Livv
Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 12 septembre 2024, n° 22/02458

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

Mme Franco, M. Bruey

Avocats :

Me Fulachier, Me Barbaroux, Me Blondeaut, Me Roland

TJ Montpellier, du 31 mars 2022, n° 20/0…

31 mars 2022

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [U] [G] [W] est titulaire d'un compte courant d'entreprise n° [XXXXXXXXXX01]9 ouvert dans les livres de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (ci-après la Caisse d'épargne / la banque).

Le 16 mai 2018, la banque a consenti à Mme [W] une convention de découvert en compte courant à durée indéterminée pour un montant de 10 000 €.

Le 13 mai 2019, par lettre recommandée avec accusé de réception, la Caisse d'épargne a notifié à Mme [W], la résiliation de la convention.

Le 15 juillet 2019, par courrier recommandé, la Caisse d'épargne a mis en demeure Mme [W] d'avoir à payer la somme de 13 114,19 € au titre du découvert non autorisé, sans succès.

Par ailleurs, Mme [W] est titulaire d'un compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX02] ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne assortie d'une autorisation de découvert de 300 €, portée à 800 € maximum par avenant du 27 mars 2018.

Le 12 avril 2019, par lettre recommandée, la Caisse d'épargne a vainement mis en demeure Mme [W] de régulariser sa situation, ayant sur ce compte un découvert supérieur au seuil autorisé.

C'est dans ce contexte que par acte du 24 février 2020, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon a assigné Mme [W] devant le tribunal judiciaire de Montpellier en paiement.

Par jugement contradictoire du 31 mars 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- Condamné Mme [W] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 13 214,81 €, avec intérêts au taux situé au seuil de l'usure, à compter du 1er octobre 2019 ;

- Condamné Mme [W] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 887,24 € avec intérêts au taux de 9 % à compter du 1er octobre 2019 ;

- Débouté Mme [W] de sa demande de délai de paiement ;

- Débouté la Caisse d'épargne de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé l'exécution provisoire ;

- Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné Mme [W] aux dépens.

Le 6 mai 2022, Mme [W] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 21 décembre 2022, Mme [U] [W] demande à la cour, sur le fondement des articles L. 631-2 et suivants, L. 640-1 et suivants, R.631-1 et suivants du code de commerce, de :

Infirmer totalement le jugement entrepris notamment en ce qu'il l'a condamné à payer à la Caisse d'épargne la somme de 13 214,81 € avec intérêts au taux situé au seuil de l'usure, à compter du 1er octobre 2019 et 887,24 € avec intérêts au taux de 9 % à compter du 1er octobre 2019 ;

Condamner la Caisse d'épargne aux dépens et à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 7 octobre 2022, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon demande à la cour de :

Débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Reconventionnellement,

Condamner Mme [W] à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause, condamner Mme [W] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance du clôture du 13 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la responsabilité de la banque

Mme [U] [W] ne réitère pas, en cause, d'appel ses griefs relatifs aux cotisations d'assurance, ni au défaut de mise en garde, mais soutient que, s'agissant d'une dette professionnelle «la procédure qui s'applique est la procédure collective », et que, étant passée d'un exercice libéral à un exercice en société, elle aurait dû être assignée en redressement judiciaire dans le délai d'un an suivant la cessation de son activité.

Elle en déduit qu'en entrant en voie de condamnation à son encontre, le tribunal a violé les dispositions des articles L. 631-2 et suivants, L. 640-1 et suivant et R. 631-1 et suivants du code de commerce et invoque, à cet égard, plusieurs arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation, notamment celui du 17 juin 2020 (n° 19-10.464).

Toutefois, Mme [U] [W] confond deux possibilités qui sont offertes au créancier :

La première, qui a été utilisée en l'espèce par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, consiste à assigner le débiteur en paiement aux fins d'obtenir un titre exécutoire du chef de ses créances ;

La seconde, consiste à assigner le débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire à la condition de prouver sa « cessation des paiements », c'est-à-dire son impossibilité à faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui a cessé son activité professionnelle peut être assigné dans le délai d'un an si tout ou partie de son passif provient de cette activité, en vertu de l'article L. 631-3 du code de commerce.

Il ne résulte ni du code de commerce ni de la jurisprudence que le créancier aurait l'obligation d'assigner le débiteur en redressement judiciaire lorsque celui-ci a cessé son activité.

En outre, l'existence d'une dette professionnelle ne suffit pas à caractériser la connaissance par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de l'impossibilité pour Mme [U] [W] de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Or, la caractérisation de la situation de cessation des paiements est une condition d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, conformément aux dispositions de l'article L. 631-1 du code de commerce.

En l'occurrence, la présente action de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon vise à obtenir un titre exécutoire du chef de deux créances.

Le moyen tiré du caractère prétendument exclusif de l'ouverture d'une procédure collective sera donc écarté.

La cour partage l'analyse du premier juge qui a déclaré légitime la demande de condamnation de la banque.

Le jugement sera donc confirmé par simple adoption de ses motifs.

Sur la demande d'appel abusif

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Par ailleurs, pour prononcer une condamnation sur ce fondement, il serait nécessaire d'apprécier un préjudice qui ne serait pas déjà réparé par les condamnations sur les dépens ou au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'espèce, aucun élément de la procédure ne permet de déterminer un abus de son droit d'agir en justice de la part de Mme [U] [W].

En conséquence, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon sera déboutée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [U] [W] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne Mme [U] [W] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [U] [W] à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,