de ses résultats, de sorte qu'au paiement de l'impôt litigieux correspond une économie d'impôt dont la société ne tient pas compte pour l'évaluation du préjudice qu'elle invoque.

Dès lors, la SCI ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable et, de ce seul fait, son action en indemnisation ne peut être accueillie.

En outre, la cour considère que c'est par des motifs précis et pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et qu'elle adopte, que le tribunal a écarté l'existence d'un dol commis par les vendeurs en retenant que la SCI échouait à rapporter la preuve de ce que ceux-ci avaient fourni au notaire rédacteur un avis d'imposition de la taxe foncière 2013 incomplet alors qu'ils étaient en mesure de justifier qu'ils avaient donné un avis d'imposition complet à leur notaire, de sorte qu'il n'était établi aucune dissimulation d'information de la part des vendeurs.

La cour souligne comme les premiers juges qu'il est établi par les différents courriels que les vendeurs produisent à la cause, concernant leurs échanges avec d'autres acquéreurs potentiels, qu'ils ont révélé le montant exact de la taxe d'habitation, ce qui écarte de plus fort l'existence d'une intention de dissimuler une information de leur part au moment de conclure la vente.

Elle approuve également les premiers juges d'avoir retenu que la SCI ne démontrait pas que le montant de la taxe foncière constituait pour elle un élément déterminant de son consentement.

Ainsi, en première instance comme en appel, la SCI ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que son consentement à l'acte d'acquisition signée le 19 novembre 2013 ait été vicié par suite d'un dol. En outre, comme le tribunal, la cour relève que la SCI n'invoque un tel vice du consentement que lors de la réitération de l'acte alors que la vente était parfaite dès la signature du compromis de vente du 14 août 2013, date à laquelle le montant de la taxe foncière n'était pas connu par les vendeurs et ne pouvait dès lors être dissimulé.

Par ailleurs, des conditions dans lesquelles les vendeurs sont devenus copropriétaires indivis du bien immobilier vendu, soit par le fait de la succession consécutive au décès de [A] [B]-Roullet en mai 2013, s'infère qu'il ne saurait être présumé de leur connaissance du montant de la taxe d'habitation pour les années ayant précédé la vente.

Il sera relevé que la SCI ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1112-1 du code civil, qui ne sont en vigueur que depuis le 1er octobre 2016, soit à une date postérieure à la conclusion de l'acte authentique litigieux.

A cet égard, c'est également par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et que la cour adopte, que le tribunal a écarté tout manquement des vendeurs à leur obligation d'information en retenant que le montant de la taxe foncière ne constituait pas une caractéristique essentielle du bien pour les acquéreurs, puisque ceux-ci ont signé le compromis de vente, avant l'acte authentique, alors que le montant de la taxe était alors inconnu puisque l'avis d'imposition n'a été mis en recouvrement que le 31 août 2013.

Il s'en déduit en outre que, en l'absence de toute mention particulière de l'offre de vente et du compromis, le montant de la taxe ne pouvait être dans le champ de l'obligation d'information incombant aux vendeurs. Tout grief sur ce point est privé du fait qui lui sert de base.

Le jugement doit être ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire au titre de la taxe foncière de la SCI ainsi que celle fondée sur une résistance abusive des vendeurs.

Sur la demande d'indemnisation pour procédure abusive

A titre infirmatif, les consorts [B] soutiennent que l'action en responsabilité engagée par la SCI est particulièrement infondée, alors qu'eux mêmes sont de bonne foi. Ils demandent sa condamnation à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

À titre confirmatif, la SCI soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

La cour considère que le fait qu'une juridiction d'appel confirme la décision attaquée, alors que l'appelant a demandé qu'elle se prononce à nouveau sur les éléments de la cause sans ajouter particulièrement aux débats qui se sont tenus en première instance, ne suffit pas à caractériser l'exercice fautif d'une voie de recours.

En l'espèce, en considération de la nature et des circonstances du litige, aucun caractère dilatoire ne résulte de l'appel formé par la SCI.

En dépit de la motivation précise des juges de première instance et du caractère ténu de l'argumentation de l'appelante et des critiques de cette décision à hauteur d'appel, il n'est pas caractérisé d'intention malveillante de la SCI à l'égard des vendeurs.

La demande pour procédure abusive doit être dès lors rejetée et le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

La SCI, qui perd en son recours, en supportera les dépens.

Par ailleurs, l'équité commande de la condamner de payer à chacun des consorts [B] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

Condamne la SCI Raph immo à supporter les dépens d'appel distraits, avec distraction au profit de la SCP Grafmeyer Baudrier Alleaume Joussemet, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Raph immo à payer à Mme [G] [B] et à M. [O] [B], chacun, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande au titre des frais irrépétibles.