CA Bordeaux, 1re ch. civ., 7 décembre 2023, n° 21/02091
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Pierre Bouteville (Sarlu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
Mme Vallée, Mme Heras de Pedro
Avocats :
Me Bourreau, Me Naveilhan
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Au mois d'avril 2019, M. [F] [B] [C] a pris contact avec l'Eurl Etablissements Pierre Bouteville, garagiste, pour rechercher la cause de la panne de son véhicule et y a déposé son véhicule Fiat 500 N° [Immatriculation 2].
C'est ainsi que le 2 avril 2019, la société Etablissements Pierre Bouteville a établi un devis d'un montant de 703,27 euros correspondant aux réparations à effectuer sur le véhicule.
M. [C] a réglé le même jour une facture de 56,10 euros correspondant à la recherche de la panne.
Considérant que le garage n'avait pas procédé aux réparations selon le devis qu'il avait accepté, par requête reçue au greffe le 27 mai 2020, M. [C] a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir condamner la société Etablissements Pierre Bouteville à procéder aux réparations de son véhicule pour un montant de 703,27 euros conformément au devis.
Par jugement réputé contradictoire du 22 février 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la société Etablissements Pierre Bouteville à réparer le véhicule Fiat immatriculé [Immatriculation 2], conformément aux descriptifs des travaux et au prix figurant dans le devis du 2 avril 2019, sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement,
- condamné en outre la société Etablissements Pierre Bouteville à verser à M. [C] une somme de 700 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné enfin la société Etablissements Pierre Bouteville aux entiers dépens de la procédure.
La société Etablissements Pierre Bouteville a relevé appel de ce jugement par déclaration du 08 avril 2021.
Par ordonnance du 2 décembre 2021, la première présidente de chambre de la cour d'appel de Bordeaux a :
- rejeté la demande formée par la société Etablissements Pierre Bouteville aux fins de suspension de l'exécution provisoire,
- condamné la société Etablissements Pierre Bouteville à verser à M. [C] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 avril 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- liquidé l'astreinte provisoire fixée par jugement du 22 février 2021 à la somme de 4 000 euros pour la période du 4 mars 2021 au 29 mars 2022,
- condamné en conséquence la société Etablissements Pierre Bouteville à verser à M. [C] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [C] et la société Etablissements Pierre Bouteville du surplus de leurs demandes au fond plus amples et contraires,
- condamné en conséquence la société Etablissements Pierre Bouteville à verser à M. [C] une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné en conséquence la société Etablissements Pierre Bouteville aux dépens de l'instance.
Par ordonnance du 11 janvier 2023, le président de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux a :
- rejeté la demande d'expertise formulée par M. [C],
- condamné M. [C] aux dépens de l'incident.
Par conclusions déposées le 10 octobre 2023, la société Etablissements Pierre Bouteville demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 22 février 2021 dans toutes ses dispositions, c'est-à-dire en ce qu'il a :
* condamné la société Etablissements Pierre Bouteville à réparer le véhicule Fiat immatriculé [Immatriculation 2] conformément au descriptif des travaux et au prix figurant dans le devis du 2 avril 2019, sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement,
* condamné en outre la société Etablissements Pierre Bouteville à verser à M. [C] une somme de 700 euros à titre de dommages et intérêts,
* condamné la société Etablissements Pierre Bouteville aux entiers dépens de la procédure,
- recevoir la société Etablissements Pierre Bouteville en ses demandes et en conséquence, - condamner M. [C] à verser à la société Etablissements Pierre Bouteville la somme de 30 980 euros arrêtée au 1er juillet 2023, à parfaire,
- assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner M. [C] à verser à la société Etablissements Pierre Bouteville la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 06 octobre 2023, M. [C] demande à la cour de :
- débouter la société Etablissements Pierre Bouteville de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux pôle protection et proximité du 25 février 2021, RG nº20/02844, en ce qu'il a condamné la société Etablissements Pierre Bouteville à réparer le véhicule Fiat immatriculé [Immatriculation 2], conformément au descriptif des travaux et au prix figurant sur le devis du 2 avril 2019, sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement et en ce que la société Etablissements Pierre Bouteville a été condamnée à réparer le préjudice de jouissance de M. [C],
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a limité le montant des dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance de M. [C] à une somme de 700 euros,
Statuant à nouveau,
- débouter la société Etablissements Pierre Bouteville de ses demandes de frais de gardiennage,
- juger que la société Etablissements Pierre Bouteville, en sa qualité de garagiste, a manqué à son obligation de résultat à l'égard de M. [C], le véhicule Fiat immatriculé [Immatriculation 2], ne démarrant plus après l'intervention qu'elle prétend avoir réalisé le 22 janvier 2022,
En conséquence,
- condamner la société Etablissements Pierre Bouteville à procéder aux réparations du véhicule FIiat immatriculé [Immatriculation 2], et de le restituer à M. [C] en parfait état de marche, sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,
Subsidiairement, si la cour s'estime insuffisamment informée, avant dire droit,
- commettre tel expert qu'il plaira en qualité d'expert judiciaire,
- dire que l'expert judiciaire aura les missions suivantes :
* se rendre au siège de la société Etablissements Pierre Bouteville en présence des parties et de leurs conseils après les avoir dûment convoqués ; se faire communiquer, dans le délai qu'il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu'il jugera nécessaires à l'exercice de sa mission,
* procéder à l'examen du véhicule de marque Fiat, modèle Fiat 500, immatriculé [Immatriculation 2], en décrire les principales caractéristiques, décrire les interventions réalisées par la société Etablissements Pierre Bouteville,
* vérifier l'existence des défauts de fonctionnement en décrire les principales manifestations pour préciser si le véhicule est en mesure de circuler dans le respect de la réglementation en vigueur,
* rechercher la cause et l'origine de ces défauts, en expliquer le processus d'évaluation et donner tous éléments permettant de déterminer s'il y a eu de mauvaises interventions de la part de la société Etablissements Pierre Bouteville,
* apprécier le coût et la durée de la remise en état de fonctionnement normal,
* donner tous éléments techniques complémentaires permettant à la juridiction saisie d'évaluer le préjudice subi par le propriétaire du véhicule du fait notamment de l'immobilisation du véhicule depuis le mois d'avril 2019 et de déterminer les éventuelles responsabilités encourues,
* répondre, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, à tous dires ou observations des parties auxquelles seront communiquées, avant d'émettre l'avis sur l'évaluation définitive des travaux de réparation, un pré-rapport comportant toutes les informations l'état de ses investigations et tous les documents relatifs notamment aux devis et propositions chiffrés concernant les diverses évaluations,
* plus généralement donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige,
- condamner la société Etablissements Pierre Bouteville à verser à M. [C] une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- condamner la société Etablissements Pierre Bouteville à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Etablissements Pierre Bouteville aux entiers dépens de l'instance.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 26 octobre 2023.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes tendant à l'exécution des travaux de réparation du véhicule et en dommages et intérêts pour préjudice de jouissance
La Sarlu Etablissements Pierre Bouteville fait valoir pour l'essentiel que le devis ayant été refusé par le client, elle a émis une facture de recherche de panne qui a été réglée mais que M. [F] [B] [C] n'est jamais venu récupérer le véhicule, que si elle a finalement effectué la réparation, c'est parce qu'elle y a été contrainte par la condamnation prononcée à son encontre.
M. [F] [B] [C] réplique pour l'essentiel que bien qu'il ait accepté le devis du 2 avril 2019, la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville n'a pas procédé aux réparations, que le garage a ainsi manqué à son obligation de résultat et que tel est toujours le cas après la réparation effectuée après la condamnation puisque le véhicule n'est toujours pas roulant.
Il sera tout d'abord observé qu'aucune des pièces mentionnées dans le bordereau de communication de M. [F] [B] [C] et dans ses conclusions ne correspond à celles versées au dossier.
Ainsi, la pièce 1 nomenclaturée "courrier recommandé de Monsieur [C] » adressé à la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville correspond en réalité au jugement déféré, la pièce 2 nomenclaturée « désignation d'un conciliateur de justice du 24 octobre 2019 » correspond à la signification du jugement déféré, la pièce 3 intitulée « constat d'échec de la conciliation de justice du 14 novembre 2019 » correspond à la déclaration d'appel, la pièce 4 intitulée « jugement du tribunal du pôle de protection et de proximité de Bordeaux du 22 février 2021 » correspond au devis du 2 avril 2019 et la pièce 5 intitulée « procès-verbal de signification du jugement du 9 mars 2021 de la SCP PEYCHEZ GUITOU PORTE » correspond à l'ordonnance de rejet de la suspension d'exécution provisoire du 2 décembre 2021.
Il n'est donc pas justifié par l'intimé qu'une conciliation de justice qu'il aurait initiée en amont de la saisine du juge du contentieux de la protection aurait échoué en novembre 2019 du fait de la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville, ni qu'il lui aurait en août 2019 adressé une lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour le mettre en demeure d'effectuer les travaux sur son véhicule.
En revanche, il ressort du dossier de la cour qu'une tentative de médiation a été réalisée à l'initiative de la juridiction qui a échoué en raison du refus de M. [F] [B] [C].
Il incombe à M. [F] [B] [C] de démontrer qu'un contrat d'entreprise s'est noué entre les parties et qu'en vertu de ce contrat, la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville avait l'obligation de réparer son véhicule.
Or, il n'est produit aucune pièce démontrant que le devis du 2 avril 2019 pour un montant de 703,27 euros ainsi libellé :
« Liquide permanent 5 litres jaune- 25
Bidon de 5 L huile -W-Net
Fongibles net
Tarif horaire au temps passé VL
Dépose et repose moteur
Callage (sic) distribution
Sous réserve au démontage de
pièces défectueuses à remplacer
en plus de ce devis »
a été accepté par M. [F] [B] [C].
Ainsi, M. [F] [B] [C] échoue à rapporter la preuve que la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville avait l'obligation de réparer le véhicule, d'autant qu'il ne conteste pas avoir réglé une facture recherche de panne pour un montant de 56,10 euros qui n'est habituellement facturée que lorsque cette recherche n'est pas suivie de la réparation.
Le jugement déféré qui a condamné sous astreinte la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville à exécuter les réparations décrites par ce devis sera réformé.
Aucune faute du garage n'étant avérée, le jugement déféré qui a condamné la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville à payer une somme de 700 euros en dommages et intérêts pour préjudice de jouissance sera réformé.
Sur la demande subsidiaire d'expertise
M. [F] [B] [C] sollicite cette expertise à titre subsidiaire « en tant que de besoin, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée ».
La Sarlu Etablissements Pierre Bouteville ne formule aucune observation sur cette demande subsidiaire.
M. [F] [B] [C] ne produit aucun élément de fait ou de droit à l'appui de sa demande d'expertise qui ne saurait pallier sa carence dans l'administration de la preuve et au vu de ce qui a été jugé ci-dessus, cette demande sera rejetée.
Il sera ajouté au jugement déféré sur ce point.
Sur la demande de paiement de frais de gardiennage
La Sarlu Etablissements Pierre Bouteville sollicite le paiement de ces frais sur le fondement du contrat de dépôt.
M. [F] [B] [C] réplique que si l'on suit le raisonnement de l'appelante, le contrat de dépôt, s'il n'est pas connexe au contrat entreprise, est gratuit.
Le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste est présumé fait à titre onéreux en ce qu'il est l'accessoire du contrat d'entreprise en dehors de tout accord de gardiennage (Civ 1ère 19 avril 2023 ' N°22-11131) sauf à ce que le client en démontre le caractère gratuit.
En l'espèce, il n'est pas discuté que le 2 avril 2019, M. [F] [B] [C] a confié son véhicule pour réparation à M. [F] [B] [C] et qu'il a réglé une facture de recherche de panne.
Il ne démontre pas avoir accepté le devis de réparation établi le 2 avril 2019 et ne conteste cependant pas ne pas avoir récupéré son véhicule, sans pour autant démontrer une faute du garagiste qui l'en aurait empêché.
Si M. [F] [B] [C] affirme que son véhicule était roulant quand il l'a amené au garage, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, il ne saurait imputer à la faute de la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville d'avoir démonté le moteur pour rechercher la panne, ce qui l'a rendu non roulant.
Il ne peut non plus faire grief à la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville de ne pas avoir rendu le véhicule roulant après les réparations effectuées le 3 janvier 2022, dans la limite des indications portées sur le devis, puisque tel était l'objet de la condamnation et que ce devis avait été établi sous l'expresse réserve de la nécessité de remplacement de pièces défectueuses.
Le montant de 20 euros HT par jour correspond aux tarifs usuellement pratiqués et n'a d'ailleurs pas été discuté par M. [F] [B] [C].
Ce dernier sera donc condamné à payer à la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville la somme de 1540 jours (du 2 avril 2019 au 1er juillet 2023) x 20 € = 30400 euros HT.
Cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Il sera ajouté au jugement déféré sur ce point.
Sur les autres demandes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
M. [F] [B] [C] qui succombe en son appel en supportera donc la charge.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
M. [F] [B] [C] qui succombe, sera condamné à payer à la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville la somme de 500 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [F] [B] [C] de ses demandes tendant à l'exécution de travaux de réparation sur son véhicule et en dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,
Y ajoutant,
Déboute M. [F] [B] [C] de sa demande subsidiaire d'expertise,
Condamne M. [F] [B] [C] à payer à la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville la somme de 30400 euros à titre de frais de gardiennage du véhicule Fiat 500 [Immatriculation 2], du 2 avril 2019 au 1er juillet 2023, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne M. [F] [B] [C] à payer à la Sarlu Etablissements Pierre Bouteville la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [F] [B] [C] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés selon la loi sur l'aide juridictionnelle.