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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 7 juin 2023, n° 21/01748

NÎMES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Bouquet, Me Crozel

T. com. Nîmes, du 11 mars 2021, n° 2020J…

11 mars 2021

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 3 mai 2021 par Monsieur [Z] [L] à l'encontre du jugement prononcé le 11 mars 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n°2020J50.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 mai 2021 par l'appelant et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 juillet 2021 par la S.A.R.L. [...], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance du 13 janvier 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 27 avril 2023.

* * *

En novembre 2017, Monsieur [Z] [L] (maître de l'ouvrage) a contacté la société [...] (entrepreneur principal) aux fins de réalisation de travaux une marina à [Localité 5].

Le 1er octobre 2018, la [...] a fini les travaux et a transmis à Monsieur [L] la facture n°18.10.625 d'un montant global de 59 785 euros HT avec rappel des situations n°1 à 4 déjà réglées pour un total de 56 000 euros HT et un solde restant dû de 3 285 euros HT, soit 3 613,50 euros TTC. Le 26 octobre 2018, Monsieur [L] a soldé le paiement des travaux par chèque.

Le 26 novembre 2018, l'entrepreneur principal a remis à son client une facture n°18.11.627 d'un montant TTC de 354,96 euros, relative à l'achat et la pose d'un store.

Le 9 mars 2019, la [...] a adressé un devis à Monsieur [L] d'un montant de 36 000 euros HT, remisé à 35 000 euros HT, soit 38 500 euros TTC, pour des travaux d'aménagement de la terrasse.

Par courriel du 1er avril 2019, la [...] a transmis une facture n°19.04.646 au maître de l'ouvrage d'un montant de 11 000 euros, relative à l'achat des lames de parquet, quincaillerie et lambourdes bois exotique. Le 25 avril 2019, Monsieur [L] a effectué un virement de 10 000 euros pour le paiement de ladite facture.

Par courriels des 15 mai et 24 mai 2019, la [...] a demandé à Monsieur [L] de payer la somme de 1 000 euros manquants au titre de la facture n°19.04.646 et la somme de 354,96 euros au titre de l'achat et de la pose du store, facturé le 26 novembre 2018. De plus, elle a établi une situation n°2 n° 19.05.648 de 11 000 euros TTC relative à l'avancement du chantier de la terrasse, qui a été réglée par Monsieur [L] le 29 mai 2019 au moyen d'un chèque porté par la société JP Elec dont il est le gérant.

Par courriel du 9 juillet 2019, l' entreprise a adressé la facture globale n° 19.07.652 des travaux d'aménagement de la terrasse pour un montant de 40 040 euros TTC, le solde restant dû étant de 17 040 euros.

Par courriels des 16 et 31 juillet 2019, l'entrepreneur principal a relancé son client pour le paiement de la facture globale, de la facture du store de 354,96 euros et lui a transmis la facture n° 19.07.653 au comptant de cylindres pour 46,80 euros correspondant à des changements de serrures.

Le 6 août 2019, le maître de l'ouvrage a effectué un virement de 12 000 euros à la [...] au titre de la facture n°19.07.653. Par courriel du 9 août 2019, la société créancière a accusé réception du paiement et a sollicité le règlement du solde restant dû.

Par courriels des 21 et 28 août 2019 et du 9 septembre 2019, restés sans réponse, l'entrepreneur principal a relancé son débiteur pour le paiement du solde de la facture finale n°19.07.652 pour un montant de 5 040 euros. Il lui a également demandé de régler les factures impayées n°18.11.627 d'un montant de 354,96 euros, relative au store de cuisine, et n° 19.07.653 d'un montant de 46,80 euros, relative aux deux cylindres de la porte d'entrée. La [...] se disait ainsi créancière de la somme totale de 5 441,76 euros.

Par exploit du 7 janvier 2020, la [...] a fait délivrer à Monsieur [L] une sommation de payer la somme de 5 619,07 euros au titre des factures impayées précitées, demeurée infructueuse.

Par exploit du 13 février 2020, la [...] a fait assigner Monsieur [Z] [L] devant le tribunal de commerce de Nîmes en paiement des sommes de 5 040 euros à titre principal, de 500 euros à titre de dommages et intérêts, de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l'instance.

Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa de l'article 56 du code de procédure civile, des articles 1102, 1104 du code civil, de l'article 1353 du code civil, des pièces versées aux débats, :

-Déclaré l'assignation introductive d'instance recevable ;

-Condamné Monsieur [Z] [L] à payer à la SARL Société d'[...] la somme de 5 441,76 euros TTC au titre des factures impayées ;

-Rappelé le principe de l'exécution provisoire de droit attaché à la présente décision ;

-Condamné Monsieur [Z] [L] à payer à la SARL Société d'[...] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

-Condamné Monsieur [L] [Z] aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 3 mai 2020, Monsieur [Z] [L] a relevé appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rappelé le principe de l'exécution provisoire de droit attaché à la présente décision.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [Z] [L], appelant, demande à la cour de :

Réformant le jugement du tribunal de commerce du 11 mars 2021,

Avant tout débat au fond, vu l'article 56 du code de procédure civile,

-Constater l'absence de « liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée » et de « bordereau annexé » à l'assignation délivrée le 13 février 2020 ;

En conséquence,

-Déclarer nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 13 février 2020 à la requête de la SARL Société d'[...] ;

En tout état de cause, vu les articles 1102 et suivants (ancien article 1134) du code civil, l'article 1353 (ancien article 1315) du code civil,

-Débouter la SARL Société d'[...] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de Monsieur [Z] [L] ;

-Condamner la SARL Société d'[...] à porter et payer à Monsieur [Z] [L] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la SARL Société d'[...] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :

In limine litis, l'assignation délivrée à la requête de l'entrepreneur principal est nulle en ce qu'elle ne comporte pas , en annexe, de bordereau de pièces et n'indique pas les pièces venant à l'appui de ses prétentions ; de plus, cette irrégularité a causé un grief à Monsieur [L] en ce que l'annonce des pièces venant à l'appui des demandes dans un bordereau aurait eu pour objet de le renseigner sur la pertinence du procès dirigé contre lui.

A titre principal, Monsieur [L] expose qu'il n'existe aucune preuve relative à une relation contractuelle entre l'entrepreneur et le maître d'ouvrage et à un accord sur la nature précise des travaux à accomplir et le coût de la prestation. Or, il revient à la [...] de prouver les faits qu'elle avance. La seule remise de factures par la [...] et de justificatifs de paiement de la société JP Elec ne peuvent pallier l'absence de production d'un véritable marché de travaux. Aucune des pièces produites par la [...] ne correspondant à un marché de travaux convenu avec Monsieur [L], l'entrepreneur ne démontre pas l' existence d'un lien juridique avec ce dernier au titre des travaux litigieux et ne prouve pas la commande de travaux précis dans le cadre d'un contrat d' entreprise pour un prix convenu entre les parties. L'appelant rappelle qu'il n'est ni commerçant, ni une société commerciale et que les règles de preuve le concernant sont donc civiles. Il soutient que toutes les sommes qu'il devait à l'entrepreneur principal ont été payées.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la SARL [...], intimée, demande à la cour, au visa de l'article 56 du code de procédure civile, de l'article 1353 du code civil, des pièces produites au débat, de :

-Constater que l'assignation contient un bordereau de pièces ;

-A défaut, constater la régularisation postérieure et l'absence de grief ;

-Constater que SARL [...] rapporte la preuve de l' existence d'une relation contractuelle précise tant sur les travaux à effectuer que le prix convenu entre les parties ;

Et en conséquence,

-Confirmer dans son intégralité le jugement du 11 mars 2021 du tribunal de commerce de Nîmes en ce qu'il :

Déclaré recevable l'assignation de la SARL [...] ;

Débouté Monsieur [Z] [L] de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

Condamné Monsieur [Z] [L] à payer à la SARL [...] la somme de 5 441,76 euros au titre des factures impayées ;

Condamné Monsieur [Z] [L] à payer à la SARL [...] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Y rajouter :

-Condamner Monsieur [Z] [L] à payer à la SARL [...] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

-Condamner Monsieur [Z] [L] à payer à la SARL [...] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir que Monsieur [L] reconnaît dans ses conclusions que l'assignation contenait un bordereau de pièces « Factures, échanges de mails et sommation de payer » ; en outre, l'article 117 du code de procédure civile énumère limitativement les nullités de fond mais ne vise pas l'absence de bordereau de pièces ; il s'agit donc éventuellement d'une nullité de forme couverte par la régularisation ultérieure ; enfin, Monsieur [L] ne peut se prévaloir d'aucun grief en ce qu'il avait connaissance des pièces fondant la demande de la société [...].

L'entrepreneur soutient rapporter la preuve d'une relation contractuelle entre les parties et des accords verbaux passés par la production du devis , par les échanges de courriels et par les paiements des acomptes conformément au premier devis accepté et des factures fournies sur la base de ce devis qui n'a jamais été contesté. De plus, Monsieur [L] a admis qu'il était débiteur de ces factures dans son mail du 1er août 2019. Enfin, la preuve de l'acceptation du devis de la terrasse est rapportée par le fait que Monsieur [L] a réglé la majorité des différentes situations qui lui ont été adressées. Selon l'entrepreneur, il appartient à Monsieur [L] de justifier du paiement de son obligation ; or, il n'a pas réglé la totalité de la facture et il ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la nullité de l'assignation :

Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce « L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.

Elle vaut conclusions. »

En vertu de l'article 114 du code de procédure civile, « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

L'article 115 du code de procédure civile dispose : « La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

En l'espèce, l'assignation délivrée le 13 février 2020, ne comporte pas la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée, mais énonce seulement un « inventaire » composé de « factures, échanges de mails et sommation de payer ».

Le régime de nullité auquel fait référence l'article 56 du code de procédure civile est celui des nullités des actes de procédure pour vice de forme.

Or, il résulte du dossier de première instance, communiqué en application de l'article 968 du code de procédure civile que les pièces venant au soutien des demandes de l'entrepreneur étaient produites. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il était ainsi en mesure de connaître les documents précis fondant la procédure engagée à son encontre. En tout état de cause, l'irrégularité était couverte par les conclusions récapitulatives de l'entrepreneur adressées le 27 mai 2020 au tribunal de commerce auxquelles était annexé le bordereau de communication de pièces.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l' exception de nullité de l'assignation.

Sur le fond :

Le   contrat d' entreprise est un  contrat   consensuel qui n'exige aucune forme particulière pour sa validité (Civ. 3e, 17 déc. 1997, no 94-20.709 , Bull. civ. III, no 226), en particulier, « l'établissement d'un devis descriptif n'est pas nécessaire à l' existence de ce contrat (Civ. 3e, 18 juin 1970, D. 1970. 674).

L'article 1359 du code civil dit que « l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.

Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande.

Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d'une créance supérieure à ce montant. »

Selon l'article 1362 alinéa 1 du code civil « Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. »

En réponse à un courriel de relance portant sur la facture globale détaillée des travaux « terrasse marina », Monsieur [L] répondait le 1er août 2019 qu'il débloquait une épargne en début de semaine et qu'il aurait les fonds disponibles en début de semaine prochaine et qu'il ferait un virement dès lundi.

Ce courriel de réponse constitue le commencement de preuve par écrit requis par l'article 1362 du code civil sur l' existence d'un contrat d' entreprise portant sur les travaux relatifs à la terrasse de la marina et du supplément de travaux piscine mentionné dans ladite facture.

Contrat dont la matérialité est établie par la production de photos attestant de la réalisation de la terrasse de la marina.

Monsieur [L] procédait à un règlement partiel de la facture du 9 juillet 2019 au moyen d'un virement de 12000 euros le 6 août 2019.

C'est vainement que Monsieur [L] argue de l'absence d'un accord sur le coût de la prestation ' dont la preuve de la nature et de son exécution est rapportée par les photos ' alors qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel du contrat de louage d'ouvrage.

Monsieur [L] n'a jamais adressé la moindre remarque ou contestation à l'entrepreneur sur sa facture du 9 juillet 2019, l'a réglé partiellement sans rejeter aucun poste libellé dans ce document, de sorte que le prix de la prestation due par Monsieur [L] doit être fixé à 40 040 euros TTC. Monsieur [L] ayant réglé la somme de 35 000 euros, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 5040 euros. Les intérêts légaux sur cette somme courront à compter de la date de la sommation de payer, à savoir le 7 janvier 2020.

La preuve d'un contrat et de son exécution n'est par contre pas rapportée en ce qui concerne la fourniture et la pose du store vénitien ainsi que de la fourniture de deux cylindres. Monsieur [L] doit être débouté de sa demande en paiement des deux factures relatives à ces prestations.

La société d'[...] ne développe aucun moyen venant au soutien de sa prétention relative à des dommages intérêts pour résistance abusive, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette demande, par application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur les frais de l'instance :

Monsieur [L], qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société d'[...] une somme équitablement arbitrée à 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions déférées à la cour, sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne Monsieur [Z] [L] à payer la société d'[...] la somme de 5040 euros avec intérêts légaux à compter du 7 janvier 2020, au titre du solde de la facture n° 19.07.652,

Déboute la société d'[...] de ses demandes en paiement au titre des factures n°18.11.627 d'un montant de 354,96 euros, relative au store de cuisine, et n° 19.07.653 d'un montant de 46,80 euros, relative aux deux cylindres de la porte d'entrée,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [Z] [L] à payer à la société d'[...] une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [Z] [L] aux dépens d'appel.