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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 3e ch. réunies, 22 juin 2023, n° 22/15794

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bouygues Bâtiment Sud-Est (SAS)

Défendeur :

Financement Réalisation - Finareal (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cesaro-Pautrot

Conseillers :

Mme Mars, Mme Tanguy

Avocats :

Me Saraga-Brossat, Me Griffiths, Me Duteil, Me Juston, Me Le Roux

TJ Marseille, du 31 oct. 2022, n° 22/034…

31 octobre 2022

Par acte d'engagement du 21 décembre 2018, la société Financement réalisation, exerçant sous l'enseigne Finareal, a confié à la société Bouygues bâtiment Sud-Est la réalisation des travaux en tant qu'entreprise générale d'un ensemble immobilier à destination d'hôtel situé au lieudit « [Localité 4]» à [Localité 3], pour un prix global et forfaitaire de 24 760 000 euros HT.

Ce marché a fait l'objet de deux avenants. Le second en date du 10 janvier 2022 a ramené le montant du marché à 9 850 000 euros HT par l'effet de la réduction du marché « aux seuls travaux de gros-oeuvre et quelques prestations intellectuelles sur certains lots (') » .

Des travaux supplémentaires ont été commandés pour un montant de 36 974,40 euros TTC, le montant du marché s'élevant ainsi à la somme de 11 856 974,40 euros TTC.

Le 1er juillet 2022. la société Bouygues bâtiment Sud-Est a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille la société Financement réalisation, au visa des articles 835 du code de procédure civile et 1799-1 du code civil, afin qu'elle soit condamnée sous astreinte à lui remettre une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil d'un montant ramené en cours de procédure à 2 745 000 euros TTC.

Par ordonnance du 31 octobre 2022, le juge des référés a :

- jugé la demande recevable ;

- vu les articles 835 du code de procédure civile et 1799-1 du code civil ;

- condamné la société Financement réalisation «'Finareal'» à remettre à la société Bouygues

bâtiment Sud-Est une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil d'un montant de 439 200 euros TTC dès la signification de l' ordonnance ;

- rejeté la demande d'astreinte ;

- condamné en outre la société Financement réalisation «'Finareal'» à payer à la société Bouygues bâtiment Sud-Est une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 28 novembre 2022, la société Bouygues bâtiment Sud-Est a interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions remises au greffe le 2 mai 2023, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour :

- vu les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile,

- vu les dispositions de l'article 1799-1 du code civil,

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 31 octobre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'il a condamné la société Financement réalisation «'Finareal'» à remettre à la société Bouygues bâtiment Sud-Est une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil d'un montant limité à 439 200 euros TTC et en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte,

- statuant à nouveau,

- de condamner la société Financement réalisation «'Finareal'» à remettre à la société Bouygues bâtiment Sud-Est une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil d'un montant de 1 422 538 euros TTC, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard au-delà d'un délai de quinze jours courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la société Financement réalisation «'Finareal'» en tous les dépens,

- de condamner la société Financement réalisation «'Finareal'» à verser à la société Bouygues bâtiment Sud-Est une indemnité de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe le 27 avril 2023, et auxquelles il y a lieu de se référer, la société Financement réalisation demande à la cour :

- vu les articles 122 et 835 du code de procédure civile,

- vu l'article 1799-1 du code civil,

- de réformer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Marseille en date du 31 octobre 2022 (RG n°22/03446) en toute ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'astreinte formulée par la société Bouygues bâtiment Sud-Est,

- et rejugeant, à titre principal,

- de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de la société Bouygues bâtiment Sud-Est,

- à titre subsidiaire,

- de débouter la société Bouygues bâtiment Sud-Est de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause,

- de condamner la société Bouygues bâtiment Sud-Est à payer à Finareal la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Bouygues bâtiment Sud-Est aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2023.

Motifs :

La clause de conciliation préalable prévue contractuellement au marché de travaux ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés, en cas d'urgence, aux fins d'obtenir une mesure conservatoire. Or, la demande tendant à obtenir la remise d'une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil doit s'analyser comme une mesure conservatoire d'urgence.

La fin de non-recevoir soulevée par l'intimée pour défaut de mise en oeuvre de la clause de conciliation préalable sera donc rejetée.

La société Bouygues bâtiment Sud-Est demande que la garantie de paiement soit fixée à la somme de 1 422 538 euros TTC correspondant au solde du marché.

La société Financement réalisation «'Finareal'» lui oppose une créance de malfaçons, de pénalités de retard et une absence de créance pour les travaux non exécutés.

Les dispositions de l'article 1799-1 du code civil sont d'ordre public. La garantie peut être exigée par l'entrepreneur à tout moment tant qu'il reste des sommes impayées, y compris en référé mais elle ne doit pas se heurter à une contestation sérieuse.

La possibilité d'une compensation future avec une créance du maître de l'ouvrage ne dispense pas toutefois celui-ci de l'obligation légale de fournir la garantie de paiement du solde dû sur le marché.

La société Financement réalisation «'Finareal'» ne s'étant pas acquittée de l'intégralité du prix du marché, la demande de la société Bouygues bâtiment Sud-Est n'est pas sérieusement contestable dans son principe.

La société Bouygues bâtiment Sud-Est fait valoir que, sur le montant du marché de 11 856.974,40 euros TTC (1 820 000 euros TTC + 36 974,40 euros TTC de travaux supplémentaires), la société Finareal lui a versé la somme globale de 10 434 436,46 euros TTC. La société Finareal ne conteste pas ce montant qu'elle reprend en page 7 de ses conclusions en reproduisant le décompte du maître d'oeuvre. Les sommes de 500 000 euros HT et 730 000 euros HT ne correspondent pas au paiement des travaux mais à des règlements en vertu de protocoles d'accord transactionnels, la première ayant été payée en réparation du préjudice subi par la société Bouygues bâtiment Sud-Est du fait de la décision d'ajournement des travaux prise par le maître d'ouvrage et la seconde en réparation du préjudice lié à la réduction du périmètre du marché de travaux de la société Bouygues bâtiment Sud-Est et elles ne peuvent donc être comptabilisées au titre des paiements des travaux.

La garantie de paiement visant à prévenir les situations d'impayés des entreprises et les risques sur la poursuite de leurs activités et l'obligation de constituer la caution s'imposant au maître d'ouvrage dès la conclusion du marché, le montant de la garantie de paiement doit être fixé au montant des sommes restant dues en exécution du marché, sans pouvoir excéder le montant prévu au contrat.

La société Financement réalisation «'Finareal'» sera donc condamnée à fournir à la société Bouygues bâtiment Sud-Est une garantie de paiement d'un montant de 1 422 538 euros.

S'agissant d'une obligation légale et la société Bouygues bâtiment Sud-Est faisant valoir sans être contredite que l'intimée n'a pas exécuté l'ordonnance de référé déférée, cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant trois mois, passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision.

Il serait inéquitable de laisser à l'appelante les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

Par ces motifs :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Financement réalisation «'Finareal'» à remettre à la société Bouygues bâtiment Sud- Est une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil d'un montant de 439 200 euros TTC dès la signification de la présente ordonnance et en ce qu'elle a rejeté la demande d'astreinte ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Condamne la société Financement réalisation «'Finareal'» à remettre à la société Bouygues bâtiment Sud- Est une garantie de paiement conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du code civil d'un montant de 1 422 538 euros, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois ;

Condamne la société Financement réalisation «'Finareal'» à payer à la société Bouygues bâtiment Sud- Est la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Financement réalisation «'Finareal'» aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.