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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 17 septembre 2024, n° 24/01458

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/01458

17 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 297

Rôle N° RG 24/01458 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMQ2V

[T] [B] épouse [J]

C/

[W] [O]

[L] [A] épouse [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurent CANTARINI

Me Michel GOUGOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TARASCON en date du 14 Décembre 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 23/01733.

APPELANTE

Madame [T] [B] épouse [J]

née le 18 Mai 1978 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent CANTARINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté par Me Christiane IMBERT-GARGIULO de la SELARL CHRISTIANE IMBERT-GARGIULO / MICKAEL PAVIA, avocat au barreau d'AVIGNON, avocat ayant plaidé

INTIMES ET APPELANTS INCIDENT

Monsieur [W] [O]

né le 20 Août 1969 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

Madame [L] [A] épouse [O]

née le 11 Septembre 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Tous deux représentés et assistés par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER - GOUGOT - BREDEAU- TROEGELER - MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat ayant plaidé

*-*-*-*-*

1

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 5 mars 2021, Mme [T] [B] épouse [J] a vendu à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 7], outre divers meubles, au prix de 480 000 €.

Invoquant des infiltrations importantes d'eau de pluie, les époux [O] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Tarascon d'une demande d'expertise judiciaire qui a été ordonnée par ordonnance du 19 novembre 2021 et confiée à M. [N] [R].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 3 mai 2023.

Par acte du 20 octobre 2023, M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O], régulièrement autorisés, ont assigné Mme [T] [B] épouse [J] à jour fixe en annulation de la vente sur le fondement du dol, et subsidiairement, en résolution de la vente pour vice caché.

L'assignation a été publiée au service de la publicité foncière le 6 novembre 2023.

Par jugement en date du 14 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Tarascon a :

prononcé l'annulation, pour cause de dol, du contrat de vente conclu, suivant acte authentique reçu par maître [Y] [C], notaire, le 5 mars 2021, entre Mme [T] [B] épouse [J], d' une part, et M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O], d'autre part, portant sur un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de [Localité 7] (13), figurant au cadastre section AV, n°[Cadastre 3], lieudit, [Adresse 1], d'une contenance de 13 ares et 43 centiares, ainsi que sur les biens mobiliers suivants : colonne à étagères, meuble de rangement, lit simple de couchage, meuble de salon en rotin, éléments (hauts et bas) de cuisine intégrés, combiné congélateur-réfrigérateur, lave-vaisselle, four intégré, plaque de cuisson gaz cinq feux, hotte et robot piscine,

- 2-

condamné, en conséquence, Mme [T] [B] épouse [J] à restituer à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] la somme de 480 000 euros,

dit qu'en contrepartie, M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] seront tenus de restituer à Mme [T] [B] épouse [J], le bien immobilier figurant au cadastre de la commune de [Localité 7] (13) section AV, n°[Cadastre 3], lieudit [Adresse 1], ainsi que les biens mobiliers listés clans le contrat de vente,

dit que la restitution de l'immeuble interviendra dans le délai de trois mois après que le présent jugement sera devenu définitif et, au plus tard, un mois après la consignation du prix par Mme [T] [B] épouse [J] entre les mains du notaire instrumentaire,

condamné Mme [T] [B] épouse [J] à payer à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] les sommes de :

5 573,74 euros en remboursement des frais de notaire,

3 996,38 euros en remboursement des taxes foncières pour 2021, 2022 et 2023,

6 600 euros en remboursement des frais de déménagement,

8 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux,

' condamné Mme [T] [B] épouse [J] à payer à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] la somme de 1 980,94 euros en remboursement des cotisations d'assurance habitation qu'ils ont réglés pour la période qui s'étend du 5 mars 2021 au 31 octobre 2023 ainsi que la somme mensuelle de 68,04 euros à compter du 1er novembre 2023, et ce jusqu'à la restitution du bien immobilier,

' dit que le présent jugement sera publié au service de la publicité foncière du lieu de situation de l'immeuble à la charge de la partie la plus diligente en application de l'article 28 du décret n°22-55 du 4janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, et dit que Mme [T] [B] épouse [J] en supportera les frais,

' débouté les parties du surplus de leurs demandes,

' condamné Mme [T] [B] épouse [J] à verser à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné Mme [T] [B] épouse [J] aux entiers dépens de la présente instance y compris les frais d'expertise judiciaire et les frais relatifs au procès-verbal de constat d'huissier de justice du 30 avril 2021,

' rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement était de droit et dit n'y avoir lieu à l'écarter en tout ou partie.

Le tribunal a rejeté la demande de contre-expertise présentée par Mme [T] [B] épouse [J], estimant que le rapport de M. [R] avait été réalisé contradictoirement, avait présenté des observations sur les critiques émises par celle-ci, ne présentait ni lacune, ni carence, ni contradiction, la mission ayant été réalisée avec sérieux et compétence.

S'agissant des désordres, le tribunal a retenu que la cause des infiltrations multiples provient de non conformités et de malfaçons d'exécution affectant la noue de la toiture, de non conformités et de malfaçons dans la réalisation du réseau d'évacuation des eaux de pluie, de la non conformité des pentes des terrasses extérieures et du mauvais positionnement des siphons de sol, de la non conformité du traitement de l'étanchéité entre la maçonnerie et la menuiserie, certains désordres ayant donné lieu à des réparations non pérennes réalisées à l'aide d'une peinture caoutchouteuse. Le tribunal a considéré que ces désordres étaient antérieurs à la vente et nécessairement connu par Mme [T] [B] épouse [J] dans leur ampleur et leurs conséquences, compte tenu de sa durée d'occupation du bien pendant 4 ans (du 9 janvier 2017 au 5 mars 2021), des traces observées lors de la vente, de l'importance des infiltrations constatées à peine deux mois après celle-ci, et ce, bien qu'elle indique n'avoir réalisé aucun travaux de réparation ou d'embellissement dans le bien, avoir régulièrement entretenu les évacuations d'eau de pluie, ce qui n'est pas en cause, et bien qu'elle ait assuré n'avoir subi aucun dégât des eaux, élément contredit par les constatations expertales. En revanche, le tribunal a estimé que les acquéreurs n'en avaient pas connaissance dans leur ampleur et leurs conséquences lors de la vente.

Le tribunal a caractérisé la réticence dolosive de Mme [T] [B] épouse [J] ayant déterminé les acheteurs dans leur intention d'acquérir le bien à ce prix, de sorte que le dol devait être retenu et justifiait l'annulation de la vente au vu de leur gravité et du montant des travaux de reprise (84 969 €), avec les restitutions réciproques induites.

- 3-

Au titre des préjudices induits, le tribunal a retenu, à la charge de Mme [T] [B] épouse [J], le remboursement aux acquéreurs des frais de notaire stricto sensu, sous déduction des impôts et taxes liés à la vente et restituables auprès de l'administration fiscale en cas d'annulation de la vente, des taxes foncières acquittées entre 2021 et 2023, des cotisations de l'assurance habitation souscrite pour le bien depuis le 5 mars 2021 et jusqu'à restitution du bien, des frais de déménagement, d'un préjudice moral à hauteur de 8 000 € pour avoir vécu pendant trois ans dans une maison subissant d'importantes infiltrations d'eau de pluie. En revanche, le tribunal a écarté les frais de relogement et de grade-meubles invoqués par les époux [O] comme étant non justifiés, ainsi que les frais liés à un surcoût d'électricité.

Selon déclaration reçue au greffe le 7 février 2024, Mme [T] [B] épouse [J] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 16 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [T] [B] épouse [J] sollicite de la cour qu'elle :

infirme la décision en toutes ses dispositions,

Avant dire droit :

ordonne une mesure d'expertise,

Sur le fond :

À titre principal :

juge qu'elle n'a commis aucun dol à l'endroit des époux [O],

juge que les intimés ne démontrent pas une quelconque connaissance d'un vice par elle,

juge que la clause d'exclusion des vices cachés figurant à l'acte de vente du 5 mars 2021 doit trouver plein et entier effet,

En conséquence :

' déboute les époux [O] de l'ensemble de leur demandes à son encontre,

A titre subsidiaire :

Dans l'hypothèse où la cour retient l'annulation ou la résolution de la vente :

' confirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé les préjudices des époux [O] aux sommes suivantes :

- 5 573,74 euros en remboursement des frais de notaire,

- 3 996,38 euros en remboursement des taxes foncières 2021, 2022 et 2023,

- 8 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux,

' déboute les époux [O] de leurs demandes plus amples ou contraires,

Dans l'hypothèse où la cour accueille l'action estimatoire :

' juge que le coût des travaux de remise en état du bien doit être fixé à la somme arrêtée dans le rapport d'expertise soit 84 969 € TTC,

' déboute les époux [O] de leurs demandes plus amples ou contraires,

En tout état de cause :

' déboute les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes, y compris de tout appel incident,

' condamne les époux [O] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne les époux [O] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Mme [T] [B] épouse [J] sollicite, en premier lieu, l'instauration d'une contre-expertise, reprochant à M. [R] de ne pas avoir pris en compte le défaut d'entretien du bien par les intimés (enlèvement des grilles et absence de nettoyage des réseaux) comme cause de l'aggravation des désordres entre les divers accédits, conformément à la note de son propre conseil technique et architecte, M. [D]. Elle ajoute que certains désordres ne relèvent pas de malfaçon et peuvent être corrigés par un matériel adapté. Elle estime que le rapport d'expertise judiciaire présente des carences qui justifient une contre-expertise.

En deuxième lieu, au fond, Mme [T] [B] épouse [J] soutient que son intention dolosive n'est pas démontrée, mettant en avant son absence de déclaration de sinistre pendant sa durée d'occupation du bien, l'absence de toute trace d'infiltration avant sa propre acquisition et l'absence de tout travaux par elle réalisés en toiture. Elle conteste avoir eu connaissance des vices dans leur ampleur et leur connaissance avant la vente. Elle estime que les photographies et attestations produites n'établissent aucunement que des travaux ont été réalisés en toiture sur le bien alors qu'elle en était propriétaire.

- 4-

Mme [T] [B] épouse [J] soutient par ailleurs que les époux [O] connaissaient les désordres liés aux infiltrations et qu'ils ont négocié le prix d'achat à ce titre.

S'agissant de la demande de résolution de la vente au titre de la garantie des vices cachés, Mme [T] [B] épouse [J] soutient que le vice était apparent puisque l'expertise a relevé que le désordre relatif aux infiltrations de toitures en tuiles sur les volumes V3 et V2 était décelables pour un 'il averti sous réserves d'investiguer les toitures. Elle ajoute que sa bonne foi est établie et que la clause d'exclusion des vices cachés doit s'appliquer.

En cas d'annulation ou de résolution de la vente, Mme [T] [B] épouse [J] entend que les préjudices dont les intimés demandent l'indemnisation soient revus à la baisse. Elle s'oppose à toute indemnisation au titre des cotisations d'assurance, les intimés ayant dû en tout état de cause assurer le bien. Elle rejette toute indemnisation au titre de frais de déménagement, réaménagement et garde-meubles, les considérant sans lien direct avec l'annulation de la vente et en l'absence de justificatif. S'agissant des préjudices moral et de jouissance, Mme [T] [B] épouse [J] rappelle qu'elle a immédiatement proposé de racheter le bien, de sorte que les intimés n'auraient subi aucun préjudice s'ils avaient accepté cette solution.

En cas d'action estimatoire, elle entend que les travaux de reprise soient retenus à hauteur du chiffrage de l'expert seulement et conteste toute dévalorisation du bien, surtout une fois réparé.

Par dernières conclusions transmises le 27 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] sollicitent de la cour qu'elle :

À titre principal :

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation pour cause de dol du contrat de vente conclu entre les parties,

annule en conséquence la dite vente,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [T] [B] épouse [J] à leur restituer le prix de vente et en ce qu'eux-mêmes sont tenus de restituer le bien immobilier litigieux,

juge que la restitution de l'immeuble devra intervenir dans le délai de trois mois de la signification de l'arrêt à intervenir, et, au plus tard, un mois après la consignation du prix de Mme [T] [B] épouse [J] entre les mains du notaire instrumentaire,

À titre subsidiaire :

' prononce, en l'absence d'annulation de la vente, la résolution de celle-ci,

' condamne Mme [T] [B] épouse [J] à leur restituer le prix de vente, eux-mêmes étant tenus de restituer le bien immobilier litigieux,

' juge que la restitution de l'immeuble devra intervenir dans le délai de trois mois de la signification de l'arrêt à intervenir, et, au plus tard, un mois après la consignation du prix de Mme [T] [B] épouse [J] entre les mains du notaire instrumentaire,

Een tout état de cause, en cas d'annulation ou de résolution de la vente,

' condamne Mme [T] [B] épouse [J] à leur payer une somme de 133 831 € à titre de dommages et intérêts, outre taxes foncières postérieures à l'année 2023 et cotisations d'assurance postérieures à juin 2024, le tout, sous réserve du remboursement par l'administration fiscale des frais, taxes et droits par elle perçus à l'occasion de la vente litigieuses en la somme de 27 749 €,

À titre infiniment subsidiaire, en l'absence d'annulation ou de résolution de la vente :

déclare Mme [T] [B] épouse [J] tenue de les garantir des vices cachés dont est affecté l'immeuble qu'elle leur a vendu le 5 mars 2021,

condamne Mme [T] [B] épouse [J] à leur payer la somme principale de 110 116,97 € TTC, outre indexation sur l'indice BT01 depuis mai 2023 jusqu'au mois du prononcé de l'arrêt, et intérêts de droit au delà, et sous réserve d'actualisation du taux de TVA si celui-ci venait à être modifié depuis le rapport d'expertise judiciaire,

condamne Mme [T] [B] épouse [J] à leur payer la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de valeur patrimoniale ainsi que de leurs préjudices moral et de jouissance subis jusqu'à l'arrêt,

réserve leur droit de réclamer, ultérieurement, en cette hypothèse d'action estimatoire, réparation des préjudices moral et de jouissance qu'ils subiraient pendant le cours et du fait de l'exécution des travaux et des délais supplémentaires pendant lesquels leurs préjudices moral et de jouissance seraient subis dans cette hypothèse,

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En tout état de cause :

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [T] [B] épouse [J] à leur payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [T] [B] épouse [J] à leur payer une somme supplémentaire de 6 000 € en appel,

condamne Mme [T] [B] épouse [J] au paiement des dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire et du procès-verbal d'huissier de justice du 30 avril 2021, utile aux débats.

Les intimés s'opposent à la demande de contre-expertise présentée par l'appelante à titre purement dilatoire et n'étant fondée sur aucune critique sérieuse du travail circonstancié de l'expert, ni sur aucun élément sérieux propre à contredire son avis.

Les époux [O] sollicitent, à titre principal, l'annulation de la vente pour dol, à raison des importants désordres constatés et analysés par l'expert, préexistants à la vente, qui leur ont été manifestement dissimulés et qui rendent la maison inhabitable dans des conditions normales. Ils assurent que Mme [T] [B] épouse [J] avait pleinement connaissance des infiltrations d'eau qu'elle avait nécessairement subies durant les 4 pendant lesquels elle a occupé le bien à titre de résidence principale, y compris dans leur ampleur et leurs conséquences. Ils font aussi valoir que Mme [T] [B] épouse [J] a effectué des travaux en toiture sur le bien en 2016, a fait refaire le crépis de la maison durant sa période d'occupation des lieux, ce qu'elle a volontairement tu, affirmant l'inverse. A l'image des conclusions de l'expert, ils estiment que l'absence de désordres subis par Mme [T] [B] épouse [J] lorsqu'elle était propriétaire de la maison est peu probable, étant observé que l'absence de sinistralité n'est pas démontrée sur la période entre le 9 janvier 2017 et le 30 juillet 2018.

Les époux [O] s'ils reconnaissent avoir constaté des traces d'infiltrations d'eau, assurent n'avoir aucunement eu conscience lors de l'achat de l'ampleur des désordres et des travaux requis pour y mettre un terme, le caractère non décelable du vice ayant été relevé par l'expert judiciaire.

Compte tenu de la mauvaise foi de Mme [T] [B] épouse [J], ils soutiennent que le dol est caractérisé et justifie l'annulation de la vente puisqu'il porte sur un élément déterminant de leur consentement.

A défaut, à titre subsidiaire, les intimés font valoir que la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés incluse dans l'acte de vente doit être écartée à raison de la connaissance des vices qu'avait Mme [T] [B] épouse [J], ces derniers rendant le bien impropre à sa destination puisque le rendant inhabitable.

S'agissant des conséquences de l'annulation ou de la résolution de la vente, les époux [O] entendent être remboursés du prix de vente, des frais de notaire, des taxes foncières, des cotisations d'assurance, des frais de déménagement tels que retenus par le premier juge, augmentés des sommes qui ont continué à courir au titre des périodes ultérieures. Ils sollicitent en outre des frais de relogement et de garde meubles à titre provisionnel. Ils entendent également que leurs préjudices moral et de jouissance, sous-évalué en première instance, soient augmentés en appel.

A titre infiniment subsidiaire, les époux [O] entendent, au titre de l'action estimatoire au titre de la garantie des vices cachés, obtenir l'indemnisation des travaux de remise en état, tels que résultant de leur dire n°12 du 20 avril 2023, soit 110 116,97 € TTC, indexés. Ils demandent également l'indemnisation des préjudices induits au titre de la dévalorisation du bien, outre de leurs préjudices moral et de jouissance.

L'affaire a reçu fixation le 22 février 2024 à l'audience du 18 juin 2024 pour plaidoiries.

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MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Sur la demande de contre-expertise

L'article 143 du code de procédure civile dispose que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible. L'article 144 du code de procédure civile ajoute que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer. Par l'effet de l'article 148 du même code, le juge peut conjuguer plusieurs mesures d'instruction. Il peut, à tout moment et même en cours d'exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

L'article 146 du code de procédure civile tempère toutefois qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Ces dispositions supposent que celui qui sollicite une nouvelle expertise ou une mesure de contre expertise produise, a minima, des éléments démontrant, soit que le rapport d'expertise est entaché de contradictions ou d'erreurs, soit qu'il est incomplet et que les circonstances justifient, afin que le juge puisse pleinement statuer, que des investigations complémentaires soient ordonnées.

Il appartient ainsi aux parties, et principalement à Mme [T] [B] épouse [J], d'apporter la preuve d'éléments étayant la demande de nouvelle ou de contre expertise, sans quoi le juge ne peut pallier la carence des parties.

En l'occurrence, l'expert judiciaire désigné, M. [R], a déposé son rapport le 3 mai 2023, après 18 mois d'investigations, la réalisation d'un accédit le 21 février 2022, d'investigations complémentaires techniques le 28 octobre 2022, le recueil de devis, et la prise en compte de 12 dires de la part des intimés outre un dire de la part de l'appelante.

A ce titre, il y a lieu d'observer que Mme [T] [B] épouse [J] sollicite une nouvelle expertise alors qu'elle n'a pas fait un plein usage du temps de l'expertise pour faire valoir plus avant ses moyens, n'ayant présenté qu'un seul dire à l'expert, le 21 avril 2023, soit quelques jours seulement avant le dépôt du rapport de M. [R], tout en ayant pourtant été représentée dès le 1er accédit.

Les opérations d'expertise devant l'expert judiciaire se sont déroulées contradictoirement, sans saisine du juge chargé du contrôle de l'expertise. L'expert a procédé à une description complète des désordres allégués dans le bien immobilier vendu par Mme [T] [B] épouse [J] aux époux [O] le 5 mars 2021, et en a recherché les causes par une analyse approfondie des éléments produits par les parties et des résultats des investigations par lui menées.

L'expert a également longuement détaillé les aggravations observées en termes d'infiltrations généralisées dans le bâtiment aux pages 82 et suivantes de son rapport. Il a pris en compte le dire du conseil de Mme [T] [B] épouse [J] du 21 avril 2023 et y a précisément répondu, point par point, en pages 208 et 209 de son rapport.

Mme [T] [B] épouse [J] sollicite une nouvelle expertise et produit à cette fin la note de son conseil technique, M. [D], figurant en pièce 4 de son dossier. Or, force est de relever que ce document est un extrait incomplet, non signé et non daté par cet expert conseil. De plus, celui-ci n'était pas présent lors des réunions d'expertise, de sorte qu'il est probable que son analyse résulte de sa seule appréciation des pièces produites. Cette analyse tend à suggérer un défaut d'entretien par les intimés des chêneaux et des réseaux d'évacuation des eaux pluviales provoquant leur obturation, outre un retrait des grilles protégeant ces évacuations, comme étant la cause de l'aggravation constatée des désordres.

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Or, cet élément a été apprécié par l'expert judiciaire qui ne l'a pas analysé comme une cause déterminante des désordres.

En tout état de cause, la note de M. [D] n'apporte pas d'éclairage sur l'origine et la cause initiale des désordres, avant même d'évoquer leur aggravation.

S'agissant de l'origine des infiltrations précisément, Mme [T] [B] épouse [J] se contente de procéder à des critiques du rapport d'expertise par simples affirmations, assurant que les désordres ne relèvent pas de malfaçons, sans justifier d'aucun élément technique de nature à étayer cette thèse.

En définitive, il appert que l'expertise judiciaire procède d'un travail minutieux, fouillé et complet, alors que les critiques et carences dénoncées par Mme [T] [B] épouse [J] s'avèrent peu sérieuses ou pertinentes, et ne peuvent suffire, en tout état de cause, à justifier une contre expertise ou une nouvelle expertise.

C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande ; la décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande d'annulation de la vente pour dol

L'article 1130 du code civil dispose que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En vertu de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1137 de ce code définit le dol comme étant le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Pour être caractérisée, la réticence dolosive suppose à la fois un manquement à l'obligation d'information procédant de l'intention de tromper qui ne soit donc ni une erreur, ni une négligence, et un manquement qui provoque effectivement une erreur elle-même déterminante du consentement de l'erans.

Sur la caractérisation du dol

En l'occurrence, Mme [T] [B] épouse [J] a vendu à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] le 5 mars 2021 une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 7], outre divers meubles, le tout moyennant le prix de 480 000 €.

L'acte authentique portant réitération de la vente comprend le descriptif du bien décomposé en 4 volumes, sans précisions particulières. Une clause habituelle de non garantie des vices cachés est stipulée en page 10 de l'acte.

La lettre d'intention d'achat adressée par les époux [O] à l'agent immobilier chargé de la vente, en date du 13 octobre 2020, faisait en revanche état de différents éléments à rénover, justifiant une proposition de baisse de prix de 30 000 €, soit 470 000 € offert comme prix d'achat, portant notamment sur des 'tâches d'humidité au plafond de la chambre Sud-Ouest, outre sur de nombreuses traces d'infiltration d'eau dans les plafonds'. Des traces étaient donc visibles lors des différentes visites effectuées entre le 30 septembre 2020 et le 25 octobre 2020, ainsi qu'en atteste l'agent immobilier dans un document daté du 5 octobre 2021.

Il est donc avéré que la présence de traces d'infiltration a été observé par les acheteurs lors de la vente et a été prise en compte dans le cadre d'une négociation relative au prix de vente du bien, finalement arrêté à 480 000 €.

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Or, peu de temps après la vente, les acquéreurs se sont plaints d'infiltrations massives dans le bien acquis.

Il résulte d'abord d'un procès-verbal de constat dressé par un commissaire de justice le 30 avril 2021, à peine deux mois après la vente, que des infiltrations majeures d'eau de pluie ont été observées après un épisode pluvieux. Il convient d'observer que la maison concernée est une maison dite d'architecte, a été construite sur un terrain en pente et est constituée de quatre blocs en forme de L rejetés aux angles du bâtiment et reliés par des terrasses ou jardin d'hiver. Les quatre blocs qui correspondent au séjour, aux chambres, aux pièces de vie avec entrée et cuisine, et, à des bureaux et rangements, sont situés sur des niveaux différents, et tournent autour d'un patio vitré et d'un jardin central. Au centre du carré formé par les quatre blocs indépendants, se trouve une coursive intérieure couverte qui sépare la partie habitation et le jardin central. Le commissaire de justice a relevé des infiltrations tout autour du patio, des dégradations du plafond et des murs dans la quasi intégralité des blocs avec écoulement d'eau sur les murs et au sol. Le commissaire de justice relève également que la peinture intérieure a été refaite récemment, que l'enduit a également été réalisé peu de temps auparavant, avec présence de salpêtres sous la première couche, des traces de moisissures, de mousse et la formation d'algues en pied de glissière du rail des baies vitrées outre des murs intégralement détrempés. Il souligne néanmoins que les évacuations d'eau sont propres et non encombrées.

En septembre et octobre 2021, M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] se plaignent de très fortes infiltrations dans le bien acquis.

L'expert judiciaire mandaté a constaté les désordres suivants en cours d'expertise :

- des infiltrations importantes ( .. ) ayant généré des dégradations sur les plafonds et sur les murs à l'intérieur du bloc accueillant la cuisine et la salle à manger,

- des traces d'eau sur les murs et au sol du patio à l'angle du bloc consacré à la cuisine et à la salle à manger,

- des traces d'humidité présentes sur le soubassement du mur supportant la baie vitrée jouxtant l'escalier du patio située à proximité de l'espace repas,

- un craquèlement du crépi en partie haute de l'escalier du patio proche de l'espace repas,

- des traces de moisissures et des) mousses au bas de la menuiserie longeant l'escalier du patio à proximité de l'espace repas et des traces visqueuses dans le rail de ladite menuiserie,

- des traces d'humidité en partie haute au niveau des murs séparant le séjour du patio,

- un mur détrempé et une infiltration au plafond dans le patio au niveau de la terrasse située entre le bloc accueillant les chambres et celui contenant des bureaux.

L'expert a expressément indiqué, dès le 1er accédit, que les désordres ne peuvent que s'aggraver en l'absence de travaux qu'il chiffre, in fine, à 84 969 € TTC. Lors de sa deuxième visite sur site, l'expert constate déjà cette aggravation.

A partir de ses constatations, de ses investigations techniques et des pièces produites, l'expert judiciaire a estimé qu'à la date du 5 mars 2021, cette habitation était affectée de plusieurs vices la rendant impropre à sa destination, à savoir :

' des infiltrations au niveau des toitures en tuiles sur les volumes V3 et V2,

' des infiltrations en provenance des chêneaux et/ou gouttières entre la maçonnerie et la toiture de la coursive intérieure,

' des phénomènes de stagnations des eaux de pluie sur les terrasses extérieures,

' des infiltrations au niveau de la toiture de la véranda du jardin d'hiver.

En pages 155 et suivantes de son rapport, M. [R] a mis en évidence l'origine de ces désordres.

En premier lieu, l'expert constate l'existence d'infiltrations provenant des toitures en tuiles du bloc accueillant la cuisine et la salle manger ainsi que sur celles du bloc accueillant les chambres. Il conclut que ces désordres proviennent de non-conformités et de malfaçons d'exécution affectant la noue. L'expert précise que ce désordre a donné lieu à des réparations non pérennes réalisées à l'aide d'une peintre caoutchouteuse.

En deuxième lieu, l'expert fait état d'infiltrations en provenance des gouttières servant de chêneaux à la jonction entre la maçonnerie de chacun des quatre blocs et la toiture de la coursive intérieure. Il estime qu'elles sont causées par des non-conformités et des malfaçons dans la réalisation du réseau d'évacuation des eaux de pluie (absence de pente; sous dimensionnement des éléments d'évacuation des eaux de pluie).

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En troisième lieu, il observe des phénomènes de stagnation des eaux de pluie sur les terrasses extérieures qui s'expliquent par la non-conformité des pentes des terrasses extérieures et du mauvais positionnement des siphons de sol.

En dernier lieu, l'expert relève la présence d'infiltrations en provenance de la toiture vitrée du jardin d'hiver située entre le bloc accueillant les chambres et le bloc accueillant des bureaux. Selon l'expert, les infiltrations sont provoquées par la non-conformité du traitement de l'étanchéité entre le maçonnerie et la menuiserie.

L'expert judiciaire précise qu'au regard de la nature des causes des désordres (infiltrations), il fallait des conditions météorologiques spécifiques ( pluies, voire fortes pluies) mais également un oeil averti ou de professionnel de la construction pour en déceler l'existence.

En revanche, il assure que les désordres sont antérieurs à la vente immobilière et qu'ils étaient présents lors de l'occupation des lieux par Mme [T] [B] épouse [J]. Il précise, à ce titre, qu'il est "probable" qu'ils aient toujours existé.

Les avis techniques de M. [G] [H], conseil technique des époux [O], en date des 5 octobre 2023 et 14 février 2024 corroborent les conclusions de l'expert judiciaire. Se fondant sur ses constats et sur les vidéos réalisées en période de pluie, il en déduit que les conditions normales d'habitabilité de la maison ne sont pas satisfaites. De pus, il souligne une forte aggravation des désordres depuis octobre 2023.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la maison vendue par Mme [T] [B] épouse [J] à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] était affectée, en mars 2021, de vices majeurs à l'origine de désordres de type infiltration qui sont très importants. Si les acquéreurs avaient pu noter la présence de traces d'humidité lors de l'achat du bien, les éléments produits démontrent qu'ils n'avaient aucunement connaissance de l'ampleur des désordres affectant le bien, ni de leur origine, majoritairement liée à des malfaçons lors de la construction. Il s'agit donc bien de vices non décelés par les époux [O] lors de la vente et préexistants à celle-ci.

En revanche, ainsi que les éléments techniques versés au dossier, et notamment l'expertise judiciaire, le mettent en avant, Mme [T] [B] épouse [J] avait nécessairement connaissance de ces désordres préalablement à la vente, ainsi que de leur amplitude. D'une part, ces infiltrations sont apparues dès les premiers épisodes pluvieux, à peine deux mois, après la vente, et sans qu'un autre événement climatique ne puisse avoir impacter l'état des toitures ou ne puisse expliquer ces infiltrations. D'autre part, ils sont massivement survenus et se sont dégradés très rapidement, de sorte qu'il est fort peu probable que Mme [T] [B] épouse [J] n'en ait pas précédemment souffert.

Certes, Mme [T] [B] épouse [J] produit une attestation de non sinistralité entre le 30 juillet 2018 et le 5 mars 2021. Or, celle-ci établit seulement que l'appelante n'a pas déclaré de sinistre à son assureur, ce qui ne l'empêche pas d'avoir procédé elle-même à certaines réparations. De plus, Mme [T] [B] épouse [J] a occupé le bien depuis le 9 janvier 2017 et la preuve de l'absence de sinistre entre cette date et le 30 juillet 2018 n'est pas rapportée.

Enfin et surtout, les constats du commissaire de justice intervenu en avril 2021, de l'expert judiciaire, du conseil technique des époux [O], mais également les comparatifs de photographies datées de 2016 et de 2024 démontrent que des travaux ont manifestement été effectués sur le bien pendant la période d'occupation de celui-ci par l'appelante. Sont observés, notamment, des reprises d'enduits, des changements de couleur d'enduit entre les deux périodes, la pose d'une peinture caoutchouc sur la noue du toit dont l'expert explique que de tels travaux n'ont pas pu résorber la cause des désordres, la pose d'une baguette de réhausse de chênaux le long d'une vitre et fixée au dessus du crépis. Ainsi, il est démontré que Mme [T] [B] épouse [J] avait connaissance des désordres, de leur ampleur et de leurs conséquences, a fait réaliser des travaux pour tenter d'y remédier, mais a tu ces problématiques aux acquéreurs, l'acte de vente ne comportant aucune mention à ce titre.

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L'absence d'entretien régulier des descentes et évacuations des eaux pluviales par les époux [O] n'est aucunement démontré et n'est, en tout état de cause, pas à l'origine des désordres qui se rattachent davantage à des défauts constructifs. Si un manque d'entretien régulier ne peut qu'aggraver les dégâts, il ne peut aucunement expliquer l'ampleur des sinistres plusieurs fois constatés.

La réticence dolosive de Mme [T] [B] épouse [J] est donc caractérisée et c'est à juste titre que le premier juge a annulé la vente litigieuse à raison du dol ainsi établi, portant sur un élément déterminant de la vente pour les acquéreurs, eu égard au coût des travaux de reprise et à la généralisation des désordres altérant les conditions normales d'habitabilité du bien.

La décision entreprise sera donc confirmée, sans qu'il y ait lieu d'apprécier les demandes subsidiaires, résolutoire et estimatoire, au titre de la garantie des vices cachés.

Sur les conséquences du dol : annulation de la vente et restitutions réciproques

Le dol implique la résolution de la vente, comme le sollicitent M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O], et donc la restitution réciproque par Mme [T] [B] épouse [J] aux époux [O] du prix de vente à hauteur de 480 000 €, et par les époux [O] à Mme [T] [B] épouse [J] du bien en cause.

Sur ces points, le jugement entrepris sera également confirmé, dans les conditions par lui posées.

Sur l'indemnisation des préjudices issus de l'annulation de la vente pour dol

Par l'effet de l'article 1178 du code civil, indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le dol est constitutif d'une faute civile délictuelle au sens de l'article 1240 du code civil.

Au titre des frais de notaire

Ainsi que justement retenu par le premier juge dont l'analyse est pleinement reprise à ce titre, les débours du notaire constituent une perte pour M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] en lien de causalité direct et certain avec le dol imputable à Mme [T] [B] épouse [J] puisque l'annulation induite doit replacer les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement.

Au vu des pièces produites, et notamment du décompte notarié, le préjudice des époux [O] ne tient qu'aux débours du notaire à proprement parler, soit 5 573,74 €, les autres frais se rapportant aux impôts et taxes recouvrables, du fait de la vente, auprès de l'administration fiscale par application de l'article 1961 alinéa 2 du code général des impôts.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [T] [B] épouse [J] à restituer à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] la somme de 5 573,74 € sous réserve d'un remboursement par l'administration fiscale des autres taxes et impôts générés par la vente annulée.

Au titre des taxes foncières

La réparation intégrale des préjudices subis par M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] suppose également le remboursement des taxes foncières par eux réglées concernant le bien objet de la vente en cause, dès lors que ce paiement est justifié.

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Les intimés justifient s'être acquittés du paiement de la taxe foncière au titre des années 2021, 2022 et 2023, sommes dont ils doivent être remboursés du fait de l'annulation de la vente. Ils ne justifient du paiement d'aucune taxe foncière depuis, de sorte qu'il ne peut être fait droit à leur demande de paiement pour l'avenir, étant observé que la présente décision confirme l'annulation de la vente prononcée par le premier juge le 14 décembre 2023. En conséquence, la décision entreprise sera confirmée s'agissant de la condamnation au paiement des taxes foncières des années 2021, 2022 et 2023 dûment justifiées.

Au titre des cotisations d'assurance au 30 juin 2024

A ce titre, il y a lieu de relever que les frais liés à l'assurance souscrite par M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] au titre de la maison objet de la vente litigieuse résultent de l'usage même du bien. Il s'agit d'un engagement financier sans lien avec les désordres constatés et le dol retenu, mais qui est obligatoirement lié à l'usage du bien en cause. Or, les intimés ont effectivement habité le bien concerné.

En conséquence, la décision contestée qui a fait droit à la demande d'indemnisation des époux [O] au titre des cotisations d'assurance par eux réglées pour la maison de [Localité 7] doit être infirmée de ce chef et la demande des intimés rejetée au titre de l'intégralité des cotisations d'assurance afférente à ce bien.

Au titre des frais de déménagement et d'emménagement

Les époux [O] produisent une facture établie le 3 mars 2021 relative à leur déménagement lors de leur installation dans le bien en cause, à hauteur de 3 312 € TTC. Ils sollicitent le remboursement de cette somme augmentée d'une somme équivalente en vue de leur futur déménagement.

Or, les intimés lorsqu'ils ont acquis la maison de [Localité 7] avaient à l'évidence décider de déménager, indépendamment des déboires ultérieurement subis. Du fait de l'annulation de la vente, ils sont effectivement contraints à un nouveau déménagement. Toutefois, la prise en charge de deux déménagement ne se rattache par directement et avec certitude à l'annulation de la vente ; seul l'un d'eux est en lien direct. Aussi, M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] ne seront indemnisés à ce titre que dans la limite de la somme de 3 312 €, la décision entreprise étant réformée sur ce point.

Au titre de la 'provision' sur frais de relogement provisoire et de garde meubles

Dans le corps de leurs écritures, les époux [O] entendent être indemnisés des frais de garde-meubles et de relogement provisoire qu'ils affirment devoir supporter à l'avenir, le temps de retrouver un bien leur convenant. Ils sollicitent dans la motivation de leurs écritures une somme provisionnelle de 15 000 € à ce titre.

Cependant, dans le dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour, ils sollicitent une somme globale au titre de leurs préjudices, à titre de réparation définitive et non provisionnelle.

Or, un tel préjudice correspond à un dommage futur, donc hypothétique et non certain qui ne peut être ici indemnisé.

En ce qu'il a rejeté cette demande, le jugement critiqué sera confirmé.

Au titre des préjudices moral et de jouissance

Au vu de l'ampleur des désordres constatés, de leur généralisation à l'ensemble de la maison, de leur récurrence et du fait qu'ils affectent les conditions même d'habitabilité du bien en cause, la réalité d'un préjudice de jouissance souffert par les intimés pendant plus de 36 mois puisque les premiers désordres ont été constatés en avril 2021 est avérée. Les factures d'électricité produites démontrent une surconsommation électrique générée par le bien. Au vu de ces éléments le préjudice de jouissance souffert par M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] peut être apprécier à hauteur d'un demi loyer pendant 36 mois.

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De plus, M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] produisent des certificats médicaux faisant état de l'impact psychologique des infiltrations répétitives subies. Ils justifient des tracas induits par le fait même de ne pouvoir quitter la maison qui prenait l'eau de toute part dès le moindre épisode pluvieux. Il est donc établi qu'ils ont également soufferts d'un préjudice moral.

Au vu de ces circonstances, il convient de condamner Mme [T] [B] épouse [J] à indemniser M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] de leurs préjudices moral et de jouissance à hauteur de 30 000 €, la décision entreprise étant réformée quant au quantum retenu.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [T] [B] épouse [J], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d'appel, ceux-ci intégrant le coût de l'expertise judiciaire, mais pas le coût du procès-verbal du 30 avril 2021 qui ne peut être considéré comme une pièce nécessaire à l'engagement de la présente procédure. En outre, l'indemnité à laquelle elle a été condamnée en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire globale de 3 000 € sera mise à sa charge au bénéfice de M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [T] [B] épouse [J] à payer à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] :

- la somme de 2 661,34 € au titre des cotisations d'assurance liées au bien objet de la vente annulée,

- la somme de 6 600 € au titre de leurs frais de déménagement et d'emménagement,

- la somme de 8 000 € au titre de leurs préjudices moral et de jouissance,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] de leur demande de condamnation de Mme [T] [B] épouse [J] à les indemniser des cotisations d'assurance liées au bien objet de la vente annulé,

Condamne Mme [T] [B] épouse [J] à régler à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] la somme de 3 312 € au titre de leurs frais de déménagement et d'emménagement,

Condamne Mme [T] [B] épouse [J] à régler à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] la somme de 30 000 € au titre de leurs préjudices moral et de jouissance,

Condamne Mme [T] [B] épouse [J] à payer à M. [W] [O] et Mme [L] [A] épouse [O] la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [T] [B] épouse [J] de sa demande sur ce même fondement,

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Condamne Mme [T] [B] épouse [J] au paiement des dépens, comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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