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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 17 septembre 2024, n° 23/00770

BESANÇON

Arrêt

Autre

CA Besançon n° 23/00770

17 septembre 2024

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

PM/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00770 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EUI3

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mai 2023 - RG N°23/00133 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTBELIARD

Code affaire : 50G - Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, Conseillers.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

L'affaire a été examinée en audience publique du 11 juin 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Madame Bénédicte MANTEAUX et Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. IMM-Z CONSTRUCTION

Sise [Adresse 4]

Inscrite nau RCS de Belfort sous le numéro 895 382 018

Représentée par Me Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

INTIMÉE

Madame [H] [G]

née le 01 Février 1964 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Pierre-Etienne MAILLARD, avocat au barreau de MONTBELIARD

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La SAS « Imm-Z Construction » (ci-après dénommée société « Imm-Z »), après avoir entrepris des travaux de construction de plusieurs maisons d'habitation, a souscrit, suivant acte sous-seing privé en date du 24 février 2022, un compromis de vente avec Mme [H] [G] concernant une maison d'habitation située sur le territoire de la commune de [Localité 6], [Adresse 7], immeuble cadastré à la section AC sous les numéros [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. Le prix était fixé à la somme de 220 000 euros et il était spécifié à l'acte que des travaux restaient à réaliser, le terme pour y procéder étant fixé au 10 mai 2022. Le montant du prix a ensuite été réduit à la somme de 200 000 euros, suivant acte sous seing privé rectificatif en date du 12 avril 2022.

Mme [G] s'est installée dans les lieux avant la régularisation de l'acte authentique. Les relations se sont alors dégradées entre elle et le vendeur d'immeuble et diverses plaintes, déposées de part et d'autre, ont émaillé cette période de mésentente. Le 21 décembre 2022, la société promettante a notifié à son partenaire la résolution anticipée du compromis. La bénéficiaire lui a fait sommation de se rendre au rendez-vous fixé par le notaire aux fins de signature de l'acte authentique. La défaillance du vendeur d'immeuble a été constatée suivant procès-verbal de carence, établi par commissaire de justice en date du 26 décembre 2022. La bénéficiaire de la promesse a alors saisi le tribunal judiciaire de Montbéliard, suivant acte de commissaire de justice en date du 30 janvier 2023 dans le cadre d'une procédure à jour fixe autorisée par le président de la juridiction en vertu d'une ordonnance en date du 25 janvier précédent. Dans un jugement daté du 10 mai 2023, le tribunal a :

Rejeté la fin de non-recevoir soulevé par la SAS « Imm-Z »;

Déclaré la demande de Mme [H] [G] irrecevable.

Au fond :

Déclaré parfaite la vente intervenue par acte sous-seing privé en date du 22 février 2022 modifié par avenant du 12 avril 2022, de la maison d'habitation sise [Adresse 3] à [Localité 6], sur un terrain d'une superficie de 4,72 ares à prendre sur des parcelles de plus grande contenance figurant au cadastre, section AC n° [Cadastre 1] et section AC n° [Cadastre 2] par la SAS « Imm-Z » au profit de Madame [H] [G] au prix de 200 000 euros ;

Constaté la réalisation de la vente à la date du présent jugement qui vaudra acte de vente et qui sera publié au Service de la Publicité Foncière ;

Dit que la SAS « Imm-Z » sera tenue, autant que de besoin, de réaliser la division parcellaire nécessaire à la conformité de la vente ;

Condamné la SAS « Imm-Z » à payer à Madame [H] [G] la somme de 22 000 euros au titre des pénalités prévues à l'acte ;

Débouté Madame [H] [G] de sa demande de consignation de la somme de 80 000 euros sur le prix de vente ;

Dit que Madame [H] [G] versera le prix de vente, soit 200 000 euros au profit de la SAS « Imm-Z » ;

Condamné la SAS « Imm-Z » à payer à Madame [H] [G] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné la compensation des créances réciproques des parties à la date d'exigibilité de la première d'entre elles ;

Débouté les parties de toute demande plus amples ou contraires ;

Condamné la SAS « Imm-Z » aux entiers dépens ;

Rappelé l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

Pour se déterminer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que:

L'assignation introductive d'instance, s'agissant d'un contrat préliminaire, est soumise à un régime facultatif de publication au service de la publicité foncière.

Les conditions suspensives stipulées à l'acte l'ont été en faveur de l'acquéreur si bien qu''il est seul à même d'y renoncer, ce dont il se déduit que le promettant ne peut en invoquer la défaillance à son bénéfice.

Le dépassement du délai de réitération ne prive pas l'acquéreur du bénéfice du compromis mais l'habilite seulement à engager une action contentieuse pour ce faire, ce dont il résulte que la partie adverse ne peut valablement exciper d'une fin de non-recevoir sur ce fondement.

En l'absence de précision dans le compromis au sujet des modalités de saisine de la juridiction aux fins de réitération de la vente, il y a lieu de tenir pour efficiente la saisine du président du tribunal aux fins de délivrance d'une autorisation d'assignation à jour fixe, requête interruptive du délai d'action.

* * *

Suivant déclaration en date du 24 mai 2023, formalisée par voie électronique, la société « Imm-Z » a interjeté appel du jugement rendu, contestant principalement la reconnaissance du caractère parfait de la vente régularisée par l'avant-contrat. Dans le dernier état de ses écritures, en date du 7 août 2023, elle sollicite l'infirmation de ce jugement et invite la cour à statuer dans le sens suivant :

A titre principal:

Réformer en toutes ces dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Montbéliard le 10 mai 2023.

Statuant à nouveau:

Déclarer irrecevable, en tout cas mal fondée, la demande principale de Madame [G] tendant à voir prononcer et dire parfaite la vente intervenue suivant acte sous seing privé le 24 février 2022.

A titre subsidiaire :

Prononcer la caducité du compromis de vente du 24 février 2022.

Par conséquent :

- Débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La débouter de sa demande d'application de la clause pénale.

A titre encore plus subsidiaire:

Dire que Madame [G] ne pourra entrer en jouissance qu'après le règlement de l'intégralité du prix de 200 000 euros.

En tant que de besoin, la condamner à payer cette somme à la SAS « Imm-Z ».

Dans tous les cas, condamner Madame [G] à payer à la SAS « Imm-Z » la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700.

La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Alexandre Bergelin, Avocat sur ces affirmations de droit.

Elle fait valoir, à cet égard, que :

La demande en réitération de la vente introduite par le bénéficiaire du compromis encourt l'irrecevabilité pour défaut de publication de l'assignation au service de conservation des hypothèques conformément aux dispositions des articles 28-4° et 30-5° du décret du 4 janvier 1955.

Le compromis de vente prévoyait expressément que l'action judiciaire, en cas de refus du promettant ou du bénéficiaire de réitérer la vente par acte authentique, était enfermée dans le délai d'un mois à compter de la défaillance de l'une des parties à l'avant-contrat. S'il n'est pas contesté que le concluant ne s'est pas présenté à l'office notarial à la date du 26 décembre 2022, l'action en réitération de la vente diligentée par l'acquéreuse n'a été régularisée que par assignation délivrée le 30 janvier de l'année suivante c'est-à-dire au-delà du délai conventionnellement imparti. Ce délai n'étant pas soumis à la règle prohibant les délais conventionnels inférieurs à 1 an, l'objection invoquée par Mme [G] de ce chef est dépourvue de toute pertinence.

Le compromis encourt la caducité puisque la bénéficiaire était tenue de justifier des conditions d'acquisition de la vente immobilière et plus particulièrement le plan de financement de cet investissement, au plus tard le 5 avril 2022 alors même que la société concluante n'a été destinataire d'un plan de financement qu'à compter du 1er juillet de la même année, étant de surcroît relevé que la couverture en solvabilité du prêt était assurée à hauteur de la somme de 51 647,91 euros alors que la somme prévue au départ était de 85 304 euros. De surcroît, les fonds détenus en comptabilité notariale n'ont jamais été débloqués malgré la prorogation du terme de validité du compromis au 15 juin 2022.

Contrairement à ce que soutient l'intéressée, elle a occupé sans droit ni titre le local objet du compromis de vente sans l'autorisation de son propriétaire.

En toute hypothèse, le montant représentatif de la clause pénale, soit la somme de 22 000 euros, ne saurait être mis à la charge de la société concluante eu égard au comportement de la bénéficiaire de la promesse de vente. Subsidiairement sur ce point, l'intimée devra acquitter le paiement de la somme de 178 000 euros au titre du prix de vente de l'immeuble, déduction faite des sommes venant en compensation de la créance en principal.

* * *

En réponse, Mme [H] [G] conclut au débouté des prétentions de la société appelante et se prononce en faveur de la confirmation pure et simple du jugement attaqué. Dans ses ultimes conclusions à portée récapitulative en date du 2 avril 2024, elle invite, mais seulement à titre subsidiaire, la cour à statuer dans le sens suivant :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel.

Subsidiairement :

Juger que le prix de vente de l'immeuble ne sera exigible qu'après accomplissement des démarches administratives incombant au vendeur, de dépôt de la déclaration d'achèvement et de conformité, de paiement de la taxe d'aménagement, de remise de l'imprimé H2 à l'acquéreur, et de découpage de la parcelle par un géomètre, et réalisation des travaux d'achèvement de l'immeuble.

Juger que Madame [G] est créancière :

Du coût des travaux de parachèvement.

Des frais afférents à la taxe d'aménagement et à l'intervention d'un géomètre.

Des dommages et intérêts qui lui ont été accordés à titre de pénalités à hauteur de 22 000 euros.

Juger que la SAS « Imm-Z » ne peut prétendre au paiement du prix de vente pour un montant supérieur à 120 555,26 euros.

Très subsidiairement :

Condamner la SAS « Imm Z » à payer à Madame [H] [G] la somme de 47 210,20 euros au titre de l'enrichissement injustifié dont elle a bénéficié.

Condamner la SAS « Imm-Z » à payer à Madame [H] [G] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner en outre aux entiers dépens.

Elle soutient cet égard que :

La baisse du prix régularisée par avenant en date du 12 avril 2022 est consécutive à des problèmes de trésorerie éprouvés par le vendeur d'immeubles et dans le souci pour lui d'obtenir rapidement des liquidités.

Contrairement aux allégations du vendeur elle n'a jamais squatté les locaux mais s'y est introduite et installée avec le consentement de celui-ci, étant souligné qu'il l'a même autorisée à procéder à des travaux de finition dont il a contrôlé la bonne fin. La transmission du rapport du Consuel par le vendeur d'immeubles atteste de l'acceptation par celui-ci de la prise de possession anticipée des lieux.

L'assignation en réitération de la vente n'est pas soumise, contrairement aux assertions de la société demanderesse, à une publication préalable au service de publicité foncière. Cette formalité, en l'occurrence, n'est que facultative en application des dispositions de l'article 37 du décret du 2 janvier 1955.

Contrairement aux allégations de la société appelante, cette action en réitération de la vente, consécutive à la défaillance du promettant, a bien été exercée dans le délai imparti puisque formalisée par une requête en vue d'être autorisée à assigner à jour fixe avant le terme du délai d'un mois. En toute hypothèse, en vertu des dispositions de l'article 2254 du code civil, tout délai conventionnel de prescription inférieur à 1 an est illicite.

Les fonds représentatifs du prix de vente étaient bien à la disposition du notaire à la date à laquelle l'acte authentique de vente pouvait être régularisé, soit au plus tard au mois de juillet 2022, date à laquelle, eu égard à la réalisation des conditions suspensives, l'option d'achat ne pouvait plus être contestée. Il s'en déduit que rien ne s'opposait à ce qu'elle devienne propriétaire en titre du local litigieux.

La société « Imm-Z » a procédé sans aucune autorisation judiciaire à son expulsion des lieux et lui a par la même occasion subtilisé des effets personnels et des liquidités à hauteur de la somme de 8000 euros.

* * *

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

La société appelante a, avant toute défense au fond, excipé de l'irrecevabilité de l'action motifs pris de ce que la requérante s'est abstenue de publier l'assignation introductive d'instance au service de la publicité foncière et de l'enregistrement. Mais en vertu de l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, la publication d'une demande en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'une vente formalisée par acte sous seing privé n'est que facultative. Ainsi, dès l'instant où l'assignation n'emporte pas, en elle-même, une mutation du droit de propriété, elle ne peut être soumise à la formalité de la publication obligatoirement prévue pour les actes authentiques de vente dans la mesure où elle n'entraine pas, en elle-même, les effets de l'opposabilité aux tiers prévus par l'article 30 du même décret (Cass. 3° Civ. 10 octobre 2020 n° 19-17.549). Le moyen ne saurait donc prospérer.

* * *

La société « Imm-Z » sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande de réitération de la vente par acte authentique, au motif que l'assignation à pareille fin est intervenue postérieurement au délai imparti pour ce faire.

Aux termes de l'article 1589 du code civil:

« La promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix. »

Il y a lieu, avant tout, de relever que le contrat préliminaire souscrit par-devant notaire mais qualifié d'acte sous seing privé, prévoit l'engagement réciproque du promettant de céder l'immeuble et pour le bénéficiaire celui d'en payer le prix. La transaction s'analyse donc en une promesse synallagmatique de vente. La résolution de la promesse a été notifiée par la société « Imm-Z » suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 décembre 2022. Toutefois, la résolution à l'initiative de l'une des parties à une convention bilatérale ne peut intervenir que moyennant la preuve d'une cause grave, conformément aux prescriptions de l'article 1224 du code civil. Force est cependant de constater que la société venderesse ne s'est pas située sur le terrain de la résolution du compromis dans l'intervalle du délai de validité de celui-ci pour dénier tout intérêt à agir à l'intimée.

Cependant, la règle posée à l'article 1589 partiellement sus-reproduit n'est que supplétive de volonté, les parties étant libres de subordonner la perfection de la cession à sa formalisation par acte authentique. Dans ces conditions, le terme du délai fixé pour l'accomplissement de ces formalités n'a pas de caractère extinctif mais autorise seulement la partie la plus diligente à introduire une action judiciaire à l'effet de contraindre la partie récalcitrante à honorer son engagement dérivant de l'avant-contrat.

Au cas d'espèce, le compromis stipule que :

« Si l'une des parties vient à refuser de signer l'acte authentique de vente, l'autre pourra saisir le tribunal compétent dans le délai d'un mois de la constatation de refus (mise en demeure non suivie d'effet, procès-verbal de non-comparution. . .) afin de faire constater la vente par décision de justice (. . .) ».

Dès lors, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, deux délais se succèdent dans la trame qui sous-tend le processus de cession. Le premier concerne la période antérieure à la levée d'option et n'entraine pas, au terme de son échéance, la caducité de la promesse mais ouvre droit à l'engagement d'une procédure en réitération forcée. Le second délai est relatif à cette action contentieuse conçue comme un palliatif à la défaillance de l'une des parties et celui-ci, à l'instar de tout délai de saisine d'un organe juridictionnel, s'analyse en un délai de forclusion ou délai préfix. En l'espèce, le délai de levée d'option, dans l'intervalle duquel doivent être réalisées les conditions suspensives, a été prorogé à plusieurs reprises et son expiration a habilité le bénéficiaire de la promesse à engager une action en reconnaissance forcée de la vente. Le délai de réitération par voie juridictionnelle a été conventionnellement fixé à un mois. S'agissant d'un délai préfix de forclusion, les dispositions de l'article 2254 du code civil qui prohibe le délai conventionnel de prescription inférieur à un an n'ont pas vocation à s'appliquer (Cass. Com 26 janvier 2016 n° 14-23.285).

Le rendez-vous à l'office notarial pour la signature de l'acte de vente a été fixé au 26 décembre 2022. Il convient d'observer que le point de départ du délai ne correspond pas à la date de notification du procès-verbal de carence mais à celle à laquelle il a été établi, en conformité avec les stipulations du compromis. L'absence du promettant a été ainsi constatée par procès-verbal de commissaire de justice daté du même jour. Le délai d'un mois arrivait donc à échéance le 26 janvier 2023, en appliquant une méthode de décompte par quantième en vertu de l'alinéa 2 de l'article 641 CPC s'agissant d'un délai exprimé en mois. Ce jour étant un jeudi non férié, le délai n'était pas automatiquement, et en toute hypothèse, prolongé jusqu'au premier jour ouvrable subséquent. Or l'assignation introductive de l'instance à jour fixe initiée par la bénéficiaire a été délivrée le 30 janvier, soit au delà du délai d'un mois. L'intéressée soutient, cependant, que l'effet interruptif est inhérent à la requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe, laquelle a été déposée le 25 janvier précédent.

Il convient donc de rechercher si la requête en autorisation d'assigner à jour fixe est compatible avec les exigences de la clause sus-reproduite relativement au délai d'un mois pour introduire l'action en réitération.

En vertu de l'article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de procédure. L'article 53 du code de procédure civile énonce que:

« La demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions. Elle introduit l'instance.»

Toutefois, les formalités préalables à l'introduction de l'instance n'ont pas pour objet de soumettre au juge une prétention mais uniquement à conditionner l'accomplissement d'une telle diligence. Elles sont donc détachables de la démarche visant à engager une procédure contentieuse et ne participent pas d'un processus indivisible conférant à la requête initiale un effet interruptif du délai de forclusion (Pour une requête en inscription provisoire de nantissement: Cass. 2° Civ. 22 septembre 2016 n° 15-13.034). Le découplage, sur le plan procédural, entre la requête aux fins d'autorisation à jour fixe et l'instance ultérieure est d'autant plus de mise que l'irrégularité de la première n'entache pas nécessairement de nullité l'assignation délivrée par la suite (Cass. 2° Civ 22 mai 2024 n° 22-12.517), accentuant ainsi la marge d'autonomie entre la requête préalable et la procédure subséquente.

Il s'ensuit que la requête en autorisation d'assignation à jour fixe ne constitue pas la citation en justice exigée pour satisfaire aux obligations procédurales de la partie qui choisit l'option d'une réitération forcée. De surcroît, à la lettre du texte conventionnel, seule la saisine du juge compétent pour statuer sur une telle demande permet de regarder comme accomplie la formalité stipulée à la clause sus-visée. Or la juridiction présidentielle qui délivre l'autorisation d'introduire l'instance à jour fixe n'est pas celle à qui est dévolu l'examen de l'affaire au fond. Il s'ensuit que c'est à la date de délivrance de l'acte de commissaire de justice, au demeurant le seul à assurer le caractère contradictoire de l'action introduite, que l'interruption du délai est régularisée, peu important, à cet égard, que l'enrôlement par le greffe soit différé par rapport à cette date.

Il suit des motifs qui précèdent que la partie bénéficiaire de la promesse n'a introduit l'instance en réitération qu'après l'expiration du délai qui lui était imparti pour saisir la juridiction à cet effet, ce qui entache son action en ce sens d'irrecevabilité. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il s'est prononcé en faveur de la recevabilité de la demande.

Mme [G], dans le cas de figure où le moyen d'irrecevabilité était accueilli par la cour, sollicite, dans le cadre d'un appel incident dirigé contre la société venderesse le paiement par son adversaire d'une somme de 47 210,20 euros correspondant à la contre-valeur de travaux de finition entrepris dans le local et d'objets mobiliers dont se serait accaparé le vendeur d'immeuble à la suite de son départ des lieux. La demanderesse à l'appel incident assigne comme seul fondement juridique à ses prétentions la théorie de l'enrichissement injustifié dont le siège réside dans les dispositions de l'article 1303-1 du code civil. Toutefois, à l'instar de toute action quasi-contractuelle, celle-ci est gouvernée par le principe de subsidiarité. L'article 1303-3 du même code énonce, en effet, que:

« L'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit tel que la prescription. »

Il convient donc de vérifier, au cas présent, et pour chacun des chefs de créance dont le paiement est sollicité, si les conditions d'engagement de l'action quasi-contractuelle sont réunies et de restituer, le cas échéant, aux prétentions émises le fondement juridique adéquat en vertu de l'article 12 du code de procédure civile.

Le possesseur évincé peut obtenir compensation des frais exposés pour les travaux de construction d'un ouvrage immobilier en application des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 555 du code civil aux termes desquelles:

« Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d''uvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages. »

L'alinéa suivant du même article spécifie qu'en cas de bonne foi du tiers évincé, le propriétaire dispose du choix de lui rembourser l'une des deux sommes prévues à l'alinéa précédent. En l'occurrence, la bonne foi, en toute hypothèse présumée, résulte à suffisance de deux attestations ([T] et [L]) qui rapportent que le représentant de la société propriétaire était présent sur le chantier et donnait son avis sur les travaux entrepris sous la maîtrise d'ouvrage de l'occupante. A défaut de levée d'option, comme en l'espèce où la société « Imm-Z » s'est abstenue de prendre position sur les prétentions de l'intéressée, il peut être fait droit, le cas échéant, aux seules prétentions exposées par le créancier revendiquant (Cass. 3° Civ 10 novembre 1999 n° 97-21.942).

S'agissant des aménagements intérieurs du local, Mme [G] a produit, à l'appui de ses demandes indemnitaires, plusieurs factures (répertoriées sous les n° 9 à 20 du bordereau de communication de pièces). S'agissant d'une indemnité compensatrice d'une accession immobilière, l'appareillage ménager dissociable de la structure de gros-'uvre ne peut qu'être exclu du champs de prévision de l'action en indemnisation sollicitée. Mais aucune demande réparatrice n'a été formulée sur ce terrain. Il convient, de ce point de vue, de rappeler que l'action « De in rem verso », propre à l'enrichissement injustifié, n'est recevable, à titre subsidiaire, que pour autant que celle fondée sur l'accession immobilière n'a pu prospérer ( Cass. 1° Civ. 19 janvier 2022 n° 20-16.095). Il s'ensuit que faute d'avoir prioritairement fondé ses prétentions de ce chef sur les règles de l'accession, l'intimée ne peut qu'être déboutée de son appel incident sur ce point, étant entendu que la cour ne peut statuer sur un fondement juridique non invoqué sans méconnaître l'objet du litige tel que prévu à l'article 4 CPC.

Les biens meubles entreposés dans le local ne sont pas justiciables de la même analyse. En effet, la règle d'accession de l'article 555 précité n'étant pas applicable, même aux équipements dissociables, et en l'absence de tout référentiel contractuel (contrat de dépôt, prêt à usage. . .) la compensation exigible en cas d'enrichissement injustifié peut servir de mécanisme pondérateur à un transfert patrimonial indu. Il convient donc de rechercher si l'intimée a subi un appauvrissement dont le corolaire est l'enrichissement symétrique de son adversaire. Il résulte des mentions du procès-verbal de constat de commissaire de justice en date du 30 janvier 2023 que M. [M], dirigeant de la société « Imm Z », présent sur les lieux, s'est opposé à la reprise par Mme [G] de tous ses effets personnels alors même que, par l'intermédiaire de son conseil, il avait autorisé l'occupante à le faire. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des écritures des parties, que l'intimée ait pu récupérer depuis les biens dont il n'est pas contesté qu'ils lui appartiennent.

Il convient, à cet égard, de souligner qu'à aucun moment la société venderesse d'immeuble ne s'est prévalue de la qualité de rétenteur gagiste pour accréditer l'idée qu'elle était titulaire d'une sûreté garantissant une créance détenue à l'encontre de la bénéficiaire de la promesse, et ce en vertu des dispositions de l'article 2286 du code civil.

Pour établir un état liquidatif de cette catégorie de créance, il y a lieu de recenser les objets mobiliers indûment retenus et de procéder à leur estimation, en fonction de leur valeur nominale à défaut d'un autre critère mieux ajusté, à partir des factures produites aux débats. La liste des objets manquants, établie unilatéralement par l'occupante évincée, comprend une énumération d'ustensiles ménagers et d'embellissements dont la présence dans les lieux n'est objectivée que pour partie par le constat de commissaire de justice sus-évoqué. L'examen rapproché des factures et du procès-verbal de constat permet de décomposer les différents postes de la créance indemnitaire revendiquée de la manière suivante:

Plantes d'agrément (facture Potiez) : 1166, 95 euros.

Lampe Wagner : 358,00 euros.

Console d'époque : 763,00 euros.

Stocks commerciaux de vêtements : 1004,00 euros.

Réfrigérateur : 589,17 euros.

Lave-vaisselle : 549,99 euros.

Sèche-linge : 590,83 euros.

Soit au total la somme de 5 021,94 euros qui correspondra au montant de la créance indemnitaire de Mme [G]. Le préjudice de jouissance, comme la perte de chiffre d'affaire de l'entreprise à la destinée de laquelle elle préside, n'est aucunement démontré en sorte qu'il ne peut donner lieu à indemnisation. La société « Imm Z » sera tenue d'en acquitter le paiement à son profit avec majoration d'intérêts au taux légal à compter des premières conclusions d'appel de l'intimée, soit le 2 novembre 2023.

L'équité ne commande pas l'application, au cas présent, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera donc l'entière charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation au service de la publicité foncière ;

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la demande de Mme [H] [G] tendant à voir déclarer parfaite la vente immobilière relativement à une maison d'habitation appartenant à la SAS « Imm-Z Construction » située [Adresse 7] à [Localité 6] cadastrée à la section AC sous les n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Condamne la SAS « Imm-Z Construction » à payer à Mme [H] [G] la somme de 5 021,94 euros correspondant à la contre-valeur des objets mobiliers restés entreposés dans le local d'habitation appartenant à cette société, avec majoration d'intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2023.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne Mme [H] [G] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Bergelin, aux offres de droit.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,