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Décisions

CA Angers, ch. a - civ., 14 novembre 2023, n° 19/01727

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

AXA FRANCE IARD (SA)

Défendeur :

MMA IARD (SA), MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Conseiller :

Mme GANDAIS

Avocats :

SELARL ANTARIUS AVOCATS, SELAS FIDAL, SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON

TGI du MANS, du 25 juin 2019

25 juin 2019

FAITS ET PROCÉDURE

Conformément à un permis de construire délivré le 16 août 1992, la SA d'HLM Le'Logis Familial a fait réaliser des travaux de construction d'un ensemble immobilier à usage d'habitation, dit 'Résidence Les Alizés', comprenant 37 logements, implanté en pied d'une falaise, au lieu-dit [Localité 9], à [Localité 8] (06)

Pour les besoins de cette opération de construction et le 26 avril 1994, la SA'd'HLM a souscrit, auprès de l'UAP (aux droits et obligations de laquelle vient in fine la SA Axa France IARD), un contrat d'assurance dommages ouvrage 'Bati-Mo' (n°306890422080 P).

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 8 mars 1995, la déclaration d'achèvement des travaux étant datée du 20 de ce même mois.

Le 19 juillet 1995, des petits éboulements ont entraîné des chutes de pierres sur les balcons arrières du bâtiment. Puis dans la nuit du 10 au 11 janvier 1998, un important éboulement est intervenu mobilisant un volume d'environ 200m3 de roches et a justifié, le 20 janvier 1998, de la régularisation par le maître de l'ouvrage d'une déclaration de sinistre auprès de son assureur DO.

Par ordonnance du 26 janvier 1998, et saisi suivant exploit du 15 janvier 1998 de la SA d'HLM, le tribunal de grande instance de Nice a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [B] [X], au contradictoire du maître d'oeuvre, de certains locateurs d'ouvrage, du bureau de contrôle et de leurs assureurs respectifs.

Le 3 mars 1998, les opérations d'expertise ont été étendues à d'autres locateurs d'ouvrage et à leurs assureurs ; la mission de l'expert judiciaire ayant été complétée selon ordonnance de référé du 15 septembre 1998.

D'autres éboulements et détachements d'écaille rocheuse se sont produits courant 1998.

Le 18 novembre 1998, la SA d'HLM a accepté une proposition de son assureur du 13 novembre 1998, la société Axa Assurances, portant sur une indemnité provisionnelle fixée à la somme de 6.312.506,76 francs.

Parallèlement, compte tenu de ce que l'expert judiciaire avait pu émettre des observations sur une éventuelle responsabilité de la commune de [Localité 8], la SA Axa France IARD a saisi le juge des référés près le tribunal administratif de Nice, d'une requête aux fins d'expertise, au contradictoire de la commune de Cagnes-sur-Mer.

Par ordonnance du 18 février 1999, M. [X] a de nouveau été désigné.

M. [X] a déposé ses deux rapports le 30 janvier 2002.

Suivant protocole d'accord du 19 décembre 2002, la SA d'HLM a déclaré accepter, pour solde de tout compte, l'offre de son assureur du 13 décembre 2002, relative à une indemnité de 167.693,92 euros, destinée à réparer l'ensemble des dommages. Elle déclarait aussi, que par ce paiement, et à concurrence de son montant, l'assureur se trouverait, sans autres formalités, entièrement subrogé dans ses droits et actions contre toute personne physique ou morale pouvant être tenue à son égard à la réparation de ces dommages indemnisés.

Par requête du 23 août 2003, la SA Axa France IARD a saisi le tribunal administratif de Nice aux fins d'homologation du rapport d'expertise de M.'[X] et de condamnation de la commune de [Localité 8] au paiement d'une somme de 1.130.029,36 euros, demandes rejetées aux termes d'un jugement du 29 février 2008.

Parallèlement, par exploits du mois d'août 2003, la SA Axa France IARD, assistée de Me [O] [D], avocat au barreau de [Localité 10], et sous la constitution de Me [N] [T], avocat au barreau de [Localité 11], a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Nice, M. [J] (maître d'oeuvre), la SA'Sol Essais (bureau d'étude de sols), la société BHD-CERC (BET), l'Apave (bureau de contrôle technique), la SA Miraglia (entreprise générale), la société

[C] France (sous-traitant agréé de la précédente) ainsi que leurs assureurs

respectifs (L'Auxiliaire, Acte IARD Assurances, Préservatrice Foncière Assurance IARD aux droits de laquelle est venue la compagnie d'assurances AGF, les Lloyd's Londres, les Mutuelles du Mans Assurances et la SMABTP), aux fins notamment d'homologation du rapport d'expertise, de constatation de responsabilité en application des articles 1792 et 1147 du Code civil et de condamnation in solidum des défendeurs au paiement la somme de 1.130.029,36 euros.

Dans le cadre de cette procédure, les parties ont signifié des conclusions. Les dernières reçues par le juge de la mise en état ont été signifiées par la compagnie AGF le 12 mai 2009 pour l'audience de mise en état du 10 septembre 2009.

Par ordonnance du 11 mars 2010, rendue après qu'ait été adressé aux avocats des parties l'avis prescrit par l'article 781 du Code de procédure civile, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice, 'constatant l'absence des parties à l'audience et d'instructions permettant de poursuivre cette affaire' a ordonné la radiation de l'affaire.

Dans ces conditions et par exploits du 27 février 2017, la SA Axa France IARD a fait assigner, devant le tribunal de grande instance du Mans, Me [N] [T] ainsi que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles (ensemble les MMA), en leurs qualités d'assureur responsabilité civile professionnelle de Me [D] et de Me [T], en réparation et au titre de l'action directe du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité civile professionnelle, sollicitant notamment du tribunal qu'il :

- se déclare territorialement compétent pour connaître de son action et de ses demandes,

- dise que son action directe à l'encontre des MMA est recevable,

- dise que son action à l'encontre de Me [T], avocat postulant, est recevable,

- au fond, dise qu'il appartenait à Me [D], avocat au barreau de Marseille, en sa qualité de dominus litis de :

* rédiger avant l'audience de mise en état du 11 mars 2010, des conclusions en réponse à celles signifiées le 12 mai 2009 par la compagnie AGF et les faire signifier par Me [T] en temps utile, soit au plus tard avant l'audience du 11 mars 2010,

* faire en sorte que le juge de la mise en état ne rende pas le 11'mars 2010 une ordonnance de radiation, en priant instamment Me [T], avocat postulant, d'être présent à l'audience de mise en état du 11 mars 2010,

* rédiger dans le délai de deux ans de l'article 386 du Code de procédure civile, à compter du 12 mai 2009, soit avant le 12 mai 2011, des conclusions en réponse aux écritures de la compagnie AGF du 12 mai 2009,

- dise qu'il appartenait à Me [T], en sa qualité d'avocat postulant :

* de solliciter et d'obtenir de Me [D] des conclusions en réponse aux dernières écritures des parties et à défaut, rédiger lui-même des conclusions avant l'audience de mise en état du 11 mars 2010 et les signifier en temps opportun soit au plus tard avant l'audience prévue à cette date,

* faire en sorte que le juge de la mise en état ne rende pas le 11 mars 2010 une ordonnance de radiation et être présent à l'audience de mise en état du 11 mars 2010, étant précisé qu'il était averti par le juge de la mise en état que ce dernier pourrait prononcer la radiation de l'affaire,

* rédiger dans le délai de deux ans de l'article 386 du Code de procédure civile, soit avant le 12 mai 2011 des conclusions en réponse aux conclusions de la compagnie AGF du 12 mai 2009,

- dise que tant Me [D] que Me [T] ont failli à leur obligation de veiller à la défense des intérêts de leur cliente, pour n'avoir pas mis en oeuvre les moyens adéquats et effectué les actes nécessaires à la défense de ses intérêts,

- dise que tant Me [D] que Me [T] ont failli à leur obligation de diligence quant au respect des délais des actes procéduraux, pour n'avoir pas déposé des conclusions en temps opportun, ni effectué aucun acte interruptif de prescription avant l'expiration du délai de péremption et avoir laissé prescrire l'action en responsabilité décennale,

dise que les rapports d'expertise de M. [X] ont mis en relief notamment la responsabilité primordiale de la société Sols

Essais, assurée par la compagnie L'Auxiliaire, au titre de la garantie décennale,

- dise que le jugement qui aurait été rendu, si les fautes communes de Me'[D] et Me [T] n'avaient pas existé, serait entré en condamnation à l'encontre des constructeurs assignés, responsables de plein droit en vertu de l'article 1792 du Code civil des dommages ayant affecté le bâtiment 'Résidence Les Alizés' et des préjudices immatériels consécutifs,

- dise qu'il n'y a pas lieu d'apprécier le préjudice subi par elle par référence à la notion de perte de chance, s'agissant d'un préjudice entièrement consommé,

- dise que les fautes communes de Me [D] et de Me [T] lui ont causé un préjudice évalué à la somme de 1.131.029,36 euros,

- condamne en conséquence in solidum les défendeurs à lui payer la somme de 1.131.029,36 euros avec intérêts de droit à compter de la date de la délivrance de l'assignation et capitalisation en application de l'article 1343-2 du Code civil.

En défense, les MMA, indiquant liminairement intervenir toutes deux en qualité d'assureur de Me [D] et de Me [T] ont notamment sollicité du tribunal qu'il déboute la SA Axa France IARD de toutes ses demandes.

Me [T] a sollicité du tribunal qu'il déboute la SA Axa France IARD de toutes ses demandes formées à son encontre et subsidiairement, qu'il donne acte aux MMA de ce qu'elles confirment que leur garantie lui est acquise et les condamne en tant que de besoin à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par jugement du 25 juin 2019, le tribunal de grande instance du Mans a :
- débouté la SA Axa France IARD de toutes ses demandes,
- condamné la SA Axa France IARD aux dépens dont distraction au profit de Me Héron et de Me Dupuy,

- condamné la SA Axa France IARD à payer à la société MMA IARD et à la société MMA IARD Assurances Mutuelles une indemnité de 5.000 euros et à M. [T] une indemnité de 5.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant déclaration déposée au greffe le 27 août 2019, la SA Axa France IARD a relevé appel de ce jugement en son entier dispositif ; intimant les MMA ainsi que Me [T].

Courant 2020, la SA Axa France IARD a déposé, devant le tribunal judiciaire de Nice des conclusions de réenrôlement. Cette demande a été rejetée par 'le Greffe', le 15 octobre 2020, au regard de la destruction des archives de l'année 2010, intervenue courant 2016.

L'ordonnance de clôture a finalement été rendue le 31 mai 2023, conformément à l'avis de informant de son report adressé par le greffe aux parties le 25 mai 2023 et l'affaire plaidée lors de l'audience du 13 juin 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 22 mai 2023, la SA Axa France IARD demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance du Mans du 25 janvier 2019 en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes, l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société MMA IARD et de la société MMA IARD Assurances Mutuelles d'une part et de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. Andrei, avocat au barreau de Nice,

Sur la recevabilité :

- faire application des articles 2224 et 2225 du Code civil, ensemble les articles 420 du Code de procédure civile et L. 124- 3 du Code des assurances,

- dire son action directe à l'encontre de la société MMA IARD et de la société MMA IARD Assurances Mutuelles, en leurs qualités d'assureurs de Me [O] [D], avocat à [Localité 10], d'une part et de Me'[N] [T], avocat postulant à [Localité 11], d'autre part, recevable,

- dire son action à l'encontre de Me [T], avocat postulant à [Localité 11], recevable,

Sur le prononcé de la péremption d'instance et ses conséquences :

- faire application des articles 381, 383, 385, 386 et 420 du Code de procédure civile, ensemble les articles 1792-4-1 (nouvelle numérotation de l'ancien article 2270 du Code civil), 2224 et 2225 du Code civil,

- tirer les conséquences du refus du greffe du tribunal judiciaire de Nice du réenrôlement de l'instance qu'elle a introduite les 16 et 18 août 2003,

- juger que la constatation judiciaire par le tribunal judiciaire de Nice ne s'impose pas dans les circonstances de l'espèce,

- juger en conséquence que la péremption de l'instance engagée par elle à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs de responsabilité par exploits introductifs d'instance des 16 et 18 août 2003 est acquise,

Sur le fond :

- faire application des articles 1792 du Code civil, 1792-4-1 (nouvelle numérotation de l'ancien article 2270 du Code civil) dudit code, ensemble les articles 2207, 2224, 2225 du Code civil ainsi que de l'article 1147 dudit code (au titre de la responsabilité des avocats) et l'article L. 124-3 du Code des assurances,

- juger que Me [D] d'une part, et Me [T], d'autre part, ont commis des fautes et négligences mises en relief dans les motifs de ses écritures,

- juger que les constructeurs dont elle a requis la condamnation par exploit introductif d'instance d'août 2003 sont responsables de plein droit en vertu de l'article 1792 du Code civil,

- juger que les rapports d'expertise de M. [X] ont mis en relief, notamment, la responsabilité primordiale en vertu de l'article 1792 du Code civil de la société Sol Essais, assurée par L'Auxiliaire, au titre de la garantie décennale due par ladite société Sol Essais,

- juger que quel que soit le fondement de la responsabilité encourue par les constructeurs, elle est légalement subrogée dans les droits et actions de la société d'HLM Le Logis Familial à concurrence de 963.335,44 euros en principal d'une part, et à concurrence de la somme de 167.693,92 euros tant légalement que conventionnellement,

- dire qu'il n'y a pas lieu d'apprécier son préjudice par référence à la notion de perte de chance, - juger que le préjudice dont elle demande indemnisation est entièrement consommé,

- dire que les fautes communes de Mes [D] et [T] lui ont, dans les circonstances de l'espèce, causé un préjudice entièrement consommé s'élevant en principal à la somme de 1.131.029,36 euros,

condamner en conséquence in solidum, Me [T], la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles en leurs qualités d'assureurs tant de Me [T] ou à défaut en qualité seulement d'assureur de Me [D], à lui payer la somme de 1.131.029,36 euros avec intérêts de droit à compter de la date de délivrance des exploits introductifs d'instance des 27 février, 8 mars et 17 mars 2017 avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil,

- à défaut et pour le cas où par impossible la cour ne retiendrait pas la faute de Me [T], juger que son action directe à l'encontre de MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, qui ne contestent garantir Me [D] de sa responsabilité, est fondée à concurrence de la totalité de son préjudice, entièrement consommé, soit la somme de 1.131.029,36 euros en principal,

- condamner in solidum Me [T], la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles en leurs qualités d'assureurs tant de Me [T] que de Me [D], à lui payer en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité d'un montant de 30.000 euros,

condamner Me [T], la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles in solidum aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Ludovic Gauvin de la SELARL Antarius Avocats, avocat au barreau d'Angers, conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 15 septembre 2021, les sociétés MMA demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 juin 2019 par la première chambre du tribunal de grande instance du Mans (RG n°17/00768),

- condamner la compagnie Axa France IARD à leur verser une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la compagnie Axa France IARD aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Elise Héron, avocat au barreau du Mans, sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 23 mai 2023, Me [T] demande à la cour de :

- confirmer, au besoin par substitution de motifs, en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 25 juin 2019 par le tribunal de grande instance du Mans dans l'instance opposant l'appelante aux intimés ; en conséquence, débouter la compagnie Axa France IARD de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

- y ajoutant, condamner la compagnie Axa France IARD à lui porter et payer une somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

infiniment subsidiairement, dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue à un titre quelconque, dire et juger que la garantie des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles lui est acquise, ainsi qu'elles le confirment elles-mêmes dans leurs écritures, et les condamner en tant que de besoin à le relever et garantir indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- condamner en tout état de cause la compagnie Axa France IARD aux dépens d'instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Me Anne-Sophie Finocchiaro, SELAS Fidal, avocat postulant près la cour d'appel d'Angers, qui affirme y avoir pourvu sans avoir reçu provision.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières conclusions ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le principe de responsabilité :

En droit, l'article 1147 du Code civil dont le principe a été repris à l'article 1231-1 de ce même code dispose que : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

Le premier juge a considéré que les griefs formés par l'assureur DO au titre de la radiation de l'affaire ordonnée le 11 mars 2010, même s'ils étaient établis demeuraient sans lien avec la perte de toute possibilité de faire condamner les entreprises intervenues à la construction ainsi que leurs assureurs à rembourser les sommes prétendument versées au maître de l'ouvrage, dès lors que l'instance pouvait toujours être reprise. S'agissant du fait qu'il n'a pas été pris de conclusions dans les deux années ayant suivi les dernières conclusions déposées, il a été rappelé que seule la juridiction saisie du litige peut constater la péremption de l'instance, or faute pour l'assureur DO de démontrer l'existence d'une telle décision, il ne caractérise pas les manquements fautifs qu'il invoque. Dans ces conditions les demandes en réparation ont été rejetées.

Aux termes de ses écritures, l'appelante indique rapporter la preuve de ce qu'elle a versé à la SA d'HLM une somme de 963.335,44 euros en application du protocole d'accord du 19 décembre 2002 outre une somme 167.693,92 euros le 20 février 2003, par :

- le texte même du protocole d'accord,
- copie de ses propres courriers et chèques.

Elle en déduit donc être subrogée, légalement pour les deux sommes et également conventionnellement s'agissant des plus de 160.000 euros versés, dans les droits et actions de la SA d'HLM.

Sur les manquements, l'appelante reproche à l'avocat plaidant de ne pas :

- avoir rédigé pour l'audience de mise en état du 11 mars 2010, et fait signifier par l'avocat postulant, des conclusions en réponse à celles reçues le 12'mai 2009, alors même qu'il disposait de toutes les pièces nécessaires à cet exercice,

- avoir 'fait en sorte que le juge de la mise en état ne rende pas' d'ordonnance de radiation en incitant son confrère à se rendre à l'audience,

avoir rédigé dans les deux ans de l'article 386 du Code de procédure civile à compter du 12 mars 2009, des conclusions

en réponse.

S'agissant de l'avocat intimé, l'appelante lui fait grief d'avoir 'laissé périmer l'instance engagée sous sa constitution', peu important que la responsabilité du plaidant soit également recherchée, il n'en demeurait pas moins que le postulant aurait dû assister à l'audience de mise en état aux fins de donner toutes explications permettant de s'opposer la radiation et solliciter un calendrier de procédure. A ce titre elle rappelle que le juge de la mise en état avait mis en exergue l'absence de comparution de quelque partie à son audience ainsi que d'instructions communiquées.

Concernant le jugement critiqué, l'appelante affirme que : 'le premier juge ne pouvait induire du principe selon lequel la radiation de l'affaire du rang des affaires en cours laisse persister l'instance qui pouvait être reprise, l'absence de lien de causalité entre le fait d'avoir laissé radier l'affaire le 11 mars 2010 et la perte de toute possibilité de voir condamner les constructeurs au titre de la garantie décennale à [lui] rembourser les sommes 'prétendument réglées au maître de l'ouvrage' en 'fermant les yeux' sur la situation de fait et de droit existante au jour où il a statué. Le premier juge aurait dû, s'agissant de la question de la péremption d'instance, statuer pour le moins au regard de la date à laquelle [elle] a excipé de l'acquisition de la péremption par l'effet de l'article 386 du Code de procédure civile, et vérifier si à cette date, les conditions d'application de ce texte étaient ou non réunies, c'est-à-dire si à la date de l'introduction de l'action/instance en responsabilité des avocats (...) et de leur assureur commun (...), en février et mars 2017, il s'était écoulé ou non plus de deux ans après le dernier acte interruptif de péremption, c'est-à-dire les écritures de la compagnie AGF du 12 mai 2009". Elle soutient donc que le premier juge s'est fourvoyé en ne recherchant pas si l'instance pouvait ultérieurement et utilement être reprise. Ce qui n'était pas le cas en l'espèce, dès lors que l'instance était périmée au 12 mai 2011 à minuit et par voie de conséquence ses actes introductifs d'instance d'août 2003 sont réputés n'avoir jamais existé de sorte que l'ordonnance de référé correspond au dernier acte interruptif de forclusion.

De plus, s'agissant du réenrôlement de l'affaire devant la juridiction niçoise, l'appelant souligne que cette possibilité lui a été refusée par le greffe en raison de leur destruction, courant novembre 2016, des archives de l'année 2010, conformément aux prévisions d'une directive DSJ AB2 du 30/06/2019 (sic).

Aux termes de ses écritures, l'avocat intimé rappelle que la péremption de l'instance n'a pas été constatée, cette possibilité n'étant ouverte qu'à la juridiction saisie de la procédure initiale et non celle saisie en réparation. Ainsi, il souligne que seule cette juridiction dispose de l'ensemble des éléments lui permettant d'apprécier l'existence ou non d'une péremption dont elle ne pouvait se saisir d'office avant l'entrée en vigueur du décret 2017-892 du 6 mai 2017 et alors même qu'il n'est pas établi que ce moyen aurait été soulevé par l'une des parties défenderesses. De plus il souligne que sa contradictrice ne peut lui opposer un message adressé par RPVA pour affirmer que la remise au rôle n'était pas possible pour cause de destruction administrative du dossier judiciaire, alors même qu'elle pouvait prouver l'existence de cette même procédure d'une part et d'autre part que cette destruction est intervenue en 2016, laissant à l'assureur DO le temps de faire diligence à ce titre. En outre, l'intimé souligne que sa contradictrice a été avisée par son avocat plaidant, dès le 16 août 2010, de la décision de radiation intervenue et de la nécessité de prendre des écritures. Information qui a de nouveau été délivrée courant septembre 2012 par le successeur de cet avocat, sans réaction de l'assureur DO avant la demande de remise au rôle du 24 février 2020. A ce titre, il rappelle que ce retard ne peut lui être imputé à faute, dès lors qu'il ne pouvait agir sans instruction de son client ; qu'il n'avait pas de pièces permettant de prendre de nouvelles écritures 'utiles' aux débats ; qu'il ne pouvait prendre l'attache du client en 'passant par dessus la tête de son dominus litis' qui n'était pas défaillant et que sa mission de représentation n'a pu se poursuivre au-delà de l'année 2012 date de la nouvelle information présentée par l'avocat successeur. Dans ces conditions, il conclut que

l'assureur DO 'ne saurait donc utilement se retrancher derrière la destruction du dossier par le greffe pour prétendre [qu'il] serait dans l'incapacité de produire une décision constatant la péremption de l'instance', considérant que cette situation résulte de sa seule faute. Il en déduit donc que faute de justification d'une décision de péremption d'instance le jugement contesté doit être confirmé.

S'agissant des griefs formés à son encontre, il indique que :

- le fait de ne pas avoir sollicité son confère aux fins de prise de conclusions en réponse ne peut lui être imputé à faute, dès lors qu'il est établi qu'il a valablement transmis les écritures qui avaient été prises par les AGF ainsi que de l'ensemble des pièces communiquées par les défenderesses ; que l'assureur DO en avait également été rendu destinataire sans pour autant répondre aux sollicitations de son avocat plaidant malgré relance ; que ce dernier avocat l'avait avisé des difficultés qu'il rencontrait de sorte qu'il n'était pas défaillant et qu'en tout état de cause il n'avait pas les éléments lui permettant de répondre utilement aux dernières écritures,

- le fait de ne pas s'être opposé au retrait du rôle et de ne pas avoir sollicité de calendrier de procédure ne peut pas plus constituer un manquement de sa part pour les mêmes motifs outre qu'il est établi qu'au jour de cette audience ses demandes étaient les suivantes : 'mon dominus litis relance encore Axa dont il est sans nouvelle. Renvoi ou fixation différée' et qu'en tout état de cause une opposition à cette décision de radiation aurait conduit à une clôture avec comme dernières écritures celles des AGF, ce qui aurait été une erreur procéduralement. Ainsi, il soutient que la radiation résulte de la seule carence de l'assureur DO et en tout état de cause il rappelle avoir avisé son confrère de cette décision dès le 17 mars 2010,

- ne pas 'avoir fait en sorte que le juge de la mise en état ne rende pas' l'ordonnance litigieuse, ne justifie pas plus de l'engagement de sa responsabilité dès lors que seul le magistrat peut prendre cette décision et qu'il avait d'ores et déjà considéré au regard des délais la possibilité du prononcé d'une clôture,

- dès lors qu'il n'avait pas la conduite du procès il ne peut lui être reproché de s'être abstenu de prendre des écritures dans le délai de deux ans, étant souligné qu'aucune consigne à ce titre ne lui a été délivrée et cela alors même que l'assureur DO ne s'explique aucunement quant à ses éventuelles réactions aux divers courriers qui lui ont été adressés par son conseil pour poursuivre efficacement la procédure.

Aux termes de leurs dernières écritures et s'agissant de l'avocat plaidant, les MMA observent que si leur contradictrice invoque l'intervention d'une péremption d'instance, elle ne le démontre pas. Les intimées rappellent que cette décision peut uniquement être prise par la juridiction saisie de la procédure dont les délais auraient été dépassés et qui ne peut se saisir d'office à ce titre. Ainsi, elles soulignent que le juge de la responsabilité ne peut se substituer à cette juridiction et se prononcer sur la péremption, or cette impossibilité est justement l'objet des demandes de l'appelante ainsi que des critiques qu'elle forme à l'encontre de la décision de première instance. Les intimées en déduisent donc que faute pour l'assureur DO de démontrer la péremption invoquée, il n'établit pas les manquements qu'il allègue. De plus, elles soulignent que le courrier du greffe invoqué ne peut aucunement l'exonérer de son obligation de démontrer la péremption invoquée, une décision de justice pouvant être exigée.

Par ailleurs, les intimées rappellent que dans le cadre de l'instance engagée à [Localité 11], les sociétés défenderesses arguaient du fait que l'assureur DO ne démontrait pas les paiements qu'il invoquait, dès lors que n'avaient été communiquées à l'avocat plaidant que des pièces mentionnant le versement des indemnités 'au futur' et deux 'masques

écran informatiques'. Elles en déduisent que leur assuré ne pouvait fonder son argumentaire ni sur la subrogation conventionnelle ni sur la subrogation légale de sorte qu'il sollicitait donc sa cliente aux fins de production de pièces établissant les paiements. A ce titre, elles soulignent qu'il 'est constant que des conclusions ne peuvent revêtir un caractère interruptif du délai de péremption de l'instance que dans la mesure où elles sont de nature à faire progresser l'affaire pour lui donner une impulsion processuelle, de simples écritures tendant exclusivement à interrompre la péremption étant dépourvues de caractère interruptif'. Dans ces conditions elles considèrent que l'avocat plaidant ne disposait d'aucun moyen d'interrompre le délai de péremption; ne pouvait pas plus solliciter la fixation au risque de voir les demandes de sa cliente rejetées ; ne pouvait se limiter à solliciter le rétablissement de l'affaire cette formalité n'emportant pas interruption de ce délai, de sorte que la péremption invoquée, si elle existe, résulte de la seule incurie de l'appelante.

Concernant l'avocat postulant, les MMA rappellent qu'il n'avait pas la maîtrise du dossier de sorte que l'éventuelle péremption ne peut lui être imputée. S'agissant de la radiation, elles soutiennent que cette circonstance est dépourvue de lien avec le préjudice invoqué dès lors que la réinscription pouvait être sollicitée et donc la péremption éventuelle prévenue.

Elles concluent donc à la confirmation de la décision de première instance.

Sur ce :

En l'espèce, l'appelante soutient en substance que les avocats en charge de son contentieux civil à l'encontre des intervenants à la construction de l'ensemble immobilier dit 'Résidence Les Alizés', ont par leurs défauts de diligences, causé l'échec de ses demandes fondées sur la subrogation et la responsabilité des constructeurs, échec résultant de la péremption de son instance sans possibilité pour elle d'en intenter une nouvelle qui serait nécessairement tardive et partant irrecevable.

Cependant, il doit être souligné que l'assureur DO démontre que par ordonnance du 11 mars 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a ordonné la radiation de l'affaire qu'il avait introduite courant 2003.

Or s'il résulte des dispositions des articles 381 et 383 du Code de procédure civile que cette mesure d'administration judiciaire constitue une sanction du défaut de diligence des parties, entraînant la suppression de l'affaire du rang des affaires en cours, il n'en demeure pas moins que ces mêmes textes précisent que l'affaire est rétablie, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait fondé le prononcé de cette mesure.

Dans ces conditions et ainsi que l'a d'ores et déjà valablement indiqué le premier juge, les griefs formés à l'encontre des avocats et visant à faire constater qu'ils ont commis des manquements en ne faisant pas toutes diligences nécessaires

(prises d'écritures en réponse aux AGF, présence ou incitation à se présenter à l'audience de mise en état...) à la 'prévention' du prononcé de la décision de radiation, sont sans lien avec le préjudice invoqué (impossibilité d'obtenir la condamnation des constructeurs à lui 'reverser' au titre de la subrogation, les sommes qu'elle aurait préfinancées), dès lors que l'instance perdure après le prononcé d'une telle sanction et peut donc être rétablie sur réalisation des diligences sollicitées. Ainsi, peu important les éventuels manquements ayant pu concourir à la prise, par le juge de la mise en état, d'une telle décision, il n'en demeurait pas moins possible à l'assureur DO de reprendre sa procédure et voir ses prétentions jugées au fond.

Par ailleurs l'assurance appelante soutient en substance que son action niçoise ne peut qu'être considérée comme périmée et produit à ce titre la réponse via le réseau privé virtuel des avocats, qui a été présentée à sa demande de réenrôlement.

Ainsi suivant message du 15 octobre 2020, 'le greffe' lui a indiqué que 'suite à [sa] demande de réenrôlement, après recherches infructueuses aux archives, le directeur des services de greffe [lui] a confirmé que les dossiers civils de l'année 2010 ont fait l'objet d'une destruction en novembre 2016 conformément à la circulaire de la DSJ AB2 du 30.06.2019. La réinscription n'est donc pas possible'.

Cependant outre que l'appelante disposait toujours de la possibilité de démontrer la persistance d'une instance, faute de prononcé le cas échéant de quelque décision que ce soit constatant son extinction, ce message n'établit aucunement dans quel état se trouvait cette procédure au jour où les services du tribunal de grande instance de Nice ont procédé à sa destruction.

Or à ce titre, il doit être souligné que seule la juridiction saisie de la procédure se trouve en capacité de prononcer la péremption d'une instance et cela à l'exclusion de toute autre juridiction fut-elle saisie d'un contentieux en responsabilité à l'encontre des professionnels intervenus à quelque titre que ce soit dans le cadre de cette instance principale.

En effet, outre que l'extinction de l'instance est constatée par une décision de dessaisissement, il doit être souligné qu'antérieurement à 2017, une telle décision ne pouvait être prononcée d'office par le juge et devait être sollicitée par l'une quelconque des parties.

Par ailleurs, il doit être rappelé que le défaut de diligence pendant deux années visé à l'article 386 du Code de procédure civile, ne peut aucunement être constaté par une autre juridiction que celle saisie du litige, dès lors qu'elle se trouve être la seule à enregistrer l'ensemble des actes pouvant être réalisés à quelque titre que ce soit par toutes les parties. En tout état de cause, l'article 50 du Code de procédure civile rappelle que seule la juridiction devant laquelle se déroule l'instance, peut trancher les incidents qui l'affectent.

Il en résulte que faute de démonstration par l'appelante de la péremption invoquée, elle n'établit pas plus que les manquements éventuels des deux avocats ayant représenté ses intérêts devant le tribunal de grande instance de Nice lui aient causé le préjudice qu'elle invoque.

Dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de la compagnie Axa France IARD.

Sur les demandes accessoires :

L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens et l'équité commande de la condamner au paiement de la somme de 4.000 euros tant aux MMA qu'à Me [T], ses demandes à ce titre ne pouvant qu'être rejetées.

Enfin, au regard de l'issue du présent litige, les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent également être confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 25 juin 2019';

Y ajoutant :

CONDAMNE la SA Axa France IARD au paiement à M. [N] [T] de la somme de 4.000 euros (quatre mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA Axa France IARD au paiement à la SA MMA IARD et la société MMA Assurances Mutuelles de la somme totale de 4.000 euros (quatre mille euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :

CONDAMNE la SA Axa France IARD aux dépens ;

ACCORDE aux conseils des intimés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.