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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 12 septembre 2024, n° 23/04806

BORDEAUX

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Doucet (EARL)

Défendeur :

Aquitaine Energie (SARL), Righetti CSE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Figerou, Mme Defoy

Avocats :

Me Perret, Me Le Barazer, Me Rozenberg, Me Bertol

TJ Bergerac, du 20 oct. 2023, n° 22/0006…

20 octobre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

L'EARL Doucet exerce une activité agricole de production de bovins laitiers à [Localité 4].

Selon facture du 1er juin 2015 établie pour un montant de 11 127,64 € TTC, l'EARL Doucet a fait installer par la SARL Righetti un groupe électrogène. La SARL Righetti avait acquis ce groupe auprès de la SARL Aquitaine Energie. Suite à la survenance de désordres et après deux expertises amiables réalisées à l'initiative de l'assureur de l'EARL Doucet sans qu'un accord ait pu être trouvé entre les parties, l'EARL Doucet a sollicité et obtenu du juge des référés, au contradictoire de la SARL Righetti et de la SARL Aquitaine Energie, l'organisation d'une expertise judiciaire qui a été confiée à monsieur [X]. Ce dernier a déposé son rapport le 24 janvier 2020.

Par acte du 19 janvier 2022, l'EARL Doucet a fait assigner la SARL Righetti devant le tribunal judiciaire de Bergerac, sur le fondement des articles 1227 et suivants, et 1231-1 du code civil, aux fins de le voir :

- déclarer que le groupe électrogène vendu par la SARL Righetti présentait un défaut de conformité ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de vente conclu entre l'EARL Doucet et la SARL Righetti, aux torts exclusifs de la SARL Righetti ;

- condamner la SARL Righetti à rembourser à l'EARL Doucet la somme de 11 127,64 € correspondant au prix d'achat du groupe électrogène, augmenté de la somme de 573,60 € correspondant au remplacement des durites et du liquide de refroidissement;

- condamner la SARL Righetti à payer à l'EARL Doucet une somme de 19 632 € au titre du préjudice de jouissance ;

- condamner la SARL Righetti à reprendre à ses frais le groupe électrogène litigieux, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision ;

- condamner la SARL Righetti à payer une somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de maître Karine Perret, avocat.

Par acte du 26 septembre 2022, la SARL Righetti a appelé en garantie la SARL Aquitaine Energie. Les deux instances ont été jointes le 14 octobre 2022. Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 9 février 2023, la SARL Aquitaine Energie a saisi le juge de la mise en état d'un incident, considérant que l'action de l'EARL Doucet serait prescrite.

Par ordonnance en date du 20 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac a :

- dit que l'action était irrecevable comme étant forclose, tant à l'égard de la SARL Righetti que de la SARL Aquitaine Energie ;

- condamné l'EARL Doucet à payer à la SARL Righetti et à la SARL Aquitaine Energie chacune la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'EARL Doucet aux dépens ;

Par déclaration électronique du 25 octobre 2023, l'EARL Doucet a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions du 3 janvier 2024, l'EARL Doucet demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance rendue le 20 octobre 2023 en ce que le juge de la mise en état a dit que son action Doucet était irrecevable comme étant forclose, tant à l'égard de la SARL Righetti que de la SARL Aquitaine Energie, et statuant à nouveau ;

- juger que les désordres constatés par l'expert n'étaient pas antérieurs à la vente puisque les pannes sont survenues de manière aléatoire et sont indépendantes les unes des autres et ne relèvent pas de la garantie des vices cachés ;

- juger que le groupe électrogène vendu par la SARL Righetti présentait un défaut de conformité ;

- juger que l'action résultant d'un défaut de conformité engagée par elle est parfaitement recevable et n'est pas prescrite ;

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Bergerac afin qu'il soit statué au fond;

- réformer l'ordonnance rendue le 20 octobre 2023 en ce que le juge de la mise en état l'a condamnée à payer à la SARL Righetti et à la SARL Aquitaine Energie chacune la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et statuant à nouveau :

- débouter la SARL Aquitaine Energie de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ainsi que de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SARL Righetti à payer une somme de 3 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de maître Karine Perret, avocat.

À titre subsidiaire, pour le cas où la cour confirmerait l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 20 octobre 2023 constatant que les désordres affectant le groupe électrogène relèvent de la garantie des vices cachés,

- réformer l'ordonnance rendue le 20 octobre 2023 en ce que le juge de la mise en état a jugé que le délai prévu par l'article 1648, alinéa 1er du code civil est un délai de prescription, et non un délai de forclusion ; et statuant à nouveau,

- juger que le délai prévu par l'article 1648, alinéa 1er du code civil a été interrompu non seulement par l'assignation en référé jusqu'à l'ordonnance de référé, mais également suspendu de l'ordonnance de référé jusqu'au dépôt du rapport d'expertise;

- juger qu'elle n'a découvert l'existence du vice, la connaissance de sa cause, son ampleur et ses conséquences que lors du dépôt du rapport d'expertise le 24 janvier 2020, qui a fait courir un nouveau délai de deux ans.

En conséquence,

- juger que son action sur le fondement de la garantie des vices cachés n'est pas prescrite, ni forclose, moins de deux ans s'étant écoulé entre le rapport d'expertise le 24 janvier 2020 et la délivrance de l'assignation au fond le 19 janvier 2022 ;

- débouter la SARL Aquitaine Energie de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ainsi que de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SARL Righetti à payer une somme de 3 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de maître Karine Perret, avocat.

Dans ses dernières conclusions du 22 janvier 2024, la SARL Aquitaine Energie demande à la cour de :

- juger que l'action engagée par l'EARL Doucet s'analyse en une action en garantie des vices cachés ;

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac le 20 octobre 2023 en ce qu'elle a jugé irrecevable l'action à son égard et, a condamné l'EARL Doucet à lui payer une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

- juger irrecevable comme prescrite l'action engagée par la SARL Righetti à son encontre ;

- la mettre hors de cause ;

- débouter l'EARL Doucet et la SARL Righetti de toutes prétentions contraires ou plus amples ;

- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 6 163,20 € HT sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la partie succombante aux dépens.

Par ordonnance du 28 mars 2024, le conseiller de la mise en état a constaté l'irrecevabilité des conclusions déposées tardivement par la SARL Righetti le 1 er mars 2024 en application des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile lequel dispose': «'...L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. ...'»

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le juge de la mise en état a jugé que la demande de l'EARL Doucet portait sur un défaut de conformité de la chose vendue mais qu'il résultait de l'expertise judiciaire que le groupe électrogène avait fonctionné pendant trois ans après son acquisition et que les défaillances des composants de la chose vendue provenaient d'un défaut de qualité des matériaux utilisés dans celle-ci, lesquels ne caractérisaient pas des non-conformités mais constituaient des vices cachés, si bien que l'action de l'acheteur devait s'analyser en une action en garantie des vices cachés laquelle était prescrite en application des dispositions de l'article 1648 du code civil. En effet, l'acheteur avait eu connaissance de ces vices dans leurs ampleurs et leurs conséquences dès la dépôt du premier rapport d'expertise amiable , le 13 août 2018' puisque celui-ci avait alors constaté que le groupe électrogène n'était plus en état de marche car le système électrique pour le démarrage du moteur n'était plus fonctionnel. Or, si l'EARL Doucet avait interrompu le délai de forclusion biennale en saisissant le juge des référés, le 2 avril 2019, ce délai avait recommencé à courir le 4 juin 2019, date de l'ordonnance de référé, et avait expiré le 4 juin 2021, l'EARL Doucet n'ayant assigné au fond que postérieurement à cette date.

L'EARL Doucet considère au contraire que le fondement juridique de sa demande est le manquement à l'obligation de délivrance conforme du matériel vendu, prévu par l'article 1604 du code civil, et non le vice caché du matériel prévu par les articles 1641, 1643 et 1644 du code civil. Or en l'espèce, il existait une non-conformité concernant la documentation à produire et une non-conformité concernant la livraison du groupe électrogène. Notamment l'expertise a démontré que le groupe électrogène contenait un moteur thermique et un alternateur conforme au devis, la réalisation par la société Righetti des câblages électriques n'était pas conforme aux règles de l'art, puisqu'au moment du câblage, le groupe est sorti de son socle et l'alternateur a fait repartir le moteur dans le mauvais sens, ce qui a provoqué son arrêt et affecté sa fiabilité et sa durée de vie et le régulateur a dû être changé. Par la suite, le liquide de refroidissement s'est répandu dans le groupe électrogène, ce qui l'a rendu impropre à sa destination puisqu'il y avait notamment un risque d'échauffement et d'incendie mais aussi de courts circuits et de pannes et d'électrocution au contact du groupe. En conséquence, la mise en service du groupe électrogène n'a pas été réalisée dans les règles de l'art, ce qui constitue un manquement à l'obligation de délivrance conforme du matériel vendu. Cette mise en service défectueuse ne saurait constituer un vice caché puisque aucun désordre n'était antérieur à la vente . Or, l'action résultant d'un défaut de conformité est soumise au délai de prescription fixé à l'article 2224 du code civil, soit cinq ans et est donc recevable. ( elle fait ainsi valoir que la livraison est intervenue en juillet 2015', qu'elle a assigné en référé expertise, le 2 avril 2019, l'ordonnance de référé rendue le 4 juin 2019 a fait courir un nouveau délai de cinq ans, de sorte que l'action n'est pas prescrite. En toute hypothèse, l'EARL Doucet considère que même si le juge de la mise en état considérait que son action était une action en garantie des vices cachés, il ne pouvait considérer que celle-ci serait prescrite. En effet, elle considère en lecture des articles 1648 et 1642-1 du code civil que le délai d'action n'est pas un délai de forclusion mais un délai de prescription. Or, en l'espèce, elle a découvert la panne le 4 juillet 2018, elle a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise, dans les deux ans de cette découverte, le juge des référés a rendu sa décision le 4 juin 2019 et le rapport d'expertise a été déposé le 24 janvier 2020, date de la découverte du vice. Elle disposait d'un délai pour agir jusqu'au 24 janvier 2022, et elle a assigné au fond le 19 janvier 2022 soit dans le délai. En conséquence, elle ne pouvait être jugée prescrite ou forclose en son action.

La société Aquitaine Energie sollicite pour sa part la confirmation de l'ordonnance déférée. Elle soutient notamment que le défaut de conformité ne couvre que le manquement aux spécifications du contrat. Ainsi, dès lors qu'est en cause une non-conformité à l'usage normal de la chose, l'inexécution de l'obligation du vendeur reléve de la garantie des vices cachés, non de sa délivrance. En l'espèce, le groupe électrogène acquis était conforme aux stipulations contractuelles et à la destination que les parties avaient convenu de lui donner. Ceci est si vrai qu'il a fonctionné normalement pendant trois ans et la première panne est survenue en mars 2018. Aussi, l'appelante ne peut invoquer un défaut de délivrance conforme alors qu'elle est bien incapable de le démontrer et qu'en réalité elle ne cesse de faire référence à l'existence de vices cachés. Or, sur ce fondement son action est prescrite, en application des dispositions des articles 1648, 2239, 2241 et 2242 du Code civil. En l'espèce, ayant découvert la panne , le 4 juillet 2018, elle disposait d'un délai de deux ans pour agir, soit jusqu'au 4 juillet 2020. Elle a saisi le juge des référés les 2 et 9 avril 2019 d'une expertise judiciaire, laquelle a été ordonnée par décision du 4 juin 2019. Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 24 janvier 2020. Elle disposait d'un délai qui expirait le 24 janvier 2022 pour agir. Or, si elle a assigné la SARL Righetti le 19 janvier 2022, elle-même n'a pas été assignée dans les délais si bien que l'EARL Doucet ne peut présenter aucune demande à son encontre. Par ailleurs, l'action menée par la SARL Righetti contre la SARL Aquitaine Energie est irrecevable. En effet, dans le cadre d'une action récursoire d'un contractant intermédiaire il est décidé que le délai biennal encadrant l'action récursoire ne commence à courir qu'à compter du moment où le maillon intermédiaire s'est trouvé lui-même assigné car ce n'est qu'à cet instant qu'on lui fait part du vice et donc que ce vice se manifeste à lui au sens de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil. Or, par assignation des 2 et 9 avril 2019, l'EARL Doucet, a fait état des défauts du groupe électrogène, a assigné les sociétés Righetii et Aquitaine Energie en référé expertise. Ainsi, l'assignation en référé de l'EARL Doucet constitue le point de départ de l'action récursoire de la SARL Righetti à l'encontre de la SARL Aquitaine Energie puisqu'elle avait connaissance des vices imputés par l'acquéreur et intérêt à agir contre la SARL Aquitaine Energie. Or, l'action récursoire de la SARL Righetti à son encontre s'est éteinte le 9 avril 2021et elle n'a été assignée en intervention forcée que postérieurment, le 28 septembre 2022. En conséquence, l'action diligentée par la SARL Righetti à son encontre est donc irrecevable comme étant prescrite.

***

En application des articles 16 et 472 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. En outre si l'un des intimés ne conclut pas, ce qui est le cas de la SARL Righetti, puisque le conseiller de la mise en état a déclaré ses écritures irrecevables au visa de l'article 905-2 du code de procédure civile, il est néanmoins statué sur le fond du litige et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

***

Sur le fondement juridique de la demande de l'EARL Doucet

Le défaut qui rend la chose vendue impropre à sa destination normale constitue le vice défini à l'article 1641 du Code civil.

En présence d'un tel défaut, seule est ouverte à l'acheteur l'action fondée sur ce texte, à l'exclusion de l'action en responsabilité de droit commun, notamment celle fondée sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.

En l'espèce, le juge de mise en état a constaté que l'expert judiciaire avait relevé que la panne ayant affecté le groupe électrogène était la conséquence de la défaillance de composants en raison de la mauvaise qualité des matériaux utilisés si bien que le vice n'était pas susceptible de caractériser une non conformité mais provenait ainsi d'un d'un défaut de fabrication, la rendant inapte à son usage normal, et n'ouvrant ainsi à l'acheteur que l'action en garantie légale.

Ceci est si vrai qu'en l'espèce, l'EARL Doucet a utilisé le bien vendu pendant trois ans, la panne n'étant survenue que postérieurement à cette période d'usage.

Aussi, lorsqu'il a été livré et installé, le groupe électrogène correspondait bien à l'attente de L'EARL Doucet.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a jugé que l'action de l'EARL Doucet devait s'analyser en une action en garantie des vices cachés.

Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés

L'article 1648 du code civil dispose': «' L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice...'»

Ce délai de deux ans prévu pour intenter une action en garantie à raison des vices cachés d'un bien vendu est un délai de prescription qui peut donc être suspendu, en particulier lorsqu'une mesure d'expertise a été ordonnée.

Par ailleurs, l'action doit être engagée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du défaut affectant le bien qui lui a été vendu.

Il s'agit d'un délai de prescription et non d'un délai de forclusion de sorte qu'il est suceptible de suspension, notamment dans les conditions prévues par l'article 2239 du code civil, c'est à dire lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction ( cf: chambre mixte cour de cassation 21 juillet 2023 n° 21-15809).

C'est donc à tort que le juge de la mise en état a considéré qu'il ne s'agit pas d'un délai de forclusion.

Il résulte de la combinaison des articles 2239, 2241 et 2242 du code civil qu'une demande en justice, y compris en référé, interrompt le délai de prescription, que cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, et que lorsqu'une expertise est ordonnée la prescription est suspendue et son délai ne recommence à courir que six mois après le jour où la mesure a été exécutée.

En l'espèce, l'EARL Doucet a déclaré avoir découvert la panne du groupe électrogène le 4 juillet 2018, si bien qu'elle disposait à cette date d'un délai de deux ans pour agir.

Cette date du 4 juillet 2018 doit être retenue comme celle de la découverte du vice et ainsi comme celle du début du délai de la prescription prévue à l'article 1648 du code civil, puisque L'EARL a constaté la panne totale du groupe électrogène.

En conséquence, elle a bien agi dans le délai biennal puisqu'elle a saisi le juge des référés d'une assignation aux fins d'expertise judiciaire, délivrée les 2 et 9 avril 2019.

Il en est résulté une interruption du délai de prescription qui aurait dû recommencé à courir pour un nouveau délai de deux ans à compter de la décision ayant mis fin à l'instance, comme le prévoit l'article 2242 du code civil, c'est-à-dire à la date de la décision du juge statuant en référé, le 4 juin 2019.

Mais l'ordonnance de référé ayant fait droit à la demande d'expertise, le délai de prescription s'est trouvé d'emblée suspendu en application de l'article 2239 du même code.

Le rapport d'expertise a été déposé le 24 janvier 2020.

En application de l'article 2239 alinéa 2 du code civil, la prescription a recommencé à courir pour une durée qui ne saurait être inférieure à six mois.

La durée de deux ans n'ayant pas été entamée, la prescription n'était pas acquise avant l'assignation au fond du 19 janvier 2022.

L'action est donc recevable.

Sur l'action récursoire de la SARL Righetti vis-à-vis de la SARL Aquitaine Energie

La SARL Aquitaine Energie soutient que l'assignation en référé délivrée par l'EARL Doucet à la société Righetti et à elle-même les 2 et 9 avril 2019 constitue le point de départ de l'action récursoire de ladite société Righetti à son encontre. Or cette action récursoire s'est ainsi éteinte le 9 avril 2021, date à laquelle la société Righetti n'avait présentée aucune demande reconventionnelle à son encontre. Notamment, l'assignation en intervention forcée qu'elle lui a faite délivrer le 28 septembre 2022 était tardive et impropre à interrompre la prescription de l'action récursoire déjà acquise.

***

L'action en garantie des vices -cachés doit être formée dans le bref délai, devenu un délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, ou, en matière d' action récursoire, à compter de l'assignation. ( cf':Cour de cassation, Chambre mixte, 21 Juillet 2023 ' n° 20-10.763).

L'EARL Doucet a effectivement saisi le juge des référés d'une assignation aux fins d'expertise judiciaire les 2 et 9 avril 2019.

Toutefois, ce n'est que le 19 janvier 2022 que l'EARL Doucet a assigné la SARL Righetti devant le tribunal judiciaire de Bergerac pour obtenir la résolution judiciaire du contrat de vente et la réparation de ses différents préjudices.

En conséquence, ce n'est pas l'assignation en référé-expertise mais l'assignation au fond délivrée à l'initiative du demandeur qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action récursoire ( cf': Cass Civ 3 ème, 14 décembre 2022, n° 21-21. 305)

En effet, le défendeur principal ne peut agir en garantie avant d'avoir été lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation de faire.

En l'espèce, la SARL Righetti ayant été assignée au fond, le 19 janvier 2022, l'assignation qu'elle a délivrée à la SARL Aquitaine Energie le 28 septembre 2022 a interrompu le délai de prescription, laquelle n'était pas acquise à cette date.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La SARL Righetti C.S.E succombant devant la cour d'appel sera condamnée aux entiers dépens et à verser à l'EARL Doucet la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action entreprise par l'EARL Doucet,

Déclare recevable l'action récursoire diligentée par la SARL Righetti C.S.E à l'encontre de la SARL Aquitaine Énergie,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SARL Righetti aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à l'EARL Doucet la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.