CA Riom, 1re ch., 17 septembre 2024, n° 22/02258
RIOM
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 17 septembre 2024
N° RG 22/02258 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F5MC
- PV- Arrêt n° 378
[H] [R], [Y] [U] / [K] [V], S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, S.A.R.L. ETS BONNET ET FILS
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 03 Octobre 2022, enregistrée sous le n° 21/00839
Arrêt rendu le MARDI DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé
ENTRE :
M. [H] [R]
et Mme [Y] [U]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Maître Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
M. [K] [V]
[Adresse 3]
[Localité 5]
et
S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentés par Maître Olivier TOURNAIRE de la SELARL TOURNAIRE - MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
S.A.R.L. ETS BONNET ET FILS
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Camille GARNIER, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 10 juin 2024
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Courant 2018 et 2019, M. [H] [R] et Mme [Y] [U] ont fait procéder à des travaux de construction d'une maison d'habitation située [Adresse 9] à [Localité 10] (Puy-de-Dôme), confiant la maîtrise d''uvre de ces travaux par contrat d'architecte du 27 octobre 2017 à M. [K] [V], assuré auprès de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (la MAF). La SARL ETS BONNET ET FILS a eu en charge le lot Charpente - Terrasse avec notamment la réalisation d'une terrasse bois extérieure conformément à un devis établi le 17 septembre 2020.
Courant mai 2019, sur la base d'un rapport du bureau d'étude bois spécialisé SILVA CONSEIL, M. [R] et Mme [U] ont contesté la qualité du bois choisi et signalé des désordres touchant la structure de la terrasse en bois extérieure. Ils ont en conséquence résilié unilatéralement le contrat d'entreprise conclue avec la SARL ETS BONNET ET FILS sans régler le prix du marché, cette dernière ayant en définitive déposé la terrasse.
M. [R] et Mme [U] ont saisi les 12 et 15 juillet 2019 le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 12 novembre 2019, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Mme [Z] [M], architecte expert près la cour d'appel de Riom. Après avoir réalisé sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport le 25 novembre 2020.
En lecture de ce rapport d'expertise judiciaire, M. [R] et Mme [U] ont assigné en recherche de responsabilité civile et indemnisation par actes de commissaire de justice des 5 et 9 mars 2021 M. [V] ainsi que les sociétés MAF et BONNET ET FILS devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-21/00839 rendu le 3 octobre 2022, a :
déclaré la société BONNET ET FILS et M. [V] responsables in solidum, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil, des désordres affectant la structure de la terrasse bois commandée et facturée le 9 mars 2019 ;
condamné la société MAF à garantir son assuré M. [V] ;
rejeté la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société BONNET ET FILS et de M. [V] en allégation de non-conformité de la classe de bois choisie ;
condamné in solidum la société BONNET ET FILS, M. [V] et son assureur la société MAF à payer à M. [R] et Mme [U] la somme de 15.922,00 € HT en réparation de leur préjudice matériel ;
rejeté les autres demandes indemnitaires de M. [R] et Mme [U] ;
fixé le partage de responsabilités entre co-obligés comme suit :
la société BONNET ET FILS à hauteur de 60 % ;
M. [V], assuré auprès de la société MAF, à hauteur de 40 % ;
condamné la société BONNET ET FILS à garantir M. [V] et son assureur la société MAF à hauteur de 60% des condamnations prononcées à son encontre au titre de la réparation du préjudice matériel ;
condamné in solidum M. [V] et la société MAF à garantir la société BONNET ET FILS des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 40 % au titre de la réparation du préjudice matériel ;
condamné M. [R] et Mme [U] à payer à la société BONNET ET FILS la somme de 7.641,40 € HT au titre de la facture du 7 mars 2019 ;
rejeté les autres demandes des parties ;
condamné in solidum la société BONNET ET FILS, M. [V] et son assureur la société MAF à payer à M. [R] et à Mme [U] une indemnité de 7.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté les demandes de la société BONNET ET FILS, de M. [V] et de la société MAF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum la société BONNET ET FILS, M. [V] et son assureur la société MAF aux dépens comprenant ceux de l'ordonnance de référé et les frais d'expertise judiciaire ;
condamné la SARL ETS BONNET ET FILS à garantir M. [V] et la MAF des condamnations prononcées à leur encontre, hauteur de 60 % au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
condamné in solidum M. [V] et la MAF à garantir la SARL ETS BONNET ET FILS des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 40% au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
autorisé l'application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Pôle Avocats, avocats associés au barreau de Clermont-Ferrand.
ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 5 décembre 2022, le conseil de M. [R] et Mme [U] a interjeté appel du jugement susmentionné. L'effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :
« Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Appel limité du jugement en ce qu'il a 1/ Rejeté la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la SARL BONNET et FILS et de Monsieur [V] pour la non-conformité de la classe de bois choisie 2/ Condamné in solidum la SARL BONNET et FILS, Monsieur [V] et son assureur la MAF à payer à Monsieur [H] [R] et Madame [Y] [U]
la somme de 15.922€ HT en réparation de leur préjudice matériel 3/ Rejeté les demandes de Monsieur [H] [R] et Madame [Y] [U] formulées à titre principal à savoir -S'entendre condamner in solidum les compris à leur payer et porter en l'état aux concluants au titre du cout des travaux de reprise de la terrasse une somme
de 35.470,69€ TTC outre application de l'indice BT 01 à compter de la date du devis de travaux de reprise jusqu'à la date à laquelle la décision deviendra définitive. -S'entendre condamner in solidum les compris à leur payer et porter en l'état aux concluants au titre des préjudices de jouissance et de désagréments subis une somme sauf à parfaire de 3.000€ 4/ Rejeté les demandes de Monsieur [H] [R] et Madame [Y] [U] formulées à titre subsidiaire à savoir -S'entendre condamner in solidum les compris à leur payer et porter aux concluants après compensation une provision de 13.050,72€ + 1740€ soit 14.790,72€ à valoir sur leurs préjudices matériels et immatériels -Voir ordonner une mesure de consultation confiée à tel Expert qu'il plaira de désigner avec notamment la mission suivante : - prendre connaissance du rapport d'expertise de Madame [M] et notamment du devis de travaux de reprise établi par la Société BESSERVE - Chiffrer le cout des travaux de reprise de la terrasse sur la base d'un descriptif des travaux de reconstruction de la terrasse conformément aux règles de l'art et au DTU applicables -Dire et juger que les frais de consultation seront mis à la charge des compris. »
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 22 décembre 2022, M. [H] [R] et Mme [Y] [U] ont demandé de :
au visa de l'article 1231-1 du Code civil ;
réformer le jugement rendu le 3 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ce qu'il a :
* rejeté la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société BONNET ET FILS et de M. [V] en allégation de non-conformité de la classe de bois choisie ;
* condamné in solidum la société BONNET ET FILS , M. [V] et son assureur la société MAF à payer à M. [R] et Mme [U] la somme de 15.922,00 € HT en réparation de leur préjudice matériel ;
* rejeté les demandes de M. [R] et Mme [U] formées à titre principal à savoir ;
condamner in solidum les compris à leur payer au titre du coût des travaux de reprise de la terrasse la somme de 35.470,69 € TTC, outre application de l'indice BT-01 du coût de la construction de la date du devis de travaux de reprise à la date de la décision définitive à intervenir ;
condamner in solidum les compris à leur payer au titre des préjudices de jouissance et de désagréments subis une somme de 3.000,00 € sauf à parfaire ;
- en conséquence ;
- juger la société BONNET & FILS et M. [V] responsable au titre de la non-conformité de la classe de bois choisie ;
- condamner in solidum les intimés à leur payer :
* la somme de 23.079,72€, outre application de l'indice BT-01 de la date du devis de travaux de reprise, soit novembre 2020, à la date à laquelle la décision deviendra définitive au titre du cout des travaux de reprise de la terrasse ;
* la somme de 3.000,00 € au titre des préjudices de jouissance et de désagréments subis ;
* une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner in solidum les intimés aux entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Pôle Avocats.
' Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 3 février 2023, M. [K] [V] et la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) ont demandé de :
infirmer la décision dont appel ;
débouter M. [R] et Mme [U] de toutes leurs demandes ;
condamner in solidum M. [R] et Mme [U] à restituer à la société MAF la somme de 9.911,30 € au titre des paiements intervenus au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter du paiement, et à M. [V] la somme de 523,46 € au titre de sa franchise avec intérêts au taux légal à compter du paiement ;
condamner la société BONNET ET FILS à garantir M. [V] et la société MAF de toutes condamnations pouvant être mises à leur charge, et à tout le moins la condamner à garantir à hauteur de 60 % retenus par l'expert judiciaire ;
« Dire et juger que les demandes financières devront en tout état de cause être réduites de la somme de 9 936,72 €. » ;
confirmer le jugement déféré pour le surplus ;
condamner la société BONNET ET FILS à garantir M. [V] et la société MAF de toutes condamnations qui pourraient être mises à leur charge et, à tout le moins, la condamner à garantir à hauteur de 60 % tel que proposé par l'expert judiciaire ;
condamner solidairement M. [R] et Mme [U] ainsi que la société BONNET ET FILS à payer à M. [V] et la société MAF une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
' Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 22 mars 2023, la SARL ETS BONNET ET FILS a demandé de :
au visa des dispositions des articles 1103, 1104, 1231-1, 1353 du Code civil ainsi que des articles 6, 9 et 700 du code de procédure civile ;
[à titre prinicpal] ;
confirmer le jugement du 3 octobre 2022 en ce qu'il a :
* rejeté la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société BONNET ET FILS et de M. [V] concernant la non-conformité de la classe de bois choisie ;
* rejeté les autres demandes indemnitaires de M. [R] et Mme [U] ;
infirmer le jugement du 3 octobre 2022 en ce qu'il a :
* déclaré la société BONNET et FILS et M. [V] responsables in solidum sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil des désordres affectant la structure de la terrasse bois commandée et facturée le 9 mars 2019 ;
* condamné in solidum la société BONNET et FILS, M. [V] et son assureur la MAF à payer à M. [R] et à Mme [U] la somme de 15.922,00 euros HT en réparation de leur préjudice matériel ;
* fixé le partage de responsabilités entre coobligés comme suit :
la société BONNET ET FILS à hauteur de 60 % ;
M. [V], assuré auprès de la MAF, à hauteur de 40 % ;
* condamné la SARL BONNET et FILS à garantir M. [V] et son assureur la société MAF à hauteur de 60 % des condamnations prononcées à son encontre au titre de la réparation du préjudice matériel ;
* condamné in solidum la SARL BONNET ET FILS, M. [V] et son assureur la société MAF à payer à M. [R] et à Mme [U] une indemnité de 7.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* rejeté les demandes de la société BONNET et FILS, de M. [V] et de la société MAF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné in solidum la société BONNET ET FILS, M. [V] et son assureur la société MAF aux dépens comprenant ceux de l'ordonnance de référé et les frais d'expertise judiciaire ;
* condamné la société BONNET ET FILS à garantir M. [V] et la société MAF des condamnations prononcées à leur encontre, à hauteur de 60 % au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
* condamné in solidum M. [V] et la société MAF à garantir la société BONNET ET FILS des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 40 % au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
en conséquence, statuant à nouveau ;
débouter M. [R] et Mme [U] de leurs demandes dirigées contre la société BONNET ET FILS ;
condamner in solidum M. [R] et Mme [U] à restituer à la société BONNET ET FILS la somme de 8.202,76 € au titre des paiements intervenus, avec intérêt au taux légal à compter du paiement ;
à titre subsidiaire :
confirmer le jugement du 3 octobre 2022 en ce qu'il a limité le préjudice de M. [R] et Mme [U] à la somme de 15.922,00 euros HT ;
condamner in solidum M. [V] et la société MAF à garantir la société BONNET ET FILS de toutes condamnations ;
en cas de partage de responsabilité avec la société BONNET ET FILS au titre de son obligation de conseil avec la circonstance qu'elle ne connaissait pas le projet d'ensemble, ordonner un partage de responsabilité et limiter à 10% la part susceptible d'être imputée à la société BONNET ET FILS ;
à défaut,sinon confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum M. [V] et la société MAF à garantir la société BONNET et FILS des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 40 % au titre de la réparation du préjudice matériel ;
en tout état de cause :
rejeter toutes demandes dirigées contre la société ETS BONNET ET FILS ;
condamner solidairement M. [R] et Mme [U] à payer à la société BONNET ET FILS une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner solidairement M. [R] et Mme [U] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 4 avril 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale du 10 juin 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 17 septembre 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur les responsabilités
L'examen du rapport d'expertise judiciaire du 25 novembre 2020 de Mme [Z] [M] amène notamment à constater et à retenir que :
' le chantier de la maison de M. [R] et Mme [U] a commencé en mars 2018 conformément à un permis de construire accordé le 5 décembre 2017 et n'a pas été achevé en ce qui concerne les finitions intérieures et extérieures ainsi que la réalisation de la terrasse périphérique, celle-ci ayant donné lieu à une situation de travaux impayée à hauteur de 9.169,68 € TTC et ayant été en définitive enlevée en cours de chantier ;
' la maîtrise d''uvre confiée à M. [V] comprenait les travaux d'études, l'instruction du dossier de permis de construire et le suivi du chantier de gros-'uvre et ossature bois de la terrasse uniquement ; ;
' la réalisation du lot de Charpentes - Terrasse a été confiée à la société BONNET ET FILS ;
' sur la base d'un rapport de diagnostic de bureau d'études techniques Sylva Conseil du 2 juillet 2019, M. [R] et Mme [U] formulent à juste titre comme griefs concernant la terrasse la non-conformité de la qualité du bois au regard des DTU 31.1 et 51.4 (défaut de traitement du bois constituant les solives et les poutres porteuses, défaut de choix d'un bois de classe 4 au regard des conditions climatiques d'humidification dans la commune de [Localité 10], conception générale de l'ouvrage piégeant l'eau avec majorité de la terrasse non protégée des intempéries, absence de longévité au regard de la durabilité fongique, impossibilité de reprise pérenne) ainsi que des non-conformités concernant les attaches attaches et appuis, un léger sous-dimensionnement à la flèche pour trois solives de la zone 2, un sous-dimensionnement important de la poutre porteuse au droit de l'appui et un sous-dimensionnement très important et de conception dangereuse en ce qui concerne les poutres porteuses 1 et 2 ;
' ces désordres compromettent la solidité de cet ouvrage non achevé et le rendent impropre à sa destination, la géométrie de la majorité des attaches, la composition du bois et le plattelage restant à effectuer ne permettant aucun correctif sur les désordres de construction ;
' d'autres défauts sont mis en évidence : entailles excessives dans la mise en 'uvre des pièces assemblées, assemblages non ajustés, absence d'entretoises, rondelles insuffisantes et décalages de niveau concernant les assemblages, poutres porteuses fortement entaillées, rétention d'eau ;
' l'architecte a fourni la conception, le descriptif et les plans de la terrasse, ce plan n'étant toutefois pas assez précis pour l'exécution de l'ouvrage et n'ayant pas fait l'objet d'une étude en matière de structure bois. ;
' l'artisan des travaux de la terrasse n'a lui-même pas respecté les DTU ;
' la solution réparatoire repose sur une dépose totale de la terrasse, l'ouvrage étant défaillant et ayant d'ailleurs nécessité la dépose totale de l'ossature de la terrasse le 7 septembre 2020.
Appliquant les principes de la responsabilité civile contractuelle de droit commun tels que prévus à l'article 1231-1 du Code civil, qui dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. », le premier juge a écarté les grief de mauvaise classe de bois choisie en ce que cette classe n'avait fait l'objet d'aucune spécification dans le contrat mais a retenu les autres désordres listés par l'expert, en termes de fautes d'exécution et de conception. Le premier juge a ainsi opéré un partage de responsabilité entre l'architecte et l'artisan à hauteur respectivement de 60 % et de 40 % dans leurs rapports définitifs entre eux.
M. [R] et Mme [U] font d'abord à juste titre observer que la non-conformité de la classe de bois choisie engage la responsabilité de l'architecte et de l'artisan, ceux-ci étant en tout état de cause et quelles que soient les clauses du contrat tenus de se conformer aux DTU applicables dans le cadre du respect général de conformité aux règles de l'art, même si le contrat demeure taisant sur l'incidence de ces réglementations techniques. Il est de toute façon fait mention au contrat de l'engagement de conformité aux DTU applicables.
En tout état de cause, les éléments de responsabilité retenus par le premier juge, en l'espèce la mauvaise qualité du bois choisi sans tenir compte des DTU applicables, les malfaçons de mise en 'uvre des poutres dans des conditions piégeant l'eau, le fait de l'absence de protection et de pérennité de la plus grande partie de la terrasse au regard de la qualité du bois, l'absence de longévité au regard de la durabilité fongique, l'impossibilité de reprise pérenne, le sous-dimensionnement très important et de conception dangereuse en ce qui concerne les poutres porteuses 1 et 2 et la solution réparatoire imposant en définitive la dépose totale de l'ouvrage et son remplacement objectivent un manquement de l'architecte dans son obligation de moyens et un manquement de l'artisan dans son obligation de résultat, en application des dispositions précitées de l'article 1131-1 du Code civil.
Il appartenait en effet spécifiquement à l'architecte, chargé de la maîtrise d''uvre, de la conception et de l'élaboration des plans de la terrasse sur la base de prescriptions techniques et de descriptif précis ainsi que du suivi du chantier, de vérifier, le cas échéant en recourant aux frais du maître d'ouvrage à un bureau d'études techniques, la qualité du bois et sa conformité par rapport au secteur climatique et pluviométrique de l'emprise de la maison au regard des DTU applicables. Par ailleurs la plus grande partie de la terrasse n'était pas protégée des intempéries, ce qui justifiait d'autant plus de vérifier la conformité de la classe du bois employé. Il ressort également que l'architecte n'a pas établi des plans plus précis pour permettre l'exécution des travaux de la terrasse dans des conditions optimales. Enfin, il lui incombait de veiller à la prévention du sous-dimensionnement important de la poutre porteuse au droit de l'appui et du sous-dimensionnement très important et de conception dangereuse en ce qui concerne les poutres porteuses 1 et 2, d'éviter une conception générale piégeant l'eau et d'assurer la durabilité fongique de l'ouvrage. Si l'architecte maître d''uvre n'est effectivement pas en permanence un surveillant de chantier, le choix de la qualité de bois et la surveillance du bon dimensionnement des poutres relevaient particulièrement de sa responsabilité en matière de conception de l'ouvrage et de suivi du chantier en découlant.
Il incombait de plus spécifiquement à l'artisan de faire en sorte d'utiliser un bois de classe 4 conforme au secteur climatique et pluviométrique d'intervention au regard des DTU applicables, même si la catégorie de bois avait été choisie par l'architecte en charge de la conception. Ce dernier ne peut raisonnablement affirmer à ce sujet qu'il ignorait qu'il s'agissait d'une terrasse extérieure et que la classe 4 du bois choisi n'auraient donc pas été nécessaire. En effet, bien qu'il n'ait été en contact direct qu'avec l'architecte maître d''uvre et non avec le maître d'ouvrage, il ne pouvait sérieusement ignorer, eu égard aux dimensions de cette terrasse excluant par nature une intégration de cette partie de l'ouvrage dans le bâti d'habitation et à l'absence dans les plans de projet de couverture propre à cette terrasse ne disposant d'aucune structure de montage d'éléments de couverture, qu'il ne pouvait s'agir que d'une terrasse extérieure. Il lui incombait par ailleurs de mettre en 'uvre une géométrie des attaches susceptibles de permettre des reprises ponctuelles, d'éviter le sous-dimensionnement important de la poutre porteuse au droit de l'appui ainsi que le sous-dimensionnement très important et de conception dangereuse en ce qui concerne les poutres porteuses 1 et 2, même si les sections de bois avaient été choisies par l'architecte.
Ces fautes de mauvais choix de catégories de bois au regard de la climatologie du lieu d'emprise de la maison et des DTU applicables ainsi que de mauvaises sections d'une partie des poutres de l'ossature de la terrasse ont en elles-mêmes pour conséquences de compromettre la solidité et la pérennité de la structure de l'ouvrage à un point tel qu'il s'est avéré nécessaire de déposer la totalité de cette structure en vue de la reconstruction de la totalité de l'ossature et du solivae de cette terrasse. Ces fautes ont ainsi inutilement imposé au maître d'ouvrage non seulement une terrasse non conforme et inemployable mais également un contretemps dans l'exécution de ses projets de construction du fait de la contrainte de dépose et de reconstruction. Le lien de causalité apparaît en conséquence suffisamment établi entre les fautes commises par le maître d''uvre et le locateur d'ouvrage et les dommages soufferts par les maîtres d'ouvrage.
Ces responsabilités seront déclarées in solidum, le maître d''uvre et le locateur d'ouvrage ayant chacun concouru à la réalisation des entiers dommages envers les maîtres d'ouvrage.
Dans ces conditions, la faute de M. [V] au regard de son obligation contractuelle de moyens et celle de la société BONNET ET FILS au regard de son obligation contractuelle de résultat apparaissent suffisamment caractérisées, ce qui amène à confirmer le jugement de première instance en ce qu'il les a tous les deux déclarés responsables in solidum, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil, de la survenance et des conséquences dommageables de ces désordres de construction, sauf à infirmer ce même jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société BONNET ET FILS et M. [V] en ce qui concerne la non-conformité la classe de bois choisie.
Compte tenu de la maîtrise d''uvre complète ayant été confiée à M. [V], de l'absence de tous contacts directs entre la société BONNET ET FILS d'une part et M. [R] et Mme [U] d'autre part, imposant de ce fait au maître d''uvre un surcroît d'obligation de surveillance du chantier d'exécution de la terrasse, ainsi que des choix initiaux de M. [V] concernant la catégorie de bois qui s'est avérée inadéquate et les sections de poutres qui se sont avérées insuffisantes, les parts de responsabilité entre le maître d''uvre et l'exécutant de travaux dans leurs rapports définitifs entre eux doivent être fixées respectivement à 60 % à la charge de M. [V] et à 40 % à la charge de la société BONNET ET FILS, par infirmation en conséquence du jugement de première instance sur ce chef de décision.
Il est sans objet de prononcer subséquemment des condamnations à garanties entre M. [V] et la société BONNET ET FILS et son assureur la société MAF sur ces partages respectifs de responsabilité, celles-ci étant induites par la fixation de chacun de ces pourcentages.
La société MAF ne contestant pas le principe de la mobilisation de sa garantie contractuelle à l'égard de M. [V], le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à garantir son assuré des conséquences dommageables de ces désordres de construction.
2/ Sur les réparations
En ce qui concerne la réparation principale au titre du préjudice matériel, le premier juge a fait application du principe de réparation intégrale, fixant ce poste de préjudice à la somme de 15.902,00 € HT en référence au coût d'une terrasse conforme aux règles de l'art et aux DTU par une entreprise spécialisée disposant d'un bureau d'études intégré. M. [R] et Mme [U] contestent la limitation de cette indemnisation à la somme de 15.902,00 €, réclamant en lieu et place dans le cadre de leur appel en rehaussement celle de 23.079,72 € TTC, outre indexation précitée, sur la base d'un devis d'entreprise spécialisée. Cet arrêté de créance alléguée résulte d'un devis de travaux de reprise à hauteur de 22.933,10 € HT, dont à déduire les frais de dépose de l'ancienne terrasse à hauteur de 3.700,00 € HT, soit la somme totale nette de 19.233,10 € HT, soit 23.079,72 € TTC avec TVA de 20 %.
En l'occurrence, force est de constater qu'il n'existe actuellement plus aucun préjudice matériel indemnisable à l'égard de M. [R] et Mme [U]. En effet, ainsi que l'objectent utilement M. [V] et la société MAF, le coût de la terrasse n'a jamais été réglé par les maîtres d'ouvrage tandis que la dépose et l'enlèvement de l'intégralité des éléments de cet ouvrage défectueux et non conforme ont été effectués en cours de chantier à compter du 7 septembre 2020 sur deux jours aux seuls frais et contraintes de la société BONNET ET FILS, permettant ainsi à tout moment la reprise de ce poste de travaux. Sauf à bénéficier d'un inrichissement injustifié par la fourniture d'une prestation de travaux totalement gratuite, M. [R] et Mme [U] ne peuvent revendiquer en allégation de préjudice matériel la construction d'une terrasse dont ils envisageaient en tout état de cause de financer personnellement le prix.
Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé en sa décision de condamnation de la société BONNET ET FILS, de M. [V] et de la société MAF à payer au profit de M. [R] et Mme [U] la somme de 15.922,00 € HT, outre indexation, à titre de préjudice matériel tandis que ces derniers seront déboutés de leur demande de rehaussement de cette condamnation pécuniaire à la somme de 23.079,72 € TTC, outre indexation.
Compte tenu de la construction d'une terrasse totalement impropre à sa destination, ces travaux mal exécutés ayant par ailleurs nécessité la dépose et l'enlèvement complets de cette partie de l'ouvrage, M. [R] et Mme [U] ne peuvent être condamnés à en acquitter le prix envers la société BONNET ET FILS.
Il convient de rappeler que M. [R] et Mme [U] ne relèvent pas appel de la condamnation pécuniaire dont ils ont fait l'objet envers la société BONNET ET FILS à hauteur de la somme de 7.641,40 € au titre de la facture du 7 mars 2019.
Il est indéniable que M. [R] et Mme [U] ont souffert d'un préjudice moral distinct, non pas de jouissance mais de désagrément et de tracasseries du fait du contretemps occasionné dans la livraison de la terrasse. Ce préjudice résulte directement des graves désordres de construction ayant nécessité la dépose et l'enlèvement complet de cette partie de l'ouvrage. En effet, s'ils ne peuvent objectiver un préjudice de jouissance faute de justifier qu'ils habitent cette maison en dépit de leurs affirmations contraire à ce sujet, le préjudice moral de désagrément consécutif d'une part aux tracasseries résultant des désordres de construction et d'autre part du différé d'occupation de leur maison et de leur terrasse d'agrément apparaît suffisamment caractérisé. Ce poste de préjudice apparaît devoir être indemnisé à hauteur de la somme de 3.000,00 €. Dans ces conditions, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de réparation de M. [R] et Mme [U] en allégation de préjudice de jouissance et infirmé en ce qu'il a rejeté leur demande de réparation du préjudice moral de désagrément et de tracasseries.
3/ Sur les autres demandes
En procédure d'appel, il est sans objet de condamner l'une quelconque des parties au remboursement de sommes le cas échéant indûment perçues au titre de l'exécution provisoire s'attachant au jugement de première instance, les éventuelles restitutions à la charge des parties étant de droit en lecture de la décision prononcée en cause d'appel.
M. [V] et la société MAF demandent la prise en déduction d'une somme de 9.936,72 €, indiquant que cette somme n'aurait jamais été réglée par les maîtres d'ouvrage à la société BONNET ET FILS. Or, cette dernière ne formule aucune demande de ce type dans le dispositif de ses conclusions. Ce chef de demande sera en conséquence rejeté.
Le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses décisions en matière d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'imputation des dépens de première instance, incluant les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées.
Chacune des parties échouant partiellement dans ses prétentions, l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque d'entre elles.
Enfin, succombant à l'instance en cause d'appel, M. [V] et la société MAF ainsi que la société BONNET ET FILS en supporteront les entiers dépens, étant rappelé que les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées sont déjà inclus dans les dépens de première instance.
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT
ET CONTRADICTOIREMENT.
Confirme le jugement n° RG-21/00839 rendu le 3 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ce qu'il a :
déclaré la SARL BONNET ET FILS et M. [K] [V] responsables in solidum, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil, des désordres affectant la structure de la terrasse bois commandée et facturée le 9 mars 2019 ;
condamné la société société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) à garantir son assuré M. [K] [V].
débouté M. [H] [R] et Mme [Y] [U] de leur demande de réparation en allégation de préjudice de jouissance.
Infirme ce même jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'engagement de la responsabilité contractuelle de la SARL BONNET ET FILS et de M. [K] [V] au titre de la non-conformité de la classe de bois choisie ;
- condamné in solidum la société BONNET ET FILS, M. [K] [V] et la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) à payer à M. [H] [R] et Mme [Y] [U] la somme de 15.922,00 € HT à titre de préjudice matériel ;
- débouté M. [H] [R] et Mme [Y] [U] de leur demande de réparation de préjudiced'agrément.
Statuant de nouveau, condamne in solidum la SARL BONNET ET FILS et M. [K] [V], sous la garantie de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), à payer au profit de M. [H] [R] et Mme [Y] [U] la somme de 3.000,00 €, en réparation de leur préjudice de désagrément.
Infirme ce même jugement en ce qu'il a fixé le partage de responsabilité à hauteur de 60 % à la charge de la SARL BONNET ET FILS et à hauteur de 40 % à la charge de M. [K] [V], assuré auprès de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), ainsi que sur les condamnation en garantie qui y sont afférentes entrent d'une part la SARL BONNET ET FILS et d'autre part M. [K] [V], assuré auprès de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF).
Statuant de nouveau, fixe le partage de responsabilité à hauteur de 40 % à la charge de la SARL BONNET ET FILS et à hauteur de 60 % à la charge de M. [K] [V], assuré auprès de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), ce partage définitif de responsabilité s'appliquant à toute les condamnations pécuniaires prononcées à l'occasion de la présente instance.
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les actions en garantie qui y sont afférentes entre d'une part la SARL BONNET ET FILS et d'autre part M. [K] [V], assuré auprès de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), celles-ci étant de droit.
Confirme ce même jugement en ce qu'il a rejeté les autres demandes des parties.
Confirme ce même jugement en toutes ses décisions en matière d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'imputation des dépens de première instance, incluant les dépens et frais afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées.
Constate qu'aucun appel n'a été interjeté en ce qui concerne la condamnation de M. [H] [R] et Mme [Y] [U] à payer au profit de la SARL BONNET ET FILS la somme de 7.641,40 € HT au titre de la facture du 7 mars 2019.
Y ajoutant.
Rejette le surplus des demandes des parties.
Condamne in solidum la SARL BONNET ET FILS et M. [K] [V], sous la garantie de la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), aux entiers dépens de l'instance.
Le greffier Le président