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Décisions

CJUE, 8e ch., 19 septembre 2024, n° C-412/23

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

République slovaque

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Piçarra (rapporteur)

Juges :

M. Jääskinen, M. Gavalec

Avocat général :

M. Rantos

CJUE n° C-412/23

18 septembre 2024

LA COUR (huitième chambre),

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ne veillant pas à ce que les entités publiques dispensant des soins de santé s’acquittent de leurs dettes commerciales dans un délai maximal de 60 jours civils, et en permettant que cet état de fait perdure, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, et paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2 Les considérants 3, 9, 23 et 25 de la directive 2011/7 énoncent :

« (3) Dans les transactions commerciales entre des opérateurs économiques ou entre des opérateurs économiques et des pouvoirs publics, de nombreux paiements sont effectués au-delà des délais convenus dans le contrat ou fixés dans les conditions générales de vente. Bien que les marchandises aient été livrées ou les services fournis, bon nombre de factures y afférentes sont acquittées bien au-delà des délais. Ces retards de paiement ont des effets négatifs sur les liquidités des entreprises et compliquent leur gestion financière. Ils sont également préjudiciables à leur compétitivité et à leur rentabilité dès lors que le créancier doit obtenir des financements externes en raison de ces retards de paiement. [...]

[...]

(9) La présente directive devrait réglementer toutes les transactions commerciales, qu’elles soient effectuées entre des entreprises privées ou publiques ou entre des entreprises et des pouvoirs publics, étant donné que les pouvoirs publics effectuent un nombre considérable de paiements aux entreprises. [...]

[...]

(23) [...] De longs délais de paiement ou des retards de paiements par les pouvoirs publics pour des marchandises ou des services entraînent des coûts injustifiés pour les entreprises. Il convient dès lors de prévoir des dispositions particulières en matière de transactions commerciales pour la fourniture de marchandises ou la prestation de services par des entreprises à des pouvoirs publics, qui devraient prévoir, notamment, des délais de paiement n’excédant normalement pas trente jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que ce soit objectivement justifié par la nature particulière ou par certains éléments du contrat, et n’excédant, en aucun cas, soixante jours civils.

[...]

(25) Dans une grande partie des États membres, les retards de paiement sont particulièrement inquiétants dans le secteur des services de santé. Les systèmes de soins de santé sont souvent obligés, en tant qu’élément fondamental de l’infrastructure sociale en Europe, de concilier besoins des individus et ressources financières disponibles, tandis que la population européenne vieillit, que les attentes grandissent et que la médecine progresse. Tous les systèmes sont confrontés à la nécessité de fixer des priorités parmi les soins de santé, de manière à établir un équilibre entre les besoins des patients individuels et les ressources financières disponibles. Il convient dès lors que les États membres aient la possibilité d’accorder aux entités publiques dispensant des soins de santé une certaine souplesse lorsqu’elles accomplissent leurs obligations. Il y a lieu, à cette fin, d’autoriser les États membres à prolonger, sous certaines conditions, le délai légal de paiement jusqu’à un maximum de soixante jours civils. Toutefois, les États membres devraient faire tout leur possible pour veiller à ce que les paiements dans le secteur des soins de santé soient effectués dans les délais légaux de paiement. »

3 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises (PME)]. »

4 L’article 4 de ladite directive, intitulé « Transactions entre entreprises et pouvoirs publics », dispose, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3. Les États membres veillent, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, à ce que :

a) le délai de paiement n’excède pas les durées suivantes :

i) trente jours civils après la date de réception, par le débiteur, de la facture ou d’une demande de paiement équivalente ;

ii) lorsque la date de réception de la facture ou d’une demande de paiement équivalente est incertaine, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iii) lorsque le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente avant les marchandises ou les services, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iv) lorsqu’une procédure d’acceptation ou de vérification, permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, est prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l’acceptation ou de la vérification, trente jours civils après cette date ;

[...]

4. Les États membres ont la faculté de prolonger les délais visés au paragraphe 3, point a), jusqu’à un maximum de soixante jours civils :

[...]

b) pour les entités publiques dispensant des soins de santé, dûment reconnues à cette fin.

[...] »

 Le droit slovaque

5 Les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7 ont été transposées en droit slovaque à l’article 340 b de l’Obchodný zákonník (code de commerce).

6 Parmi les mesures adoptées par la République slovaque pour réduire les délais de paiement des hôpitaux publics à l’égard de leurs fournisseurs privés figurent le zákon č. 540/2021 Z. z. o kategorizácii ústavnej zdravotnej starostlivosti a o zmene a doplnení niektorých zákonov (loi no 540/2021 relative à la catégorisation des soins de santé hospitaliers) et la vyhláška Ministerstva zdravotníctva Slovenskej republiky č. 316/2022 Z. z. o kategorizácii ústavnej starostlivosti (décret no 316/2022 du ministère de la Santé relatif à la catégorisation des soins de santé hospitaliers).

7 Le zákon č. 581/2004 Z. z. o zdravotných poisťovniach, dohľade nad zdravotnou starostlivosťou a o zmene a doplnení niektorých zákonov v znení neskorších predpisov (loi no 581/2004 relative aux caisses d’assurance maladie, à la surveillance des soins de santé et modifiant et complétant certaines lois, telle que modifiée, ci-après la « loi no 581/2004 ») a introduit la budgétisation par programme pour les caisses d’assurance maladie.

 La procédure précontentieuse

8 Au mois de mars 2016, la Commission a lancé une enquête, sous la référence EU Pilot 8368/2016, à la suite d’une plainte l’alertant de retards de paiement excessifs de la part des entités publiques dispensant des soins de santé en Slovaquie, lors de la rémunération de leurs fournisseurs privés dans le cadre de transactions commerciales liées à l’achat d’équipements et de dispositifs médicaux. Selon les informations fournies dans cette plainte, ces retards de paiement atteignaient au quatrième trimestre 2015 un niveau de 670 jours.

9 Le 15 février 2017, à la suite de l’évaluation des réponses fournies par les autorités slovaques les 18 mai et 3 août 2016, la Commission a adressé à la République slovaque une lettre de mise en demeure lui reprochant d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 2011/7.

10 Par lettre du 10 avril 2017, la République slovaque a détaillé plusieurs mesures systémiques visant à limiter l’endettement des hôpitaux publics, parmi lesquelles figure la loi no 581/2004. Lors d’une réunion qui s’est tenue avec la Commission au mois de juillet 2017, les autorités slovaques ont fait part de leur plan de désendettement des établissements de santé consistant en la conclusion d’accords par lesquels les créanciers renonçaient de plein gré à leurs demandes d’intérêts et d’indemnisation et acceptaient une réduction du principal (allant de 2,5 % pour les anciennes dettes à un maximum de 16 % pour les nouvelles) en échange du paiement de leurs factures en souffrance. L’objectif de ce plan de désendettement était de liquider les arriérés existants au plus tard au cours des années 2020-2021.

11 À la suite d’une demande de la République slovaque, la Commission a suspendu cette procédure d’infraction pendant la période comprise entre le 1er mars 2018 et le 30 avril 2019.

12 Au cours de la période allant du mois de juillet 2018 au mois de décembre 2020, les autorités slovaques ont soumis à la Commission seize rapports intermédiaires sur les progrès accomplis dans la réduction des délais de paiement moyens des hôpitaux, dans la liquidation des arriérés existants et dans l’efficacité des mesures visant à prévenir l’accumulation de nouveaux arriérés. Seuls les douze derniers rapports indiquaient les durées moyennes de paiement, qui s’inscrivaient dans une fourchette comprise entre 383 et 472 jours, pour la période comprise entre décembre 2018 et octobre 2020.

13 Le 18 février 2021, la Commission, estimant que la situation décrite dans ces rapports n’était pas encore conforme à l’article 4 de la directive 2011/7, a émis un avis motivé, en invitant la République slovaque à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois.

14 Dans sa réponse du 16 avril 2021 à l’avis motivé, la République slovaque a notamment évoqué la proposition approuvée par le gouvernement slovaque au mois de décembre 2020 concernant la stabilisation financière des établissements de santé, dont la mise en place devait s’échelonner jusqu’au 31 décembre 2022.

15 Au mois de juin 2022, la Commission a demandé aux autorités slovaques d’engager un nouveau cycle de suivi en lui communiquant des rapports d’évaluation semestriels. Le 24 août 2022, les autorités slovaques ont envoyé un premier rapport d’évaluation portant sur le premier semestre 2022 qui indiquait que, au 30 juin 2022, la durée moyenne de paiement des fournisseurs était de 204 jours pour la période de référence. Ces autorités ont envoyé, le 13 janvier 2023, un deuxième rapport d’évaluation couvrant l’année 2022 puis, le 15 février 2023, une lettre de mise à jour indiquant que, au 31 décembre 2022, la durée moyenne de paiement des fournisseurs était de 232 jours pour la période de référence.

16 Considérant que la République slovaque n’avait pas remédié aux violations de l’article 4 de la directive 2011/7, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

17 La Commission reproche à la République slovaque d’avoir violé de manière persistante, depuis l’année 2015, l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7 en ne veillant pas à ce que les délais de paiement concernant les transactions commerciales où le débiteur est une entité publique dispensant des soins de santé n’excèdent pas 60 jours civils.

18 Il ressortirait des différentes informations collectées sur la base de l’enquête EU Pilot réalisée au cours du mois de mars 2016, qui n’auraient pas été contestées par la République slovaque, ainsi que des données fournies par cet État membre, que la durée moyenne de paiement des entités publiques dispensant des soins de santé a constamment dépassé 60 jours civils. Cette durée se serait élevée à 400 jours durant l’année 2015 et à 460 jours durant l’année 2017. Les retards de paiement auraient même atteint 750 jours pour certaines factures et auraient persisté ultérieurement, selon les rapports intermédiaires de la République slovaque présentés au titre des périodes allant du mois de décembre 2018 au mois d’octobre 2020.

19 Selon la Commission, dès lors que, dans sa réponse à l’avis motivé du 18 février 2021, la République slovaque n’a pas contesté que la durée moyenne de paiement des dettes des entités publiques dispensant des soins de santé était nettement supérieure à 60 jours civils, ce fait devrait être considéré comme étant établi. En outre, cet État membre n’aurait pas démontré, de manière suffisamment claire et précise, l’effet que pourraient avoir sur ces retards de paiement les mesures prises pour y remédier, notamment l’adoption de la loi no 581/2004.

20 Par ailleurs, il ressortirait des informations communiquées par la République slovaque que la durée moyenne de paiement en cause aurait encore excédé 60 jours civils durant les années 2021 et 2022. Cette durée aurait atteint 204 jours pour la période comprise entre le 31 décembre 2021 et le 30 juin 2022 et 232 jours pour la période courant jusqu’au 31 décembre 2022.

21 Dans son mémoire en défense, la République slovaque souligne que le secteur de la santé génère des dépenses difficiles à prévoir et que, pour apprécier l’existence et la gravité d’une violation de la directive 2011/7, il y a lieu de tenir compte de l’intérêt public à ce que soient fournis des soins de santé de qualité, en prenant en considération les difficultés spécifiques du financement des services de santé.

22 Cet État membre indique qu’il s’efforce de réduire les délais de paiement des hôpitaux publics à l’égard de leurs fournisseurs privés, en adoptant plusieurs mesures systémiques dont la mise en œuvre nécessiterait du temps. Tel serait le cas du processus d’optimisation du réseau hospitalier ainsi que de l’introduction d’un mécanisme de paiement sur la base de groupes homogènes de malades. L’action des autorités slovaques viserait, avant tout, au désendettement des entités publiques dispensant des soins de santé, un montant total de 83,4 millions d’euros ayant déjà été payé aux fournisseurs de celles-ci au moyen d’actifs financiers appartenant audit État.

23 À ces mesures s’ajouterait la mise en œuvre de mesures de stabilisation financière des hôpitaux permettant d’améliorer leur discipline en matière de paiement, dont la budgétisation par programme pour les caisses d’assurance maladie, afin de garantir la bonne affectation des fonds aux postes où ils sont nécessaires.

24 La République slovaque précise encore que les chiffres figurant dans la troisième colonne du tableau 2 reproduit au point 27 de la requête de la Commission, intitulée « Obligations de paiement des hôpitaux (en [euros]) », correspondent non pas à la perte financière des fournisseurs privés en raison des retards de paiement des hôpitaux publics, mais aux montants de toutes les obligations dont ces hôpitaux doivent s’acquitter, y compris celles pour lesquelles les délais de paiement ne sont pas encore échus.

25 Dans sa réplique, la Commission insiste sur le fait que l’obligation découlant de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7 n’exige pas seulement que les entités publiques dispensant des soins de santé tendent vers un délai maximal de paiement de 60 jours civils, mais qu’elles respectent effectivement ce délai. Cette directive aurait elle-même pris en compte la spécificité du statut de ces entités et les difficultés du financement des services de santé, en reconnaissant aux États membres la faculté, exercée par la République slovaque, de prolonger les délais visés à l’article 4, paragraphe 3, sous a), de 30 jours civils jusqu’à un maximum de 60 jours civils.

26 S’agissant de l’argument avancé par cet État membre tenant aux délais nécessaires à la mise en place des mesures proposées ou adoptées pour lutter contre l’accumulation des dettes des hôpitaux, la Commission rappelle, d’une part, qu’elle a suspendu la procédure d’infraction entre le 1er mars 2018 et le 30 avril 2019 et, d’autre part, que le manquement persiste depuis plus de sept ans. Une telle persistance confirmerait les doutes exprimés par la Commission à l’égard de l’efficacité de ces mesures.

 Appréciation de la Cour

27 Par son unique grief, la Commission soutient que la République slovaque a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7, dès lors qu’elle n’a pas veillé, et ne veille toujours pas, à ce que ses entités publiques dispensant des soins de santé respectent un délai de paiement de leurs dettes commerciales n’excédant pas 60 jours civils, prévu à cette disposition.

28 En premier lieu, il convient de rappeler que cette disposition, lue à la lumière du considérant 25 de la directive 2011/7, accorde aux États membres la faculté de prolonger les délais de paiement de 30 jours civils prévus à l’article 4, paragraphe 3, sous a), de cette directive, jusqu’à un maximum de 60 jours civils, pour les entités publiques dispensant des soins de santé, dûment reconnues à cette fin. En l’espèce, il est constant que la République slovaque a procédé à une telle prolongation, à l’article 340 b du code de commerce.

29 L’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, lu à la lumière des objectifs de celle-ci tels qu’ils ressortent de son article 1er, paragraphe 1, ainsi que de ses considérants 3, 9 et 23, impose aux États membres non seulement de prévoir des délais de paiement conformes à ces dispositions, mais également l’obligation renforcée de veiller au respect effectif de ces délais par leurs pouvoirs publics dans le cadre des transactions commerciales entre ceux-ci et les entreprises [voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement), C 122/18, EU:C:2020:41, points 40, 45 à 47, 53 et 57, ainsi que du 11 juillet 2024, Commission/Portugal (Retards de paiement des pouvoirs publics), C 487/23, EU:C:2024:606, point 37].

30 En deuxième lieu, s’agissant du cadre temporel dans lequel s’inscrit le présent recours en manquement, la Commission soutient, en substance, que la République slovaque a manqué aux obligations lui incombant, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7, durant une période qui s’étend de l’année 2015 à l’année 2022.

31 Si l’objet d’un recours en manquement, au titre de l’article 258 TFUE, est en principe fixé par l’avis motivé, de telle sorte que ce recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que cet avis, un tel objet peut néanmoins s’étendre à des faits postérieurs audit avis pour autant que ces faits soient de même nature et constitutifs d’un même comportement que ceux visés par le même avis [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2024, Commission/Portugal (Retards de paiement des pouvoirs publics), C 487/23, EU:C:2024:606, point 41 et jurisprudence citée].

32 En l’espèce, il résulte de l’avis motivé de la Commission, daté du 18 février 2021, que le délai imparti à la République slovaque pour se conformer aux obligations lui incombant en vertu de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7 a expiré le 18 avril 2021. Selon la Commission, la République slovaque n’est pas parvenue à remédier au manquement allégué, y compris à la suite du nouveau cycle de suivi engagé à partir de juin 2022.

33 Si les allégations de la Commission portant sur l’année 2022 ont trait à des agissements de la République slovaque postérieurs à cet avis motivé, ils sont, toutefois, de même nature et constitutifs d’un même comportement que ceux qui y étaient visés, à savoir le fait de ne pas avoir veillé à ce que les entités publiques slovaques dispensant des soins de santé respectent de manière effective le délai de paiement prévu à l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7. Partant, l’objet du présent recours en manquement peut, conformément à la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt, s’étendre à ces agissements postérieurs.

34 Il s’ensuit que ce recours porte valablement sur la période visée par la Commission dans sa requête, qui s’étend de l’année 2015 à l’année 2022.

35 En troisième lieu, s’agissant de la matérialité du manquement allégué au regard de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7, il ressort des données communiquées par la République slovaque à la Commission, qui figurent dans les annexes à la requête, que les violations du droit de l’Union alléguées dans les conclusions de cette requête et de la réplique, telles qu’exposées au point 27 du présent arrêt, sont avérées.

36 En effet, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour que la durée moyenne de paiement des entités publiques slovaques dispensant des soins de santé a été de 400 jours durant l’année 2015, de 460 jours durant l’année 2017 et que, au cours de cette dernière année, les retards de paiement ont atteint 750 jours. Ces retards ont persisté ultérieurement, selon les rapports intermédiaires de la République slovaque présentés au titre des périodes allant du mois de décembre 2018 au mois d’octobre 2020. Durant les années 2021 et 2022, la durée moyenne de paiement excédait encore 60 jours civils. Elle était de 204 jours pour la période comprise entre le 31 décembre 2021 et le 30 juin 2022 et de 232 jours pour la période courant jusqu’au 31 décembre 2022.

37 S’agissant de l’argumentation de la République slovaque tirée de la prétendue absence de pertinence des données figurant dans la troisième colonne du tableau 2 de la requête de la Commission, mentionnée au point 24 du présent arrêt, il importe de relever, à l’instar de la Commission, que ce tableau a été établi sur la base des données fournies par cet État membre dans les rapports intermédiaires au cours de la procédure précontentieuse. La République slovaque ne saurait donc reprocher à la Commission de se fonder sur des données qu’elle a elle-même fournies. En tout état de cause, les données figurant dans ledit tableau, qui indiquent le montant total des obligations de paiement des hôpitaux publics et le montant des obligations échues à la date pertinente, confirment non seulement l’ampleur mais également la persistance des retards de paiement accusés par ces entités publiques dispensant des soins de santé dans leurs transactions commerciales. Au demeurant, force est également de constater que, par son argumentation, la République slovaque ne conteste pas les données figurant au tableau 1 de la requête de la Commission, qui expose, dans sa seconde colonne intitulée « Durée de paiement (exprimée en jours) », les délais de paiement desdites entités par période de référence.

38 En quatrième et dernier lieu, s’agissant des moyens de défense invoqués par la République slovaque pour justifier le non-respect de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7, il convient de rappeler, premièrement, que la procédure visée à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non respect, par un État membre, des obligations que lui imposent les traités ou un acte de droit dérivé. Partant, dès lors qu’une telle constatation a été établie, il est sans pertinence que le manquement résulte de la volonté de l’État membre auquel il est imputable, de sa négligence ou bien encore de difficultés techniques auxquelles celui-ci aurait été confronté [arrêt du 11 juillet 2024, Commission/Portugal (Retards de paiement des pouvoirs publics), C 487/23, EU:C:2024:606, point 45 et jurisprudence citée].

39 Dans ces conditions, la République slovaque ne saurait justifier le manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7 en alléguant que les effets des mesures systémiques qu’elle a adoptées ne pourraient être évalués qu’après leur mise en œuvre, laquelle prendrait nécessairement beaucoup de temps.

40 Deuxièmement, la circonstance, à la supposer établie, que la situation relative aux retards de paiement des pouvoirs publics dans les transactions commerciales couvertes par la directive 2011/7 soit en voie d’amélioration ne saurait faire obstacle à ce que la Cour constate qu’un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union [arrêt du 11 juillet 2024, Commission/Portugal (Retards de paiement des pouvoirs publics), C 487/23, EU:C:2024:606, point 51 et jurisprudence citée].

41 Dès lors, c’est en vain que la République slovaque fait valoir que les mesures qu’elle a adoptées seraient susceptibles d’avoir un effet réel sur les retards de paiement très importants accumulés depuis l’année 2015 par les entités publiques dispensant des soins de santé.

42 Troisièmement, s’agissant de l’argument de la République slovaque ayant trait à la spécificité du statut des entités publiques dispensant des soins de santé et les difficultés de financement des services de santé, il suffit de rappeler que ces spécificités et difficultés sont prises en compte par l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7, lu à la lumière du considérant 25 de cette directive, lequel reconnaît expressément la nécessité, pour les États membres, de fixer des priorités parmi les soins de santé, de manière à établir un équilibre entre les besoins des patients individuels et les ressources financières disponibles. À cette fin, ainsi que relevé au point 28 du présent arrêt, cette disposition reconnaît aux États membres la faculté, dont la République slovaque s’est prévalue, de prolonger les délais visés à l’article 4, paragraphe 3, sous a), de ladite directive, jusqu’à un maximum de 60 jours civils pour les entités publiques dispensant des soins de santé, dûment reconnues.

43 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ne veillant pas à ce que ses entités publiques dispensant des soins de santé respectent de manière effective le délai de paiement de 60 jours prévu à l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

 Sur les dépens

44 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République slovaque et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1) En ne veillant pas à ce que ses entités publiques dispensant des soins de santé respectent de manière effective le délai de paiement de 60 jours prévu à l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

2) La République slovaque est condamnée aux dépens.