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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 26 septembre 2023, n° 22/00286

RIOM

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

Avocats :

Me Mabrut, Me Lacquit, Me Samuel

CA Riom n° 22/00286

25 septembre 2023

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Après la survenue d'un sinistre ayant provoqué d'importants dommages dans leur maison d'habitation, M. [I] [X] et Mme [M] [X], demeurant à [Localité 2] (43), ont contacté M. [L] [G], exerçant sous l'enseigne Relooking Habitat, pour la réalisation de travaux de remise en état.

Un premier acompte de 3000 euros a été versé par chèque du 9 mars 2020, débité sur le compte des époux [X] le 11 mars 2020.

Le 2 juillet 2020, le juge du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, sur requête de M. [G], a rendu à l'encontre de M. et Mme [X] une ordonnance portant injonction de payer à ce dernier la somme de 7122,10 euros outre intérêts au taux légal. M. et Mme [X] ont fait opposition à cette ordonnance qui leur avait été signifiée le 8 juillet 2020.

Par jugement du 3 novembre 2021, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a statué en ces termes :

-Déclare recevable l'opposition formée par M. [I] [X] et Mme [M] [X] le 3 août 2020 à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 2 juillet 2020 ;

-Rappelle que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer du 2 juillet 2020 ;

-Condamne M. et Mme [X] à payer à M. [L] [G] la somme de 183,20 euros au titre du solde des travaux effectués par M. [G] ;

-Rejette toute autre demande des parties, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne chacune des parties, M. [L] [G] d'une part, M. et Mme [X] d'autre part, à prendre en charge, chacune une moitié des dépens ;

-Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

M. [G] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 3 février 2022.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 avril 2023.

Vu les conclusions aux termes desquelles M. [L] [X] demande à la cour de :

Réformer le jugement entrepris ;

En conséquence,

-Confirmer en tous points l'ordonnance d'injonction de payer prononcée le 2 juillet 2020 ;

- Subsidiairement, et si la cour s'estime insuffisamment éclairée, ordonner la désignation d'un expert judiciaire chargé de déterminer les reprises qui auraient été à sa charge, déterminer leur coût et faire les comptes entre les parties ;

- Condamner les époux [X] à prendre en charge le coût de l'expertise ;

-Condamner M. et Mme [X] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. et Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions aux termes desquelles M. et Mme [X] demandent à la cour de :

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- les a condamnés à payer à M. [L] [G] la somme de 183,20 euros au titre du solde des travaux effectués par ce dernier ;

-les a déboutés de leur demande de condamnation de M. [G] à leur payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts ;

-les a déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de leur demande de condamnation de M. [G] à supporter les entiers dépens de première instance ;

-a condamné chacune des parties à prendre en charge la moitié des dépens ;

Statuant à nouveau,

-Juger irrecevable ou pour le moins non fondée la demande d'expertise judiciaire formée à titre subsidiaire par M. [G] ;

En conséquence,

-Débouter M. [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-Condamner M. [G] à leur payer la somme de 9816,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;

-Condamner M. [G] à leur payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner M. [G] aux entiers dépens comprenant ceux de première instance et le coût du constat d'huissier.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

-Sur l'existence du contrat d'entreprise :

M. et Mme [X] s'opposent à la demande en paiement en soutenant en premier lieu que M. [G], qui ne justifie d'aucun devis signé détaillant la nature des travaux et leur prix, ne rapporte pas la preuve de l'existence du contrat qu'il prétend avoir conclu avec eux, ni la preuve de sa créance.

Le contrat d'entreprise de louage d'ouvrage est un contrat consensuel qui n'exige aucune forme particulière pour sa validité, étant observé que la question du respect par le professionnel de l'obligation générale d'information qui lui incombe, en application des articles L. 111-1 et L.111- 2 du code de la consommation invoqués par M. et Mme [X], est étrangère à la question de la preuve de l'existence même du contrat.

La preuve de l'existence d'un contrat d'entreprise et de son contenu incombe à l'entrepreneur.

L'article 1353 du code civil dispose :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Il ressort de l'article 1359 du code civil et de l'article 1er du décret nº80-533 du 15 juillet 1980, dans sa version modifiée par le décret nº 2016-1278 du 29 septembre 2016, que l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

L'article 1361 du même code prévoit qu'il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

Enfin, l'article 1362 définit de la façon suivante le commencement de preuve par écrit :

« Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution.

La mention d'un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public vaut commencement de preuve par écrit. »

En l'espèce, il est constant qu'aucun contrat ou bon de commande n'a été signé entre les parties.

Il est communiqué devant la cour par M. et Mme [X] eux-mêmes un courrier adressé le 25 mai 2020 à M. [G] afin de lui transmettre un chèque d'un montant de 5000 euros, correspondant, selon les termes du courrier, au solde des travaux, compte tenu de l'acompte déjà versé, étant précisé que l'accusé de réception de cette lettre a été retourné avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse ».

Cette lettre, émanant de M. et Mme [X], constitue un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable l'existence de liens contractuels entre ces derniers et M. [G], permettant la prise en considération d'autres éléments de preuve.

Or, il est également produit devant la cour le procès-verbal dressé le 25 janvier 2021 par l'huissier mandaté par M. et Mme [X] afin d'établir un constat quant à la bonne exécution des travaux, dans lequel l'officier ministériel indique expressément que ces derniers ont « confié à M. [G] des travaux de remise en état de plusieurs pièces de leur habitation ». Cet élément vient corroborer le commencement de preuve par écrit constitué par le courrier du 25 mai 2020.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la preuve de l'existence du contrat liant M. et Mme [X] à M. [G] est suffisamment rapportée . Le jugement sera confirmé sur ce point.

-Sur la preuve du prix des travaux :

Celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de l'autre partie à l'exécution de ceux-ci au prix demandé, une telle preuve ne pouvant résulter exclusivement d'une facture émanant de l'entrepreneur, en application du principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à soi-même. La preuve du prix des travaux ne peut davantage résulter du simple silence de la partie adverse à réception de la facture.

À l'appui de sa demande en paiement, M. [G] se réfère à un devis daté du 4 février 2020 établi pour un montant de 10'122,10 euros TTC, qui toutefois n'a pas été signé par M. et Mme [X], et à la facture pour le même montant datée du 10 mars 2020. Ces éléments ne permettent pas de rapporter la preuve du consentement des époux [X] sur le prix réclamé.

Le premier juge a justement relevé, s'agissant du montant convenu des travaux, que M. et Mme [X] indiquaient eux-mêmes, ce qu'ils font également devant la cour, que M. [G] leur avait proposé de remettre en état leur maison pour un coût total de 8000 euros, et encore que ces derniers, après avoir réglé un acompte de 3000 euros, avaient tenté d'adresser à M. [G], par courrier du 25 mai 2020, un chèque de 5000 euros au titre du solde des travaux. Ces éléments permettent de considérer que les parties s'étaient accordées sur un montant de 8000 euros pour l'exécution des travaux, de sorte que, M. [G] n'apportant pas la preuve de la commande de travaux supplémentaires, une somme de 5000 euros reste due par M. et Mme [X], puisque M. [G] n'a pas reçu le chèque adressé par ces derniers.

-Sur l'existence de malfaçons :

M. et Mme [X] dénoncent l'existence de malfaçons dans l'exécution des travaux réalisés, en particulier l'apparition de fissures sur le plafond de la cuisine, du séjour et des chambres et des imperfections, telles que des reprises de peinture visibles et encore des défauts de finition.

La réalité de ces malfaçons est établie par le procès-verbal de constat dressé par huissier le 25 janvier 2021. M. [G] souligne le caractère non contradictoire de ces constatations. Toutefois, les constatations de l'huissier instrumentaire, en particulier quant aux fissures, sont corroborées par la production du devis en date du 30 octobre 2020, qui mentionne expressément la nécessité du traitement des fissures sur le plafond des diverses pièces.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge, en application des dispositions de l'article 1217 du code civil, a considéré que les époux [X] pouvaient prétendre à une réduction du prix de la prestation réalisée, pour en définitive condamner ces derniers, en tenant compte du devis de réparation des désordres émis pour un montant de 4816,80 euros, au paiement de la somme de 183,20 euros, après déduction du solde de 5000 euros restant dû sur le marché.

Il n'y a pas lieu en effet de prendre en considération le nouveau devis établi le 8 mars 2022 pour un montant de 12 380 euros communiqué devant la cour par M. et Mme [X], les prestations proposées sur ce document allant au-delà de la seule reprise des travaux nécessitée par la mauvaise exécution de ceux-ci par M. [G].

Pour s'opposer à la réduction du prix telle qu'elle a été accordée par le premier juge, M. [G] formule une demande d'expertise judiciaire afin de déterminer les reprises nécessaires et leur coût. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette demande, certes nouvelle en cause d'appel, n'est pas irrecevable alors qu'elle tend à faire écarter les prétentions présentées par les intimés sur le fondement de l'article 1217 du code civil, ainsi que le permettent les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile

Cette demande sera toutefois rejetée, la cour s'estimant suffisamment éclairée par les pièces communiquées devant elle.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [X] au paiement de la somme de 183,20 euros au titre du solde du marché, après réduction du prix de la prestation commandée et réalisée.

-Sur la demande indemnitaire présentée par M. et Mme [X] :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire présentée à titre reconventionnel par M. et Mme [X], augmentée en cause d'appel, alors que ceux-ci ne justifient pas du préjudice moral et financier qu'ils prétendent avoir subi.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé sur les dépens et le rejet des prétentions formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [G] sera condamné aux dépens d'appel, étant précisé que les frais de constat par huissier ne peuvent être inclus dans les dépens qui comprennent uniquement les débours relatifs à des actes réalisés par des professionnels ou techniciens désignés par le juge.

M. [G] sera condamné à payer à M. et Mme [X] la somme de 3000 euros au titre des frais exposés par ces derniers pour faire assurer la défense de leurs intérêts devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

-Déboute M. [G] de sa demande tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne M. [L] [G] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [L] [G] à payer à M. [I] [X] et Mme [M] [X], pris ensemble, la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers pour les besoins de la procédure d'appel.