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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 17 septembre 2024, n° 22/00486

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 22/00486

17 septembre 2024

Association CFAI 21-71

C/

S.E.L.A.R.L. MJ ET ASSOCIES

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/00486 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F5ZQ

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 1er mars 2022,

rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 21/01114

APPELANTE :

Association CFAI 21-71 représentée par son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège :

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Pierre DELARRAS, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MACON, substitué à l'audience par Me Véronique PARENTY-BAUT, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 38

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. MJ ET ASSOCIES en sa qualité de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la SARL E. PASCUAL représentée par Maître [F] [U] désignée par jugement rendu le 19.10.2021 par le tribunal de commerce de Dijon

[Adresse 2]

[Localité 1]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juin 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le CFAI 21 - 71 a, en qualité de maître d'ouvrage, fait construire un bâtiment [Adresse 5] à [Localité 4].

Il a délégué la maîtrise d'ouvrage à la SEM Val de Bourgogne.

Il a confié la réalisation du lot 7 relatif aux revêtements de sols et faïences à la société E. Pascual, selon marché privé de travaux en date des 15 octobre et 18 décembre 2018, soumis à la norme NF P03-001.

Les travaux réalisés n'étant pas conformes aux prescriptions du CCTP, relatives notamment à l'épaisseur de la chape, la SEM Val de Bourgogne a, par ordre de service n°2 du 17 janvier 2020, vainement mis en demeure la société E. Pascual de déposer et évacuer la chape réalisée et d'en exécuter une nouvelle conforme au CCTP, ce dans un délai de 15 jours.

Par lettre recommandée du 3 février 2020, la SEM Val de Bourgogne a notifié à la société E. Pascual la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, en application de l'article 22.1.2. de la norme française P03-001, et l'a convoquée à un constat contradictoire pour le 6 février 2020.

Ce constat a été réalisé hors la présence de la société E. Pascual.

Les travaux initialement confiés à cette société ont été terminés par d'autres professionnels.

Par courrier recommandé du 5 janvier 2021, la SEM Val de Bourgogne a mis en demeure la société E. Pascual d'établir son 'mémoire définitif' dans un délai de 15 jours, lui précisant qu'à défaut, elle ferait établir un 'décompte de liquidation' du marché par le maître d'oeuvre.

Cette mise en demeure étant demeurée vaine, la SEM Val de Bourgogne a, par courrier recommandé du 16 février 2021, notifié à la société E. Pascual le 'décompte général' de son marché faisant apparaître un solde négatif de 54 819,07 euros.

Par un 'mémoire en réclamation' du 11 mars 2021, la société E. Pascual a contesté ce décompte.

Par lettre recommandée du 19 mars 2021, la SEM Val de Bourgogne a maintenu son décompte.

*****

Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal de commerce de Dijon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société E. Pascual.

Par lettre recommandée du 4 août 2021, le CFAI 21-71 a adressé à la Selarl MJ & Associés, représentée par Maître [F] [U], désignée aux fonctions de mandataire judiciaire, une déclaration de créance portant sur la somme principale de 54 819, 07 euros.

Par jugement du 19 octobre 2021, le tribunal de commerce de Dijon a prononcé la liquidation judiciaire de la société E. Pascual et désigné la Selarl MJ & Associés, représentée par Maître [F] [U], en qualité de liquidateur.

****

Par acte du 20 septembre 2021, le CFAI 21-71 a saisi le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône d'une action tendant essentiellement à faire fixer sa créance au passif de la société E. Pascual à la somme de 54 819,07 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 février 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 1er mars 2022, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :

- débouté l'association CFAI 21-71 de sa demande,

- débouté l'association CFAI 21-71 de sa demande au titre de frais irrépétibles,

- condamné l'association CFAI 21-71 aux entiers dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

L'association CFAI 21-71 a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 avril 2022.

Par arrêt du 5 mars 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité l'appelante notamment à :

- présenter ses observations sur la recevabilité de son action introduite après l'ouverture du redressement judiciaire de la société E. Pascual, eu égard aux dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce,

- justifier du sort réservé à sa déclaration de créance du 4 août 2021 et le cas échéant d'une ordonnance du juge-commissaire l'invitant à saisir la juridiction compétente antérieure au 20 septembre 2021.

Aux termes du dispositif de ses conclusions du 12 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, l'association CFAI 21-71 demande à la cour au visa des articles 1103, 1104, 1194, 1231-1 et 1231-6 du code civil, de :

- dire et juger que la SARL E. Pascual n'a pas exécuté son obligation de paiement, en application du marché privé de travaux conclu le 15 octobre 2018,

- infirmer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

- constater la créance qu'elle détient à l'encontre de la société E. Pascual d'un montant de 54 819,07 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 16 février 2021,

- fixer le montant de sa créance au passif de la société E. Pascual à hauteur de 54 819,07 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 16 février 2021,

- condamner la Selarl MJ & Associés, représentée par Maître [F] [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société E. Pascual :

. aux entiers dépens de première instance et d'appel,

. à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association CFAI 21-71 a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la Selarl MJ & Associés, représentée par Maître [F] [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société E. Pascual, par acte du 12 juillet 2022, remis à une personne habilitée à le recevoir.

L'intimée n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée le 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article L. 631-14 du code de commerce renvoyant aux articles L. 622-21, L. 622-22, L. 622-24 et R. 624-4 et R. 624-5 du même code, que :

- l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance est née antérieurement à cette ouverture, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,

- ces créanciers doivent procéder à une déclaration de créance et dans le cadre de la procédure d'admission et de vérification des créances, ils peuvent être renvoyés par une ordonnance spécialement motivée du juge-commissaire à saisir la juridiction compétente pour faire fixer leur créance, si celui-ci se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse.

En l'espèce, le CFAI 21-71 a introduit son action postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire de la société E. Pascual, malgré l'interdiction prescrite par l'article L. 622-21 du code de commerce. Il n'est donc pas recevable en son action, la fin de non-recevoir soulevée par la cour ne pouvant être écartée aux motifs qu'il a introduit son instance après avoir déclaré sa créance en la dirigeant contre la Selarl MJ & Associés, ès qualités, et qu'il ne demande pas la condamnation de la société E. Pascual à lui payer la somme de 54 819,07 euros, mais demande seulement la fixation de sa créance au passif de cette société à hauteur de cette somme.

Par ailleurs, l'appelante n'établit pas que la créance qu'elle a déclarée aurait fait l'objet d'une contestation sérieuse conduisant le juge-commissaire à se déclarer incompétent pour en connaître et à l'inviter à saisir le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône antérieurement à l'assignation du 20 septembre 2021,acte qu'elle aurait fait délivrer pour éviter la sanction de la forclusion prescrite par l'article R.624-5 du code de commerce.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et de déclarer le CFAI 21-71 irrecevable en sa demande en paiement.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par le CFAI 21-71, qui doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, texte dont les conditions d'application ne sont pas réunies en sa faveur.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'action engagée par l'association CFAI 21-71,

Ajoutant,

Condamne l'association CFAI 21-71 aux dépens d'appel,

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,