Décisions
CA Douai, ch. 1 sect. 2, 12 septembre 2024, n° 22/01147
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/09/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/01147 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEW5
Ordonnance de référé (N° 21/00160)
rendue le 06 janvier 2022 par le président du tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTE
La SCI [Adresse 10]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 8]
[Localité 9]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Guillaume Herbet, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, constitué aux lieu et place de Me Gollain Valéry, avocat
INTIMÉS
Monsieur [F] [M]
né le 23 Novembre 1953 à [Localité 6]
Madame [O] [C] épouse [M]
née le 16 Juin 1957 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Madame [A] [L]
née le 03 août 1976 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentés par Me Paul-guillaume Balay, avocat au barreau de Lille, avocat constitué aux lieu et place de Me Mélanie Pas, avocat
DÉBATS à l'audience publique du 04 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 novembre 2023
****
EXPOSE DU LITIGE
La SCI [Adresse 10] est propriétaire d'un terrain sis [Adresse 8] à [Localité 9], sur lequel est implanté un ensemble d'immeubles à usage d'activité, ainsi qu'un parking donné à bail à la société Approstock.
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] sont propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 13] à [Localité 3] dont le fond du jardin donne sur le parking de la société.
En 2020, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont entrepris des travaux de construction de garages sur leur parcelle accessible par un chemin rural dit « chemin des dames » d'une largeur de douze mètres, en limite des communes de [Localité 3] et de [Localité 9]. Ce chemin ne serait à ce jour plus visible, la SCI [Adresse 10] ayant construit à cet emplacement un parking attenant à un entrepôt loué la société Approstock.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 juin 2020, la SCI [Adresse 10] a informé M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de son souhait de sécuriser le site loué à la société Approstock, indiquant qu'elle estimait illégal l'accès à sa propriété en dehors de toute servitude, et soutenant que le chemin rural, appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 9], aurait fait l'objet d'une usucapion.
Par courrier recommandé avec accusé e réception du 18 décembre 2020, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont mis la SCI [Adresse 10] en demeure de justifier de l'usucapion invoquée.
Les 24 février et 25 mars 2021, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont fait dresser des procès-verbaux de constat d'huissier.
Par acte d'huissier du 4 juin 2021, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont fait assigner la SCI [Adresse 10] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de :
Condamner la SCI [Adresse 10] à remettre en état les lieux de la voie publique appelée « chemin des dames » sur les communes de [Localité 3] et de [Localité 9], et par conséquent de procéder à la dépose des barrières type protection de chantier et des jardinières en béton entravant l'accès aux parcelles AH370 et AH371 sur la commune de [Localité 3] ;
Condamner la SCI [Adresse 10] à leu remettre un jeu de clé pour l'ouverture du portail et la porte attenante, permettant l'accès au chemin, ou à défait de laisser ces équipements ouverts de jour comme de nuit, sauf pénalité provisionnelle de 100 euros par manquement dûment constater,
D'assortir le tout d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de l'ordonnance à intervenir,
Condamner la SCI [Adresse 10] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,
Condamner la SCI [Adresse 10] aux entiers dépens, en ce compris les frais du procès-verbal du constat d'huissier.
Par ordonnance du 6 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque a :
ordonné à la SCI des Dames de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
débouté la SCI des Dames de sa demande au titre de la procédure abusive Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné la SCI des Dames aux entiers dépens de la présente instance de référé ;
condamné la SCI des Dames à payer à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration dépose au greffe de la cour d'appel de Douai le 7 mars 2023, la SCI [Adresse 10] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 juin 2023, la SCI [Adresse 10] demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, des articles 544, 545 et 2258 et suivants du code civil, des articles L. 161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et des articles L. 161-1 et L. 161-2 du code de la voirie routière, de :
infirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Dunkerque, en date du 6 janvier 2022, en ce qu'elle a :
ordonné à la SCI des Dames de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking ;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
débouté la SCI des Dames de sa demande au titre de la procédure abusive Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné la SCI des Dames aux entiers dépens de la présente instance de référé ;
condamné la SCI des Dames à payer à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant de nouveau :
- débouter M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de leurs demandes, fins et conclusions ;
- ordonner à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la restitution des badges de parking, ainsi que la remise en état des lieux, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
- condamner in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] aux entiers frais et dépens dont le recouvrement sera assuré par la SCP Processuel, avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juillet 2023, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] demandent à la cour, au visa des articles 834 et suivants du code de procédure civile, de l'article 544 du code civil et de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :
dire et juger Monsieur et Madame [M]-[C], Madame [L] recevables et bien fondés en leur appel incident,
réformer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- ordonné à la SCI [Adresse 10] de permettre à Monsieur et Madame [M] et à Madame [L] d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la Société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès,
- ordonné à la SCI [Adresse 10] de remettre à Monsieur et Madame [M] et à Madame [L] tous moyens (clés, cartes, codes), permettant l'ouverture du portail dudit parking,
- dit n'y avoir lieu à fixation d'une indemnité provisionnelle en cas de manquement aux obligations imposées au titre de l'ordonnance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SCI [Adresse 10] aux entiers dépens de l'instance de référé,
- condamné la SCI [Adresse 10] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
ordonner à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] et à toutes personnes de leurs chefs, sociétés, entreprises, d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès,
ordonner à la SCI [Adresse 10] de remettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] tous moyens (clés, cartes, codes), permettant l'ouverture du portail dudit parking, ou à défaut de laisser ouverts ces équipements de jour comme de nuit, sauf pénalité provisionnelle de 100 euros par manquement dûment constaté,
condamner la SCI [Adresse 10] aux entiers dépens de l'instance de référé, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier de justice,
condamner la SCI [Adresse 10] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
débouter la SCI [Adresse 10] de sa demande au titre de la procédure abusive,
- Confirmer l'ordonnance pour le surplus en ce qu'elle a :
- dit qu'il devait être satisfait à ces injonctions sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance,
- s'est réservé la possibilité de liquider l'astreinte,
Dans tous les cas,
débouter la SCI [Adresse 10] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que si la SCI [Adresse 10] a interjeté appel du chef de l'ordonnance l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, elle ne formule plus cette demande dans le dispositif de ses dernières conclusions. La Cour ne peut que confirmer ce chef de l'ordonnance.
Sur le référé injonction
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] soutiennent qu'ils ont toujours pu accéder à l'arrière de leur terrain par un chemin rural dit « [Adresse 10] », voie publique communale partagée entre les deux communes de [Localité 3] et de [Localité 9], bien que celui-ci ne soit concrètement quasiment plus visible à l'heure actuelle pour être englobé par le parking de la SCI [Adresse 10] laquelle loue un entrepôt à la société Approstock. M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont entrepris la construction de leurs garages sur leurs terrains respectifs. Or, la SCI [Adresse 10] a installé des jardinières en béton et une clôture de type protection de chantier empêchant l'accès aux terrains de M. et Mme [M] et Mme [A] [L]. Ils affirment qu'il s'agit d'un trouble manifestement illicite et sollicitent que leur soit enjoint de leur permettre l'accès au chemin ainsi qu'à toutes personnes de leurs chefs, à savoir les sociétés intervenantes pour la réalisation des garages. M. et Mme [M] et Mme [A] [L] contestent l'existence de l'usucapion du chemin invoquée par la SCI [Adresse 10] aux motifs qu'elle n'est nullement démontrée, que la commune de [Localité 3] affirme que le chemin relève du domaine public et ne peut pas faire l'objet d'une usucapion et que de nombreux attestants affirment avoir utilisé ce chemin.
La SCI [Adresse 10] fait valoir qu'il n'y pas de trouble manifestement illicite en ce que [Adresse 10] n'est plus un chemin rural, qu'il n'a jamais été entretenu et a disparu, et qu'elle en est propriétaire par usucapion. Elle affirme qu'elle avait uniquement toléré que M. [M] passe sur le parking de la SCI mais qu'il ne dispose pas de droit de passage pour autant.
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Cette notion correspond à la voie de fait.
L'appréciation du caractère illicite du trouble implique de la part du juge des référés « un certain préjugé sur le fond », étant précisé que l'illicéité du fait ou de l'action critiquée peut résulter de la méconnaissance d'une disposition légale ou réglementaire, d'une décision de justice antérieure, d'une convention, du règlement intérieur d'une entreprise, d'une simple règle morale ou même, quel que soit le fond du droit en cause, du procédé auquel une partie a eu recours pour régler le différend et obtenir, par violence ou voie de fait, le bénéfice de ce droit.
Il faut cependant que l'illicéité du trouble soit manifeste, la seule méconnaissance d'une réglementation étant à cet égard insuffisante. Il doit donc « sauter aux yeux » que la règle de droit, au sens large du terme, a été violée dans des conditions justifiant, sans contestation possible, qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur.
Si la contestation n'affecte pas l'existence même du trouble et/ou son caractère illicite, le juge peut prendre une mesure de remise en état. En revanche, une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble ou sur son caractère manifestement illicite doit empêcher le juge des référés de prononcer la mesure sollicitée. De plus, dès l'instant où il subsiste une difficulté d'appréciation, le juge des référés ne peut trancher. Il ne peut interpréter la volonté des parties, les termes ambigus ou imprécis d'un acte ou d'une convention, le contenu d'un contrat litigieux ou trancher une question dont dépend l'existence de l'obligation invoquée.
Il résulte également de la combinaison des articles L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques que les chemins ruraux peuvent être acquis par voie de prescription acquisitive.
Selon l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Aux termes de l'article 647du code civil, tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l'exception portée en l'article 682.
Sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les conditions d'application de cet article ne sont pas réunies en ce que l'urgence n'est pas caractérisée.
Sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, il appartient à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de démontrer que l'installation de jardinières en béton et d'une clôture sur le parking de la SCI [Adresse 10] constitue un trouble manifestement illicite. S'ils affirment qu'en réalité ces éléments ont été installés sur un chemin rural dit [Adresse 10] et non sur une partie privative de la SCI [Adresse 10], ils doivent le démontrer.
Il est apporté aux débats un courrier de la commune de [Localité 3] du 8 décembre 2020 adressée à M. [M] dans lequel elle affirme que [Adresse 10] est un chemin communal et que depuis 2008, elle est en conflit avec la SCI [Adresse 10] qui se « pense propriétaire » dudit du chemin.
La commune de [Localité 9] a, par courrier du 25 septembre 2020 adressé au conseil de M. et Mme [M] et Mme [A] [L], indiqué que « le chemin rural n'étant plus entretenu ni par la commune ni par celle de [Localité 3], les responsables de la SCI des Dames s'en sont donc occupés. (') Ce chemin a donc effectivement été usucapé par cette SCI ».
S'il n'est pas contesté que [Adresse 10] a été un chemin rural appartenant aux deux communes, son existence contemporaine fait l'objet de contestation.
Ces deux courriers des deux communes démontrent qu'il existe une contestation sur le régime actuel du chemin.
En revanche, il n'est pas contesté que la SCI [Adresse 10] avait, avant de changer les serrures, donner un jeu de clé de la grille à M. [M] lui permettant d'accéder à l'arrière de son terrain. Ainsi, le chemin n'était plus accessible par le public. En revanche, il n'est pas justifié que d'autres riverains détenaient un jeu de clé.
Le propriétaire peut clôturer son terrain comme il souhaite.
Toutefois, la preuve de la prescription acquisitive implique la démonstration d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Or, il est apporté au débat un courrier du 21 septembre 2018 de la société Ingeo, mandatée par Noréade aux fins de procéder à la délimitation du chemin rural entre la commune de [Localité 9] et la commune de [Localité 3]. Ce courrier démontre bien que s'il y a possession du chemin par la SCI [Adresse 10], elle n'était pas non équivoque en 2018. Pour démontrer l'acquisition du chemin par la prescription trentenaire avant 2018, les attestations produites par les parties se contredisent et ne peuvent donc suffire à établir l'usucapion. En effet, si certains affirment qu'il y a toujours eu un grillage empêchant l'accès au chemin et que M. [M] avait un jeu de clé, d'autres, tels que Mme [P] [B], indique que des personnes y circulaient pour rejoindre « « le patronnage », « la [Adresse 12] » ou pour « aller au cinéma ». De plus, il ressort de l'attestation de Mme [K] [H], produite par la SCI [Adresse 10], que le parking a été fermé par une barrière dans les années 80.
La SCI [Adresse 10] produit également un acte notarié de 1979 relatif à la vente d'un terrain situé sur le lieudit « [Adresse 11] » qui évoque une servitude passage entre la société [G] qui achetait le terrain et les propriétés des parcelles voisines. Il y est mentionné « l'assiette de ce passage d'une largeur utile de six mètres et carrossable en tout temps, sera à prendre dans une bande de douze mètres de large à partir de la limite séparative des communes de [Localité 3] et [Localité 9] ». Néanmoins, cet acte manque de précision sur le chemin dont il est question et contredit ce que les parties ne contestent pas à savoir que le chemin était à l'origine rural.
En conséquence, il existe une réelle difficulté d'appréciation quant au régime actuel du chemin des Dames et le trouble manifestement illicite allégué n'est pas établi.
A ce titre, le juge des référés ne peut pas statuer sur la demande d'ordonner à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] et à toutes personnes de leurs chefs, sociétés, entreprises, d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire.
L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle a :
ordonné à la SCI des Dames de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3] et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking ;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
Ainsi, avant qu'un juge du fond tranche sur ce litige, il y a lieu d'ordonner à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la restitution des badges de parking, ainsi que la remise en état des lieux. En revanche, la demande d'astreinte n'est étayée par aucun moyen, elle sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera infirmée sur ces chefs.
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la procédure en première instance et en appel.
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] seront condamnés in solidum à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME l'ordonnance rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire du 6 janvier 2022 en ce qu'elle a débouté la SCI [Adresse 10] de sa demande au titre de la procédure abusive,
INFIRME l'ordonnance rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire du 6 janvier 2022 en ce qu'elle a :
ordonné à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking ;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
condamné la SCI des Dames aux entiers dépens de la présente instance de référé ;
condamné la SCI des Dames à payer à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de leurs demandes :
d'ordonner à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] et à toutes personnes de leurs chefs, sociétés, entreprises, d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès,
d'ordonner à la SCI [Adresse 10] de remettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] tous moyens (clés, cartes, codes), permettant l'ouverture du portail dudit parking, ou à défaut de laisser ouverts ces équipements de jour comme de nuit, sauf pénalité provisionnelle de 100 euros par manquement dûment constaté
ORDONNE à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] à restituer à la SCI [Adresse 10] les badges de parking et de remettre en état les lieux,
DÉBOUTE la SCI [Adresse 10] de sa demande d'astreinte,
CONDAMNE in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel,
DÉBOUTE M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/09/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/01147 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEW5
Ordonnance de référé (N° 21/00160)
rendue le 06 janvier 2022 par le président du tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTE
La SCI [Adresse 10]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 8]
[Localité 9]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Guillaume Herbet, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, constitué aux lieu et place de Me Gollain Valéry, avocat
INTIMÉS
Monsieur [F] [M]
né le 23 Novembre 1953 à [Localité 6]
Madame [O] [C] épouse [M]
née le 16 Juin 1957 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Madame [A] [L]
née le 03 août 1976 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentés par Me Paul-guillaume Balay, avocat au barreau de Lille, avocat constitué aux lieu et place de Me Mélanie Pas, avocat
DÉBATS à l'audience publique du 04 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 novembre 2023
****
EXPOSE DU LITIGE
La SCI [Adresse 10] est propriétaire d'un terrain sis [Adresse 8] à [Localité 9], sur lequel est implanté un ensemble d'immeubles à usage d'activité, ainsi qu'un parking donné à bail à la société Approstock.
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] sont propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 13] à [Localité 3] dont le fond du jardin donne sur le parking de la société.
En 2020, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont entrepris des travaux de construction de garages sur leur parcelle accessible par un chemin rural dit « chemin des dames » d'une largeur de douze mètres, en limite des communes de [Localité 3] et de [Localité 9]. Ce chemin ne serait à ce jour plus visible, la SCI [Adresse 10] ayant construit à cet emplacement un parking attenant à un entrepôt loué la société Approstock.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 juin 2020, la SCI [Adresse 10] a informé M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de son souhait de sécuriser le site loué à la société Approstock, indiquant qu'elle estimait illégal l'accès à sa propriété en dehors de toute servitude, et soutenant que le chemin rural, appartenant au domaine privé de la commune de [Localité 9], aurait fait l'objet d'une usucapion.
Par courrier recommandé avec accusé e réception du 18 décembre 2020, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont mis la SCI [Adresse 10] en demeure de justifier de l'usucapion invoquée.
Les 24 février et 25 mars 2021, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont fait dresser des procès-verbaux de constat d'huissier.
Par acte d'huissier du 4 juin 2021, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont fait assigner la SCI [Adresse 10] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de :
Condamner la SCI [Adresse 10] à remettre en état les lieux de la voie publique appelée « chemin des dames » sur les communes de [Localité 3] et de [Localité 9], et par conséquent de procéder à la dépose des barrières type protection de chantier et des jardinières en béton entravant l'accès aux parcelles AH370 et AH371 sur la commune de [Localité 3] ;
Condamner la SCI [Adresse 10] à leu remettre un jeu de clé pour l'ouverture du portail et la porte attenante, permettant l'accès au chemin, ou à défait de laisser ces équipements ouverts de jour comme de nuit, sauf pénalité provisionnelle de 100 euros par manquement dûment constater,
D'assortir le tout d'une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la signification de l'ordonnance à intervenir,
Condamner la SCI [Adresse 10] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,
Condamner la SCI [Adresse 10] aux entiers dépens, en ce compris les frais du procès-verbal du constat d'huissier.
Par ordonnance du 6 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque a :
ordonné à la SCI des Dames de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
débouté la SCI des Dames de sa demande au titre de la procédure abusive Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné la SCI des Dames aux entiers dépens de la présente instance de référé ;
condamné la SCI des Dames à payer à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration dépose au greffe de la cour d'appel de Douai le 7 mars 2023, la SCI [Adresse 10] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 juin 2023, la SCI [Adresse 10] demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, des articles 544, 545 et 2258 et suivants du code civil, des articles L. 161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et des articles L. 161-1 et L. 161-2 du code de la voirie routière, de :
infirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Dunkerque, en date du 6 janvier 2022, en ce qu'elle a :
ordonné à la SCI des Dames de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking ;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
débouté la SCI des Dames de sa demande au titre de la procédure abusive Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné la SCI des Dames aux entiers dépens de la présente instance de référé ;
condamné la SCI des Dames à payer à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant de nouveau :
- débouter M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de leurs demandes, fins et conclusions ;
- ordonner à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la restitution des badges de parking, ainsi que la remise en état des lieux, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
- condamner in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] à verser à la SCI [Adresse 10] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] aux entiers frais et dépens dont le recouvrement sera assuré par la SCP Processuel, avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juillet 2023, M. et Mme [M] et Mme [A] [L] demandent à la cour, au visa des articles 834 et suivants du code de procédure civile, de l'article 544 du code civil et de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :
dire et juger Monsieur et Madame [M]-[C], Madame [L] recevables et bien fondés en leur appel incident,
réformer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :
- ordonné à la SCI [Adresse 10] de permettre à Monsieur et Madame [M] et à Madame [L] d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la Société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès,
- ordonné à la SCI [Adresse 10] de remettre à Monsieur et Madame [M] et à Madame [L] tous moyens (clés, cartes, codes), permettant l'ouverture du portail dudit parking,
- dit n'y avoir lieu à fixation d'une indemnité provisionnelle en cas de manquement aux obligations imposées au titre de l'ordonnance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SCI [Adresse 10] aux entiers dépens de l'instance de référé,
- condamné la SCI [Adresse 10] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
ordonner à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] et à toutes personnes de leurs chefs, sociétés, entreprises, d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès,
ordonner à la SCI [Adresse 10] de remettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] tous moyens (clés, cartes, codes), permettant l'ouverture du portail dudit parking, ou à défaut de laisser ouverts ces équipements de jour comme de nuit, sauf pénalité provisionnelle de 100 euros par manquement dûment constaté,
condamner la SCI [Adresse 10] aux entiers dépens de l'instance de référé, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier de justice,
condamner la SCI [Adresse 10] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
débouter la SCI [Adresse 10] de sa demande au titre de la procédure abusive,
- Confirmer l'ordonnance pour le surplus en ce qu'elle a :
- dit qu'il devait être satisfait à ces injonctions sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance,
- s'est réservé la possibilité de liquider l'astreinte,
Dans tous les cas,
débouter la SCI [Adresse 10] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que si la SCI [Adresse 10] a interjeté appel du chef de l'ordonnance l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, elle ne formule plus cette demande dans le dispositif de ses dernières conclusions. La Cour ne peut que confirmer ce chef de l'ordonnance.
Sur le référé injonction
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] soutiennent qu'ils ont toujours pu accéder à l'arrière de leur terrain par un chemin rural dit « [Adresse 10] », voie publique communale partagée entre les deux communes de [Localité 3] et de [Localité 9], bien que celui-ci ne soit concrètement quasiment plus visible à l'heure actuelle pour être englobé par le parking de la SCI [Adresse 10] laquelle loue un entrepôt à la société Approstock. M. et Mme [M] et Mme [A] [L] ont entrepris la construction de leurs garages sur leurs terrains respectifs. Or, la SCI [Adresse 10] a installé des jardinières en béton et une clôture de type protection de chantier empêchant l'accès aux terrains de M. et Mme [M] et Mme [A] [L]. Ils affirment qu'il s'agit d'un trouble manifestement illicite et sollicitent que leur soit enjoint de leur permettre l'accès au chemin ainsi qu'à toutes personnes de leurs chefs, à savoir les sociétés intervenantes pour la réalisation des garages. M. et Mme [M] et Mme [A] [L] contestent l'existence de l'usucapion du chemin invoquée par la SCI [Adresse 10] aux motifs qu'elle n'est nullement démontrée, que la commune de [Localité 3] affirme que le chemin relève du domaine public et ne peut pas faire l'objet d'une usucapion et que de nombreux attestants affirment avoir utilisé ce chemin.
La SCI [Adresse 10] fait valoir qu'il n'y pas de trouble manifestement illicite en ce que [Adresse 10] n'est plus un chemin rural, qu'il n'a jamais été entretenu et a disparu, et qu'elle en est propriétaire par usucapion. Elle affirme qu'elle avait uniquement toléré que M. [M] passe sur le parking de la SCI mais qu'il ne dispose pas de droit de passage pour autant.
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Cette notion correspond à la voie de fait.
L'appréciation du caractère illicite du trouble implique de la part du juge des référés « un certain préjugé sur le fond », étant précisé que l'illicéité du fait ou de l'action critiquée peut résulter de la méconnaissance d'une disposition légale ou réglementaire, d'une décision de justice antérieure, d'une convention, du règlement intérieur d'une entreprise, d'une simple règle morale ou même, quel que soit le fond du droit en cause, du procédé auquel une partie a eu recours pour régler le différend et obtenir, par violence ou voie de fait, le bénéfice de ce droit.
Il faut cependant que l'illicéité du trouble soit manifeste, la seule méconnaissance d'une réglementation étant à cet égard insuffisante. Il doit donc « sauter aux yeux » que la règle de droit, au sens large du terme, a été violée dans des conditions justifiant, sans contestation possible, qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur.
Si la contestation n'affecte pas l'existence même du trouble et/ou son caractère illicite, le juge peut prendre une mesure de remise en état. En revanche, une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble ou sur son caractère manifestement illicite doit empêcher le juge des référés de prononcer la mesure sollicitée. De plus, dès l'instant où il subsiste une difficulté d'appréciation, le juge des référés ne peut trancher. Il ne peut interpréter la volonté des parties, les termes ambigus ou imprécis d'un acte ou d'une convention, le contenu d'un contrat litigieux ou trancher une question dont dépend l'existence de l'obligation invoquée.
Il résulte également de la combinaison des articles L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques que les chemins ruraux peuvent être acquis par voie de prescription acquisitive.
Selon l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Aux termes de l'article 647du code civil, tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l'exception portée en l'article 682.
Sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les conditions d'application de cet article ne sont pas réunies en ce que l'urgence n'est pas caractérisée.
Sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, il appartient à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de démontrer que l'installation de jardinières en béton et d'une clôture sur le parking de la SCI [Adresse 10] constitue un trouble manifestement illicite. S'ils affirment qu'en réalité ces éléments ont été installés sur un chemin rural dit [Adresse 10] et non sur une partie privative de la SCI [Adresse 10], ils doivent le démontrer.
Il est apporté aux débats un courrier de la commune de [Localité 3] du 8 décembre 2020 adressée à M. [M] dans lequel elle affirme que [Adresse 10] est un chemin communal et que depuis 2008, elle est en conflit avec la SCI [Adresse 10] qui se « pense propriétaire » dudit du chemin.
La commune de [Localité 9] a, par courrier du 25 septembre 2020 adressé au conseil de M. et Mme [M] et Mme [A] [L], indiqué que « le chemin rural n'étant plus entretenu ni par la commune ni par celle de [Localité 3], les responsables de la SCI des Dames s'en sont donc occupés. (') Ce chemin a donc effectivement été usucapé par cette SCI ».
S'il n'est pas contesté que [Adresse 10] a été un chemin rural appartenant aux deux communes, son existence contemporaine fait l'objet de contestation.
Ces deux courriers des deux communes démontrent qu'il existe une contestation sur le régime actuel du chemin.
En revanche, il n'est pas contesté que la SCI [Adresse 10] avait, avant de changer les serrures, donner un jeu de clé de la grille à M. [M] lui permettant d'accéder à l'arrière de son terrain. Ainsi, le chemin n'était plus accessible par le public. En revanche, il n'est pas justifié que d'autres riverains détenaient un jeu de clé.
Le propriétaire peut clôturer son terrain comme il souhaite.
Toutefois, la preuve de la prescription acquisitive implique la démonstration d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Or, il est apporté au débat un courrier du 21 septembre 2018 de la société Ingeo, mandatée par Noréade aux fins de procéder à la délimitation du chemin rural entre la commune de [Localité 9] et la commune de [Localité 3]. Ce courrier démontre bien que s'il y a possession du chemin par la SCI [Adresse 10], elle n'était pas non équivoque en 2018. Pour démontrer l'acquisition du chemin par la prescription trentenaire avant 2018, les attestations produites par les parties se contredisent et ne peuvent donc suffire à établir l'usucapion. En effet, si certains affirment qu'il y a toujours eu un grillage empêchant l'accès au chemin et que M. [M] avait un jeu de clé, d'autres, tels que Mme [P] [B], indique que des personnes y circulaient pour rejoindre « « le patronnage », « la [Adresse 12] » ou pour « aller au cinéma ». De plus, il ressort de l'attestation de Mme [K] [H], produite par la SCI [Adresse 10], que le parking a été fermé par une barrière dans les années 80.
La SCI [Adresse 10] produit également un acte notarié de 1979 relatif à la vente d'un terrain situé sur le lieudit « [Adresse 11] » qui évoque une servitude passage entre la société [G] qui achetait le terrain et les propriétés des parcelles voisines. Il y est mentionné « l'assiette de ce passage d'une largeur utile de six mètres et carrossable en tout temps, sera à prendre dans une bande de douze mètres de large à partir de la limite séparative des communes de [Localité 3] et [Localité 9] ». Néanmoins, cet acte manque de précision sur le chemin dont il est question et contredit ce que les parties ne contestent pas à savoir que le chemin était à l'origine rural.
En conséquence, il existe une réelle difficulté d'appréciation quant au régime actuel du chemin des Dames et le trouble manifestement illicite allégué n'est pas établi.
A ce titre, le juge des référés ne peut pas statuer sur la demande d'ordonner à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] et à toutes personnes de leurs chefs, sociétés, entreprises, d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire.
L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle a :
ordonné à la SCI des Dames de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3] et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking ;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
Ainsi, avant qu'un juge du fond tranche sur ce litige, il y a lieu d'ordonner à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la restitution des badges de parking, ainsi que la remise en état des lieux. En revanche, la demande d'astreinte n'est étayée par aucun moyen, elle sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance sera infirmée sur ces chefs.
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] seront condamnés in solidum aux entiers dépens de la procédure en première instance et en appel.
M. et Mme [M] et Mme [A] [L] seront condamnés in solidum à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME l'ordonnance rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire du 6 janvier 2022 en ce qu'elle a débouté la SCI [Adresse 10] de sa demande au titre de la procédure abusive,
INFIRME l'ordonnance rendu par le juge des référés du tribunal judiciaire du 6 janvier 2022 en ce qu'elle a :
ordonné à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès ;
ordonné à la SCI des Dames de remettre à M. et Mme [M], demeurant [Adresse 5] [Localité 3], et Mme [A] [L], demeurant [Adresse 4] [Localité 3], tous moyens (clés, cartes, code) permettant l'ouverture du portail du dit parking ;
dit qu'il devra être satisfait à ces injonctions sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
réservé la liquidation de l'astreinte ;
condamné la SCI des Dames aux entiers dépens de la présente instance de référé ;
condamné la SCI des Dames à payer à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de leurs demandes :
d'ordonner à la SCI [Adresse 10] de permettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] et à toutes personnes de leurs chefs, sociétés, entreprises, d'accéder aux parcelles cadastrées AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] via le parking dont elle est propriétaire et actuellement loué à la société Approstock, en procédant au retrait des clôtures et jardinières obstruant son accès,
d'ordonner à la SCI [Adresse 10] de remettre à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] tous moyens (clés, cartes, codes), permettant l'ouverture du portail dudit parking, ou à défaut de laisser ouverts ces équipements de jour comme de nuit, sauf pénalité provisionnelle de 100 euros par manquement dûment constaté
ORDONNE à M. et Mme [M] et Mme [A] [L] à restituer à la SCI [Adresse 10] les badges de parking et de remettre en état les lieux,
DÉBOUTE la SCI [Adresse 10] de sa demande d'astreinte,
CONDAMNE in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel,
DÉBOUTE M. et Mme [M] et Mme [A] [L] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE in solidum M. et Mme [M] et Mme [A] [L] à payer à la SCI [Adresse 10] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille