Décisions
CA Metz, 3e ch., 12 septembre 2024, n° 23/00875
METZ
Autre
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A.R.I. N° RG 23/00875 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F6JM
Minute n° 24/00262
[L]
C/
[G], [U]
-------------------------
Juge des contentieux de la protection de THIONVILLE
14 Mars 2023
12-22-711
-------------------------
COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE
A.R.I.
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
APPELANTE :
Madame [Y] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 57463-2023-002482 du 19/04/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉS :
Monsieur [M] [B] [G]
[Adresse 1] - [Localité 3]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
Madame [W] [U] épouse [G]
[Adresse 1] - [Localité 3]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller
M. KOEHL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er avril 2020, M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] ont consenti un bail à Mme [Y] [L] portant sur un local meublé d'habitation situé [Adresse 2] [Localité 3] pour un loyer de 420 euros outre 20 euros de provision sur charges.
Par acte d'huissier du 20 janvier 2022, ils ont fait délivrer à la locataire un commandement de payer pour les arriérés de loyers et charges visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail.
Par acte d'huissier du 13 juillet 2022, ils l'ont assignée en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thionville aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion de la locataire et la voir condamner à des provisions au titre de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [L] s'est opposée aux demandes et a sollicité des délais de paiement et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 14 mars 2023, le juge des contentieux de la protection a :
- constaté la résiliation de plein droit du bail à compter du 21 mars 2022
- ordonné l'expulsion de Mme [L] et de tous occupants de son chef ainsi que de tous biens, et dit qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra y être contrainte par tous moyens de droit à la suite d'un délai légal de deux mois suivant le commandement délivré par huissier de justice d'avoir à quitter les lieux
- dit qu'il sera procédé en tant que de besoin à l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux loués et à leur séquestration dans un garde-meuble
- condamné Mme [L] à verser à M. et Mme [G] à titre de provision la somme de 316 euros représentant les loyers et charges échus au mois de janvier 2023 avec intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance
- débouté Mme [L] de sa demande de délais de paiement
- fixé l'indemnité d'occupation au montant des loyers et charges en cours et condamné Mme [L] à son paiement à titre de provision au profit de M. et Mme [G] jusqu'à libération des lieux, soit la somme de 447 euros
- condamné Mme [L] à verser à M. et Mme [G] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens y compris les frais du commandement de payer.
Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 14 avril 2023, Mme [L] a interjeté appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 janvier 2024, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance et de':
- dire n'y avoir lieu à référé
- prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut prononcer l'inefficacité du commandement de payer visant la clause résolutoire et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet
- débouter M. et Mme [G] de leurs demandes de constatation de la résiliation du bail, d'expulsion, de paiement d'un arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation
- à titre subsidiaire dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile
- lui accorder des délais de paiement sur 36 mois avec suspension des effets de la clause résolutoire
- débouter M. et Mme [G] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- les condamner à lui verser une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700-2° du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
L'appelante conteste la somme réclamée dans le commandement de payer et soutient ne rien devoir aux bailleurs, de sorte que ce commandement est de nul effet et ne peut emporter résiliation du bail. Elle ajoute que les décomptes postérieurs versés aux débats sont erronés et qu'il existe une contestation sérieuse, le juge des référés n'étant pas compétent pour statuer. Elle considère subir un préjudice du fait de l'action des bailleurs caractérisant une intention de nuire et sollicite des dommages et intérêts, précisant que ses demandes en appel sont recevables comme tendant aux mêmes fins.
Elle conteste ne pas s'être acquittée du dépôt de garantie et soutient que la clause résolutoire ne peut trouver application pour des défauts de paiement non visés dans le commandement de payer ou postérieurs. Elle sollicite des délais de paiement, précisant que l'existence de troubles du voisinage est hors débat et contestée, et expose que sa demande est recevable en réplique aux conclusions adverses conformément aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 8 mars 2024, M. et Mme [G] demandent à la cour de confirmer l'ordonnance et de':
- déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes nouvelles de Mme [L] tendant à voir dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité, dire que le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet et les condamner à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, les rejeter
- déclarer irrecevable la demande de délai de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire et subsidiairement la rejeter
- condamner Mme [L] aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que les demandes nouvelles en appel sont irrecevables. Ils font valoir que la somme visée au commandement de payer correspond aux sommes dues par la locataire au 31 décembre 2021 et qu'il n'y a aucune contestation sérieuse, concluant à la confirmation de l'ordonnance de référé en l'absence de régularisation dans le délai légal. Ils contestent le règlement du dépôt de garantie et toute falsification de l'attestation établie par la locataire le 1er avril 2020 et que toutes les sommes versées ont été portées en compte.
Au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, ils soutiennent que la demande de délais de paiement est irrecevable pour ne pas avoir été formée dans les premières conclusions d'appel et subsidiairement que l'appelante n'est pas en mesure de régler sa dette qui s'est accrue et ne justifie pas de sa situation actuelle.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aux termes de l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En application de l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge, les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En application des articles 70 et 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l'espèce, les demandes de Mme [L] tendant à dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet sont recevables en application des articles 564 et 567 du code de procédure civile, puisque ces demandes tendent aux mêmes fins que celles formées en première instance tendant à rejeter la demande de constat de la résiliation de bail fondée sur l'acquisition de la clause résolutoire.
La demande de dommages et intérêts formée en appel à l'encontre des intimés 'pour avoir engagé une action téméraire' qui ne tend pas à faire obstacle aux demandes adverses, ni opposer compensation, ni faire juger une question nouvelle, qui est sans lien établi et suffisant avec les prétentions originaires de l'appelante qui se limitaient à solliciter des délais de paiement et n'en est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément, doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle en application de l'article 564 code de procédure civile.
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il est constaté qu'au dispositif de ses premières conclusions du 15 juin 2023, l'appelante n'a pas formé de demande de délai de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire et que cette demande n'a été présentée qu'au-delà du délai de l'article 908, par conclusions du 2 octobre 2023. Cette demande n'étant pas destinée à répliquer aux conclusions adverses, ni à faire juger une question nouvelle, elle doit être déclarée irrecevable.
Sur la résiliation du bail
Selon l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges produit effet deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En l'espèce, les intimés ont fait délivrer à l'appelante un commandement de payer le 20 janvier 2022 visant la somme de 601 euros au titre de l'arriéré locatif et rappelant expressément les termes de la clause résolutoire prévue au bail.
Il est rappelé qu'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur une demande de nullité du commandement de payer qui relève des pouvoirs du juge du fond, de sorte que cette demande est rejetée.
Il a été exactement relevé par le premier juge que le commandement de payer est demeuré infructueux dans le délai de deux mois. En effet, au vu des décomptes produits par les intimés, il est constaté que dans les deux mois suivants le commandement, seule la somme de 544 euros a été versée par la CAF, de sorte que la somme visée au commandement de payer n'a pas été apurée dans le délai légal. Si l'appelante conteste le décompte annexé au commandement de payer, il est relevé qu'elle fait état des mêmes règlements effectués par elle-même et la CAF que ceux figurant sur le décompte des bailleurs, déduction faite des frais de relance ou d'avocat, de sorte qu'après déduction de versements à hauteur de 8.639 euros sur un montant total de 9.240 euros, elle restait devoir la somme de 601 euros en décembre 2021. Il est précisé que le décompte comprend à juste titre le dépôt de garantie de 440 euros prévu au contrat de bail puisque l'appelante ne justifie pas avoir réglé cette somme à l'entrée dans les lieux et qu'il ressort des pièces que le dépôt de garantie a été réglé en septembre 2020 par la CAF et est compris dans la somme de 1.300 euros portée au crédit du compte locatif. Il s'ensuit qu'il n'y a aucune contestation sérieuse sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de bail et ses conséquences.
L'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail à compter du 20 janvier 2022 et ordonné l'expulsion de Mme [L].
Sur l'arriéré locatif
En application de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. Il est rappelé qu'en application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Selon l'article 835 du code de procédure civile, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, il résulte du décompte de janvier 2023 que la dette locative s'élève à la somme de 316 euros. Toutefois les intimés indiquent que la somme due au mois de janvier 2023 était de 307 euros et non 316 euros, suite à une erreur de calcul (9 euros perçus de la CAF en 2022 non comptabilisés sur le décompte), de sorte qu'il convient d'infirmer l'ordonnance et de condamner Mme [L] à leur verser à titre provisionnel la somme de 307 euros au titre des loyers et charges impayés échus 7 janvier 2023 avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance.
Sur l'indemnité d'occupation
En raison de la résiliation du bail, Mme [L] occupe les lieux loués sans droit ni titre et reste débitrice à l'égard des intimés d'une indemnité mensuelle d'occupation qui a été justement fixée par le premier juge à un montant équivalent à celui du loyer et des charges. En conséquence l'ordonnance déférée est confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions de l'ordonnance sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
L'appelante, partie perdante, devra supporter les dépens d'appel et il est équitable qu'elle soit condamnée à verser aux intimés la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance. Il convient en outre de la débouter de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DECLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par Mme [Y] [L] à l'encontre de M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] ;
DECLARE irrecevable la demande de délai de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire formée par Mme [Y] [L]';
DECLARE recevables les demandes de Mme [Y] [L] tendant à dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet ;
INFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [Y] [L] à verser à M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] à titre de provision la somme de 316 euros au titre des loyers et charges échus au mois de janvier 2023 avec intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance et statuant à nouveau,
CONDAMNE Mme [Y] [L] à verser à M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] la somme provisionnelle de 307 euros au titre des loyers et charges échus au mois de janvier 2023 avec intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance ;
CONFIRME l'ordonnance pour le surplus ;
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme [Y] [L] de ses demandes tendant à dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet ;
CONDAMNE Mme [Y] [L] aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Mme [Y] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [Y] [L] à verser à M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A.R.I. N° RG 23/00875 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F6JM
Minute n° 24/00262
[L]
C/
[G], [U]
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Juge des contentieux de la protection de THIONVILLE
14 Mars 2023
12-22-711
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COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE
A.R.I.
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
APPELANTE :
Madame [Y] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 57463-2023-002482 du 19/04/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉS :
Monsieur [M] [B] [G]
[Adresse 1] - [Localité 3]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
Madame [W] [U] épouse [G]
[Adresse 1] - [Localité 3]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.
A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller
M. KOEHL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 1er avril 2020, M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] ont consenti un bail à Mme [Y] [L] portant sur un local meublé d'habitation situé [Adresse 2] [Localité 3] pour un loyer de 420 euros outre 20 euros de provision sur charges.
Par acte d'huissier du 20 janvier 2022, ils ont fait délivrer à la locataire un commandement de payer pour les arriérés de loyers et charges visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail.
Par acte d'huissier du 13 juillet 2022, ils l'ont assignée en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thionville aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion de la locataire et la voir condamner à des provisions au titre de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [L] s'est opposée aux demandes et a sollicité des délais de paiement et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 14 mars 2023, le juge des contentieux de la protection a :
- constaté la résiliation de plein droit du bail à compter du 21 mars 2022
- ordonné l'expulsion de Mme [L] et de tous occupants de son chef ainsi que de tous biens, et dit qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra y être contrainte par tous moyens de droit à la suite d'un délai légal de deux mois suivant le commandement délivré par huissier de justice d'avoir à quitter les lieux
- dit qu'il sera procédé en tant que de besoin à l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux loués et à leur séquestration dans un garde-meuble
- condamné Mme [L] à verser à M. et Mme [G] à titre de provision la somme de 316 euros représentant les loyers et charges échus au mois de janvier 2023 avec intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance
- débouté Mme [L] de sa demande de délais de paiement
- fixé l'indemnité d'occupation au montant des loyers et charges en cours et condamné Mme [L] à son paiement à titre de provision au profit de M. et Mme [G] jusqu'à libération des lieux, soit la somme de 447 euros
- condamné Mme [L] à verser à M. et Mme [G] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens y compris les frais du commandement de payer.
Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 14 avril 2023, Mme [L] a interjeté appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 janvier 2024, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance et de':
- dire n'y avoir lieu à référé
- prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut prononcer l'inefficacité du commandement de payer visant la clause résolutoire et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet
- débouter M. et Mme [G] de leurs demandes de constatation de la résiliation du bail, d'expulsion, de paiement d'un arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation
- à titre subsidiaire dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile
- lui accorder des délais de paiement sur 36 mois avec suspension des effets de la clause résolutoire
- débouter M. et Mme [G] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- les condamner à lui verser une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700-2° du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
L'appelante conteste la somme réclamée dans le commandement de payer et soutient ne rien devoir aux bailleurs, de sorte que ce commandement est de nul effet et ne peut emporter résiliation du bail. Elle ajoute que les décomptes postérieurs versés aux débats sont erronés et qu'il existe une contestation sérieuse, le juge des référés n'étant pas compétent pour statuer. Elle considère subir un préjudice du fait de l'action des bailleurs caractérisant une intention de nuire et sollicite des dommages et intérêts, précisant que ses demandes en appel sont recevables comme tendant aux mêmes fins.
Elle conteste ne pas s'être acquittée du dépôt de garantie et soutient que la clause résolutoire ne peut trouver application pour des défauts de paiement non visés dans le commandement de payer ou postérieurs. Elle sollicite des délais de paiement, précisant que l'existence de troubles du voisinage est hors débat et contestée, et expose que sa demande est recevable en réplique aux conclusions adverses conformément aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 8 mars 2024, M. et Mme [G] demandent à la cour de confirmer l'ordonnance et de':
- déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes nouvelles de Mme [L] tendant à voir dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité, dire que le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet et les condamner à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, les rejeter
- déclarer irrecevable la demande de délai de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire et subsidiairement la rejeter
- condamner Mme [L] aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que les demandes nouvelles en appel sont irrecevables. Ils font valoir que la somme visée au commandement de payer correspond aux sommes dues par la locataire au 31 décembre 2021 et qu'il n'y a aucune contestation sérieuse, concluant à la confirmation de l'ordonnance de référé en l'absence de régularisation dans le délai légal. Ils contestent le règlement du dépôt de garantie et toute falsification de l'attestation établie par la locataire le 1er avril 2020 et que toutes les sommes versées ont été portées en compte.
Au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile, ils soutiennent que la demande de délais de paiement est irrecevable pour ne pas avoir été formée dans les premières conclusions d'appel et subsidiairement que l'appelante n'est pas en mesure de régler sa dette qui s'est accrue et ne justifie pas de sa situation actuelle.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aux termes de l'article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En application de l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge, les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En application des articles 70 et 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l'espèce, les demandes de Mme [L] tendant à dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet sont recevables en application des articles 564 et 567 du code de procédure civile, puisque ces demandes tendent aux mêmes fins que celles formées en première instance tendant à rejeter la demande de constat de la résiliation de bail fondée sur l'acquisition de la clause résolutoire.
La demande de dommages et intérêts formée en appel à l'encontre des intimés 'pour avoir engagé une action téméraire' qui ne tend pas à faire obstacle aux demandes adverses, ni opposer compensation, ni faire juger une question nouvelle, qui est sans lien établi et suffisant avec les prétentions originaires de l'appelante qui se limitaient à solliciter des délais de paiement et n'en est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément, doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle en application de l'article 564 code de procédure civile.
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il est constaté qu'au dispositif de ses premières conclusions du 15 juin 2023, l'appelante n'a pas formé de demande de délai de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire et que cette demande n'a été présentée qu'au-delà du délai de l'article 908, par conclusions du 2 octobre 2023. Cette demande n'étant pas destinée à répliquer aux conclusions adverses, ni à faire juger une question nouvelle, elle doit être déclarée irrecevable.
Sur la résiliation du bail
Selon l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges produit effet deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En l'espèce, les intimés ont fait délivrer à l'appelante un commandement de payer le 20 janvier 2022 visant la somme de 601 euros au titre de l'arriéré locatif et rappelant expressément les termes de la clause résolutoire prévue au bail.
Il est rappelé qu'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur une demande de nullité du commandement de payer qui relève des pouvoirs du juge du fond, de sorte que cette demande est rejetée.
Il a été exactement relevé par le premier juge que le commandement de payer est demeuré infructueux dans le délai de deux mois. En effet, au vu des décomptes produits par les intimés, il est constaté que dans les deux mois suivants le commandement, seule la somme de 544 euros a été versée par la CAF, de sorte que la somme visée au commandement de payer n'a pas été apurée dans le délai légal. Si l'appelante conteste le décompte annexé au commandement de payer, il est relevé qu'elle fait état des mêmes règlements effectués par elle-même et la CAF que ceux figurant sur le décompte des bailleurs, déduction faite des frais de relance ou d'avocat, de sorte qu'après déduction de versements à hauteur de 8.639 euros sur un montant total de 9.240 euros, elle restait devoir la somme de 601 euros en décembre 2021. Il est précisé que le décompte comprend à juste titre le dépôt de garantie de 440 euros prévu au contrat de bail puisque l'appelante ne justifie pas avoir réglé cette somme à l'entrée dans les lieux et qu'il ressort des pièces que le dépôt de garantie a été réglé en septembre 2020 par la CAF et est compris dans la somme de 1.300 euros portée au crédit du compte locatif. Il s'ensuit qu'il n'y a aucune contestation sérieuse sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de bail et ses conséquences.
L'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail à compter du 20 janvier 2022 et ordonné l'expulsion de Mme [L].
Sur l'arriéré locatif
En application de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. Il est rappelé qu'en application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Selon l'article 835 du code de procédure civile, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En l'espèce, il résulte du décompte de janvier 2023 que la dette locative s'élève à la somme de 316 euros. Toutefois les intimés indiquent que la somme due au mois de janvier 2023 était de 307 euros et non 316 euros, suite à une erreur de calcul (9 euros perçus de la CAF en 2022 non comptabilisés sur le décompte), de sorte qu'il convient d'infirmer l'ordonnance et de condamner Mme [L] à leur verser à titre provisionnel la somme de 307 euros au titre des loyers et charges impayés échus 7 janvier 2023 avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance.
Sur l'indemnité d'occupation
En raison de la résiliation du bail, Mme [L] occupe les lieux loués sans droit ni titre et reste débitrice à l'égard des intimés d'une indemnité mensuelle d'occupation qui a été justement fixée par le premier juge à un montant équivalent à celui du loyer et des charges. En conséquence l'ordonnance déférée est confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions de l'ordonnance sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
L'appelante, partie perdante, devra supporter les dépens d'appel et il est équitable qu'elle soit condamnée à verser aux intimés la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance. Il convient en outre de la débouter de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DECLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par Mme [Y] [L] à l'encontre de M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] ;
DECLARE irrecevable la demande de délai de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire formée par Mme [Y] [L]';
DECLARE recevables les demandes de Mme [Y] [L] tendant à dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet ;
INFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [Y] [L] à verser à M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] à titre de provision la somme de 316 euros au titre des loyers et charges échus au mois de janvier 2023 avec intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance et statuant à nouveau,
CONDAMNE Mme [Y] [L] à verser à M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] la somme provisionnelle de 307 euros au titre des loyers et charges échus au mois de janvier 2023 avec intérêt au taux légal à compter de l'ordonnance ;
CONFIRME l'ordonnance pour le surplus ;
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme [Y] [L] de ses demandes tendant à dire n'y avoir lieu à référé, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, à défaut son inefficacité et dire le commandement de payer visant la clause résolutoire de nul effet ;
CONDAMNE Mme [Y] [L] aux dépens d'appel ;
DEBOUTE Mme [Y] [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [Y] [L] à verser à M. [M] [B] [G] et Mme [W] [U] épouse [G] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT