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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 septembre 2024, n° 23/01128

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 23/01128

17 septembre 2024

SF/SH

Numéro 24/02758

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 17/09/2024

Dossier : N° RG 23/01128 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IQDI

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

[J] [P]

S.C.I. ARTIGUENAVE

C/

S.A.S. PRET PRO

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Juin 2024, devant :

Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,

Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame de FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [J] [P]

né le 07 Février 1985 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.C.I. ARTIGUENAVE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentés et assistés de Maître MILLE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A.S. PRET PRO prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Maître VIEU de la SELARL JEAN-BAPTISTE VIEU, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 03 AVRIL 2023

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 21/00389

Suivant lettre de mission du 22 mars 2019, M. [J] [P] a confié à la société PRET PRO, courtier en opérations de banque et services de paiement, la mission d'étudier la faisabilité d'un projet d'obtention d'un financement professionnel pour un montant de 450.000€.

Le 18 juillet 2019, M. [P] a signé avec la société PRET PRO, un contrat de mandat 'recherche de financement, reconnaissance d'honoraires' en vue de rechercher un financement professionnel aux fins de financer 1'acquisition de murs professionnels pour un montant envisagé de 490 000 €, le financement devant intervenir au profit de la SCI ARTIGUENAVE.

Le 1er octobre 2019, la société PRET PRO a adressé une facture d'un montant de 10 800 € à M. [P].

Par courrier recommandé avec avis de réception du 17 février 2020, M. [P] a été mis en demeure de payer la dite somme.

En l'absence de paiement spontané, une requête en injonction de payer a été déposée par la société PRET PRO devant le Tribunal judiciaire de Bayonne.

Suivant ordonnance du 23 septembre 2020, le juge du contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Bayonne a enjoint à M. [P] d'avoir à payer la somme de 10 800 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020.

Le 21 décembre 2020, M. [P] a formé opposition à l'ordonnance devant le Tribunal judiciaire de Bayonne.

Suivant acte du 27 août 2021, la société PRET PRO a fait assigner en intervention forcée la société ARTIGUENAVE.

Par une ordonnance du juge de la mise en état du 19 novembre 2021, les deux procédures ont été jointes.

Par ordonnance du 11 juillet 2022, le juge de la mise en état, saisi par la société PRET PRO, a ordonné à M. [P] et à la société ARTIGUENAVE de communiquer le titre de propriété du bien sis à [Adresse 8], les modalités de financement du terrain et des constructions entreprises, l'offre de prêt émise par le Crédit Agricole, ainsi que les contrats justifiant de leur mise à disposition à titre onéreux ou gratuit.

Suivant jugement contradictoire du 3 avril 2023 (RG n°21/00389), le tribunal judiciaire de Bayonne a :

- Déclaré l'opposition à injonction recevable mais mal fondée ;

- Condamné in solidum M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE à payer à la SAS PRET PRO la somme de 10 800 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020 ;

- Condamné M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE en tous les dépens.

Dans sa motivation, le tribunal a considéré que :

- L'opposition à injonction formée dans les délais de la loi est recevable.

- En raison de l'absence de réponse aux offres de prêt proposées à M. [P], du flou entretenu par lui quant à l'offre de prêt du Crédit Agricole et du refus de déférer à l'injonction de communiquer du juge de la mise en état, il résulte que celui-ci n'a pas exécuté de bonne foi le contrat signé avec la société PRET PRO.

- Le moyen, fondé sur l'article 1171 du code civil tendant à faire juger le caractère abusif de la clause contenue à l'article 5-3 du contrat, ne peut être retenu; il est applicable au contrat d'adhésion, et M. [P] ne démontre pas qu'il n'a pas eu la faculté de négocier les clauses auxquelles il n'aurait pas adhéré au sens de l'article 1110 du code civil.

- Le financement projeté devait être réalisé au profit de la SCI ARTIGUENAVE dont M. [P] est le gérant, de sorte qu'elle doit être condamnée in solidum au paiement de la somme de 10 800 €, objet de l'injonction.

Par déclaration d'appel du 20 avril 2023, M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE, ont relevé appel de la décision en ce qu'elle a :

- Déclaré l'opposition de M. [P] mal fondée ;

- Débouté M. [P] et la SCI ARTIGUENAVE de leurs demandes d'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer du 23 septembre 2020 et de la clause contenue à l'article 5-3 de la convention de mandat ;

- Débouté M. [P] et la SCI ARTIGUENAVE de leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnisation de leur frais de procédure ;

- Condamné in solidum M. [P] et le SCI ARTIGUENAVE à payer à la SAS PRET PRO, la somme de 10 800 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (omis dans le dispositif de la décision) et les entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 27 novembre 2023, M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE, appelants, entendent voir la cour :

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bayonne le 3 avril 2023 ; Statuant à nouveau :

- Annuler l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 23 septembre 2020 ;

- Débouter la société PRET PRO de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la société PRET PRO à rembourser à M. [P] la somme de 11 159,08€ versée le 6 juillet 2023 en raison de l'exécution provisoire du jugement rendu en première instance ;

- Condamner la société PRET PRO à payer à M. [P] la somme de 5 000 € de dommage et intérêts en préparation de son préjudice moral et financier ;

- Condamner la société PRET PRO à payer à M. [P] la somme de 3 500 € et à la SCI ARTIGUENAVE la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société PRET PRO aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leurs prétentions, M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE, font valoir principalement, sur le fondement des articles 1101 et suivants du code civil, de l'article 1240 du code civil, des articles L.311-1 et s. et L.313-1 et s. du code de la consommation et de l'article L.519-6 du code monétaire et financier, que :

- M. [P] est client depuis longtemps du Crédit Agricole, et avait sollicité un prêt pour l'acquisition d'un terrain à [Localité 4] pour y construire le siège de son entreprise sans apport personnel

- Le crédit agricole l'avait informé le 27 mars 2019 qu'elle accepterait de financer son projet à hauteur de 540'000 € au bénéfice de la SCI ARTIGUENAVE par un prêt de 490'000€ outre un prêt relais de 50'000 €.

- Lors d'un salon professionnel, la SAS PRET PRO a proposé à M. [P] de rechercher un financement plus avantageux que celui du Crédit Agricole, qui a donné lieu à la lettre de mission signée le 22 mars 2019 puis au mandat signé le 18 juillet 2019.

- Seules deux banques partenaires de la SAS PRET PRO ont fait de simples propositions commerciales ou sous conditions moins intéressantes que le Crédit Agricole qui n'a pas été sollicité par la SAS PRET PRO , les autres banques n'ont pas répondu ou n'ont pas été consultées;

- M. [P] a donc résilié le mandat par lettre RAR en date du 30 septembre 2019 et a contesté la facture dans la mesure où il n'a pas obtenu son prêt pendant la durée de celui-ci, qu'il n'a été fait que le 28 novembre 2019 par le crédit agricole signé le 6 décembre 2019

- La SAS PRET PRO pouvait se procurer l'acte d'achat terrain au service de la publicité foncière et il n'entend pas communiquer les documents réclamés ;

- Le versement effectif des fonds empruntés constitue un préalable obligatoire au versement de la rémunération de la SAS PRET PRO ;

- Aucune offre de prêt n'a été obtenue par la SAS PRET PRO et sa rémunération n'est donc pas due ;

- Pendant toute la durée de l'exclusivité de la SAS PRET PRO M. [P] n'a pas accepté l'offre du crédit agricole ;

- La SCI ARTIGUENAVE n'est pas liée contractuellement à M. [P] et n'a commis aucune faute justifiant sa condamnation, elle demande sa mise hors de cause ;

- Le contrat de mandat signé par M. [P] n'est pas un contrat de gré à gré et la clause 5.3 & 2 est abusive en ce qu'elle prévoit une rémunération pour le courtier intermédiaire en crédit immobilier en l'absence de signature d'un contrat de prêt ;

- La SAS PRET PRO a fait procéder à des saisies attribution sur 4 de ses véhicules en méconnaissance de la convention de séquestre convenue entre les parties, causant un préjudice moral et financier à M. [P] dont il demande réparation.

Par ses dernières conclusions du 15 septembre 2023, la SAS PRET PRO, intimée, entend voir la cour :

- Confirmer le jugement rendu le 3 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Bayonne, en ce qu'il a :

- Déclaré l'opposition à injonction recevable mais mal fondée ;

- Condamné in solidum M. [P] et la société ARTIGUENAVE à payer à la société PRET PRO la somme de 10 800,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020,

- Condamné in solidum M. [P] et la société ARTIGUENAVE à payer tous les dépens ;

- Condamné in solidum M. [P] et la société ARTIGUENAVE à payer à la société PRET PRO la somme de 2 000,00 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

Et, statuant à nouveau :

- Condamner in solidum M. [P] et la S.C.I ARTIGUENAVE au paiement des

entiers dépens de la procédure d'appel ;

- Condamner in solidum M. [P] et la S.C.I ARTIGUENAVE à payer à la société PRET PRO la somme de 4 800,00 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel ;

- Rejeter toute demande contraire comme injuste et mal fondée ;

A titre subsidiaire et en tant que de besoin :

- Condamner in solidum M. [P] et la société ARTIGUENAVE à payer à la société PRET PRO la somme de 10 800,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2020, à titre de dommages et intérêts ;

Au soutien de ses prétentions, la SAS PRET PRO fait valoir principalement, sur le fondement des articles 1103 et suivants, 1231 et suivants, 1240 et suivants, 1304, 1344-1, 1353 et 1984 et suivants du code civil, des articles 9, 11, 42, 695, 696, 700 et 1405 et suivants du code de procédure civile, que :

- M. [P] dirige plusieurs sociétés il ne peut donc être considéré comme un consommateur dans sa relation avec la SAS PRET PRO et donc invoquer la protection des dispositions du code de la consommation,

- Son projet de construction d'un bâtiment artisanal et d'un logement de fonction pour exercer sa profession a été réalisé à Labenne à la suite d'un permis de construire déposé le 2 mai 2018, mais M. [P] refuse toujours de communiquer les pièces réclamées en première instance, et la cour d'appel doit en tirer les conséquences,

- Dans le cadre de la mission d'étude de faisabilité du projet immobilier professionnel signé le 22 mars 2019, à échéance le 22 juin 2019, M. [P] s'engageait à ne procéder à aucun dépôt de dossier de demande de financement auprès de quelques établissements de crédit que ce soit pendant la durée de la présente lettre de mission, ce qui n'a pas été respecté,

- À la fin de la mission il a néanmoins accepté de donner à la SAS PRET PRO un mandat de recherche de financement à titre onéreux, dont les stipulations contractuelles sont claires et engagent tant M. [P] que la SCI ARTIGUENAVE,

- La SAS PRET PRO a exécuté sa mission : établissement d'un dossier complet de demande de prêt, échanges avec les différents établissements bancaires y comprit le Crédit Agricole qui adressait pourtant ensuite son offre directement à M. [P],

- Aucune pièce ne démontre que le crédit agricole aurait émis une offre au mois de novembre 2019,

- A défaut de condamner à payer la facture au titre du mandat, la SAS PRET PRO réclame une somme à titre de dommages-intérêts pour la déloyauté et la mauvaise foi caractérisée de M. [P] à son égard, en condamnant également in solidum la société au profit de laquelle devait être obtenu le prêt,

- M. [P] ne peut solliciter des dommages-intérêts sur le fondement extra contractuel dès lors qu'un contrat liait les parties,

- L'exécution forcée de l'ordonnance d'injonction de payer bénéficiant d'un titre exécutoire a été engagée avant que M. [P] forme opposition tardivement, et sans aucune intention de nuire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'opposition à l'injonction de payer, mettant celle-ci à néant, n'est pas remise en question en appel.

Sur la demande en paiement présentée par la Société PRET PRO':

Selon les articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 1998 du Code civil dispose que le mandant est tenu par les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Par ailleurs selon l'article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Enfin selon l'article 11 du code de procédure civile, les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toutes conséquences d'une abstention ou d'un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. [P] et la Société PRET PRO ont signés le 22 mars 2019 une lettre de mission par laquelle cette dernière devait faire une étude de faisabilité du projet de demande de financement professionnel en vue de réaliser une construction pour un montant de 450'000 €. Cette lettre de mission, sans contrepartie financière, avait une validité de 3 mois, soit jusqu'au 22 juin 2019.

Figure à l'article 1 de la lettre de mission : objet :

en contrepartie de la mission confiée à la Société PRET PRO, M. [P] s'engage à ne procéder à aucun dépôt de dossier/demande de financement auprès de quelque établissement de crédit que ce soit, et ce pendant la durée de la présente lettre de mission.

À l'issue de la mission, il est également prévu que dès lors que la Société PRET PRO aura conclu à la faisabilité du projet d'obtention d'un financement professionnel, la Société PRET PRO proposera aux clients la signature d'un mandat de représentation aux fins de constitution et de dépôt du dossier du client à des établissements bancaires.

Ce contrat de mandat a été signé entre les parties le 18 juillet 2019 portant sur :

la recherche de financement professionnel pour financer le projet suivant : l'acquisition de murs professionnels par un prêt bancaire de 490'000,0 €, prêt relais TVA 50'000 € soit au total 540'000 €.

L'objet du mandat décrit à l'article 1 est le suivant :

Par le présent mandat, le mandant confie au mandataire, qui l'accepte, la mission de le représenter, l'assister et le conseiller dans le cadre de la recherche et la négociation d'un ou plusieurs prêts professionnels pour un montant maximum de 540'000 € auprès d'un ou plusieurs établissements financiers sur le territoire métropolitain.

Le mandant s'engage à fournir au mandataire tous les documents nécessaires à l'instruction de son dossier. Il autorise expressément le mandataire à communiquer ces informations/ document aux établissements de crédit consultés.[...]

Au regard des offres de financement proposé, le mandataire conseillera le mandant afin de déterminer l'offre la plus adaptée à la demande et au projet du mandant.

Au titre de sa rémunération, il est prévu :

5.1 Le mandataire percevra en contrepartie de sa mission, une rémunération de 2 % du montant du/ des financements professionnels négociés et obtenus, soit 10'800 €[...]

5.3 cette rémunération sera due par le mandant au mandataire dès lors qu'un ou plusieurs organismes bancaires et/ou financiers aura émis une offre de crédit au mandant, que l'organisme bancaire et financier en question soit un établissement partenaire du réseau PRET PRO ou un établissement bancaire consulté directement par le mandant.

À cet égard, le mandant reconnaît, dès lors que le présent mandat est signé, l'intégralité de la rémunération du mandataire lui est due, et ce même si le mandant choisit de démarcher lui-même, directement ou indirectement, des organismes bancaires et financiers de son choix, et qu'un financement est obtenu hors l'intervention du mandataire.[;..]

La rémunération du mandataire sera versée par le mandant lors du déblocage des fonds par l'établissement de crédit.

Il résulte de ce qui précède que tant la lettre de mission que le contrat de mandat signés par M. [P] prévoyaient une exclusivité de recherche de financement professionnel par la Société PRET PRO, et pour le contrat de mandat, une rémunération due dès lors qu'une offre de crédit est émise pendant la durée de validité du mandat, même si la facturation de la rémunération n'intervient qu'au moment du déblocage des fonds par le prêteur.

Si M. [P] ne soutient plus devoir être considéré comme un consommateur face à la Société PRET PRO, il estime néanmoins que la clause relative à la rémunération prévue à l'article 5.3 est abusive en vertu de l'article 1171 du Code civil qui dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Cependant la clause de rémunération ne vise pas une offre de prêt qui serait émise postérieurement à la résiliation du contrat. Seule la facturation est différée lors du déblocage des fonds, mais c'est la date de l'offre de prêt qui, si elle intervient pendant la validité du mandat, déclenche le droit à rémunération, même si elle est faite directement au mandant.

La Société PRET PRO justifie avoir démarché plusieurs établissements de crédits par les mails adressés au cours de l'été 2019, avec des liens pour accéder au dossier complet :

- au crédit agricole (19 juillet)

- La banque postale (25 juillet)

- La banque populaire (1er août)

- La Société Générale, qui fait une proposition le 20 août 2019

- La Banque Courtois (le 4 septembre)

Il est rappelé que M. [J] [P] est dirigeant des plusieurs sociétés: DISPAC IMMOBILIER et DISPAC ENERGIES, cette dernière domiciliée [Adresse 8], et de la SCI ARTIGUENAVE située dans la même zone commerciale ayant pour objet l'acquisition, la restauration, la construction, et la gestion d'immeubles.

La cour ne trouve donc aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties dans le mode de rémunération prévue par cette clause, qui ménage la garantie de rémunération du mandataire pour ses efforts pendant un temps limité, le mandat pouvant être dénoncé à tout moment par le mandant sous réserve d'un préavis d'un mois, ce qu'il a fait d'ailleurs le 3 octobre 1019.

Il a été dit ci-dessus que la lettre de mission signée le 22 mars 2019 d'une durée de validité de 3 mois interdisait à M. [P] de déposer un dossier ou une demande de financement auprès de quelque établissement de crédit que ce soit, jusqu'au 22 juin 2019.

Il n'est pas contesté que M. [P] est client du crédit agricole Pyrénées Gascogne dont la conseillère est Mme [W] [G], chargée clientèle professionnelle, ainsi qu'elle l'indique dans un mail adressé le 21 septembre 2019 à la Société PRET PRO (pièce 30)

Il est produit par M. [P] un mail reçu le 27 mars 2019 de Mme [G]

mentionnant : Comme convenu, je reviens vers vous pour communiquer nos nouvelles conditions de financement

Montant PRO: 490'000 €

Taux fixe 1,64%

CT TVA Montant 50'000 € taux 1,50%

La Société PRET PRO produit pour sa part la copie d'un autre mail adressé le 29 mai 2019 par Mme [G] à M. [P] :

Comme convenu, je reviens vers vous pour communiquer nos nouvelles conditions de financement :

MT PRO montant :490'000 €

Taux fixe souplesse 1,48%

[...]

CT TVA montant 50'000 € taux 1,5 %

Il est ainsi établi que dès la période de la mission de la Société PRET PRO , le Crédit Agricole avait été démarché pour le financement envisagé et avait fait plusieurs offres non formalisées.

C'est précisément la mission du mandataire de mettre en concurrence les offres des différents établissements de crédit pour faire baisser les propositions de ceux-ci, justifiant sa rémunération.

Et selon le mandat du 18 juillet 2019 et jusqu'à sa résiliation à effet du 3 novembre 2019, toute offre de prêt formalisée obtenue par la Société PRET PRO ou même par M. [P] directement, déclenchait le droit à rémunération de la première.

Par un mail du 13 septembre 2019, la Société PRET PRO réclamait à Mme [G] :

Afin de me permettre de comparer votre offre de financement avec celle des autres partenaires bancaires, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'en récapituler les termes financiers en ce compris les frais de fonctionnement de compte (commission de mouvements, frais de virement, CB).

En l'absence de réponse de sa part, il lui indiquait dans un mail du 22 septembre 2019 :

Je vous rappelle que par mandat daté du 18 juillet 2019 M. [P] m'a confié la mission de le représenter, l'assister et le conseiller dans le cadre de la recherche et de la négociation d'un ou plusieurs prêts dans le cadre du projet d'acquisition de la SCI ARTIGUENAVE . Conformément à ce mandat une demande de prêt a été transmise(voir mail en pièce jointe) à M. [Z] [F] le 19 juillet 2019 pour envoi à votre intention.[...]

Le même jour la Société PRET PRO transmettait à M. [P] la demande suivante par mail :

Merci de me transmettre l'offre de financement communiqué par le crédit agricole.

Auquel M. [P] répondait ainsi le 23 septembre 2019 :

Je ne l'ai pas, elle m'a dit qu'elle l'enverrait directement au notaire et qu'il faudra la signer là-bas.

La Société PRET PRO réclame donc à nouveau le 23 septembre à Mme [G] l'offre de prêt :

M. [P] a beau être votre client, je suis son mandataire et le représente aux fins de recevoir l'offre de financement auprès des établissements de crédit interrogés.

Celle-ci répond alors :

J'ai bien eu votre mail mais mon client est M. [P] [J].

Je vous remercie de voir directement avec lui.

Le 26 septembre 2019, M. [P] indiquait à la Société PRET PRO :

Je n'ai qu'une proposition par mail comme la première, elle transmettra les offres au notaire directement.

Pour s'opposer au paiement de la rémunération du mandataire, M. [P] produit 7 pages sur 10 d'un contrat de prêt édité le 28 novembre 2019 par le crédit agricole Pyrénées Gascogne sans qu'il soit justifié que cette offre soit celle qui a effectivement été acceptée par M. [P].

MT PROFESSIONNEL: 490'000 €

Taux fixe 1,08%

Une ordonnance du juge de la mise en état en date du 11 juillet 2022 faisait injonction à M. [P] de communiquer à la Société PRET PRO :

- le titre de propriété du bien situé à [Adresse 8] section B [Cadastre 3]

- les modalités de financement du terrain et des constructions entreprises

- l'offre de prêt émise par le Crédit Agricole et acceptée par M. [P] ou la Société ARTIGUENAVE.

Ces pièces sont déterminantes pour établir à quelle date et quel prêt a été obtenu du crédit agricole pour le financement de l'acquisition et des travaux objet du mandat donné à la Société PRET PRO.

À défaut de les produire, les éléments au dossier à travers les mails qui ont été rappelés et les propositions faite par mails en mars et mai 2019 par le crédit agricole à M. [P] pendant la durée de validité de sa mission conduisent à considérer que l'obtention finale du prêt selon les conditions envisagées avec la Société PRET PRO a bien eu lieu pendant la durée du mandat ouvrant droit à la rémunération de celle-ci, la résiliation du mandat ayant eu à l'évidence pour objectif pour M. [P] d'éviter de régler à son mandataire sa rémunération.

Il importe peu ensuite que la signature du prêt et le déblocage des fonds aient été effectués après la résiliation de ce mandat.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné M. [P] à payer à la Société PRET PRO la somme de 10'800 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 février 2020 au titre de cette rémunération.

De même, le mandat ayant prévu expressément la faculté de substitution de M. [P] par la SCI ARTIGUENAVE dont il est le gérant, et en l'absence des pièces produites sur la qualité de propriétaire de la parcelle et le bénéficiaire du prêt de financement pour la construction réalisée, celle-ci doit être condamnée in solidum au paiement de la rémunération due à la Société PRET PRO .

La demande de la Société PRET PRO ayant été accueillie, celle de M. [P] et de la Société ARTIGUENAVE au paiement de dommages-intérêts pour les saisies attributions engagées à la suite de la décision de première instance exécutoire, confirmée en appel, sera donc rejetée.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions y comprises en ces mesures accessoires sauf à réparer l'omission dans le dispositif de la condamnation de M. [P] et de la SCI ARTIGUENAVE in solidum à payer à la Société PRET PRO une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il a été expressément statué dans la motivation du jugement.

Ajoutant sur les mesures accessoires':

M. [P] et la SCI ARTIGUENAVE devront payer in solidum à la Société PRET PRO une indemnité de 2 000€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, et supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 3 avril 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant et réparant l'erreur matérielle du dispositif du jugement,

Condamne M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE in solidum à payer à la Société PRET PRO une somme de 2 000 € au titre des frais exposés en 1ère instance.

Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par M. [J] [P] et la Société ARTIGUENAVE ;

Condamne M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE in solidum à payer à la Société PRET PRO la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

Rejette la demande de M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [P] et la SCI ARTIGUENAVE aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE