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Décisions

TUE, 1re ch. élargie, 18 septembre 2024, n° T-671/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Qualcomm, Inc.

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Spielmann

Juges :

M. Valančius, M. Mastroianni (rapporteur), M. Gâlea, M. Tóth

Avocats :

Me Davilla, Me Pinto de Lemos Fermiano Rato, Me English, Me Kontosakou, Me Dolmans

TUE n° T-671/19

17 septembre 2024

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Qualcomm Inc., demande l’annulation de la décision C(2019) 5361 final de la Commission, du 18 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire AT.39711 – Qualcomm (prix d’éviction)] (ci-après la « décision attaquée ») ou, à défaut, la suppression ou la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée dans ladite décision.

 Antécédents du litige

 Contexte de l’affaire

2 Qualcomm est une société américaine créée en 1985, active dans le domaine des technologies cellulaires et sans-fil. Elle exerce ses activités principalement par l’intermédiaire de Qualcomm CDMA Technologies (ci-après « QCT ») et de Qualcomm Technology Licensing. QCT est un développeur et un fournisseur, notamment, de puces de bande de base, d’un type de semi-conducteur et d’un logiciel système fondé sur un accès multiple par répartition en code (AMRC), un accès multiple par répartition orthogonale de la fréquence (OFDMA) et d’autres technologies principalement utilisées pour les communications de voix et de données. Les puces de Qualcomm sont vendues (et son logiciel système concédé sous licence) à des entreprises qui les utilisent pour équiper les téléphones mobiles, les tablettes, les ordinateurs portables, les modules de données et d’autres biens de consommation électroniques. Qualcomm Technology Licensing gère le programme de concession de licences relatives à la propriété intellectuelle de Qualcomm, en accordant principalement des licences aux fournisseurs d’appareils mobiles.

3 Les appareils mobiles tels que les téléphones mobiles, tablettes et autres appareils connectés requièrent une connectivité mobile à Internet à haut débit au moyen de réseaux de télécommunications mobiles cellulaires.

4 Le composant essentiel fournissant une connectivité mobile dans un appareil est le processeur de bande de base qui assure la fonctionnalité de traitement des signaux selon les protocoles de communication décrits par les standards cellulaires. Les processeurs de bande de base peuvent être intégrés directement dans les appareils mobiles, tels que des smartphones, ou dans des modules externes qui sont à leur tour intégrés dans un appareil. Un tel processeur est constitué de matériaux semi-conducteurs (comme le silicone) et emballé dans une puce dénommée « puce de bande de base ».

5 En plus du processeur de bande de base, certains types d’appareils mobiles requièrent un processeur d’application, utilisé pour la gestion du système d’exploitation et des applications telles que la messagerie, la navigation sur Internet, l’imagerie et les jeux. Ce processeur d’application peut être fourni en tant que produit autonome, conditionné dans une puce séparée, ou être intégré avec le processeur de bande de base au sein de la même puce. Ainsi, les puces de bande de base peuvent être divisées en :

– puces de bande de base autonomes (également appelées « puces de bande de base slim » ou « modems slim »), lorsqu’aucun processeur d’application n’est inclus ;

– puces de bande de base intégrées, lorsque les puces de bande de base ont été intégrées avec le processeur d’application.

6 Indépendamment de la présence d’un processeur d’application, un processeur de bande de base est généralement combiné avec deux éléments supplémentaires pour compléter sa fonctionnalité, à savoir le circuit intégré de radiocommunications, également appelé « RF émetteur-récepteur », et le circuit intégré de la gestion de l’alimentation. Ces trois éléments (processeur de bande de base, RF émetteur-récepteur et circuit intégré de la gestion de l’alimentation) sont nécessaires à la connectivité mobile et sont généralement achetées auprès du même fournisseur, soit ensemble, soit séparément.

7 Les puces de bande de base sont généralement vendues à des équipementiers, qui les incorporent dans des appareils utilisant une connectivité mobile, tels que Apple, HTC Corporation, Huawei Technologies Co. Ltd (ci-après « Huawei »), LG Corp., Nokia Corporation, Samsung Group (ci-après « Samsung ») et ZTE Corporation.

8 De 2009 à 2011, les appareils mobiles incorporant des puces de bande de base pouvaient être regroupés en deux grandes catégories. D’une part, les téléphones mobiles (de différents types, allant de ceux ne fournissant que des fonctionnalités de base, telles que les services vocaux, aux smartphones) et, d’autre part, les appareils MBB, à savoir les appareils fournissant une connectivité autre que celle des téléphones mobiles, généralement dépourvus de services vocaux (par exemple des tablettes, des cartes de données telles que des clés USB avec un accès cellulaire, des routeurs sans fil travaillant sur Mifi ou des ordinateurs portables).

9 Plusieurs appareils MBB, tels que les cartes de données, tendaient à utiliser principalement des modems slim, car ils n’exigeaient aucune fonctionnalité de traitement, mais uniquement de la connectivité, et le marché desdits appareils, en particulier celui des appareils compatibles avec les normes de communication de troisième génération (3G) reposant sur la technologie « Universal Mobile Telecommunications System » (UMTS), était considérablement plus petit que celui des téléphones mobiles.

10 Ainsi qu’il a été indiqué au point 4 ci-dessus, pour fournir une connectivité, une puce de bande de base doit utiliser l’une des normes de communication. À l’origine, les normes de communication de première génération (1G), à savoir les normes de communication analogiques, et les normes de communication de deuxième génération (2G) qui les ont remplacées, à savoir les normes de communication numériques, ne fournissaient que des communications vocales. Par la suite, le standard mis au point pour les normes de communication 2G, à savoir le « Global System for Mobile Communication » (GSM) a été étendu pour prendre en charge de plus hauts débits et le transport de données en mode « paquet », par les extensions « General Packet Radio Services » (GPRS) et « Enhanced Data rates for GSM Evolution » (EDGE).

11 Les normes de communication 3G, reposant sur la technologie UMTS, à savoir une technologie de communication sans-fil et mobile, permettaient à leurs débuts (autour de l’année 2000) de traiter des débits de données allant jusqu’à 0,348 Megabits par seconde (Mbps), ce qui était insuffisant pour permettre le fonctionnement des applications typiquement à haut débit, comme la navigation complète sur Internet et la diffusion vidéo en flux. Des développements ultérieurs ont renforcé la capacité de transmission des données desdites normes de communication. La technologie « High Speed Packet Access » (HSPA) a permis de traiter des débits de données allant jusqu’à 14 Mbps, puis la technologie « Evolved High Speed Packet Access » (HSPA +) a permis de traiter des débits de données allant jusqu’à 28 Mbps et même 42 Mbps.

12 En principe, les puces prenant en charge la technologie UMTS (ci-après les « puces UMTS ») supportaient également le standard étendu GSM/EDGE, initialement optimisé pour la téléphonie vocale. La raison en est que ledit standard étendu était toujours indispensable pour les téléphones mobiles, car pour la plupart des opérateurs de réseau mobile, le GSM jouait encore un rôle important en matière de couverture et de capacité. En effet, ce standard étendu pouvait être utile pour les appareils MBB, bien qu’il ne puisse pas fournir de connectivité à large bande. En effet, grâce à son support de connectivité de base, le GSM permettait d’assurer la continuité du service en cas de lacunes dans la couverture du réseau utilisant la technologie UMTS.

13 À partir de la fin de l’année 2008, la technologie « Long Term Evolution » (LTE) est apparue. Les premières puces la prenant en charge étaient exclusivement compatibles avec cette technologie, ce qui empêchait leur utilisation pratique en raison du déploiement limité des réseaux utilisant cette dernière. Progressivement, les grands fournisseurs de puces de bande de base ont développé des puces prenant en charge à la fois les technologies UMTS et les technologies LTE, les premières d’entre elles étant commercialement disponibles en 2011 ou en 2012. Les technologies UMTS et LTE ont été développées parallèlement pour améliorer les performances et l’interopérabilité.

 Procédure administrative

14 Le 30 juin 2009, Icera Inc. a déposé auprès de la Commission européenne une plainte contre Qualcomm, remplacée ensuite par une version révisée et mise à jour du 8 avril 2010 (ci-après la « plainte »), sur la base de laquelle la Commission a entamé son enquête.

15 En 2012, l’intervenante, Nvidia Corp., qui avait acquis Icera en mai 2011, a fourni des informations complémentaires, intégrant la plainte et formulant des allégations de prix prédateurs à l’encontre de Qualcomm.

16 Entre juin 2010 et juillet 2015, la Commission a adressé plusieurs demandes d’informations à Qualcomm, à Icera ou à Nvidia et à d’autres acteurs du secteur des puces de bande de base. En particulier, elle a envoyé à Qualcomm, premièrement, une demande d’informations du 7 juin 2010, adoptée en application de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), deuxièmement, une demande d’informations du 3 novembre 2011, adoptée en application de l’article 18, paragraphe 3, dudit règlement, troisièmement, une demande d’informations du 10 juillet 2013, adoptée en application de l’article 18, paragraphe 3, de ce même règlement, quatrièmement, une demande d’informations du 13 février 2014, adoptée en application de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du même règlement, cinquièmement, une demande d’informations du 13 octobre 2014, adoptée en application de l’article 18, paragraphe 3, du même règlement et, enfin, une demande jointe d’informations du 14 janvier 2015, car également adoptée dans l’affaire AT.40220 – Qualcomm (paiements d’exclusivité). La décision finale dans cette affaire a fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal [arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité), T 235/18, EU:T:2022:358].

17 Le 16 juillet 2015, la Commission a ouvert, au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), une procédure à l’encontre de Qualcomm dans l’affaire AT.39711 – Qualcomm (prix d’éviction). Cette procédure concernait une prétendue exploitation abusive par Qualcomm de sa position dominante sous la forme de prix prédateurs sur le marché des puces UMTS.

18 Le 8 décembre 2015, la Commission a adopté, au sens de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, une communication des griefs adressée à Qualcomm (ci-après la « CG »).

19 Entre décembre 2015 et juillet 2016, Qualcomm a obtenu l’accès au dossier.

20 En particulier, par lettre du 18 avril 2016, Qualcomm a demandé au conseiller-auditeur, conformément à l’article 3, paragraphe 7, et à l’article 7, paragraphe 1 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29), un accès supplémentaire à certains éléments du dossier. À la suite du réexamen effectué par le conseiller auditeur, des versions plus complètes du dossier ont été fournies à Qualcomm.

21 Le 15 août 2016, Qualcomm a envoyé sa réponse à la CG (ci-après la « réponse à la CG »), laquelle réfutait les conclusions préliminaires de la Commission.

22 Le 10 novembre 2016, une audition a eu lieu à la demande de Qualcomm.

23 À la suite de cette audition, la Commission a entrepris d’autres démarches d’instruction et a adressé, entre 2017 et 2019, de nouvelles demandes d’informations à Qualcomm ainsi qu’à d’autres acteurs du secteur des puces de bande de base.

24 En particulier, le 30 janvier 2017, la Commission a adressé à Qualcomm une demande d’informations au titre de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, à laquelle celle-ci n’a pas répondu. Le 31 mars 2017, la Commission a adressé à Qualcomm une demande d’informations par décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, dudit règlement.

25 Le 13 juin 2017, Qualcomm a introduit un recours en annulation devant le Tribunal contre la décision de la Commission du 31 mars 2017. Elle a également introduit une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, tendant, à titre principal, à la suspension de ladite décision ou, à titre subsidiaire, à l’adoption de mesures provisoires à cet égard. Par ordonnance du 12 juillet 2017, Qualcomm et Qualcomm Europe (T 371/17 R, non publiée, EU:T:2017:485), le président du Tribunal a rejeté la demande de suspension et, par arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (T 371/17, non publié, EU:T:2019:232), le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de cette décision. Le pourvoi de Qualcomm tendant à l’annulation de cet arrêt a été rejeté dans son intégralité par la Cour dans son arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C 466/19 P, EU:C:2021:76).

26 Le 10 novembre 2017, la Commission a adressé, en vertu de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, une nouvelle demande d’informations à Qualcomm.

27 Le 19 juillet 2018, la Commission a adopté une communication des griefs complémentaire (ci-après la « CGC ») adressée à Qualcomm, alléguant une durée plus limitée de prédation et utilisant une méthode révisée pour procéder à une comparaison des prix et des coûts de Qualcomm relatifs aux ventes prétendument prédatrices concernées.

28 Entre le 31 juillet et le 28 septembre 2018, Qualcomm a obtenu l’accès aux documents versés au dossier de la Commission après l’adoption de la CG du 8 décembre 2015.

29 Le 22 octobre 2018, Qualcomm a envoyé une réponse à la CGC (ci-après la « réponse à la CGC »), laquelle contestait les conclusions préliminaires de la Commission exposées dans la CG et complétées par la CGC.

30 Le 10 janvier 2019, une seconde audition a eu lieu à la demande de Qualcomm.

31 Le 5 février 2019, la Commission a adressé à Qualcomm une demande d’informations au titre de l’article 18, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003.

32 Le 22 février 2019, la Commission a adressé à Qualcomm une lettre d’exposé des faits (ci-après l’« EdF »), qui, selon elle, avait pour but, premièrement, de fournir à Qualcomm des éclaircissements sur certains éléments exposés dans la CGC, que cette dernière avait remis en cause dans la réponse à la CGC, deuxièmement, de l’informer d’éléments de preuve préexistants qui n’avaient pas été expressément invoqués dans la CG et la CGC, mais qui, après une analyse complémentaire du dossier, auraient pu être pertinents pour étayer les conclusions préliminaires de la CG, telles que complétées par la CGC, et, troisièmement, de porter à sa connaissance certaines mises à jour limitées de l’analyse prix-coûts effectuée dans la CGC. L’EdF contenait en pièces jointes d’autres documents qui n’avaient pas été fournis à Qualcomm auparavant.

33 Les 24 mars et 25 avril 2019, Qualcomm a présenté ses observations sur l’EdF.

34 Le 18 juillet 2019, la Commission a adopté la décision attaquée.

 Contenu de la décision attaquée

 Produits concernés

35 Après avoir réfuté les objections de Qualcomm relatives à de prétendues irrégularités procédurales affectant la procédure administrative, la Commission a fourni une description détaillée du contexte dans lequel opéraient Qualcomm et ses concurrents, y compris Icera, en matière de technologie et de propriété intellectuelle. En particulier, elle a indiqué que les produits concernés par son enquête étaient des puces UMTS, à savoir les puces MDM8200, MDM6200 et MDM8200A de Qualcomm, qui étaient, à l’époque de l’infraction présumée, en concurrence avec les puces UMTS d’Icera, en particulier avec les puces ICE8040, ICE8042 et ICE8060.

36 Selon la Commission, tous ces produits constituaient des puces de bande de base autonomes supportant la connectivité des données à une vitesse de liaison descendante allant de 7,2/14,4 Mbps à 28 Mbps entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2011 (ci-après la « période pertinente »). En particulier, la puce MDM8200 était la première puce de bande de base autonome de Qualcomm destinée aux appareils MBB et prenant en charge la technologie HSPA +, avec des vitesses de liaison descendante allant jusqu’à 28 Mbps. Elle a été commercialisée pour la première fois en mai 2009 et est arrivée à la fin de sa vie commerciale le 30 mars 2011. Entre-temps, elle a progressivement été remplacée, dès 2010, par la puce MDM8200A, sa version améliorée, qui pouvait également supporter, après la mise en œuvre de modifications mineures, la fonctionnalité vocale. Comme les puces MDM8200 et MDM8200A, la puce MDM6200 était principalement destinée à des applications de trafic de données. Elle supportait sans besoin de modifications la technologie HSPA +, avec une vitesse de liaison descendante allant jusqu’à 14,4 Mbps, ainsi que la fonctionnalité vocale. Fournie en quantités limitées à partir du deuxième trimestre de 2010, elle a été vendue en quantités supérieures à partir de 2011 et a continué à être commercialisée à tout le moins jusqu’à la fin de l’année 2017.

37 La puce Icera ICE8040, ou Espresso-300, était également une puce de bande de base autonome, lancée en octobre 2008. Elle pouvait, dans un premier temps, soutenir une vitesse maximale de liaison descendante de 10 Mbps et, en raison de ses caractéristiques, elle pouvait facilement bénéficier d’améliorations et de modernisations par l’intermédiaire de logiciels, notamment afin de porter de manière progressive sa vitesse de liaison descendante à 21 Mbps. La puce ICE8042, ou Espresso-302, était une variante améliorée de la puce ICE8040, lancée commercialement en décembre 2009 avec une vitesse de liaison descendante allant jusqu’à 14,4 Mbps, augmentée en mars 2010 pour atteindre 21 Mbps grâce à des mises à jour par le biais de logiciels. Une version déclassée de cette puce, à savoir la puce Espresso-302-1, qui ne pouvait livrer qu’une vitesse de liaison descendante de 7,2 Mbps maximum, était vendue par Icera à ZTE. Enfin, la puce ICE8060, ou Espresso-400, annoncée en octobre 2010, bénéficiait de l’architecture modem définie par les logiciels d’Icera et d’une vitesse de liaison descendante pouvant aller jusqu’à 28 Mbps. Une version déclassée de cette puce, à savoir la puce E-400-1, qui atteignait une vitesse maximale de liaison descendante de 7,2 Mbps, était également offerte.

 Marché pertinent

38 La Commission a défini le marché pertinent pour les produits concernés comme étant le marché « libre » des puces de bande de base autonomes et intégrées, compatibles avec la technologie UMTS (ci-après le « marché des puces UMTS »). Elle est parvenue à cette conclusion en tenant compte, notamment, de la substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies ainsi que de l’absence de contraintes concurrentielles exercées par les fabricants de puces de bande de base verticalement intégrés. D’un point de vue géographique, ce marché a été défini comme étant d’ampleur mondiale.

 Position dominante

39 La Commission a constaté, sur la base des éléments suivants, que Qualcomm occupait une position dominante sur le marché des puces UMTS au niveau mondial, et ce à tout le moins entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011.

40 Premièrement, Qualcomm détenait, pendant la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, une part de marché d’environ 60 % sur le marché pertinent.

41 Deuxièmement, plusieurs barrières à l’entrée et à l’expansion existaient sur le marché pertinent, telles que la nécessité de mettre en œuvre des investissements initiaux importants en matière de recherche et de développement (R&D) pour la conception de puces UMTS, ainsi que divers obstacles liés aux droits de propriété intellectuelle de Qualcomm, dont son réseau de rétrocession.

42 Troisièmement, la puissance commerciale des clients, acheteurs des puces de Qualcomm, n’était pas susceptible d’affecter la position dominante de cette dernière pendant la période pertinente.

 Abus de position dominante

43 La Commission a considéré que Qualcomm avait abusé de sa position dominante en fournissant, pendant la période pertinente, certaines quantités de trois de ses puces UMTS, à savoir les puces MDM8200, MDM6200 et MDM8200A, à deux de ses principaux clients, à savoir Huawei et ZTE, à des prix inférieurs à ses coûts, dans l’objectif d’éliminer Icera, sa principale concurrente à l’époque sur le segment de pointe du marché des puces UMTS.

44 Selon la Commission, en limitant la croissance d’Icera sur le segment de pointe du marché des puces UMTS, qui était, à l’époque, constitué presque exclusivement de puces utilisées dans les appareils MBB de haut débit, Qualcomm entendait empêcher cette entreprise, petite et financièrement limitée, d’atteindre la réputation et l’ampleur nécessaires pour remettre en cause sa position dominante sur ce marché, eu égard, notamment, au potentiel de croissance attendu dudit segment en raison de la diffusion globale croissante des appareils mobiles dits « smart ». La Commission a estimé que Qualcomm visait ainsi à priver les équipementiers sur ce segment d’une source alternative de puces pour leurs téléphones mobiles, réduisant de la sorte le choix pour les consommateurs.

45 La Commission a identifié comme des éléments clés de ses conclusions les facteurs suivants.

46 Les pratiques tarifaires de Qualcomm ont eu lieu dans un contexte où Icera renforçait sa présence sur le marché des puces UMTS en tant que fournisseuse viable de puces UMTS, ce qui représentait une menace croissante pour l’activité de Qualcomm. Pour s’assurer que l’activité d’Icera n’atteindrait pas une taille critique menaçant sa position sur ce marché, Qualcomm a pris des mesures préventives sous la forme de concessions tarifaires ciblées à deux de ses clients d’importance stratégique, à savoir Huawei et ZTE. En effet, elle considérait que les perspectives de développement d’Icera dépendaient de la capacité de cette dernière à établir des relations commerciales avec ces deux entreprises. Les actions préventives de Qualcomm se fondaient sur une stratégie « multi puces » impliquant ses trois puces en concurrence avec les puces les plus avancées d’Icera et visant, notamment, à protéger sa position de marché sur le segment du haut débit des puces destinées aux téléphones mobiles, marché qu’Icera envisageait de pénétrer après avoir assuré sa présence sur le segment des puces destinées aux appareils MBB à haut débit.

47 Selon la Commission, l’analyse des prix pratiqués par Qualcomm à l’égard de Huawei et de ZTE et des coûts de Qualcomm pour la fabrication de ses puces démontrait que Qualcomm avait vendu certaines quantités de puces en dessous de ses coûts incrémentaux moyens à long terme (ci-après les « LRAIC ») et, en tout état de cause, en dessous de ses coûts totaux moyens (ci-après les « ATC »), ainsi qu’une quantité limitée des puces MDM6200 à des prix inférieurs à ses coûts variables moyens (ci-après les « AVC »). Les résultats de l’analyse prix-coûts effectuée étaient corroborés par des preuves prenant la forme de documents internes et contemporains de Qualcomm, démontrant l’intention de cette dernière d’évincer Icera.

– Absence de justification

48 La Commission a considéré que Qualcomm n’avait pas fourni de justification objective valable ou de défense efficace de son comportement.

– Infraction unique et continue

49 La Commission a conclu que les ventes prédatrices de Qualcomm à Huawei et à ZTE constituaient, prises ensemble, une infraction unique et continue s’étendant sur toute la durée de la période pertinente.

– Compétence de la Commission

50 Selon la Commission, elle est compétente pour appliquer l’article 102 TFUE et l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »), à l’infraction commise par Qualcomm, dès lors que celle-ci a été mise en œuvre et est susceptible d’avoir des effets substantiels, immédiats et prévisibles dans l’Espace économique européen (EEE) et qu’elle a affecté de manière sensible le commerce entre les États membres et entre les parties contractantes à l’EEE.

– Sanction

51 Bien que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’infraction commise par Qualcomm ait pris fin, la Commission a quand même imposé à cette dernière de s’abstenir de répéter les comportements décrits dans ladite décision ainsi que tout acte ou comportement qui aurait un objet ou un effet identiques ou équivalents à ceux de ces comportements.

52 L’amende infligée à Qualcomm pour l’infraction, calculée par la Commission sur la base des principes énoncés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C210/2, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), s’élève à 242 042 000 euros.

 Procédure et conclusions des parties

 Procédure

53 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

54 La Commission a demandé deux prorogations de délai pour déposer le mémoire en défense, respectivement le 4 février et le 24 mars 2020, compte tenu de la longueur de la requête et du nombre de documents annexés. Cette prorogation lui a été accordée.

55 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2020, Nvidia a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. La demande d’intervention a été signifiée aux parties principales, conformément à l’article 144, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les parties principales n’ont pas soulevé d’objections quant à celle-ci.

56 Le 11 juin 2020, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

57 Le 6 juillet 2020, la requérante a demandé une prorogation de délai pour déposer la réplique, compte tenu de la longueur du mémoire en défense et du nombre de documents annexés. Cette prorogation lui a été accordée.

58 Le 5 octobre 2020, la requérante a déposé au greffe du Tribunal la réplique.

59 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 octobre 2020, après avoir obtenu plusieurs prorogations de délai, la requérante et la Commission ont demandé, au titre de l’article 144, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, le traitement confidentiel à l’égard de Nvidia de certaines informations figurant dans la requête et dans certaines de ses annexes. Lesdites parties ont déposé une version commune non confidentielle de ces documents.

60 Le 23 octobre 2020, la Commission a demandé une prorogation de délai pour déposer la duplique, compte tenu de la longueur de la réplique et du nombre de documents annexés. Cette prorogation lui a été accordée.

61 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2020, la Commission a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Nvidia de certaines informations figurant dans le mémoire en défense. À la même date, en accord avec la requérante, la Commission a déposé une version commune non confidentielle du mémoire en défense et de ses annexes.

62 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2020, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Nvidia de certaines informations figurant dans le mémoire en défense et ses annexes ainsi que dans les documents procéduraux communiqués au greffe pendant la période comprise entre le 30 juin et le 5 octobre 2020.

63 Par ordonnance du 25 novembre 2020, Qualcomm/Commission (T 671/19, non publiée), le président de la cinquième chambre du Tribunal a ordonné que Nvidia soit autorisée à intervenir et a réservé la décision sur les dépens.

64 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 15 décembre 2020 et le 18 janvier 2021, Nvidia a émis des objections quant aux demandes de traitement confidentiel portant sur la requête, le mémoire en défense et certaines annexes.

65 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2020, la Commission a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Nvidia de certaines informations figurant dans la réplique et dans l’annexe C.8 de cette dernière.

66 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2020, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Nvidia de certaines informations figurant dans la réplique et ses annexes ainsi que dans les documents procéduraux communiqués au greffe pendant la période comprise entre le 5 octobre et le 9 décembre 2020. À la même date, les parties principales ont déposé une version commune non confidentielle de la réplique et de ses annexes.

67 Le 21 janvier 2021, la Commission a déposé au greffe du Tribunal la duplique.

68 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 février 2021, après avoir obtenu une prorogation de délai, la Commission a demandé le traitement confidentiel, à l’égard de Nvidia, de certaines informations figurant dans la duplique. À la même date, en accord avec la requérante, la Commission a déposé une version commune non confidentielle de la duplique et de son annexe.

69 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 février 2021, après avoir obtenu une prorogation de délai, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de Nvidia d’autres informations figurant dans la duplique et son annexe aussi que dans les documents procéduraux communiqués au greffe pendant la période comprise entre le 18 décembre 2020 et le 10 février 2021.

70 Par ordonnance du 22 juillet 2021, Qualcomm/Commission (T 671/19, non publiée, EU:T:2021:502), le président de la cinquième chambre a fait droit aux demandes de traitement confidentiel portant sur certaines informations reproduites dans la requête et ses annexes A.1 et A.29 ainsi que dans le mémoire en défense et a rejeté les demandes similaires portant sur les autres documents procéduraux. Dès lors, un délai a été imparti à la requérante et à la Commission en vue de communiquer de nouvelles versions non confidentielles de certaines pièces du dossier. Les 16 et 17 septembre 2021, après avoir obtenu une prorogation de délai, les parties principales ont déposé une version commune non confidentielle de ces documents.

71 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2021, Nvidia a présenté un mémoire en intervention.

72 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2021, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations quant au mémoire en intervention.

73 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 novembre 2021, la requérante a présenté des observations sur le mémoire en intervention.

74 La phase écrite de la procédure a été clôturée le 29 novembre 2021.

75 Le 8 février 2022, la requérante a demandé à être entendue lors d’une audience de plaidoirie.

76 Sur proposition de la cinquième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant la cinquième chambre élargie.

77 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

78 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

79 Le 2 décembre 2022, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties principales à répondre à certaines questions. La requérante a répondu à ces questions le 16 décembre 2022. La Commission, après avoir obtenu une prorogation du délai fixé pour déposer ses réponses, a répondu le 16 janvier 2023.

80 À la demande des parties principales, le délai fixé pour le dépôt des demandes de traitement confidentiel de leurs réponses aux questions du Tribunal a été prorogé. En dernier lieu, il a été fixé au 31 janvier 2023, date à laquelle des versions communes non confidentielles de ces réponses ont été déposées.

81 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2023, après avoir obtenu une prorogation de délai, Nvidia a émis des objections quant à ces demandes de traitement confidentiel portant sur les réponses des parties principales aux questions posées par le Tribunal.

82 Un rapport d’audience a été communiqué aux parties et la requérante ainsi que la Commission ont présenté des observations sur ce document respectivement le 27 janvier 2023 et le 16 février 2023. Le Tribunal a pris acte de ces observations.

83 Par ordonnance du 8 mars 2023, Qualcomm/Commission (T 671/19, non publiée, EU:T:2023:125), le président de la première chambre élargie a accueilli certaines demandes de traitement confidentiel portant sur des informations reproduites dans les réponses des parties principales aux questions posées par le Tribunal et en a rejeté d’autres. Dès lors, un délai a été imparti à la requérante et à la Commission pour communiquer de nouvelles versions non confidentielles desdites réponses. Le 10 mars 2023, les parties principales ont déposé une version commune non confidentielle de ces documents.

84 Un membre de la première chambre élargie ayant été empêché de siéger, le président de ladite chambre a désigné un autre juge pour compléter cette chambre.

85 La procédure orale a été clôturée à l’issue de l’audience du 15 mars 2023. Un membre de la chambre étant empêché d’assister au délibéré après l’expiration de son mandat le 27 septembre 2023, les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure

 Conclusions des parties

86 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– « annuler ou, à titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant de l’amende infligée » ;

– ordonner des mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction visant à enjoindre à la Commission de confirmer que les expurgations figurant dans certains documents du dossier sont bien fondées sur des revendications solides de secret professionnel et d’en informer Qualcomm ou d’obtenir lesdits documents pour examiner la validité des revendications de l’intervenante ;

– condamner la Commission aux dépens.

87 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner Qualcomm aux dépens.

88 Nvidia conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner Qualcomm aux dépens.

 En droit

89 À titre liminaire, comme cela a été indiqué aux points 59, 61 et 62 ci-dessus, les parties principales ont demandé l’omission envers Nvidia et, par conséquent, envers le public, de certaines informations figurant dans leurs mémoires et dans d’autres documents procéduraux. Nvidia a émis des objections quant aux demandes de traitement confidentiel de certaines informations. Par ordonnances du 22 juillet 2021, Qualcomm/Commission (T 671/19, non publiée, EU:T:2021:502), et du 8 mars 2023, Qualcomm/Commission (T 671/19, non publiée, EU:T:2023:125), les présidents, respectivement, de la cinquième et de la première chambre élargie ont accueilli certaines demandes de traitement confidentiel et en ont rejeté d’autres.

90 Lorsqu’une partie présente une demande au titre de l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure, il appartient, en principe, au président de statuer uniquement sur les pièces et informations dont la confidentialité est contestée (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 26 janvier 2018, FV/Conseil, T 750/16, non publiée, EU:T:2018:59, point 14 et jurisprudence citée).

91 Toutefois, nonobstant l’absence de contestation, le Tribunal ne saurait être empêché de rejeter des demandes de traitement confidentiel en ce qu’elles visent des données dont le caractère public ressort manifestement des éléments du dossier ou dont le caractère confidentiel devient, du fait de la divulgation d’autres éléments du dossier, manifestement obsolète (ordonnance du 15 septembre 2016, Deutsche Telekom/Commission, T 827/14, non publiée, EU:T:2016:545, point 46). Ainsi, dans certaines circonstances, il peut décider de se prononcer sur les aspects non contestés d’une demande de traitement confidentiel (voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2019, Google et Alphabet/Commission, T 612/17, non publiée, EU:T:2019:250, point 16).

92 Il convient, en outre, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des informations qui ont été confidentielles, mais qui datent de cinq ans ou plus doivent, de ce fait, être tenues pour historiques et être communiquées aux autres parties, à moins que, exceptionnellement, la partie demandant le maintien de leur confidentialité ne démontre que, malgré leur ancienneté, ces informations constituent toujours des secrets essentiels, notamment industriels ou commerciaux, dont la divulgation lui porterait préjudice ou porterait préjudice au tiers concerné (voir ordonnance du 11 avril 2019, Google et Alphabet/Commission, T 612/17, non publiée, EU:T:2019:250, point 19 et jurisprudence citée).

93 À cet égard, le Tribunal, dans le cadre de l’application de l’article 66 du règlement de procédure, doit concilier le principe de publicité des décisions de justice avec le droit à la protection des données personnelles et le droit à la protection du secret professionnel, en ayant également égard au droit du public d’avoir accès, conformément aux principes inscrits à l’article 15 TFUE, aux décisions de justice (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T 87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 49).

94 En l’espèce, le Tribunal a décidé de ne pas occulter, dans la version non confidentielle de l’arrêt, certaines données visées par les demandes des parties principales dont la confidentialité n’a pas été contestée par Nvidia. En effet, certaines de ces données peuvent être inférées du contenu d’autres parties du présent arrêt et relèvent donc du domaine public. Certaines données constituent des données historiques dont le maintien du caractère confidentiel plus d’une décennie plus tard n’est pas adéquatement justifié. Enfin, certaines autres données fournissent des précisions factuelles relatives aux comportements qui ont fait l’objet de l’investigation de la Commission. L’occultation de ces données affecterait la compréhension par le public de l’arrêt du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2022, Scania e.a./Commission, T 799/17, EU:T:2022:48, point 82).

95 À l’appui de la demande en annulation, la requérante soulève quinze moyens :

– le premier, tiré d’irrégularités de procédure ;

– le deuxième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, et d’un manquement à l’obligation de motivation en ce qui concerne la définition du marché pertinent et sa position dominante pendant la période pertinente ;

– le troisième, tiré d’une « erreur de droit découlant de la non-application de la bonne norme juridique » ;

– le quatrième, tiré du « caractère illogique et non étayé par des preuves de la ‟théorie de la prédation” » ;

– le cinquième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation » et d’un manquement à l’obligation de motivation en ce qui concerne la reconstruction des prix soi-disant « effectivement payés » ;

– le sixième, tiré de l’« affectation incorrecte des dépenses d’ingénierie non récurrentes » ;

– le septième, tiré de l’« absence d’une référence appropriée en matière de coûts de référence » ;

– le huitième, tiré du « caractère manifestement incorrect de l’analyse prix-coûts effectuée » ;

– le neuvième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation » et de droit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle les prix qu’elle a pratiqués ont évincé Icera et causé un préjudice aux consommateurs ;

– le dixième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, d’un défaut de motivation ainsi que d’une violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration, en ce que la Commission a conclu que ses pratiques tarifaires assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera ;

– le onzième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, ainsi que d’un défaut de motivation en ce qui concerne le rejet par la Commission de la justification objective qu’elle a avancée ;

– le douzième, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée ;

– le treizième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », d’absence de fondement et d’un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la durée de l’infraction ;

– le quatorzième, tiré du caractère « manifestement erroné » de la décision attaquée en ce qui concerne l’imposition et le calcul de l’amende ;

– le quinzième, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, ainsi que d’un défaut de motivation de la décision attaquée, en ce qu’elle reconnaît la compétence de la Commission et l’affectation du commerce.

96 Ces moyens seront examinés ci-après dans l’ordre suivi par la requérante, à l’exception des troisième, quatrième et huitième moyens qui sont fondés sur, ou reproduisent d’une manière plus synthétique, certains arguments abordés, notamment, dans le cadre des sixième, septième et neuvième à onzième moyens et qui seront, par conséquent, traités après ce dernier moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’irrégularités de procédure

97 Le premier moyen s’articule en deux branches. La première est tirée de la violation du principe de bonne administration, en ce que la Commission a manqué de mener une enquête approfondie, objective et diligente. La seconde est tirée de la violation des droits de la défense et du principe de l’égalité des armes, en ce que la Commission n’a pas divulgué à la requérante des éléments de preuve pertinents pour sa défense.

 Sur la première branche, tirée de la violation du principe de bonne administration

98 La première branche s’articule en trois griefs. Le premier est pris de la durée excessive de l’enquête. Le deuxième est pris du caractère insuffisamment complet et précis du dossier. Le troisième est pris d’une enquête partisane.

– Observations liminaires

99 L’article 41, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») consacre le droit à une bonne administration et dispose que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union européenne. Les explications relatives à la Charte, publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 14 décembre 2007 (JO 2007, C 303, p. 17), précisent que l’article 41 de cette dernière est fondé sur l’existence de l’Union en tant qu’union de droit dont les caractéristiques ont été développées par la jurisprudence qui a consacré la bonne administration comme principe général de droit [arrêt du 13 décembre 2018, Transavia Airlines/Commission, T 591/15, EU:T:2018:946, point 37 (non publié)].

100 Selon la jurisprudence relative au principe de bonne administration, dans les cas où, comme en l’espèce, les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce [arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C 269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 13 décembre 2018, Transavia Airlines/Commission, T 591/15, EU:T:2018:946, point 38 (non publié), et ordonnance du 17 janvier 2022, Car-Master 2/Commission, T 743/20, non publiée, EU:T:2022:33, point 66].

– Sur le premier grief, pris de la durée excessive de l’enquête

101 La requérante soutient que la durée de l’enquête, de dix ans, est excessive et révélatrice, notamment, d’un manque de diligence de la part de la Commission.

102 Selon la requérante, en raison de la durée de l’enquête, elle n’a pas été en mesure de se défendre correctement. En particulier, elle fait valoir des changements dans la composition de l’équipe de la Commission chargée de l’enquête, une demande d’informations envoyée huit ans après le dépôt de la plainte, des demandes de clarifications portant sur des documents dont la Commission disposait depuis plusieurs années et la modification de la portée de l’enquête à un stade très avancé de celle-ci. Elle souligne également que l’écoulement du temps a atténué la mémoire des faits, aussi bien de son côté que du côté de Huawei et de ZTE, qui n’auraient de ce fait pas été à même de répondre à certaines demandes parfois cruciales de la Commission. Elle conteste, enfin, que la complexité de l’affaire ait pu justifier cette durée et ajoute qu’elle a toujours pleinement coopéré avec la Commission.

103 La Commission conteste les arguments de la requérante.

104 Selon une jurisprudence constante, l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit de l’Union dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt du 19 décembre 2012, Heineken Nederland et Heineken/Commission, C 452/11 P, non publié, EU:C:2012:829, point 97 et jurisprudence citée).

105 Le caractère raisonnable de chaque étape de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l’enjeu de l’affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité (arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T 305/94 à T 307/94, T 313/94 à T 316/94, T 318/94, T 325/94, T 328/94, T 329/94 et T 335/94, EU:T:1999:80, point 126).

106 En outre, en matière de politique de la concurrence, la procédure administrative devant la Commission peut donner lieu à deux périodes successives, chacune de celles-ci répondant à une logique interne propre. La première période, qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, a pour point de départ la date à laquelle la Commission, faisant usage des pouvoirs que lui a conférés le législateur de l’Union, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et doit permettre à celle-ci de prendre position sur l’orientation de la procédure. La seconde période, quant à elle, s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale. Elle doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C 105/04 P, EU:C:2006:592, point 38).

107 Par ailleurs, lorsque la violation du principe du délai raisonnable a eu une incidence possible sur l’issue de la procédure, une telle violation est de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C 113/04 P, EU:C:2006:593, point 48 et jurisprudence citée).

108 Il convient de préciser néanmoins que, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que s’agissant des décisions constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation du principe du délai raisonnable a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C 105/04 P, EU:C:2006:592, points 42 et 43).

109 En l’espèce, il y a lieu de constater que, entre le dépôt de la plainte et l’envoi de la CG, un laps de temps de plus de six ans s’est écoulé. Toutefois, comme cela a été indiqué au point 15 ci-dessus, ce n’est qu’au milieu de l’année 2012, soit trois ans après ledit dépôt, que les premières allégations de prix prédateurs ont été formulées par la plaignante et que la Commission a pu entamer son investigation portant sur le comportement incriminé. Il en ressort que la première phase de la procédure administrative a duré plus de six ans depuis ce dépôt, mais un peu plus de trois ans seulement depuis les premières allégations de prédation formulées par la plaignante.

110 La seconde phase de la procédure administrative, s’étendant de la réception de la CG à l’adoption de la décision attaquée le 18 juillet 2019, a duré, quant à elle, environ trois ans et demi.

111 Prise dans sa globalité depuis les premières allégations de prédation, la durée de l’enquête, à savoir environ sept ans, n’est toutefois pas excessive, eu égard aux circonstances propres de l’affaire et, en particulier, à sa complexité.

112 En effet, comme l’a relevé le Tribunal en statuant sur le recours en annulation introduit contre la décision de la Commission du 31 mars 2017, la pratique alléguée en l’espèce a nécessité des analyses complexes de nombreuses données, dont la plupart n’étaient accessibles qu’à la requérante, afin de reconstituer la structure des prix-coûts en vue de vérifier l’existence ou non de prix prédateurs. Un tel exercice s’est en outre avéré d’autant plus complexe qu’il portait sur des produits composites (arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, T 371/17, non publié, EU:T:2019:232, point 125).

113 D’une part, plus de 31 000 documents ont été soumis à la Commission par la requérante, ainsi que cela ressort de la requête, en réponse à huit demandes d’informations, parfois suivies de demandes de clarification ultérieures. De nombreuses réunions et de nombreux entretiens téléphoniques ont également été organisés par la Commission, tant avec la requérante qu’avec la plaignante et avec des tiers. En outre, il ressort du point 3 de la décision attaquée rappelant les différentes étapes de la procédure administrative que la Commission n’est jamais restée inactive au cours de l’enquête. Enfin, il convient de tenir également compte du fait que ladite décision comporte une analyse à la fois complexe et détaillée du comportement reproché et que la Commission s’est efforcée de répondre aux nombreux arguments soulevés par la requérante au cours de ladite procédure, dans le respect des droits de la défense de cette dernière.

114 D’autre part, la conduite des parties lors de la procédure administrative a eu un impact sur la durée de ladite procédure. À cet égard, il convient de relever que ce n’est que trois ans après avoir déposé la plainte que la plaignante a, pour la première fois, invoqué des allégations de prédation. Quant à la requérante, elle a, tout d’abord, fait appel à neuf reprises au conseiller-auditeur pour résoudre des questions relatives à l’accès au dossier, puis elle a sollicité plusieurs prorogations de délai, le report d’une audition et la tenue d’une audition supplémentaire. Enfin, en introduisant un recours en annulation contre la décision de la Commission du 31 mars 2017, puis un pourvoi contre l’arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (T 371/17, non publié, EU:T:2019:232), ayant rejeté ce recours, la requérante ne pouvait ignorer que cela ralentirait nécessairement l’enquête.

115 Partant, la durée de l’enquête n’étant pas excessive, le présent grief doit être écarté comme étant non fondé.

116 En tout état de cause, à supposer même que la durée de l’enquête puisse être considérée comme étant excessive, la requérante ne démontre pas en quoi cela aurait pu avoir une incidence négative sur ses possibilités de défense.

117 En premier lieu, la requérante n’explique nullement en quoi de simples changements, au sein de la Commission, du personnel chargé de l’enquête à tous les niveaux hiérarchiques auraient pu affecter la rigueur, l’exactitude, la stabilité et la portée de l’enquête ou ses droits de la défense.

118 En deuxième lieu, en ce qui concerne le document soumis en décembre 2013 pour lequel la Commission n’a demandé des éclaircissements qu’en janvier 2017, il suffit de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a jugé, il convient de prendre en considération le devoir général de prudence qui incombe à toute entreprise ou association d’entreprises, en vertu duquel elles sont tenues de veiller à la bonne conservation, en leurs livres ou archives, des éléments permettant de retracer leur activité, afin, notamment, de disposer de preuves nécessaires dans l’hypothèse d’actions judiciaires ou administratives. Ainsi, dès lors que la requérante avait fait l’objet de demandes de renseignements de la part de la Commission au titre de l’article 18, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, dès le 7 juin 2010, il lui appartenait, à tout le moins depuis cette date, d’agir avec une diligence accrue et de prendre toutes les mesures utiles afin de préserver les preuves dont elle pouvait raisonnablement disposer (voir, en ce sens, arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, T 371/17, non publié, EU:T:2019:232, point 136 et jurisprudence citée).

119 En troisième lieu, la Commission a expliqué que, si l’enquête avait évolué au fur et à mesure de la procédure administrative, c’était précisément pour tenir compte des observations et des arguments avancés par la requérante, en réponse, notamment, à la CG et à la CGC, ce qui, contrairement aux allégations de cette dernière, ne fait que révéler le plein respect par la Commission de ses droits de la défense.

120 En quatrième lieu, la requérante ne précise pas en quoi le fait que Huawei et ZTE n’aient pas pu fournir certaines explications demandées par la Commission, relatives aux paiements des dépenses d’ingénierie non récurrentes (ci-après les « paiements NRE »), aurait été lié à l’écoulement du temps. En tout état de cause, force est de constater que la Commission a examiné si, en concédant de tels paiements à Huawei et à ZTE, la requérante avait l’intention d’accorder à ces deux clientes des réductions de prix, de sorte qu’il s’agit là d’un élément subjectif, donc étranger à ces deux sociétés, lesquelles n’auraient ainsi pu apporter aucun élément significatif à décharge en faveur de la requérante. Cela est d’ailleurs confirmé par le fait que, ainsi que cela résulte de l’examen du sixième moyen, la Commission a prouvé cet élément en s’appuyant sur un ensemble d’éléments de preuve concordants autres que les témoignages de ces deux entreprises.

121 Au vu des considérations qui précèdent, même à le supposer fondé, le présent grief ne saurait conduire, en l’espèce, à constater une violation des droits de la défense de la requérante conduisant à l’annulation de la décision attaquée.

– Sur le deuxième grief, pris du caractère insuffisamment complet et précis du dossier

122 La requérante fait valoir que, en omettant de rassembler certaines informations potentiellement à décharge, la Commission n’a pas réussi à constituer un dossier complet et précis. Elle estime qu’il s’agit d’une défaillance, illustrée par les trois exemples suivants. En premier lieu, la Commission n’aurait posé aucune question relative à un employé de Qualcomm à Huawei et à ZTE, malgré le nombre important de documents dont cet employé est l’auteur sur lesquels elle s’appuie. En deuxième lieu, Huawei et ZTE n’auraient pas été à même de répondre de manière significative à une demande d’informations portant sur les paiements NRE, pourtant essentiels. En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission lui a accordé l’accès à certains documents fortement expurgés d’informations, sans vérifier si les motifs de confidentialité invoqués par la plaignante qui les avait soumis étaient ou non fondés, alors que de tels documents auraient pu contenir des éléments potentiellement à décharge.

123 La Commission conteste les arguments de la requérante.

124 Selon une jurisprudence constante, c’est à la Commission qu’il appartient, en principe, d’apprécier si un renseignement est nécessaire dans le cadre d’une enquête pour infraction aux règles de concurrence (voir arrêt du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission, T 45/10, non publié, EU:T:2015:507, point 311 et jurisprudence citée). En outre, pour autant que, en reprochant à la Commission dans le cadre de la présente branche de ne pas avoir cherché à obtenir d’informations probablement à décharge, elle invoque également la garantie des droits de la défense dans le cadre de la présente branche, une telle garantie n’exige pas de la Commission qu’elle effectue des enquêtes supplémentaires, lorsqu’elle estime que l’instruction de l’affaire a été suffisante (arrêts du 16 mai 1984, Eisen und Metall/Commission, 9/83, EU:C:1984:177, point 32, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T 141/94, EU:T:1999:48, point 110).

125 En outre, en ce qui concerne l’existence de documents potentiellement à décharge que la Commission n’aurait pas cherché à obtenir, il ressort de la jurisprudence que l’entreprise concernée doit démontrer qu’elle aurait pu utiliser ces documents pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influencer, de quelque manière que ce soit, les appréciations portées par cette dernière dans sa décision (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C 407/08 P, EU:C:2010:389, point 23 et jurisprudence citée, et du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 97).

126 Il s’ensuit que l’entreprise concernée doit établir, d’une part, qu’elle n’a pas eu accès à certains éléments de preuve à décharge et, d’autre part, qu’elle aurait pu les utiliser pour sa défense (arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C 407/08 P, EU:C:2010:389, point 24, et du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 98).

127 En l’espèce, la requérante n’explique pas les raisons pour lesquelles la Commission aurait erronément estimé que l’instruction de l’affaire avait été suffisante et en quoi les informations potentiellement à décharge que la Commission aurait omis de rassembler, y compris les trois exemples qu’elle mentionne, auraient pu être utilisées pour sa défense dans le sens où, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu de quelque manière que ce soit influencer les appréciations effectuées par la Commission dans la décision attaquée. En tout état de cause, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 124 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de poursuivre l’enquête afin de recueillir tout élément potentiellement à décharge, dès lors qu’elle estime que l’instruction d’une affaire a été suffisante.

128 En particulier, en ce qui concerne son employé qui est l’auteur de nombreux documents sur lesquels la Commission s’appuie dans la décision attaquée, la requérante n’explique nullement en quoi les réponses à d’éventuelles questions posées à son sujet par la Commission à des tiers pouvaient présenter une quelconque importance pour l’instruction du dossier ou auraient de quelque manière que ce soit pu être utilisées pour assurer sa défense ou auraient pu avoir une quelconque influence sur les appréciations portées par la Commission. En effet, si la Commission s’est fondée sur certains desdits documents, principalement pour démontrer l’existence d’un plan d’éviction d’Icera, elle s’est également fondée sur d’autres éléments de preuve décisifs, qu’elle a jugés suffisants. Enfin, la requérante n’explique pas comment un tiers aurait pu être mieux placé qu’elle pour fournir des éléments de preuve réfutant le rôle de cet employé ou l’interprétation qu’a fait la Commission des documents en question.

129 De la même manière, à supposer même que Huawei et ZTE n’aient pas été à même de répondre de manière significative à une demande d’informations portant sur les paiements NRE, pourtant essentiels, il convient d’observer que la Commission n’avait pas besoin de ces réponses, puisqu’elle s’est appuyée à cet égard sur un ensemble d’éléments de preuve concordants, ainsi que cela ressort de l’examen du sixième moyen. La Commission a donc pu considérer sans commettre d’erreur manifeste que l’instruction de l’affaire était suffisante.

130 Enfin, en ce qui concerne son accès à des documents fortement expurgés qui auraient potentiellement pu contenir des éléments à décharge, la requérante ne conteste pas que ces informations étaient considérées par la plaignante, qui les a fournies, comme étant soumises au secret professionnel et que la Commission elle-même n’était pas en possession de versions non expurgées. La Commission a en tout état de cause raisonnablement pu considérer qu’elle disposait de suffisamment d’autres éléments pour mener l’enquête, sans avoir à demander à la plaignante de lui fournir des versions moins expurgées des documents qu’elle avait soumis.

131 Pour ces raisons, la demande de la requérante d’enjoindre à la Commission de confirmer si les nombreuses expurgations figurant dans les documents ID 1112 00146, 1112 00148, 1112 00150, 1112 00151, 1112 00154, 1112 00185, 1112 00218, 1112 00196, 1112 00229 et 1294 sont fondées sur de solides revendications de secret professionnel et de l’en informer ou d’obtenir lesdites présentations pour examiner la validité des revendications de Nvidia doit également être rejetée.

132 Au vu des considérations qui précèdent, le présent grief doit être écarté.

– Sur le troisième grief, pris d’une enquête partisane

133 La requérante estime que la décision attaquée est le résultat d’une enquête partisane, qui a conduit à une violation du principe de bonne administration et, accessoirement, du principe de présomption d’innocence, du principe in dubio pro reo ainsi que des principes de sécurité juridique et d’égalité des armes et qui porterait atteinte à ses droits de la défense.

134 À l’appui du présent grief, la requérante invoque trois arguments.

135 En premier lieu, la Commission n’aurait pas examiné en toute impartialité les arguments et preuves avancés par la requérante dans la réponse à la CG et lors de l’audition. Elle aurait au contraire entrepris une interminable « pêche aux informations », en émettant de multiples demandes d’informations ayant donné lieu à la collecte de très nombreuses données. Par ailleurs, la décision attaquée contiendrait des différences importantes et des éléments nouveaux par rapport à la CGC et à l’EdF, lesquels différeraient à leur tour de la CG. À cet égard, la requérante soumet dans l’annexe A.11 de la requête une liste d’exemples de ces différences.

136 En deuxième lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte dans la décision attaquée de certains éléments à décharge transmis par Huawei, notamment en ce qui concerne les paiements NRE.

137 En troisième lieu, la Commission aurait rencontré la plaignante pour discuter de questions liées à l’audition relative à la CGC, en l’absence du conseiller-auditeur et alors même que cette matière relève de la compétence de ce dernier, ce qui soulèverait de sérieuses questions quant à son intégrité et à sa neutralité.

138 La Commission conteste les arguments de la requérante.

139 À cet égard, il y a lieu de relever que tout administré a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union (voir arrêt du 2 février 2022, Scania e.a./Commission, T 799/17, EU:T:2022:48, point 145 et jurisprudence citée). En l’espèce, force est toutefois de constater qu’aucun des arguments avancés par la requérante ne permet d’établir que la Commission n’a pas offert toutes les garanties pour exclure tout doute légitime en ce qui concernait son impartialité dans l’enquête.

140 En ce qui concerne, tout d’abord, l’argument de la requérante tiré de l’émission par la Commission de nombreuses demandes d’informations ayant donné lieu à la collecte de très nombreuses données, il y a lieu de rappeler que, aux termes du considérant 23 du règlement no 1/2003, la Commission doit disposer dans toute l’Union du pouvoir d’exiger les renseignements qui sont nécessaires, notamment, pour déceler l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article 102 TFUE. Il ressort en outre de l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 que, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ce règlement, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et aux associations d’entreprises de fournir « tous les renseignements nécessaires ».

141 Eu égard au large pouvoir d’investigation et de vérification de la Commission, c’est à cette dernière qu’il appartient d’apprécier la nécessité des renseignements qu’elle demande aux entreprises concernées. En ce qui concerne le contrôle que le Tribunal exerce sur cette appréciation de la Commission, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de « renseignements nécessaires » doit être interprétée en fonction des finalités en vue desquelles les pouvoirs d’enquête en cause ont été conférés à la Commission. Ainsi, il est satisfait à l’exigence d’une corrélation entre la demande de renseignements et l’infraction présumée, dès lors que, à ce stade de la procédure, ladite demande peut être légitimement considérée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée, en ce sens que la Commission peut raisonnablement supposer que le renseignement l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction alléguée [voir arrêt du 14 mars 2014, Holcim (Deutschland) et Holcim/Commission, T 293/11, non publié, EU:T:2014:127, point 110 et jurisprudence citée].

142 En ce qui concerne plus particulièrement le cas d’espèce, il ressort du point 128 de l’arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (T 371/17, non publié, EU:T:2019:232), faisant suite à l’introduction par la requérante d’un recours en annulation contre la décision de la Commission du 31 mars 2017, que le champ d’application de l’enquête menée par la Commission était de nature à justifier la fourniture d’un nombre important de renseignements.

143 En outre, comme l’a également souligné le Tribunal au point 201 de l’arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (T 371/17, non publié, EU:T:2019:232), c’est précisément en vue de préparer sa décision finale sur l’existence éventuelle d’une infraction à l’article 102 TFUE avec toute la diligence requise et de la prendre sur la base de toutes les données pouvant avoir une incidence sur celle-ci que la Commission était en droit d’adopter ladite décision. Le même raisonnement s’applique par analogie aux autres demandes de renseignements transmises par la Commission dans le cadre de la procédure administrative, sans qu’il y ait lieu d’y voir là une quelconque « pêche aux informations ». En effet, d’une part, une manifestation de la partialité de la Commission lors de l’enquête à l’égard de la requérante ne saurait être déduite de manière abstraite de l’existence de la marge d’appréciation dont dispose la Commission dans la manière de conduire ladite enquête et, d’autre part, la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant de démontrer de manière concrète que ces autres demandes de renseignements ne pouvaient s’expliquer que par une telle partialité.

144 En ce qui concerne, ensuite, l’argument de la requérante tiré de différences existant entre la CG, la CGC, l’EdF et la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le respect des droits de la défense exige que l’entreprise concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence (voir arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C 448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 41 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C 152/19 P, EU:C:2021:238, point 106).

145 Cette exigence est respectée dès lors que la décision définitive ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêts du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T 111/08, EU:T:2012:260, point 266 ; du 18 juin 2013, ICF/Commission, T 406/08, EU:T:2013:322, point 117, et du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission, T 851/14, EU:T:2018:929, point 180).

146 Toutefois, l’énonciation des éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde dans la communication des griefs peut être faite de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de ladite communication, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (arrêt du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, EU:C:1987:490, point 70 ; voir, également, arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C 448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T 111/08, EU:T:2012:260, point 267). Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication en question effectués à la lumière du mémoire en réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T 25/06, EU:T:2011:442, point 181). En conséquence, jusqu’à ce qu’une décision finale soit adoptée, la Commission peut, au vu, notamment, des observations écrites ou orales des parties, soit abandonner certains ou même la totalité des griefs initialement articulés à leur égard et modifier ainsi sa position en leur faveur, soit, à l’inverse, décider d’ajouter de nouveaux griefs, pour autant qu’elle donne aux entreprises concernées l’occasion de faire valoir leur point de vue à ce sujet (voir arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 191/98 et T 212/98 à T 214/98, EU:T:2003:245, point 115 et jurisprudence citée).

147 En l’espèce, une manifestation de la partialité de la Commission lors de l’enquête à l’égard de la requérante ne saurait être déduite de manière abstraite de l’existence de différences entre la CG, la CGC, l’EdF et la décision attaquée. En outre, la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant de démontrer de manière concrète que ces différences ne pouvaient s’expliquer que par une telle partialité.

148 Il convient par contre d’examiner si, dans la décision attaquée, la Commission se serait fondée sur de nouveaux griefs ou éléments de preuve à charge de la requérante, à propos desquels cette dernière n’aurait pas eu l’occasion de faire valoir son point de vue au cours de la procédure administrative.

149 À cet égard, la requérante se contente d’affirmer, de manière générale, que la décision attaquée contiendrait des différences importantes et des éléments nouveaux absents de l’argumentation avancée dans la CGC et dans l’EdF, et se borne à citer en note en bas de page, quelques considérants de ladite décision et à renvoyer à l’annexe A.11 de la requête.

150 Même dans l’hypothèse où ces éléments constitueraient bien des éléments nouveaux, absents des précédents documents procéduraux, il n’en demeure pas moins que la requérante n’explique nullement en quoi ces éléments constitueraient de nouveaux griefs ou des éléments de preuve à sa charge à propos desquels elle n’aurait pas eu l’occasion de faire valoir son point de vue, et non la simple prise en compte, dans la décision attaquée, des observations reçues par la Commission, y compris de sa part.

151 Comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 146 ci-dessus, la décision attaquée ne saurait être une copie de la CG, de la CGC ou de l’EdF, précisément parce que la Commission est tenue de prendre en compte des observations soumises par les parties au cours de la procédure administrative. En se limitant à établir une liste de différences entre ladite décision et les précédents documents procéduraux, sans expliquer davantage l’implication concrète, en sa défaveur, de telles modifications sur le raisonnement juridique de la Commission et sur la qualification des faits ni en quoi la portée du comportement reproché était de ce fait modifiée, la requérante ne démontre pas que la Commission a mené une enquête partisane.

152 En ce qui concerne, enfin, l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission a rencontré la plaignante pour discuter de questions liées à l’audition relative à la CGC, en l’absence du conseiller-auditeur et alors même que cette matière relève de la compétence de ce dernier, il ne permet pas de remettre en cause l’intégrité de la Commission ni sa capacité à traiter le cas d’espèce de manière neutre et objective. La requérante ne démontre en outre pas en quoi une telle rencontre aurait pu affecter ses droits de la défense, d’autant plus que rien ne l’empêchait, si elle l’estimait nécessaire, de demander au conseiller-auditeur une réunion équivalente.

153 Le présent grief doit dès lors être écarté.

154 Partant, la première branche du premier moyen doit être écartée.

 Sur la seconde branche, tirée de la violation des droits de la défense et du principe de l’égalité des armes

155 La présente branche repose sur deux griefs. Le premier est tiré d’un accès insuffisant au dossier. Le second est tiré, en substance, du contenu insuffisant du dossier transmis.

– Observations liminaires

156 Les droits de la défense sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont le Tribunal et la Cour assurent le respect (arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C 109/10 P, EU:C:2011:686, point 52).

157 Le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C 265/17 P, EU:C:2019:23, point 28).

158 Ce principe général du droit de l’Union est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte (arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C 152/19 P, EU:C:2021:238, point 105).

159 Dans le contexte du droit de la concurrence, le respect des droits de la défense exige que tout destinataire d’une décision constatant qu’il a commis une infraction aux règles de la concurrence ait été mis en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances qui lui sont reprochés ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une telle infraction, comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 144 ci-dessus.

160 Selon une jurisprudence bien établie, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. Il ne saurait être imposé à une partie requérante qui invoque la violation de ses droits de la défense de démontrer que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C 831/18 P, EU:C:2020:481, points 105 et 106 et jurisprudence citée), dès lors que ladite partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale (arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C 194/99 P, EU:C:2003:527, point 31 ; du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C 141/08 P, EU:C:2009:598, point 94, et du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission, T 827/14, EU:T:2018:930, point 129).

161 Une telle appréciation doit être effectuée en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de chaque espèce (arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C 831/18 P, EU:C:2020:481, point 107).

– Sur le premier grief, pris de l’accès insuffisant au dossier

162 La requérante fait valoir qu’elle n’a eu accès au dossier qu’à la suite de l’adoption de la CG et de la CGC, et ce après qu’elle avait dû formuler des demandes répétées en ce sens. Elle prétend également qu’elle a dû consacrer « un temps fou et des ressources disproportionnées » à la consultation de certains documents, ce qui aurait constitué une « distraction inutile et préjudiciable » et aurait impacté négativement sa capacité de se défendre.

163 La Commission conteste les arguments de la requérante.

164 Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès au dossier implique ainsi que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 68, et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T 113/07, EU:T:2011:343, point 41).

165 En l’espèce, la requérante se plaint en premier lieu d’avoir dû insister auprès de la Commission pour obtenir l’accès aux documents figurant au dossier, ce qui lui aurait fait perdre du temps ainsi que la mémoire des faits et, partant, aurait impacté négativement sa défense.

166 Or, les arguments de la requérante tirés de la durée de la procédure administrative et de ses conséquences sur ses possibilités de défense doivent être rejetés pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 116 à 121 ci-dessus. Par ailleurs, pour autant que la requérante fasse valoir qu’elle n’a eu accès que tardivement au dossier, il est constant qu’elle a bien eu accès au dossier au cours de la procédure administrative et qu’elle a pu tenir compte des documents qu’il contenait dans l’organisation de sa défense. Ainsi, à supposer même que la requérante n’ait pas eu immédiatement accès à son dossier, il demeure qu’elle ne prouve pas que cet accès a été tardif et que ses droits de la défense ont été violés, de sorte qu’il y a lieu de rejeter cet argument.

167 En ce qui concerne, en second lieu, le prétendu accès insuffisant au dossier, il y a lieu de relever, ainsi que cela ressort des considérants 45 et 46 de la décision attaquée non contestés par la requérante, qu’en ce qui concerne la CG, cette dernière a elle-même reconnu que toutes les questions d’accès au dossier avaient été résolues avant qu’elle ne soumette la réponse à la CG et qu’en ce qui concernait la CGC, elle n’avait pas fait usage de la possibilité qui lui avait été offerte par la Commission de compléter la réponse à la CGC après avoir eu accès à une version non confidentielle révisée de certains documents du dossier, de sorte qu’elle ne peut valablement prétendre que ses droits de la défense ont été affectés.

168 Partant, le présent grief doit être écarté.

– Sur le second grief, tiré du contenu insuffisant du dossier transmis

169 La requérante estime que la Commission a manqué à son obligation de prendre des notes détaillées de l’ensemble des réunions, des conversations téléphoniques et des entrevues, formelles ou informelles, menées aux fins de collecter des informations relatives à l’objet d’une enquête, et de lui fournir utilement ces notes.

170 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a omis de prendre des notes relatives à sept conférences téléphoniques et à cinq réunions avec elle. La Commission n’aurait alors par la suite pas pu utiliser ces notes, susceptibles de contenir des éléments à décharge.

171 En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission lui a transmis trop tardivement certaines notes relatives à des réunions ou des conférences téléphoniques avec des tiers, parfois plusieurs années après la tenue de celles-ci.

172 En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission lui a transmis des notes trop succinctes relatives à certaines conférences téléphoniques avec des tiers, à savoir une conférence téléphonique avec Huawei et sept conférences téléphoniques avec la plaignante, ne lui permettant pas de comprendre les informations qui y avaient été échangées.

173 La Commission conteste les arguments de la requérante.

174 D’emblée, il convient de relever que l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 habilite la Commission à interroger toute personne physique ou morale qui accepte d’être interrogée aux fins de la collecte d’informations relatives à l’objet d’une enquête, et ce pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ce règlement.

175 Conformément à l’article 3 du règlement no 773/2004, la Commission peut enregistrer sous toute forme les déclarations faites par les personnes interrogées dans le cadre d’un entretien effectué sur la base de l’article 19 du règlement no 1/2003. L’article 3, paragraphe 2, du règlement no 773/2004 précise également qu’un tel entretien peut être réalisé par tout moyen de communication, y compris par téléphone ou par voie électronique.

176 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, si la Commission décide de procéder à un entretien sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, elle est tenue d’enregistrer cet entretien dans son intégralité, sans préjudice du choix qui lui est laissé quant à la forme de cet enregistrement. Il s’ensuit que pèse sur la Commission l’obligation d’enregistrer, sous la forme de son choix, tout entretien mené par elle, au titre dudit article, aux fins de collecter des informations relatives à l’objet d’une enquête de sa part (arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 90 et 91, et du 9 mars 2023, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission, C 682/20 P, EU:C:2023:170, point 89).

177 À cet effet, il n’est pas suffisant que la Commission procède à un bref résumé des sujets abordés au cours de l’entretien. Elle doit être en mesure de fournir une indication quant à la teneur des discussions qui se sont tenues lors de l’entretien, en particulier la nature des renseignements fournis pendant celui-ci sur les sujets abordés [arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité), T 235/18, EU:T:2022:358, point 190, voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 91 et 92].

178 En premier lieu, en ce qui concerne les contacts ayant eu lieu entre la Commission et la requérante elle-même lors de la procédure administrative, cette dernière se plaint de l’absence dans le dossier de notes relatives à sept conférences téléphoniques et à cinq réunions.

179 Or, il y a lieu de relever que la requérante n’explique nullement en quoi, si irrégularité procédurale il y a eu, ses droits de la défense ont pu être affectés, en démontrant qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense dans l’hypothèse où la Commission aurait pris des notes relatives à ses contacts avec elle. En effet, ces réunions ayant eu lieu entre la Commission et la requérante elle-même, cette dernière avait donc pleinement connaissance de leur contenu et des sujets qui y avaient été discutés avec la Commission. Elle était dès lors tout à fait à même d’utiliser, pour mieux assurer sa défense, tout élément à décharge qui aurait pu potentiellement avoir été abordé lors de ces contacts. En outre, en pareille hypothèse, il serait permis de s’attendre à ce que la requérante ait pris la précaution d’envoyer elle-même à la Commission un récapitulatif du contact en question, afin de laisser une trace écrite de tout élément à décharge potentiel dans le dossier.

180 En deuxième lieu, en ce qui concerne certaines notes relatives à des réunions ou à des conférences téléphoniques avec des tiers, la requérante se plaint du fait qu’elle n’y a eu accès que tardivement, ce qui aurait porté atteinte à ses droits de la défense.

181 À cet égard, indépendamment de la question de savoir si les réunions et entretiens téléphoniques en question constituent ou non des « entretiens » au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, que la Commission était tenue d’enregistrer, ce que la requérante n’essaie d’ailleurs même pas de démontrer, il n’est pas contesté que cette dernière a eu accès aux notes relatives à celles-ci les 31 juillet et 27 août 2018, soit juste après l’envoi par la Commission de la CGC.

182 Or, s’il est regrettable que l’accès aux notes relatives aux réunions et aux conférences téléphoniques en question ait effectivement été accordé longtemps après la tenue desdites réunions et conférences téléphoniques, il n’en demeure pas moins que la requérante a répondu à la CGC le 22 octobre 2018, soit plusieurs semaines après la réception desdites notes, ce qui lui a laissé suffisamment de temps pour examiner celles-ci, en tirer tout élément potentiellement à décharge et s’en prévaloir dans cette réponse.

183 À cet égard, il convient d’observer que les circonstances du cas d’espèce doivent être distinguées de celles sous-jacentes à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T 235/18, EU:T:2022:358), dans lequel le Tribunal a annulé la décision C(2018) 240 final de la Commission, du 24 janvier 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire AT.40220 – Qualcomm (paiements d’exclusivité)], notamment en raison de l’envoi tardif par la Commission de certaines notes relatives à des entretiens avec des tiers.

184 Ainsi, il ressort des points 168 et 169 de l’arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T 235/18, EU:T:2022:358), que, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Commission n’avait transmis au cours de la procédure administrative à Qualcomm aucune information ni sur l’existence ni sur le contenu de certains entretiens avec des tiers et que ce n’est qu’après l’adoption de la décision C(2018) 240 final qu’elle a transmis de telles notes, certaines d’entre elles ayant même été fournies pendant la procédure devant le Tribunal, en réponse à des mesures d’instruction ordonnées par celui-ci.

185 Il n’est d’ailleurs pas contesté que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T 235/18, EU:T:2022:358), contrairement au cas d’espèce, Qualcomm n’a pas eu accès à ces notes au cours de la procédure administrative et n’a donc pas pu faire valoir son point de vue à leur sujet ou utiliser d’éventuels éléments à décharge qui y figuraient pour se défendre avant l’adoption de la décision l’incriminant de paiements d’exclusivité. Ces circonstances décisives, ayant conduit le Tribunal à annuler la décision C(2018) 240 final, constituent une différence fondamentale avec le cas d’espèce.

186 Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré d’atteinte à ses droits de la défense du fait que la Commission lui a transmis relativement tardivement les notes relatives aux réunions et aux conférences téléphoniques en cause. L’argument de la requérante tiré du caractère tardif de la transmission par la Commission desdites notes doit dès lors être écarté.

187 En troisième lieu, en ce qui concerne certaines notes relatives à des conférences téléphoniques avec des tiers, à savoir une conférence téléphonique avec Huawei et sept conférences téléphoniques avec la plaignante, la requérante se plaint de leur caractère trop succinct.

188 À cet égard, lors de l’audience, la Commission a reconnu, d’une part, qu’au moins certaines des conférences téléphoniques auxquelles se référait la requérante pouvaient effectivement être qualifiées d’« entretiens » au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et, d’autre part, qu’elle n’avait pas procédé à leur enregistrement. Il y a lieu par ailleurs d’observer que les notes relatives à ces entretiens, telles que reproduites dans l’annexe A.9 de la requête, sont trop sommaires pour pouvoir pallier cette absence d’enregistrement.

189 S’agissant des conséquences qu’il convient de tirer d’une telle irrégularité procédurale, il y a lieu de déterminer si, compte tenu des circonstances de fait et de droit spécifiques à la présente affaire, la requérante a démontré à suffisance qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de pareille irrégularité. En effet, en l’absence d’une telle démonstration, cette irrégularité ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

190 Lorsque l’entreprise concernée dispose d’indices probants quant aux auteurs ainsi qu’à la nature et au contenu des documents qui ne lui ont pas été divulgués, il lui appartient d’établir que les éléments du dossier auxquels elle n’a pas eu accès à tort, qu’ils soient à charge ou à décharge, auraient pu être utiles à sa défense (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Solvay/Commission, C 110/10 P, EU:C:2011:257, point 37).

191 Si un élément de preuve à charge ne lui a pas été divulgué, il suffit à l’entreprise concernée de démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si cet élément de preuve avait été écarté, dans la mesure où la Commission s’est fondée sur celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, points 71 et 73, et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T 113/07, EU:T:2011:343, point 46).

192 Si un élément de preuve à décharge ne lui a pas été divulgué, l’entreprise concernée doit établir qu’elle aurait pu utiliser cet élément de preuve pour sa défense, en ce sens que, si elle avait pu s’en prévaloir lors de la procédure administrative, elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées à ce stade par la Commission et aurait donc pu influer, de quelque manière que ce soit, sur les appréciations portées par cette dernière dans sa décision (voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 97 et jurisprudence citée).

193 Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante reste en défaut d’établir que, en l’absence de l’irrégularité procédurale relevée, elle aurait pu mieux assurer sa défense.

194 En particulier, malgré le fait qu’il était somme toute possible de déduire des notes transmises par la Commission le contenu des entretiens en cause et, partant, de déduire l’existence éventuelle d’éléments qu’elle aurait pu utiliser pour se défendre, la requérante n’a avancé aucun argument circonstancié permettant de comprendre à quel titre elle aurait pu mieux assurer sa défense, et ce même lorsque le Tribunal l’a expressément interrogée à cet égard lors de l’audience de plaidoiries.

195 Enfin, il y a lieu d’observer que, dans l’arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T 235/18, EU:T:2022:358), où le Tribunal a annulé la décision C(2018) 240 final, notamment en raison du caractère incomplet de notes transmises par la Commission relatives à certains entretiens avec des tiers, la requérante avait produit, en vue d’étayer les allégations formulées à ce sujet dans la requête, une annexe visant à préciser les aspects qui auraient pu être discutés lors desdits entretiens et comment ces éléments auraient pu aider sa défense. Or, en l’espèce, la requérante n’a nullement avancé de telles précisions.

196 Il en découle que l’irrégularité de procédure liée au caractère trop succinct de notes relatives à des conférences téléphoniques avec des tiers qui a été constatée en l’espèce ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

197 Partant, le présent grief doit être écarté, de même que la seconde branche du premier moyen. Par conséquent, puisque la première branche de ce moyen a également été écartée (voir point 154 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, et d’un manquement à l’obligation de motivation en ce qui concerne la définition du marché pertinent et la position dominante de la requérante pendant la période pertinente

198 Le deuxième moyen repose sur cinq branches. La première est relative à des lacunes de la décision attaquée quant à la définition du marché pertinent. La deuxième est relative aux contraintes concurrentielles exercées directement par l’offre captive sur le marché libre. La troisième est relative aux contraintes concurrentielles exercées indirectement par l’offre captive sur le marché libre. La quatrième est relative à la position dominante de la requérante pendant la période pertinente. La cinquième est relative à la définition du segment de pointe du marché des puces UMTS sur lequel la Commission aurait fondé son analyse.

 Sur la première branche, relative à des lacunes de la décision attaquée quant à la définition du marché pertinent

199 La présente branche repose sur trois griefs. Le premier est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit en ce que la Commission s’est appuyée, pour définir le marché pertinent, sur une sélection de réponses vagues à des demandes d’informations peu claires. Le deuxième est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit en ce que la Commission n’a pas examiné l’existence éventuelle d’une chaîne de substitution. Le troisième est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit en ce que la Commission a conclu qu’elle n’avait pas à appliquer le test « small but significant and non-transitory increase in price » (augmentation faible, mais significative et non transitoire des prix) (ci-après le « test SSNIP »).

– Observations liminaires

200 Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE, la détermination du marché pertinent a pour objet de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être appréciée la question de savoir si l’entreprise concernée est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, point 127 et jurisprudence citée].

201 La détermination du marché pertinent constitue donc, en principe, un préalable à l’appréciation de l’existence éventuelle d’une position dominante de l’entreprise concernée qui suppose de définir, en premier lieu, les produits ou les services dudit marché puis, en second lieu, la dimension géographique de ce marché [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, points 127 et 128 et jurisprudence citée].

202 En ce qui concerne le marché de produits ou de services, la notion de « marché pertinent » implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité ou de substituabilité entre ces produits et ces services. L’interchangeabilité ou la substituabilité ne s’apprécie pas au seul regard des caractéristiques objectives des produits ou des services en cause. Il convient également de prendre en considération les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur ce marché [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, point 129 et jurisprudence citée].

203 Une telle appréciation suppose qu’il existe un degré suffisant d’interchangeabilité entre les produits ou les services qui font partie du marché pertinent et ceux qui sont envisagés pour répondre à la demande sur ce marché. Tel est, notamment, le cas si l’auteur de l’offre alternative est en mesure de répondre à brève échéance à la demande avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux au pouvoir détenu par l’entreprise concernée sur ce marché [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C 307/18, EU:C:2020:52, points 132 et 133].

204 Enfin, selon une jurisprudence constante, la définition du marché pertinent, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge de l’Union (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 482 ; du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 53, et du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T 427/08, EU:T:2010:517, point 66).

205 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante concernant la définition du marché pertinent retenue par la Commission dans la décision attaquée.

– Sur le premier grief, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit en ce que la Commission s’est appuyée sur une sélection de réponses vagues à des questions peu claires

206 La requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a écarté l’éventuelle substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies sur la base de l’analyse biaisée de réponses choisies à des questions mal formulées.

207 Plus particulièrement, la décision attaquée repose, selon la requérante, sur des réponses pas claires ou ambiguës à des questions confuses ou sujettes à interprétation posées dans des demandes d’informations transmises plusieurs années après l’infraction présumée, avec pour conséquence que plusieurs répondants aux questionnaires du 4 novembre 2014 et du 30 avril 2015 auraient interprété les questions posées comme portant sur le marché tel qu’il se présentait au moment de l’envoi de ces demandes d’informations, et non au moment de l’infraction présumée. Par ailleurs, la formulation de certaines questions relatives à la substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies aurait conduit les entreprises interrogées à répondre à la question de savoir si elles comptaient changer de fournisseur s’agissant des puces destinées à être intégrées dans des appareils existants, plutôt que dans des appareils futurs. Enfin, le libellé des questions aurait préjugé de l’existence de deux marchés distincts, l’un englobant les puces UMTS et l’autre englobant les puces prenant en charge la LTE, étant donné qu’il était demandé aux répondants s’ils passeraient d’un type de puce à l’autre.

208 La Commission conteste les arguments de la requérante.

209 D’emblée, il convient d’observer que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à l’absence de substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies en s’appuyant sur un grand nombre de données. Cela ressort des notes en bas de page 245, 246 et 248 à 251 de ladite décision en ce qui concerne l’absence de substituabilité entre les puces UMTS et d’autres puces supportant le standard GSM, des notes en bas de page 254 à 258 de cette même décision en ce qui concerne l’absence de substituabilité entre les puces UMTS et les autres puces supportant le standard AMRC, des notes en bas de page 260 et 264 de ladite décision en ce qui concerne l’absence de substituabilité entre les puces UMTS dans leur variante « Frequency-division-duplexing » (FDD) et les mêmes puces dans leur variante « Time-division-duplex » (TDD) qui ne supportent pas le mode FDD ainsi que des notes en bas de page 271 à 273 de la même décision en ce qui concerne l’absence de substituabilité entre les puces UMTS et les autres puces supportant le standard WiFi/WiMAX. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des notes en bas de page 277 et 279 de la décision attaquée, la Commission s’est également fondée sur de nombreux documents pour conclure à la substituabilité des puces UMTS prenant en charge différentes versions de cette technologie.

210 En outre, il y a lieu de relever que la Commission s’est non seulement fondée sur les réponses aux questionnaires envoyés en 2014 et en 2015, mais également sur les réponses à deux questionnaires envoyés en 2010 et portant également sur la définition du marché pertinent, ce que la Commission a expressément confirmé, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure prenant la forme d’une question écrite posée par le Tribunal, ainsi que sur des rapports d’industrie, comme cela ressort des notes en bas de page 244, 261 et 270 de la décision attaquée.

211 Il ne peut, partant, être reproché à la Commission de s’être fondée seulement sur une sélection de réponses lorsqu’elle a défini le marché pertinent.

212 En outre, à supposer même que certaines entreprises interrogées aient pu répondre aux questionnaires de 2014 et de 2015 en se rapportant à un cadre temporel erroné, force est de constater que tous les répondants auxquels se réfère la Commission dans les notes en bas de page 244, 261 et 270 de la décision attaquée n’ont pas commis pareille erreur, ce que la requérante ne conteste pas, puisqu’elle se limite à citer quelques exemples d’entreprises dont la réponse ne se rapporterait selon elle pas à la période pertinente.

213 En ce qui concerne plus particulièrement le questionnaire du 30 avril 2015, il convient de relever que celui-ci précise en introduction que les réponses doivent être fournies en ce qui concerne la période 2010 à 2014. Quant aux raisons pour lesquelles ce questionnaire ne se rapportait pas à l’année 2009, alors que le deuxième trimestre de cette année est inclus dans la période pertinente, interrogée à cet égard par écrit par le Tribunal, la Commission a indiqué que de nombreux répondants à ce questionnaire avaient fait expressément référence à un cadre temporel antérieur à 2010 ou avaient fait des déclarations s’appliquant de manière générale, indépendamment de la période de référence et, partant, également valables en ce qui concernait l’année 2009.

214 Il en découle que, même si certains répondants aux questionnaires des 4 novembre 2014 et 30 avril 2015 auxquels se réfère la requérante avaient répondu de manière vague, comme elle le soutient, en se référant à un cadre temporel différent de celui de l’infraction, une telle erreur ne serait en tout état de cause pas à même de remettre en question l’analyse effectuée par la Commission au regard de toutes les réponses quant à l’absence de substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies, compte tenu du très grand nombre de données concordantes sur lesquelles la Commission s’est appuyée à cet égard.

215 Par ailleurs, en soutenant que la formulation de certaines questions relatives à la substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies a conduit les entreprises interrogées à répondre à la question de savoir si elles comptaient changer de fournisseur s’agissant des puces destinées à être intégrées dans des appareils existants, plutôt que dans des appareils futurs, la requérante estime, en substance, que la Commission aurait dû examiner l’existence hypothétique d’une contrainte concurrentielle exercée par les fournisseurs de puces à intégrer dans des appareils futurs, à savoir des produits qui n’existaient pas encore.

216 Or, une telle argumentation ne saurait prospérer.

217 En effet, il ressort du point 7 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché »), qu’un marché de produits en cause comprend tous les produits ou services que le consommateur considère comme étant interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés, ce qui implique que l’appréciation se fasse à partir du type de produits que les entreprises en cause vendent à ce moment-là, et non par rapport à d’hypothétiques produits futurs, dont les consommateurs ne connaissent pas encore les caractéristiques, le prix et l’usage.

218 Il convient également d’observer à cet égard que la requérante n’explique en tout état de cause pas en quoi la contrainte concurrentielle hypothétique exercée par des puces destinées à des appareils non encore existants aurait pu avoir la moindre influence sur le résultat de l’analyse effectuée par la Commission, laquelle s’est appuyée, comme cela a été indiqué aux points 209 et 210 ci-dessus, sur de nombreuses données concordantes.

219 Enfin, l’argumentation de la requérante selon laquelle, en demandant aux répondants s’ils passeraient d’un type de puce à l’autre, la Commission a préjugé de l’existence de deux marchés distincts, à savoir un marché des puces UMTS et un marché des puces prenant en charge la LTE, doit être écartée comme étant dépourvue de tout fondement.

220 En effet, les questions posées par la Commission à cet égard ne font que se référer à des technologies spécifiques, notamment les standards GSM, UMTS et LTE, dotées chacune de caractéristiques propres, et visent précisément à savoir si les puces prenant en charge ces technologies sont ou non considérées comme étant substituables par leurs acheteurs et, partant, comme faisant potentiellement partie du même marché de produits.

221 Il découle de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

– Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit en ce que la Commission n’a pas examiné l’existence d’une chaîne de substitution

222 La requérante prétend que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation et de droit en omettant d’examiner l’existence d’une chaîne de substitution entre les puces UMTS et les puces prenant en charge des technologies antérieures ou postérieures.

223 Selon la requérante, la Commission aurait dû examiner si, au moment de la transition entre deux technologies, il existait ce qu’elle qualifie de « chaîne de substitution », c’est-à-dire, selon ses propres termes, « une continuité des produits proposés ou, à défaut, un ‟point de rupture” structurel manifeste entre les deux normes ». Elle conteste en particulier la conclusion de la Commission selon laquelle il n’existait pas de chaîne de substitution entre les puces UMTS et les puces supportant antérieurement le standard étendu GSM/EDGE.

224 La Commission conteste les arguments de la requérante.

225 Il convient de relever que, au point 57 de la communication sur la définition du marché, la Commission explique que l’existence de chaînes de substitution peut conduire, dans certains cas, à inclure dans un marché certains produits non directement substituables, lorsqu’un produit B est un substitut, du côté de la demande, des produits A et C. Dans ce cas, même si les produits A et C ne sont pas directement substituables l’un à l’autre en ce qui concerne la demande, ils peuvent se trouver classés dans le même marché de produits en cause, parce que l’existence du produit de substitution B influe sur leurs prix respectifs.

226 Or, force est de constater que, dans le cadre du présent grief, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir considéré, d’une part, que les puces prenant en charge une technologie antérieure et les puces UMTS n’étaient pas substituables et, d’autre part, que ces dernières et les puces prenant en charge une technologie postérieure n’étaient pas substituables. En d’autres termes, elle lui fait grief d’avoir réalisé deux examens de substituabilité « classique » entre deux produits, et non l’examen d’une éventuelle substituabilité en chaîne entre deux produits non directement substituables, mais qui le deviendraient indirectement, par leur substituabilité commune avec un troisième produit.

227 À cet égard, il suffit de rappeler que c’est en se fondant sur de nombreuses données concordantes que la Commission a examiné, dans la décision attaquée, la substituabilité entre les puces UMTS et les puces prenant en charge d’autres technologies, antérieures ou postérieures à la technologie UMTS, ainsi que cela ressort des points 209 et 210 ci-dessus.

228 Il découle de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

– Sur le troisième grief, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit en ce que la Commission a conclu qu’elle n’avait pas à appliquer le test SSNIP

229 La requérante estime que, en n’appliquant pas le test SSNIP dans la décision attaquée, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit. Selon la requérante, si l’arrêt du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission (T 699/14, non publié, EU:T:2017:2), auquel se réfère la Commission dans ladite décision, fait bel et bien référence à d’autres outils que ce test, dont la Commission dispose, y compris des études de marché ou l’évaluation des points de vue des consommateurs et des concurrents, il n’en demeure pas moins que cette dernière reste tenue de se fonder sur des preuves appropriées, convaincantes et fiables, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce, puisqu’elle s’est appuyée sur une sélection de réponses à des questions confuses reproduites dans des demandes d’informations. La requérante reproche également à la Commission d’avoir estimé, au considérant 248 de la décision attaquée, qu’un tel test n’était en tout état de cause pas approprié du fait que le prix des puces UMTS était déjà fixé à un niveau supraconcurrentiel.

230 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

231 À titre liminaire, il convient de rappeler que le test SSNIP consiste à examiner si une augmentation faible du prix d’un produit, de l’ordre de 5 à 10 %, amènerait un nombre significatif de clients à opter pour un autre produit, lequel sera dans ce cas considéré comme étant substituable au premier produit.

232 Il convient également d’observer que, si le test SSNIP constitue une méthode reconnue pour définir le marché en cause, il ne s’agit pas de l’unique méthode à la disposition de la Commission. En effet, celle-ci peut également prendre en compte d’autres outils aux fins de définir le marché pertinent, tels que des études de marché ou une évaluation des points de vue des consommateurs et des concurrents [arrêts du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission, T 699/14, non publié, EU:T:2017:2, point 82, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 331 (non publié)], ce que la requérante ne conteste pas.

233 Par ailleurs, il ressort tant de la jurisprudence que du point 25 de la communication sur la définition du marché qu’il n’existe aucun ordre hiérarchique rigide entre les différents éléments d’appréciation dont dispose la Commission [voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission, T 699/14, non publié, EU:T:2017:2, point 82, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 331 (non publié)], ce que la requérante ne conteste pas non plus.

234 En outre, il convient de rappeler que la Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation concernant la définition du marché pertinent, dans la mesure où cette dernière implique des appréciations économiques complexes (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T 427/08, EU:T:2010:517, point 66 et jurisprudence citée).

235 Il en découle que la Commission n’est pas obligée, lorsqu’elle définit le marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE, d’effectuer un test SSNIP.

236 La Commission n’a, par conséquent, commis aucune erreur de droit en indiquant, au considérant 180 de la décision attaquée, qu’elle était capable en l’espèce de définir le marché pertinent sans avoir à effectuer de test SSNIP.

237 Par ailleurs, il ressort de l’analyse du premier grief invoqué par la requérante à l’appui de la première branche de son premier moyen que, lorsqu’elle a défini le marché pertinent dans la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur des preuves appropriées, convaincantes et fiables, et non, comme le prétend la requérante, sur une sélection de réponses à des questions confuses reproduites dans des demandes d’informations. La requérante ne démontre donc pas que la Commission a commis une erreur en n’effectuant pas de test SSNIP en l’espèce.

238 De plus, la requérante n’a même pas essayé de démontrer que l’usage du test SSNIP aurait modifié les conclusions auxquelles est parvenue la Commission dans la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 331 (non publié)].

239 Le présent grief doit dès lors être écarté, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de l’une des justifications données par la Commission à la non-utilisation en l’espèce du test SSNIP, qui est contestée par la requérante, à savoir le fait qu’un tel test n’était en tout état de cause pas approprié en l’espèce du fait que le prix des puces UMTS était déjà fixé à un niveau supraconcurrentiel.

240 La première branche du deuxième moyen doit par conséquent être écartée.

 Sur la deuxième branche, relative aux contraintes concurrentielles exercées directement par l’offre captive sur le marché libre

241 À l’appui de la présente branche, la requérante invoque quatre griefs.

242 En premier lieu, la requérante soutient que, pour conclure à l’absence de contrainte concurrentielle exercée directement par l’offre captive de certains fabricants d’équipement d’origine verticalement intégrés sur le marché des puces UMTS, la Commission s’est erronément fondée sur les déclarations incohérentes et dénuées de pertinence de ces fabricants, mais n’a pas questionné les clients quant à leurs dispositions et à leur capacité à passer à l’auto-approvisionnement ou à accroître celui-ci dans le cas où ils seraient déjà verticalement intégrés, en cas d’augmentation du prix des puces sur ce marché.

243 En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission a exclu à tort du marché pertinent la production captive de [confidentiel](1) en raison de son caractère minime pendant la période pertinente. Elle se réfère à cet égard à ses réponses à la CG et à la CGC, dans lesquelles elle aurait démontré que [confidentiel] exerçait une forte pression concurrentielle.

244 En troisième lieu, la requérante critique le rejet par la Commission de certains éléments de preuves relatifs aux dynamiques de marché et aux tendances du secteur, alors que, dans un secteur aussi dynamique que celui concerné par la décision attaquée, il était nécessaire de tenir compte de ces évolutions et tendances. Tel aurait été d’autant plus le cas en l’espèce que, en ce qui concerne d’autres aspects de ladite décision, notamment pour étayer l’existence d’un fort potentiel de croissance du segment de pointe du marché des puces UMTS, la Commission aurait tenu compte de projections futures.

245 En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des réalités commerciales, notamment du fait qu’elle avait perdu environ 70 % de ses ventes de puces UMTS destinées aux appareils MBB auprès de Huawei au profit de l’offre captive de la filiale de cette dernière.

246 La Commission conteste les arguments de la requérante.

247 Il ressort du point 7 de la communication sur la définition du marché qu’un marché de produits en cause comprend tous les produits ou services que le consommateur considère comme étant interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés.

248 Par ailleurs, selon le point 13 de la communication sur la définition du marché, la concurrence soumet les entreprises à trois sources de contraintes, à savoir la substituabilité du côté de la demande, la substituabilité du côté de l’offre et la concurrence potentielle, et, dans le cadre de la définition du marché, la substituabilité du côté de la demande est le facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace à l’égard des fournisseurs d’un produit donné. En effet, une entreprise ne peut avoir d’influence déterminante sur les conditions de vente existantes que si la clientèle est en mesure de se tourner sans difficulté vers des produits de substitution, ce qui conduit à identifier les autres sources réelles d’approvisionnement auxquelles les clients des entreprises en cause peuvent recourir.

249 De plus, ainsi qu’il est indiqué au point 20 de la communication sur la définition du marché, la substituabilité du côté de l’offre peut également être prise en considération pour définir le marché en cause dans les opérations où cette substituabilité a des effets équivalents à ceux de la substituabilité du côté de la demande en matière d’immédiateté et d’efficacité. Il faut, pour cela, que les fournisseurs puissent réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme, sans encourir de coûts ou de risques supplémentaires substantiels, en réaction à des variations légères, mais durables, des prix relatifs (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 484, et du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T 301/04, EU:T:2009:317, point 50).

250 En outre, il ressort du point 24 de la communication sur la définition du marché que la concurrence potentielle n’est pas prise en considération pour la définition des marchés dans la mesure où les conditions dans lesquelles elle peut effectivement constituer une contrainte concurrentielle dépendent de l’analyse de certains facteurs et circonstances se rapportant aux conditions d’entrée.

251 Il y a enfin lieu de souligner qu’il ressort, notamment, des points 16, 20, 21 et 23 de la communication sur la définition du marché que la substituabilité nécessaire aux fins de la définition du marché en cause doit se matérialiser à court terme (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T 336/07, EU:T:2012:172, point 123).

252 En l’espèce, il ressort du considérant 215 de la décision attaquée, non contesté en substance par la requérante, que, pendant la période pertinente, seules trois entreprises verticalement intégrées recouraient à l’auto-approvisionnement en puces UMTS, [confidentiel]. Eu égard à la production minime de puces UMTS de [confidentiel] pendant ladite période, la Commission a indiqué audit considérant qu’elle ne tiendrait pas compte de celle-ci dans son analyse.

253 En ce qui concerne le premier grief, tiré de ce que la Commission s’est erronément fondée sur les déclarations incohérentes et dénuées de pertinence de certains fabricants d’équipement d’origine verticalement intégrés sur le marché des puces UMTS pour conclure à l’absence de contrainte concurrentielle exercée directement par l’offre captive de ces fabricants, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir, lors de son examen, interrogé [confidentiel] quant à la destination des puces qu’ils autoproduisaient et quant à leurs intentions à cet égard. En effet, ainsi que cela ressort du point 13 de la communication sur la définition du marché, afin de pouvoir déterminer si la clientèle serait en mesure de se tourner sans difficulté vers des produits de substitution, il convient d’identifier les autres sources réelles d’approvisionnement auxquelles ces clients pourraient recourir.

254 À cet égard, les réponses de [confidentiel] sont très claires, puisqu’il ressort du considérant 218 de la décision attaquée que [confidentiel] et puisqu’il ressort du considérant 219 de ladite décision que [confidentiel]. En outre, il ressort du considérant 220 de cette décision que [confidentiel]. De telles déclarations ne semblent nullement incohérentes ou dénuées de fondement, contrairement à ce que la requérante fait valoir de manière générale et sans la moindre explication.

255 Il s’ensuit que la production captive de [confidentiel] ne constituait pas une source réelle d’approvisionnement à laquelle les acheteurs tiers de puces UMTS pouvaient recourir pendant la période pertinente, avec pour conséquence que cette clientèle n’était pas en mesure de se tourner sans difficulté vers cette production captive au sens du point 13 de la communication sur la définition du marché. En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a par ailleurs indiqué que, conformément au point 24 de ladite communication, lorsqu’elle définissait le marché pertinent, elle n’avait pas à tenir compte de produits potentiellement (et non déjà) concurrents, ce qui était le cas des puces autoproduites par [confidentiel], qui n’étaient, pendant ladite période, qu’à un stade très précoce de leur développement. Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et de manière suffisamment motivée que la Commission a pu considérer, sur la base de ces réponses, que ladite production captive n’était généralement pas disponible pour l’approvisionnement de clients tiers, ce qui suffit pour exclure que cette même production captive puisse avoir exercé directement une contrainte concurrentielle sur les producteurs de puces UMTS pendant cette période.

256 Il convient en outre d’écarter la critique de la requérante selon laquelle la Commission aurait plutôt dû questionner les clients quant à leurs dispositions et à leur capacité à passer à l’auto-approvisionnement ou à accroître celui-ci dans le cas des clients déjà verticalement intégrés en cas d’augmentation du prix des puces UMTS sur le marché libre. En effet, eu égard aux caractéristiques du marché des puces UMTS et, notamment, aux barrières élevées à l’entrée que constituent, notamment, les coûts substantiels de recherche et de développement (R&D) nécessaires au développement de telles puces (point 11.4.1 de la décision attaquée), il est difficilement concevable que les clients non verticalement intégrés aient pu, à court terme, se lancer dans la production de telles puces.

257 Quant aux clients verticalement intégrés, il ressort du considérant 220 de la décision attaquée que [confidentiel]. Il n’était, par conséquent, plus concevable pour [confidentiel] d’accroître son auto-approvisionnement à court terme pendant la période pertinente. Quant à [confidentiel], il ressort du considérant 230 de la décision attaquée, fondé sur ses réponses à des questions posées à cet égard par la Commission, [confidentiel]. Il est ainsi possible de raisonnablement en déduire que, même en cas d’augmentation du prix des puces UMTS sur le marché libre, ce fabricant n’aurait pas, en tout état de cause, à court terme, augmenté son autoproduction, avec pour conséquence de créer une contrainte concurrentielle directe sur les producteurs de puces UMTS actifs sur ce marché.

258 Il convient dès lors d’écarter le présent grief.

259 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré de ce que la Commission a exclu à tort la production captive de [confidentiel], il convient de relever que la requérante ne conteste pas le caractère minime de l’autoproduction de [confidentiel], qui représentait, ainsi que cela ressort de la note en bas de page 285 de la décision attaquée, seulement 0,1 % des ventes totales de puces UMTS sur le marché libre en 2010 et en 2011.

260 En outre, la requérante ne conteste pas non plus que [confidentiel] utilisait sa production captive pendant la période pertinente exclusivement ou quasi exclusivement à des fins internes et que ce n’est qu’à partir de [confidentiel], soit bien après ladite période, que ce fabricant a commencé à fournir des clients tiers sur le marché libre, ainsi que cela ressort du considérant 225 de la décision attaquée.

261 Il découle du caractère minime de l’autoproduction de [confidentiel] et de l’utilisation par cette dernière de sa production captive exclusivement ou quasi exclusivement à des fins internes pendant la période pertinente, qui ne sont pas contestés par la requérante, qu’il est difficilement concevable que [confidentiel] ait eu la capacité, pendant la période pertinente, de discipliner les prix proposés par la requérante sur le marché des puces UMTS, contrairement aux allégations de cette dernière, et que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et de manière suffisamment motivée que la Commission a exclu cette production captive de son analyse, ce qui suffit pour écarter le présent grief.

262 En tout état de cause, il convient d’observer que, même si la Commission avait inclus la production captive de [confidentiel] dans le marché pertinent, eu égard au caractère minime de celle-ci, non contesté par la requérante, pareille inclusion n’aurait pas eu la moindre influence sur la conclusion à laquelle est parvenue la Commission quant à la position dominante de la requérante sur ce marché.

263 En ce qui concerne le troisième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des dynamiques de marché et des tendances du secteur, il convient de rappeler qu’il ressort du point 24 de la communication sur la définition du marché que la concurrence potentielle n’est pas prise en considération pour la définition des marchés. La Commission n’était dès lors pas tenue de tenir compte de tels développements postérieurs à la période pertinente.

264 Contrairement aux allégations de la requérante, une telle approche n’est pas incompatible avec le fait que, au considérant 363 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fort potentiel de croissance du segment de pointe du marché des puces UMTS, puisque ce considérant relève du point 12 de ladite décision, relatif à l’abus, dans le cadre duquel la Commission peut tenir compte de projections, notamment en vue d’évaluer les effets potentiels du comportement reproché, et non du point 10 de cette décision, relatif à la définition du marché, dans le cadre duquel la Commission doit déterminer quels produits sont, pendant la période pertinente, considérés par les clients comme étant substituables aux fins de les inclure dans le même marché de produits. Puisqu’il s’agit de deux analyses différentes, poursuivant des objectifs différents, il est normal que la Commission tienne compte lorsqu’elle les effectue de différents éléments, sans ce que cela donne lieu à une quelconque incohérence ou incompatibilité.

265 Il convient enfin de constater que la requérante se limite à contester de manière générale l’absence de prise en compte de ce qu’elle qualifie d’« éléments de preuve relatifs aux dynamiques de marché et aux tendances du secteur » et n’explique aucunement de quels éléments il s’agirait, comment de tels éléments auraient pu influer sur l’analyse menée par la Commission et, plus particulièrement, en quoi ces éléments auraient dû conduire la Commission à conclure à l’existence d’une contrainte concurrentielle directe exercée par la production captive des entreprises verticalement intégrées sur les producteurs actifs sur le marché des puces UMTS.

266 Le présent grief doit dès lors être écarté.

267 En ce qui concerne le quatrième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas tenu compte des réalités commerciales, la requérante invoque uniquement le fait qu’elle avait perdu environ 70 % de ses ventes de puces UMTS destinées aux appareils MBB auprès de Huawei au profit de l’offre captive de la filiale de cette dernière. Or, il ressort de la réponse de Huawei à la question 25 de la demande d’informations du 19 juillet 2013, à laquelle se réfère la requérante, que ce n’est qu’en 2013 que Huawei s’est auto-approvisionnée à hauteur de 69 % auprès de HiSilicon, soit postérieurement à la période pertinente. C’est, partant, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission n’a pas tenu compte de cette circonstance, ce qui suffit à écarter le présent grief.

268 En conséquence, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation et sans manquer à son obligation de motivation que la Commission a conclu à l’absence de contrainte concurrentielle exercée directement par l’offre captive sur le marché des puces UMTS. La deuxième branche du deuxième moyen doit dès lors être écartée.

 Sur la troisième branche, relative aux contraintes concurrentielles exercées indirectement par l’offre captive sur le marché libre

269 À l’appui de la présente branche, la requérante invoque quatre griefs.

270 En premier lieu, la requérante considère que la Commission a à tort limité son analyse de l’existence d’une contrainte concurrentielle indirecte sur le marché en aval des téléphones portables intégrant une puce UMTS sous prétexte que, pendant la période pertinente, l’auto-approvisionnement en puces UMTS destinées aux autres appareils, y compris les appareils MBB, était négligeable. Une telle approche est par ailleurs, selon la requérante, en contradiction avec la « théorie du préjudice » développée par la Commission, qui est axée sur les « puces de pointe » utilisées dans les appareils MBB.

271 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, en l’absence de test SSNIP, l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 237 de la décision attaquée, selon laquelle une hypothétique augmentation du prix des puces UMTS n’entraînerait pas de forte baisse de la demande pour de telles puces sur le marché libre est dénuée de fondement et de pertinence.

272 En troisième lieu, le rejet des contraintes indirectes découlant de la concurrence sur le marché en aval serait inconciliable avec la « théorie du préjudice » développée par la Commission, et ce pour deux raisons.

273 D’une part, la Commission ne pourrait, sans se contredire, prétendre qu’une hypothétique augmentation de prix de 5 à 10 % sur le marché en amont, à savoir celui des puces UMTS, aurait eu un impact négligeable sur les prix sur le marché en aval, à savoir celui des appareils intégrant ces puces (considérant 235 de la décision attaquée) et reprocher également à la requérante de s’être livrée à une prédation indirecte.

274 D’autre part, la Commission ne pourrait, sans se contredire, prétendre que, même si la production captive de [confidentiel] avait été incluse dans le marché pertinent, cela n’aurait, au vu de son caractère minime, eu aucune conséquence sur la part de marché de la requérante et, partant, accepter le fait que la production captive exerçait une certaine contrainte concurrentielle sur le marché libre (note en bas de page 311 de la décision attaquée) et conclure également que ladite production captive n’exerçait pas de contrainte concurrentielle sur le marché libre pendant la période pertinente.

275 En quatrième lieu, la requérante prétend que la Commission a, à tort, indiqué à la note en bas de page 311 de la décision attaquée que la production captive de [confidentiel] pourrait être incluse dans le marché pertinent, mais pas celle de [confidentiel], au motif que cette dernière se serait approvisionnée en puces UMTS pendant la période pertinente pour ses appareils MBB uniquement sur le marché libre.

276 Selon la requérante, la Commission ne pouvait écarter la production captive de [confidentiel] du fait que cette dernière ne s’auto-approvisionnait pas en puces destinées à ses appareils MBB, alors que la définition du marché pertinent retenue par la Commission dans la décision attaquée ne se limitait pas aux puces UMTS destinées aux appareils MBB, mais incluait aussi les puces UMTS destinées à d’autres dispositifs. En outre, il ressortirait du considérant 220, sous b), de ladite décision que, si [confidentiel] a annoncé en 2009 mettre un terme à sa production captive, elle se serait en réalité auto-approvisionnée jusqu’au troisième trimestre de l’année 2013.

277 La Commission conteste les arguments de la requérante.

278 À titre liminaire, il convient d’observer que, au point 10.2.9.2 de la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons qui l’avaient conduite à conclure que la production captive des deux seules entreprises verticalement intégrées pendant la période pertinente n’avait pas exercé de contrainte concurrentielle indirecte sur le marché des puces UMTS, par le biais d’une concurrence sur le marché en aval.

279 Pour parvenir à une telle conclusion, la Commission a tout d’abord expliqué qu’elle avait mené son analyse d’une éventuelle contrainte concurrentielle indirecte en tenant compte uniquement d’une éventuelle concurrence en aval entre les téléphones portables incluant une puce UMTS, à l’exclusion des autres appareils, dont les appareils MBB. Au considérant 230 de la décision attaquée, elle a indiqué qu’elle avait agi de la sorte étant donné qu’il s’agissait là de la seule contrainte concurrentielle indirecte possible, puisque l’autoproduction de puces UMTS destinées à être intégrées dans des appareils autres que les téléphones portables était, en tout état de cause, négligeable pendant la période pertinente.

280 Par ailleurs, la Commission a également expliqué qu’elle s’était limitée à examiner la contrainte concurrentielle indirecte exercée par [confidentiel], puisque, pendant la période pertinente, la production captive de [confidentiel] était minime et n’aurait donc pas pu exercer de contrainte concurrentielle indirecte sur le marché libre.

281 La Commission a ensuite expliqué, d’une part, que, étant donné que le facteur de dilution des produits concernés était faible, puisque le prix d’une puce UMTS ne représentait, pendant la période pertinente, qu’environ 6 % du prix de détail du téléphone portable intégrant celle-ci, une augmentation de 5 à 10 % du prix de cette puce n’aurait qu’un impact négligeable sur le prix du produit fini, avec pour conséquence qu’une telle augmentation en amont du prix des puces UMTS sur le marché libre resterait profitable pour le producteur de puces, qui ne verrait pas le volume de ses ventes négativement affecté par une telle augmentation (considérant 235 de la décision attaquée).

282 La Commission a démontré, d’autre part, que, eu égard au fait que les téléphones portables sont des produits très distincts selon les marques, avec des caractéristiques très spécifiques, une augmentation du prix des téléphones portables faisant suite à une augmentation du prix des puces UMTS qu’ils intègrent sur le marché libre n’aurait pas pour conséquence que les clients se tournent vers une autre marque de téléphone portable et, plus particulièrement, qu’ils achètent plutôt un téléphone portable intégrant une puce autoproduite, laquelle ne serait pas sujette à pareille augmentation de prix. Cela confirmerait qu’une augmentation en amont du prix des puces UMTS sur le marché libre resterait profitable pour le producteur de puces, qui ne verrait pas le volume de ses ventes négativement affecté par une telle augmentation (considérant 237 de la décision attaquée).

283 La Commission en a déduit que la production captive n’était pas à même d’exercer, pendant la période pertinente, de contrainte concurrentielle indirecte sur le marché des puces UMTS.

284 En ce qui concerne le premier grief, tiré de ce que la Commission a, à tort, limité son analyse de l’existence d’une contrainte concurrentielle indirecte sur le marché en aval des téléphones portables intégrant une puce UMTS, il convient de relever qu’il s’agissait précisément des appareils pour lesquels l’autoproduction de puces UMTS, estimée par exemple pour [confidentiel], était la plus élevée, avec pour conséquence qu’une limitation de l’analyse de la Commission à ce segment du marché était l’hypothèse la plus susceptible de démontrer l’existence d’une contrainte concurrentielle indirecte et, partant, la plus favorable pour la requérante.

285 Par ailleurs, le fait qu’une telle limitation s’inscrirait prétendument en porte-à-faux avec la « théorie du préjudice » qui aurait été développée par la Commission, axée quant à elle sur les « puces de pointe » utilisées dans les appareils MBB, ne change rien au caractère plus favorable de cette approche pour la requérante et n’affecte en rien sa validité. À cet égard, il convient d’observer que la production captive de « puces de pointe » à intégrer dans lesdits appareils était, selon la Commission, beaucoup plus limitée que celles de puces UMTS destinées à être intégrées dans des téléphones portables, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas.

286 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré du caractère dénué de fondement et de pertinence de l’affirmation de la Commission, figurant au considérant 2357 de la décision attaquée, selon laquelle une hypothétique augmentation du prix des puces UMTS n’entraînerait pas de forte baisse de la demande pour de telles puces sur le marché libre en raison de l’absence de test SSNIP, il suffit de rappeler que la Commission n’est pas tenue d’effectuer un tel test (voir point 235 ci-dessus). En outre, il convient de relever que la requérante n’avance aucun élément autre que l’absence de test SSNIP en l’espèce pour remettre en cause cette affirmation de la Commission.

287 En ce qui concerne le troisième grief, tiré de ce que le rejet de la contrainte indirecte sur le marché libre découlant de la concurrence en aval est inconciliable avec la « théorie du préjudice » développée par la Commission, il convient de relever que la prédation indirecte qui est reprochée à la requérante par la Commission ne peut, en soi, invalider l’analyse de l’existence d’une contrainte concurrentielle indirecte, et ce pour deux raisons.

288 D’une part, contrairement aux allégations de la requérante, c’est sans commettre d’erreur et sans se contredire que la Commission a pu considérer qu’une hypothétique augmentation de prix de 5 à 10 % sur le marché en amont, à savoir le marché des puces UMTS, n’aurait eu qu’un impact négligeable sur les prix des appareils intégrant ces puces sur le marché en aval, à savoir celui des appareils intégrant ces puces, tout en reprochant également à la requérante de s’être livrée à une prédation indirecte. Ce n’est pas parce qu’une augmentation générale du prix des puces UMTS sur le marché en amont n’aurait eu quasi pas d’impact en aval sur le prix des appareils intégrant ces puces qu’une réduction sélective du prix des puces UMTS offerte par la requérante à Huawei uniquement n’aurait pas avantagé cette dernière, lui permettant de mieux concurrencer sa rivale ZTE sur le marché en aval.

289 D’autre part, il convient de constater que, à la note en bas de page 311 de la décision attaquée, la Commission n’a aucunement laissé entendre que la production captive de [confidentiel] exerçait une certaine contrainte concurrentielle sur le marché libre. À cette note en bas de page, la Commission n’a fait qu’indiquer que, en tout état de cause, même si l’intégralité de la production captive de puces UMTS de [confidentiel], à savoir les puces destinées à des téléphones portables et les puces destinées à être incorporées dans d’autres appareils, devait être incluse dans le marché pertinent, la part de marché de la requérante resterait inchangée en 2009 et ne diminuerait que de manière marginale en 2010 et en 2011, tout en restant dans tous les cas supérieure au seuil de 50 %. L’argument de la requérante est, partant, fondé sur une lecture erronée de ladite note en bas de page.

290 En ce qui concerne le quatrième grief, tiré de ce que la Commission a, à tort, indiqué, à la note en bas de page 311 de la décision attaquée, que la production captive de [confidentiel] pourrait être incluse dans le marché pertinent, mais pas celle de [confidentiel], au motif que cette dernière se serait approvisionnée en puces UMTS pendant la période pertinente pour ses appareils MBB uniquement sur le marché libre, il est également tiré d’une lecture erronée de ladite note en bas de page. À cette dernière, la Commission n’a en effet aucunement considéré que la production captive de [confidentiel] pourrait être incluse dans le marché pertinent, mais pas celle de [confidentiel].

291 Il convient tout d’abord de préciser que la note en bas de page 311 de la décision attaquée se rapporte au considérant 240 de ladite décision et, plus particulièrement, à la question de savoir si, d’un point de vue hypothétique, une analyse de la contrainte indirecte axée sur les appareils MBB aurait mené à un résultat différent.

292 À cet égard, en ce qui concerne [confidentiel], la Commission n’a fait qu’indiquer que la production captive de cette dernière en puces destinées tant à des téléphones portables qu’à d’autres appareils était à ce point minime pendant la période pertinente que, même si elle avait été incluse dans le marché concerné (que ce soit dans le cadre d’une analyse de la contrainte indirecte axée sur les téléphones portables ou dans celui d’une analyse de la contrainte indirecte axée sur les appareils MBB), cela n’aurait pas eu pour conséquence de faire baisser la part de marché de la requérante sous le seuil de dominance présumée de 50 %.

293 Par contre, en ce qui concerne [confidentiel], la Commission a indiqué à la note en bas de page 311 de la décision attaquée que, dans le scénario hypothétique d’une analyse de la contrainte indirecte axée sur les appareils MBB, il n’aurait pas été tenu compte de la production captive de [confidentiel], puisque cette dernière achetait toutes les puces UMTS destinées à ses appareils MBB sur le marché libre et qu’elle avait annoncé en 2009 qu’elle mettrait un terme à son autoproduction, ce qui ressort du considérant 220, sous b), de ladite décision. En revanche, dans l’analyse de l’existence d’une éventuelle contrainte indirecte en aval axée sur les téléphones portables qu’elle a effectivement menée, la Commission a bien tenu compte de la production captive de puces UMTS de [confidentiel] destinées à ses téléphones portables, puisque, en ce qui concernait ces appareils, cette dernière s’auto-approvisionnait de manière effective.

294 En outre, le fait qu’il ressortirait du considérant 220 de la décision attaquée que les dernières puces UMTS ont été livrées par [confidentiel] en 2013 n’invalide ni le constat selon lequel [confidentiel] se fournissait uniquement sur le marché libre en ce qui concernait les puces UMTS destinées à ses appareils MBB et voyait son autoproduction limitée aux puces destinées à ses téléphones portables, ni le constat selon lequel [confidentiel] avait décidé dès 2009 de mettre un terme à sa production captive et avait cessé en juillet 2010 le développement de nouvelles puces UMTS, puisque plusieurs années peuvent très bien s’écouler entre, d’une part, cette décision et l’arrêt du développement de nouvelles puces UMTS et, d’autre part, la livraison des dernières puces UMTS produites.

295 Il découle de ce qui précède qu’aucun des griefs formulés à l’appui de la présente branche n’est susceptible de remettre en cause l’analyse effectuée par la Commission au point 10.2.9.1 de la décision attaquée, concluant à l’absence de contrainte indirecte exercée, pendant la période pertinente, par la production captive de puces UMTS sur le marché libre.

296 La troisième branche du deuxième moyen doit, partant, être écartée.

 Sur la quatrième branche, relative à la position dominante de la requérante pendant la période pertinente

297 À l’appui de la présente branche, la requérante invoque les quatre griefs suivants.

298 En premier lieu, la requérante fait valoir que, si le marché de produits avait été correctement défini et avait inclus les ventes captives des fabricants verticalement intégrés, ses parts de marché auraient été inférieures à 40 %, soit sous le seuil de dominance.

299 En deuxième lieu, la requérante prétend que la Commission a à tort surestimé l’importance de ses parts de marché. Selon elle, le secteur des puces de bande de base est caractérisé par des cycles d’innovation courts, avec pour conséquence que les parts de marché seraient éphémères et ne refléteraient pas correctement les rapports de force sur le marché. En outre, elle soutient que, si la Commission avait correctement tenu compte des contraintes exercées sur elle, celle-ci serait parvenue à la conclusion qu’elle ne disposait pas d’un pouvoir de marché significatif et durable.

300 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a erronément considéré que le marché pertinent était caractérisé par des barrières importantes à l’entrée et à l’expansion. Selon elle, en raison du caractère en grande partie normalisé de la technologie concernée, les nouveaux entrants étaient encouragés à pénétrer sur le marché sans être freinés par la nécessité de déployer d’importants investissements en R&D. Elle affirme que le réseau de rétrocession dont elle bénéficiait ne constituait pas non plus une barrière à l’entrée, ce qui serait attesté par le fait que seule une petite minorité des répondants à une question de la Commission portant sur l’existence de barrières à l’entrée aurait qualifié de telle ce réseau de rétrocession.

301 En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir quantifié les autres barrières à l’entrée que celle-ci a identifiées, à savoir la nécessité de faire certifier les puces de bande de base par les opérateurs de réseaux mobiles et les équipementiers, son image de marque, sa réputation et ses relations commerciales solides.

302 La Commission conteste les arguments de la requérante.

303 Selon la jurisprudence, la position dominante visée par l’article 102 TFUE concerne une situation de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité d’adopter des comportements indépendants, dans une mesure appréciable, à l’égard de ses concurrents, de ses clients et, enfin, des consommateurs (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 38).

304 En règle générale, l’existence d’une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 66 et du 15 décembre 1994, DLG, C 250/92, EU:C:1994:413, point 47). Parmi ces facteurs, l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative (arrêts du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T 30/89, EU:T:1991:70, point 90, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T 66/01, EU:T:2010:255, points 255 et 256).

305 Selon la jurisprudence, des parts de marché extrêmement importantes constituent en effet par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 41). Plus particulièrement, une part de marché de 50 % constitue, par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, une position dominante (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, point 60).

306 D’autres facteurs peuvent également être pris en compte lors de l’analyse de l’existence d’une position dominante, tels que le rapport entre les parts de marché détenues par l’entreprise concernée et par ses concurrents immédiats (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 48), ou l’existence de barrières à l’entrée ou à l’expansion, résultant, notamment, de la nécessité de réaliser des investissements importants (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 122), ou encore, dans certaines circonstances, de la détention de droits de propriété intellectuelle (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T 321/05, EU:T:2010:266, point 270 et jurisprudence citée).

307 En ce qui concerne le premier grief, tiré de ce que, si le marché de produits pertinent avait été correctement défini et avait inclus les ventes captives des fabricants verticalement intégrés, les parts de marché de la requérante auraient été inférieures à 40 %, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’analyse des trois premières branches du deuxième moyen, c’est sans commettre d’erreurs que la Commission a défini le marché de produits pertinent comme étant le marché des puces UMTS, ce qui permet d’écarter ce grief.

308 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré de ce que, eu égard aux caractéristiques spécifiques du secteur, l’importance des parts de marché de la requérante, que cette dernière considère comme étant éphémères, ne reflétait pas le fait qu’elle disposait d’un pouvoir de marché significatif et durable, il convient de relever que, à supposer même que le marché pertinent soit caractérisé par des cycles d’innovation courts, cela ne constitue pas des circonstances exceptionnelles au sens de la jurisprudence citée au point 305 ci-dessus, permettant de ne pas considérer que des parts de marché d’une telle ampleur constituent, par elles-mêmes, la preuve de l’existence d’une position dominante, surtout lorsque les parts de marché du plus proche concurrent sont, quant à elles, bien moindres, comme c’est le cas en l’espèce. En tout état de cause, il ressort des données reproduites dans les tableaux 3 et 5 de la décision attaquée, non contestées en substance par la requérante, que cette dernière disposait de parts de marché de 61,2 % en 2009, de 59,7 % en 2010 et de 62,5 % en 2011 en matière de revenus et de 58,9 % en 2009, de 57,8 % en 2010 et de 65,3 % en 2011 en matière de volume. De telles parts de marché, relativement stables, ne peuvent donc être qualifiées d’éphémères, contrairement aux allégations de la requérante.

309 Quant aux rapports de force sur le marché, il ressort également des données reproduites dans les tableaux 3 et 5 de la décision attaquée, non contestées en substance par la requérante, que ses deux plus proches concurrents, en matière de revenus, étaient, en 2009, ST-Ericsson avec 15,1 % des parts de marché et Intel avec 12,6 % des parts de marché, en 2010, Intel avec 18,9 % des parts de marché et ST Ericsson avec 8,9 % des parts de marché et, en 2011, Intel avec 19,1 % des parts de marché et Broadcom avec 4,4 % des parts de marché. En matière de volume, ses deux plus proches concurrents étaient, en 2009, ST Ericsson avec 20 à 30 % des parts de marché et Intel avec 10 à 20 % des parts de marché, en 2010, Intel avec 10 à 20 % des parts de marché et ST Ericsson et Marvell avec 5 à 10 % des parts de marché et, en 2011, Intel avec 20 à 30 % des parts de marché et Marvell avec 5 à 10 % des parts de marché. Or, contrairement aux allégations de la requérante, ces tableaux démontrent bien que cette dernière ne faisait face, pendant la période pertinente, qu’à des concurrents épars disposant d’une position bien plus faible et de parts de marché relativement instables, contrairement à elle-même, ce qui confirme, en ce qui la concerne, l’existence d’un pouvoir de marché significatif et durable et rend peu crédible la possibilité pour ses concurrents d’exercer une réelle contrainte sur elle. Le deuxième grief doit, par conséquent, être écarté.

310 En ce qui concerne le troisième grief, tiré, en substance, de ce que la Commission a à tort considéré les investissements nécessaires pour la conception d’une puce UMTS, notamment en R&D, comme des barrières à l’entrée ou à l’expansion et le quatrième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas quantifié les autres barrières à l’entrée identifiées, à savoir la nécessité de faire certifier les puces de bande de base par les opérateurs de réseaux mobiles et les équipementiers, l’image de marque, la réputation et les relations commerciales solides de la requérante, il suffit de relever qu’ils ont trait à d’autres facteurs susceptibles d’être pris en compte lors de l’analyse de l’existence d’une position dominante (voir point 306 ci-dessus), sans qu’ils puissent remettre en cause la preuve de l’existence d’une position dominante, telle qu’elle a été établie conformément à la jurisprudence citée au point 305 ci-dessus.

311 Il découle de ce qui précède que la quatrième branche du deuxième moyen doit être écartée.

 Sur la cinquième branche, relative à la définition du segment de pointe du marché des puces UMTS sur lequel la Commission aurait fondé son analyse

312 À l’appui de la cinquième branche, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir fondé son analyse sur le segment de pointe du marché des puces UMTS, alors même qu’il s’agit d’un concept de convenance qui n’a jamais existé et qui ne cadre pas avec les réalités techniques et commerciales pendant la période pertinente.

313 Or, il y a lieu de considérer cette argumentation comme étant inopérante si elle est invoquée pour remettre en cause la définition du marché pertinent ou la position dominante de la requérante. En effet, ce n’est ni au point 10 de la décision attaquée, relatif à ladite définition, ni au point 11 de cette décision, relatif à cette position dominante, que la Commission a défini le segment de pointe du marché des puces UMTS, mais au point 12 de ladite décision, relatif à l’abus et, plus particulièrement, dans son analyse de la stratégie de la requérante visant à contrer Icera sur ce segment de pointe (point 12.4 de la décision attaquée).

314 Interrogée à cet égard par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, la requérante a indiqué que, si elle avait développé sa critique de la définition du segment de pointe du marché des puces UMTS sur lequel la Commission avait fondé son analyse dans le cadre du deuxième moyen, c’était pour soulever ce point fondamental le plus tôt possible dans ses écritures, parce qu’une telle critique avait potentiellement une influence sur les autres moyens développés par la suite et qu’elle souhaitait mettre en avant les incohérences dans la définition du marché pertinent, y compris en ce qui concernait ce segment de pointe, qui en faisait partie.

315 Une telle réponse ne suffit toutefois pas à contourner le caractère inopérant de la présente branche, puisque, même dans l’hypothèse où le grief formulé à son appui devrait prospérer, cela ne saurait remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenue la Commission en ce qui concerne la définition du marché pertinent et la position dominante de la requérante.

316 Il en découle que la cinquième branche du deuxième moyen doit être écartée. Par conséquent, puisque les autres branches de ce moyen ont également été écartées (voir points 240, 268, 296 et 311 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation » et d’un manquement à l’obligation de motivation en ce qui concerne la reconstruction des prix « effectivement payés »

317 Le cinquième moyen s’articule en deux branches. La première est tirée du caractère inutile du « retraitement des prix » effectué dans la décision attaquée. La seconde est tirée d’erreurs commises dans ladite décision en ce qui concerne ce « retraitement ».

 Sur la première branche, tirée du caractère inutile du « retraitement des prix » effectué dans la décision attaquée

318 À l’appui de la première branche, la requérante fait valoir, en substance, que, en ne se fondant pas sur les données comptables de Qualcomm pour déterminer les prix des puces, la Commission a procédé à un « retraitement » inutile et injustifié de ses données sur les prix. Elle remet ainsi en question la reconstruction, opérée dans la décision attaquée, des prix effectivement payés à Qualcomm par Huawei et ZTE pendant la période pertinente.

319 En premier lieu, la requérante fait valoir que, dans le cadre de la reconstruction des prix opérée dans la décision attaquée, la Commission n’a pas tenu compte adéquatement de ses objections relatives à l’analyse prix-coûts effectuée dans la CG, qui critiquaient le fait, d’une part, que cette reconstruction exclurait certaines recettes en traitant à tort certains cas limités de volatilité des prix de vente moyens comme des erreurs comptables et, d’autre part, qu’elle ne tiendrait pas compte des effets de la comptabilisation tardive des recettes.

320 En deuxième lieu, la requérante estime que la Commission a à tort apprécié les données de prix de Qualcomm lors de son analyse prix-coûts en utilisant une période de référence trimestrielle. Selon elle, la période la plus appropriée et la plus pertinente d’un point de vue commercial pour l’évaluation de données tarifaires était de six mois, voire d’un an. Elle précise ne pas convenir des prix avec ses clients ni les réviser sur une base trimestrielle, mais conclure généralement avec eux des accords pour des périodes beaucoup plus longues.

321 La requérante ajoute que c’est à tort que la Commission a rejeté l’argument selon lequel l’agrégation au cours du temps pourrait remédier aux problèmes découlant du système de comptabilisation tardive, étant donné que ce risque ne concerne que des chiffres minimes, étant entendu que le risque que les périodes de prix d’éviction soient difficiles à identifier en raison de leur moyenne sur une plus longue période de référence n’existerait que si l’analyse prix-coûts était effectuée non seulement sur la période de prédation, mais également sur tout ou partie de la période de récupération. Selon elle, la prédation alléguée par la Commission en l’espèce s’étant déroulée sur deux ans, il aurait été possible d’effectuer l’analyse prix-coûts sur la base de périodes de référence de six mois.

322 En troisième lieu, la requérante soutient que l’exercice de retraitement des prix de vente moyens par la décision attaquée est inutile, puisque, en ce qui concerne les prix de vente moyens enregistrés dans ses données comptables, l’écart avec le résultat des calculs de la Commission est, en tout état de cause, minime. En outre, elle avance que l’analyse prix-coûts effectuée par la Commission dans la CG, qui s’appuyait sur ses données, n’a révélé que des prix inférieurs aux coûts de très courte durée et de manière intermittente, ce qui serait incompatible avec une « théorie du préjudice » développée par celle-ci fondée sur un verrouillage anticoncurrentiel. Selon la requérante, cela suggère que la Commission a reformulé les prix de vente moyens uniquement pour éviter le constat d’une prédation intermittente et, partant, d’une absence d’infraction.

323 La Commission conteste les arguments de la requérante.

324 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que le point 12.5 de la décision attaquée expose la méthode de la Commission et le calcul des prix de vente moyens trimestriels que Huawei et ZTE ont effectivement payés par unité pour les puces faisant l’objet de l’enquête pendant la période pertinente.

325 Dans la CG, la Commission avait fondé ses calculs principalement sur les données comptables de Qualcomm. Toutefois, en raison de l’application des principes comptables généralement admis aux États-Unis (ci-après les « USA GAAP ») et des arguments avancés dans la réponse à la CG, la Commission a estimé qu’il était inapproprié de fonder son analyse prix-coûts sur lesdites données comptables sans procéder à des ajustements pour tenir compte du principe de comptabilisation des recettes et pour refléter plus fidèlement la réalité économique pendant la période pertinente.

326 En particulier, selon la Commission, d’une part, les recettes initialement enregistrées au cours d’un trimestre donné ont potentiellement sous-estimé le prix effectif final des unités vendues au cours de ce trimestre et, d’autre part, la comptabilisation tardive des réserves accumulées par Qualcomm et non encore payées a gonflé les recettes du trimestre au cours duquel elles étaient enregistrées. Cette comptabilisation tardive serait due aux USA GAAP appliqués par la requérante, conformément auxquels, au moment de l’expédition physique d’une puce, Qualcomm ne devait comptabiliser que les recettes qui étaient certaines et mesurables. Ce serait seulement au moment de la vérification de la quantité précise de puces pour lesquelles s’applique un incitant financier que les réserves entreraient à nouveau dans les comptes de Qualcomm.

327 Pour cette raison, la Commission a estimé qu’il était inapproprié de se fonder sur les données comptables de Qualcomm sans procéder à des ajustements pour tenir compte de la différence entre le trimestre au cours duquel les puces étaient vendues et le trimestre au cours duquel les recettes étaient comptabilisées.

328 Par conséquent, la Commission a apprécié les prix « effectivement payés » en tenant compte des réserves qui entreraient à nouveau dans les comptes de Qualcomm, de manière à calculer les recettes brutes encaissées dans le trimestre pendant lequel la vente avait eu lieu.

329 Aux points 608 à 610 de la décision attaquée, la Commission a également précisé qu’elle s’était fondée sur des périodes de référence trimestrielles eu égard au fait que, premièrement, il ressortait de certains documents du [confidentiel], que les décisions, quant aux prix, étaient prises par Qualcomm de manière trimestrielle, que, deuxièmement, les clients soumettaient leurs demandes d’incitants financiers également de manière trimestrielle et que, troisièmement, cette période était cohérente avec les données concernant les AVC fournies par Qualcomm, présentées elles aussi sur une base trimestrielle.

330 En ce qui concerne le premier grief, tiré, en substance, du fait que la Commission n’a pas pris en considération de manière correcte les arguments que la requérante avait formulés dans la réponse à la CG, il y a lieu de relever que cette dernière n’explique pas en quoi la Commission aurait omis de prendre en compte adéquatement ses observations ni pour quelle raison la reconstruction des prix opérée dans la décision attaquée n’était pas nécessaire pour répondre aux critiques formulées dans ladite réponse.

331 En tout état de cause, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué dans la décision attaquée, en raison de l’application des USA GAAP et des arguments avancés dans la réponse à la CG, la Commission a estimé qu’il était inapproprié de fonder son analyse prix-coûts sur les données comptables de Qualcomm sans procéder à des ajustements pour tenir compte du principe de comptabilisation des recettes. Dans le cadre de la reconstruction des prix opérée dans ladite décision, la Commission a ainsi tenu compte de cette circonstance en faisant correspondre les ajustements opérés dans les comptes aux ventes concernées, de manière à refléter plus fidèlement la réalité économique pendant la période pertinente. En particulier, elle a ajusté lesdites données comptables, sur la base de documents détenus par la requérante, afin de réaffecter les divers paiements d’incitations aux unités auxquelles ils correspondaient et calculer ainsi le prix effectivement payé par Huawei et ZTE.

332 En outre, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cette dernière a déjà procédé, dans le passé, à certains ajustements, fondés sur les relevés de prix et de coûts de l’entreprise dominante ainsi que sur toute autre information pertinente fournie par celle-ci, et ce afin de refléter la réalité économique. Or, cette approche a été validée par la jurisprudence du Tribunal, par exemple dans les arrêts du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission (T 340/03, EU:T:2007:22, points 131 à 137), du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission (T 271/03, EU:T:2008:101, points 208 à 211), et du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission (T 851/14, EU:T:2018:929, points 220 à 235).

333 Dans ces conditions, il convient d’écarter le premier grief.

334 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré du fait que la période de référence trimestrielle n’était pas la plus appropriée pour réaliser l’analyse prix-coûts, il convient de rappeler que, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. À cet égard, le juge de l’Union devra effectuer le contrôle de légalité sur la base des éléments apportés par la requérante au soutien des moyens invoqués (voir arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C 295/12 P, EU:C:2014:2062, points 54 et 56 et jurisprudence citée).

335 En l’espèce, aux considérants 609, 610 et 630 à 633 de la décision attaquée, la Commission a exposé les éléments de preuve qui l’avaient amenée à adopter une période de référence trimestrielle et le raisonnement suivi pour rejeter les objections soulevées par la requérante.

336 D’emblée, il convient de constater que, s’il est vrai que les données reproduites dans les tableaux 28 à 30, 44 et 45 de la décision attaquée ne démontrent pas une complète uniformité dans la détermination des périodes d’achat, il n’en demeure pas moins qu’il en découle que la période la plus fréquemment utilisée est effectivement le trimestre. Il convient d’ajouter à cela, d’une part, que la période applicable aux clients pour présenter leurs demandes d’incitants financiers était le trimestre et, d’autre part, que les données relatives aux coûts concernant les AVC fournies par Qualcomm elle-même ont été également fournies sur une base trimestrielle. En outre, la requérante n’a pas présenté dans ses écritures, ni dans ses réponses à la CG et à la CGC auxquelles elle a fait référence, d’argument ou d’élément de preuve étayant sa thèse selon laquelle la Commission aurait dû utiliser une période de référence de six mois ou d’un an.

337 Les autres éléments invoqués par la requérante ne permettent pas de considérer davantage que la Commission a commis une erreur en adoptant une période de référence trimestrielle pour réaliser l’analyse prix-coûts.

338 D’une part, la requérante ne parvient pas à démontrer de quelle façon le problème de la comptabilisation tardive, qui affecte toute la période pertinente, aurait pu être résolu en modifiant la période de référence, comme elle le prétend.

339 D’autre part, même s’il était vrai, comme le soutient la requérante, que la prise en compte d’une plus longue période de référence ne pourrait fausser l’analyse que dans le cas où seraient pris en compte les prix relatifs à une période allant au-delà de celle de la prédation, cette circonstance n’impliquerait pas que le choix de la période de référence doit nécessairement être celui proposé par la requérante. En effet, le choix entre une période de référence trimestrielle, semestrielle ou annuelle a été effectué par la Commission, en l’espèce, en fonction des données et des circonstances les plus pertinentes concernant l’activité de la requérante. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que le choix d’une période de référence trimestrielle était entaché d’erreur.

340 Dans ces conditions, le deuxième grief doit être écarté.

341 En ce qui concerne le troisième grief, tiré de l’inutilité du retraitement des prix de vente moyens par la Commission, puisque, en ce qui concerne les prix de vente moyens enregistrés dans les données comptables de la requérante, l’écart avec le résultat des calculs de la Commission est, en tout état de cause, minime, il ressort des considérants 614, 739, 740, 774, 775 et 922 de la décision attaquée que la différence entre les prix comptables de la requérante et les prix reconstitués par la Commission était très souvent faible. Cette circonstance a, en substance, été confirmée par les parties lors de l’audience.

342 Or, la requérante n’établit pas que cette circonstance affecterait la légalité de la décision attaquée. En effet, si la différence entre les prix de vente moyens enregistrés dans ses données comptables et les prix de vente moyens tels que reconstitués par la Commission n’est que minime, il ne saurait pour autant en être déduit que la Commission a commis une erreur en reconstituant les prix de vente moyens. Dans ces conditions, le présent grief doit être écarté.

343 En outre, l’argument de la requérante selon lequel une analyse prix-coûts, qui s’appuyait sur ses données comptables, n’a révélé que des prix inférieurs aux coûts de très courte durée et de manière intermittente et est, par conséquent, incompatible avec tout constat d’infraction n’est nullement étayé. En effet, la requérante n’explique pas ce qu’elle considère comme une prédation intermittente et pour quelle raison ce type de prédation ne pourrait pas constituer une infraction au droit de la concurrence.

344 À la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’écarter le troisième grief ainsi que la première branche du cinquième moyen dans son intégralité.

 Sur la seconde branche, tirée d’erreurs commises dans la décision attaquée en ce qui concerne le « retraitement » effectué

345 À l’appui de la présente branche, la requérante invoque cinq griefs.

346 En premier lieu, la requérante soutient que, pour calculer les prix « effectivement payés », la Commission a transféré à tort certains incitants financiers des trimestres où ils avaient été enregistrés dans le système comptable de Qualcomm aux trimestres où les unités concernées avaient été expédiées au client sur la base d’une manipulation incorrecte des demandes d’incitants soumises à Qualcomm par Huawei et ZTE, figurant dans des « paquets de documents » qui n’étaient pas en mesure d’assurer la fiabilité de l’analyse prix-coûts.

347 La requérante précise en outre que les raisons pour lesquelles les « paquets de documents » en cause n’étaient pas fiables avaient été exposées dans la réponse à la CGC, dans laquelle elle avait expliqué que ceux-ci étaient préparés d’une manière très détaillée par les clients, qui n’étaient plus capables de donner des clarifications à leur sujet au moment où la Commission les leur a demandées, en 2017. En outre, ces « paquets de documents » seraient incomplets et parfois entachés d’incohérences et d’erreurs.

348 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir utilisé une approche indûment rétrospective, en ce qu’elle a transféré les réserves en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle les demandes d’incitants auraient pu être prévues par Qualcomm avec une parfaite certitude au moment de la vente.

349 À cet égard, le constat, figurant au considérant 620 de la décision attaquée, selon lequel ce qui importe est que Qualcomm était prête à encourager l’achat de toutes les unités qui, a priori, relevaient de certains accords prévoyant des mesures d’incitants, n’aurait pas de sens. L’application des USA GAAP impliquerait que, au moment de recevoir et d’expédier les commandes de puces, Qualcomm était obligée de supposer que toutes les unités de puces seraient éligibles à chaque incitant potentiellement applicable, sans qu’il lui soit permis de connaître la moindre incertitude. Cela ne signifierait pas que Qualcomm avait accepté que toutes les unités bénéficient d’un incitant maximal.

350 En troisième lieu, la requérante estime que l’approche suivie par la Commission est entachée d’incohérence, en ce que cette dernière a, d’une part, rejeté les prix comptables de Qualcomm comme étant « inadaptés » et, d’autre part, eu recours de manière sélective à l’utilisation de ces mêmes prix dans deux calculs cruciaux, à savoir celui du prix des puces pour lesquelles il n’existait pas de « paquets de documents » et celui effectué aux fins d’attribuer les coûts de R&D supplémentaires dans le cadre de l’analyse prix-coûts.

351 En quatrième lieu, la requérante soutient que l’approche suivie par la Commission est en contradiction avec la décision C(2014) 7465 final, adoptée dans l’affaire du 15 octobre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), dans laquelle cette dernière a estimé qu’il était préférable, dans un souci de sécurité juridique, d’effectuer des appréciations sur la base des données de coûts telles qu’utilisées par l’entreprise en cause, plutôt que sur la base de données résultant d’ajustements et de calculs complexes effectués ex post.

352 En cinquième lieu, la requérante fait observer que la méthode de la Commission aboutit à des prix qui, dans certains cas, ne sont manifestement pas les prix « effectivement payés » par les clients de Qualcomm. Par exemple, il n’existerait aucune incertitude concernant le prix réel payé par Huawei pour les commandes non expédiées de [confidentiel] unités de la puce MDM8200 vendues par Qualcomm, pour lesquelles le prix final et forfaitaire convenu aurait été de [confidentiel] (USD) par puce, après déduction de tout incitant ; en revanche, le prix reconstruit par la Commission à la suite de ses manipulations s’avère être de [confidentiel] USD par puce. De même, au premier trimestre de l’année 2011, le prix payé par Huawei pour la puce MDM8200 aurait été de [confidentiel] USD par puce, bien que la Commission ait conclu, sur la base de sa méthode erronée, que le prix de vente net moyen pour ladite puce était de [confidentiel] USD par puce.

353 En outre, la Commission ne serait pas en mesure d’expliquer pourquoi le prix de vente moyen net de l’incitation principale au premier trimestre de l’année 2011 était incompatible avec le prix de vente moyen net de l’incitation principale mentionné dans la diapositive du [confidentiel] : les deux prix reformulés que la Commission tenterait de justifier en s’appuyant sur la diapositive de la présentation du [confidentiel] du 4 août 2010 ne seraient manifestement pas des prix « réels ».

354 La Commission conteste les arguments de la requérante.

355 En ce qui concerne le premier grief, tiré, en substance, de ce que les « paquets de documents » contenant les demandes d’incitants soumises à Qualcomm par Huawei et ZTE n’étaient pas en mesure d’assurer la fiabilité de l’analyse prix-coûts, il suffit de constater, à l’instar de la Commission, que les documents concernés étaient utilisés par la requérante elle-même lors de l’émission de notes de crédit et de l’établissement de ses comptes, ainsi qu’il est indiqué au considérant 597 de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante. Par conséquent, en l’absence d’autres éléments avancés par la requérante, le présent grief doit être écarté.

356 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré de ce que la Commission a utilisé une approche indûment rétrospective, en ce qu’elle a transféré les réserves en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle les demandes d’incitants auraient pu être prévues par Qualcomm avec une parfaite certitude au moment de la vente, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode de la Commission ne repose pas sur des paramètres que Qualcomm n’a pas été en mesure d’évaluer. En effet, les prix de Qualcomm étaient structurés en tant que prix bruts auxquels les incitations, c’est-à-dire les remises, étaient appliquées. Ainsi, lorsque Qualcomm prenait des décisions en matière de fixation des prix, elle savait quel pourrait être le prix unitaire le plus bas si toutes les incitations étaient appliquées. Ce calcul, ainsi que le soutient la Commission, visait simplement à établir, sur la base des informations dont disposait Qualcomm et sur lesquelles cette dernière se fondait pour établir ses comptes, le prix effectivement payé par Huawei et ZTE. Ces considérations sont suffisantes pour écarter le présent grief.

357 En ce qui concerne le troisième grief, tiré de ce que l’approche de la Commission concernant les prix de Qualcomm est entachée d’incohérence, il suffit pour l’écarter de relever qu’il se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle la décision attaquée a constaté que les prix comptables de Qualcomm étaient « inadaptés ». En effet, aux considérants 603, 613 et 618 de ladite décision, évoqués par la requérante, la Commission identifie clairement quels éléments dans ces prix comptables étaient inadaptés, sans pour autant rejeter la possibilité de les utiliser après avoir apporté, sur la base d’autres sources d’information, les ajustements nécessaires.

358 En ce qui concerne le quatrième grief, tiré d’une contradiction avec la décision C(2014) 7465 final, adoptée dans l’affaire du 15 octobre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), il convient de relever que, s’il est vrai que, dans certains cas, la Commission s’est fondée initialement sur les chiffres qui figuraient dans les comptes de l’entreprise dominante, ce qui, parfois, a été suffisant, lorsque ces chiffres n’étaient pas disponibles ou ne correspondaient pas aux réalités du marché, elle a construit des valeurs représentatives appropriées, fondées aussi sur toute information pertinente fournie par l’entreprise dominante. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 332 ci-dessus, cette approche a été validée par le Tribunal. Le présent grief doit donc être écarté.

359 En ce qui concerne le cinquième grief, tiré de ce que la méthode de la Commission aboutit à des prix qui, dans certains cas, ne sont manifestement pas les prix « effectivement payés » par les clients de Qualcomm, il convient de constater que, quant au premier exemple invoqué par la requérante, la diapositive sur laquelle s’appuie la défense de la Commission (annexe A.2.2.19 de la requête) montre effectivement que le prix payé par Huawei pour la puce MDM8200 après application de l’incitant était de [confidentiel] (arrondi à [confidentiel]) USD par puce, ce qui correspond au prix calculé par la Commission et indiqué au considérant 743 de la décision attaquée. Quant au second exemple, il convient de relever que le document mentionné par la Commission (annexe A.2.4.12 de la requête) pour démontrer que les prix approuvés par le [confidentiel] avaient subi des variations successives, tel que clarifié dans la réponse de la Commission aux questions posées par le Tribunal, confirme que le prix adressé à Huawei pour la puce MDM8200 au premier trimestre 2011 était inférieur à celui présenté au [confidentiel] et correspondait au prix effectif de [confidentiel] USD tel que calculé par la Commission.

360 Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré l’existence d’erreurs dans la méthode utilisée par la Commission et dans les résultats auxquels cette dernière est parvenue dans la décision attaquée. Dans ces conditions, le présent grief doit être écarté.

361 Il en découle que la seconde branche du cinquième moyen doit être écartée. Par conséquent, puisque la première branche de ce moyen a également été écartée (voir point 344 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’« affectation incorrecte des dépenses d’ingénierie non récurrentes »

362 Par le présent moyen, la requérante fait valoir que, dans son appréciation des paiements NRE, la Commission a commis des « erreurs manifestes de fait et de droit et violé le principe de sécurité juridique, la présomption d’innocence et le principe in dubio pro reo ». En outre, la décision attaquée serait insuffisamment motivée, en ce qu’elle omettrait de « prendre en compte » de nombreux arguments importants avancés par Qualcomm au cours de la procédure administrative. La Commission aurait ainsi manqué à son « obligation de bonne administration ».

363 La Commission conteste les arguments de la requérante.

364 En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués et il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

365 Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant tant à la partie défenderesse qu’au juge d’en apprécier le bien-fondé [arrêt du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission, T 851/14, EU:T:2018:929, points 74 et 75 (non publiés)].

366 En l’espèce, il y a lieu de constater que, si les arguments de la requérante soulevés dans le cadre du présent moyen peuvent être lus comme visant à mettre en exergue de prétendues erreurs d’appréciation, relatives, d’une part, au paiement NRE à ZTE (première branche) et, d’autre part, au paiement NRE à Huawei (seconde branche), commises par la Commission, les violations invoquées par la requérante ne sont assorties d’aucune indication permettant d’en apprécier le bien-fondé. Il s’ensuit que les arguments de la requérante tirés de ces violations, notamment la violation du principe de sécurité juridique, la violation du principe de la présomption d’innocence et la violation du principe in dubio pro reo, doivent être considérés comme étant irrecevables en ce qu’ils ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour apprécier leur bien-fondé.

367 De plus, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si l’article 296 TFUE impose à la Commission, lorsqu’elle prend une décision dans le cadre de l’application des règles de concurrence, de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à la prendre, cette disposition n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative. La motivation d’une décision faisant grief doit permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité et fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est bien fondée (arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 26). À la lumière de cette jurisprudence, la requérante ne saurait donc se prévaloir à bon droit du fait que la Commission n’a pas répondu spécifiquement dans la décision attaquée à toutes les observations de fait ou de droit qu’elle avait soulevées au cours de la procédure administrative.

 Sur la première branche, relative au paiement NRE à ZTE

368 À l’appui de la première branche, après avoir décrit sans la contester la chronologie des faits relatifs, notamment, à l’accord sur les dépenses d’ingénierie non récurrentes conclu avec ZTE et au paiement NRE à cette dernière, la requérante fait valoir que la Commission a erronément considéré que ledit paiement était équivalent à une remise [confidentiel] USD par unité pour les puces MDM6200 achetées par ZTE en 2010, alors même que l’approbation de décembre 2009 n’avait jamais été formalisée dans un accord ni communiquée à ZTE.

369 Selon la requérante, si la Commission n’avait pas pris en compte cette remise par unité à l’égard de ZTE, elle n’aurait pas constaté de prédation dans l’analyse prix-coûts des puces MDM6200.

370 En premier lieu, la requérante estime que l’approbation, à la fin de 2009 et en mai 2010, d’un ensemble d’incitants possibles pour ZTE faisait partie d’une série plus large de mesures incitatives à l’égard de cette dernière, qui n’étaient pas limitées au segment de pointe du marché des puces UMTS.

371 En deuxième lieu, quant à la considération de la Commission selon laquelle le paiement NRE à ZTE était équivalent à une remise par unité pour les puces MDM6200 achetées par ZTE en 2010, la requérante soulève les arguments suivants.

372 Premièrement, la requérante soutient que les conditions d’approbation ont changé entre décembre 2009 et mai 2010, procédant d’une réévaluation réfléchie, ce qui a eu pour conséquence que le paiement NRE à ZTE ne pouvait plus être perçu comme une remise. Elle ajoute que la Commission considère le paiement forfaitaire de [confidentiel] USD comme une remise de [confidentiel] USD par puce, c’est-à-dire comme une remise bien plus élevée que celle de [confidentiel] USD par puce prétendument prévue par Qualcomm en décembre 2009.

373 Deuxièmement, la Commission n’apporterait aucune preuve ni du fait que Qualcomm avait l’intention, ou même conscience, d’accorder à ZTE un incitant équivalent à une remise de [confidentiel] USD par puce ni du fait que ZTE avait connaissance d’une telle remise unitaire. Il en découlerait que le paiement NRE à ZTE n’aurait pas pu inciter cette dernière à acheter des puces MDM6200 en 2010. À l’inverse, la Commission elle-même apporterait la preuve que, aux yeux de Qualcomm, le prix desdites puces vendues à ZTE était plus élevé que celui qui aurait résulté de l’application d’une remise de [confidentiel] USD par puce.

374 Troisièmement, en traitant le paiement NRE à ZTE comme une remise reçue pour chaque puce achetée par cette dernière, la décision attaquée parviendrait à une remise par puce artificiellement gonflée de [confidentiel] USD, précisément parce que ledit paiement serait indépendant du nombre d’unités vendues et, en même temps, la demande de ZTE en puces MDM6200 en 2010 représenterait une petite fraction de celle anticipée par Qualcomm en décembre 2009, ce qui aurait conduit la Commission à répartir ce paiement de [confidentiel] USD sur une petite fraction des 1 250 000 unités mentionnées dans les courriels de décembre 2009. Si le paiement en question avait réellement incité ZTE à acheter plus d’unités de la puce MDM6200, la remise implicite par unité aurait été plus faible et le constat d’un prix inférieur au « coût » moins probable.

375 Quatrièmement, la requérante soutient que, bien que, dans la décision attaquée, la Commission admette que le chiffre gonflé est le résultat d’une faible demande de ZTE pour la puce MDM6200, elle spécule que cette demande plus faible pourrait avoir été l’une des raisons expliquant les modifications des conditions de paiement concédées par Qualcomm lors de la réunion du [confidentiel] du 24 mai 2010. Or, Qualcomm aurait identifié une correspondance datant de mai 2010, de laquelle il ressortirait que ZTE avait prévu une demande de 475 000 unités de la puce MDM6200 pour cette année-là. Selon Qualcomm, si ce chiffre était appliqué au paiement de [confidentiel] USD, on obtiendrait une remise hypothétique de [confidentiel] USD par puce au moment de l’approbation de mai 2010 et des prix payés par ZTE pour la puce MDM6200 qui seraient invariablement supérieurs aux LRAIC de la décision attaquée.

376 Cinquièmement, même si Qualcomm avait voulu que le paiement NRE constitue une remise unitaire de [confidentiel] USD, cela n’aurait, en tout état de cause, pas été pertinent d’un point de vue économique, puisque ce paiement n’aurait jamais incité ZTE à acheter des puces MDM6200 plutôt que des puces fournies par un concurrent, le montant de l’incitant étant fixe et n’augmentant pas en fonction du nombre de puces achetées.

377 Sixièmement, le fait que, en février 2011, Qualcomm a accédé à la demande de ZTE de prolonger le délai pour obtenir la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM8200A jusqu’au 30 juin 2011, mais a refusé une demande équivalente pour les appareils comportant une puce MDM6200 démontrerait que le paiement forfaitaire était contractuellement et effectivement lié à la puce MDM8200A, ce qui serait également confirmé par la correspondance interne de Qualcomm.

378 En troisième lieu, la requérante critique une incohérence dans la décision attaquée entre, d’une part, les conclusions relatives à la prédation et, d’autre part, le constat d’une augmentation du prix et de la marge des puces MDM6200 vendues à ZTE. Selon elle, il existe également une anomalie dans la répartition des prétendus coûts de R&D entre les puces MDM6200 et MDM6600 en 2010, puisque les prix utilisés dans le calcul de la Commission pour les puces MDM6200 vendues à ZTE ne seraient pas réduits en fonction de la remise découlant des dépenses d’ingénierie non récurrentes.

379 La Commission conteste les arguments de la requérante.

380 À titre liminaire, il convient de relever que, notamment aux considérants 677 à 693 de la décision attaquée, la Commission a procédé au calcul des prix payés par ZTE et par Huawei et, en conformité avec les considérations développées en particulier aux points 12.4.2.3, 12.4.2.4, 12.4.2.6 et 12.4.2.11 de ladite décision, à la réaffectation de deux rabais découlant des dépenses d’ingénierie non récurrentes accordés par Qualcomm à ces deux clientes. Selon la Commission, bien que chaque rabais ait été formellement enregistré comme s’appliquant aux puces MDM8200A vendues à ces clientes, des éléments de preuve contemporains démontrent que la véritable intention de Qualcomm était, d’une part, d’octroyer un paiement forfaitaire de [confidentiel] USD (initialement de [confidentiel] USD) à ZTE, à appliquer aux ventes effectuées en 2010, dans le but d’encourager cette dernière à acheter et à élaborer des solutions fondées sur la puce MDM6200 et, d’autre part, d’accorder un rabais rétroactif sous la forme de paiement forfaitaire de [confidentiel] USD à Huawei afin de réduire le prix des unités de la puce MDM8200 qu’elle avait acquises auprès de Qualcomm, mais qui s’étaient avérées trop coûteuses pour permettre à Huawei de remporter des appels d’offres en aval.

381 En ce qui concerne le paiement NRE à ZTE, pour parvenir à sa conclusion, la Commission, aux points 12.4.2.4, 12.4.2.6 et 12.4.2.11 de la décision attaquée, se réfère à des documents internes de Qualcomm, démontrant à son avis que cette dernière n’était pas en mesure de proposer à ZTE un prix inférieur à celui proposé à Huawei et craignait de faire baisser trop tôt le prix de la puce MDM6200, qui, à ce moment-là, n’avait pas encore été lancée. Par conséquent, il aurait été proposé, à partir de décembre 2009, de traiter la question de la fixation des prix sous la forme de rabais ponctuels découlant des dépenses d’ingénierie non récurrentes, dont une partie était liée à la condition que ZTE obtienne la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM8200A et l’autre à la condition que ZTE obtienne la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM6200, le tout avant le 31 décembre 2010 (délai qui aurait ensuite été, au regard de la certification de la puce MDM8200A, décalé au 30 juin 2011). Selon la Commission, ce paiement avait pour but, en réalité, de réduire le prix de la puce MDM6200 de [confidentiel] USD par puce que Qualcomm comptait vendre à ZTE en 2010. À la suite d’une diminution significative des commandes de ZTE par rapport aux prévisions de Qualcomm, le montant de la réduction effectivement octroyée aurait été de [confidentiel] USD par puce.

382 En premier lieu, il convient de relever que le fait qu’une série de mesures incitatives relatives à différentes puces, y compris des puces qui n’étaient pas utilisées pour le segment de pointe du marché des puces UMTS, ait été mise en œuvre par Qualcomm à l’égard de ZTE ne signifie pas pour autant que certaines d’entre elles ne puissent pas être prises en compte aux fins de l’analyse prix-coûts effectuée pour l’appréciation de la prédation.

383 En deuxième lieu, il ressort de la description de la requérante que la différence entre l’incitant approuvé en décembre 2009 et celui approuvé en mai 2010 réside dans le fait que le premier comportait un paiement de [confidentiel] USD, réalisable à la signature de l’accord, et de [confidentiel] USD, réalisable à condition que ZTE obtienne la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM8200A, et que le second comportait un paiement d’[confidentiel] USD, payable à condition que ZTE obtienne la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM6200. Pourtant, la requérante n’explique pas pour quelle raison le fait que « les termes de l’approbation [avaie]nt changé de décembre à mai témoignerait d’une réévaluation réfléchie » ni comment cela lui serait favorable aux fins de l’appréciation de la prédation.

384 À l’inverse, comme cela est décrit aux considérants 501 et 502 de la décision attaquée, les communications internes de décembre 2009, passées entre les membres dirigeants (tels que le directeur de la gestion des produits QCT et les vice-présidents des finances et des ventes), rendent compte de ce que, en premier lieu, les prix offerts à ZTE pour la puce MDM6200 ne pouvaient pas être plus bas que ceux offerts à Huawei et de ce que Qualcomm ne voulait pas de « forte variation du prix » ; en deuxième lieu, de ce que Qualcomm craignait des pertes pour la puce MDM6200 conséquentes à la collaboration entre ZTE et Icera et, en troisième lieu, de ce que la solution envisagée était un paiement NRE lié aux puces MDM6200 ou MDM8200A « pour éviter qu[’]Icera [ne] gagne beaucoup d’affaires ». La solution à cette inquiétude était identifiée dans la proposition « ZTE MDM6200 Price Proposal » de décembre 2009 qui, d’une certaine manière, n’était pas une « forte variation du prix » en ce qu’il s’agissait non d’une variation du prix, mais d’un incitant, et qui comprenait un paiement lié à la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM8200A et à l’achat d’un certain nombre d’unités de la puce MDM6200, avec la possibilité de retenir le paiement au cas où l’une ou l’autre des conditions ne serait pas remplie.

385 De plus, il ressort de la présentation à la réunion [confidentiel] du 8 février 2010, consécutive donc à l’approbation de décembre 2009, que le paiement qui, à l’époque, était censé être destiné formellement à la fois à la puce MDM8200A et à la puce MDM6200, avait en réalité uniquement pour objectif de réduire le prix de cette dernière.

386 En outre, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la condition initialement proposée visant à ce que ZTE achète [confidentiel] d’unités de la puce MDM6200 en 2010 (correspondant aux prévisions de la demande de ZTE à l’époque) n’a pas été officialisée dans l’approbation du [confidentiel]. Toutefois, en mai 2010, en tenant compte du fait que les prévisions de la demande de ZTE avaient chuté à 475 000 unités, le [confidentiel] a modifié la structure des paiements NRE. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, rien n’indique que ces modifications correspondaient à un changement de l’intention sous-tendant lesdits paiements, qui était d’encourager les achats par ZTE de puces MDM6200. En effet, si l’objectif initial avait été, en décembre 2009, de promouvoir la puce MDM8200A, ou si tel était l’objectif en mai 2010, il n’aurait pas été nécessaire ou logique de réduire le rabais pour les puces MDM8200A de [confidentiel] à [confidentiel] USD (soit une baisse de 60 %). En revanche, ayant fortement révisé les prévisions de la demande de puces MDM6200 de ZTE, qui étaient passées de [confidentiel] d’unités à moins de [confidentiel] unités, il n’était plus justifié, du point de vue de Qualcomm, de proposer à ZTE le rabais initialement prévu de [confidentiel] USD.

387 La modification de la structure des paiements NRE permettait néanmoins de maintenir un paiement équivalant à un rabais de [confidentiel] USD par unité, formellement lié aux puces MDM8200A (mais, en réalité, destiné aux puces MDM6200), tout en proposant de doubler le paiement (qui passerait donc à [confidentiel] USD) si le client obtenait une certification d’opérateur pour la puce MDM6200 avant la fin de l’année 2010, c’est-à-dire si ZTE stimulait le développement d’une solution MDM6200 au cours de l’année 2010. La Commission indique, à juste titre, que le refus de Qualcomm de prolonger le délai de qualification d’opérateur pour les puces MDM6200 en février 2011 est conforme à cette structure et à la conclusion de Qualcomm selon laquelle ZTE n’avait pas fait suffisamment afin de stimuler la puce MDM6200 en 2010 pour mériter de recevoir le reste des rabais découlant des dépenses d’ingénierie non récurrentes.

388 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, le fait qu’en février 2011, Qualcomm a refusé de prolonger le délai pour obtenir la qualification d’opérateur d’appareils comportant une puce MDM6200, démontre que le paiement NRE à ZTE était contractuellement et effectivement lié à la puce MDM8200A, il convient de souligner que cette circonstance et, en conséquence, le fait que Qualcomm n’a pas versé à ZTE la somme de [confidentiel] USD qui y était afférente, sont parfaitement cohérents avec l’intention initiale de Qualcomm de prévoir un mécanisme de récupération pour une partie du paiement NRE si ZTE n’achetait pas les volumes prévus de puces MDM6200.

389 S’agissant du traitement du paiement NRE à ZTE en tant que remise unitaire, il convient de constater qu’aucune erreur de la Commission ne peut être constatée ni concernant la comptabilisation dudit paiement aux unités applicables, ni concernant le calcul de la remise, ni concernant l’appréciation du contexte.

390 Premièrement, pour pouvoir quantifier l’importance du paiement NRE à ZTE, il convient de comptabiliser tout paiement relatif aux puces MDM6200 commandées et livrées, à savoir 145 775 unités, en divisant le montant total des paiements par le montant total des unités commandées et achetées.

391 La circonstance selon laquelle le paiement NRE à ZTE donne finalement lieu à une remise unitaire trois fois plus élevée que celle initialement prévue n’est que le résultat d’une réduction significative de la quantité de puces MDM6200 commandées et achetées par ZTE par rapport à celle qui était prévue par Qualcomm, à savoir [confidentiel] d’unités. Puisque le montant de l’incitant avait été établi a priori, chaque puce a bénéficié d’une réduction de prix beaucoup plus élevée que celle prévue à l’origine. En d’autres termes, cette augmentation de la remise appliquée à chaque puce ne constitue qu’un effet secondaire d’une prévision de vente erronée de Qualcomm en ce qui concerne ZTE.

392 Quant à la circonstance selon laquelle ZTE n’était pas au courant du fait que le paiement NRE qui lui était destiné était à traiter comme une remise unitaire, il convient de relever que la jurisprudence n’exige pas que le client de l’entreprise en position dominante ait connaissance de la méthode utilisée pour parvenir à l’application d’un prix inférieur au coût. En effet, il suffit, d’une part, que l’analyse prix-coûts révèle un prix supérieur à la mesure de coût choisie et, d’autre part, qu’il existe une intention d’éviction du concurrent ciblé (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 71 et 72).

393 En outre, s’agissant de l’argument tiré du fait que le paiement n’aurait pas encouragé ZTE à acheter plus de puces, il convient de noter que, dans l’arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a. (C 377/20, EU:C:2022:379, point 53 et jurisprudence citée), la Cour a jugé que la qualification d’une pratique d’une entreprise en position dominante d’abusive ne requérait pas la démonstration, dans le cas d’une pratique d’une telle entreprise visant à évincer ses concurrents du marché concerné, du fait que son résultat avait été atteint et, par suite, la démonstration d’un effet d’éviction concret sur le marché. En effet, l’article 102 TFUE vise à sanctionner le fait, pour une ou plusieurs entreprises, d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci, indépendamment de savoir si une telle exploitation s’est avérée ou non fructueuse.

394 En troisième lieu, l’argument de la requérante tiré d’incohérences de la décision attaquée est à peine esquissé, de sorte qu’il est difficile de comprendre en quoi de telles incohérences pourraient affecter la légalité de ladite décision, avec pour conséquence que cet argument doit être déclaré irrecevable. En tout état de cause, l’explication donnée par la Commission, à savoir que l’augmentation du prix et de la marge des puces MDM6200 vendues à ZTE pendant la période pertinente est une conséquence des remises découlant des paiements NRE, est tout à fait cohérente avec le reste de son raisonnement. S’agissant de la prétendue anomalie dans la répartition des prétendus coûts de R&D entre les puces MDM6200 et MDM6600 en 2010, il suffit de noter que le considérant 841 de cette décision explique de manière détaillée et crédible les raisons qui ont poussé la Commission à procéder de la sorte, raisons qui ne sont d’ailleurs contestées que de manière générique par la requérante.

395 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu d’écarter la première branche du sixième moyen.

 Sur la seconde branche, relative au paiement NRE à Huawei

396 Selon la requérante, à supposer même qu’elle ait perçu le paiement NRE à Huawei comme une « compensation » pour les stocks de puces MDM8200 que cette dernière avait accumulés, ledit paiement concernait des puces déjà achetées et n’aurait donc pas pu inciter Huawei à acheter davantage de ces puces. En outre, ainsi que cela ressortirait également de la réponse de Huawei à une demande d’informations de la Commission, les termes de l’accord sur les dépenses d’ingénierie non récurrentes conclu avec Huawei et ce paiement, lié à la qualification d’opérateur d’appareils pour la puce MDM8200A, n’incitaient pas Huawei à acheter ces puces, mais plutôt des puces MDM8200A, et ce pour une période indéterminée.

397 Plus généralement, la requérante reproche à la Commission d’avoir supprimé, au considérant 1142 de la décision attaquée, la phrase contenant une « quasi-allégation » explicite de « dissimulation » introduite dans la CGC en ce qui concernait les paiements NRE à ZTE et à Huawei, à laquelle Qualcomm avait répondu lors de la procédure administrative, tout en maintenant inchangé le reste du considérant concernant lesdits paiements NRE. Selon elle, cette suppression constitue un défaut de motivation, lequel illustre également l’incapacité de la Commission à établir l’intention de Qualcomm d’exclure Icera du marché.

398 La Commission conteste les arguments de la requérante.

399 À titre liminaire, il convient de relever que, en ce qui concerne le paiement NRE à Huawei, la Commission se réfère, au point 12.4.2.3 de la décision attaquée, à des documents internes de Qualcomm démontrant, à son avis, que plusieurs membres dirigeants de Qualcomm étant opposés au fait de céder aux pressions de Huawei, qui demandait des réductions de prix importantes sur les puces MDM8200, Qualcomm était finalement parvenue à accorder une réduction de prix rétroactive pour les expéditions de la puce MDM8200 après le 23 novembre 2009, ainsi qu’un « MDM8200A NRE », c’est-à-dire un paiement officiellement destiné à couvrir des dépenses d’ingénierie non récurrentes supportées pour la certification d’un terminal spécifique intégrant la puce MDM8200A et s’élevant à [confidentiel] (puis à [confidentiel]) USD. Selon la Commission, bien que formellement associé à l’obtention de la certification d’opérateur pour cette dernière puce, le paiement NRE aurait eu un lien explicite avec le stock de la puce MDM8200 de Huawei et aurait permis d’appliquer une réduction rétroactive de prix par unité.

400 En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante pris du fait que Huawei avait déjà acheté les puces MDM8200 et n’aurait donc pas pu être incitée par le paiement NRE qui lui était destiné à en acheter davantage, il ne saurait prospérer. En effet, il ressort des documents et de la correspondance mentionnés, notamment, aux considérants 480 à 486 de la décision attaquée que cet incitant a été concédé à Huawei en vue de l’aider à se débarrasser d’un excès desdites puces, dans un contexte où celle-ci se prévalait de plus en plus de la pression concurrentielle exercée par Icera, en particulier au moyen de la puce ICE8042, pour obtenir des conditions plus favorables.

401 En outre, il ressort des documents et de la correspondance mentionnés, notamment, aux considérants 480 à 486 de la décision attaquée que Qualcomm n’était pas en mesure d’ignorer les requêtes de Huawei, ce qui démontre que les négociations sur les prix avaient encore lieu au moment où Qualcomm a décidé de l’octroi du paiement NRE à Huawei et que les conditions de vente des puces MDM8200 n’avaient à ce moment-là pas encore été fixées de manière définitive.

402 S’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que les termes de l’accord sur les dépenses d’ingénierie non récurrentes et le paiement NRE à Huawei n’incitaient pas cette dernière à acheter des puces MDM8200, mais plutôt des puces MDM8200A, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les réponses de Huawei aux questions de la Commission ne démontrent pas que cette dernière considérait que ledit paiement se rapportait aux puces MDM8200A. Au contraire, comme il est indiqué au considérant 681 de la décision attaquée, la réponse de Huawei se limite à répéter simplement les termes dudit accord, qui ne correspondent pas aux éléments de preuve concernant le véritable objectif de ce paiement. Or, il ressort des éléments de preuve mentionnés aux considérants 482 et 679 de ladite décision et de l’aveu même de Qualcomm dans la réponse à la CG que le même paiement devait servir de rabais rétroactif pour les puces MDM8200. En outre, l’affirmation de Qualcomm selon laquelle Huawei considérait le paiement en question comme se rapportant aux puces MDM8200A est contredite par les éléments de preuve contemporains mentionnés aux considérants 491, 527 et 543 de cette décision, auxquels Huawei demandait à Qualcomm d’ajuster les rabais découlant des dépenses d’ingénierie non récurrentes afin de tenir compte d’un stock supplémentaire d’unités pour les puces MDM8200 qu’elle avait recensées. Il ressort de ces éléments que Huawei savait parfaitement que la véritable intention sous-tendant le paiement NRE était qu’il serve de rabais pour les puces MDM8200, et non pour les puces MDM8200A.

403 Enfin, quant à la « quasi-allégation » explicite de « dissimulation » introduite dans la CGC en ce qui concerne les paiements NRE à ZTE et à Huawei, il est vrai, d’une part, que la dernière phrase du point 771 de la CGC posait la question de savoir si le fait que Qualcomm n’avait pas comptabilisé correctement les dépenses d’ingénierie non récurrentes pour les puces était une tentative de dissimuler le rabais lié au paiement desdites dépenses, et, d’autre part, que cette question n’a pas été reproduite dans la décision attaquée. Toutefois, la critique de la requérante concernant la suppression de cette « quasi-allégation », selon laquelle ladite suppression constitue un défaut de motivation et illustre également l’incapacité de la Commission à établir l’intention de Qualcomm d’exclure Icera du marché, ne saurait prospérer.

404 En effet, il suffit de relever à cet égard que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 307 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de répondre spécifiquement dans la décision attaquée à toutes les observations de fait ou de droit qu’elle avait soulevées au cours de la procédure administrative. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la Commission, la suppression dans la décision attaquée de la dernière phrase du point 771 de la CGC démontre, contrairement à ce que prétend la requérante, que la Commission a tenu compte de la réponse de Qualcomm lors de la procédure administrative, sans pour autant que cela ait d’incidence sur la preuve de l’intention de Qualcomm d’exclure Icera du marché pertinent

405 À la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’écarter la seconde branche du sixième moyen. Par conséquent, puisque la première branche de ce moyen a également été écartée (voir point 395 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le septième moyen, tiré de « l’absence d’une référence appropriée en matière de coûts de référence »

406 Par le septième moyen, qui est divisé en trois branches, la première étant tirée d’une violation du principe de sécurité juridique et du principe in dubio pro reo, la deuxième de ce que le critère des LRAIC n’est pas le coût de référence approprié et la troisième de ce que les LRAIC calculés par la Commission ne correspondraient pas aux « véritables » LRAIC, la requérante fait valoir que le traitement des coûts dans la décision attaquée est entaché de nombreuses erreurs et de violations de principes généraux du droit.

 Observations liminaires

407 Au point 12.6 de la décision attaquée, la Commission a expliqué, en ce qui concernait les puces faisant l’objet de l’enquête, les raisons pour lesquelles elle avait estimé que la mesure des coûts la plus appropriée pour l’analyse prix-coûts étaient les LRAIC. Dans le cadre du calcul de ces derniers, elle a pris en compte, d’une part, les coûts de fabrication, variant selon la quantité de puces produites et représentant ainsi la composante variable pertinente des LRAIC (point 12.6.2 de ladite décision) et, d’autre part, les coûts de R&D de Qualcomm, tels qu’enregistrés dans la base de données relative aux coûts de R&D de Qualcomm [confidentiel], capturant ainsi la partie fixe la plus importante du coût incrémental de production d’une puce (point 12.6.3 de cette décision). Elle a ajouté que d’autres types de coûts fixes, tels que les coûts de commercialisation, n’étaient pas inclus, les LRAIC calculés par elle étant, par conséquent, inférieurs aux ATC de Qualcomm.

408 Selon la Commission, eu égard aux critères établis par le juge de l’Union dans ce domaine, les LRAIC étaient la mesure de coûts la plus appropriée en l’espèce pour calculer le taux minimal de couverture des coûts soutenus par Qualcomm s’agissant des produits en cause. Elle estime que, Qualcomm étant une entreprise multiproduits bénéficiant d’économies de gamme, plusieurs produits pouvaient nécessiter les mêmes activités de production, avec pour conséquence que les coûts pertinents ne variaient pas en fonction du nombre de produits fournis (ci-après les « coûts communs »). Il en découle, selon la Commission, que ces coûts n’étaient pas pris en compte dans le cadre des LRAIC, puisque ceux-ci ne comprennent que les coûts de production spécifiques aux produits faisant l’objet de l’enquête. Dès lors, la moyenne de tous les coûts variables et fixes que Qualcomm supportait pour produire un produit spécifique, c’est-à-dire les LRAIC, serait également inférieure, pour chaque produit, aux ATC.

409 La Commission considère dans la décision attaquée que la considération selon laquelle les LRAIC étaient inférieurs, pour chaque produit, aux ATC n’est pas remise en question par le fait que chaque puce était susceptible d’entraîner, ou d’avoir bénéficié, des retombées en matière de R&D en faveur de puces à venir. Selon la Commission, les retombées dont bénéficiait une puce particulière étaient susceptibles d’être approximativement compensées par les retombées engendrées à leur tour par cette puce particulière en faveur de e puces à venir. Elle a indiqué que les coûts de R&D supportés pour une puce n’avaient, dès lors, pas été réduits en fonction des retombées susceptibles d’avoir été engendrés par cette même puce en faveur d’une puce à venir. Toutefois, en ce qui concerne les puces MDM8200 et MDM8200A, la Commission a ajusté sa répartition des coûts de développement en tenant compte du fait qu’il ressortait des éléments du dossier que la puce MDM8200 avait entraîné beaucoup plus de retombées en faveur de la puce MDM8200A que celles dont elle avait elle-même bénéficié.

410 En pratique, pour calculer les AVC, la Commission s’est fondée sur le paramètre du « coût unitaire moyen », tel qu’il ressortait des données de Qualcomm, qui pouvait être décliné selon deux critères comptables : un premier critère reflétant le coût unitaire moyen des puces vendues pendant un trimestre donné et un second critère reflétant le coût unitaire des puces acquises par Qualcomm (auprès de fonderies) au cours d’un trimestre déterminé. Initialement, dans la CG, la Commission a suivi le premier critère. Ensuite, dans la CGC et dans la décision attaquée, pour tenir compte de certaines observations de Qualcomm, la Commission a plutôt suivi le second critère, accompagné de certains ajustements visant principalement à résoudre un problème de comptabilisation d’inventaire.

411 En revanche, pour calculer les coûts de R&D de Qualcomm à attribuer à chaque puce, la Commission a identifié comme étant « incrémentaux » au regard de celle-ci certains éléments de coût dans la [confidentiel], que Qualcomm utilisait pour enregistrer et attribuer certains coûts fixes à l’une ou l’autre puce. En particulier, l’identification des coûts « incrémentaux » a été effectuée sur la base d’un document interne de Qualcomm dans lequel ce même terme était utilisé, à savoir la présentation interne intitulée [confidentiel], concernant la [confidentiel] (ci-après le [confidentiel]), et des explications données par Qualcomm au cours de la procédure administrative concernant les catégories de coûts considérés comme étant « incrémentaux » dans ce document.

 Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique et du principe in dubio pro reo

412 La requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de sécurité juridique, le principe de la présomption d’innocence et le principe in dubio pro reo en utilisant deux approches différentes, l’une « descendante », ou « top-down », et l’autre « ascendante », ou « bottom-up » pour qualifier l’investissement total en R&D de Qualcomm dans la CG, d’une part, et dans la CGC et la décision attaquée, d’autre part. Plus particulièrement, la Commission aurait admis, dans la CG, que la [confidentiel] était inappropriée pour une analyse prix-coûts. En revanche, dans la CGC et la décision attaquée, la Commission utiliserait des données tirées de cette base de données et la méthode qui y est employée aboutirait à des marges très différentes, entre puces et d’un trimestre à l’autre, de celles indiquées dans la CG.

413 La requérante soutient également que la différence entre la méthode utilisée dans la CG, d’une part, et la méthode utilisée dans la CGC et la décision attaquée, d’autre part, l’aurait privée de la possibilité d’anticiper la méthode qui allait finalement être utilisée par la Commission ainsi que ses résultats lorsqu’elle a pris les décisions pertinentes en matière de tarification des puces ou, a fortiori, les décisions d’investissement en R&D. Selon elle, la Commission elle-même n’était pas en mesure d’anticiper les éléments fondamentaux de la méthode finalement utilisée dans ladite décision, ni ses résultats, après plus de cinq ans d’enquête.

414 La Commission conteste les arguments de la requérante.

415 À titre liminaire il convient de constater, à l’instar de ce qui a été fait aux points 364 à 366 ci-dessus, que les griefs de la requérante tirés de la violation du principe de la présomption d’innocence et du principe in dubio pro reo doivent être considérés comme étant irrecevables en ce qu’ils ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour apprécier leur bien-fondé.

416 Par ailleurs, en premier lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré, en substance, de la différence entre les méthodes d’analyse utilisées par la Commission, d’une part, dans la CG et, d’autre part, dans la CGC et la décision attaquée, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 146 ci-dessus, jusqu’à l’adoption d’une décision finale, la Commission peut, au vu, notamment, des observations écrites ou orales des parties, abandonner certains ou même tous les griefs initialement soulevés à leur encontre et modifier ainsi sa position en leur faveur ou décider d’ajouter de nouveaux griefs, pour autant qu’elle donne aux entreprises intéressées l’occasion de faire connaître leur point de vue à cet égard. Il en va de même s’agissant de la méthode utilisée par la Commission dans son analyse prix-coûts.

417 Il convient en effet de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (voir arrêt du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C 199/03, EU:C:2005:548, point 69 et jurisprudence citée ; arrêt du 29 mars 2012, Espagne/Commission, T 398/07, EU:T:2012:173, point 107), il n’en demeure pas moins qu’il découle du caractère provisoire de la méthode retenue dans la CG aux fins de déterminer la mesure des coûts la plus appropriée pour l’analyse prix-coûts que la décision finale de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les résultats issus de l’application d’une autre méthode dans la CGC et dans la décision attaquée ne correspondent pas de manière identique aux résultats qui auraient été issus de la méthode initialement retenue dans la CG (voir, par analogie, arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C 448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 43).

418 En outre, il convient de relever que, en l’espèce, la requérante ne conteste pas avoir eu la possibilité d’expliquer son point de vue pendant la procédure administrative et, en particulier, après l’envoi de la CGC, sur la méthode à retenir dans la décision attaquée.

419 De surcroît, la requérante se borne à évoquer le caractère « ascendant » et « descendant » des méthodes utilisées par la Commission ainsi qu’une différence entre les marges requises entre les puces et d’un trimestre à l’autre, sans expliquer, sauf au moyen d’un renvoi à ses écritures présentées pendant la procédure administrative et annexées à la requête, quelles seraient concrètement les différences entre l’approche « descendante » et l’approche « ascendante » ainsi que leurs implications pratiques. À cet égard, il convient de noter, à l’instar de la Commission, que la méthode adoptée dans la décision attaquée (et dans la CGC) est fondée sur les coûts de R&D réels que Qualcomm elle-même a comptabilisés pour chaque puce. Pour cette raison, la Commission a considéré que cette méthode reflétait plus fidèlement les coûts de R&D réellement encourus pour le développement de chaque puce que celle appliquée dans la CG.

420 Partant, à supposer même que les méthodes d’analyse utilisées par la Commission dans la CG, d’une part, et dans la CGC et la décision attaquée, d’autre part, produisent des résultats différents comme le soutient la requérante, cet élément ne permet pas de considérer en l’espèce que la Commission a commis une erreur en adoptant dans la décision attaquée une méthode fondée sur les coûts de R&D réels que Qualcomm elle-même avait comptabilisés pour chaque puce. Dans ces conditions, cet argument ne saurait prospérer.

421 En second lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante pris de l’impossibilité pour elle de connaître, au moment de prendre ses décisions relatives au prix des puces et aux investissements en R&D, la méthode qui serait utilisée par la Commission pour établir la mesure pertinente des coûts, avancé uniquement à l’appui de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, il convient de rappeler que, dans la CGC, la Commission avait indiqué que la modification du calcul des LRAIC avait été faite pour tenir compte des objections formulées par la requérante dans la réponse à la CG par rapport au calcul des LRAIC effectué dans la CG.

422 Il convient de noter à cet égard que, s’il est vrai que la prise en compte des coûts de l’entreprise dominante permet à celle-ci, eu égard à la responsabilité particulière qui lui incombe au titre de l’article 102 TFUE, d’apprécier la légalité de ses propres comportements et est donc conforme au principe général de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C 280/08 P, EU:C:2010:603, point 202, et du 17 février 2011, Teliasonera Sverige, C 52/09, EU:C:2011:83, point 44), cela n’entraîne pas d’impossibilité pour la Commission de procéder à certains ajustements, fondés sur les relevés de prix et de coûts de l’entreprise dominante ainsi que sur toute autre information pertinente fournie par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T 340/03, EU:T:2007:22, points 131 à 137 ; du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission, T 271/03, EU:T:2008:101, points 208 à 211, et du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission, T 851/14, EU:T:2018:929, points 220 à 235).

423 Il s’ensuit que le principe de sécurité juridique n’exige pas que l’entreprise dominante dispose de prévisions détaillées concernant la méthode exacte que la Commission utiliserait pour calculer ses coûts. En effet, la méthode adoptée par la Commission doit tenir compte des circonstances particulières de l’espèce et, notamment, des informations disponibles fournies par l’entreprise dominante.

424 À la lumière de ce qui précède il convient d’écarter la première branche du septième moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de ce que le critère des LRAIC n’est pas le coût de référence approprié

425 Selon la requérante, la Commission aurait dû considérer que le coût de référence le plus approprié aux fins de l’analyse prix coûts dans la présente affaire étaient les AVC ou les coûts évitables moyens (ci-après les « AAC »), et non les LRAIC.

426 En premier lieu, les décisions en matière de prix seraient fondées sur les conditions concurrentielles prises à un moment où les coûts de R&D de Qualcomm étaient déjà devenus « irrécupérables », en ce sens qu’ils ne pouvaient plus être évités. Des prix inférieurs aux LRAIC permettraient souvent, selon la requérante, de maximiser les profits à court terme et n’impliqueraient pas de sacrifice de profit.

427 En deuxième lieu, les LRAIC seraient conçus pour un monde statique, étant donné qu’ils se concentreraient sur un produit donné et ne tiendraient pas compte des produits connexes passés et futurs. Or, dans un secteur dynamique tel que celui des semi conducteurs, ayant des retombées intertemporelles, leur utilisation ne serait pas appropriée.

428 En troisième lieu, la nature extrêmement limitée des allégations d’abus dans la présente affaire (portant uniquement sur la vente de trois puces à deux clientes pendant quelques trimestres) aurait pour conséquence que, en effet, les « véritables » LRAIC seraient en réalité les AAC ou les AVC, voire des coûts extrêmement proches.

429 À cet égard, la Commission aurait, à tort, considéré que les produits appartenant au marché pertinent étaient caractérisés par des coûts marginaux ou variables faibles, tandis qu’elle aurait elle-même déclaré à plusieurs occasions que les AVC étaient un important paramètre de concurrence.

430 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que le choix de la Commission de fonder son analyse sur les LRAIC plutôt que sur les ATC ne serait pas, contrairement à ce que cette dernière soutient, plus favorable pour elle. Selon la requérante, il est improbable que les ATC, correctement calculés, soient plus élevés que les LRAIC, puisque ces derniers incluent aussi des coûts communs, omettent de tenir compte des revenus découlant de son activité en matière de licences de brevets et ont subi des manipulations post hoc, avec pour conséquence de gonfler considérablement les LRAIC de la puce MDM8200A.

431 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

432 Il convient, tout d’abord, de rappeler que, lorsqu’il est saisi, conformément à l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 102 TFUE, le Tribunal doit de manière générale exercer, sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, un contrôle complet sur la question de savoir si les conditions d’application de cette disposition se trouvent ou non réunies et que, lors de ce contrôle, le Tribunal ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission, en vertu du rôle qui lui est assigné, en matière de politique de la concurrence, par les traités UE et FUE, pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C 382/12 P, EU:C:2014:2201, points 155 et 156).

433 Par ailleurs, il y a lieu de constater que l’utilisation par la Commission d’une méthode fondée sur des prix supérieurs aux AVC et inférieurs aux ATC ne fait que découler de la jurisprudence. En effet, selon la Cour, des prix inférieurs aux AVC par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent doivent être considérés comme étant abusifs. Une entreprise dominante n’a, en effet, aucun intérêt à pratiquer de tels prix, si ce n’est celui d’éliminer ses concurrents pour pouvoir, ensuite, relever ses prix en tirant profit de sa situation monopolistique, puisque chaque vente entraîne pour elle une perte, à savoir celle de la totalité des coûts fixes (c’est-à-dire de ceux qui restent constants quelles que soient les quantités produites) et d’une partie, à tout le moins, des coûts variables afférents à l’unité produite. Par ailleurs, des prix inférieurs aux ATC, comprenant les coûts fixes et les coûts variables, mais supérieurs aux AVC doivent être considérés comme étant abusifs lorsqu’ils sont fixés dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent. Ces prix peuvent, en effet, écarter du marché des entreprises qui sont peut-être aussi efficaces que l’entreprise dominante, mais qui, en raison de leur capacité financière moindre, sont incapables de résister à la concurrence qui leur est faite (arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 71 et 72).

434 Cette jurisprudence a été confirmée dans plusieurs arrêts postérieurs qui retiennent constamment que des prix inférieurs aux AVC doivent être considérés, en principe, comme étant abusifs, dans la mesure où, en appliquant de tels prix, une entreprise en position dominante est présumée ne poursuivre aucune autre finalité économique que celle d’éliminer ses concurrents. D’autre part, des prix inférieurs aux ATC mais supérieurs aux AVC ne doivent être considérés comme étant abusifs que lorsqu’ils sont fixés dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent (arrêts du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C 333/94 P, EU:C:1996:436, point 41, et du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C 202/07 P, EU:C:2009:214, point 109).

435 À la lumière de la jurisprudence issue de l’arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (C 62/86, EU:C:1991:286, points 71 et 72), la Commission, aux fins de constater un abus de position dominante, avait donc, en l’espèce, l’obligation, d’une part, de constater que les prix de la requérante étaient inférieurs aux ATC et, d’autre part, de prouver l’intention de celle-ci d’exclure un concurrent. Or, la Commission a considéré dans la décision attaquée, ainsi qu’il a été rappelé aux points 408 et 409 ci-dessus, que les LRAIC de Qualcomm étaient inférieurs, pour chaque produit, à ses ATC.

436 À cet égard, contrairement à ce qui fait valoir la requérante dans le cadre de son quatrième grief, il y a lieu de considérer que, étant donné que les ATC comprennent, notamment, tous les coûts communs, tandis que les LRAIC ne comprennent que les coûts associés aux produits spécifiques visés, il est, en substance, exclu que les ATC soient inférieurs aux LRAIC. En effet, même dans le cas où la Commission aurait erronément considéré comme étant spécifiques aux produits en cause certains coûts communs, la requérante ne saurait valablement soutenir que les LRAIC pourraient être plus élevés que les ATC.

437 D’ailleurs, il convient de relever que la Commission a calculé les ATC au point 12.7.5.2 de la décision attaquée et a conclu qu’ils étaient supérieurs aux LRAIC. Or, Qualcomm n’a ni contesté ce point ni proposé une autre méthode de calcul. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir utilisé aux fins de son analyse prix-coûts les LRAIC à la place des ATC en ce que lesdits LRAIC sont plus favorables à la requérante que les ATC. De plus, ainsi que le souligne à juste titre l’intervenante, il n’était pas nécessaire pour la Commission de déterminer si les prix de la requérante étaient également inférieurs aux AVC ou aux LRAIC, puisqu’elle avait choisi de vérifier l’intention de Qualcomm d’exclure un concurrent. Il s’ensuit que le quatrième grief de la requérante ne saurait prospérer.

438 S’agissant des trois autres griefs invoqués par la requérante contestant le caractère approprié des LRAIC en tant que coût de référence, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, qu’un calcul des prix fondé uniquement sur les coûts variables est inadapté pour identifier l’existence de prix prédateurs dans un secteur où, comme cela ressort en particulier des considérants 109 à 119 et 280 à 284 de la décision attaquée, l’activité de R&D et la forte présence de droits de propriété intellectuelle génèrent des coûts élevés en matière de R&D, qui ne seraient pas pris en considération dans un calcul fondé sur les seuls coûts variables.

439 En particulier, il n’est pas contesté que, comme l’a indiqué la Commission au considérant 787 de la décision attaquée, l’industrie des semi-conducteurs se caractérise par de faibles coûts variables (par exemple ceux liés à la fabrication des puces) et des coûts fixes élevés (par exemple ceux liés à l’investissement en R&D nécessaire pour concevoir et développer les puces), qui sont pour la plupart irrécupérables au moment de la commercialisation des produits. Dès lors, l’absence d’inclusion des coûts irrécupérables spécifiques au produit, tels que les investissements en R&D, ne refléterait pas la réalité du marché pour les coûts liés à l’entrée et à la concurrence sur le marché, rendant ainsi très difficile, voire impossible, la détection d’un cas de prédation visant à évincer un concurrent.

440 Or, les LRAIC englobant les coûts fixes et variables spécifiques à chaque produit encourus tant avant la période pendant laquelle le comportement abusif a eu lieu qu’au cours de celle-ci, ils constituent, de ce fait, le coût de référence le plus approprié en l’espèce pour calculer le taux minimal de récupération des coûts requis pour les produits faisant l’objet de l’enquête (considérant 780 de la décision attaquée).

441 De plus, l’argument de la requérante selon lequel la vente à un prix supérieur aux AVC, mais inférieur aux LRAIC peut constituer une maximisation du profit à court terme ne saurait prospérer. En effet, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la jurisprudence applicable reconnaît qu’une tarification supérieure aux AVC, mais inférieure aux ATC (lesquels, en l’espèce, seraient supérieurs aux LRAIC) ne serait abusive que si elle était faite dans l’intention d’exclure un concurrent (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 71 et 72). Comme cela est rappelé au considérant 785 de la décision attaquée, c’est exactement ce que la Commission a démontré. En effet, d’une part, la requérante a appliqué des prix inférieurs aux LRAIC et, d’autre part, elle l’a fait dans le cadre d’un plan visant à exclure Icera. Par conséquent, le fait de faire valoir que des prix supérieurs aux AVC pourraient servir à des fins légitimes consiste simplement à reconnaître la distinction opérée dans la jurisprudence applicable et ne démontre pas que les LRAIC constituent une référence inappropriée en l’espèce.

442 S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle les LRAIC constituent une référence inappropriée en l’espèce en raison de la portée limitée de l’infraction, il convient de relever que, par rapport à une pratique prédatrice d’une durée de deux ans dans un secteur qui, comme cela a été confirmé par la requérante elle-même (voir, notamment, points 333 et 337 de la réponse de la requérante à la CGC, annexes A.2.2 et A.2.4 de la requête et points 715 à 723 de la réponse de la requérante à la CG), est caractérisé par des cycles d’innovation courts nécessitant des investissements importants en R&D, ignorer tout coût lié au développement des produits qui font l’objet de la prétendue prédation équivaudrait à ignorer une partie importante des coûts qui déterminent tant les décisions de prix de l’entreprise dominante que celles de ses rivaux. S’il était vrai que, comme le soutient la requérante, dans les secteurs « à forte intensité de R&D » les entreprises peuvent établir les prix optimaux à des niveaux qui ne permettent pas le recoupement de tous les coûts de R&D qui pourraient être associés à un certain produit, alors la rentabilité de leurs activités serait sérieusement remise en question. En revanche, ces coûts jouent un rôle important dans la stratégie de définition des prix, s’agissant surtout de marchés caractérisés par la présence d’une succession rapide de produits, les produits relativement anciens étant rapidement remplacés par des produits plus innovants, dans des laps de temps relativement brefs. Le fait qu’une activité de R&D puisse bénéficier des résultats précédents ou faciliter des développements ou découvertes futurs ne signifie pas que ces investissements ne pourraient pas être pris en considération, mais a plutôt pour conséquence qu’il convient de répartir avec soin les coûts entre les différents produits.

443 À la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter les griefs de la requérante contestant le caractère approprié des LRAIC en tant que coût de référence. En effet, si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière de politique de concurrence, qui fait l’objet d’un contrôle approfondi tant de droit que de fait de la part du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C 382/12 P, EU:C:2014:2201, point 156), il n’en demeure pas moins que les éléments apportés par la requérante ne permettent pas de considérer que, en choisissant de ne pas utiliser les AVC ou les AAC comme coût de référence, la Commission a commis une erreur.

444 À la lumière de l’ensemble de ce qui précède, il convient d’écarter la deuxième branche du septième moyen.

 Sur la troisième branche, tirée de ce que les LRAIC calculés par la Commission ne correspondraient pas aux « véritables » LRAIC

445 À l’appui de la troisième branche, la requérante invoque huit griefs.

446 En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur dans la définition des LRAIC, en ce que celle-ci n’a pas tenu compte du fait que, en présence de retombées d’une puce à l’autre, les coûts susceptibles d’une telle qualification ne pouvaient pas, par leur nature non-spécifique, être associés à une puce particulière et ne pouvaient donc tout simplement pas entrer dans le calcul des LRAIC.

447 En deuxième lieu, la requérante critique une incohérence entre les justifications données par la Commission s’agissant de ses calculs dans la CGC et celles données s’agissant de ses calculs dans la décision attaquée. Selon la requérante, dans la CGC, la Commission invoque la nécessité de résoudre des « distorsions provoquées par le système de comptabilisation » identifiées dans la réponse à la CG, tandis que, dans la décision attaquée, elle invoque plutôt la nécessité d’aborder les critiques soulevées. En particulier, la requérante critique le fait que la reconstruction de la mesure des AVC par la Commission dans cette décision est d’une complexité excessive et le fait que la Commission n’a pas adopté le paramètre des coûts unitaires moyens (AUC) dans ses calculs, contrairement à la méthode qu’elle avait défendu dans ses réponses à la CG et à la CGC.

448 En troisième lieu, la requérante soutient que la [confidentiel] est inadaptée pour identifier ses coûts incrémentaux de R&D, en ce que ladite [confidentiel] est uniquement utilisée à des fins de gestion interne et de comptabilité, et non conçue ou adaptée aux fins de l’analyse de la Commission.

449 En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir traité certains coûts enregistrés dans la [confidentiel], à savoir les coûts relevant des catégories [confidentiel] et [confidentiel], comme des coûts « incrémentaux », alors qu’ils ne l’étaient pas, puisqu’ils avaient été associés à une puce déterminée uniquement en raison d’imputations [confidentiel], et non au motif qu’ils étaient spécifiquement liés à cette puce.

450 À cet égard, la requérante avance, premièrement, qu’une distinction est à faire entre les coûts imputés directement à une puce et ceux imputés ex post par une affectation, c’est-à-dire non au motif qu’ils ont été considérés comme étant spécifiquement liés à cette puce donnée, mais uniquement en raison d’un simple mécanisme d’affectation interne. Selon la requérante, les employés de QCT [confidentiel].

451 Ainsi, les coûts liés au matériel qui ne seraient pas directement imputés à une puce, c’est-à-dire les [confidentiel] dans la catégorie [confidentiel], les [confidentiel].

452 De même, les coûts liés aux logiciels résulteraient, à partir de septembre 2009, [confidentiel].

453 Compte tenu de la nature spécifique de la R&D dans le secteur des semi conducteurs, même les coûts comptabilisés dans la [confidentiel] directement au titre d’une puce pourraient, en réalité, ne pas être tout à fait spécifiques à cette puce. En tout état de cause, si la Commission avait considéré comme étant « incrémentaux » ou « spécifiques à un produit » les seuls coûts de R&D directement attribués à une puce, elle n’aurait pas pu constater de prédation.

454 En pratique, la Commission ne donnerait aucune justification solide quant à la qualification d’« incrémentaux » des coûts relevant des catégories [confidentiel] et [confidentiel] et se limiterait à s’appuyer, d’un côté, sur l’utilisation du mot anglais « incremental » dans un seul document de Qualcomm en sa possession, à savoir le [confidentiel], et, de l’autre, sur les explications données par cette dernière au cours de la procédure administrative, ce qui démontrerait qu’elle n’a effectué aucune évaluation indépendante.

455 Deuxièmement, s’agissant du [confidentiel] utilisé par la Commission pour identifier la catégorie des coûts incrémentaux parmi les catégories de coûts supportés par la requérante, cette dernière fait valoir que ce document concernait une puce spécifique, la [confidentiel], non visée par l’enquête, qui n’était pas développée en même temps que les puces visées par cette l’enquête et qui n’était, au contraire de celles-ci, pas un modem « slim ». En revanche, plusieurs documents en possession de la Commission, y compris ceux concernant les puces visées par l’enquête, ne feraient aucune référence aux coûts incrémentaux.

456 En outre, le [confidentiel], daté d’avril 2011, serait postérieur aux principales décisions d’investissement en R&D prises s’agissant des puces visées.

457 De plus, au considérant 847 de la décision attaquée, la Commission méconnaîtrait et interpréterait mal le [confidentiel], à l’endroit où il contient une référence aux coûts de R&D qualifiés d’« incrémentaux ». Selon la requérante, la Commission aurait également dû tenir compte de la référence, dans le même document, à la notion de « marge de portefeuille incrémentale », ce qui aurait permis une meilleure compréhension du mot anglais « incremental ». De même, la requérante prétend n’avoir jamais déclaré que, comme le stipule la Commission au considérant 848 de la décision attaquée, l’expression [confidentiel] est d’application plus générale au sein de Qualcomm que dans ce document.

458 Troisièmement, la requérante fait valoir qu’elle a, à plusieurs reprises, expliqué que plus de [confidentiel] des [confidentiel] USD erronément comptabilisés dans les coûts [confidentiel] et [confidentiel] et que la Commission considérait comme étant « incrémentaux » pour les puces MDM8200 et MDM8200A sont en réalité liés au développement de [confidentiel], qui ne serait nullement spécifique à une puce. À cet égard, [confidentiel], indiquerait que [confidentiel], ce qui démontrerait que ces [confidentiel] USD ne seraient pas spécifiques à une puce déterminée.

459 En outre, selon la requérante, les justifications données dans la décision attaquée pour rejeter ses arguments à ce sujet ne seraient pas plausibles.

460 En cinquième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur en ne tenant pas compte des recettes engendrées par Qualcomm dans le cadre de l’activité de licence de brevets. En substance, elle estime que la Commission aurait dû exclure les coûts de R&D associés aux puces visées dans la mesure où ces coûts résultaient de l’obtention de brevets que Qualcomm avait inclus dans son portefeuille de brevets concédés sous licence et qui ne pouvaient donc pas être considérés comme étant spécifiques aux puces visées. Selon la requérante, la Commission a considéré à tort, d’une part, [confidentiel] et, d’autre part, que les recettes incrémentales engendrées par ces licences ne seraient pas susceptibles d’avoir la moindre influence mesurable sur les recettes engendrées par ladite activité.

461 La requérante fait observer que la Commission a pourtant elle-même affirmé, à la note en bas de page 1238 de la décision attaquée, que [confidentiel]. Elle ajoute que la question de savoir si les recettes engendrées par l’activité de licence de brevets sont susceptibles d’avoir un impact plus ou moins mesurable sur les recettes engendrées par l’activité de licence de technologies n’est pas la bonne question à poser. Selon elle, il s’agit plutôt de vérifier si la R&D en question est vraiment « incrémentale » au regard des trois puces visées et si elle donne lieu à des brevets qui sont ensuite déposés, avec pour conséquence que cette R&D n’est pas spécifique à ces puces.

462 Selon la requérante, il ne serait pas non plus possible de relier directement les puces visées et les brevets sur les logiciels, dans la mesure où les coûts liés à ces derniers ne sont pas directement associés à une puce spécifique.

463 En sixième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée s’appuie sur un extrait de la [confidentiel] qui ne lie aucun des coûts qui y figurent à des clients spécifiques. Toutefois, la Commission estimerait que les coûts de R&D liés au développement des puces visées étaient des coûts « incrémentaux » pour Huawei et ZTE. Selon la requérante, une analyse prix-coûts visant seulement Huawei et ZTE devrait pourtant exclure tout coût de R&D, ce qui militerait ultérieurement en faveur de l’utilisation des AVC ou des AAC.

464 En particulier, premièrement, selon la requérante, le fait que les ventes à des clients autres que ZTE et Huawei n’ont pas justifié le développement des puces en cause ne signifierait pas que les ventes à Huawei et à ZTE auraient été suffisantes pour justifier le développement de ces puces. Deuxièmement, la Commission elle-même aurait admis, aux considérants 131, 132 et 354 de la décision attaquée, que la puce MDM8200 avait été développée en collaboration avec des opérateurs autres que ZTE et Huawei. Troisièmement, les données concernant les ventes de la puce MDM8200A à ZTE et à Huawei, telles que reproduites au considérant 980 et dans le tableau 58 de ladite décision, n’étayeraient guère l’affirmation selon laquelle la R&D associée à cette puce devait être considérée comme étant spécifique à ces deux clientes. Quatrièmement, les documents mentionnés par la Commission à la note en bas de page 1277 de cette même décision ne soutiendraient en aucun cas la thèse de la Commission. Cinquièmement, Qualcomm [confidentiel].

465 En septième lieu, la requérante critique des manipulations post hoc réalisées par la Commission en réaffectant les coûts enregistrés dans la [confidentiel] à différentes puces, notamment en réaffectant les coûts de la puce MDM8200 à la puce MDM8200A, ce qui ferait passer les LRAIC pour la puce MDM8200A de [confidentiel] à [confidentiel] USD ; en l’absence d’une telle manipulation, les prix ne seraient pas inférieurs aux coûts en ce qui concerne cette dernière puce. En substance, premièrement, la requérante fait valoir qu’il n’est pas contesté que la décision de Qualcomm de développer ladite puce serait postérieure à, et indépendante de, sa décision de développer la puce MDM8200 et que ces deux puces ne formaient pas un projet commun, ainsi que cela ressortirait du tableau reproduit au considérant 880, sous a) de la décision attaquée.

466 Deuxièmement, la requérante affirme avoir développé de nombreuses puces après la puce MDM8200 et la puce MDM8200A, qui auraient également été compatibles avec la technologie HSPA+ et avec des technologies plus avancées. Qui plus est, rien ne rendrait la relation entre la puce MDM8200 et la puce MDM8200A « unique » : l’existence d’une relation technique étroite entre deux puces n’aurait rien d’unique ni même d’inhabituel.

467 Troisièmement, s’il est vrai que, jusqu’à un certain moment, entre 2013 et 2015, [confidentiel], cela ne serait dû qu’à une simple erreur d’écriture qui n’aurait, à l’époque, pas été particulièrement problématique. La décision attaquée serait en outre incohérente en ce qui concerne le traitement, d’une part, des puces MDM8200 et MDM8200A et, d’autre part, de la puce MDM6200, qui est aussi une puce prétendument « de pointe » étroitement liée à d’autres puces de Qualcomm, en particulier à la puce QSC6295, développée précédemment.

468 Quatrièmement, la Commission n’aurait fait aucun effort visant à enquêter sur la technologie et les activités de R&D en question ni à rattacher ses manipulations à des entrées ou à des catégories de coûts spécifiques dans la [confidentiel].

469 En huitième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir erronément réparti les coûts « incrémentaux » sur la base des recettes, plutôt que sur celle des volumes de vente.

470 La méthode en cause ne trouverait, tout d’abord, aucun fondement pertinent dans la littérature juridique ou économique. Elle conduirait en outre à attribuer des coûts supplémentaires aux ventes en vertu du simple fait que les prix au cours d’une période donnée sont relativement élevés, ce qui favoriserait fortement le constat de prix prédateurs là où il n’y en a pas. Enfin, un véritable test d’éviction consisterait à vérifier que l’entreprise augmente ses prix par la suite (ce que la requérante n’aurait pas fait), ce qui, selon ladite méthode, signifierait que des coûts de R&D moindres sont imputés aux ventes prétendument prédatrices du fait qu’ils sont plutôt transférés sur la période de récupération. Cela n’aurait aucun sens sur le plan économique et ne serait pas compatible avec la notion de « récupération ».

471 La Commission commettrait également une erreur en définissant la méthode en cause comme une « estimation de l’évolution du prix d’une puce », négligeant ainsi de considérer que les LRAIC sont une mesure des coûts, et non du prix.

472 En outre, la requérante estime que la méthode en cause poursuit aussi un « objectif mouvant », en vertu duquel, si elle avait augmenté ses prix pour éviter la prétendue prédation, cela aurait en même temps engendré une augmentation de ses recettes, ce qui aurait entraîné une affectation des coûts de R&D plus élevée à chaque trimestre, avec le résultat qu’elle aurait toujours été coupable de prédation. La requérante critique également les « résultats imprévisibles et paradoxaux » auxquels aboutirait la méthode adaptée par la Commission. La requérante ajoute que l’adoption d’une répartition fondée sur le volume n’aurait pratiquement abouti à aucune tarification inférieure aux coûts.

473 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

474 En ce qui concerne le premier grief, tiré d’une erreur dans la définition des LRAIC, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a reconnu que des retombées étaient susceptibles d’exister dans l’industrie des puces au fur et à mesure que les produits s’amélioraient. Toutefois, cela n’empêche pas que la requérante a supporté des coûts spécifiquement pour le développement d’une puce particulière et qu’elle n’aurait pu lancer cette puce sur le marché sans supporter ces coûts. Il s’ensuit que, même s’il y a des retombées, la Commission n’a pas commis d’erreur en choisissant de tenir compte des coûts de développement incrémentaux liés spécifiquement au produit en cause.

475 De plus, en fondant la mesure des coûts sur la [confidentiel], la Commission, comme cela ressort du considérant 835 de la décision attaquée, a uniquement tenu compte des coûts que la requérante avait directement ou indirectement comptabilisés pour le développement des puces visées. Lorsqu’il existait des preuves spécifiques de retombées, la Commission en a tenu compte, comme cela ressort, en ce qui concerne des retombés de coûts de R&D entre les puces MDM8200 et MDM8200A, du point 12.6.3.2 de ladite décision.

476 En ce qui concerne les éventuelles retombées de façon plus générale, en l’absence d’informations qui auraient permis à la Commission de quantifier ces retombées, ainsi que la Commission l’a estimé au considérant 783 de la décision attaquée, l’approche la plus raisonnable était de supposer que les retombées dont a bénéficié une puce particulière étaient approximativement équilibrées par les retombées produites par cette puce particulière sur d’autres puces. En conséquence, les coûts de développement supportés pour cette puce n’ont pas été écartés du fait des retombées qu’elle a probablement entraînées.

477 Partant le présent grief doit être écarté.

478 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré d’une incohérence entre les justifications données par la Commission s’agissant de ses calculs dans la CGC et celles données s’agissant de ses calculs dans la décision attaquée, il suffit de constater que ce grief, même s’il était fondé, ne saurait nullement entraîner l’illégalité de la méthode en cause. Partant, il convient de l’écarter comme étant inopérant.

479 En ce qui concerne le troisième grief, tiré du caractère inadapté de la [confidentiel] pour identifier les coûts incrémentaux de R&D, il convient de rappeler que, dans cette base de données, la requérante enregistre les coûts, puce par puce, et ce à des fins de gestion interne et de comptabilité. Or, compte tenu de cette affectation par puce des coûts et du fait que cette base de données est utilisée en interne par Qualcomm, cette dernière ne parvient pas à expliquer pour quelle raison elle devrait être considérée comme étant inappropriée pour la reconstruction des coûts par la Commission. De plus, comme cela est indiqué au considérant 845 de la décision attaquée, la requérante elle-même, pour répondre aux demandes de renseignements relatives à la quantification des coûts, a extrait des informations de ladite base de données.

480 En outre, en ce qui concerne l’affirmation de Qualcomm selon laquelle l’ensemble de données figurant dans la [confidentiel] ne serait pas conçu pour calculer les LRAIC aux fins du droit de la concurrence, il suffit de noter que cette circonstance n’empêche pas que la Commission puisse se fonder sur une telle base de données dans la mesure où celle-ci contient des informations pertinentes pour son enquête.

481 Enfin, à supposer même que la Commission ait initialement décidé de ne pas utiliser la [confidentiel] dans la CG et n’ait pas fourni d’explication quant à son changement d’avis à cet égard dans la CGC, il suffit de relever que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 367 ci-dessus, la requérante ne saurait se prévaloir à bon droit du fait que la Commission n’aurait pas répondu spécifiquement dans la décision attaquée à toutes les observations de fait ou de droit qu’elle a soulevées au cours de la procédure administrative. Il en découle que le présent grief doit être écarté.

482 En ce qui concerne le quatrième grief, tiré d’une erreur dans le traitement de certains coûts enregistrés dans la [confidentiel] en tant que coûts « incrémentaux », il convient, tout d’abord, de rappeler que la décision attaquée présente, à son point 12.6.3.1, une explication de la mesure de la partie fixe des coûts de R&D encourus par Qualcomm pour la production de chaque puce qui a été prise en considération pour le calcul des LRAIC. Le considérant 835 de ladite décision énumère en effet les différentes catégories de coûts de R&D qui, dans ladite base de données, sont attribuées à chaque puce, ou bien directement, par rapport au développement d’un produit spécifique, ou bien « ex post ».

483 Par ailleurs, comme cela a été exposé au point 411 ci dessus, la décision attaquée précise, à ses considérants 836 et 837, que, dans le choix des éléments à inclure dans l’analyse des coûts en tant que coûts « incrémentaux », la Commission a été guidée par l’utilisation du mot anglais « incremental » dans le [confidentiel], au sujet duquel elle a demandé à Qualcomm, à la question 8.3 de la demande d’informations par décision du 30 janvier 2017, de fournir pour les puces en cause les mêmes informations sur la R&D incrémentale que celles fournies pour la [confidentiel]. Les informations fournies en réponse sont reproduites à l’annexe A.15.1 de la requête.

484 Enfin, la Commission a reconstruit les coûts incrémentaux en additionnant les coûts [confidentiel] et les coûts [confidentiel], à savoir tous les composants des coûts figurant dans la banque de données reproduite à l’annexe A.15.1 de la requête, à l’exclusion de ceux qui étaient enregistrés en tant que coûts [confidentiel], puisque ces derniers coûts, bien que reproduits dans ladite banque de données, avaient été soustraits par Qualcomm du total des coûts « Incremental (i.e. suivant la même [méthode] du [confidentiel]) » dans cette même banque de données.

485 Il y a lieu de considérer, à cet égard, que les éléments qui sont inclus dans l’extrait de la base de données qui fait l’objet des critiques de la requérante sont résumés au considérant 835 de la décision attaquée et ont été identifiés par la Commission sur la base des informations fournies par Qualcomm.

486 En effet, la requérante, en premier lieu, dans sa réponse à la demande d’informations du 10 juillet 2013, datée du décembre 2013, et, en particulier, dans sa réponse à la question 19 portant sur les principales étapes du développement des premières puces MDM et sur les coûts qui y sont associés, en deuxième lieu, dans sa réponse aux questions 8 et 9 de la demande d’informations du 13 octobre 2014 (annexe A.4.8.b de la requête), aux points 38 et suivants, et, en troisième lieu, dans sa réponse à la question 8.3 de la demande d’informations par décision du 30 janvier 2017 (annexe A.4.10.b de la requête), a fourni toujours les mêmes éléments, qu’il s’agisse ou non de les classer selon [confidentiel].

487 En d’autres termes, dans les réponses de la requérante, les différentes catégories de coûts sont identifiées et attribuées à une puce donnée d’une manière régulière et, en l’absence d’incohérences entre les tableaux reproduits dans les différentes réponses (sauf en ce qui concerne les coûts [confidentiel]), ces catégories peuvent donc être considérées comme étant des coûts « incrémentaux » à une telle puce. En effet, la seule différence entre la prise en compte ou non de la méthode résulte dans l’inclusion ou non de ce dernier élément de coût, que la Commission a, en tout état de cause, exclu de ses calculs.

488 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, pour qu’un certain coût puisse entrer dans le calcul des LRAIC, la simple utilisation ou non du mot anglais « incremental » à son égard dans le [confidentiel] ne peut pas constituer le critère décisif. En revanche, c’est plutôt la nature intrinsèque du coût lui-même (à savoir s’il ressort de l’une des catégories de coûts généralement considérés comme étant des coûts incrémentaux) ainsi que la méthode de classification suivie par la requérante elle-même dans ses réponses qui doivent être prises en considération.

489 Par conséquent, il y a lieu de constater que, sur la base des réponses et des explications fournies par la requérante au cours de la procédure administrative, la décision attaquée reconstruit de manière correcte les éléments à prendre en compte pour le calcul des LRAIC. Par ailleurs, il convient de noter que, dans sa réponse à la question 19 de la demande d’informations du 10 juillet 2013 (la première pertinente à cet égard, datant de décembre 2013) (annexe A.4.3 de la requête), la requérante n’avait fait aucune référence à l’affectation des coûts ou au fait que, en pratique, certains de ces coûts ne seraient pas attribuables à des puces spécifiques.

490 De plus, s’agissant des coûts de développement des logiciels, la requérante a, en substance, indiqué, aux points 90 et 92 de la réponse à la question 19 de la demande d’informations du 10 juillet 2013 (annexe A.4.3 de la requête), que la vie d’un logiciel était étroitement liée à celle d’une puce donnée et que les coûts qui y étaient afférents suivaient la vie commerciale de cette puce, corroborant ainsi la conclusion figurant au considérant 860 de la décision attaquée, selon laquelle cette partie de la [confidentiel] constitue une base solide pour déterminer les coûts de R&D liés au développement d’un logiciel à attribuer à une puce spécifique. Cela n’exclut pas, d’ailleurs, qu’une partie d’un logiciel puisse ensuite être utilisée pour des puces ultérieures.

491 En outre, il convient de noter que la réserve de la requérante concernant l’affectation des coûts a été formulée de manière relativement imprécise au cours de la procédure administrative et dans la requête.

492 Ce manque de précision dans l’identification des catégories de coûts qui ne seraient pas incrémentaux sape la crédibilité des arguments de la requérante, d’autant plus que, si son raisonnement devait être suivi, quasi plus aucun coût de R&D ne pourrait être attribué à une puce spécifique.

493 S’agissant de la valeur probante des éléments utilisés par la Commission, il y a lieu de rappeler que la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (arrêts du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, points 1053 et 1838, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T 112/07, EU:T:2011:342, point 70).

494 En l’espèce, la Commission s’est appuyée, dans sa reconstruction des prix, sur les tableaux et les réponses fournis par la requérante elle-même, y compris des chiffres extraits de la [confidentiel] et, en outre, elle n’a fait qu’appliquer des critères de classification déjà utilisés par cette dernière. Étant donné que ces données proviennent de la requérante elle-même, elles doivent être considérées comme étant suffisamment crédibles pour étayer la reconstruction des prix effectuée par la Commission.

495 Dans ce contexte, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer une circonstance qui pourrait affecter la valeur probante de ces éléments de preuve. Au contraire, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, le fait que cette circonstance remet en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C 99/17 P, EU:C:2018:773, points 65 à 67).

496 Or, dans la présente affaire, la requérante ne fait que réitérer les arguments soumis pendant la procédure administrative, à partir de sa réponse à la demande d’informations du 13 octobre 2014, en insistant sur le fait que les données fournies ne seraient pas utilisables aux fins d’une analyse antitrust, sans ajouter au soutien de sa thèse aucun document démontrant qu’une autre méthode de classification aurait été plus adaptée que celle retenue par la Commission. En l’absence d’une telle preuve, il convient de conclure que, dans le cas d’une comptabilisation tant directe qu’indirecte, les coûts que la requérante elle-même a identifiés en réponse à la question de la Commission sont en principe à considérer comme étant incrémentaux en ce qui concerne chacune des puces en cause.

497 Par ailleurs, à l’instar de la Commission, il y a lieu de souligner que le choix d’une méthode spécifique de comptabilisation (directe ou indirecte, à savoir par affectation) de la part de l’entreprise dominante pourrait conditionner l’analyse de ses coûts. En effet, même si, effectivement, un certain élément de coût résultait d’une affectation, cela ne pourrait pas, en soi, faire obstacle à son inclusion dans le calcul des LRAIC. Si tel était le cas, une entreprise dominante pourrait toujours échapper à toute analyse prix-coûts en invoquant l’impossibilité de reconduire les affectations à des coûts spécifiques. En outre, dans la présente affaire, les affectations reflètent les appréciations faites par la requérante elle même des coûts qu’il convient de relier à une puce spécifique.

498 S’agissant des [confidentiel] USD de coûts de R&D, comptabilisés pour la puce MDM8200, mais qui se rapporteraient en réalité au [confidentiel], il y a lieu de noter que la requérante a soulevé cet aspect pour la première fois dans la réponse à la CGC. Auparavant, la Commission n’avait aucune raison de remettre en question l’exactitude des données reçues, d’autant plus que l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 impose aux entreprises concernées l’obligation de fournir des renseignements complets, exacts et non dénaturés.

499 En effet, le fait que ces coûts avaient été comptabilisés par rapport à la puce MDM8200 ressort clairement de la [confidentiel] et des réponses provenant de la requérante, qui sont à considérer comme des éléments de preuve particulièrement fiables en ce qu’elles vont à l’encontre des intérêts du déclarant (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T 110/07, EU:T:2011:68, points 54 et 75). Face à ces éléments, la seule preuve apportée par la requérante est un document du 9 juillet 2009 intitulé [confidentiel] (annexe A.18.1 de la requête), qui contient une note en bas de page 20 visant l’exclusion de la somme de [confidentiel] USD, car correspondant au [confidentiel]. Il y a lieu de noter, à cet égard, que ce document, comme cela a été remarqué par la Commission au considérant 851 de la décision attaquée, présente un tableau de comparaison des coûts de R&D relatifs à la puce MDM8200 par rapport à ceux relatifs à la puce MDM8200A, considérée comme étant non concurrentielle par les coûts (« not cost competitive »). Or, tout ce que ce tableau semble démontrer, c’est que, aux fins de la comparaison des coûts des deux puces dans la présentation, ledit montant pour le [confidentiel] n’est pas pris en considération, mais pas que, dans le calcul des coûts relatifs à la puce MDM8200, ces coûts spécifiques n’ont pas, ou n’auraient pas dû, être pris en compte. Pour le reste, les arguments de la requérante ne sont étayés par aucun document et, en eux-mêmes, ne sont pas en mesure de pouvoir remettre en question les éléments précédemment fournis par la requérante elle-même. Dans ces conditions, il convient de les écarter. Il en découle que le présent grief doit être écarté.

500 En ce qui concerne le cinquième grief, tiré d’une erreur relative à l’absence de prise en considération des recettes produites par Qualcomm dans le cadre de l’activité de licence de brevets, il convient de relever que, à supposer même que la requérante ait changé sa politique d’octroi de licences, cela ne signifie pas qu’elle ne donnait pas de licence portant sur l’ensemble de son portefeuille de brevets pendant la période pertinente. En tout état de cause, ainsi que cela ressort de la note en bas de page 1238 de la décision attaquée, la requérante ne remet pas en question le fait que [confidentiel].

501 De plus, il convient de remarquer que, d’une part, la requérante soutient avoir identifié approximativement [confidentiel] brevets et demandes de brevet parmi lesquels « beaucoup » seraient « susceptibles » d’avoir été engendrés « en tout ou en partie » par des travaux que la Commission considère comme étant spécifiques aux puces en cause. D’autre part, la requérante n’identifie pas ces brevets et demandes de brevets et ne quantifie pas non plus les recettes ainsi produites. En revanche, elle se limite à prétendre que, surtout en ce qui concerne les brevets liés aux logiciels, il est impossible d’identifier ceux qui sont liés aux puces en question. Dans ces conditions, les arguments de la requérante ne sont pas suffisants pour remettre en cause les conclusions de la Commission à cet égard. Il en découle que le présent grief doit être écarté.

502 En ce qui concerne le sixième grief, tiré, en substance, d’erreurs relatives à la prise en considération des coûts de R&D liés au développement des puces de Qualcomm, il y a lieu de considérer, ainsi que cela ressort clairement de la décision attaquée, notamment de son considérant 862 et, plus généralement, de son point 12.6.3, que les ventes à Huawei et à ZTE étaient fondamentales pour la récupération des coûts de R&D.

503 De plus, comme cela est indiqué au considérant 888 de la décision attaquée, il était approprié d’inclure les coûts incrémentaux liés à la R&D dans la mesure de coût pour évaluer si les ventes à Huawei et à ZTE avaient été effectuées à des prix inférieurs au coût, parce que les prévisions de ventes à Huawei et à ZTE représentaient une part importante de la demande escomptée qui justifiait le développement de ces puces en premier lieu. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, alors que les prévisions de ventes des unités des puces MDM8200, MDM6200 et MDM8200A à d’autres clients ont également contribué à la récupération des coûts de développement marginaux, ces ventes étaient d’un ordre de grandeur qui n’aurait pas justifié le développement de ces produits. Cette conclusion est également corroborée par les documents mentionnés à la note en bas de page 1277 de ladite décision.

504 Partant, le présent grief doit être écarté.

505 En ce qui concerne le septième grief, tiré de manipulations post hoc réalisées par la Commission en réaffectant les coûts enregistrés dans la [confidentiel] à différentes puces, il convient de constater que la requérante elle-même a reconnu que, jusqu’en décembre 2013, les coûts liés aux logiciels utilisés pour des puces MDM8200 et MDM8200A, tels qu’enregistrés dans ladite [confidentiel], n’étaient pas distingués selon qu’ils se rapportaient à l’une ou l’autre de ces deux puces (note en bas de page 78 de la réponse à la demande d’informations du 13 octobre 2014).

506 Il y a lieu de noter également que, dans le tableau extrait de la [confidentiel], figurant dans l’annexe A.15.1 à la requête, bien que le développement de la puce MDM8200A ait débuté en avril 2009, aucun coût n’y est associé avant le dernier trimestre de l’année 2009 et que, même à partir de ce moment, les coûts associés à cette puce demeurent bas par rapport à ceux de la puce MDM8200 et de la puce MDM6200. Cette circonstance, compte tenu de la similarité technique des deux puces et de leur commercialisation commune, corrobore les arguments de la Commission figurant au considérant 880 de la décision attaquée, démontrant l’existence d’une relation unique entre la puce MDM8200 et la puce MDM8200A, incomparable avec celle qui aurait pu exister entre la puce MDM8200 et n’importe quelle autre puce prenant en charge la technologie HSPA+.

507 L’intervenante observe également, à juste titre, que la décision attaquée contient une « analyse de rentabilité à vie » dans le cadre de laquelle est examinée la rentabilité de toutes les ventes de la puce MDM8200 et de la puce MDM8200A, pendant toute leur durée de vie et concernant tous les clients, et qu’il ressort de cette analyse que les revenus à vie de ces deux puces ont été insuffisants pour couvrir leurs coûts de R&D de fabrication et de développement. Par conséquent, la tarification de Qualcomm relative à ces deux puces n’aurait en aucun cas permis à un fournisseur aussi efficace de couvrir ses coûts pour une puce concurrente.

508 Dans ces conditions, le présent grief doit être écarté.

509 En ce qui concerne le huitième grief, tiré d’une répartition incorrecte des coûts « incrémentaux » sur la base des recettes, plutôt que des volumes de vente, premièrement, il convient de relever que, si la Commission ne cite qu’une source en faveur de la méthode adoptée, à savoir les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, à la note en bas de page 1293 de la décision attaquée, la requérante ne se réfère, quant à elle, à aucune étude ni aucun principe au soutien de la méthode de substitution qu’elle propose. Par ailleurs, pour autant que, par son argument selon lequel la méthode adoptée par la Commission favorise fortement le constat de prix prédateurs là où il n’y en a pas, la requérante allègue que ladite méthode conduit à identifier artificiellement des prix d’éviction, elle n’apporte aucun élément de nature à étayer son allégation.

510 Deuxièmement, il suffit de constater, à l’instar de la Commission, que l’argument de la requérante selon lequel la méthode adoptée par la Commission aboutirait à ce que des coûts de R&D moindres soient imputés aux ventes prétendument prédatrices du fait qu’ils seraient plutôt transférés sur la période de récupération ne rend pas, pour autant, inappropriée ladite méthode. En effet, il convient de noter que la méthode adoptée par la Commission a pour conséquence que l’attribution de ces coûts est faite en fonction de la circonstance selon laquelle les prix au cours d’une période donnée, en particulier la première période de commercialisation des puces, sont relativement élevés, et donc les recettes sont également élevées. La méthode proposée par la requérante, en revanche, a pour conséquence une affectation des coûts uniforme, au prorata, de sorte que chaque unité (quel que soit le moment où elle est vendue pendant le cycle de vie de la puce) doit récupérer le même montant de coûts. Ainsi que l’indique à juste titre la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, compte tenu de l’évolution des prix des puces, une telle approche n’était pas appropriée en l’espèce, car elle aurait entraîné le transfert d’une partie importante des coûts de développement vers la fin du cycle de vie des produits, où les prix et les marges ont tendance à être faibles, produisant ainsi un grand nombre de faux positifs dans le critère prix-coûts.

511 Troisièmement, s’agissant de l’utilisation par la Commission de l’expression « proxy for the price evolution of a chipset » pour définir la méthode adoptée, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait ainsi négligé de considérer que les LRAIC étaient une mesure des coûts, et non du prix, ne saurait prospérer, dans la mesure où ladite expression fait simplement référence au fait que ladite méthode cherche à tenir compte du profil des prix dans le temps, de sorte que les périodes au cours desquelles les puces sont supposées engendrer des recettes plus élevées supportent également une plus grande part des coûts.

512 Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la méthode adoptée par la Commission constitue un « objectif mouvant », il convient de relever que, comme il est indiqué au considérant 935 de la décision attaquée, la méthode proposée par la requérante partage la même défaillance en ce que, chaque fois que les prix augmentent dans certains ou dans la totalité des trimestres du cycle de vie du produit, les volumes vendus de ce produit chutent, de sorte que chaque unité vendue doit supporter une plus grande part du coût de développement fixe du produit. Ainsi, des prix plus élevés peuvent encore ne pas être suffisamment élevés pour dépasser le coût de référence obtenu au moyen d’une affectation des coûts de développement fondée sur le volume.

513 Cinquièmement, l’argument de la requérante selon lequel l’adoption d’une répartition fondée sur le volume n’aboutirait pratiquement à aucune tarification inférieure aux coûts n’est pas fondé. En effet, ainsi que le souligne la Commission, le tableau 13 figurant dans l’annexe A.2.4.5 de la requête montre que tel serait le cas pour les puces MDM8200A, mais pas pour les puces MDM8200 ni pour les puces MDM6200. En effet, les ventes prédatrices de puces MDM6200 par Qualcomm à ZTE présentaient un prix si faible, inférieur aux AVC, qu’une simple répartition des coûts sur la base d’un volume plutôt que sur la base des recettes ne changerait rien au fait que Qualcomm appliquait toujours des prix inférieurs aux coûts (considérant 891 de la décision attaquée). Il en va de même pour les puces MDM8200. La répartition des coûts en fonction du volume plutôt que des recettes n’apporte pas de résultats sensiblement différents pour Qualcomm. Le présent grief doit, partant, être écarté.

514 À la lumière de l’ensemble de ce qui précède, il convient d’écarter la troisième branche du septième moyen. Par conséquent, puisque les autres branches de ce moyen ont également été écartées (voir points 424 et 444 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation » et de droit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle les prix pratiqués par la requérante ont évincé Icera et causé un préjudice aux consommateurs

515 Le présent moyen repose sur quatre branches. La première est tirée de l’absence d’analyse par la Commission du concurrent dit « aussi efficace ». La deuxième est tirée d’une contradiction entre le constat de verrouillage énoncé dans la décision attaquée et les résultats réels d’Icera pendant la période pertinente. La troisième est tirée de l’absence de preuve d’une prétendue prédation financière, eu égard au fait que, pendant ladite période, Icera a levé des fonds supplémentaires, a été acquise par NVidia et est restée active sur le marché. La quatrième est tirée de l’impossibilité pour la requérante d’éliminer la concurrence exercée par la technologie d’Icera.

516 Étant donné que les deuxième, troisième et quatrième branches concernent toutes les trois, en substance, une prétendue absence d’effets du comportement incriminé, elles seront examinées ensemble.

 Sur la première branche tirée de l’absence d’analyse par la Commission du concurrent dit « aussi efficace »

517 Selon la requérante, la Commission n’a pas procédé à une analyse du concurrent dit « aussi efficace » tant sur le marché pertinent que sur le segment de pointe de ce marché et n’a, de ce fait, pas respecté la norme juridique applicable, ainsi que cela ressort des arguments développés à l’appui du troisième moyen. Ce faisant, la Commission n’aurait par ailleurs pas examiné si le taux de couverture du marché par le comportement incriminé était d’une ampleur suffisante pour pouvoir produire des effets anticoncurrentiels, comme l’a prescrit la Cour dans l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C 413/14 P, EU:C:2017:632).

518 La requérante estime par ailleurs qu’Icera n’était en tout cas pas un concurrent « aussi efficace », puisque, n’étant pas compétitive en dehors du segment de pointe du marché des puces UMTS, celle-ci n’aurait pas été capable de satisfaire une part importante de la demande sur le marché concerné. Selon elle, un concurrent « aussi efficace » devrait, à tout le moins, être à même de reproduire l’ensemble de l’offre de l’entreprise dominante.

519 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

520 Selon la jurisprudence en matière de prix prédateurs, des prix inférieurs aux AVC doivent être considérés comme étant abusifs, étant donné qu’une entreprise dominante n’a aucun intérêt à pratiquer de tels prix, si ce n’est celui d’éliminer ses concurrents. Par ailleurs, des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC doivent être considérés comme étant abusifs lorsqu’ils sont fixés dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent, étant donné que de tels prix peuvent écarter du marché des entreprises qui sont peut-être aussi efficaces que l’entreprise dominante mais qui, en raison de leur capacité financière moindre, sont incapables de résister à la concurrence qui leur est faite (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 70 à 72).

521 Il en découle, d’une part, qu’il existe une présomption d’abus lorsqu’une entreprise en position dominante applique des prix inférieurs aux AVC, sans qu’il soit nécessaire pour la Commission d’effectuer d’autre analyse qu’une telle comparaison des prix appliqués par l’entreprise dominante et de certains de ses coûts. D’autre part, lorsqu’une entreprise en position dominante applique des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC, la Commission est tenue, aux fins de démontrer l’existence d’un abus, d’effectuer une comparaison des prix appliqués par l’entreprise dominante et de certains de ses coûts et de prouver l’existence d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent, étant donné que de tels prix sont, par essence, susceptibles en tant que tels d’écarter du marché des concurrents aussi efficaces. La Commission n’est, dès lors, nullement tenue d’effectuer d’autres analyses en sus d’une telle démonstration, en vue, notamment, d’apporter la preuve d’effets anticoncurrentiels produits par la pratique contestée.

522 Contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’est, partant, pas tenue, lors de son examen de l’existence éventuelle de prix prédateurs appliqués par une entreprise occupant une position dominante, d’examiner si le taux de couverture du marché par la pratique contestée est d’une ampleur suffisante pour que cette pratique produise des effets anticoncurrentiels. En l’espèce, il ne pourrait dès lors être reproché à bon droit à la Commission de ne pas avoir procédé à un tel examen.

523 À cet égard, il ressort en outre des points 72 et 73 de la communication de la Commission relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article [102 TFUE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7, ci-après la « communication sur les priorités »), qu’il peut être plus aisé pour l’entreprise dominante d’adopter un comportement prédateur en ciblant sélectivement certains clients au moyen de prix peu élevés, car cela lui permet de limiter ses pertes, et qu’il est moins probable qu’elle adopte un tel comportement en pratiquant un prix peu élevé de façon générale sur une longue période. Il en découle que, en matière de prix prédateurs, le taux de couverture de marché par le comportement incriminé est généralement faible et que, si seuls les comportements prédateurs portant sur une partie suffisamment large du marché pouvaient être sanctionnés, toute pratique prédatrice sélective risquerait d’échapper à l’interdiction de l’article 102 TFUE, et ce alors même qu’elle serait susceptible de mener à l’éviction d’un concurrent aussi efficace. Or, il ressort de la jurisprudence qu’une pratique de prix prédateurs doit pouvoir être sanctionnée dès qu’il y a risque d’élimination des concurrents (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C 333/94 P, EU:C:1996:436, point 44).

524 Par ailleurs, il ressort également de la jurisprudence que l’application du critère du concurrent « aussi efficace » consiste à examiner si les pratiques tarifaires d’une entreprise en position dominante risquent d’évincer du marché un concurrent aussi performant que cette entreprise et que ce critère est fondé sur une comparaison des prix appliqués par une entreprise occupant une position dominante et de certains coûts exposés par cette entreprise ainsi que sur l’analyse de la stratégie de celle-ci (arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C 209/10, EU:C:2012:172, point 28, et du 6 octobre 2015, Post Danmark, C 23/14, EU:C:2015:651, points 53 et 54).

525 Il en découle que, dans le cadre d’une enquête relative à des prix prédateurs potentiels, l’analyse par laquelle la Commission compare les prix pratiqués par une entreprise en situation de position dominante avec certains de ses coûts aux fins d’évaluer si cette dernière a appliqué des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC, inclut déjà une analyse du concurrent « aussi efficace ».

526 En effet, dans la mesure où l’entreprise occupant une position dominante fixe ses prix à un niveau inférieur aux ATC, mais supérieur aux AVC, un concurrent « aussi efficace » que cette entreprise n’aura en principe pas la possibilité, en raison de sa capacité financière moindre, de concurrencer ces prix sans encourir des pertes insupportables à long terme. De tels prix sont donc susceptibles d’écarter un concurrent « aussi efficace », ce qui correspond à la démonstration que doit effectuer la Commission dans le cadre de l’application du critère du concurrent « aussi efficace » aux fins de prouver le potentiel d’éviction d’une pratique anticoncurrentielle.

527 Par conséquent, dès lors que la Commission a valablement prouvé, comme c’est le cas en l’espèce, que l’entreprise occupant une position dominante a pratiqué des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC, elle a, de ce fait, implicitement effectué une application du critère du concurrent « aussi efficace », ce qui suffit pour écarter la première branche du neuvième moyen.

 Sur les autres branches, tirées, en substance, d’une absence d’effets du comportement incriminé

528 À l’appui de la deuxième branche, la requérante prétend qu’Icera a en réalité prospéré pendant la période pertinente, ce qui mettrait à mal l’allégation de la Commission selon laquelle le comportement incriminé a eu pour effet d’empêcher Icera, à un stade crucial de son développement, d’accéder à Huawei ou à ZTE, dont dépendaient ses perspectives de développement sur le segment de pointe du marché des puces UMTS.

529 À l’appui de la troisième branche, la requérante fait valoir que, pendant la période pertinente, Icera a levé des fonds supplémentaires, notamment grâce à son acquisition par Nvidia, ce qui mettrait à mal l’allégation de la Commission selon laquelle le comportement incriminé a eu pour effet d’obliger Icera à réaliser des ventes à perte et à épuiser son capital-risque.

530 À l’appui de la quatrième branche, la requérante prétend que le comportement incriminé n’aurait pas pu avoir pour effet d’éliminer la concurrence exercée par la technologie d’Icera. Selon elle, le retrait du marché d’Icera aurait eu un impact limité, voire nul, sur les prix qu’elle facturait pour ses puces UMTS « de pointe » ou pour toute autre puce UMTS, notamment parce que la technologie et le savoir-faire d’Icera étaient transférables, de sorte que la concurrence n’aurait pas été affectée par la disparition du marché de cette dernière.

531 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

532 Force est de constater que, comme le relève la Commission dans ses écritures, ce n’est que par souci d’exhaustivité que cette dernière a, au point 12.7.4 de la décision attaquée, démontré que le comportement incriminé avait produit des effets anticoncurrentiels, ce que la requérante conteste dans le cadre des présentes branches. Or, il ressort d’une jurisprudence constante que des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision de la Commission doivent être rejetés d’emblée comme étant inopérants, puisqu’ils ne sauraient entraîner l’annulation de cet acte (arrêts du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C 122/01 P, EU:C:2003:259, point 17, et du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T 50/00, EU:T:2004:220, point 146), ce qui rend, en tout état de cause, ces branches inopérantes (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T 336/07, EU:T:2012:172, point 283).

533 Il en découle que les deuxième à quatrième branches du neuvième moyen de la requérante doivent être écartées. Par conséquent, puisque la première branche de ce moyen a également été écartée (voir point 527 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le dixième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, d’un défaut de motivation ainsi que d’une violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration, en ce que la Commission a conclu que les pratiques tarifaires de la requérante assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera

534 Le dixième moyen repose sur trois branches. La première est tirée du caractère incohérent de la « théorie du préjudice » développée par la Commission sur la base des documents mentionnés dans la décision attaquée. La deuxième est tirée d’une mauvaise interprétation et d’une présentation erronée de certains documents internes sur lesquels la Commission s’appuie dans ladite décision aux fins de démontrer l’intention d’éliminer un concurrent. La troisième est tirée du niveau subalterne, et sans pouvoir de décision quant aux prix, d’un employé de la requérante dont plusieurs documents internes dont il serait l’auteur sont mentionnés par la Commission en vue de démontrer l’existence d’une stratégie prédatrice.

535 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

536 Au considérant 1118 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, pour établir l’intention de la requérante d’éliminer un concurrent, elle s’était fondée non seulement sur les documents expressément mentionnés dans le cadre du point 12.8 de ladite décision, spécifiquement dédié à une telle intention, mais également sur les autres éléments de preuve exposés au point 12.4.2 de cette décision et sur les liens qu’elle avait pu établir entre ces éléments et son analyse prix-coûts au sein de la même décision en ce qui concernait la puce MDM8200 (considérants 954 à 956 de la décision attaquée), en ce qui concernait la puce MDM6200 (considérants 968 à 971 de la décision attaquée) et en ce qui concernait la puce MDM8200A (considérants 977 à 978 de la décision attaquée). À cet égard, elle a indiqué, au considérant 1118 de la décision attaquée, sans être contredite sur ce point par la requérante, que l’ensemble de ces éléments et considérants faisaient partie intégrante de son analyse tendant à démontrer l’intention d’éviction de la requérante.

537 La Commission a ensuite démontré l’existence d’une intention de la requérante d’éliminer un concurrent, sous-jacente à l’application de prix prédateurs à l’égard de Huawei et de ZTE, pour les puces MDM8200, MDM6200 et MDM8200A, sur la base d’éléments de preuve à la fois directs, à savoir des documents internes de la requérante (point 12.8.1 de la décision attaquée), et indirects, à savoir des éléments contextuels (point 12.8.2 de la décision attaquée).

538 En ce qui concerne plus particulièrement les éléments de preuve directs, il ressort du considérant 1120 de la décision attaquée que la Commission a sélectionné, parmi les éléments de preuve résumés au point 12.4.2 de ladite décision, neuf échanges de courriels internes particulièrement illustratifs selon elle de l’existence d’un plan d’éviction d’Icera provenant de la haute direction de la requérante, qu’elle a exposés aux considérants 1121 à 1137 de cette décision.

539 Il s’agit plus particulièrement des échanges de courriels suivants :

– un échange de courriels de décembre 2008 contenant, notamment, les indications « nous ne devrions stratégiquement donner à Icera aucune opportunité auprès de Huawei », « [d]ans le cas où Icera obtien[drai]t ZTE, nous pouvons repousser ZTE en travaillant avec Huawei sur le marché » et « [v]euillez envisager de donner 2-3 % [de réduction de prix] supplémentaire[s] afin d’être certain[s] que nous ayons une part de 100 % chez Huawei » (considérant 1121 de la décision attaquée) ;

– un échange de courriels de février 2009 faisant référence à des actions préventives afin d’éviter qu’Icera ne soit capable d’atteindre un niveau de volume suffisant, à une guerre des prix, à la menace d’Icera et au fait qu’il ne faudrait pas qu’Icera opère une percée auprès d’un des fabricants majeurs d’équipement d’origine, et au fait d’écraser Icera auprès de ZTE (considérant 1122 de ladite décision) ;

– un échange de courriels de décembre 2009 dans le cadre duquel il est question d’une réduction du prix de la puce MDM6200 pour ZTE et du fait que la requérante ne pouvait laisser Icera obtenir un grand nombre de contrats, ce qui l’aurait aidé à se renforcer (considérant 1124 de cette décision) ;

– un échange de courriels de décembre 2009 dans le cadre duquel il est question de faire du prix un sujet sans importance pour laisser la puce MDM8200 « combler le vide » (considérant 1125 de la décision attaquée) ;

– un échange de courriels de janvier 2010 dans le cadre duquel la puce 8042 d’Icera est présentée comme la menace principale pour la requérante et il est, notamment, proposé de collaborer avec Huawei pour battre Icera avec la puce MDM6200, d’épuiser les fonds limités d’Icera provenant de son capital-risque et d’écraser la puce ICE8042 auprès de ZTE sur le marché (considérant 1127 de la décision attaquée) ;

– un échange de courriels de janvier 2010 contenant les indications « nous devons protéger nos acquis chez les clients importants », « ZTE et Huawei sont les principales priorités et l’équipe chinoise travaille sur des problèmes qui se posent chez ces clients » et, « [à] court terme, l’ajustement de la tarification des puces MDM6200 et MDM8200A doit être effectué pour contenir la croissance du volume chez Icera en 2010 », ainsi qu’une présentation jointe, dans laquelle il est suggéré de presser Icera pendant environ six mois pour épuiser ses fonds très limités provenant du capital-risque [Venture Capital] (considérant 1128 de la décision attaquée) ;

– un échange de courriels de juin 2010 contenant l’indication « la stratégie consistant à faire pression sur la puce ICE8042 avec les deux puces MDM6200 et MDM8200A a fait ses preuves » (considérant 1132 de la décision attaquée) ;

– un échange de courriels de décembre 2010 relatif à la stratégie concernant la puce MDM8200A auprès de Huawei et ZTE, dans le cadre duquel une estimation du volume des ventes d’Icera auprès de ZTE est faite, dans l’hypothèse où la requérante ne ferait rien et n’octroierait pas à ZTE de soutien spécial autre que des ajustements normaux de prix (considérant 1134 de la décision attaquée) ;

– un échange de courriels de mai 2011 dans le cadre duquel un employé senior de la requérante exprime son hésitation, eu égard aux difficultés financières d’Icera, concernant le fait d’octroyer des réductions de prix supplémentaires pour la puce MDM8200A (considérant 1136 de la décision attaquée).

540 En ce qui concerne les éléments de preuve indirects, la Commission s’est appuyée sur les cinq éléments contextuels suivants, à savoir le caractère hautement ciblé du comportement incriminé, l’étendue significative des ventes à perte réalisées par la requérante sur le segment de pointe, hautement stratégique, du marché des puces UMTS, le caractère ininterrompu du comportement incriminé pendant la période pertinente, les deux paiements NRE destinés à assurer une réduction déguisée du prix des puces MDM8200 et MDM6200 et les sacrifices financiers de la requérante en matière de prix et d’approvisionnement. À cet égard, la Commission a précisé, au considérant 1138 de la décision attaquée, que ces éléments de preuves indirects étaient, en soi, suffisants pour démontrer l’existence d’une intention de la requérante d’éliminer Icera du marché pertinent.

541 Selon une jurisprudence bien établie, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont à eux seuls de nature à justifier celle-ci à suffisance de droit, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (arrêts du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T 87/05, EU:T:2005:333, point 144, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T 336/07, EU:T:2012:172, point 283).

542 En l’espèce, il convient donc d’examiner si le présent moyen n’est pas inopérant pour autant que la requérante invoque des erreurs commises par la Commission lorsque celle dernière a conclu que ses pratiques tarifaires assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera.

543 D’emblée, il importe de constater que, en ce qui concerne les éléments de preuve directs, la requérante ne conteste expressément, dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, que l’interprétation donnée par la Commission à quatre des neuf échanges de courriels considérés dans la décision attaquée comme étant particulièrement illustratifs de l’existence d’une intention d’éviction d’Icera, à savoir l’échange de février 2009 (soit le deuxième élément de preuve direct), les échanges de janvier 2010 (soit les cinquième et sixième éléments de preuve directs) et l’échange de juin 2010 (soit le septième élément de preuve direct).

544 Quant à l’employé de statut prétendument subalterne dont il est question dans le cadre de la troisième branche du présent moyen, celui-ci n’intervient que dans les échanges de courriels de février 2009 (à savoir le deuxième élément de preuve direct), du second échange de courriels de décembre 2009 (à savoir le quatrième élément de preuve direct) et des deux échanges de courriels de janvier 2010 (à savoir les cinquième et sixième éléments de preuve directs), mais pas dans le cadre des courriels échangés en décembre 2008 (à savoir le premier élément de preuve direct), du premier échange de courriels de décembre 2009 (à savoir le troisième élément de preuve direct), de l’échange de courriels de juin 2010 (à savoir le septième élément de preuve direct), de l’échange de courriels de décembre 2010 (à savoir le huitième élément de preuve direct) et de l’échange de courriels de mai 2011 (à savoir le neuvième élément de preuve direct).

545 Il en ressort que, dans la requête, la requérante ne formule, à l’appui du présent moyen, aucune critique quant à l’interprétation donnée par la Commission dans la décision attaquée aux courriels échangés en décembre 2008 (à savoir le premier élément de preuve direct), au premier échange de courriels de décembre 2009 (à savoir le troisième élément de preuve direct), à l’échange de courriels de décembre 2010 (à savoir le huitième élément de preuve direct) et à l’échange de courriels de mai 2011 (à savoir le neuvième élément de preuve direct).

546 Or, les échanges de courriels susmentionnés attestent, par eux-mêmes, de l’existence d’une stratégie de la requérante visant à évincer Icera.

547 En effet, ainsi que cela ressort du point 539 ci-dessus, l’échange de courriels de décembre 2008 (à savoir le premier élément de preuve direct) fait référence au fait de ne laisser aucune « opportunité » à Icera auprès de Huawei, de travailler avec Huawei pour repousser ZTE dans le cas où Icera obtiendrait ZTE et d’accorder une réduction supplémentaire de prix de 2 ou 3 % à Huawei afin de s’assurer d’avoir une part de 100 % auprès de cette cliente. Il en découle qu’Icera est clairement identifiée dans cet échange, de même que la nécessité pour la requérante d’agir à son égard, en collaborant avec Huawei et en octroyant à cette dernière une réduction supplémentaire de prix afin de ne laisser aucune « opportunité » à Icera auprès de cette cliente.

548 Il convient également d’observer que la Commission était en droit de s’appuyer sur l’échange de courriels de décembre 2008, même si celui-ci a eu lieu quelques mois avant le début de la période pertinente. Il ressort en effet de la jurisprudence que la Commission peut tenir compte d’éléments établis en dehors de la période d’infraction si ces éléments font partie du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de prouver ladite infraction (voir, en ce sens, arrêts du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T 83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 193, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T 655/11, EU:T:2015:383, point 178). Au demeurant, il semble tout à fait concevable que la mise en œuvre concrète d’une stratégie d’éviction d’un concurrent puisse nécessiter un certain temps et, partant, avoir lieu quelques mois après son élaboration.

549 Le premier échange de courriels de décembre 2009 (à savoir le troisième élément de preuve direct) fait référence à une réduction du prix de la puce MDM6200 pour ZTE et au fait que la requérante ne peut laisser Icera obtenir un grand nombre de contrats, ce qui l’aiderait à se renforcer. Il en découle qu’Icera est clairement identifiée dans cet échange, de même que la nécessité pour la requérante d’agir à son égard, en octroyant une réduction de prix à ZTE afin d’éviter qu’Icera ne se renforce en remportant des contrats auprès, notamment, de cette cliente.

550 L’échange de courriels de décembre 2010 (à savoir le huitième élément de preuve direct) fait état d’un soutien spécial à ZTE autre que des ajustements normaux de prix. Dans le même ordre d’idée, il découle de cet échange qu’Icera est clairement identifiée, de même que des prévisions de livraison d’Icera auprès de ZTE dans l’éventualité où un soutien spécial à ZTE autre que des ajustements normaux de prix ne serait pas octroyé à cette dernière.

551 L’échange de courriels de mai 2011 (à savoir le neuvième élément de preuve direct) fait référence aux difficultés financières d’Icera, qui auraient fait douter un employé senior de la requérante d’accorder des réductions de prix supplémentaires pour la puce MDM8200A, démontrant que la situation financière d’Icera avait influencé la politique de prix de la requérante pendant la période pertinente.

552 Le fait que la requérante ne remette pas en cause l’interprétation donnée par la Commission dans la décision attaquée aux échanges de courriels mentionnés au point 545 ci-dessus rend donc inopérant le présent moyen pour autant que la requérante invoque des erreurs commises par la Commission lorsqu’elle a conclu que ses pratiques tarifaires assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera. En effet, même si la requérante devait être suivie en ce qui concerne sa critique de l’interprétation donnée par la Commission à certains échanges de courriels sur lesquels s’appuie cette dernière au titre d’éléments de preuve directs, il n’en demeure pas moins que les éléments de preuve qu’elle ne conteste pas permettent, à eux seuls, de démontrer son intention d’évincer Icera.

553 En tout état de cause, pour démontrer l’intention de la requérante d’évincer un concurrent, la Commission s’est également fondée, dans la décision attaquée, sur des éléments de preuve indirects.

554 Or, ainsi que cela ressort du considérant 1138 de la décision attaquée, non contesté par la requérante, les éléments de preuve indirects suffisent pour démontrer l’intention de la requérante d’évincer Icera.

555 En outre, à l’appui du présent moyen, la requérante soulève trois branches, dont aucune ne critique le faisceau d’éléments de preuve indirects dont il est question au point 12.8.2 de la décision attaquée, puisque la première vise la « théorie du préjudice » développée par la Commission, la deuxième remet en question l’interprétation et la présentation faites par la Commission de certains éléments de preuve directs, à savoir certains documents internes de la requérante, et la troisième fait valoir le niveau subalterne d’un employé, dont quelques documents dont il est l’auteur sont mentionnés par la Commission au titre d’éléments de preuve directs.

556 Dès lors, puisque le faisceau d’éléments de preuve indirects sur lequel s’appuie la Commission au point 12.8.2 de la décision attaquée suffit, par lui-même, à démontrer l’existence d’une intention de la requérante d’évincer Icera, le fait que la requérante ne remette pas en cause ces éléments dans le cadre du présent moyen a pour conséquence de rendre ledit moyen inopérant pour autant que la requérante invoque des erreurs commises par la Commission lorsqu’elle a conclu que ses pratiques tarifaires assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera.

557 En tout état de cause, selon la jurisprudence, en cas d’application par une entreprise se trouvant en position dominante de prix inférieurs aux ATC, pour démontrer l’existence d’un abus, la Commission doit s’appuyer sur une série d’indices sérieux et concordants permettant d’établir l’intention de cette entreprise d’évincer un concurrent (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T 83/91, EU:T:1994:246, point 151, et du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T 340/03, EU:T:2007:22, point 197). Ladite démonstration doit viser à établir, en se fondant sur des éléments d’analyse et de preuve précis et concrets, que ledit comportement avait, à tout le moins, la capacité de produire des effets d’éviction (voir arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C 333/21, EU:C:2023:1011, point 130).

558 Face à un faisceau d’indices suffisant à première vue, il appartient à la requérante d’avancer dans la requête une autre explication, complète et cohérente, susceptible de donner un autre sens aux différents éléments invoqués dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Almamet/Commission, T 410/09, non publié, EU:T:2012:676, point 145).

559 En l’espèce, la Commission a, notamment, retenu à la charge de la requérante l’application de prix inférieurs aux LRAIC, mais supérieurs aux AVC. Afin d’établir une infraction en l’espèce, la Commission était donc tenue de fournir, notamment, des indices sérieux de l’existence d’une intention de la requérante d’évincer Icera, ce qu’elle a fait au point 12.8 de la décision attaquée.

560 Ainsi que cela ressort du point 538 ci-dessus, au point 12.8.1 de la décision attaquée, la Commission fait état de plusieurs documents internes de la requérante, à savoir neuf échanges de courriels, qui, selon elle, attestent de manière particulièrement illustrative de l’existence d’une stratégie d’éviction d’Icera du marché pertinent.

561 Comme il a été relevé au point 545 ci-dessus, la requérante n’a formulé, à l’appui du présent moyen, aucune critique quant à l’interprétation donnée par la Commission dans la décision attaquée aux courriels échangés en décembre 2008 (à savoir le premier élément de preuve direct), au premier échange de courriels de décembre 2009 (à savoir le troisième élément de preuve direct), à l’échange de courriels de décembre 2010 (à savoir le huitième élément de preuve direct) et à l’échange de courriels de mai 2011 (à savoir le neuvième élément de preuve direct). Or, ainsi qu’il a été jugé au point 546 ci-dessus, ces échanges de courriels attestent, par eux-mêmes, de l’existence d’une stratégie d’éviction d’Icera, et ce tout particulièrement à la lumière des documents mentionnés au point 12.4.2 de ladite décision.

562 En ce qui concerne les cinq autres échanges de courriels, dont l’interprétation donnée par la Commission est cette fois expressément contestée dans la requête, ils constituent une série d’indices sérieux et concordants permettant d’établir l’intention de la requérante d’évincer Icera.

563 D’emblée, il importe à cet égard de rappeler que ce que la Commission a cherché à démontrer, en s’appuyant sur ces éléments de preuve directs au point 12.8.1 de la décision attaquée, c’est l’intention de la requérante d’évincer Icera, et non les autres éléments constitutifs de l’infraction, tels que, notamment, l’existence de prix prédateurs en ce qui concerne les trois puces visées, lesquels font l’objet d’autres points de ladite décision. Par conséquent, ce qu’il convient de vérifier en l’espèce, c’est si les documents internes sur lesquels s’appuie la Commission constituent bien un faisceau d’indices sérieux et concordants permettant d’établir, dans leur globalité, l’intention de la requérante d’évincer Icera, toute autre considération n’étant à cette fin pas pertinente.

564 À cet égard, les termes employés dans chacun des échanges de courriels sont particulièrement révélateurs d’une intention de la requérante d’évincer Icera.

565 En premier lieu, l’échange de courriels de février 2009 qualifie expressément Icera de « menace » et fait état de mesure préventives à adopter afin d’empêcher que cette dernière n’atteigne un niveau de volume suffisant et n’opère une percée auprès des fabricants majeurs d’équipement d’origine. Par ailleurs, il est suggéré dans cet échange de courriels d’« écraser » Icera auprès de ZTE et de ne laisser aucune « opportunité » à Icera auprès de Huawei. Il en découle qu’Icera est clairement identifiée dans cet échange, de même que la nécessité pour la requérante d’adopter des mesures en vue de l’empêcher d’atteindre des volumes suffisants et de l’évincer, notamment auprès des deux clientes Huawei et ZTE.

566 La requérante conteste les conclusions tirées par la Commission de l’échange de courriels de février 2009, en faisant valoir que celui-ci a eu lieu trois mois avant le début de l’infraction, qu’il ne contiendrait aucune référence à la tarification des trois puces visées et qu’il mettrait à mal la « théorie de la prédation indirecte ».

567 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 548 ci-dessus, la Commission peut tenir compte d’éléments établis en dehors de la période d’infraction si ces éléments font partie du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de prouver ladite infraction. En outre, l’intention d’évincer un concurrent peut très bien être exprimée plusieurs mois avant la mise en œuvre concrète de la stratégie ayant pour objectif une telle éviction. Par ailleurs, le fait que l’échange de courriels de février 2009 ne contienne aucune référence à la tarification des trois puces visées ou qu’il contrevienne prétendument à la « théorie de la prédation indirecte » n’est pas pertinent, puisque ces éléments ne sont pas à même de remettre en cause l’existence d’une intention de la requérante d’évincer Icera. De plus, même si cet échange n’expose pas les détails des mesures qui devraient être prises à l’encontre d’Icera, il n’en demeure pas moins que l’adoption de mesures préventives à l’encontre d’Icera y est expressément suggérée.

568 En deuxième lieu, le premier échange de courriels de janvier 2010 (à savoir le cinquième élément de preuve direct) identifie une fois encore Icera et, plus particulièrement, sa puce ICE8042 comme étant la menace principale de la requérante et fait également état d’actions à mener par la requérante aux fins de l’évincer, à savoir collaborer avec Huawei et épuiser les fonds limités d’Icera. Il en découle qu’Icera est clairement identifiée dans cet échange, de même que la nécessité pour la requérante d’agir en vue de l’évincer, notamment auprès de Huawei.

569 Quant au second échange de courriels de janvier 2010 (à savoir le sixième élément de preuve direct), il fait état de mesures à prendre pour contenir la croissance en matière de volume d’Icera et pour protéger les acquis de la requérante auprès de ses clients importants, Huawei et ZTE étant qualifiées à cet égard de « prioritaires », notamment un ajustement du prix des puces MDM6200 et MDM8200A. Référence est également faite, dans une présentation jointe à cet échange, au fait de « presser » Icera pendant six mois pour épuiser ses fonds limités. Il en découle qu’Icera est de nouveau clairement identifiée dans cet échange, de même que la nécessité pour la requérante d’agir en vue de l’évincer auprès de Huawei et de ZTE, notamment par le biais d’un ajustement du prix des puces MDM6200 et MDM8200A.

570 La requérante tente de remettre en cause les conclusions tirées par la Commission quant aux échanges de courriels de janvier 2010 en s’appuyant sur une longue série d’allégations diverses, telles que la non-prise en compte par la Commission de la concurrence exercée par HiSilicon dans la « théorie du préjudice » que celle-ci aurait développée, alors qu’il y serait fait référence dans le courriel du 1er janvier 2010, l’absence de mention de la puce MDM8200 ou le fait que l’objet principal de ces courriels aurait été la concurrence de Vodafone. De telles allégations doivent toutefois être considérées comme étant non pertinentes, puisqu’elles ne sont pas à même de remettre en cause l’existence d’une intention de la requérante d’évincer Icera.

571 En outre, la requérante ne conteste pas que les échanges de courriels de janvier 2010 évoquent des actions, notamment tarifaires, à mener à l’égard de Huawei et de ZTE afin de contenir la croissance d’Icera et de l’obliger à épuiser ses fonds limités. À cet égard, si la requérante conteste l’interprétation donnée par la Commission au terme « presser » qui, selon elle, ne signifierait pas « couper les vivres », il n’en demeure pas moins que la phrase dans laquelle s’inscrit ce terme, à savoir « presser Icera pendant environ [six] mois pour épuiser ses fonds très limités provenant du capital-risque [Venture Capital] », fait référence, de façon non équivoque, à une stratégie visant à épuiser Icera financièrement. Il convient également de relever que la requérante ne fait valoir aucune autre interprétation à donner au terme « presser » qui permettrait de remettre en cause le caractère néfaste à l’égard d’Icera d’une telle stratégie.

572 En troisième lieu, l’échange de courriels de juin 2010 (à savoir le septième élément de preuve direct) fait expressément référence au fait que la puce ICE8042 d’Icera serait en perte de vitesse chez Huawei et ZTE et au fait que la « stratégie consistant à faire pression sur la puce ICE8042 avec les deux puces MDM6200 et MDM8200A » aurait « fait ses preuves ». Il en découle qu’une stratégie, à l’égard de Huawei et de ZTE, s’appuyant sur les puces MDM6200 et MDM8200A et visant Icera a bel et bien été mise en œuvre par la requérante.

573 À cet égard, la requérante s’appuie sur une série d’allégations diverses non pertinentes, car ne remettant pas en cause l’existence en tant que telle d’une intention de sa part d’évincer Icera, telles que l’absence de mention de la puce MDM8200, de l’accord relatif aux dépenses d’ingénierie non récurrentes conclu avec ZTE ou du financement supplémentaire en fonds propres annoncé par Icera en mai 2010. Or, ce faisant, la requérante ne conteste pas que l’échange de courriels de juin 2010 évoque une stratégie à l’égard de Huawei et de ZTE, à l’encontre d’Icera, au moyen des puces MDM6200 et MDM8200A et effectivement mise en œuvre, puisqu’ayant fait ses preuves.

574 En quatrième lieu, à l’appui, plus particulièrement, de la troisième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que la Commission se fonde sur des documents rédigés par un employé subalterne, sans autorité ni influence sur les prix et, partant, incapable de jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la stratégie d’éviction d’Icera. À cet égard, il ressort du point 12.8.1 de la décision attaquée que cet employé est impliqué dans le cadre des échanges de courriels de février 2009, de décembre 2009 et de janvier 2010.

575 En ce qui concerne l’échange de courriels de février 2009 (à savoir le deuxième élément de preuve direct), il ressort du considérant 1122 de la décision attaquée que l’employé concerné a transmis son « analyse de la menace d’Icera » à un membre de la haute direction de la requérante, qui a approuvé ladite analyse et qui l’a transmise à d’autres membres de cette haute direction.

576 En ce qui concerne le deuxième échange de courriels de décembre 2009 (à savoir le quatrième élément de preuve direct), il n’est pas contesté par la requérante que c’est un membre de sa haute direction qui a proposé de faire du prix une question sans importance pour laisser la puce MDM8200 « combler le vide ».

577 En ce qui concerne, enfin, les échanges de courriels de janvier 2010 (à savoir les cinquième et sixième éléments de preuve directs), comportant la proposition de l’employé concerné de « presser » Icera afin d’épuiser ses fonds limités, il est constant que plusieurs membres de la haute direction de la requérante en étaient destinataires. En outre, cette proposition a été réitérée dans une présentation préparée par cet employé, jointe à un compte rendu portant sur l’« examen d’Icera » envoyé par un membre de ladite haute direction aux cadres supérieurs de la requérante.

578 Il en découle que des membres de la haute direction de la requérante, avec autorité et influence sur les prix, ont bel et bien été impliqués dans ces échanges de courriels, desquels ressort une intention d’éviction d’Icera.

579 Il ressort de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit, au point 12.8.1 de la décision attaquée, au moyen d’éléments de preuve directs constituant un faisceau d’indices sérieux et concordants, l’existence d’une intention de la requérante d’évincer Icera et, de ce fait, que la Commission n’a pas manqué à son obligation de motivation.

580 Enfin, il convient de relever que la requérante n’avance pas le moindre élément aux fins de démontrer que la Commission a violé le droit d’être entendu et le principe de bonne administration en concluant que ses pratiques tarifaires assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera.

581 Le présent moyen doit, par conséquent, être écarté.

 Sur le onzième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, ainsi que d’un défaut de motivation en ce qui concerne le rejet par la Commission de la justification objective avancée par la requérante

582 À l’appui du onzième moyen, la requérante avance les arguments suivants.

583 En premier lieu, la requérante estime que la Commission n’a pas tenu compte du fait que, en concédant les réductions de prix incriminées, elle n’a fait que s’aligner sur les prix « agressifs » pratiqués par sa concurrente Icera ainsi que du fait que les prix qu’elle pratiquait étaient supérieurs à ses AVC et, partant, rentables et justifiés. Se référant aux quatrième et huitième à dixième moyens, elle réitère qu’elle n’a en tout état de cause et de ce fait pas mis en œuvre de « plan » en vue d’évincer Icera.

584 En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte du fait que les réductions de prix concédées à Huawei pour la puce MDM8200 l’avaient été en réponse à une importante pression exercée par cette dernière sur elle et avaient pour but, d’une part, d’aider Huawei à écouler ses commandes non exécutées et ses stocks excédentaires et obsolètes et, d’autre part, de rivaliser en matière de prix avec les dispositifs de ZTE incluant une puce Icera.

585 En troisième lieu, la requérante affirme que, au cours de la procédure administrative, elle a expliqué de manière détaillée à la Commission qu’elle considérait ses propres stocks de puces MDM8200 comme étant excédentaires et obsolètes. Selon elle, c’est pour cette raison qu’elle a réduit le prix de cette puce pour tous ses clients importants, ce qui a désavantagé Huawei et l’a finalement conduite à octroyer à cette dernière une réduction de prix pour les commandes passées précédemment. Elle affirme que le fait que des commandes desdites puces ont été passées en 2010 et en 2011 n’entrave en rien le caractère objectivement justifié de sa décision de réduire le prix de cette puce en vue de stimuler de nouvelles demandes. Elle souligne enfin que, contrairement aux allégations de la Commission, elle a bien accordé des réductions de prix à tous ses autres clients importants, lesquels ont en réalité bénéficié de prix conformes aux prix de vente moyens accordés à Huawei.

586 Eu égard à ce qui précède, la requérante fait valoir que le comportement incriminé était objectivement justifié et que c’est erronément et sans motivation valable que la Commission a conclu le contraire dans la décision attaquée.

587 La Commission et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

588 Il ressort, en substance, de l’article 2 du règlement no 1/2003 que, dans toutes les procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE, la charge de la preuve d’une violation de ces dispositions incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue, mais qu’il incombe en revanche à l’entreprise qui invoque une justification objective d’en apporter la preuve.

589 Par ailleurs, il ressort, en substance, du considérant 5 du règlement no 1/2003 que, si c’est bien à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des articles 101 ou 102 TFUE de prouver une telle violation, c’est, par contre, à l’entreprise qui invoque le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve requise par la loi que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies.

590 Il en découle qu’une entreprise, telle que la requérante, qui invoque une justification objective, y compris des gains d’efficacité, à un comportement a priori contraire à l’article 102 TFUE doit en apporter elle-même la preuve à suffisance de droit.

591 En l’espèce, il appartient par conséquent à la requérante d’apporter la preuve à suffisance de droit qu’un tel comportement doit néanmoins être considéré comme étant justifié objectivement.

592 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence établie qu’un comportement n’est pas abusif s’il est justifié par des avantages proconcurrentiels ou s’il sert des intérêts légitimes. En particulier, l’entreprise occupant une position dominante peut démontrer, à cet effet, soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit que l’effet d’éviction qu’il entraîne peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en matière d’efficacité qui profitent également aux consommateurs. À cette fin, il appartient à l’entreprise dominante concernée de démontrer, premièrement, que son comportement peut permettre de réaliser des gains d’efficacité, en établissant la réalité et l’étendue de ceux-ci, deuxièmement, que de tels gains d’efficacité neutralisent les effets préjudiciables probables de ce comportement pour le jeu de la concurrence et les intérêts des consommateurs sur le ou les marchés concernés, troisièmement, que ledit comportement est indispensable à la réalisation de ces gains d’efficacité et, quatrièmement, qu’il n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C 209/10, EU:C:2012:172, points 40 à 42 et jurisprudence citée). C’est au regard de ces principes qu’il convient d’apprécier les justifications avancées par la requérante.

593 D’emblée, il convient de relever que la requérante n’explique nullement en quoi le comportement prédateur qui lui est reproché aurait été « objectivement nécessaire » ou quels avantages auraient pu en tirer les consommateurs à même de contrebalancer l’effet d’éviction effective ou potentielle d’Icera du marché, voire le caractère « indispensable » de ce comportement en vue d’atteindre de prétendus gains d’efficacité pour les consommateurs, au sens de la jurisprudence citée au point 592 ci-dessus.

594 Les trois justifications avancées par la requérante à son comportement prédateur, à savoir, premièrement, un alignement sur les prix « agressifs » d’Icera et l’application de prix supérieurs aux AVC, deuxièmement, des réductions du prix de la puce MDM8200 concédées à Huawei en vue de l’aider à écouler ses stocks excédentaires et obsolètes de cette puce et, troisièmement, des réductions du prix de ladite puce concédées à Huawei en vue d’écouler ses propres stocks excédentaires et obsolètes de cette puce, ne démontrent ni le caractère objectivement nécessaire du comportement incriminé ni que l’effet d’éviction qu’il entraîne à l’égard d’Icera pourrait être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en matière d’efficacité profitant également aux consommateurs.

595 Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante s’est limitée à faire référence à la pression exercée par Huawei en vue d’obtenir des prix plus bas pour la puce MDM8200 et au risque que cette dernière n’annule certaines commandes, si nécessaire par voie judiciaire. Or, à la lumière de la jurisprudence citée au point 592 ci-dessus, de tels éléments ne permettent pas de justifier objectivement un abus tombant sous le coup de l’interdiction de l’article 102 TFUE.

596 Il en découle que la requérante n’a pas apporté la preuve suffisante, au sens de l’article 2 du règlement no 1/2003 et de la jurisprudence citée au point 592 ci-dessus, que le comportement incriminé était objectivement justifié, ce qui suffit pour rejeter le onzième moyen sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la Commission aurait commis des erreurs de fait, de droit ainsi que d’appréciation et enfreint son obligation de motivation en écartant les justifications avancées par la requérante au cours de la procédure administrative.

597 En tout état de cause, les motifs figurant au point 12.9 de la décision attaquée sont suffisamment motivés et ne sont pas entachés d’erreurs d’appréciation ou de fait.

598 En ce qui concerne l’alignement sur les prix « agressifs » d’Icera, il suffit d’observer que la jurisprudence ne reconnaît aucun droit d’alignement absolu d’une entreprise en position dominante sur les prix de la concurrence, et ce spécialement lorsque ce droit aboutirait à justifier le recours à des prix prédateurs interdits par ailleurs par le traité (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T 340/03, EU:T:2007:22, point 182).

599 De surcroît, ce n’est pas parce qu’il était prétendument « rationnel » pour la requérante de s’aligner sur les prix d’Icera qu’un tel comportement est « justifié » objectivement au sens de la jurisprudence citée au point 592 ci-dessus, en ce qu’il produirait des gains d’efficacité. Le seul fait qu’un comportement puisse être qualifié de « rationnel » économiquement aux yeux de l’entreprise qui le met en œuvre ne suffit pas pour le justifier objectivement au sens du droit de la concurrence.

600 En ce qui concerne l’application de prix supérieurs aux AVC, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence issue de l’arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, (C 62/86, EU:C:1991:286, points 71 et 72), une entreprise en position dominante, même si elle applique des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC, commet un abus de position dominante si elle agit de la sorte dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent. En présence d’une telle stratégie d’éviction, comme c’est le cas en espèce, il importe dès lors peu que les prix pratiqués aient été prétendument « rentables et justifiés » en ce qu’ils étaient supérieurs aux AVC.

601 En ce qui concerne les réductions du prix de la puce MDM8200 concédées à Huawei en vue de l’aider à écouler les stocks excédentaires et obsolètes de cette puce, force est de constater qu’elles ne concernent que les prix offerts à Huawei et pour la puce MDM8200. La requérante ne tente donc pas de justifier, par les explications avancées, les prix prédateurs concédés à ZTE ou les prix prédateurs concédés pour les puces MDM6200 et MDM8200A.

602 Il convient également de relever, en ce qui concerne les réductions du prix de la puce MDM8200 concédées à Huawei en vue de l’aider à écouler ses stocks excédentaires et obsolètes de cette puce, que, comme l’indique la Commission au considérant 1185 de la décision attaquée, Huawei a passé de nouvelles commandes de cette puce auprès de Qualcomm en 2010 et en 2011, ce que la requérante, interrogée à cet égard lors de l’audience de plaidoiries, a confirmé. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a estimé qu’il était difficilement crédible que lesdites réductions de prix puissent avoir été concédées en vue d’aider Huawei à écouler ses stocks excédentaires d’une puce obsolète.

603 De même, s’agissant des réductions du prix de la puce MDM8200 concédées à Huawei par la requérante en vue d’écouler ses propres stocks excédentaires et obsolètes de cette puce, il est difficilement crédible que lesdites réductions aient eu cette finalité. En effet, comme le fait valoir à juste titre la Commission, si tel avait été le cas, la requérante aurait accordé des réductions de prix pour ladite puce à l’ensemble de ses clients. Or, il ressort du tableau 74 de la décision attaquée que seule Huawei a bénéficié de telles réductions et s’est vu offrir des prix substantiellement inférieurs à ceux appliqués par la requérante à ses autres principaux clients. Il ressort en outre du considérant 1185 de ladite décision que la requérante a dû, en août 2010, produire de nouvelles unités de la puce MDM8200 pour faire face à la demande de Huawei, ce que la requérante, interrogée à cet égard lors de l’audience de plaidoiries, a également confirmé. Enfin, l’argument de la requérante selon lequel les réductions de prix concédées à Huawei l’auraient aussi été en vue de faire face aux appareils ZTE utilisant une puce d’Icera ne fait que confirmer la prédation indirecte relevée par la Commission.

604 Partant, il convient en tout état de cause d’écarter le onzième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une « erreur de droit découlant de la non-application de la bonne norme juridique »

605 Le troisième moyen repose sur trois branches. La première est tirée d’une « erreur manifeste de droit » et d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance juridique, en raison de la non-application par la Commission de la « bonne norme juridique » telle que définie dans la communication sur les priorités. La deuxième est tirée d’une application erronée de la jurisprudence relative aux prix d’éviction et, plus généralement, aux pratiques tarifaires. La troisième est tirée d’une violation des principes de sécurité juridique et de prévisibilité.

 Sur la première branche, tirée de la non-application de la « bonne norme juridique » telle que définie dans la communication sur les priorités

606 Selon la requérante, il ressort de la communication sur les priorités que la question pertinente lors de l’examen d’une pratique potentielle d’éviction mise en œuvre par une entreprise en position dominante est de savoir si une telle pratique était susceptible de conduire à l’éviction du concurrent « aussi efficace ». Conformément à ladite communication, la Commission devrait en outre, lors d’un tel examen, apporter la preuve, d’une part, que l’entreprise en position dominante, en adoptant cette pratique, a délibérément supporté des pertes ou renoncé à des bénéfices à court terme et, d’autre part, qu’elle pouvait espérer récupérer de telles pertes après la période de prédation présumée. Or, la Commission s’étant publiquement engagée à respecter cette communication, cette dernière a créé des attentes légitimes auprès des entreprises concernées.

607 Par ailleurs, la communication sur les priorités ne permettrait pas à la Commission de sanctionner une entreprise ayant de bonne foi mis en œuvre un comportement qui, finalement, se serait avéré moins rentable qu’elle ne l’avait initialement prévu. Enfin, il ressortirait du point 66 de la communication sur les priorités que la Commission ne pourrait qu’exceptionnellement s’appuyer sur des preuves documentaires, à condition que celles-ci démontrent de manière suffisamment claire l’existence d’une stratégie prédatrice.

608 Or, en l’espèce, la Commission n’aurait pas appliqué la communication sur les priorités, ce qui serait attesté par l’absence de référence à ce document tant dans la CG que dans la CGC et dans l’EdF. Renvoyant aux quatrième et huitième à dixième moyens, la requérante fait par ailleurs valoir que la Commission n’a nullement démontré, dans la décision attaquée, de quelconque sacrifice de profit de sa part, n’a pas effectué d’analyse du concurrent « aussi efficace » et n’a pas tenu compte d’éléments de preuve démontrant que, en l’absence du comportement incriminé, Huawei et ZTE ne se seraient en tout cas pas approvisionnés auprès d’Icera. Renvoyant en outre au onzième moyen, la requérante estime que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et de fait en rejetant la justification objective qu’elle avait avancée. Renvoyant enfin aux dixième et onzième moyens, elle fait valoir que c’est de bonne foi qu’elle a mis en œuvre le comportement incriminé, étant donné qu’elle n’aurait pas pu prévoir la méthode de répartition des coûts de R&D appliquée par la Commission dans ladite décision et qu’elle pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ses pratiques tarifaires soient rentables.

609 Partant, la Commission aurait commis une « erreur manifeste de droit » et violé les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, de même que le principe de bonne administration et l’obligation de motivation.

610 La Commission conteste les arguments de la requérante.

611 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la communication sur les priorités se limite à circonscrire l’approche de la Commission quant au choix des affaires qu’elle entend poursuivre de manière prioritaire, de sorte que la pratique administrative suivie par cette dernière ne s’impose pas aux autorités de la concurrence ni aux juridictions nationales (arrêt du 6 octobre 2015, Post Danmark, C 23/14, EU:C:2015:651, point 52), et n’a pas pour objet d’établir le droit applicable (arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission, T 827/14, EU:T:2018:930, point 114).

612 Il en découle que, comme tout autre document qui, bien que dépourvu de force contraignante, définit le cadre général d’analyse que la Commission utilise pour déterminer s’il y a lieu d’intervenir, la communication sur les priorités limite le pouvoir d’appréciation de cette dernière. Il s’ensuit que la Commission ne peut pas, dans un cas particulier, s’en écarter sans fournir de raisons. En effet, dans un tel cas, le respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont l’obligation de motivation, revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T 180/15, EU:T:2017:795, point 289 et jurisprudence citée).

613 Il convient dès lors d’examiner si, comme le prétend la requérante, la Commission s’est dans le cas d’espèce écartée du cadre général d’analyse fixé dans la communication sur les priorités, et ce sans justification.

614 En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission n’a pas examiné si la pratique incriminée était susceptible de conduire à l’éviction du concurrent « aussi efficace » conformément à la communication sur les priorités, il ressort de l’examen de la première branche du neuvième moyen et, plus particulièrement, des points 524 à 527 ci-dessus, que l’analyse par laquelle la Commission compare les prix pratiqués par une entreprise en position dominante avec certains de ses coûts aux fins d’évaluer si cette dernière a appliqué des prix prédateurs inclut une analyse du concurrent « aussi efficace » et que, dès lors que la Commission a prouvé, comme c’est le cas en l’espèce, que l’entreprise en position dominante avait pratiqué de tels prix, elle a, de ce fait, implicitement effectué une telle analyse, ce qui suffit pour écarter cet argument.

615 Au demeurant, il ressort du point 26 de la communication sur les priorités que le fait que les LRAIC ne sont pas couverts, ce que la Commission a démontré en l’espèce dans la décision attaquée, indique que l’entreprise dominante ne couvre pas tous les coûts fixes (imputables) de la production du bien ou du service en cause et qu’un concurrent « aussi efficace » pourrait être évincé du marché, ce qui confirme que, dans le cadre de la comparaison des prix et des coûts de l’entreprise dominante, la Commission a implicitement, mais nécessairement, procédé à l’analyse du concurrent « aussi efficace ».

616 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue, en application de la communication sur les priorités, d’apporter la preuve que l’entreprise en position dominante avait délibérément supporté des pertes ou renoncé à des bénéfices à court terme, il ressort du point 66 de ladite communication qu’il est possible dans certains cas pour la Commission, aux fins de démontrer l’existence d’un tel sacrifice, de s’appuyer sur des preuves directes, consistant en des documents de l’entreprise dominante démontrant clairement une stratégie prédatrice, tels qu’un plan détaillé prévoyant, notamment, un sacrifice dans le but d’évincer un concurrent.

617 Or, ainsi que cela ressort de l’examen du dixième moyen, la Commission s’est effectivement appuyée, au point 12.8.1 de la décision attaquée, sur des documents de la requérante démontrant clairement l’existence d’une intention de cette dernière d’évincer Icera, mise en œuvre au travers de réductions de prix concédées à Huawei et à ZTE, ce qui suffit pour écarter le présent argument, tiré, en substance, de l’absence de preuve du sacrifice dans la décision attaquée. À cet égard, contrairement aux allégations de la requérante, il ne ressort nullement du point 66 de la communication sur les priorités que ce ne serait qu’exceptionnellement que la Commission pourrait s’appuyer sur des preuves documentaires démontrant l’existence d’une stratégie prédatrice. Au contraire, à ce point, la Commission utilise l’expression « dans certains cas », et non l’expression « dans certains cas exceptionnels » ou « exceptionnellement », voire l’expression « dans des circonstances exceptionnelles », utilisées à la note en bas de page 50 de la communication sur les priorités. À la note en bas de page 44 de cette communication, se rapportant au point 66 de la même communication, la Commission se réfère d’ailleurs à deux arrêts dans lesquels le Tribunal a confirmé que la Commission était en droit de s’appuyer sur de telles preuves documentaires, à savoir les arrêts du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission (T 83/91, EU:T:1994:246, points 151 et 171), et du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission (T 340/03, EU:T:2007:22, points 198 à 215).

618 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue, en application de la communication sur les priorités, d’apporter la preuve que l’entreprise en position dominante pouvait espérer récupérer les pertes concédées lors de la période de prédation après cette période, il ressort uniquement du point 70 de cette communication que l’entreprise dominante peut raisonnablement s’attendre à ce que son pouvoir de marché soit, une fois qu’elle aura mis fin à son comportement prédateur, plus important que si elle n’avait pas adopté une telle conduite et qu’elle est donc susceptible de retirer un avantage de son sacrifice. Au demeurant, d’après la jurisprudence, un comportement peut présenter un caractère abusif sans qu’il soit nécessaire d’établir, de manière spécifique, que l’entreprise en cause pouvait raisonnablement escompter récupérer les pertes ainsi consenties (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission T 83/91, EU:T:1994:246, point 150), ce qui suffit pour écarter le présent argument.

619 En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’argument de la requérante selon lequel, n’ayant pas pu prévoir la méthode de répartition des coûts de R&D appliquée par la Commission dans la décision attaquée et, partant, ayant agi de bonne foi, elle ne saurait, conformément à la communication sur les priorités, être sanctionnée par la Commission, il convient de relever que, dans le cadre de l’examen du dixième moyen, il a été constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur en concluant que les pratiques tarifaires de la requérante assuraient la mise en œuvre d’un plan visant à évincer Icera, ce qui suffit pour écarter le présent argument.

620 En ce qui concerne, en cinquième lieu, l’argument de la requérante pris de l’absence de référence à la communication sur les priorités dans la CG, la CGC et l’EdF, la requérante n’explique nullement en quoi cela signifierait que la Commission a méconnu le cadre général d’analyse qu’elle utilise pour déterminer s’il y a lieu d’intervenir exposé dans ladite communication. Cette dernière n’impose, qui plus est, nullement à la Commission de s’y référer expressément dans ses décisions en matière d’abus de position dominante. Partant, il convient d’écarter le présent argument.

621 En ce qui concerne, en sixième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas tenu compte de ce que Huawei et ZTE ne se seraient, en tout état de cause, pas approvisionnées davantage auprès d’Icera en l’absence du comportement incriminé et aurait à tort rejeté les raisons objectives avancées en vue de justifier son comportement, il y a lieu d’observer que la requérante n’explique pas en quoi la Commission aurait, de ce fait, méconnu le cadre général d’analyse qu’elle utilise pour déterminer s’il y a lieu d’intervenir exposé dans la communication sur les priorités.

622 Il découle de ce qui précède que la première branche du troisième moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une application erronée de la jurisprudence relative aux prix d’éviction et, plus généralement, aux pratiques tarifaires

623 La requérante allègue que la Commission méconnaîtrait la jurisprudence en matière de prix d’éviction et, plus généralement, de pratiques tarifaires, à savoir celle établissant la norme juridique applicable. À l’appui d’une telle allégation, elle reproduit plusieurs extraits des arrêts qu’elle considère comme étant pertinents et reproche à la Commission de ne pas avoir procédé, dans la décision attaquée, à une analyse du concurrent « aussi efficace », alors que cette analyse est prescrite par la jurisprudence.

624 La Commission conteste les arguments de la requérante.

625 Il convient de relever que la requérante se borne à reproduire des extraits de jurisprudence, sans expliquer en quoi la décision attaquée s’écarterait de la norme juridique qui y est prescrite, sauf en ce qui concerne l’analyse du concurrent « aussi efficace » où, après avoir cité l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C 413/14 P, EUC:2017:632), en l’espèce, elle reproche à la Commission, d’une part, de ne pas avoir procédé à une telle analyse et, d’autre part, de ne pas avoir vérifié l’importance du taux de couverture du marché par la pratique contestée.

626 Or, d’une part, il ressort de l’examen de la première branche du neuvième moyen et, plus particulièrement, des points 524 à 527 ci-dessus que l’analyse par laquelle la Commission compare les prix pratiqués par une entreprise en position dominante avec certains de ses coûts aux fins d’évaluer si cette dernière a appliqué des prix prédateurs inclut déjà une analyse du concurrent « aussi efficace » et que, dès lors que la Commission a prouvé, en l’espèce, que l’entreprise en position dominante avait pratiqué de tels prix et, de ce fait, implicitement effectué ladite analyse, cela suffit pour écarter le grief de la requérante tiré de l’absence d’une telle analyse dans la décision attaquée.

627 D’autre part, ainsi que cela ressort des points 521 à 523 ci-dessus, la Commission n’est, en application de la jurisprudence citée au point 520 ci-dessus, pas tenue, lors de son examen de l’existence éventuelle de prix prédateurs appliqués par une entreprise occupant une position dominante, de vérifier également si le taux de couverture du marché par la pratique contestée est d’une ampleur suffisante pour que cette pratique produise des effets anticoncurrentiels, ce qui suffit pour écarter le grief de la requérante tiré de l’absence d’une telle vérification.

628 Il convient par conséquent d’écarter la deuxième branche du troisième moyen.

 Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique et de prévisibilité

629 Se référant aux septième et huitième moyens, la requérante fait valoir que la Commission a, dans la décision attaquée, effectué une analyse prix-coûts artificielle et inédite, différente de celle développée dans la CG en ce qui concerne deux des puces concernées et imprévisible en ce qui concerne la troisième. Selon elle, la Commission a, de ce fait, enfreint les principes de sécurité juridique et de prévisibilité.

630 La Commission conteste les arguments de la requérante.

631 Il convient de relever que, à l’appui de la présente branche, la requérante se borne à réitérer de manière générique des allégations formulées dans le cadre de la première branche du présent moyen et des septième et huitième moyens, auxquels elle se réfère expressément, sans développer le moindre argument spécifique.

632 Partant, la troisième branche du troisième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

633 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré du « caractère illogique et non étayé par des preuves de la ‟théorie de la prédation” »

634 Le quatrième moyen repose sur treize branches. La première est tirée de ce que la « théorie de la prédation » de la Commission, qui serait « ciblée et sélective », est déconnectée de la définition du marché et a été adaptée en vue de parvenir à une conclusion prédéterminée. La deuxième est tirée du caractère intrinsèquement incohérent et insuffisamment motivé de ladite théorie. La troisième est tirée de l’absence de démonstration par la Commission du caractère irrationnel de la conduite de la requérante et de sa stratégie de prédation. La quatrième est tirée du caractère plus élevé des prix de la requérante par rapport à ceux d’Icera et, partant, de l’absence de verrouillage du marché. La cinquième est tirée de la non-prise en compte par la Commission de preuves à décharge cruciales. La sixième est tirée de l’absence de preuve de prédation financière. La septième est tirée du caractère nouveau, erroné et non fondé de la « théorie de la prédation ». La huitième est tirée d’« erreurs manifestes d’appréciation » en ce qui concerne la prédation directe entre le troisième trimestre de 2010 et le deuxième trimestre de 2011. La neuvième est tirée de la méconnaissance par la Commission de la réalité commerciale de la puce MDM8200. La dixième est tirée du caractère illogique et contraire aux règles élémentaires de l’économie de ladite théorie. La onzième est tirée de l’absence de démonstration par la Commission d’une récupération des pertes subies pendant la période pertinente, de même que d’une absence d’indication du moment auquel aurait pris fin la prédation. La douzième est tirée de la non-application du critère du concurrent « aussi efficace » et des bonnes performances d’Icera pendant ladite période, réfutant la même théorie. La treizième branche est tirée d’une erreur de la Commission qui condamnerait la véritable concurrence.

 Observations liminaires

635 Il y a lieu d’observer que, au point 12 de la décision attaquée, la Commission présente son analyse de l’abus commis par la requérante.

636 Plus particulièrement, au point 12.1 de la décision attaquée, la Commission commence par rappeler les principes généraux applicables, notamment en matière de prix prédateurs. Puis, au point 12.2 de ladite décision, elle résume l’application qu’elle a faite de ces principes généraux aux points 12.3 à 12.11 de cette décision, ce que la requérante qualifie de « théorie de la prédation ».

637 Dans ce cadre, la Commission explique au considérant 334 de la décision attaquée qu’elle est parvenue à la conclusion selon laquelle, entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2011, la requérante avait vendu certaines quantités de trois de ses puces UMTS, à savoir les puces MDM8200, MDM6200 et MDM8200A, à deux de ses clients principaux, à savoir Huawei et ZTE, à des prix inférieurs à ses coûts, et ce dans l’intention d’éliminer Icera, sa concurrente principale sur le segment de pointe du marché des puces UMTS. Selon elle, en agissant de la sorte, la requérante a voulu empêcher Icera, une petite start-up limitée financièrement, de gagner une réputation et une taille suffisantes pour pouvoir défier sa position dominante sur ledit marché. Elle indique avoir conclu, eu égard à l’absence de justification objective valide à un tel comportement avancée par la requérante, que cette dernière avait de ce fait, au cours de cette période, commis un abus de position dominante contraire à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE.

 Sur la première branche, tirée de ce que la « théorie de la prédation » de la Commission, qui serait « ciblée et sélective », est déconnectée de la définition du marché et a été adaptée en vue de parvenir à une conclusion prédéterminée

638 La requérante, renvoyant au dixième moyen, prétend que le comportement incriminé n’était ni ciblé ni sélectif et que la « théorie de la prédation » de la Commission est déconnectée de la définition du marché pertinent, puisque, se rapportant au seul segment de pointe de ce marché, de surcroît mal défini, certaines puces considérées par la requérante comme étant « de pointe » ont été exclues de ce segment.

639 La requérante fait également valoir que la « théorie de la prédation » a été développée par convenance par la Commission, étant donné que ladite théorie ne présentait aucun lien avec la plainte. Selon elle, les puces MDM8200 et MDM8200A ont été vendues à d’autres clients que Huawei et ZTE avant et après la période pertinente, à des prix inférieurs aux LRAIC calculés par la Commission, ce qui remettrait en cause ladite théorie.

640 La Commission conteste les arguments de la requérante.

641 Tout d’abord, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle le comportement incriminé n’était ni ciblé ni sélectif, il convient de rappeler qu’il ressort des éléments de preuve directs sur lesquels s’est appuyée la Commission, examinés plus en détail aux points 538 et 539 ci-dessus dans le cadre de l’examen du dixième moyen, que la requérante a octroyé des réductions de prix à Huawei et à ZTE, clairement identifiées dans ces documents, en vue d’empêcher Icera d’atteindre ces deux clientes cruciales et, ce faisant, de l’évincer du marché. La requérante ne pourrait dès lors prétendre à bon droit que son comportement n’était ni ciblé ni sélectif.

642 Ensuite, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la « théorie de la prédation » de la Commission, se rapportant au seul segment de pointe, est déconnectée de la définition du marché, elle ne saurait davantage prospérer. Il ressort en effet du point 64 de la communication sur les priorités que, en matière de prédation, un comportement comporte un sacrifice si l’entreprise dominante fixe un prix inférieur pour l’ensemble ou pour une partie spécifique de sa production. Il en découle que le comportement prédateur peut très bien concerner un segment limité du marché concerné, et non l’intégralité de celui-ci. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le comportement prédateur peut même avoir lieu sur un autre marché que le marché concerné, ne faisant quant à lui pas l’objet d’une définition stricte (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 35 et 45).

643 Il en découle que la Commission était, d’une part, en droit de sanctionner, dans la décision attaquée, un comportement limité à un segment du marché pertinent et qu’elle n’était pas, d’autre part, tenue de définir avec exactitude les contours de ce segment, comme elle a l’obligation de le faire en ce qui concerne le marché pertinent aux fins de vérifier l’existence d’une position dominante.

644 En outre, en ce qui concerne la prétendue absence de lien entre la « théorie de la prédation » de la Commission et la plainte, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 55 de la communication de la Commission relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles [101] et [102] TFUE (JO 2004, C 101, p. 65), que, durant la première phase qui suit le dépôt de la plainte, la Commission examine celle-ci et se procure éventuellement des informations complémentaires afin de décider de la suite à lui donner, que cette phase peut comporter un échange de vues informel entre la Commission et le plaignant afin de préciser les éléments de fait et de droit sur lesquels porte la plainte et qu’il peut arriver que, durant cette phase, la Commission communique sa première réaction au plaignant, lui donnant ainsi l’occasion de développer ses allégations à la lumière de cette première réaction.

645 En l’espèce, il ressort des considérants 11 à 13 de la décision attaquée que, à la suite de la mise à jour et de la révision de la plainte, plusieurs échanges ont eu lieu entre Icera et la Commission, ce qui a finalement débouché, en juin 2012, sur des allégations de prédation formulées par Icera, ce que la requérante reconnaît elle-même. À la lumière du point 55 de la communication de la Commission relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles [101] et [102] TFUE, il y a lieu de considérer que constitue une pratique habituelle le fait, pour un plaignant, comme cela a été le cas en l’espèce, de développer les allégations formulées dans la plainte en vue de tenir compte de la première réaction de la Commission. Par ailleurs, il découle de la nécessité de veiller efficacement à l’application des règles en matière de concurrence que la Commission ne peut pas être liée par le cadre et les appréciations juridiques formulées par un plaignant. En tout état de cause, il convient d’observer que la requérante n’explique pas en quoi le fait qu’Icera n’ait développé que relativement tardivement ses allégations de prédation pourrait remettre en question ce qu’elle qualifie de « théorie de la prédation » dans ladite décision, à la suite d’une investigation approfondie menée par la Commission.

646 Enfin, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle elle a appliqué des prix inférieurs aux LRAIC en ce qui concernait les puces MDM8200 et MDM8200A à l’égard d’autres clients que Huawei et ZTE, avant et après la période pertinente, il convient de constater que la requérante n’explique nullement en quoi cela pourrait remettre en question ce qu’elle qualifie de « théorie de la prédation » dans la décision attaquée. Au contraire, il semble plutôt que, si la Commission avait découvert des preuves de l’application par la requérante de prix prédateurs à l’égard d’autres clients en dehors de ladite période, elle aurait pu en tenir compte pour renforcer ou étendre temporellement ladite théorie.

647 Il découle de ce qui précède que la première branche du quatrième moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche, tirée du caractère intrinsèquement incohérent et insuffisamment motivé de la « théorie de la prédation » de la Commission

648 La requérante invoque plusieurs contradictions et incohérences qui entacheraient la décision attaquée.

649 En premier lieu, la requérante estime que la « théorie de la prédation » qui ressortirait également du considérant 993 de la décision attaquée, selon lequel elle a d’abord utilisé les puces MDM8200 pour faire migrer ses clientes Huawei et ZTE de ces puces vers les puces MDM6200 et MDM8200A, plus avancées, puis a concentré sa stratégie tarifaire sur la puce MDM8200A, eu égard au manque de succès initial de la puce MDM6200, n’est pas compatible avec une « théorie du préjudice » fondée sur les prix d’éviction, étant donné qu’un tel constat ne ferait que refléter l’existence d’une concurrence rigoureuse exercée par la requérante grâce au lancement de nouveaux produits.

650 En deuxième lieu, la requérante souligne que la Commission lui reproche dans la décision attaquée d’avoir mis en œuvre le comportement litigieux en vue d’empêcher Icera de se forger une réputation, alors même qu’il ressort d’un document interne, mentionné dans la même décision, qu’elle estimait que, plusieurs mois avant la période pertinente, Icera avait réussi à surmonter les entraves liées à la réputation, ce qui remettrait en cause la « théorie de la prédation » de la Commission.

651 En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission ne pourrait pas, sans se contredire, d’une part, indiquer aux considérants 411 à 419 de la décision attaquée que la puce MDM6200 n’a pas connu un succès commercial pendant la période pertinente et, d’autre part, prétendre au considérant 420 de la même décision qu’elle s’est appuyée sur cette puce dans sa stratégie à l’égard de ZTE. De la même manière, elle considère que la Commission ne pourrait pas, d’une part, prétendre, au considérant 959 de ladite décision, que la puce MDM8200 a conservé son importance concurrentielle même après la mise sur le marché de la puce MDM8200A et, d’autre part, affirmer au considérant 420 de la même décision que cette dernière puce était devenue le produit crucial sur lequel elle s’est appuyée pour mettre en œuvre sa stratégie en 2010 et en 2011.

652 La Commission conteste les arguments de la requérante.

653 D’emblée, force est de constater que la présente branche doit être écartée comme étant inopérante, puisque, même si les trois arguments avancés à l’appui de cette branche étaient fondés, cela n’affecterait pas la légalité de la décision attaquée.

654 En effet, le fait que la requérante ait prétendument exercé une concurrence rigoureuse grâce au lancement de nouveaux produits, qu’Icera soit parvenue à se forger une réputation ou que la requérante n’ait pas pu appuyer sa stratégie prédatrice sur la puce MDM6200 en raison de son manque de succès commercial ou sur la puce MDM8200 après le lancement de la puce MDM8200A ne permet pas de réfuter le constat, par la Commission, de l’application par la requérante de prix prédateurs dans l’intention d’éliminer sa concurrente Icera, ce qui suffit pour démontrer l’existence d’un abus commis par la requérante (arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 70 et 71).

655 Il convient dès lors d’écarter la deuxième branche du quatrième moyen.

 Sur la troisième branche, tirée de l’absence de démonstration par la Commission du caractère irrationnel de la conduite de la requérante et de sa stratégie de prédation

656 La requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas démontré que sa conduite avait été irrationnelle, sauf à vouloir évincer Icera, ou que ses prix constituaient la mise en œuvre d’un plan visant à exclure Icera. Selon elle, les quelques documents sur lesquels s’appuie la Commission pour tenter de démontrer l’existence d’un tel plan émanent d’employés subalternes sans pouvoir de décision sur les prix. Elle ajoute que la Commission n’apporte aucune preuve d’un sacrifice de sa part, alors même que celle-ci était tenue de démontrer l’existence d’un tel sacrifice, en application de la communication sur les priorités.

657 La Commission conteste les arguments de la requérante.

658 Il y a lieu de relever que, à l’appui de la présente branche, la requérante ne fait que répéter des arguments qu’elle a invoqués dans le cadre de la première branche du troisième moyen, pour ce qui est de la prétendue absence de preuve de l’existence d’un sacrifice, ou dans le cadre du dixième moyen, en ce qui concerne la prétendue absence de preuve de l’existence d’une stratégie d’éviction d’Icera.

659 Or, ces arguments, qui ont été rejetés dans le cadre de l’examen de la première branche du troisième moyen et dans le cadre du dixième moyen, doivent être écartés pour les mêmes motifs en ce qu’ils sont soulevés à l’appui de la troisième branche du quatrième moyen, ce qui suffit pour écarter cette dernière.

 Sur la quatrième branche, tirée du caractère plus élevé des prix de la requérante par rapport à ceux d’Icera

660 La requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission reconnaît, d’une part, que les prix de la requérante étaient plus élevés que ceux d’Icera et affirme, d’autre part, que les puces de cette dernière étaient de qualité supérieure. Selon elle, si cela était vrai, il aurait été, partant, logique qu’elle diminue le prix de ses puces pour compenser la qualité moindre de ses produits, ce dont la Commission n’aurait pas tenu compte.

661 La Commission conteste les arguments de la requérante.

662 Il convient de rappeler qu’une entreprise en position dominante abuse de cette position si elle applique des prix inférieurs aux AVC ou des prix inférieurs aux ATC mais supérieurs aux AVC lorsque de tels prix sont fixés dans le cadre d’une stratégie d’éviction d’un concurrent (arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 70 à 72).

663 En l’espèce, il ressort de l’examen des cinquième à huitième et dixième moyens que la Commission a dûment démontré que la requérante avait appliqué des prix prédateurs dans l’intention d’éliminer sa concurrente Icera, ce qui suffit pour démontrer l’existence d’un abus de position dominante commis par la requérante.

664 Par ailleurs, il ressort de l’examen du onzième moyen que c’est sans commettre d’erreur et sans manquer à son obligation de motivation que la Commission a rejeté les justifications objectives avancées par la requérante, y compris l’allégation de cette dernière selon laquelle ses prix prédateurs avaient été appliqués en réaction aux prix agressifs d’Icera.

665 Dès lors, il ne pourrait être reproché à bon droit à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les prix prédateurs pratiqués par la requérante avaient été justifiés par les prix inférieurs d’Icera ou par la qualité moindre de ses produits. D’ailleurs, le critère de référence pour apprécier l’existence de pratiques tarifaires prédatrices est fondé non pas sur les prix et les coûts de l’entreprise à l’encontre de laquelle de telles pratiques sont mises en place ou sur la qualité des produits concernés, mais plutôt sur les prix et coûts de l’entreprise en position dominante.

666 Il y a dès lors lieu d’écarter la quatrième branche du quatrième moyen.

 Sur la cinquième branche, tirée de la non-prise en compte par la Commission de preuves à décharge cruciales

667 La requérante prétend que la Commission n’a pas tenu compte de plusieurs éléments de preuve à décharge « cruciaux », à savoir, en premier lieu, le fait que Huawei et ZTE avaient déclaré qu’elles ne se seraient pas approvisionnées davantage auprès d’Icera en l’absence du comportement incriminé, en deuxième lieu, le fait que les puces d’Icera étaient techniquement dépassées et qu’Icera n’aurait en tout cas pas été capable de développer une puce LTE avant elle et, en troisième lieu, le fait qu’Icera n’avait pas été évincée du marché pendant la période pertinente, puisque celle-ci avait réussi à attirer d’importants investissements extérieurs et avait été acquise par Nvidia.

668 La Commission conteste les arguments de la requérante.

669 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une entreprise en position dominante abuse de cette position si elle applique des prix inférieurs aux AVC ou des prix inférieurs aux ATC, mais supérieurs aux AVC lorsque de tels prix sont fixés dans le cadre d’une stratégie d’éviction d’un concurrent (arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 70 à 72). Or, en l’espèce, il ressort, notamment, de l’examen des cinquième à huitième et dixième moyens que la Commission a dûment démontré que la requérante avait appliqué de tels prix prédateurs dans l’intention d’éliminer sa concurrente Icera, ce qui suffit pour démontrer l’existence d’un abus de position dominante commis par la requérante.

670 Par conséquent, le fait que les deux clientes visées par le comportement incriminé ne se seraient en tout cas pas approvisionnées davantage auprès d’Icera en l’absence d’un tel comportement, que la technologie de cette dernière aurait été dépassée ou qu’Icera aurait attiré des financements extérieurs et aurait été acquise pendant la période pertinente, même s’ils étaient avérés, n’auraient pas pu influencer la conclusion de la Commission quant à l’existence d’un abus, fondée sur le constat de l’application par la requérante de prix inférieurs à ses coûts dans l’intention d’évincer sa concurrente Icera. Cela est d’autant plus vrai que ces trois éléments invoqués par la requérante sont des éléments extérieurs à elle-même, sur lesquels elle n’avait aucune influence et qui ne pourraient, dès lors, l’absoudre de toute sanction pour l’infraction qu’elle a commise.

671 En tout état de cause, il convient également de relever que la requérante se contente de qualifier de « cruciaux » les trois éléments en cause sans pour autant expliquer en quoi ceux-ci auraient pu, si la Commission en avait tenu compte, remettre en question ce qu’elle qualifie de « théorie de la prédation ».

672 Il y a dès lors lieu d’écarter la cinquième branche du quatrième moyen.

 Sur la sixième branche, tirée de l’absence de preuve de prédation financière

673 La requérante soutient que la prédation invoquée dans la décision attaquée n’est pas étayée par des preuves crédibles et est contredite par le fait qu’Icera a été acquise par Nvidia pendant la période pertinente. Elle ajoute qu’elle a contesté l’existence d’une « prédation financière » au cours de la procédure administrative, ce qui a conduit la Commission à l’abandonner dans ladite décision et à se contenter d’invoquer une « prédation traditionnelle ».

674 La Commission conteste les arguments de la requérante.

675 Il suffit, pour rejeter la présente branche, de constater que, de l’aveu même de la requérante, la Commission n’a pas fondé la décision attaquée sur un cas de prédation financière, mais plutôt sur une prédation traditionnelle, soit un cas d’application par une entreprise en position dominante de prix inférieurs à ses coûts dans l’intention d’évincer un concurrent.

676 Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de l’absence de preuve de l’existence d’une prédation financière doit être déclaré inopérant et la sixième branche du quatrième moyen doit être écartée.

 Sur la septième branche, tirée du caractère nouveau, erroné et non fondé de la « théorie de la prédation »

677 La requérante explique que la « théorie de la prédation » de la Commission, selon laquelle elle a fourni à Huawei des puces MDM8200 à des prix prédateurs afin que cette dernière puisse convaincre les opérateurs de réseaux mobiles de préférer ses appareils équipés avec ses puces, plutôt que les appareils de ZTE équipés de puces d’Icera, est indéfendable.

678 Selon la requérante, la Commission a imaginé la « théorie de la prédation » en raison du seul fait que, pour la période allant de juillet 2009 à juin 2010, elle n’avait découvert de preuves de prix prédateurs sur les puces MDM8200 qu’à l’égard de Huawei, et pas à l’égard de ZTE.

679 La Commission conteste les arguments de la requérante.

680 Il y a lieu de rappeler qu’il ressort, notamment, de l’examen des cinquième à huitième et dixième moyens que la Commission a dûment démontré que la requérante avait appliqué des prix prédateurs, notamment à l’égard de Huawei en ce qui concernait la puce MDM8200, dans l’intention d’éliminer sa concurrente Icera, ce que la requérante ne conteste pas dans le cadre de la présente branche.

681 Par conséquent, l’argument de la requérante invoqué à l’encontre du constat, avancé par la Commission, selon lequel elle a, dans un premier temps, uniquement offert des prix prédateurs à Huawei, et pas encore à ZTE, afin que les appareils de Huawei équipés de l’une de ses puces soient préférés aux appareils de ZTE équipés d’une puce d’Icera doit être déclaré inopérant, puisqu’il ne permet pas de remettre en cause ce qu’elle qualifie de « théorie de la prédation ».

682 La requérante prétend, en outre, que la Commission a développé la « théorie de la prédation » du fait qu’elle n’avait découvert, en ce qui concernait la période allant de juillet 2009 à juin 2010, de preuves de prix prédateurs sur les puces MDM8200 qu’à l’égard de Huawei, et pas à l’égard de ZTE. Or, la preuve de l’application, par la requérante, de prix prédateurs à l’égard de Huawei dans l’intention d’évincer Icera suffisait pour démontrer l’existence d’un abus. La Commission n’était, partant, nullement tenue de démontrer également l’existence de prix prédateurs à l’égard de ZTE pour sanctionner la requérante.

683 La septième branche du quatrième moyen doit dès lors être écartée.

 Sur la huitième branche, tirée d’« erreurs manifestes d’appréciation » en ce qui concerne la prédation directe entre le troisième trimestre de 2010 et le deuxième trimestre de 2011

684 Se référant aux sixième et septième moyens, la requérante invoque trois erreurs commises par la Commission, dont deux concernent l’affectation des coûts de R&D et une concerne l’affectation du paiement NRE à ZTE.

685 La Commission conteste les arguments de la requérante.

686 Il y a lieu de rappeler que ces arguments ont été examinés et rejetés dans le cadre de l’examen des sixième et septième moyens, ce qui suffit pour écarter la huitième branche du quatrième moyen.

 Sur la neuvième branche, tirée de la méconnaissance par la Commission de la réalité commerciale de la puce MDM8200

687 La requérante fait valoir que la puce MDM8200 a rencontré des problèmes techniques, avec pour conséquence que Huawei a accumulé des stocks excédentaires de cette puce et qu’il était dès lors tout à fait rationnel de sa part d’accorder de ce fait des réductions de prix pour ladite puce. Selon elle, de telles réductions de prix n’ont pas été octroyées avec une intention d’éviction.

688 La Commission conteste les arguments de la requérante.

689 Ainsi qu’il ressort, notamment, de l’examen des cinquième à huitième et dixième moyens, la Commission a dûment démontré que la requérante avait appliqué des prix prédateurs dans l’intention d’éliminer sa concurrente Icera. En outre, ainsi qu’il ressort de l’examen du onzième moyen, c’est sans commettre d’erreur et sans manquer à son obligation de motivation que la Commission a rejeté les justifications objectives avancées par la requérante, y compris l’allégation de cette dernière selon laquelle ses prix prédateurs avaient été appliqués en vue d’aider Huawei à résorber son stock excédentaire de la puce MDM8200. En outre, comme le relève à juste titre la Commission dans ses écritures, le fait qu’un comportement prédateur soit potentiellement rationnel ne le rend pas pour autant légal.

690 Dès lors, il ne saurait être reproché à bon droit à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la réalité commerciale de la puce MDM8200, à savoir les problèmes techniques rencontrés par ce produit.

691 Il convient dès lors d’écarter la neuvième branche du quatrième moyen.

 Sur la dixième branche, tirée du caractère illogique et contraire aux règles élémentaires de l’économie de la « théorie de la prédation »

692 En vue de démontrer le caractère illogique et contraire aux règles économiques de la « théorie de la prédation », la requérante fait valoir que ses prix étaient supérieurs à ceux d’Icera et que les volumes de puces commercialisées à des prix prédateurs étaient, pendant la période pertinente, négligeables par rapport aux volumes de puces commercialisées sur le marché pertinent et dans le segment de pointe de ce marché.

693 La Commission conteste les arguments de la requérante.

694 Ainsi qu’il ressort, notamment, de l’examen des cinquième à huitième et dixième moyens ci-dessus, la Commission a dûment démontré que la requérante avait appliqué des prix prédateurs au sens de l’arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (C 62/86, EU:C:1991:286), dans l’intention d’éliminer sa concurrente Icera, ce qui suffit pour démontrer l’existence d’un abus commis par la requérante. Dès lors, comme cela a été relevé dans le cadre de l’examen de la quatrième branche du présent moyen, il ne saurait être reproché à bon droit à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les prix prédateurs pratiqués par la requérante étaient supérieurs aux prix d’Icera.

695 Par ailleurs, ainsi que cela ressort de l’analyse de la première branche du neuvième moyen et, plus particulièrement, des points 521 à 523 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue, lors de son examen de l’existence éventuelle de prix prédateurs appliqués par une entreprise occupant une position dominante, de vérifier si le taux de couverture du marché par la pratique contestée est d’une ampleur suffisante pour que cette pratique produise des effets anticoncurrentiels.

696 Il en découle que la dixième branche du quatrième moyen doit être écartée.

 Sur la onzième branche, tirée de l’absence de démonstration par la Commission d’une récupération des pertes subies pendant la période pertinente, de même que d’une absence d’indication du moment auquel aurait pris fin la prédation

697 Se référant au troisième moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la Commission n’a pas apporté la preuve d’une récupération, de sa part, des pertes subies lors de la période postérieure à la période infractionnelle, alors que celle-ci était tenue d’apporter une telle preuve, conformément à la communication sur les priorités. Elle reproche, en second lieu, à la Commission de ne pas avoir apporté la preuve, dans la décision attaquée, de la date à laquelle son intention prétendument prédatrice aurait pris fin.

698 La Commission conteste les arguments de la requérante.

699 Ainsi qu’il ressort de l’examen du troisième moyen et, plus particulièrement, du point 618 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue, en application, notamment, de la communication sur les priorités, de démontrer une récupération par l’entreprise en position dominante des pertes subies au cours de la période prédatrice.

700 Par ailleurs, force est de constater que rien n’oblige la Commission à identifier une étape finale marquant la fin de la prédation et que le fait que, dans la décision attaquée, elle n’effectue plus aucune analyse pour la période postérieure au 30 juin 2011 signifie simplement que, à partir de cette date, elle n’a plus repéré de preuves suffisantes de l’existence d’un comportement prédateur mis en œuvre par la requérante.

701 La onzième branche du quatrième moyen doit, partant, être écartée.

 Sur la douzième branche, tirée de la non-application du critère du concurrent « aussi efficace » et des bonnes performances d’Icera pendant la période pertinente, réfutant la « théorie de la prédation »

702 Se référant au neuvième moyen, la requérante fait tout d’abord valoir que la Commission n’a pas mis en œuvre l’analyse du concurrent « aussi efficace ». Elle explique ensuite que la Commission n’a pas tenu compte des preuves démontrant qu’Icera n’avait pas été exclue du marché pendant la période pertinente et avait même réalisé de très bons résultats, ce qui remettrait en question la « théorie de la prédation ».

703 La Commission conteste les arguments de la requérante.

704 Il convient tout d’abord de rappeler qu’il ressort de l’examen de la première branche du neuvième moyen et, plus particulièrement, des points 524 à 527 ci-dessus que l’analyse par laquelle la Commission compare les prix pratiqués par une entreprise en position dominante avec certains de ses coûts aux fins d’évaluer si cette dernière a appliqué des prix prédateurs inclut une analyse du concurrent « aussi efficace » et que, dès lors que la Commission a prouvé, en l’espèce, que l’entreprise en position dominante avait pratiqué de tels prix et, de ce fait, implicitement effectué une telle analyse, cela suffit pour écarter le grief de la requérante tiré de l’absence d’analyse du concurrent « aussi efficace » dans la décision attaquée.

705 Il convient ensuite de rappeler que ainsi que cela ressort des points 520 et 521 ci-dessus que la Commission n’est pas tenue de prouver qu’un comportement prédateur a effectivement produit des effets anticoncurrentiels, ce qui suffit pour écarter le grief tiré de l’absence d’éviction effective d’Icera pendant la période pertinente.

706 La douzième branche du quatrième moyen doit, partant, être écartée.

 Sur la treizième branche, tirée d’une erreur de la Commission qui condamnerait la véritable concurrence

707 La requérante fait valoir qu’elle s’est simplement engagée dans une « concurrence par les mérites » vigoureuse, mais ordinaire, et que l’application de prix bas, sanctionnée en l’espèce, est en réalité proconcurrentielle. Selon elle, il s’agirait du premier cas où la Commission constate une prédation en raison de la non-couverture des coûts de R&D.

708 La Commission conteste les arguments de la requérante.

709 Ainsi qu’il ressort de l’examen du dixième moyen, la Commission a dûment démontré, dans la décision attaquée, que la requérante avait appliqué des prix prédateurs à l’égard de Huawei et de ZTE pour les puces MDM8200, MDM6200 et MDM8200A dans l’intention d’évincer Icera, en se fondant à la fois sur des éléments de preuve directs, à savoir des documents internes de la requérante, et sur des éléments de preuve indirects, à savoir des éléments contextuels. Il en découle que la requérante ne peut prétendre à bon droit qu’elle a, de la sorte, en réalité agi de manière favorable à la concurrence.

710 En ce qui concerne, en outre, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission constate en l’espèce, pour la première fois, une prédation en raison de la non-couverture des coûts de R&D, il convient de constater qu’un tel argument a été examiné et rejeté dans le cadre de l’examen du septième moyen et doit être écarté pour les mêmes motifs en ce qu’il est soulevé à l’appui de la présente branche.

711 La treizième branche du quatrième moyen doit, partant, être écartée. Par conséquent, puisque les douze autres branches de ce moyen ont également été écartées, il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le huitième moyen, tiré du « caractère manifestement incorrect de l’analyse prix-coûts effectuée »

712 Le huitième moyen repose sur trois branches. La première est relative à la période de départ de l’analyse prix-coûts. La deuxième est relative aux erreurs les plus fondamentales commises dans l’analyse prix-coûts. La troisième est relative à l’absence de correction desdites erreurs dans la décision attaquée.

713 Étant donné que les deuxième et troisième branches du présent moyen visent toutes les deux, en substance, des erreurs qui auraient été commises dans l’analyse prix-coûts par la Commission que cette dernière n’aurait pas corrigées dans la décision attaquée, elles seront examinées ensemble.

 Observations liminaires

714 Au point 12.7.1 de la décision attaquée, la Commission a effectué une analyse prix-coûts trimestrielle relative aux trois puces concernées et en ce qui concernait les deux clientes visées, aux fins de vérifier si la requérante avait appliqué des prix inférieurs aux AVC ou aux LRAIC.

715 Au point 12.7.1.1 de la décision attaquée, la Commission a commencé par expliquer que, au début du cycle commercial d’une puce, son AVC était particulièrement élevé et que ce n’était qu’une fois qu’elle avait atteint une production à grande échelle que cet AVC se stabilisait. Pour cette raison, la Commission a précisé ensuite qu’elle n’avait pas tenu compte, dans son analyse prix-coûts, des trimestres antérieurs au stade de la production à grande échelle et que pareille approche était à l’avantage de la requérante, puisque ladite analyse aurait, pour ces trimestres, abouti au constat de prix prédateurs, eu égard à ces coûts de production artificiellement élevés en début de cycle (considérant 940 de la décision attaquée). Elle a finalement déterminé le trimestre au cours duquel chacune des trois puces concernées avait atteint, selon elle, une telle production à grande échelle et qui formerait le point de départ de son analyse, à savoir le troisième trimestre de l’année 2009 en ce qui concernait la puce MDM8200 et le troisième trimestre de l’année 2010 pour ce qui était des puces MDM6200 et MDM8200A (considérants 941 à 943 de la décision attaquée).

716 La Commission a effectué ensuite son analyse prix-coûts et a conclu que la requérante avait pratiqué des prix prédateurs, pour les trois puces concernées et au regard des deux clientes visées, entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2011, ainsi que cela ressort, notamment, des tableaux 55 à 57 de la décision attaquée.

 Sur la première branche, relative à la période de départ de l’analyse prix-coûts

717 La requérante fait valoir que la Commission a erronément, et de manière insuffisamment motivée, déterminé la période de départ de l’analyse prix-coûts.

718 Plus particulièrement, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré de manière arbitraire et sans motivation adéquate qu’une puce atteignait une production à grande échelle au moment où s’observait une augmentation significative de son volume de production. Selon elle, la Commission aurait plutôt dû tenir compte du moment où s’observe une diminution significative et durable de l’AVC de cette puce, car ce n’est qu’une fois que cet AVC s’est stabilisé que ladite puce atteint sa pleine capacité de production.

719 En application de son approche fondée sur une baisse significative des AVC, la requérante fait valoir que la puce MDM8200 n’a atteint une production à grande échelle qu’au deuxième trimestre de l’année 2010, tandis que les puces MDM8200A et MDM6200 ne l’ont atteint qu’au premier trimestre de l’année 2011.

720 La Commission conteste les arguments de la requérante.

721 À titre liminaire, il y a lieu de relever que les parties ne contestent pas que l’AVC d’une puce est, en général, très élevé au début de son cycle commercial, qu’il descend ensuite de manière significative au fur et à mesure que la production augmente et qu’il se stabilise au cours de la dernière partie de son cycle. La position des parties diverge cependant en ce qui concerne la question de savoir à partir de quel moment du cycle commercial d’une puce la Commission peut valablement effectuer son analyse prix-coûts en vue de vérifier si des prix prédateurs ont été appliqués.

722 À cet égard, force est de constater que la requérante se contente de proposer une autre approche, mais n’explique pas en quoi l’approche suivie par la Commission dans la décision attaquée serait erronée ni pour quelles raisons le point de départ de l’analyse prix-coûts devrait correspondre au moment où s’observe une diminution significative et durable de l’AVC d’une puce. En outre, le fait que l’approche adoptée par la Commission ne soit pas plus favorable à la requérante que celle que cette dernière propose ou que les deux approches ne soient pas similaires n’a pas pour conséquence que les constatations de la Commission sont erronées (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T 336/07, EU:T:2012:172, point 225), ce qui suffit pour écarter cette première branche.

723 Il découle de ce qui précède que la première branche doit être écartée.

 Sur les autres branches, relatives aux erreurs les plus fondamentales commises dans l’analyse prix-coûts non corrigées dans la décision attaquée

724 À l’appui de la deuxième branche, la requérante prétend que, si les erreurs les plus fondamentales l’affectant étaient corrigées, l’analyse prix-coûts ne déboucherait plus que sur un constat de prix inférieurs aux LRAIC en ce qui concerne la puce MDM8200, au cours de trois trimestres à l’égard de Huawei et d’un seul trimestre à l’égard de ZTE. Se référant, respectivement, au quatrième, au sixième et au septième moyen, elle explique que ces erreurs les plus fondamentales concernent la « théorie de la prédation », le calcul des prix et le calcul des coûts.

725 À l’appui de la troisième branche, la requérante fait valoir que la Commission a erronément, et de manière insuffisamment motivée, rejeté les corrections qu’elle proposait d’apporter à ces erreurs les plus fondamentales affectant l’analyse prix-coûts. Plus particulièrement, se référant, d’une part, au neuvième moyen, elle reproche à la Commission de ne pas avoir procédé à une analyse du concurrent « aussi efficace », ce qui biaiserait son analyse prix-coûts et se référant, d’autre part, aux sixième et septième moyens, elle conteste les affirmations formulées aux considérants 994 et suivants de la décision attaquée.

726 La Commission conteste les arguments de la requérante.

727 Force est de constater que la requérante n’avance aucun élément nouveau à l’appui des deuxième et troisième branches du huitième moyen et se contente de se référer, de manière qui plus est relativement vague, à certains autres moyens, notamment en ce qui concerne l’existence d’erreurs affectant la « théorie de la prédation » développée dans la décision attaquée, le calcul des prix et des coûts effectué par la Commission et l’absence d’analyse du concurrent « aussi efficace ». Or, ces éléments ont été écartés dans le cadre de l’examen du quatrième moyen pour ce qui était des prétendues erreurs affectant la « théorie de la prédation » développée dans ladite décision, dans le cadre de l’examen des sixième et septième moyens pour ce qui était des prétendues erreurs affectant le calcul des prix et des coûts effectué par la Commission et dans le cadre de la première branche du neuvième moyen en ce qui concernait la prétendue absence d’analyse du concurrent « aussi efficace », ce qui suffit pour écarter les deuxième et troisième branches du huitième moyen.

728 Il convient par conséquent d’écarter les deuxième et troisième branches du huitième moyen. Par conséquent, puisque la première branche de ce moyen a également été écartée (voir point 723 ci-dessus), il convient d’écarter ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le douzième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée

729 La requérante invoque une violation de l’article 41 de la Charte et de l’article 296 TFUE, en raison d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

730 Plus particulièrement, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la décision attaquée contient des contradictions, des évaluations incomplètes et des déclarations vagues, en renvoyant à cet égard à l’annexe A.12, de la requête dans laquelle elle a établi une liste de ces incohérences.

731 En deuxième lieu, la requérante prétend que, dans la décision attaquée, la Commission effectue des déclarations non fondées et reprend sans recul critique les affirmations de la plaignante.

732 En troisième lieu, la requérante invoque des cas dans lesquels la Commission n’a pas abordé, et encore moins examiné sérieusement, certains arguments soulevés lors de la procédure administrative, à savoir, premièrement, l’argument relatif au caractère inapproprié des questions posées dans le cadre de demandes de renseignements afin de délimiter le marché concerné, deuxièmement, l’argument relatif au caractère marginal pour Huawei et ZTE des coûts de développement des puces en cause, troisièmement, l’argument relatif au fait qu’aucun des documents utilisés par la Commission pour démontrer l’intention d’éviction de la requérante ne contiendrait pas de référence à la puce MDM8200, quatrièmement, l’argument relatif à la prédation indirecte et, cinquièmement, l’argument selon lequel elle n’aurait fait qu’aligner ses prix sur ceux d’Icera.

733 En quatrième lieu, la requérante affirme que la Commission n’a pas mentionné la méthode de calcul du coût de référence qu’elle avait proposée lors de la procédure administrative et, sans explications, n’en a pas tenu compte dans la décision attaquée.

734 La Commission conteste les arguments de la requérante.

735 Il importe de relever que l’article 41, paragraphe 1, sous c) de la Charte impose à l’administration une obligation de motiver ses décisions. De la même manière, l’article 296 TFUE stipule que les actes de l’Union doivent être motivés.

736 Selon une jurisprudence bien établie, la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission, C 247/14 P, EU:C:2016:149, point 16 et jurisprudence citée).

737 Il importe également de rappeler que l’existence d’une motivation doit être distinguée de la question du bien-fondé de cette motivation. Il s’ensuit que, dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont inopérants (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, Nexans France et Nexans/Commission, T 449/14, EU:T:2018:456, point 164).

738 En ce qui concerne le premier grief, tiré de contradictions, d’évaluations incomplètes et de déclarations vagues figurant dans la décision attaquée, il y a lieu de relever que, contrairement aux allégations de la requérante, la décision attaquée n’est entachée d’aucune des contradictions, des évaluations incomplètes et des déclarations vagues listées à l’annexe A.12 de la requête, ce qui suffit pour écarter le présent grief.

739 En ce qui concerne le deuxième grief, tiré de déclarations non fondées et de reprises sans recul critique d’affirmations de la plaignante figurant dans la décision attaquée, il convient de relever que ce grief vise à contester le bien-fondé de la décision attaquée et est, dès lors, inopérant dans le cadre du présent moyen.

740 En ce qui concerne le troisième grief, tiré de ce que la Commission n’a pas abordé dans la décision attaquée certains arguments soulevés lors de la procédure administrative, il convient d’observer que la requérante a soulevé, dans le cadre du deuxième moyen (pour ce qui est des questions posées dans le cadre de demandes de renseignements afin de délimiter le marché concerné), du quatrième moyen (pour ce qui est de la prédation indirecte), du septième moyen (pour ce qui est des coûts de développement), du dixième moyen (pour ce qui est de l’intention d’éviction) et du onzième moyen (pour ce qui est de l’alignement sur les prix d’Icera), chacun desdits arguments, lesquels ont fait l’objet d’un examen spécifique par le Tribunal dans le cadre de l’examen desdits moyens ayant conduit à leur rejet, ce qui suffit pour écarter le présent grief.

741 Par ailleurs, pour autant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné sérieusement les arguments en cause, cette critique vise à contester le bien-fondé de la décision attaquée et est, dès lors, inopérante dans le cadre du présent moyen.

742 En ce qui concerne le quatrième grief, tiré de l’absence de mention dans la décision attaquée de la méthode de calcul du coût de référence que la Commission avait proposée lors de la procédure administrative et de l’absence de prise en compte de cette méthode, il convient de relever que ce n’est pas parce que la Commission a appliqué en l’espèce sa propre méthode de calcul du coût de référence, sans prétendument tenir compte de la méthode proposée par la requérante, qu’elle viole son obligation de motivation. Force est en outre de constater que, en l’espèce, la Commission a expliqué en détail, de façon claire et non équivoque, au point 12.6 de ladite décision, sa méthode de calcul du coût de référence, de même que les raisons pour lesquelles cette méthode lui semblait la plus appropriée. Le présent grief doit donc être écarté.

743 Partant, le douzième moyen doit être écarté.

 Sur le treizième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », d’absence de fondement et d’un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la durée de l’infraction

744 Dans le cadre du treizième moyen, la requérante critique tant la date de début de l’infraction que la date de fin de l’infraction qui ont été fixées par la Commission.

745 En ce qui concerne la date de début de l’infraction, se référant aux arguments développés à l’appui du huitième moyen, la requérante fait valoir que la Commission ne pouvait pas fixer cette date au 1er juillet 2009, étant donné que la puce MDM8200 n’avait atteint de production à grande échelle qu’au cours du deuxième trimestre de l’année 2010 et que les puces MDM6200 et MDM8200A n’avaient atteint cette production qu’au cours du premier trimestre de l’année 2011.

746 En ce qui concerne la date de fin de l’infraction, se référant aux arguments développés à l’appui des quatrième et dixième moyens, la requérante soutient que la Commission ne pouvait pas fixer cette date au 30 juin 2011.

747 La Commission conteste les arguments de la requérante.

748 Il importe de constater que, dans le cadre du présent moyen, la requérante ne fait que renvoyer aux arguments développés à l’appui des quatrième, huitième et dixième moyens. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante a expressément confirmé que le présent moyen ne reposait sur aucun argument spécifique, n’ayant pas été développé à l’appui d’un autre moyen.

749 Or, les arguments développés à l’appui des quatrième, huitième et dixième moyens auxquels la requérante renvoie dans le cadre du présent moyen ont tous été écartés, ce qui suffit pour écarter le treizième moyen.

 Sur le quatorzième moyen, tiré du caractère « manifestement erroné » de la décision attaquée en ce qui concerne l’imposition et le calcul de l’amende

750 Le présent moyen s’articule en sept branches. La première est tirée de l’absence de caractère intentionnel ou négligent de la commission de l’infraction. La deuxième est tirée d’erreurs d’appréciation et de droit, d’une violation du principe de sécurité juridique et d’un défaut de motivation concernant la détermination de la valeur des ventes. La troisième est tirée d’« erreurs manifestes d’appréciation » et de droit tenant à l’absence d’évaluation des effets de l’infraction. La quatrième est tirée d’erreurs d’appréciation et de droit ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la gravité de l’infraction. La cinquième est tirée d’« erreurs manifestes d’appréciation » et de droit ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne le montant additionnel de l’infraction. La sixième est tirée d’erreurs d’appréciation et de droit en ce qui concerne l’absence de circonstances atténuantes en application des lignes directrices de 2006 et d’une violation de l’obligation de motivation quant à l’intention ou à la négligence. La septième est tirée d’une violation du principe de proportionnalité.

 Observations liminaires

751 Dans la décision attaquée, la Commission a décidé d’imposer une amende à la requérante, calculée sur la base des principes énoncés dans les lignes directrices de 2006.

752 Tout d’abord, la Commission a déterminé, en se fondant sur des données fournies par la requérante, le montant de la valeur des ventes directes et indirectes de puces UMTS, à savoir les biens concernés par l’infraction, réalisées par cette dernière dans l’EEE. Elle s’est, dans ce cadre, fondée sur la valeur effective des ventes affectées, en additionnant la valeur des ventes de puces UMTS réalisées par la requérante pendant la période pertinente, à savoir le deuxième trimestre de l’année 2009, l’année 2010 dans son intégralité et le premier trimestre de l’année 2011. Pour aboutir au montant de base de l’amende, elle a appliqué un facteur de gravité de [confidentiel], en exposant dans la décision attaquée les éléments dont elle avait tenu compte pour parvenir à un tel pourcentage.

753 Ensuite, la Commission a ajouté au montant de base de l’amende un montant additionnel de dissuasion fixé à [confidentiel] de la moyenne de la valeur des ventes de puces UMTS réalisées par la requérante dans l’EEE pendant la période pertinente, soit [confidentiel] de la moitié de la valeur effective des ventes affectées, telle que précédemment déterminée. Elle a également expliqué, aux considérants 1274 à 1278 de la décision attaquée, les facteurs pris en considération pour parvenir à ce pourcentage.

754 Enfin, la Commission a estimé que, en l’absence de circonstance aggravante ou atténuante, le montant de l’amende ne devait pas faire l’objet d’adaptations.

755 Eu égard à ces considérations, la Commission a fixé le montant de l’amende imposée à la requérante à 242 042 000 euros, en précisant que, au vu du chiffre d’affaires de 19 105 millions d’euros réalisé par cette dernière au cours du dernier exercice financier précédant l’adoption de la décision attaquée, un tel montant demeurait sous le plafond des 10 % prévus par l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

756 En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner de commencer par l’examen de la deuxième branche du présent moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs d’appréciation et de droit, d’une violation du principe de sécurité juridique et d’un défaut de motivation concernant la détermination de la valeur des ventes

757 À l’appui de la deuxième branche, la requérante avance trois arguments. En premier lieu, elle fait valoir que la Commission a, lors de l’évaluation de la valeur de ses ventes indirectes de puces UMTS dans l’EEE, dérogé au point 15 des lignes directrices de 2006 en utilisant les données relatives à l’année civile, plutôt que les données relatives au dernier exercice fiscal.

758 En deuxième lieu, la requérante prétend que la Commission a dérogé aux points 13 et 24 des lignes directrices de 2006 en utilisant les ventes réalisées pendant toute la période pertinente, et non les ventes réalisées lors du dernier exercice fiscal complet, et ce sans la moindre explication.

759 En troisième lieu, la requérante se plaint de ne pas avoir eu la possibilité de faire part à la Commission de ses commentaires quant à la méthode d’estimation de la valeur de ses ventes que la Commission comptait appliquer.

760 La Commission conteste les arguments de la requérante. Elle rétorque, en premier lieu, que, en vue de déterminer la valeur des ventes de la requérante, elle a dû utiliser les données relatives à l’année civile fournies par la requérante en 2015, soit in tempore non suspecto, à un moment où il n’était pas encore question de calculer l’amende, plutôt que les données relatives au dernier exercice fiscal, fournies en 2019 par la requérante, corrigées ensuite à plusieurs reprises en raison d’erreurs multiples et considérées, de ce fait, comme étant peu fiables. Elle ajoute qu’elle n’a pas pu estimer les ventes réalisées au cours du dernier exercice fiscal sur la base des données fournies par année civile, car la requérante ne lui a jamais transmis de ventilation par trimestre de ces ventes, ce qui lui aurait permis de le faire.

761 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’utilisation de la valeur des ventes relatives à l’ensemble de la période pertinente, la Commission explique, au stade de la duplique, qu’elle n’a pas pu fonder ses calculs sur la dernière année complète de l’infraction, parce que les données de reconstruction du marché transmises par la requérante présentaient des chiffres agrégés pour l’année civile. Elle ajoute à cet égard que, depuis la première demande d’informations du 5 février 2019, elle a demandé à la requérante de lui communiquer la valeur des ventes de puces UMTS pour chaque exercice complet, de 2009 à 2011, c’est-à-dire pour l’ensemble de ladite période, et que, partant, la requérante aurait dû comprendre qu’elle avait l’intention d’utiliser la totalité de cette période, et pas seulement le dernier exercice.

762 En troisième lieu, la Commission fait valoir que la requérante a eu la possibilité de formuler des observations sur la méthode qu’elle allait appliquer, puisqu’elle l’en a informée le 13 juin 2019, de sorte que celle-ci a pu lui faire part de ses commentaires.

763 En ce qui concerne le premier argument de la requérante, relatif à l’utilisation par la Commission de données concernant l’année civile plutôt que de données concernant le dernier exercice fiscal, il ressort du point 13 des lignes directrices de 2006 que, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise, liées directement ou indirectement à l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, et qu’elle utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction.

764 Le point 15 des lignes directrices de 2006 précise que, en vue de déterminer la valeur des ventes d’une entreprise, la Commission utilisera les meilleures données disponibles de cette entreprise et le point 16 de ces lignes directrices prévoit que, lorsque les données rendues disponibles par une entreprise sont incomplètes ou non fiables, la Commission peut déterminer la valeur des ventes de cette entreprise sur la base des données partielles qu’elle a obtenues ou de toute autre information qu’elle considère comme étant pertinente ou appropriée.

765 Il en découle que la Commission n’est pas tenue d’utiliser les ventes réalisées au cours du dernier exercice fiscal, puisqu’il ne s’agit que d’une possibilité pour elle, l’utilisation du terme « normalement » au point 13 des lignes directrices de 2006 confirmant l’existence d’une possibilité, et non d’une obligation. Par ailleurs, en cas de doute quant à la fiabilité des données fournies par l’entreprise concernée, le point 16 de ces lignes directrices permet à la Commission d’utiliser toute autre information qu’elle considère comme étant pertinente ou appropriée en vue de déterminer la valeur des ventes de l’entreprise concernée.

766 En l’espèce, il est constant que la Commission a utilisé, pour calculer le montant de base de l’amende, les données des ventes réalisées par la requérante par année civile, plutôt que les données relatives aux ventes réalisées par exercice fiscal, et qu’elle a expliqué de manière détaillée aux considérants 1246 à 1266 de la décision attaquée les raisons qui l’avaient motivée à agir de la sorte, à savoir, notamment, un problème de fiabilité des données transmises par la requérante relative à ses ventes par exercice fiscal.

767 Il convient également d’observer que, lorsque la Commission a fait part à la requérante, le 13 juin 2019, de son intention d’utiliser les données relatives à ses ventes réalisées par année civile, cette dernière aurait très bien pu lui fournir les données relatives aux ventes réalisées par année civile, ventilées cette fois par trimestre, ce qui aurait permis à la Commission de calculer, sur la base de cette information, la valeur des ventes réalisées par la requérante au cours de l’exercice fiscal 2010. La requérante a omis de le faire et elle ne peut dès lors reprocher à bon droit à la Commission de ne pas avoir utilisé des données dont celle-ci ne disposait pas.

768 Par conséquent, c’est sans violer son obligation de motivation et sans commettre d’erreur que la Commission a décidé d’utiliser les données fournies par la requérante relatives à la valeur de ses ventes présentées par année civile, et non par exercice fiscal.

769 En ce qui concerne le deuxième argument de la requérante, relatif à l’utilisation par la Commission des ventes réalisées pendant toute la durée de l’infraction, plutôt que des ventes réalisées au cours du dernier exercice fiscal, il ressort du point 24 des lignes directrices de 2006 que, afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction.

770 En l’espèce, il n’est pas contesté que la Commission a calculé le montant de base de l’amende en additionnant la valeur des ventes réalisées par la requérante pendant la période pertinente, c’est-à-dire lors du deuxième semestre de l’année 2009, au cours de l’année 2010 ainsi qu’au premier semestre de l’année 2011, au lieu de le faire en multipliant la valeur des ventes réalisées au cours de la dernière année civile par le nombre d’années de participation à l’infraction, à savoir deux années.

771 Or, contrairement au point 13 des lignes directrices, qui laisse la possibilité à la Commission d’utiliser une autre valeur des ventes que celle relative au dernier exercice fiscal, le point 24 de ces lignes directrices ne prévoit pas de dérogation possible.

772 S’il est vrai que le point 37 des lignes directrices de 2006 permet à la Commission, de manière générale, de s’écarter de la méthode prescrite par ces lignes directrices, il n’en demeure pas moins que, dans pareil cas, la Commission est tenue de motiver particulièrement les raisons qui l’ont poussée à s’écarter de ladite méthode.

773 En effet, il ressort de la jurisprudence, d’une part, que, lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthode générale exposée dans les lignes directrices de 2006, par lesquelles elle s’est limitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant sur le point 37 desdites lignes directrices, cette exigence de motivation s’impose avec d’autant plus de vigueur et, d’autre part, que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement. Cette motivation doit être d’autant plus précise que ledit point se limite à une référence vague aux « particularités d’une affaire donnée » et laisse donc une large marge d’appréciation à la Commission pour procéder à une adaptation exceptionnelle des montants de base des amendes des entreprises concernées. En effet, dans un tel cas, le respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont l’obligation de motivation, revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T 95/15, EU:T:2016:722, point 48 et jurisprudence citée).

774 Toutefois, si la Commission explique effectivement pourquoi elle a utilisé la valeur des ventes relatives à l’année civile 2010, et non au dernier exercice fiscal, elle ne parvient pas à justifier l’utilisation de la valeur des ventes relatives à la durée totale de l’infraction (et non de celle des ventes réalisées au cours de la dernière année de l’infraction, multipliées ensuite par deux, au vu la période d’infraction de deux ans), puisqu’elle se limite à faire valoir qu’elle n’aurait pas pu baser ses calculs sur la dernière année complète de l’infraction, car elle ne disposait que des chiffres agrégés pour l’année civile. En effet, la Commission aurait alors très bien pu utiliser la valeur des ventes réalisées au cours de la dernière année civile de l’infraction, dont elle disposait et qu’elle considérait comme étant fiable, et multiplier cette valeur par la durée en années de l’infraction, à savoir par deux.

775 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 149 ; du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C 628/10 P et C 14/11 P, EU:C:2012:479, point 74, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T 95/15, EU:T:2016:722, point 46). Il en découle que l’explication apportée par la Commission, dans le cadre de la présente procédure et, plus particulièrement, au stade de la duplique, quant aux raisons l’ayant conduite à s’écarter du point 24 des lignes directrices de 2006, même si elle devait convaincre, ne pourrait en tout cas pallier le manque de motivation à cet égard de la décision attaquée.

776 Il en découle que, dans la décision attaquée, la Commission s’est écartée, sans justification, de la méthode prescrite par les lignes directrices de 2006 en se fondant, dans le cadre de la présente procédure et au stade de la duplique, sur une justification insuffisante.

777 En ce qui concerne le troisième argument de la requérante, relatif à l’absence de possibilité de faire valoir son point de vue quant à la méthode que la Commission comptait appliquer pour fixer le montant de base de l’amende, il est constant que la requérante a été informée le 13 juin 2019 de cette méthode et, plus particulièrement, du fait que la Commission comptait utiliser les données relatives aux ventes réalisées par année civile. La requérante a dès lors eu la possibilité de faire part de ses commentaires éventuels à cet égard.

778 Toutefois, contrairement à ce que prétend la Commission, la requérante ne pouvait pas valablement s’attendre à ce qu’elle calcule le montant de base de l’amende sur la base de la valeur des ventes réalisées pendant toute la période pertinente, simplement parce que la Commission lui avait demandé de lui communiquer la valeur des ventes de puces UMTS pour chaque exercice complet, de 2009 à 2011, c’est-à-dire pour l’ensemble de ladite période.

779 Il découle de ce qui précède que la présente branche et, partant, le quatorzième moyen, doivent être accueillis partiellement. Par conséquent, il convient d’annuler l’article 2 de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres branches du présent moyen, visant toutes à l’annulation de ladite disposition.

 Sur le quinzième moyen, tiré d’« erreurs manifestes d’appréciation », de fait et de droit, ainsi que d’un défaut de motivation de la décision attaquée, en ce qu’elle reconnaît la compétence de la Commission et l’affectation du commerce

780 Le présent moyen repose sur deux branches. La première est tirée d’un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 102 TFUE. La seconde est tirée de l’existence d’effets sur les échanges entre les États membres causés par le comportement incriminé.

 Sur la première branche, tirée d’un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 102 TFUE

781 La requérante fait valoir que la Commission s’est erronément déclarée compétente pour appliquer l’article 102 TFUE dans la décision attaquée, et ce pour les raisons suivantes.

782 En premier lieu, le comportement incriminé n’aurait pas été mis en œuvre dans l’EEE, eu égard à l’absence de ventes directe des puces concernées dans ou vers l’EEE.

783 En second lieu, pour les raisons exposées à l’appui du neuvième moyen, le comportement incriminé n’aurait pas été susceptible de produire des effets d’éviction anticoncurrentiels au sein de l’EEE. Et même si tel avait été le cas, ces effets n’auraient en tout état de cause pas été substantiels, immédiats et prévisibles.

784 La Commission conteste les arguments de la requérante.

785 Il convient de rappeler que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 102 TFUE peut être établie soit au regard du critère de la mise en œuvre, soit au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).

786 À cet égard, il convient également de souligner que les critères de la mise en œuvre et des effets qualifiés sont alternatifs et non cumulatifs (voir, en ce sens, arrêts du du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 98).

787 En l’espèce, il convient de relever que, au point 13 de la décision attaquée, en vue d’établir sa compétence à l’aune du droit international public pour constater et sanctionner une infraction à l’article 102 TFUE, la Commission s’est fondée tant sur le critère de la mise en œuvre (considérant 1203 de la décision attaquée) que sur le critère des effets qualifiés (considérants 1204 à 1210 de la décision attaquée).

788 En ce qui concerne le critère de la mise en œuvre, au considérant 1203 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que celui-ci était rempli, étant donné que la requérante savait ou devait savoir que les appareils assemblés par Huawei et ZTE, incorporant l’une de ses puces de bande de base, seraient également commercialisés dans l’EEE, ce qui serait attesté par plusieurs éléments de preuve contemporains des faits reprochés et, plus particulièrement, par une réponse de la requérante formulée au cours de la procédure administrative ainsi que par plusieurs documents internes de la requérante.

789 Or, la requérante ne conteste nullement le fait que Huawei et ZTE, auxquelles elle a vendu des puces à des prix prédateurs, ont intégré celles-ci dans des appareils commercialisés dans l’EEE ni le fait qu’elle savait ou devait savoir cela, ce qui constitue la raison pour laquelle la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que le critère de la mise en œuvre était satisfait.

790 En outre, la requérante ne saurait utilement faire valoir l’absence de ventes directes dans l’EEE, car cet élément n’est pas invoqué par la Commission dans la décision attaquée aux fins de démontrer que le critère de la mise en œuvre est satisfait.

791 Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que le critère de la mise en œuvre était satisfait en l’espèce.

792 Par ailleurs, eu égard au caractère alternatif du critère de la mise en œuvre et du critère des effets qualifiés, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 786 ci-dessus, puisque la requérante n’est pas parvenue à réfuter la conclusion de la Commission selon laquelle le critère de la mise en œuvre était satisfait, il n’est pas nécessaire d’examiner si la Commission a correctement considéré que l’autre critère, à savoir celui des effets qualifiés, était également satisfait, puisque, à lui seul, le critère de la mise en œuvre permet de fonder la compétence de la Commission pour appliquer l’article 102 TFUE.

793 Il découle de ce qui précède que la première branche du quinzième moyen doit être écartée.

 Sur la seconde branche, tirée de l’existence d’effets sur les échanges entre les États membres causés par le comportement incriminé

794 La requérante fait valoir, en renvoyant à ses arguments développés à l’appui du neuvième moyen, que c’est à tort que la Commission a conclu au considérant 1216 de la décision attaquée que le comportement incriminé avait eu un effet notable sur les échanges entre les États membres.

795 La Commission conteste les arguments de la requérante.

796 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si le commerce entre États membres est susceptible d’être affecté par l’abus d’une position dominante, il convient de prendre en considération les conséquences qui en résultent pour la structure de la concurrence effective dans le marché intérieur (voir arrêt du 4 mai 1988, Bodson, 30/87, EU:C:1988:225, point 24 et jurisprudence citée).

797 Dans ces conditions, des pratiques ayant pour objectif l’élimination du marché du principal concurrent établi dans le marché intérieur sont, par nature, susceptibles d’affecter la structure de la concurrence dans le marché intérieur et donc d’affecter le commerce entre États membres au sens de l’article 102 TFUE (arrêt du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, T 24/93 à T 26/93 et T 28/93, EU:T:1996:139, point 203).

798 Il ressort en outre de la jurisprudence qu’une pratique anticoncurrentielle portant sur un produit semi-fini est susceptible d’affecter le commerce au sein du marché intérieur, même si ce produit semi-fini ne fait pas lui-même l’objet d’un commerce entre les États membres, lorsqu’un tel produit constitue la matière première d’un autre produit commercialisé ailleurs dans l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 1985, Clair, 123/83, EU:C:1985:33, point 29).

799 En l’espèce, il ressort de l’examen du dixième moyen que la Commission a démontré à suffisance de droit que le comportement incriminé avait pour objectif d’éliminer Icera, la principale concurrente de la requérante, établie au moment des faits au sein de l’Union, ce que l’intervenante a expressément confirmé lors de l’audience de plaidoiries. En outre, ce comportement portait sur des puces UMTS, à savoir des produits semi-finis, destinées aux appareils MBB commercialisés, notamment, dans l’Union, ce qui n’est pas valablement contesté par la requérante.

800 Partant, c’est sans violer son obligation de motivation et sans commettre d’erreurs que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que le comportement incriminé était susceptible d’affecter le commerce entre États membres. La seconde branche du quinzième moyen doit donc être écartée.

801 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le quinzième moyen doit être écarté.

 Sur la demande de suppression ou de réduction du montant de l’amende

802 La compétence de pleine juridiction habilite le Tribunal, au delà du simple contrôle de légalité de la sanction, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, compte tenu de toutes les circonstances de fait, afin, notamment, de modifier le montant de l’amende, tant pour réduire ce montant que pour l’augmenter (voir, en ce sens, arrêts du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C 3/06 P, EU:C:2007:88, points 61 et 62, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 86).

803 Dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il appartient au Tribunal de déterminer le montant de l’amende en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce. Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération la gravité de l’infraction commise ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de proportionnalité et d’individualisation des sanctions (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 90 et jurisprudence citée).

804 Dans le cadre de son obligation de motivation, il incombe également au Tribunal d’exposer de manière détaillée les facteurs dont il tient compte en fixant le montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C 519/15 P, EU:C:2016:682, point 52).

805 En l’occurrence, pour déterminer le montant de l’amende destinée à sanctionner la requérante pour avoir mis en œuvre, pendant deux ans, des prix prédateurs sélectifs dans le but d’éliminer sa principale concurrente, le Tribunal estime qu’il convient, afin de tenir compte de son examen de la deuxième branche du quatorzième moyen, de procéder comme suit.

 Observation liminaire

806 Bien qu’il ne soit pas lié par les lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C 519/15 P, EU:C:2016:682, points 52 à 55), le Tribunal estime qu’il convient en l’espèce d’appliquer la méthode prescrite par les lignes directrices de 2006, laquelle n’est pas contestée par la requérante.

 Fixation du montant de base de l’amende

807 À la lumière de l’absence d’obligation prévue au point 13 des lignes directrices de 2006 d’utiliser la valeur des ventes réalisées au cours du dernier exercice fiscal, ainsi que cela ressort des points 763 à 765 ci-dessus, il convient de tenir compte en l’espèce de la valeur des ventes sur le marché des puces UMTS réalisées dans l’EEE par la requérante au cours de la dernière année civile de l’infraction, à savoir l’année civile 2010. En effet, ce choix est justifié par le fait que, en l’espèce, les données présentées par la requérante par exercice fiscal ne sont pas fiables, pour les raisons exposées aux considérants 1246 à 1266 de la décision attaquée.

808 À cet égard, il ressort du tableau 75 de la décision attaquée, non contesté par les parties, que, au cours de l’année civile 2010, la valeur des ventes de puces UMTS réalisées dans l’EEE par la requérante était de [confidentiel].

 Degré de gravité de l’infraction

809 En ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération, il convient de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes de l’espèce et, notamment, l’importance économique du marché des puces UMTS au niveau mondial, la nature de l’infraction commise par la requérante, le fait que la pratique reprochée visait la seule concurrente capable de défier la requérante sur le segment de pointe de ce marché, le fait que ce comportement a également pu dissuader d’autres entrants potentiels et la couverture géographique de l’infraction, de portée mondiale et incluant l’ensemble de l’EEE.

810 Partant, il convient d’appliquer un facteur de gravité de 11 %, ce qui donne lieu à un montant de [confidentiel].

 Nombre d’années d’infraction

811 Il ressort du point 24 des lignes directrices de 2006 que, afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction.

812 En l’espèce, dans la mesure où l’infraction a duré deux ans (considérant 1295 de la décision attaquée), le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes doit être multiplié par deux, ce qui donne lieu à un montant de [confidentiel].

 Montant additionnel

813 Il ressort du point 25 des lignes directrices de 2006 que, afin de dissuader des entreprises de même taille et possédant des ressources identiques de s’engager dans des pratiques anticoncurrentielles semblables à celles sanctionnées en l’espèce, une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes peut être incluse dans le montant de base de l’amende.

814 En l’espèce, le Tribunal estime que l’objectif de dissuasion peut être garanti par l’application d’un taux inférieur à celui, purement indicatif, prévu au point 25 des lignes directrices de 2006.

815 Pour ces raisons, il convient d’inclure dans le montant de base de l’amende une somme correspondant à 11 % de la valeur des ventes de puces UMTS réalisées dans l’EEE par la requérante au cours de l’année civile 2010, telle qu’elle ressort du tableau 75 de la décision attaquée, non contesté par les parties, ce qui donne lieu à un montant de [confidentiel].

 Circonstances atténuantes ou aggravantes

816 En l’espèce, aucun des éléments auxquels la requérante renvoie de manière générale ne saurait mener à une réduction du montant de l’amende au titre du point 29 desdites lignes directrices et, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, aucun ajustement du montant de base de l’amende n’est approprié.

817 Le Tribunal estime par ailleurs, comme la Commission dans la décision attaquée, qu’il n’est pas indiqué en l’espèce de majorer le montant de l’amende en raison de circonstances aggravantes.

818 Il en découle que le montant de l’amende ne devrait pas être adapté en raison de circonstances atténuantes ou aggravantes.

 Conclusion quant au montant de l’amende

819 Il découle de ce qui précède que le montant de l’amende imposée à la requérante est fixé à 238 732 659,33 euros.

 Sur les dépens

820 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, dudit règlement, si les parties succombent, respectivement, sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

821 En l’espèce, tant la requérante que la Commission succombent partiellement.

822 Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner la requérante à supporter neuf dixièmes de ses propres dépens ainsi que neuf dixièmes des dépens de la Commission et l’intégralité des dépens de l’intervenante. La Commission supportera un dixième de ses propres dépens et un dixième de ceux de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1) L’article 2 de la décision C(2019) 5361 final de la Commission, du 18 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire AT.39711 – Qualcomm (prix d’éviction)] est annulé.

2) Le montant de l’amende imposée à Qualcomm Inc. à l’article 2 de ladite décision est fixé, pour l’infraction qu’elle a commise telle qu’elle résulte de l’article 1er de cette décision, à 238 732 659,33 euros.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) Qualcomm supportera neuf dixièmes de ses propres dépens, de même que neuf dixièmes des dépens de la Commission européenne et l’intégralité des dépens de Nvidia Corp.

5) La Commission supportera un dixième de ses propres dépens, de même qu’un dixième des dépens de Qualcomm.