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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 7 mai 2024, n° 21/00827

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tudy Marine (Sasu)

Défendeur :

Axa France Iard (SA), Monceau Générale Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

Mme Chouvin-Galliard, Mme Grua

Avocats :

Me Laval, Me Balk-Nicolas, Me Boscher, Me Granier, Me Garnier, Me Desnoix

CA Orléans n° 21/00827

6 mai 2024

FAITS ET PROCEDURE :

M. [J] est propriétaire d'un bateau pneumatique semi-rigide, assuré auprès de la société Axa France iard.

Par contrat en date du 30 novembre 2014, intitulé «contrat de stockage bateau intérieur 2014/2015», il a confié son bâteau à la société Tudy marine pour la période du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015, le contrat prévoyant la mise à disposition de l'utilisateur d'une surface couverte et close pour y entreposer son bâteau, moyennant un prix de 342 euros TTC.

Le 30 avril 2015, la prise de la remorque ne fonctionnant pas, M. [J] a demandé à la société Tudy marine de prendre en charge cette réparation.

Dans la nuit du 2 au 3 mai 2015, le moteur de ce bâteau, qui était entreposé sur le terre-plein extérieur de la société Tudy Marine, a été volé, et le bâteau a été dégradé.

Le gérant de la société Tudy marine, M. [K], a déposé plainte pour ce vol et celui de 5 autres moteurs et d'un capot le 3 mai 2015 et a déclaré le sinistre auprès de son assureur, la société Monceau générale assurances (ci-après MGA).

Un procès-verbal de constatations a été dressé le 2 juin 2015 par les deux experts mandatés par la société Axa France iard et la société Monceau générale assurances.

Sur la base de deux expertises amiables, la société Axa France iard a adressé le 6 juillet 2015 une réclamation chiffrée à hauteur de 16 897,28 euros à la société Monceau générale assurances, qui n'a pas donné suite à cette réclamation.

M. [J] a été indemnisé par sa compagnie d'assurance, la société Axa France Iard, à hauteur de 8 210,75 euros.

Par actes d'huissier en date des 11 et 13 décembre 2018, M. [J] et la société Axa France iard ont fait assigner la société Tudy marine et société Monceau générale assurances devant le tribunal de grande instance de Blois aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 18 février 2021, le tribunal judiciaire de Blois a :

- constaté l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Tudy marine,

- constaté l'irrecevabilité des demandes formulées par la société Axa France iard à l'encontre de la société Monceau générale assurances,

- déclaré la société Tudy marine responsable, en sa qualité de dépositaire, du dommage subi par M. [J] du fait du vol du moteur de son bateau,

- condamné la société Tudy marine à verser à M. [J] la somme de 8 686,53 euros en réparation du préjudice subi à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- condamné la société Tudy marine à verser à la société Axa France iard la somme de 8 210,75 euros en remboursement de l'indemnisation versée à son assuré, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- débouté la société Axa France iard de sa demande tendant au remboursement des frais d'expertise amiable,

- constaté que la société Monceau générale assurances est bien fondée à invoquer la clause de non-garantie figurant dans les conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Tudy marine,

En conséquence,

- débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Monceau générale assurances,

- condamné la Société Tudy marine aux dépens,

- autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamné la société Tudy marine à verser la somme de 1 000 euros chacun à M. [J] et la société Axa France iard, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Tudy marine de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Monceau générale assurances de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration d'appel en date du 22 mars 2021, la société Tudy Marine a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a constaté l'irrecevabilité des demandes formulées par la société Axa France iard à l'encontre de la société Monceau générale assurances ; débouté la société Axa France iard de sa demande tendant au remboursement des frais d'expertise amiable ; débouté la société Monceau générale assurances de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Par ordonnance d'incident en date du 5 avril 2022, le juge de la mise en état a :

- dit que le conseiller de la mise en état a compétence pour statuer sur les demandes dont l'a saisie la société MGA à l'égard de la société Tudy Marine ;

- rejeté la demande de la société MGA tendant à voir déclarer que la 'demande' de la société Tudy Marine tendant à voir 'dire que la société MGA devra la garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre' n'est pas une prétention et que la cour n'en est pas saisie ;

- dit n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de la société Tudy Marine de ce chef ;

- dit n'y avoir lieu de déclarer cette demande de la société Tudy Marine irrecevable pour cause de nouveauté en cause d'appel ;

- déclaré recevable les demandes soumises au conseiller de la mise en état par la société MGA concernant M. [J] et la société Axa France iard ;

- rejeté la demande de la société MGA tendant à voir déclarer irrégulier, et à tout le moins irrecevable, l'appel incident de M. [J] et de la société Axa France iard dirigé contre la société MGA et dire qu'en conséquence, la cour n'en est pas saisie ;

- déclaré irrecevable la demande en paiement formée par la société Axa France iard contre la société MGA ;

- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que la société MGA supportera les dépens de l'incident.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2024.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, la société Tudy Marine demande à la cour de :

- infirmer la décision contradictoire en date du 18 février 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Blois en ce qu'elle a constaté l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Tudy marine ; déclaré la société Tudy marine responsable, en sa qualité de dépositaire, du dommage subi par M. [J] du fait du vol du moteur de son bateau ; condamné la société Tudy marine à verser à M. [J] la somme de 8 686,53 euros en réparation du préjudice subi à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation ; condamné la société Tudy marine à verser à la société Axa France iard la somme de 8 210,75 euros en remboursement de l'indemnisation versée à son assuré, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation ; constaté que la société Monceau générale assurances est bien fondée à invoquer la clause de non-garantie figurant dans les conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Tudy marine ; condamné la Société Tudy marine aux dépens ; autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision ; condamné la société Tudy marine à verser la somme de 1 000 euros chacun à M. [J] et la société Axa France iard, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté la société Tudy marine de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté la société Monceau générale assurances de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ; ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

- la confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

- constater l'absence de faute et de manquement contractuel de la société Tudy marine s'agissant du vol et des dégradations subis par le bateau de M. [J] ;

- juger la responsabilité de la société Tudy marine non engagée ;

Par conséquent,

- débouter en conséquence, M. [J] et la société Axa France iard de toutes leurs demandes fin et prétentions à ce titre.

- déclarer la clause d'exclusion de garantie de l'assurance non écrite ;

- déclarer la clause d'exclusion de garantie de l'assurance MGA obscure et inopposable à la société Tudy marine ;

- juger en conséquence, que la société MGA devra garantir la société Tudy marine de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, tant au profit de M. [J] que de la société Axa France iard ;

- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation sollicitée par M. [J] ;

En tout état de cause,

- débouter M. [J] et la société Axa France iard ainsi que la société MGA de leurs demandes fondées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner les intimés à payer à la société Tudy marine la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens ;

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er septembre 2023, M. [J] et la société Axa France iard demandent à la cour de :

- juger la société MGA irrecevable en sa fin de non-recevoir, l'en débouter.

- juger irrecevable et mal fondée la société Tudy marine en son appel.

En conséquence,

- la débouter de toutes ses demandes.

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société MGA,

- recevoir M. [J] et la société Axa France iard en leur appel incident.

Statuant à nouveau,

- juger que la garantie de la société MGA est acquise au titre de la garantie vol,

- condamner la société MGA à garantir la société Tudy marine de sa condamnation à payer à M. [J] la somme de 8 686,53 euros. et à la société Axa France iard la somme de 9.253,06 euros.

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation.

- condamner in solidum et solidairement le chantier société Tudy marine et la société MGA à payer à M. [J] et à la société Axa France iard la somme de 2 000,00 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum la société MGA et la société Tudy marine aux entiers dépens de l'instance.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 juillet 2023, la société MGA demande à la cour de :

- déclarer la société Tudy marine mal fondée en son appel et l'en débouter,

- déclarer M. [J] et la société Axa France iard mal fondés en leur appel incident et les en débouter, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- déclarer la société MGA recevable et bien fondée en ses demandes, et y faire droit,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 18 février 2021.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour retenait la responsabilité de la société Tudy marine et rejetait les arguments afférents à l'exclusion de garantie,

- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation sollicitée par M. [J] et ce, en application des clauses contractuelles et conditions de garantie applicables,

- déduire de l'indemnisation sollicitée par M. [J] le montant de la franchise contractuelle applicable, soit 420 euros,

En tout état de cause,

- débouter la société Tudy marine, M. [J] et la société Axa France iard de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre ,M. [J], la société Axa France iard et la société Tudy marine à verser à la société MGA une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Garnier, avocat aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la société TUDY MARINE

Moyens des parties

M. [J] et la société AXA France Iard font valoir que la responsabilité de la société Tudy Marine doit être appréciée dans le cadre d'un contrat de dépôt salarié.

Ils expliquent en effet que M. [J] avait confié son bateau à la société Tudy Marine, pour 6 mois du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015, moyennant le versement d'une redevance de 342 euros TTC, mais que le 2 mai 2015, la société Tudy Marine effectuait encore des réparations sur le navire de sorte que le contrat de dépôt salarié ne s'est pas terminé le 30 avril comme l'a retenu le tribunal, la jurisprudence considérant que le dépôt est salarié même si la rémunération versée n'est pas la contrepartie de la garde du véhicule stricto sensu mais apparaît comme le paiement d'une prestation de service, exécutée par le garagiste dans le cadre d'un contrat d'entreprise.

Ils soutiennent que le dépositaire, tenu de rendre la chose dans l'état où elle lui a été confiée, est tenu d'une obligation de moyens renforcée lorsque le dépôt est comme en l'espèce, salarié. Or en l'espèce, la société Tudy Marine a selon eux commis des fautes :

- le chantier était insuffisamment protégé : la porte d'accès était fermée par un cadenas d'une extrême simplicité, il n'y avait ni alarme, ni caméras, ni chiens, alors même que les vols sur les chantiers navals sont fréquents ;

- un manque de soins apporté aux objets confiés : le navire se trouvait sur un terre-plein extérieur alors que le contrat prévoyait un gardiennage à l'intérieur dans un hangar fermé, étant précisé que M. [J] n'a pas sollicité le stockage de son bâteau à l'extérieur comme soutenu à tort par la société Tudy marine ;

- la société Tudy Marine indique elle-même que la société Monceau Générale Assurance a indemnisé les autres moteurs volés et a refusé sa garantie pour le seul bâteau de M. [J], ce qui explique pourquoi elle conteste sa responsabilité à son égard.

La société MGA sollicite la confirmation du jugement qui a retenu que la société Tudy Marine était responsable, en sa qualité de dépositaire, du dommage subi par M. [J] du fait du vol du moteur de son bâteau.

La société Tudy Marine considère qu'à la date du 2 mai 2015 ne subsistait plus qu'un contrat de dépôt à titre gratuit, le contrat à titre onéreux ayant pris fin le 30 avril précédent. Elle considère qu'elle n'était donc plus soumise à une obligation de moyens renforcée. Elle rappelle que M. [J] lui a demandé lors de la réception du bâteau le jeudi 30 avril de réparer la prise de la remorque, que cette réparation a été effectuée le 2 mai et que c'est M. [J] qui a expressément demandé que son bâteau soit placé sur le terre-plein central car il devait venir le chercher le 2 mai 2015, ce qu'il n'a finalement pas fait. Elle estime n'avoir commis aucune faute dans la garde du bâteau. Elle conteste ensuite sa qualité de 'dépositaire', expliquant que le bâteau était en extérieur à la demande de M. [J] qui devait venir le chercher, de sorte qu'aucun contrat ne les liait. Elle conteste également avoir effectué une réparation sur le bâteau le jour précédant le vol puisqu'elle est intervenue uniquement sur la remorque.

Elle estime qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris de mesures de sécurité suffisantes, alors que le terrain est entièrement clôturé par un grillage de 1,80 mètres de haut, fermé par une porte coulissante verrouillée avec un verrou de sécurité. Les systèmes de protection, tels que des alarmes, concernent majoritairement les bâtiments clos et non leurs extérieurs. Quant à la présence d'un fossé autour de la clôture, d'un gardien ou encore de chiens pour surveiller les lieux, elle estime que ces mesures seraient manifestement disproportionnées par rapport à son activité. Elle rappelle qu'elle était tenue d'une obligation de moyens simple et qu'elle avait pris toutes les précautions nécessaires pour éviter le vol. Elle estime dès lors n'avoir commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Réponse de la cour

Sur la nature du contrat liant les parties

Par contrat du 30 novembre 2014, la société Tudy Marine a mis à la disposition de M. [J] une 'surface couverte et close' pour y entreposer son bâteau, du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015.

Ce contrat était donc expiré lorsque le vol est survenu, le 2 mai.

En revanche, les parties s'accordent quant au fait que M. [J], lorsqu'il est venu reprendre possession de son bâteau à la fin du contrat le 30 avril 2015, s'est aperçu que la prise de la remorque destinée à transporter le bâteau était cassée et a donc demandé à la société Tudy marine de le réparer.

S'est donc formé à cette date un contrat d'entreprise, auquel est accessoire un contrat de dépôt, indépendamment même de tout accord de gardiennage (1ère Civ 8 octobre 2009 nº08-20.048 Bull nº204). La réalité de ce contrat d'entreprise et du contrat de dépôt qui en constitue l'accessoire nécessaire, est attestée par la facture en date du 2 mai 2015, qui comporte le coût de stockage du bâteau pendant 6 mois et le coût du remplacement de la prise de plaque remorque.

Il est constant que M. [J] n'est pas venu chercher son bâteau le 2 mai 2015.

La société Tudy Marine était donc toujours tenue des obligations du dépositaire durant la nuit du 2 au 3 mai 2015 lorsqu'est suvenu le vol du moteur du bâteau.

Il est constant qu'il résulte de la combinaison des articles 1927, 1928 et 1933 du code civil qu'il appartient au dépositaire, auquel est imputée la détérioration d'une chose confiée aux fins de réparations ou d'entretien, de prouver qu'il y est étranger, en établissant soit que cette détérioration préexistait à la remise de la chose ou n'existait pas lors de sa restitution, soit, à défaut, qu'il a donné à sa garde les mêmes soins que ceux qu'il aurait apportés à celle des choses lui appartenant (1re Civ., 5 février 2014, pourvoi nº 12-23.467, Bull. 2014, I, nº 17).

Il est constant également qu'il appartient en particulier au réparateur de prendre toutes les précautions possibles pour éviter un dommage sur la chose qui lui a été confiée.

Il appartient donc à la société Tudy Marine de prouver qu'elle est étrangère au vol du moteur et à la dégradation du bâteau, en établissant qu'elle a donné à sa garde les mêmes soins que ceux qu'elle aurait apportés à celle des choses lui appartenant.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que les voleurs se sont introduits sur le terre-plein extérieur, où était entreposé le bâteau de M. [J], après avoir découpé le grillage de clôture. La circonstance que le bâteau ait été entreposé sur le terre-plein extérieur à la demande de M. [J] venu récupérer son bâteau trois jours plus tôt est inopérante dès lors que la société Tudy Marine est restée dépositaire de ce bâteau et qu'il lui appartenait en conséquence de décider des mesures nécessaires à sa conservation.

Ce terre-plein était, selon le rapport d'expertise d'assurance versé aux débats, clôturé par un grillage de 1,60 m de haut et fermé par un portail coulissant verrouillé. Il n'existait ni alarme, ni video-surveillance.

Il ne saurait être considéré que ces précautions étaient suffisantes pour parer aux risques de vols, dont il résulte des éléments du dossier qu'ils sont fréquents s'agissant notamment des moteurs de bâteaux, alors que les bâteaux stationnés sur le terre-plein, au nombre au moins de 6, étaient visibles de l'extérieur, que le site était facile d'accès puisque la clôture était constituée d'un simple grillage, qui n'était pas très haut et qui pouvait être facilement découpé, ce qui a été le cas en l'espèce, et que le site n'était protégé ni par un système d'alerte anti-intrusion ni même de surveillance de type vidéo-surveillance.

La société Tudy Marine, qui exerçait de façon habituelle les fonctions de dépositaire, dans le cadre de contrats de gardiennage ou de façon accessoire à des contrats de réparation, et qui était donc tenue d'une obligation de conservation des bâteaux qui lui étaient confiés, ne saurait soutenir, compte tenu de la valeur d'un moteur de bâteau puisqu'elle a établi un devis de remplacement à hauteur de plus de 16 000 euros, que de tels moyens de protection de son parking extérieur auraient été disproportionnés. Il lui appartenait en tout état de cause, si elle considérait que tel était le cas, de ne pas entreposer de bâteaux sur le terre-plein extérieur sans prendre les mesures nécessaires pour parer au risque de vol et de dégradations.

En conséquence, la société Tudy Marine, qui ne justifie pas avoir mis en place des moyens de fermeture et de surveillance efficaces et dissuasifs, de nature à empêcher une intrusion dans les lieux, ne démontre donc pas avoir pris les précautions suffisantes pour protéger le bâteau de M. [J], et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation du préjudice

Moyens des parties

M. [J] et la société AXA France Iard sollicitent la confirmation du jugement qui a alloué à M. [J] une somme de 16 897,28 euros TTC, conformément à l'évaluation à laquelle ont procédé les deux experts, au vu d'un devis de la société Tudy Marine du 4 mai 2015.

La société Tudy Marine fait valoir que le tribunal s'est fondé sur la valeur d'un moteur de remplacement neuf, soit 16 897,28 euros, alors que des devis ultérieurs mentionnent un montant inférieur de 11 741,68 euros. Elle ajoute que le moteur dérobé était un moteur d'occasion, lequel avait été utilisé en location ce qui diminue fortement sa valeur et qu'il avait une côte argus, au moment du vol, de 6300 euros. Elle ajoute que l'expert amiable du cabinet Oceanic Expertises a estimé le montant du préjudice subi à hauteur de 8212,28 euros. Elle considère que pour confirmer la réalité du préjudice subi, il convient que M. [J] produise la facture d'achat du nouveau moteur.

Elle ajoute que M. [J] a concouru à la réalisation de son dommage puisqu'il devait venir récupérer son bâteau le 2 mai et ne l'a pas fait.

Réponse de la cour

La société Tudy Marine conteste le montant de 16 897,28 euros retenu par le tribunal.

Elle fait valoir d'une part que le moteur n'était pas neuf et avait une côte argus de 6300 euros au moment du vol, d'autre part que des devis ultérieurs mentionnent un montant inférieur de 11 741,68 euros.

Toutefois, elle ne verse aux débats ni les devis d'un montant de 11 741,68 euros dont elle se prévaut, ni aucune pièce de nature à justifier que le moteur avait une valeur argus de 6300 euros et que l'acquisition d'un moteur de remplacement à ce prix est possible, alors au contraire que l'un des experts, le Centre européen d'expertise métrologique des industries nautiques mentionne (pièce 14 M. [J] et son assureur) que 'Compte tenu du nombre très important de vols de moteur hors-bord depuis quelques années, il est quasiment impossible de trouver un moteur équivalent sur le marché de l'occasion'.

Le seul devis de remplacement versé aux débats est celui établi par la société Tudy Marine elle-même, en date du 4 mai 2015, pour un montant de 16 897,28 euros TTC de sorte qu'il n'est nullement justifié que ce moteur peut être remplacé pour un coût moindre.

La société Tudy Marine fait encore valoir que la faute de la victime a concourru à son préjudice, puisque M. [J] a lui-même demandé que son bâteau soit sorti du hangar trois jours avant le vol. Toutefois, c'est au dépositaire de prendre toutes les précautions nécessaires à la conservation du bien qui lui est confié et dont il a l'entière responsabilité jusqu'à sa restitution. Il appartenait donc à la société Tudy Marine de refuser, nonobstant la demande de M. [J], de laisser son bâteau stationné à l'extérieur, et de le stocker à l'intérieur du bâtiment jusqu'à ce que M. [J] vienne le chercher.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'en considération de la valeur du moteur de remplacement, soit 16 897,28 euros, et d'indemnité de 8210,75 euros versée à M. [J] par son assureur la société AXA France Iard, la société Tudy Marine a été condamnée à lui verser à M. [J] une somme de 8.686,53 euros et à la société AXA France Iard une somme de 8210,75 euros.

Sur la garantie de la société Monceau Générale Assurances (MGA)

Moyens de parties

La société MGA, assureur de la société Tudy Marine, se prévaut d'une clause d'exclusion de garantie pour refuser sa garantie, tenant au fait que les vols de moteurs amovibles ne sont pas garantis lorsqu'ils ne sont pas munis d'un dispositif antivol rendant impossible le vol du moteur sans effraction. Tel n'étant pas le cas en l'espèce, ainsi qu'il résulte des rapports d'expertise, elle considère qu'elle ne doit pas sa garantie.

La société Tudy Marine demande à être garantie par son assureur. Elle soutient que la clause d'exclusion de garantie invoquée n'est pas précise :

- on ne sait pas à quoi renvoie la notion 'lorsqu'ils sont à poste' ;

- on ignore si la garantie s'étend aux bâteaux présents à l'extérieur,

- aucune différence n'est faite dans le contrat d'assurance entre l'hypothèse d'un contrat de dépôt salarié ou à titre gratuit ;

- aucune définition de la notion de 'moteurs amovibles' n'est donnés ; or tous les moteurs de bâteaux sont amovibles car ils peuvent être changés au besoin ;

- la notion de 'dispositif antivol' n'est pas plus explicitée, de sorte qu'il n'est pas possible pour l'assuré de savoir quel objet utiliser afin de satisfaire aux exigences de ladite clause ; en oute, un tel dispositif semble davantage être du ressort du déposant que du dépositaire, alors qu'il n'est pas possible de solliciter des obligations de la part des tiers ;

- l'admission d'une clause 'rendant impossible le vol du moteur sans effraction' reviendrait à restreindre la garantie de l'assureur à des cas très exceptionnels.

- il y a bien eu effraction, et si l'effraction devait être appliquée au moteur, force est de constater que même dans un espace clos, avec un dispositif de sécurité de pointe, à partir du seul moment où le moteur en lui-même ne comporterait pas de dispostif anti-vol, la garantie ne pourrait être mise en oeuvre. En outre, il y a bien eu effraction sur le moteur puisque les cables ont été sectionnés, et la clause ne précise pas qu'il doit y avoir effraction du dispositif anti-vol.

Cette clause imprécise vient donc priver de son efficacité la garantie souscrite par l'assurée, et instaure un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, de sorte que cette clause, qui ne remplit pas les objectifs de claté, de précision et de limitation imposés par la loi et la jurisprudence, lui est inopposable.

Enfin, le vol et les dégradations sur le bâteau ne se sont pas produits du seul fait de la supposée absence de dispositif antivol sur le moteur mais du fait d'une entrée par effraction, et la présence d'un grillage et du portail verrouillé peuvent s'analyser comme étant 'un dispositif antivol rendant impossible le vol du moteur sans effraction'.

M. [J] et la société AXA France Iard demandent que la société MGA soit condamnée à garantir la société Tudy Marine de sa condamnation à payer à M. [J] la somme de 8 636,53 euros et à la société AXA France la somme de 9.253,06 euros.

Réponse de la cour

Le contat d'assurance souscrit par la société Tudy Marine auprès de la société MGA comporte les stipulations suivantes :

Article 3 - RESPONSABILITE CIVILE DEPOSITAIRE

'(...) L'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir, en sa qualité de dépositaire, en raison des pertes, dommages ou avaries, (...) pendant le temps où ils se trouvent sous sa garde (...)

Demeurent EXCLUS :

(...)

'Les vols ou tentatives de vols des moteurs amovibles, lorsqu'ils sont à poste et ne sont pas munis d'un dispositif antivol rendant impossible le vol du moteur sans effraction, ainsi que les vols d'une pièce ou d'une partie seulement du moteur'.

Cette clause, qui figure dans les 'Conditions Particulières' du contrat signées par la société Tudy Marine le 10 novembre 2004, est rédigée en caractères gras.

En application de l'article L. 113-1 du code des assurances, une clause d'exclusion doit, pour être valable, être formelle et limitée.

La société Tudy marine soutient que tel n'est pas le cas.

La clause opposée par la société MGA est applicable en cas de :

- vol ou tentative de vol ;

- d'un moteur amovible ;

- lorsqu'il est à poste et n'est pas muni d'un dispositif antivol rendant impossible le vol du moteur sans effraction.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société Tudy Marine, les termes de cette clause sont précis et renvoient à des notions qui ne sont aucunement susceptibles d'interprétation. En effet, un moteur amovible est, conformément au sens du terme 'amovible', qui signifie 'qui peut être enlevé', un moteur qui n'est pas fixé au bâteau mais un moteur portatif qui peut être emporté lorsque le bâteau n'est pas utilisé, par opposition aux moteurs inamovibles, fixés aux bâteaux et qui ne peuvent être retirés sans opération de démontage. L'expression 'moteur à poste', qui désigne le moteur à son poste sur le bâteau, ne revêt pas davantage d'ambiguité, pas plus que la condition d'un dispositif anti-vol, qui désigne les dispositifs spécifiques pouvant être installés sur de tels moteurs pour les protéger contre le vol lorsqu'ils ne sont pas retirés. Si l'installation d'un dispostif antivol relève en effet du propriétaire du bâteau, l'assuré est libre de refuser de prendre en charge des bâteaux dont les moteurs amovibles ne disposent pas de tels dipsositifs, pour lesquels il n'est pas assuré.

Cette clause d'exclusion, dont les termes sont clairs et précis, qui s'applique quelque soit le lieu de stockage et la nature du contrat de dépôt, est formelle et limitée puisque sont assurés tous les moteurs amovilbes protégés par un dispostif anti-vol. Elle est donc parfaitement valable et opposable à la société Tudy Marine.

Il résulte en l'espèce des rapports d'expertise réalisés par la société Oceanic Expertises, qui a constaté que 'le moteur a été enlevé, les boulons de fixation du moteur sont desserrés, les câbles de liaison du moteur ont été sectionnés', que le moteur n'était pas protégé par un dispositif spécifique anti-vol puisqu'il n'en est fait aucune mention en dépit d'une description précise du vol et des dégradations constatées. Le rapport du Cabinet CEEMIN ne fait davantage état d'un dispositif anti-effraction.

La société Tudy Marine, dans son dépôt de plainte, ne fait d'ailleurs pas mention d'un dispositif spécifique anti-vol qui aurait fait l'objet d'une effraction.

Les pièces produites démontrent ainsi que le moteur du bâteau de M. [J] n'était pas muni d'un dispositif anti-vol.

Il ne saurait être soutenu que l'effraction visée par la clause d'exclusion ne viserait pas le dispositif anti-vol mais l'existence d'une quelconque effraction, caractérisée en l'espèce par la découpe du grillage, alors que l'emploi du participe présent 'rendant imposssible le vol du moteur sans effraction' implique que ce membre de phrase se rapporte grammaticalement au groupe nominal qui le précède et donc au 'dispositif antivol'. Le fait que les voleurs se sont introduits dans l'enceinte de la société par effraction est donc inopérant pour l'application de cette clause.

En conséquence, cette clause d'exclusion, rédigée en caractères apparents, formelle et limitée, est parfaitement opposable à la société Tudy Marine, qui n'est donc pas assurée pour le sinistre considéré.

La société MGA ne peut dès lors être condamnée à garantir la société Tudy Marine des condamnations prononcées contre elle. L'ensemble des demandes fomées contre la société MGA seront donc rejetées.

Sur les demandes accessoires

La société Tudy Marine sera tenue aux dépens de la procédure d'appel.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

DECLARE applicable en l'espèce la clause d'exclusion invoquée par la société Monceau Générale Assurance ;

REJETTE en conséquence les demandes tendant à voir la société Tudy Marine garantie par la société Monceau Générale Assurance des condamnations prononcées contre elle ;

REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Tudy Marine aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Estelle Garnier, avocat.