CA Versailles, ch. soc. 4-3, 24 juin 2024, n° 22/00312
VERSAILLES
Arrêt
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] [H] a été engagé par l'association Marie Lannelongue en qualité de médecin assistant, spécialisé en pédiatrie, par contrat à durée déterminée sur la période sur 3 novembre 2014 au 31 octobre 2015, période ensuite prolongée dans ce cadre jusqu'au 31 octobre 2016.
Le 27 septembre 2016, l'association Marie Lannelongue a signé avec M. [N] [H] un contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein, en qualité de médecin spécialisé auprès du pôle des cardiopathies congénitales.
Le centre chirurgical Marie Lannelongue est un établissement de santé privé, spécialisé dans la prise en charge des pathologies cardiaques et pulmonaires.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [N] [H] percevait une rémunération moyenne mensuelle brute de 6 019,50 euros (hors gardes et astreintes notamment).
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 octobre 2017, l'association Marie Lannelongue a convoqué M. [N] [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 16 octobre 2017.
Par courrier daté du 16 octobre 2017, l'association Marie Lannelongue a décidé à l'égard de M. [N] [H] d'une mise à pied conservatoire à effet immédiat.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 octobre 2017, l'association Marie Lannelongue a notifié à M. [N] [H] son licenciement pour faute grave en ces termes :
" Nous vous avons convoqué le 16 octobre 2017 par courrier recommandé du 3 octobre 2017, distribué le 13 octobre 2017, à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement au cours duquel vous étiez accompagné de M. [J] [G], délégué syndical.
Lors de cet entretien, il vous a été demandé des explications sur un certain nombre de points parmi lesquels :
- Le fait d'interdire à certains internes de rentrer en contact avec des médecins étrangers au service.
- D'interdire les échanges avec les Docteurs [M] ou [B], qui travaillent tous deux en pédiatrie.
- De leur interdire de se rendre au KT et au bloc, bien que ces deux lieux soient au c'ur du dispositif médical de l'institution et que de nombreux enfants y soient traités.
- De rabaisser les " médecins observateurs " par le biais de propos vexatoires et publics en leur faisant des remarques sur l'aide qu'ils percevaient (bourse, logement gratuit) pour poursuivre leurs études.
- De lancer l'ordinateur de service sur un autre interne, d'insulter celui-ci en public en hurlant " va te faire f... ".
- De reprocher aux internes de parler aux infirmières et aux parents, et de dévaloriser les échanges entre les internes et les parents.
- De détruire sans même le regarder et refaire le travail d'un interne.
- D'empêcher les internes de faire certains travaux attendus dans le bureau des internes sans autres formes d'explications.
- De laisser l'un de ces internes faire des prescriptions et des gestes médicaux pour lui signifier ensuite sa dangerosité sans autre forme d'accompagnement.
- De reprocher à ce même interne et de lui signifier ensuite par sms son absence du service la veille de son examen de médecine.
- De molester sur un ton similaire une infirmière en public.
Les conséquences de ces comportements ont été diverses en fonction des interlocuteurs.
Ainsi un de nos internes a pris un semestre de " disponibilité " remettant ainsi en cause sa vocation médicale. Un autre a souhaité exprimer son v'u de quitter le service deux mois après y être entré.
D'autres enfin ont commencé à être pris de crise d'angoisse.
Depuis le 3 novembre 2014, vous avez intégré Marie Lannelongue en qualité de médecin assistant. Vous êtes médecin spécialisé en pédiatrie depuis le 1er novembre 2016. A ce titre, comme l'ensemble des médecins de notre établissement, vous êtes sollicité pour accueillir, accompagner, former et développer les compétences des internes qui viennent passer un semestre chez nous.
Les explications fournies au cours de l'entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Eu égard aux fonctions et aux missions qui sont les vôtres et que nous vous avons rappelées en début de courrier, et compte tenu de l'importance que nous accordons à l'enseignement au sein de l'institution, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave, privatif de toutes indemnités de licenciement. "
Par requête introductive en date du 20 septembre 2018, M. [N] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne- Billancourt d'une demande dirigée contre l'association Marie Lannelongue et tendant à déclarer son licenciement nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.
Le 19 décembre 2019, par effet d'une fusion la fondation [5], établissement privé de santé, est venu aux droits de l'association Marie Lannelongue.
Par jugement du 6 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- requalifié le licenciement de M. [N] [H] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ; - condamné " le centre chirurgical Marie Lannelongue " à payer à M. [N] [H] :
*53 054,40 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*5 305,44 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 5 158,06 euros à titre d'indemnité de licenciement,
*1 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- débouté M. [N] [H] du surplus de ses demandes,
- et condamné le centre Marie Lannelongue aux entiers dépens.
M. [N] [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 1er février 2022.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mars 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 20 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [N] [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 6 janvier 2022 en ce qu'il a: - Jugé que le licenciement de M. [N] [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
- Débouté M. [N] [H] de sa demande tendant à requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
- Débouté M. [N] [H] de ses demandes tendant à voir condamner la Fondation [5] aux sommes suivantes :
* 50 000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul à titre principal, et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,
* 26 500 euros nets au titre du préjudice moral distinct ; 144 312,15 euros bruts au titre du paiement des heures supplémentaires,
* 14 431,21 euros bruts de congés payés afférents,
* 37 963,93 euros nets au titre de l'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos,
* 53 054,40 euros nets au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé,
* 8 900 euros nets au titre des dommages-intérêts au titre de la privation des repos hebdomadaires obligatoires,
* 53 054,40 euros nets au titre des dommages-intérêts sur le fondement de L.1152-1 du code du travail et subsidiairement, pour violation de l'obligation de sécurité.
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 6 janvier 2022 en ce qu'il condamnait la Fondation [5] à verser à M. [N] [H] les sommes suivantes : 5 158,06 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement, 53 054,40 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 5 305,44 euros bruts au titre des congés payés afférents, 1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [N] [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 1er février 2022.
Et statuant à nouveau,
Il est demandé à la cour d'appel de Versailles de : Avant dire droit, lors de l'audience de plaidoirie, de :
- faire injonction à la Fondation [5] de communiquer le décompte journalier et hebdomadaire de son temps de travail pendant sa période d'emploi et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision ;
- fixer une nouvelle date d'audience concernant ce chef de demande pour lequel la Fondation [5] doit communiquer des documents ;
- trancher sur le fond les autres demandes du Docteur [H]. Sur le fond :
- juger à titre principal, que le licenciement pour faute grave de M. [N] [H] est nul et à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la Fondation [5] à verser à M. [N] [H] les sommes suivantes :
* 50 000 euros nets au titre des dommage-intérêts pour licenciement nul à titre principal, et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;
* 5 158,06 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
* 53 054,40 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
* 5 305,44 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
* 26 500 euros nets au titre du préjudice moral distinct ;
* 53 054,40 euros nets au titre des dommages-intérêts sur le fondement de L.1152-1 du code du travail et subsidiairement, pour violation de l'obligation de sécurité ;
* 144 312,15 euros bruts au titre du paiement des heures supplémentaires ; *14 431,21 euros bruts de congés payés afférents ;
* 37 963,93 euros nets au titre de l'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos ; *53 054,40 euros nets au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
* 8 900 euros nets au titre des dommages-intérêts au titre de la privation des repos hebdomadaires obligatoires ; *3 500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts dans le cadre des dispositions des articles 1231-6 et suivants et 1343-2 du code civil ;
- juger l'appel incident de la Fondation [5] mal fondé ;
- débouter la Fondation [5] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la Fondation [5] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais éventuels d'exécution provisoire.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 25 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la fondation [5] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 en ce qu'il a débouté M. [N] [H] de ses demandes suivantes :
* 50 000 euros "nets" au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul à titre principal, et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;
* 26 500 euros "nets" au titre du préjudice moral distinct ;
* 53 054,40 euros "nets" au titre des dommages-intérêts sur le fondement de L.1152-1 du code du travail et subsidiairement, pour violation de l'obligation de sécurité ;
* 144 312,15 euros bruts au titre du paiement des heures supplémentaires ;
*14 431,21 euros bruts de congés payés afférents ;
*37 963,93 euros "nets" au titre de l'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos ;
*53 054 ,40 euros " nets " au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
*8 900 euros "net " au titre des dommages-intérêts au titre de la privation des repos hebdomadaires obligatoires. - infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2022 en ce qu'il a :
- Requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse;
- et condamné le CCML, désormais la Fondation [5], au paiement des sommes suivantes : 53 054, 40 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5 305,44 euros bruts à titre des congés payés afférents, 5 185,06 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- juger que le licenciement pour faute grave de M. [H] est bien-fondé ;
En conséquence,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- le condamner à payer à la Fondation [5] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'aux entiers dépens.
En toute hypothèse :
- juger que les sommes allouées à ce titre doivent s'entendre en brut.
MOTIFS
1. Sur le harcèlement moral invoqué par le salarié
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 : " Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L.1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [N] [H] invoque la nullité de son licenciement en raison du harcèlement moral dont il a été victime.
Il indique avoir subi au cours de l'exécution de son contrat de travail, et pendant de nombreux mois, la pression permanente des médecins de son service, à avoir les docteurs [M] et [R].
Il affirme avoir été systématiquement rabaissé, il ajoute que la qualité de son travail a été injustement critiqué, qu'il a été publiquement remis en cause devant les internes et les infirmières et qu'enfin il lui a été reproché des prescriptions médicales qualifiées injustement comme étant inadaptées.
Il précise qu'il lui a également été reproché, malgré les heures supplémentaires qu'il effectuait, de prendre ses RTT. Il souligne en outre que malgré le nombre important de gardes de réanimation, qu'il devait assurer à la demande de son chef de pôle, ce compte tenu du manque de médecin, le docteur [R] exigeait de sa part d'assurer autant d'astreintes dans son service en cardio-pédiatrie.
Il produit en ce sens la lettre du 18 décembre 2017, qu'il a lui-même adressée à son employeur, ainsi que celle qui a été ensuite adressée par son conseil au centre chirurgical. Ces deux premières pièces ne peuvent constituer en elles-mêmes une preuve objective dès lors qu'elles émanent de la partie et de son conseil.
Il verse également aux débats une correspondance du 16 octobre 2017, sur entête du centre médical, rédigée en la forme d'une attestation, émanant du docteur [U] qui n'évoque que la disponibilité de M. [H] lors d'un week-end de garde les 19 et 20 août 2017 sans donner de détail sur la pression permanente invoquée par l'appelant. Les autres attestations produites aux débats par le salarié ne concernent quant à elles que la qualité de travail et le comportement de M. [H].
Les éléments de preuve ainsi présentés, et pris dans leur ensemble, conformément au régime probatoire spécifique en la matière, conduisent à considérer que la matérialité du harcèlement invoqué n'est pas suffisamment et objectivement étayé pour permettre à l'employeur d'y répondre.
Il y a lieu d'en déduire que les circonstances de l'espèce ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Dès lors, il convient, par voie de confirmation, de rejeter la demande de nullité du licenciement prononcé le 23 octobre 2017.
En conséquence, le jugement critiqué sera donc confirmé sur ce point.
2. Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité
L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est définie comme celle pesant sur l'employeur, lequel devant prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'obligation de sécurité est une obligation de résultat à la charge de l'employeur.
Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié, ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds, prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne.
Cette preuve incombe donc à l'employeur (Soc. 17 janvier 2024, n 22.20.193).
Le salarié invoque, au titre de la violation de l'obligation de sécurité, la réalisation de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et le non-respect des temps de repos.
Pour ce qui concerne les heures supplémentaires
L'article L. 3121-27 du code du travail précise que la durée légale de travail effectif à temps complet est de 35 heures par semaine et l'article L. 3121-28 du même code de préciser que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration ou à un repos compensateur équivalent.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Sous réserve de respecter la règle de la preuve, le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Il détermine ainsi si le salarié a effectivement accompli des heures supplémentaires, il évalue souverainement, l'importance de celles-ci, sans avoir à préciser le détail de son calcul et fixe le montant de la créance qui en résulte (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 1810919, Soc., 4 décembre 2013, pourvoi n°1128314).
Au soutien de sa prétention, le salarié expose avoir été contraint de travailler au-delà- des 35 heures hebdomadaires en raison de la charge de travail imposée par son employeur, il affirme ainsi avoir travaillé 1 846,50 heures supplémentaires depuis son embauche et ajoute qu'il était contraint de travailler sans pouvoir bénéficier des temps de repos quotidien et hebdomadaires obligatoires. Il reproche à son employeur de ne pas fournir de décompte précis et individualisé de la durée de son temps de travail. Il sollicite qu'il soit délivré injonction à la Fondation [5] de communiquer le décompte journalier et hebdomadaire du temps de travail de M. [N] [H] pendant sa période d'emploi. Il demande à la cour de fixer une nouvelle date d'audience concernant ce chef de demande pour lequel la Fondation [5] doit communiquer des documents.
L'employeur n'a pas satisfait spontanément à la demande de pièce du salarié mais transmet néanmoins le relevé informatique des ordonnances délivrées par M. [N] [H] sur la période d'emploi du 2 mai 2016 au 4 octobre 2017 et un tableau de tarification intitulé "réanimation pédiatrique 2017".
Si l'article 133 du code de procédure civile permet de demander au juge d'enjoindre cette communication, une telle mesure ne peut être ordonnée que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En l'espèce, au regard du régime probatoire applicable et débattu dans le cadre des heures supplémentaires évoquées ci- dessus, il y a donc lieu de rejeter la demande.
La cour constate que le salarié ne verse aucun élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Il ne transmet pas non plus d'élément de calcul qui permet d'évaluer sa prétention fixée à 23 mois de salaires. Sa demande au titre des heures supplémentaires ne peut être accueillie.
Pour ce qui concerne les temps de repos
M [H] expose ainsi avoir été amené à travailler régulièrement sept jours sur sept, durant les jours fériés et également ses congés. Il verse aux débats ses bulletins de paie sur la période octobre 2016-octobre 2017.
La fondation [5] constate que cette demande n'est corroborée par aucune pièce et produit le relevé informatique des ordonnances délivrées par M. [N] [H] sur la période d'emploi du 2 mai 2016 au 4 octobre 2017. Ce document se présente en un tableau sur trois colonnes, la première de ces colonnes étant la " clé prescription " (correspondant au code informatique de la prescription faite par le médecin), une seconde colonne avec les dates (sans mention des jours de la semaine) et une troisième colonne avec le nom du médecin.
L'employeur verse également un autre tableau intitulé " réanimation pédiatrique 2017 ", sur lequel sont mentionnés pour l'année, le montant de la rémunération affectée à ces permanences, ainsi pour les :
- gardes des médecins de nuit (sur la base d'un forfait) :12 heures (450 euros), de week-end : 24 heures (900 euros), ainsi que la demi-garde : 6 heures (225 euros),
- astreintes de nuit (rémunérées à l'heure) : 14 heures (32,89 euros), de dimanche et jour fériés : 10 heures (65,64 euros) ou de samedi :10 heures (32,8/2 euros),
- astreintes dites déplacées : jusqu'à 3 heures (taux horaire de 21,88 euros), au-delà- de 3 heures (forfait de 131,26 euros), au-delà de 8 heures (262,52 euros) ou de garde le samedi matin (0 euro).
Les bulletins de paies sont transmis par le salarié mais ces documents ne précisent pas les dates des gardes et astreintes, ni le temps de travail effectif auquel elles correspondent et mentionnent une codification autre que celle résultant du tableau ci-dessus évoqué. Ainsi il est permis de constater qu'y figurent les mentions suivantes : " garde réa anesthésie " (sans précision permettant de savoir s'il s'agit de nuit, de dimanche ou encore de jours fériés), " demi-garde réa YCCP " (sans explication sur l'acronyme YCCP).
La convention Collective Nationale de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs précise concernant la durée du travail que " sous réserve d'une organisation du travail différente définie par accord d'entreprise ou d'établissement conclu dans le respect des dispositions légales et réglementaires, la durée du travail est fixée, sur la base de 35 heures par semaine, par les dispositions légales et réglementaires en vigueur. Les parties contractantes sont d'accord pour constater qu'en raison de l'évolution des techniques médicales et des modifications des conditions de travail, la durée de présence correspond, sauf cas particuliers visés par le Décret du 22 mars 1937, à la durée de travail effectif.
Les situations particulières feront l'objet d'accords d'établissement ou, à défaut, seront réglées par des contrats de travail individuels établis après consultation du comité social et économique ".
La convention collective ajoute en outre que " compte tenu des nécessités de service et après avis du comité social et économique, l'organisation hebdomadaire du travail est établie conformément aux dispositions des articles 05.05.2 à 05.05.5. La répartition des heures de travail est faite de manière à couvrir l'ensemble des besoins tels qu'ils résultent de l'organisation des services et de la nécessité d'assurer la continuité de la prise en charge des soins, de la sécurité et du bien-être des usagers y compris la nuit, les dimanches et jours fériés ".
L'article L 3132-1 du code du travail dispose qu'il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine et l'article L 3132-2 du même code ajoute que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.
Le contrat de travail prévoit que la répartition des présences figure sur un tableau de service établi entre le directeur du pôle et le praticien et qu'en cas de nécessités exceptionnelles et urgentes et ou en fonction des nécessités du service ou de l'organisation du centre chirurgical, il pourra être dérogé au tableau de service.
Aucun tableau de cette nature n'est transmis par l'employeur.
Les articles L 3121-32 et suivants du code du travail permettent aux conventions collectives de déroger aux dispositions légales pour fixer et déroger éventuellement aux dispositions prévues par ledit code. En l'espèce, la convention collective applicable (Fehap) renseigne l'amplitude horaire comme étant, non pas comme l'employeur le présente le temps durant lequel le médecin-salarié accompli des prescriptions médicales et délivre des ordonnances mais le temps écoulé entre l'heure du début de la première prise de travail et l'heure de la fin du dernier service au cours d'une même période de 24 heures. Les articles 05.06 et 05.07 prévoient que le régime conventionnel relatif aux heures supplémentaires et astreintes applicables aux médecins est celui qui est exposé au titre 20 de la convention pour lesquels les dispositions visées aux articles M 05.01 et M.05.02 sont prévues. Ces dernières dispositions précisent que la durée du travail est fixée sur la base de 35 heures hebdomadaires mais que la répartition - entre les médecins - du temps de travail, des astreintes et des gardes est faite de manière à couvrir l'ensemble des besoins vingt-quatre heures sur vingt-quatre tout au long de l'année. Cette répartition est portée à la connaissance des médecins dans les conditions légales et réglementaires, notamment en matière d'affichage.
La convention ajoute que lorsque l'aménagement du temps de travail est établi sur deux semaines, le nombre de jours de repos est fixé à trois par quatorzaine dont deux consécutifs. Dès lors qu'une autre organisation du travail ne permet pas l'application des dispositions ci-dessus de repos est fixé à 1,5 jour en moyenne par semaine sur la période d'aménagement du temps de travail.
La convention précise que par accord entre l'employeur et les médecins intéressés, l'accomplissement d'astreintes peut donner lieu à compensation sous forme de repos, lorsque le fonctionnement du service le permet et correspond à ¿ journée pour cinq astreintes.
Aucune pièce produite par l'employeur ne permet de s'assurer que les règles édictées par la convention collective ont été respectées au regard du comptage précis des gardes et astreintes. L'employeur ne justifie pas non plus des nécessités de service ayant conduit à répartir les heures de travail de M. [N] [H] la nuit, les dimanches et jours fériés.
La cour constate après analyse des pièces versées qu'il ressort du listing des ordonnances que :
- sur la période du lundi 13 février 2017 à 18h26 au mardi 21 février 2017 à 18h08, M. [N] [H] a ainsi travaillé sans discontinuer 9 jours consécutifs.
Il n'a pas été en repos le week-end du18/19 février 2017. Il a ainsi travaillé le samedi 18 février 2017 de 13h40 à 23h37, puis le dimanche de 7h40 à 11h49. Même si la fiche de paie du mois de mars 2017, il a été réglé d'une " garde réa anesthésie " et d'une " demi garde Réa YCCP", le temps de repos n'est pas justifié.
Les mêmes constats peuvent être faits :
- Sur la période du lundi 27 mars 2017 à 14h41 au mardi 4 avril 2017, M. [N] [H] a également travaillé sans discontinuer 9 jours consécutifs, ce sans avoir été en repos le week-end du samedi/dimanche 1er et 2 avril 2017.
Il a travaillé le samedi 1er avril 2017 de 10h04 à 13h11, puis le dimanche 2 avril 2017 de 10h04 à 18h59. Sur sa fiche de paie du mois de mai 2017 (prise en considération pour ce qui est du weekend d'avril 2017), il a été réglé d'une " astreinte médicale de nuit " et d'une " astreinte médical avec déplacement ".
- Sur la période du mardi 9 mai 2017 à 9h41 au mardi 23 mai 2017, M. [N] [H] a travaillé sans discontinuer 15 jours consécutifs, ce sans avoir été en repos les week-ends des samedi/dimanche 13 et 14 mai 2017 et 20 et 21 mai 2017.
Concernant ce week-end, le docteur [V] dans son attestation mentionne que le docteur [H] " a été contraint en raison des départs en congés maternité des docteurs [K] et [T] et du départ en weekend du docteur [R], d'assurer la garde en réanimation en même temps que l'astreinte de cardio-pédiatrie le weekend du 19-20 août 2017 ".
Le salarié a travaillé le week-end du 13 et 14 mai, le samedi de 10h26 à13h07, le dimanche 14 mai de 9h55 à 17h59. Il a également travaillé le week-end du 20 au 21 mai, en travaillant le samedi 20 mai de 15h59 à 23h10.
Son bulletin de paie sur la période de juin 2017, mentionne une " garde réa anesthésie "
- Sur la période du lundi 26 juin 2017 à 11h01 au mardi 4 juillet 2017 à 20h30, M. [N] [H] a travaillé sans discontinuer 9 jours consécutifs, ce sans avoir été en repos le week-end du samedi/dimanche 1er et 2 juillet 2017.
Il a travaillé le samedi 1er juillet de 10h15 à 19h53 et le dimanche 2 juillet de 9h52 à 21h21.
Ainsi la cour constate après analyse des ordonnances versées que sur la période couverte par les listings de mai 2016 à septembre 2017 M. [N] [H] a été amené à travailler sur des amplitudes horaires considérables sur des samedis et dimanches sans que l'employeur ne justifie du respect des repos conventionnels ni sur la contrepartie obligatoire en repos ni sur les repos hebdomadaires.
En cela, la Fondation [5] n'a pas respecté son obligation de sécurité à l'égard de M. [N] [H] et devra être condamnée à lui verser la somme de 8 000 euros.
M. [H] est également bien fondé à solliciter réparation du préjudice subi au titre du non-respect de son temps de repos tant sur la contrepartie obligatoire en repos que sur les repos hebdomadaires. Il ne justifie pas des montants sollicités ni de leurs calculs. Au vu des pièces versées, le préjudice résultant du non-respect de la contrepartie obligatoire en repos sera fixé à la somme de 6000 euros et celui relatif à la demande indemnitaire sur les repos hebdomadaires, sera fixé à la somme de 4000 euros.
En conséquence, le jugement critiqué sera donc infirmé sur ce point.
3. Sur le travail dissimulé
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à ses obligations en n'accomplissant pas la déclaration préalable à l'embauche, en mentionnant sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes sociaux et fiscaux (article L. 8221-5 du code du travail).
La caractérisation de l'infraction de travail dissimulé est subordonnée à la démonstration, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité (déclaration d'embauche, remise d'un bulletin de paie, etc.) et d'autre part, d'un élément intentionnel constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité. Le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 et dont le contrat est rompu a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (article L. 8223-1 du code du travail).
Il appartient au salarié de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l'infraction de travail dissimulé.
En l'espèce si le paiement des demandes indemnitaires sur les temps de repos et l'obligation de sécurité ont été accordés, les éléments versés au débat par le salarié ne permettent pas de caractériser l'élément intentionnel nécessaire pour qualifier l'infraction. En conséquence la demande sera rejetée.
4. Sur le bien-fondé du licenciement
Il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur, elle fixe les limites du litige et doit être fondée sur des éléments objectifs imputables au salarié.
L'article L 1235-1 précise qu'il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués et qu'il forme sa conviction en considération des éléments fournis par les parties.
La faute grave suppose que l'employeur ne peut pas maintenir le salarié dans l'entreprise, même pendant la période du préavis. Elle est le résultat d'un fait ou d'un ensemble de fait qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail.
Il est rappelé que conformément à l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et qu'en application de l'article 2274 du code civil la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.
La gravité de la faute est appréciée en fonction des circonstances propres à chaque fait. Le faute grave peut être reconnue même si la faute est commise pour la première fois.
La preuve de la faute incombe à l'employeur.
En l'espèce, la fondation [5] a mentionné dans sa lettre de licenciement plusieurs griefs de nature comportementale relevés à l'encontre de M. [N] [H] à l'égard de ses collègues de travail L'employeur demande que certaines attestations soient écartées des débats dans la mesure où elles ne satisfont pas aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile.
M. [N] [H] estime de son côté que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où son employeur ne justifie pas d'un avertissement préalable et qu'il ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute de sa part. Il ajoute que les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont imprécis et conteste fermement avoir été l'auteur de faits qui lui sont reprochés. Il produit des attestations témoignant de ce qu'il n'a jamais eu un comportement humiliant à l'égard de ses collègues. Il demande que les attestations des docteurs [M] et [E] soient écartées des débats et verse aux débats de nombreuses attestations ainsi que la pétition qui a été signée en sa faveur.
A titre préliminaire, il sera fait observer que la circonstance selon laquelle certaines attestations ne satisferaient pas aux prescriptions édictées par l'article 202 du code de procédure civile, n'est pas en soit un élément de nature à les faire écarter des débats alors que les dispositions prévues par cet article ne sont pas prescrites à peine de nullité desdites attestations. En outre, il appartient au juge d'examiner si les attestations non conformes présentent ou non des garanties suffisantes pour entraîner sa conviction.
La cour, observant la portée et la valeur probante des éléments qui lui sont ainsi soumis, estime qu'il ressort de l'examen des attestations précises et circonstanciées versées aux débats que dans sa relation tant vis-à-vis des internes en pédiatrie, que des médecins étrangers en observation, M. [N] [H] a adopté un comportement professionnel inadapté.
M. [N] [H] a rabaissé les médecins observateurs par le biais de propos vexatoires et publics en leur faisant des remarques sur l'aide qu'ils percevaient pour poursuivre leurs études (bourse, logement gratuit). Il a également dévalorisé les échanges entre les internes et les parents d'enfants malades et a laissé certains internes procéder à des prescriptions et des gestes médicaux pour leur signifier ensuite leur dangerosité sans autre forme d'accompagnement (attestations du docteur [M], de Mme [A] [W], de Mme [O] [F], internes, de M. [N] [S] assistant spécialisé et enfin par un mail d'un médecin observateur étranger Mme [D] [C]).
Mme [X] [R], cardiologue au sein du service de M. [N] [H], corrobore par son témoignage précis et détaillé les faits relatés par Mme [W] qui évoque avec détail les crises d'angoisse dont elle a été victime et dont elle attribue l'origine à M. [N] [H].
Il est ainsi manifeste que M. [N] [H] a dépassé les préceptes habituels d'une pédagogie et d'un apprentissage adaptés en faisant subir notamment aux internes ses colères et ses remarques méprisantes au travers notamment des propos suivants : en invitant un interne à faire "profil bas", en s'adressant aux internes de la manière suivante " pour qui tu te prends, tu es personne dans ce service ", en interdisant à une interne de discuter avec des médecins d'autres services ou encore en indiquant à un interne " tes prescriptions sont dangereuses ". Un tel comportement a pu conduire une interne à venir travailler " la peur au ventre ", puis ne pouvant plus supporter le fait de subir " des réveils nocturnes ", ni ses " pleurs répétés " celle-ci a été amenée à solliciter sa mise en disponibilité puisqu'il en allait de sa " survie ".
Ainsi, le comportement autoritaire et inadapté de M. [N] [H], parce qu'il exerçait la fonction de médecin spécialisé en pédiatrie et qu'il avait la co-responsabilité du service de cardiopathie comme il le précise lui-même, a été constitutif de faits qui ont justifié son licenciement pour faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
La pétition, signée par 27 salariés du centre médical les 17 et 18 octobre 2017, constituée de la pièce n° 18-1 de l'appelant, et adressée au service des ressources humaines du centre médical, parce qu'elle oriente l'avis donné par les pétitionnaires qui s'accordent à constater que " les salariés soussignés tiennent à affirmer que le Dr [N] [H] avec qui nous travaillons depuis plusieurs années, est une personne responsable, correcte et avec qui nous n'avons jamais été confronté à un quelconque incident tant sur le plan physique que moral ou social. Nous tenons à souligner son professionnalisme et sa qualité humaine entres les patients et leur famille " ne sera pas considérée comme suffisamment probante.
De même, les attestations versées aux débats par le salarié, émanant d'anciens internes ou médecins ayant fréquenté le centre chirurgical, ne sauraient être suffisantes dès lors qu'elles sont imprécises en ce sens que les témoins évoquent un comportement général et que l'employeur justifie de la gravité et de l'ampleur des agissements de M. [N] [H] et que les compétences techniques du salarié ne sont pas remises en cause.
En conséquence, le jugement critiqué sera donc infirmé sur ce point.
5. Sur les conséquences financières du licenciement et les demandes indemnitaires formulées
Au regard de ce qui précède, le licenciement de M. [N] [H] étant justifié par la faute grave, celui-ci n'est en conséquence pas fondé à solliciter les indemnités et dommages et intérêts inhérents à la rupture de son contrat de travail.
En outre, la faute grave étant privative de préavis en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, M. [N] [H] sera débouté de sa demande à ce titre ainsi que celle en découlant au titre des congés payés afférents.
6. Sur la remise des documents sociaux
La demande formée à ce titre devient sans objet.
7. Sur les intérêts des créances
Les condamnations au paiement de créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes alors que les condamnations au paiement de créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition
Il y a lieu aussi d'autoriser la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
8. Sur les dépens et l'indemnité de procédure
Le salarié qui succombe partiellement en son appel, sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tout comme l'employeur et ce pour les mêmes raisons.
La Fondation [5] sera quant à elle condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Infirme le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt en ce qu'il a requalifié le licenciement de M. [N] [H] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents ,une indemnité de licenciement et en ce qu'il a débouté du surplus de ses demandes ;
Et statuant à nouveau,
Déclare le licenciement de M. [H] fondé sur une faute grave ;
Condamne la Fondation [5] à payer à M. [N] [H] la somme de 8 000 euros au titre du manquement à son obligation de sécurité et de prévention de la santé du salarié ;
Condamne la Fondation [5] à payer à M. [N] [H] la somme de 6 000 euros au titre du dépassement de la durée maximale du temps de travail ; du présent arrêt.
Condamne la Fondation [5] à payer à M. [N] [H] la somme de 4 000 euros au titre du non-respect du repos hebdomadaire ;
Dit que les condamnations au paiement de créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la fondation [5] aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.