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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 9 novembre 2022, n° 21/00327

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Moreau Transports (SARL)

Défendeur :

Creuzet Aéronautique (SAS), Helvetia Compagnie Suisse d’Assurances (SA), MMA Iard (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pignon

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Goumilloux

Avocats :

Me Leconte, Me Moatti, Me Schontz, Me Scheuber

T. com. Bordeaux, du 11 déc. 2020, n° 20…

11 décembre 2020

EXPOSE DU LITIGE :

La société Creuzet Aéronautique est spécialisée dans le secteur d'activité de la construction aéronautique et spatiale.

Elle a acquis auprès d'un fabricant allemand une machine de modèle 'DMU 160" servant à la fabrication de pièces aéronautiques en alliage pour la somme de 851 000 euros HT.

Selon bon de commande du 2 avril 2014, elle a confié à la société Moreau Transports la mission de décharger la machine de l'ensemble routier venu la lui livrer et de l'installer dans ses entrepôts pour la somme forfaitaire de 3800 euros HT. Elle avait déjà confié la même mission à la société Moreau Tranports pour deux machines similaires.

Le 15 mai 2014, lors de la mise en place de la machine par les employés de la société Moreau Transports, le châssis de celle-ci a été endommagé.

Le bon d'attachement dressé ce jour là fait état ' d'un bâti machine cassé par inversion des rollers par rapport au plan de manutention. Problème sur châssis au moment de la manut ».

La société Creuzet Aéronautique a fait en outre dresser le jour même un procès-verbal par un huissier de justice afin de faire constater les désordres puis a effectué une déclaration de sinistre auprès de ses assureurs, la compagnie d'assurance Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et la société MMA Iard.

La machine a été retournée à l'usine du fabricant en Allemagne à la demande de ce dernier pour examen et réparation.

Une expertise amiable à laquelle ont participé la société Moreau Transports et le fabricant de la machine a été diligentée. Le rapport d'expertise daté du 9 avril 2015 a conclu à un mauvais positionnement par la société Moreau Transports des chariots à roulette placés sous la machine pour réaliser sa manutention et son installation à l'intérieur de l'usine de la société Creuzet.

Un rapport complémentaire a été établi le 4 novembre 2015 portant sur l'évaluation du préjudice qui s'élève selon l'expert à la somme de 228.927,89 euros.

Par acte d'huissier de justice en date du 14 mai 2019, la société Creuzet Aéronautique et ses assureurs, la société d'assurance Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et la société MMA Iard, qui soutiennent être subrogées dans les droits de leur assurée qu'elles ont indemnisée à hauteur de 161 521,89 euros, ont fait assigner la société Moreau Transports aux fins de voir condamner celle-ci à les indemniser de leur préjudice.

Par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux :

- s'est déclaré compétent pour connaître du litige qui oppose les compagnies Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, MMA Iard, et la société Creuzet Aéronautique à la société Moreau Transports,

- a dit que les conditions de subrogation étaient établies,

- a dit que le délai de l'action en responsabilité à l'encontre de la société Moreau Transports était de 5 ans.

- a condamné la société Moreau Transports à payer les sommes de 161.521,89 euros outre 4.710,00 euros au titre de l'expertise à la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et à la société MMA Iard et la somme de 67.406,00 euros à la société Creuzet Aéronautique augmentées des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, date de l'assignation,

- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 14 mai 2019,

- débouté la société Moreau Transport de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

- condamné la société Moreau Transports à payer la somme de 5.000,00 euros aux compagnies Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et MMA Iard ainsi que la société Creuzet Aéronautique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Moreau Transports aux dépens dont frais de greffe.

Par déclaration du 19 janvier 2021, la société Moreau Transports a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant compagnies Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, MMA Iard, la société Creuzet Aéronautique dans des conditions de forme qui ne sont pas critiquées.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 20 septembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Moreau Transports demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

sur les fins de non recevoir :

- dire et juger que les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et MMA Iard, qui ont indemnisé leur assurée en exécution d'une police Transports, ne justifient pas de leur qualité à agir en qualité d'assureur subrogé.

en conséquence,

- déclarer irrecevables les compagnies d'assurance irrecevables à agir sur le fondement de la violation d'un prétendu « contrat de manutention »,

- dire et juger que l'action dérivant d'un contrat de transports, sur la base duquel la société Creuzet Aéronautique a déclaré le sinistre et a obtenu indemnisation, est prescrite en application de l'article L. 133-6 du code de commerce,

en conséquence,

- déclarer irrecevable l'action de l'ensemble des requérantes des requérantes pour cause de prescription,

sur le fond :

- dire et juger que la société Creuzet aéronautique et la société Moreau Transports sont liées par un contrat de location d'engins avec mise à disposition de personnel, soumis aux CGL de la société Moreau Transports,

- dire et juger que les dispositions contractuelles applicables aux relations entre la Société Moreau Transports et la Société Creuzet Aéronautique prévoient expressément que les personnels du loueur sont placés sous la direction, le contrôle et la responsabilité du locataire et précisent que ce dernier sera responsable des dommages causés aux objets manutentionnés.

- en conséquence,

- débouter les intimées de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

en tout état de cause,

- dire et juger que Creuzet Aéronautique, Helvetia Compagnie Suisse d'assurance et MMA Iard sont totalement défaillantes dans l'administration de la preuve qui leur incombe, de démontrer les causes exactes du sinistre et plus généralement l'inexécution contractuelle dont elles se prévalent, ainsi que surabondamment la réalité et le quantum des préjudices subis.

subsidiairement,

- dire et juger que l'examen des rapports amiables versés aux débats ne permet pas de rapporter la preuve du principe des préjudices allégués et de leurs quantum,

En conséquence,

- débouter de plus fort les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, MMA Iard, Creuzet Aéronautique de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- les condamner solidairement à payer à la Société Moreau Transports la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Philippe Leconte sur ses affirmations de droit.

L'appelante soutient en premier lieu que l'action subrogatoire des assureurs est irrecevable pour défaut de qualité à agir, la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et la société MMA ne justifiant pas du fait que l'indemnité versée à leur assurée était bien contractuellement due. Elle affirme ensuite que l'action des assureurs est prescrite au motif que celle-ci ne peut reposer que sur un contrat de transport, la police souscrite garantissant uniquement 'les risques de transport'.

Sur le fond, elle soutient que le contrat litigieux est un contrat de location, tel que défini à l'article 1709 du code civil, s'agissant en l'espèce de la location d'un engin avec mise à disposition d'un opérateur, la location de l'engin et la mise à disposition d'un opérateur étant deux opérations indissociables.

Dès lors, sa responsabilité ne peut être recherchée. Elle précise que le contrat de manutention, qualification revendiquée par les intimées, n'existe pas en tant que tel et que les opérations de transport ou de levage sont nécessairement incorporées à une prestation de transport ou de levage sauf dans l'hypothèse où l'entreprise qui a mis son personnel à disposition a organisé et dirigé le chantier, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La société Moreau Transports affirme dès lors que ses conditions générales de location sont applicables, sa cliente en ayant eu connaissance de longue date et que celles-ci, qui sont claires et précises, excluent la responsabilité du loueur, y compris lorsque l'un de ses préposés a accepté d'exécuter un travail qui lui a été commandé par un préposé du locataire.

Enfin, l'appelante fait valoir que l'origine du sinistre n'est pas clairement déterminée, qu'il n'est ainsi pas établi que le sinistre proviendrait d'un mauvais positionnement de la machine sur les chariots à roulettes, et qu'en tout état de cause, la cour ne peut se fonder exclusivement sur un rapport d'expertise amiable. Elle conteste également l'existence du préjudice, la machine n'ayant finalement pas été réparée, et les sommes retenues tant par l'expert que par le premier juge n'étant pas justifiées.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, la société MMA Iard et la société Creuzet Aéronautique demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs.

et y ajoutant,

- condamner la société Moreau Transports à payer aux compagnies Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et MMA IARD ainsi qu'à la société Creuzet Aéronautique la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l 'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société MoreauTransports aux entiers dépens d'appel dont le montant pourra être recouvré par Maître Xavier Schontz conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les assureurs intimés soutiennent tout d'abord qu'ils justifient de leur subrogation conventionnelle dans les droits de l'assurée qu'elles ont indemnisée dans leur cadre de la garantie 'manutention' du contrat souscrit.

Les intimées font valoir ensuite que le contrat conclu entre les parties n'est pas un contrat de louage de chose mais un contrat de manutention; que les conditions générales de location dont fait état l'appelante n'étaient pas jointes au devis et n'ont pas été acceptées par la société Creuzet aéronautique; que la facture émise fait bien état d'une opération de manutention; que l'appelante n'a contesté que tardivement la qualification de contrat de manutention de l'opération litigieuse.

Elles ajoutent que le rapport d'expertise amiable à laquelle l'appelante a participé établit clairement la cause du sinistre; qu'il est corroboré par les nombreuses annexes du rapport qui sont des documents distincts; que la responsabilité du manutentionnaire est engagée de plein droit, celui-ci étant tenu d'une obligation de résultat; qu'en tout état de cause, sa faute est établie et que le montant du préjudice à indemniser résulte clairement de l'expertise.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du 28 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS :

La prestation ne portait que sur le déchargement de la machine et sa mise en place, et non sur son transport depuis l'usine du fabricant en Allemagne, qui a été assuré par une société tierce, ce qui n'est pas contesté.

La qualification du contrat en contrat de transport est donc exclue. L'appelant soutient donc en vain que l'action des intimées est soumise à la courte prescription applicable au contrat de transport. L'action des intimées, qu'il s'agisse d'un louage de chose ou d'un louage d'industrie, est dès lors soumise à la prescription biennale et n'est, à ce titre, pas prescrite, étant précisé que la police souscrite garantit, outre les opérations de transport, les opérations de manutentions, et notamment les opérations de chargement et de déchargement des marchandises.

S'agissant du recours subrogatoire des assureurs, ces derniers justifient bénéficier d'une subrogation conventionnelle par la production de deux quittances subrogatoires du 17 décembre 2015 et du 18 avril 2016 à hauteur de 106 964,89 euros et de 54 557,00 euros, aux termes desquelles la société Creuzet Aéronautique les subrogent 'dans tous les droits à recours', et des deux chèques émis au bénéfice de son assurée.

Les assureurs justifient donc bien de leur qualité à agir.

La décision de première instance ayant déclaré les demandes recevables sera donc confirmée.

Les parties s'opposent sur la qualification à retenir au titre du contrat litigieux conclu entre elle.

Il est produit aux débats :

- le devis, le bon de commande et la facture (pièce 1 de l'appelante)

- une page extraite des conditions générales de location (pièce 3 de l'appelante).

Le devis établi par la société Moreau Transports qui indique en entête pratiquer des activités de 'levage, manutention, transport' porte les mentions suivantes :

'définition des travaux:

prestation de service pour déchargement et mise en place DMU 160

mise à disposition :

une équipe de manutention et de son matériel,

un élévateur,

un élévateur semi SB transport élévateur,

une grue'.

Le bon de commande porte la mention 'déchargement et mise en place DMU160 selon votre offre'.

La facture indique 'manutention DMU 160".

Aucune de ces mentions ne permet de conclure qu'il était dans l'intention commune des parties de conclure un contrat de location comportant une mise à disposition de personnel. Au contraire, le devis fait bien état d'une 'prestation de service' et la mention mise à disposition vise aussi bien le personnel que les machines.

Par ailleurs, la page extraite des conditions générales n'est qu'un extrait difficilement lisible de celles-ci. Elle n'est ni signée ni paraphée. Rien ne permet d'établir que la société Creuzet aéronautique en ait eu connaissance dans le cadre de ce contrat, ni même d'un contrat antérieur d'ailleurs.

Il sera dès lors jugé que le contrat conclu était bien un contrat d'entreprise et non un contrat de location.

Dès lors, la société Moreau Transports ne peut prétendre s'exonérer des fautes commises par ses salariés.

La réalité du sinistre, à savoir l'endommagement du châssis de la machine lors des opérations de manutention, est établie par les mentions figurant dans le bon d'attachement dressé ce jour là faisant état ' d'un bâti machine cassée par inversion des rollers par rapport au plan de manutention. Problème sur châssis au moment de la manut » et par le constat dressé par un huissier de justice le même jour à la demande de la société Creuzet aéronautique qui note que le crochet de fixation visant à assurer le levage de la machine est toujours sur celle-ci, puis après levage de la machine, la présence d'une zone de rupture sur le châssis de la machine, d'une concavité importante et d'une déformation.

Si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, celle-ci peut cependant servir de preuve mais à la condition d'être corroborée par une autre pièce du dossier.

En l'espèce, l'expertise amiable, a été établie en présence de toutes les parties, la société Moreau Transports étant même représentée par un expert, M. [I], désigné par son assureur. Elle est corroborée par le bon d'attachement et le procès-verbal d'huissier susvisé. L'expert a joint en outre à son expertise un certain nombre de devis et de factures.

La société Moreau Transports, qui en conteste les conclusions, ne produit pas les conclusions de son expert et n'a, à aucun moment, sollicité l'organisation d'une expertise judiciaire. Elle ne produit aucune pièce, tel qu'un second rapport d'expertise amiable diligenté à sa demande ou un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice qui viendrait infirmer les conclusions de l'expert choisi par la partie adverse.

La cour retiendra donc comme éléments de preuve le rapport d'expertise, les pièces qui y sont jointes et notamment les factures et les devis, le bon d'attachement et les mentions figurant sur celui-ci et le procès-verbal dressé par un huissier de justice.

Le rapport d'expertise indique en page 9 que la société Creuzet aéronautique avait déjà acquis deux machines similaires installées par la société Moreau Transports et qu'un incident sans gravité avait eu lieu lors de la seconde manutention qui s'était déroulée la semaine précédente l'incident objet de ce litige. La société Moreau Transports était donc déjà alertée sur la difficulté de la manoeuvre et aurait dû, de sa propre initiative, s'enquérir des directives du constructeur et au besoin solliciter des explications. Elle ne peut dès lors aujourd'hui soutenir qu'il n'est démontré ni que les instructions du constructeur lui auraient été remises ni que celles-ci n'étaient pas claires et précises.

L'expert explique qu'il ressort du procès-verbal établi par l'huissier de justice qu'une grue de 220 tonnes conduite par le personnel de la société Moreau Transports a été utilisée pour décharger la machine de l'ensemble routier de transport et pour la présenter devant l'entrée du bâtiment où elle devait être installée. Selon la notice explicative de la machine, trois chariots à roulettes devaient être placés sous les points d'implantation sur lesquels reposerait la machine au sol: deux chariots sous les deux points arrière ( le poids le plus important de la machine étant à l'arrière) et un chariot directionnel sous le point avant. Les employés de la société Moreau Transports ont inversé les chariots en disposant le chariot directionnel à l'arrière et les deux autres chariots à l'avant. Une grande partie du poids de la machine s'est appuyé sur ce point et le châssis s'est déformé et fissuré.

Il conviendra de retenir les explications claires, précises et circonstanciés de l'expert, corroborées par les autres pièces, et de juger ainsi que les employés de l'appelante ont commis une faute en inversant les chariots, en lien direct avec le préjudice.

L'appelante conteste l'évaluation du préjudice effectuée par l'expert et soutient en premier lieu que l'existence du dommage n'est pas établi puisque la machine a été retournée par le fabricant allemand qui n'aurait constaté aucune anomalie significative. Elle expose ensuite que les conclusions du rapport initial et du rapport complémentaire sont contradictoires et que les factures correspondant aux coûts qui auraient été facturés à la société Creuzet aéronautique n'étant pas produites, la preuve de leur paiement n'est pas rapportée.

Les conclusions de l'expertise initiale et de l'expertise complémentaire ne sont pas contradictoires. L'expert a simplement attendu de recevoir un certain nombre de justificatifs pour modifier son appréciation du préjudice indemnisable.

S'agissant du coût des 'réparations', l'expert explique que le constructeur allemand avait dans un premier temps proposé de remplacer le châssis pour un montant de 436 940 euros HT puis de remettre celui-ci en état pour la somme de 191 693 euros HT selon devis du 5 septembre 2014 (annexe C10) ayant donné lieu à une facture du 21 novembre 2014 diminuée à 180 963 euros.

La remise en état de la machine comporte les postes suivants :

- stockage 10 semaines à Berckheim : 27 500 euros,

- transport Berkheim-[Localité 4] : 1750 euros,

- contrôle de la machine, c'est-à-dire désassemblage, analyse, expertise, réassemblage ( 3 techniciens pendant 5 semaines ) : 59 000 euros,

- coût d'immobilisation dans le hall de production de l'usine [Localité 4] ; 54 557 euros,

- extension de garantie de 5 ans du ban : 39 906 euros HT.

Il convient selon l'expert d'ajouter à ces postes :

- transport [Localité 3]- [Localité 4] : 17 000 euros

- transport [Localité 4]-[Localité 3] : 16 440 euros,

- coût d'immobilisation des techniciens suite à problématique de déchargement : 4440 euros.

Compte tenu du prix de la machine (supérieur à 800 000 euros) et de son utilisation (fabrication de pièces aéronautiques en alliage), la société Creuzet aéronautique ne pouvait utiliser celle-ci avec un châssis fissuré sans faire effectuer des tests préalables de conformité afin de s'assurer que la machine était toujours en état de marche parfaite. Elle se devait également de prendre l'extension de garantie proposée par le fabricant, malgré la déformation du châssis, afin de se garantir de difficultés ultérieures. Ces coûts seront donc retenus.

Le fabricant se trouvant en Allemagne, les frais de transport jusqu'à son usine doivent également être pris en compte.

Les postes soumis à discussion sont donc ceux relatifs à l'immobilisation et au stockage de la machine dans l'usine en Allemagne. Ces postes sont en effet d'un montant supérieur aux opérations effectuées sur la machine mais ont bien été réglés par la société Creuzet aéronautique ( facture en annexe C 17 de l'expertise).

L'appelante qui conteste le montant de ses frais ne justifie pas que la société Creuzet aéronautique justifiait d'une alternative et aurait pu faire contrôler auprès d'un autre organisme que le fabricant situé en Allemagne le fonctionnement de la machine et obtenir une garantie malgré l'accident survenu.

Dès lors, même si ces montants sont importants, et sont justifiés selon le fabricant par une perte d'exploitation liée à l'utilisation d'une partie de son usine, ils seront bien pris en compte. Il sera relevé de manière superfétatoire que la société Creuzet aéronautique ne sollicite pas pour sa part d'être indemnisée de sa perte d'exploitation alors qu'elle n'a pas pu utiliser sa nouvelle machine pendant l'immobilisation de celle-ci en Allemagne.

Les frais avancés par la société Creuzet aéronautique (huissier, manutention, frais de déplacement en Allemagne) pour 2084 euros qui sont justifiés seront également pris en charge.

Les juges de première instance ont pu ainsi à juste titre évaluer le préjudice subi à la somme de 228 927,89 euros et condamner la société Moreau Transports à payer les sommes de 161.521,89 euros outre 4.710,00 euros au titre de l'expertise, à la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurances et à la société MMA Iard et la somme de 67.406,00 euros à la société Creuzet Aéronautique, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, date de l'assignation.

La décision sera ainsi intégralement confirmée.

La société Moreau Transports qui succombe sera condamnée aux dépens de cette instance d'appel dont distraction au profit de Maître Schontz.

Elle sera condamnée à verser la somme de 4000 euros à la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, la société MMA Iard et la société Creuzet Aéronautique.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme la décision rendue le 11 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions déférées à la cour,

y ajoutant

Condamne la société Moreau Transports aux dépens de cette instance d'appel dont distraction au profit de Maître Schontz,

Condamne la société Moreau Transports à verser la somme de 4000 euros à la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurances, à la société MMA Iard et à la société Creuzet Aéronautique, prises ensemble.