CA Lyon, 3e ch. a, 11 juin 2024, n° 23/02239
LYON
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
NACARAT (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme GONZALEZ
Avocats :
SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, SCP BAUFUME ET SOURBE
EXPOSE DU LITIGE
La société Nacarat a pour activité principale la réalisation d'opérations immobilières, et plus particulièrement l'achat de terrains à bâtir en vue d'y réaliser des constructions principalement à usage d'habitation qu'elle commercialise ensuite sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement.
- [C] [X] était propriétaire d'un tènement immobilier situé à [Adresse 11], comprenant une maison à usage d'habitation et un parc d'agrément ; les parties se sont rapprochées pour l'achat du bien dans le but de construire, après démolition de la construction existante, un ensemble immobilier à usage d'habitation et ont conclu par acte authentique en date du 20 décembre 2017 une promesse unilatérale de vente pour le prix de 1.705.000 euros calculé sur une surface de 712,2507 euros du m2 pour obtenir une surface de plancher de 2.457 m2, le terme de cette promesse prenant fin au plus tard le 30 septembre 2019,
- la promesse de vente était assujettie à plusieurs conditions suspensives (11) et notamment l'application définitive du PLU rendu opposable aux tiers le 18 juin 2019, et le dépôt d'un permis de construire au plus tard le mois suivant l'approbation définitive du PLU-H soit le 19 juillet 2019
- la société Nacarat a fourni un engagement de caution émanant de la société CLB Insurance pour couvrir la clause d'indemnité d'immobilisation de 5% du prix de vente soit 87.500 euros,
- le 1er octobre 2019, la société Nacarat a été mise en demeure par le Maître [S], notaire, de justifier de la réalisation des conditions suspensives, et par courrier du 31 octobre 2019, adressé à la société CLB Insurance, il a demandé la mise en oeuvre de la caution bancaire faute de production des justificatifs. La société Nacarat s'y est opposée.
[C] [X] a demandé le paiement des fonds à la société CLB Insurance.
Le 29 janvier 2020, en l'absence de réponse de la société Nacarat, il a pris acte de la résiliation de la promesse unilatérale de vente aux torts de la société Nacarat et précisé mettre en 'uvre la caution bancaire.
La société CLB Insurance a été placée en liquidation judiciaire le 12 mars 2020.
Par acte du 30 septembre 2020, [C] [X] a fait assigner la société Nacarat devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de paiement de la somme de 87.500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation contractuelle en principal.
Par jugement du 14 décembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a, dans le litige opposant M. [C] [X] à la société Nacarat agence Rhône-Alpes :
- jugé que le certificat d'urbanisme négatif daté du 10 février 2021 est inopposable à M. [C] [X] et que l'intégralité des conditions suspensives est réputée acquise et notamment le dépôt du permis de construire,
- condamné la société Nacarat à verser à M. [C] [X] la somme de 87.500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation contractuelle,
-jugé qu'en remettant un engagement de caution d'une société devenue insolvable, la société Nacarat n'a pas commis de faute contractuelle,
-débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société Nacarat à payer à M. [C] [X] la somme de 3.000 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- Condamné la société Nacarat aux entiers dépens de l'instance.
La société Nacarat a formé appel de cette décision par déclaration d'appel du16 mars 2023.
[C] [X] était décédé le 24 novembre 2022.
Ses héritiers ont été appelés en intervention forcée à la procédure.
Par conclusions d'incident déposées le 5 mars 2024, la société Nacarat a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident de communication de pièces et lui demande par dernières conclusions d'incident du 19 mars 2024 :
Vu les dispositions des articles 132 et suivants du Code de procédure civile et notamment des articles 138, 789, 907 et 910-4 du Code de procédure civile,
- condamner [B] [X] et [F] [D] née [X] sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard commençant à courir à compter d'un délai de 15 jours francs suivant la signification de la décision à intervenir, d'avoir à communiquer une copie certifiée par le notaire instrumentaire de la promesse unilatérale de vente du 20 juillet 2020 et de ses annexes et avenants éventuels à l'exception de l'avenant n°2, signée entre la Sas Fontanel Immobilier et [C] [X] en l'étude de Maître [S], notaire à [Localité 8] concernant le bien litigieux,
- condamner [B] [X] et [F] [D] à lui verser in solidum une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens avec droit de recouvrement.
Elle fait valoir que :
- c'est la constructibilité du terrain qui détermine le prix du terrain dès lors que l'acquisition est menée par un promoteur,
-ensuite de l'approbation du nouveau PLU-H modifiant de façon significative la constructibilité du terrain d'assiette, elle a tenté en vain de trouver un nouvel accord avec [C] [X], la surface de plancher minimale visée dans la promesse unilatérale de vente étant désormais impossible à réaliser,
- pour démontrer que la surface de plancher initiale fixée dans la promesse unilatérale de vente du 20 décembre 2017 ne pouvait plus être obtenue au regard des nouvelles règles d'urbanisme, elle a sollicité de la commune des informations sur le permis délivré confirmant ainsi que la surface de plancher de 2,457 m2 n'était plus possible. Le permis finalement délivré sur le terrain et exécuté a autorisé en effet que 1,640 m2 de SDP,
- elle a également demandé l'acte de vente, faisant apparaître l'acceptation d'un prix inférieur, mais les termes de l'acte sont insuffisants puisqu'il n'est pas fait référence à une surface de plancher minimale qui a dû être érigée en condition suspensive lors de la signature de la promesse de vente qui a précédé la signature de l'acte authentique de vente,
- l'acte de vente signé fait d'ailleurs expressément mention de l'existence de cette promesse et seule sa communication permettrait de connaître avec exactitude les conditions de cette vente immobilière et notamment la surface de plancher minimale visée dans cette promesse unilatérale de vente ; ce point est important puisque son argumentaire pour obtenir la réformation du jugement de première instance est de démontrer que la réalisation de la condition suspensive liée à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme autorisant une surface de plancher de 2.457 m2, insérée dans la promesse signée par la concluante en son temps était devenue une condition impossible à réaliser en raison de la modification des règles d'urbanisme justifiant son droit de se retirer sans avoir à verser une indemnité d'immobilisation,
-cette promesse n'a pas été publiée de sorte qu'elle ne peut être obtenue des services de publicité foncière, seul un avenant a été remis par ses adversaires.
Les consorts [B] [X] et [F] [X] demande au conseiller de la mise en état par dernières conclusions d'incident du 6 mai 2024, de :
- juger que les informations nécessaires au principe du contradictoire ont d'ores-et-déjà été produites, que les informations convoitées sont disponibles en mairie, les documents afférents au permis de construire étant publics,
En conséquence,
- débouter la société Nacarat de sa demande de production de pièces sous astreinte,
En tout état de cause, condamner la société Nacarat à leur verser 5.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Ils font valoir que :
- l'appelante cherche à justifier sa carence par le fait qu'il était impossible de construire la surface convoitée sur le terrain litigieux et prétend de mauvaise foi que le bien a été revendu moins cher à une autre société, que la différence de prix serait une admission de ce que le projet était irréalisable,
- ils ont retrouvé un document mentionnant le prix de vente et le nombre de mètres carrés dont la construction est envisagée de sorte que l'appelante connaît ainsi le prix et la surface, les pièces nécessaires ont été produites,
- l'appelante soutient qu'elle n'aurait pas pu réaliser son projet soit les mètres carrés envisagés, mais en tant que professionnelle, elle avait anticipé la modification du PLU-H et engagée en connaissance de cause, et son engagement ne
peut être envisagé uniquement sur une appréciation des mètres carrés construits mais également du prix d'achat au mètre carré et l'opération dépend également d'autres paramètres (rentabilité) et très partiellement du PLU-H,
- la fixation des mètres carrés est de la responsabilité du promoteur, la société Fontanel a mis des moyens en oeuvre pour l'obtention du permis de construire,
- la société Nacarat peut consulter le dossier du permis de construire pour avoir les informations nécessaires, la demande est dilatoire.
SUR CE :
En application des articles 907 et 789 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour ordonner la production d'une pièce.
L'article 133 du code de procédure civile dispose : « Si la communication des pièces n'est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d'enjoindre cette communication ».
L'article 134 du code de procédure civile dispose : « Le juge fixe, au besoin à peine d'astreinte, le délai, et, s'il y a lieu, les modalités de la communication ».
L'article 138 indique que 'Si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce'.
En l'espèce, de manière liminaire, il n'est pas contesté que la pièce litigieuse existe, condition d'une production forcée.
Il n'apparaît pas que la société Nacarat puisse par elle même se procurer la pièce litigieuse, contrairement aux intimés.
Ensuite, il n'y a pas lieu à ce stade de se prononcer sur la pertinence du raisonnement de l'appelante pour démontrer qu'une condition suspensive était impossible à réaliser ; par ailleurs, la pièce réclamée ne peut être considérée a priori comme inutile et sa demande de production n'apparaît pas dilatoire alors qu'un avenant a déjà été produit.
Il doit donc être fait droit à la demande de production comme précisé au dispositif.
Il n'y a pas lieu à prononcer une astreinte, n'étant pas démontré à ce stade le refus d'exécution de la présente ordonnance par les intimés.
Le sort des dépens de l'incident est lié à celui des dépens au fond.
Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à ce stade de la procédure.
PAR CES MOTIFS
Par ordonnance non susceptible de déféré,
Ordonnons à [B] [X] et [F] [D] née [X] d'avoir à communiquer une copie certifiée par le notaire instrumentaire de la promesse unilatérale de vente du 20 juillet 2020 et de ses annexes et avenants éventuels à l'exception de l'avenant n°2, signée entre la Sas Fontanel Immobilier et [C] [X] en l'étude de Maître [S], notaire à [Localité 8] concernant le bien litigieux dans un délai de trois mois à compter de la présente ordonnance.
Disons n'y avoir lieu à astreinte.
Lions le sort des dépens de l'incident à celui des dépens au fond.
Rejetons les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.