Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 17 septembre 2024, n° 23/01855

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/01855

17 septembre 2024

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°319

N° RG 23/01855 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TT3Y

(Réf 1ère instance : 202200231)

S.A.S.U. MARSE CONSTRUCTION

C/

S.A.S. GCA

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me LE GOFF

Me BERTHAULT

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de RENNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Juin 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S.U. MARSE CONSTRUCTION

immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 450 437 892, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S. GCA GENIE CIVIL D'ARMOR

immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 409 011 905, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent BERTHAULT de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS

Selon contrat de travail à durée indéterminée et à effet du 2 mai 2005, M. [X] [R] a été embauché par la société GCA en qualité de maçon coffreur puis promu chef de chantier le 1 er avril 2014. La relation de travail était soumise à la convention collective des ouvriers du bâtiment.

La convention comportait une clause de non sollicitation.

Selon contrat de travail à durée indéterminée et à effet du 7 septembre 2013, M. [F] [E] a été embauché par la société GCA GENIE CIVIL D'ARMOR en qualité de chargé d'affaires. M. [E] et la société GCA ont mis fin à leur relation contractuelle dans le cadre d'une rupture conventionnelle du 23 septembre 2019 à effet au 31 octobre 2019.

La convention comportait une clause identique à la précédente.

Après leur départ Messieurs [E] et [R] ont créé la société LEBRUBIN, immatriculée le 15 novembre 2019, société holding qui, le 21 décembre 2019 est devenue associée unique de la société MARSE CONSTRUCTION qui a pour activité des travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment.

Deux salariés de la société GCA, Messieurs [O] et [I] ont démissionné les 7 et 8 aout 2020.

La société GCA a suspecté que les lettres de démission avaient été faites sur le même modèle et préparées par le nouvel employeur de ces deux salariés, la société MARSE CONSTRUCTION.

Saisi par la société GCA selon requête en date du 16 décembre 2020, le président du tribunal de commerce de Rennes a par ordonnance du 22 décembre 2020 désigné un huissier de justice au visa des dispositions des articles 145, 493, 495 et 875 du code de procédure civile.

La société GCA indique que le procès-verbal de constat d'huissier démontre que Messieurs [O] et [I] ont été embauchés par la société MARSE CONSTRUCTION en tant que maçons selon contrats signés le 11 septembre 2020 après que la société MARSE CONSTRUCTION leur ait, le 6 aout 2020, préparé à chacun les lettres de démission qu'il ne leur restait plus qu'à remplir, signer puis à envoyer et ce par l'intermédiaire de M.[E].

Par acte du 9 novembre 2021, la société GCA a fait assigner la société MARSE CONSTRUCTION devant le tribunal de commerce de Rennes aux fins de la voir condamnée à l'indemniser de son préjudice.

La société GCA a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de condamnation de Messieurs [E] et [R] à l'indemniser pour chacun, à hauteur de la somme de 30 000 euros pour non respect de la clause les liant.

La société MARSE CONSTRUCTION a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de la procédure en référé rétractation qu'elle avait parallèlement introduite et de la décision à intervenir du conseil de prud'hommes.

Selon ordonnance du 31 mars 2022, la présidente du tribunal de commerce de Rennes a rejeté la demande de rétractation formée par la société MARSE CONSTRUCTION.

La société MARSE CONSTRUCTION n'a pas fait appel de l'ordonnance.

Par jugement du 14 mars 2023 le tribunal de commerce de Rennes a :

- Débouté la société GCA de sa demande de sursis à statuer ;

- Condamné la société MARSE CONSTRUCTION, à payer à la société GCA, la somme de 30 000 euros à titre de dommage et intérêts ;

- Condamné la société MARSE CONSTRUCTION à verser à la société GCA la somme de 5500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- Condamné la société MARSE CONSTRUCTION aux entiers dépens en ceux compris ceux de la procédure d'ordonnance sur requête et du procès-verbal de constat ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 60.22 euros tels que prévu aux articles 695 et 701du code de procédure civile.

La société MARSE CONSTRUCTION a fait appel du jugement le 23 mars 2023.

La procédure prud'homale a donné lieu à deux jugements le 1er septembre 2023 aux termes desquels Messieurs [E] et [R] ont été condamnés, chacun, à verser une indemnité de 15 000 euros à la société GCA au titre de la clause de non-sollicitation.

Aucun recours n'a été formé contre les jugements.

L'ordonnance de clôture est en date du 4 juin 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 10 octobre 2023 la société MARSE CONSTRUCTION demande à la cour au visa des article 378 du code de procédure civile, 455 du code de procédure civile, 1103, 1240 et suivants du code civil, de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce du 14 mars 2023, en ce qu'il :

' condamne la société MARSE CONSTRUCTION, à payer à la société GCA, la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

' condamne la société MARSE CONSTRUCTION à verser à la société GCA la somme de 5.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

' condamné la société MARSE CONSTRUCTION aux entiers dépens en ceux compris ceux de la procédure d'ordonnance sur requête et du procès-verbal de constat.

Et statuant à nouveau :

- débouter la société GCA GENIE CIVIL D'ARMOR de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société MARSE CONSTRUCTION ;

- Condamner la société GCA GENIE CIVIL D'ARMOR à verser à la Société MARSE CONSTRUCTION la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux entiers dépens.

Dans ses écritures notifiées le 30 mai 2024 la société GCA demande à la cour de :

- Juger irrecevable et à défaut infondée la demande de nullité du jugement présentée par la société MARSE CONSTRUCTION et l'en débouter ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté la société MARSE de sa demande de sursis à statuer, après l'avoir déclaré irrecevable et à défaut infondée ;

débouté la société MARSE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

condamné la société MARSE CONSTRUCTIONS à payer à la société GCA la somme de 5 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;.

Condamné la société MARSE CONSTRUCTIONS aux entiers dépens en ceux compris ceux de la procédure d'ordonnance sur requête et du procès-verbal de constat.

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MARSE CONSTRUCTIONS à payer à la société GCA la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau,

- Condamner la société MARSE CONSTRUCTIONS à payer à la société GCA la somme de 170 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Y additant,

- Condamner la société MARSE CONSTRUCTIONS à payer à la société GCA la somme de 9 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la société MARSE CONSTRUCTIONS aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

La demande de nullité du jugement

La société GCA soulève l'irrecevabilité de la demande de nullité du jugement formée par la société MARSE CONSTRUCTION pour défaut de motivation du jugement, aux motifs que sa déclaration d'appel ne tend qu'à l'infirmation du jugement.

L'article 901 du code de procédure civile précise :

La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

La déclaration d'appel de la société MARSE CONSTRUCTION ne vise pas à la nullité du jugement de sorte que l'effet dévolutif ne permet à la cour que d'infirmer ou confirmer le jugement.

En tout état de cause la société MARSE CONSTRUCTION ne sollicite pas l'annulation du jugement dans ses dernières écritures du 10 octobre 2023. L'irrecevabilité soulevée par la société GCA est donc sans objet.

Il convient donc de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société GCA.

Le sursis à statuer

La société GCA soulève l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer formée par le société MARSE CONSTRUCTION aux motifs que cette demande ne figure pas dans son acte d'appel.

La déclaration d'appel de la société MARSE CONSTRUCTION précise que l'appel est notamment limité aux chefs expressement critiqués : il est demandé à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a DEBOUTE la société GCA de sa demande de sursis à statuer.

En visant la société GCA dans sa demande d'infirmation, la société MARSE CONSTRUCTION a visiblement commis une erreur matérielle dans la mesure où devant le premier juge elle sollicitait le sursis à statuer dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes.

Le conseil de prud'hommes a rendu ses jugements 1er septembre 2023.

La société MARSE CONSTRUCTION ne sollicite pas le sursis à statuer dans ses écritures du 10 octobre 2023.

L'irrecevabilité soulevée par la société GCA est donc sans objet.

Il convient donc de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société GCA.

Le recrutement de Messieurs [O] et [I]

La société GCA fait valoir que la société MARSE CONSTRUCTION engage sa responsabilité à son égard au visa des articles 1120 et 1240 du code civil, considérant qu'elle s'est rendue complice de la violation par Messieurs [R] et [E] de leur clause de non sollicitation.

Les conventions de rupture des contrats de travail de Messieurs [R] et [E] des 23 septembre 2019 à effet du 31 octobre 2019 comportent une clause aux termes de laquelle ils s'engagent dans le cadre de leur prochaine activité et pour une durée de 18 mois à compter de la date de rupture de son contrat de travail, à n'embaucher ni ne faciliter l'embauche par une autre entreprise d'un personnel salarié de la société GCA, tout manquement à cet engagement se traduisant par le versement à GCA de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 € par salarié embauché .

Cette clause qui ne s'assimile pas à une clause de non concurrence n'interdit pas à Messieurs [R] et [E] de créer leur propre activité et leur société pour exercer une spécialité similaire à leur ancien employeur. Elle leur interdit pendant 18 mois à compter du 31 octobre 2019 de recruter ou de faciliter une embauche de salariés de la société GCA personnellement ou par une autre société.

La société GCA doit donc établir la violation par Messieurs [R] et [E] de leurs obligations vis à vis de GCA et que la société MARSE CONSTRUCTION a participé à cette violation.

Messieurs [R] et [E] sont à l'origine de la société LEBRUBIN, société holding immatriculée le 11 novembre 2019, moins d'un mois après la rupture de leur contrat de travail.

Elle est présidée par M. [R].

La société LEBRUBIN préside elle même la société MARSE CONSTRUCTION depuis le 21 décembre 2019.

La société GCA signale que la société MARSE CONSTRUCTION dans le cadre des écritures devant le juge des référés en demande de rétractation, a admis qu'elle avait accepté le recrutement de Messieurs [I] et [O] et qu'il s'agit d'un aveu judiciaire.

Conformément aux dispositions de l'article 1383-2 du code civil, l'aveu qui serait fait au cours d'une instance précédente même opposant les mêmes parties, n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets.

Ce moyen est donc inopérant.

Le constat d'huissier réalisé au siège de la société MARSE CONSTRUCTION sur requête le 19 janvier 2021 précise en revanche que :

- Le registre d'entrée et de sortie du personnel indique que Messieurs [O] et [I] ont été embauchés en qualité de maçon par MARSE CONSTRUCTION le 14 septembre 2020 durant la période d'application de la clause de non sollicitation ;

- M. [E] a signé les contrats de travail pour la société MARSE CONSTRUCTION ;

- L'huissier a extrait de la boîte mail professionnelle de M. [E] un mail en date du 6 août 2020 envoyé par [F] [E] à l'adresse mail suivante : [Courriel 5] dont l'objet est 'Courrier de démission' ainsi qu'un mail du 9 septembre 2020 envoyé par [F] [E] à l'adresse mail suivante : [Courriel 3]. Dont l'objet est [X] [I] ' qui contient six pièces jointes :

- Copie du permis de conduire de Monsieur [I] [X], Recto

- Copie du permis de conduire de Monsieur [I] [X], Verso

- Relevé d'Identité Bancaire au nom de [I] [X]

- Fiche d'Aptitude Médicale en date du 30.08.2016 concernant [I] [X]

- Carte Nationale d'Identité de Monsieur [I] [X], Recto

- Carte Nationale d'Identité de Monsieur [I] [X], Verso

- Le document en annexe 3 constitué du mail de M. [E] du 6 août 2020 à [Courriel 5] montre que M. [E] a préparé le modèle de lettre de démission pour Messieurs [I] et [O] :

Objet : Courrier de démission

Pièce jointes : Lettre de démission AF ET VJ.docx

Ci-joint le courrier à remplir avec

Adresse

Date et lieux

Date de fin de contrat le jour

Signature

A poster samedi midi au plus tard pour avoir les bonnes dates de préavis et fin de contrat

Appelez nous au besoin

Cordialement

[E] [F]

Directeur associé

[XXXXXXXX01]

SAS MARSE CONSTRUCTION

Messieurs [O] et [I] ont informé leur employeur qu'ils entendaient démissionner par courriers des 7et 8 août 2020 qui reprennent le modèle transmis par M. [E].

M. [N], directeur salarié de la société GCA, atteste que lors de leur départ de l'entreprise fin août début septembre les salariés [X] [I] le 31 août 2020 et [W] [O] le 9 septembre 2020 lui ont tous deux indiqué verbalement avoir démissionné suite à une proposition d'embauche de la société MARSE CONSTRUCTION.

Ces éléments confirment que M. [E] depuis sa boîte mail professionnelle au sein de MARSE CONSTRUCTION dont il est le directeur associé, alors qu'il était tenu par une clause de non sollicitation, a facilité le recrutement par MARSE CONSTRUCTION de deux salariés de GCA avant qu'ils n'en démissionnent officiellement.

Pour réfuter sa participation à cette stratégie MARSE CONSTRUCTION rappelle qu'elle est tiers à la convention de rupture conventionnelle et non tenue par la clause de non sollicitation.

Elle souligne aussi que Messieurs [I] et [O] étaient libres de quitter GCA pour se faire embaucher par une autre société.

Au visa des dispositions de l'article 1200 du code civil les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat.

Messieurs [I] et [O] pouvaient parfaitement quitter GCA et se faire recruter par une société de maçonnerie quelque soit leur motivation notamment tirée de la politique salariale de la société GCA. Mais la société MARSE CONSTRUCTION ne devait pas faciliter ce recrutement voire refuser d'engager ces deux salariés.

En les embauchant elle a profité de procédés déloyaux permettant à Messieurs [E] et [R] de détourner leurs obligations vis à vis de GCA.

Le conseil de Prud'hommes a du reste reconnu la responsabilité de Messieurs [E] et [R] dans ses deux jugement du 1er septembre 2023 les condamnant au titre de la clause de non sollicitation en signalant qu'ils avaient reconnu avoir rédigé les modèles de lettre de démission utilisés par les deux salariés.

Il est donc établi que la violation de la clause de non sollicitation par Messieurs [E] et [R] a été instrumentée par l'entremise de la société MARSE CONSTRUCTION

Le jugement est confirmé de chef.

Le préjudice de la société GCA

La société MARSE CONSTRUCTION est tenue d'indemniser la société GCA.

Pour s'y opposer la société MARSE CONSTRUCTION rappelle que la société GCA a été indemnisée par le conseil de prud'hommes dans ses décisions du 1er septembre 2023.

La conseil de Prud'hommes a condamné Messieurs [E] et [R] à régler à la société GCA la somme de 15 000 euros chacun faisant application de la clause figurant aux conventions de rupture conventionnelle qui s'analyse en clause pénale. Il s'agit d'une sanction et il est abusif de considérer que la société GCA aurait été indemnisée de son préjudice.

La société GCA fait valoir que le débauchage de deux ouvriers, sur un effectif moyen inférieur à vingt personnes en 2019-2020, l'a privée de près de 10 % de sa capacité à réaliser des affaires, sur la base d'un chiffre d'affaires de 6 335 000 euros sur l'exercice 2020. Elle estime son préjudice sur la base de sa perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 630 000 euros HT et sur la base d'une perte annuelle de 170 000 euros en marge brute d'exploitation, la marge brute s'élevant à 27 % au sein de l'établissement de [Localité 4].

Elle sollicite donc la somme de 170 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le préjudice de la société GCA s'analyse en une perte de chance d'intervenir sur des chantiers en raison de la vacances de deux salariés.

Ainsi que le fait remarquer la société MARSE CONSTRUCTION la société GCA établit ses pertes au visa de documents comptables au titre de l'exercice du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 antérieurs au départ de Messieurs [I] et [O].

8

Les pièces au débat montrent que les effectifs de la société GCA sont passés de 34 salariés en 2020 à 37 au 31 décembre 2020 et à 38 au 31 août 2021 ce qui dément ses affirmations sur la vacance d'effectif et son incidence sur son activité alors que son bilan montre un bénéfice au 31 août 2021 de 524 305 euros en hausse par rapport à celui au 31 août 2020 de 220 032 euros.

Messieurs [I] et [O] occupaient des fonctions de maçons N3P2 (ouvriers qualifiés) au sein de GCA. La valeur ajoutée d'une activité commerciale attachée à cette qualification est limitée. L'absence de deux maçons au sein d'un établissement de 37 salariés n'est pas de nature à entraîner une perte de 170 000 euros.

En outre la société GCA ne verse aucune pièce de nature à démontrer que la démission de ces deux maçons lui a fait perdre des marchés ou a entraîné une désorganisation dans son activité.

Tout au plus au regard de ces états comptables et de l'absence de tout justificatif de perte de marché, le préjudice subi du fait de la contribution de la société MARSE CONSTRUCTION au débauchage des deux maçons s'est simplement traduit par les soucis et tracas inhérents à la recherche de nouveaux salariés.

Cette situation justifie qu'il soit alloué à la société GCA la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de condamner la société MARSE CONSTRUCTION à régler à la société GCA la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MARSE CONSTRUCTION est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

- Rejette les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société GCA.

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

Condamné la société MARSE CONSTRUCTION, à payer à la société GCA, la somme de 30 000 euros à titre de dommage et intérêts.

- Confirme le jugement pour le surplus.

Y ajoutant,

- Condamne la société MARSE CONSTRUCTION à payer à la société GCA la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamne la société MARSE CONSTRUCTION à régler à la société GCA la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette toutes les autres demandes des parties ;

- Condamne la société MARSE CONSTRUCTION aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT