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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 17 septembre 2024, n° 24/00723

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00723

17 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT SUR OPPOSITION

DU 17 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 296

Rôle N° RG 24/00723 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMN7P

Société DE LA COPROPRIETE [Adresse 4]

C/

[R] [B]

S.C.A. COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE

S.C.P. BR ASSOCIÉS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Joseph MAGNAN

Me Jérôme LACROUTS

Me Chrystelle ARNAULT

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Octobre 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/18584.

DEMANDEUR A L'OPPOSTION

Syndicat des copropriètaires de la Copropriété [Adresse 4] représentée par son syndic en exercice Madame [O] [X], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et assisté par Me Gérard D'HERS de la SELARL CABINET D'HERS, avocat au barreau de TOULON,

DEFENDERESSES A L'OPPOSITION

Madame [R] [B]

née le 23 Janvier 1967 à [Localité 10], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté par Me Eric GOIRAND, avocat au barreau de TOULON

S.C.A. LA COMPAGNIE DE L'EAU ET DE L'OZONE PROCEDES MO OTTO ('CEO'), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocat au barreau de NICE

S.C.P. BR ASSOCIÉS, Mandataire judiciaires, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Chrystelle ARNAULT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2024,

Signé par Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, pour le Président empêché et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Par acte authentique du 8 septembre 2011, l'entreprise universelle à responsabilité limitée FP création (EURL FP création), exerçant une activité de marchand de biens, a vendu à Mme [R] [B] le lot n°1 de la copropriété [Adresse 4], consistant en un appartement de 21 m² au rez de chaussée de l'immeuble et une place de parking.

L'EURL FP création avait acquis l'immeuble le 13 septembre 2010 et fait réaliser par la société construction générale du bâtiment (société CRB) des travaux de rénovation, notamment de plomberie avec création de sanitaires, avant de le revendre en lots.

À partir de janvier 2012, les locataires successifs de Mme [B] se sont plaints auprès d'elle de remontées d'eaux usées par le bac de douche lors d'épisodes de pluie.

L'assureur protection juridique de Mme [B] a diligenté une expertise amiable, dont il est résulté que le problème était général à l'immeuble et dû à un engorgement et un refoulement des eaux usées en provenance du réseau public lors de pluies torrentielles.

Au regard des conclusions de ce rapport, Mme [B] a fait assigner l'EURL FP création, la société Veolia, gestionnaire du réseau d'assainissement, la commune de [Localité 10] et la communauté d'agglomération [Localité 10] Provence Méditerranée ainsi que leur assureur devant le juge des référés qui, par ordonnance du 29 novembre 2013, a désigné un expert en la personne de M. [D]. Les opérations ont été étendues au syndicat des copropriétaires de l'immeuble par ordonnance du 19 septembre 2014.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 23 septembre 2015.

Par acte du 18 mars 2016, Mme [B] a fait assigner la société Véolia, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et l'EURL FP création devant le tribunal de grande instance de Toulon, afin d'obtenir la résolution de la vente, la restitution du prix ainsi que des dommages-intérêts.

L'EURL FP création ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 12 décembre 2017, Mme [B] a fait appeler en cause son liquidateur, Me [T] [U], par acte en date du 25 mars 2018, tout en déclarant sa créance auprès du liquidateur.

Par jugement du 8 novembre 2019, le tribunal a :

- déclaré irrecevable pour cause de forclusion l'action en garantie des vices cachés ;

- débouté Mme [B] de sa demande d'annulation de la vente ;

- débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes, tant à l'encontre de Me [T] [U], pris en sa qualité de liquidateur de l'EURL FP création, que du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et de la société en commandite par action compagnie des eaux et de l'ozone procédés MP Otto (SCA CEO), venant aux droits de la société Veolia ;

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [B] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour rejeter les demandes de dommages-intérêts, le tribunal a, en substance, considéré qu'il n'existait aucun lien de causalité entre les travaux réalisés par l'EURL FP création et les dommages subis par Mme [B], puisque le reflux des eaux usées dans le bac de douche de l'appartement n'est pas en lien avec la qualité des travaux réalisés dans l'appartement, mais avec un dysfonctionnement des réseaux d'écoulement des eaux pluviales et des réseaux d'assainissement.

S'agissant des demandes formulées à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de la SCA CEO, il a considéré que, le réseau public d'écoulement des eaux pluviales étant seul en cause dans les dommages, aucune demande d'indemnisation ne pouvait utilement prospérer à leur encontre.

Par acte du 5 décembre 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [B] a relevé appel de cette décision en visant expressément tous les chefs de son dispositif.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 16 août 2023, sans que le syndicat des copropriétaires, assigné par Mme [B] par acte du 9 mars 2020, contenant dénonce de l'appel, ait constitué avocat.

Par arrêt rendu par défaut le 17 octobre 2023, la cour a :

- infirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes tant à l'encontre de Me [T] [U], en qualité de liquidateur de l'EURL FP création, que du syndicat des copropriétaires, rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [B] aux dépens ;

- confirmé le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- déclaré L'EURL FP création, représentée par son liquidateur judiciaire Me [T] [U], et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] responsables in solidum des dommages subis par Mme [B] au titre des reflux d'eaux usées dans son appartement ;

- fixé la créance de Mme [R] [B] au passif de la liquidation judiciaire de L'EURL FP création, représentée par son liquidateur Me [T] [U], à la somme de 52 429,90 € ;

- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], à payer à Mme [B] la somme de 48 429,90 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et devant la cour ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCA CEO ;

- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] aux entiers dépens de première instance et d'appel et assorti cette condamnation, au profit des avocats qui en ont fait la demande tant en première instance qu'en appel, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- dispensé Mme [B] de sa contribution aux charges de copropriété résultant de la procédure.

Par acte reçu au greffe de la cour le 29 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] a formé opposition.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 mai 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières écritures, régulièrement notifiées le 14 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] demande à la cour de :

' le recevoir en son opposition ;

' rétracter l'arrêt rendu le 17 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;

Statuant a nouveau,

' confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon le 8 novembre 2019 ;

' débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

' condamner l'EURL FP création, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la SCP BR associés, à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

En tout état de cause,

' condamner Mme [B], la société CEO et la SCP BR associés, prise en sa qualité de liquidateur de la société FP création, in solidum, à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de son avocat.

Au soutien de son opposition et de ses prétentions, il fait valoir que :

- il est recevable et légitime à former opposition à l'arrêt dès lors que sa mise en cause le 6 avril 2014 procède de diligences superficielles de l'huissier, qui n'a tenté aucune signification sur le lieu de travail du syndic, que Mme [B] ne l'a jamais informé qu'il était concerné par la procédure alors qu'elle savait que le syndic avait déménagé puisqu'elle était convoquée aux assemblées générales et avait reçu plusieurs courriers mentionnant la nouvelle adresse du syndic, et qu'elle a en conséquence sciemment dissimulé ces informations, attendant que l'arrêt soit prononcé pour le lui notifier, cette fois à son adresse à [Localité 9] alors que la société CEO lui avait signifié ses conclusions d'appel à sa nouvelle adresse à [Localité 9], par acte du 7 août 2023, remis à personne habilitée ;

- le syndic, qui a été désigné pour la première fois par assemblée générale des copropriétaires le 26 mars 2012, a fait diligences d'emblée afin de résoudre le problème des reflux dans l'appartement de Mme [B] ;

- sa responsabilité ne peut être retenue puisque les désordres ne proviennent pas d'un vice de construction au sens de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'initialement, l'appartement n'était pas équipé de sanitaires, de sorte qu'une autorisation aurait dû être sollicitée pour installer des sanitaires, notamment une douche, dont la bonde allait être située à un niveau inférieur à celui de la chaussée ;

- en tout état de cause, il résulte de plusieurs courriers du compagnon de Mme [B] que la douche litigieuse n'est pas raccordée à la colonne d'évacuation de l'immeuble, mais directement au tout à l'égout ;

- Mme [B] ne justifie par aucune pièce probante du préjudice qu'elle invoque, ni que celui-ci est exclusivement du à l'absence de clapet anti-retour, et, à supposer que le préjudice et le lien de causalité soient démontrés, elle est à l'origine, par sa propre carence, de ce préjudice puisqu'il lui appartenait de réaliser les travaux propres à supprimer les traces d'humidité, notamment d'installer le clapet en retour, pour un coût de seulement 31,90 €.

Il ajoute que le rapport d'expertise du cabinet Eurexpo est insuffisant, à lui seul, dès lors que le syndic n'a pas été convoqué aux opérations et, en tout état de cause, Mme [B] ne justifie par aucune pièce avoir entrepris les travaux retenus par l'expert puisqu'en réalité, seuls les enduits et peinture ont été refaits.

Dans ses dernières conclusions en réplique, régulièrement notifiées le 29 mars 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, Mme [B] demande à la cour de :

' confirmer l'arrêt rendu le 17 octobre 2023 ;

' juger que la responsabilité du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] est engagée ;

' condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer 37 400 € au titre de son préjudice financier, 10 998 € au titre des travaux de reprise et 31,90 € au titre de l'installation d'un clapet anti-reflux ;

' condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité du syndicat des copropriétaires est engagée de plein droit dès lors que l'immeuble est affecté d'un vice de conception qui cause un dommage à un copropriétaire, ce qui est le cas en l'espèce puisque le syndicat des copropriétaires doit assurer l'évacuation des eaux usées et prendre toutes mesures pour protéger les parties privatives du refoulement des eaux en cas de mise en charge exceptionnelle du réseau ;

- le syndicat des copropriétaires a été régulièrement convoqué aux opérations d'expertise et la procédure de référé, qui a abouti à la désignation de l'expert, lui a été régulièrement dénoncée, puisque l'huissier qui a instrumenté précise, dans son acte de signification, que le domicile où il a officié est confirmé par la présence sur les boites aux lettes et le tableau des occupants du nom Mme [S], alors syndic ;

- il en va de même de l'assignation devant le premier juge, délivrée à Mme [S], syndic, à son domicile.

Elle soutient que son préjudice, tant financier que matériel est établi par les pièces qu'elle produit aux débats.

Dans ses dernières écritures, régulièrement notifiées le 18 mai 2024 , auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SCA CEO demande à la cour de :

' confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 8 novembre 2019 en ce qu'il a débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes, à son encontre ;

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamner Mme [B] à lui payer une somme de 3 000 € au titre des frais exposés en première instance et distrait les dépens au seul profit de la SCP Guillaume Arnault ;

Statuant à nouveau,

' condamner Mme [B] à lui payer une somme de 4 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' ordonner la distraction des dépens au profit de son avocat ;

Y ajoutant,

' condamner Mme [B] à lui payer une somme de 4 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel, distraits au profit de son avocat.

Elle fait valoir que :

- elle est délégataire de la gestion du réseau de d'assainissement de la ville de [Localité 10] par un contrat d'affermage et non propriétaire du réseau d'assainissement, qui appartient à la communauté d'agglomération [Localité 10] Provence Méditerranée TPM, tandis que le réseau pluvial appartient à la commune de [Localité 10] qui en a la gestion et l'entretien :

- le studio litigieux n'était pas doté d'une douche lorsque l'EURL FP création l'a acheté, or, s'il est situé au rez de chaussée coté [Adresse 7] au Sud, il est à demi-enterré, coté [Adresse 8] au nord, là où est situé le réseau d'évacuation des eaux usées, de sorte que le niveau de la bonde de la douche est environ 1,25 mètre plus bas que la voie où est situé le collecteur, et au niveau du fil d'eau de celui-ci, alors qu'aucun dispositif de protection contre le reflux des eaux usées n'a été installé, contrairement aux prescriptions impératives des règlements ;

- Mme [B] étant usager, ne peut agir contre elle que sur le fondement contractuel, en démontrant qu'elle n'a pas respecté ses obligations contractuelles, ce dont elle ne rapporte aucune preuve.

La SARL BR associés, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de L'EURL FP création, n'a pas conclu.

*****

Motifs de la décision

Sur la recevabilité de l'opposition

En application de l'article 571 du code de procédure civile, l'opposition tend à faire rétracter une décision rendue par défaut.

Le défaut est défini à l'article 473, alinéa 1er du code de procédure civile, selon lequel le jugement par défaut, susceptible d'ouvrir la voie de l'opposition, suppose qu'une décision de justice, rendue en l'absence de comparution du défendeur, ait été rendue en dernier ressort et que la citation n'ait pas été délivrée à personne.

Tel est le cas en l'espèce, puisque le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], assigné par Mme [B] par acte du 9 mars 2020, contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat et que le commissaire de justice mandaté pour lui signifier la déclaration d'appel a dressé un procès verbal de recherches infructueuses, n'ayant pu, en dépit de ses recherches, localiser son domicile.

Par conséquent, sans qu'il soit utile d'entrer dans le détail de l'argumentation du syndicat des copropriétaires relative aux conditions dans lesquelles il a été informé de la procédure et appelé à celle-ci, l'opposition est recevable, ce que, au demeurant, Mme [B] ne conteste pas.

Sur l'étendue de la rétractation

L'opposition tendant à faire rétracter une décision rendue au préjudice d'une personne qui n'a pu se faire entendre, est réservée, aux termes de l'article 571, alinéa 2, du code de procédure civile, à la partie défaillante à l'instance dont est issue la décision attaquée par cette voie de recours, en l'espèce, le syndicat des copropriétaires.

Selon l'article 572, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'opposition remet en question devant les mêmes juges, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

En raison du caractère attitré de la voie de l'opposition, qui exclut de son bénéfice la partie comparante à l'instance à l'issue de laquelle a été rendu le jugement par défaut, celle-ci ne peut profiter de l'opposition pour soumettre à nouveau sa demande, sauf si les différents chefs de demande, y compris ceux précédemment rejetés, procèdent de la même cause, de telle sorte qu'ils ne puissent être séparément appréciés.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires fait opposition à l'arrêt en ce qu'il l'a condamné à payer à Mme [R] [B] la somme de 48 429,90 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel et dispensé Mme [B] de sa contribution aux charges de copropriété résultant de la procédure.

En conséquence, ne sont pas remis en cause devant la cour les chefs du dispositif de l'arrêt qui ont :

- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes à l'encontre de la SCA CEO, venant aux droits de la société Veolia,

- rejeté la demande de celle-ci au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé le jugement rendu le 8 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Toulon en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes à l'encontre de Me [T] [U], en qualité de liquidateur de l'EURL FP création,

- déclaré l'EURL FP création, représentée par son liquidateur judiciaire Me [T] [U], responsable des dommages subis par Mme [B] au titre des reflux d'eaux usées dans son appartement ;

- fixé la créance de Mme [R] [B] au passif de la liquidation judiciaire de l'EURL FP création, représentée par son liquidateur Me [T] [U], à la somme de 52 429,90 €.

L'opposition, constituant une voie de rétractation, remet les parties dans la situation où elles se trouvaient au jour de la décision à l'encontre de laquelle elle est exercée.

Le demandeur à l'opposition restant défendeur à l'action, il appartient au demandeur de faire la preuve du bien fondé de ses demandes à son encontre.

La cour doit, par ailleurs, statuer sur les prétentions formulées par la partie défaillante, désormais comparante, à l'égard des autres parties ainsi que sur tous les chefs du dispositif de l'arrêt qui sont l'accessoire de ceux remis en cause par l'effet de l'opposition.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 4] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de Mme [B] à son encontre et, subsidiairement, à la condamnation de l'EURL FP création, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la SCP BR associés, à le relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

En application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, applicable au moment de l'apparition des désordres en cause, 'le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires'.

Le texte rappelle en préambule que l'objet du syndicat des copropriétaires est d'assurer la conservation de l'immeuble et d'administrer ses parties communes.

Il en résulte que le syndicat des copropriétaires est responsable des vices de construction, même s'ils ne sont pas de son fait, et du défaut d'entretien des parties communes, quand bien même aucune faute ne peut lui être imputée, dès lors qu'ils portent atteinte au droit de libre jouissance du propriétaire sur son bien.

Il résulte de cette responsabilité de plein droit, qui est le corollaire des pouvoirs dont il dispose sur les parties communes et les éléments d'équipement collectifs, que le syndicat des copropriétaires est responsable de tous les dommages causés aux copropriétaires à partir du moment où ceux-ci résultent d'un vice de construction et ont leur siège dans une partie commune, et ce, quelle que soit la nature de la difficulté rencontrée, à charge pour lui d'exercer toute action récursoire utile.

Au delà de cette responsabilité de plein droit, le syndicat des copropriétaires répond également des dommages causés par le fait des choses ou sa faute sur le fondement des articles 1382 et 1383 et 1384 du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'époque des désordres en cause.

Il appartient à la victime de prouver que le dommage est imputable à un défaut de conception ou d'entretien d'une partie commune et au syndicat des copropriétaires, s'il entend être exonéré de sa responsabilité, de démontrer que ces désordres sont dus à la faute exclusive de la victime ou d'un tiers ou à un cas de force majeure.

En l'espèce, une expertise judiciaire a été ordonnée au contradictoire de l'ensemble des parties au litige, en ce compris le syndicat des copropriétaires qui en conteste la pertinence.

En effet, l'assignation en extension des opérations d'expertise ordonnée par décision du 29 novembre 2013, lui a été dénoncée par acte du 26 juin 2014, remis à domicile.

L'acte dressé par le commissaire de justice, mentionne que son domicile, qui était celui de Mme [O] [S], alors syndic représentant le syndicat des copropriétaires, est confirmé par la présence de son nom sur le tableau des occupants et la boîte aux lettres. Par ailleurs, il rappelle qu'un avis de passage a été laissé et que la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile a été adressée au destinataire avec copie de l'acte de signification.

Par ordonnance du 19 septembre 2014, le juge des référés a étendu les opérations d'expertise au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], qui n'a pas jugé utile ou opportun d'en relever appel.

Au cours de ses opérations, l'expert a convoqué le syndicat des copropriétaires, alors représenté par Mme [S], syndic bénévole, à son adresse [Adresse 7] et, lors de la réunion d'expertise du 11 mars 2014, celle-ci était présente et a confirmé l'existence de refoulements des eaux usées dans d'autres appartements du rez de chaussée de l'immeuble (page 10 du rapport d'expertise).

Aucune irrégularité à l'égard du syndicat des copropriétaires ne s'en évince, étant observé que ce dernier ne démontre le déménagement de son représentant légal qu'à partir d'avril 2015.

Ces éléments sont suffisants pour considérer que l'expertise s'est déroulée au contradictoire du syndicat des copropriétaires, et il importe peu que, lors des assemblées générales, Mme [B] n'ait pas évoqué la procédure de référé et les opérations d'expertise.

L'expert judiciaire, qui a été désigné au contradictoire de l'ensemble des parties au litige a conclu que :

- selon les termes de l'acte d'achat du bien par l'EURL FP création, celle-ci a entrepris dans l'immeuble sis [Adresse 4], avant de revendre le lot n°1 à Mme [B], des travaux de construction d'une salle de bain en l'équipant d'éléments sanitaires, notamment d'une douche, qui a été raccordée au réseau d'assainissement,

- les devis de travaux, qu'il a examinés, font ressortir qu'aucune dépose d'appareil sanitaire n'y était mentionnée, confirmant qu'aucune douche n'équipait le logement auparavant,

- les eaux sanitaires de cette douche s'écoulent dans le regard R6 situé sous l'[Adresse 8] et l'examen du raccordement et de l'écoulement des eaux de cette douche démontre que le branchement est opérationnel,

- la présence de matières agglutinées sur le plus haut échelon des regards entourant l'immeuble démontre que les regard R1 et R3 sont mis en charge de façon très importante par la montée des eaux, qui les sature avant de s'évacuer lentement ;

- deux hypothèses expliquent les reflux dans le bac de douche de l'appartement de Mme [B] : soit le réseau pluvial et le réseau d'assainissement ne sont pas strictement séparés et, par temps de pluie, les eaux pluviales viennent saturer le réseau qui se met en charge avec des reflux vers les antennes et singulièrement vers l'antenne située sous l'[Adresse 8], soit le réseau d'assainissement en aval du regard R3 est défectueux parce que sous-dimensionné ou comportant une pente insuffisante et l'aval de la canalisation se met en charge, de même que les regards R3, R2 et R1, provoquant un reflux vers la canalisation située sous l'[Adresse 8] ;

- le raccordement du réseau public entre les regards R1 et R2 est quasiment perpendiculaire et sans différence majeure de niveau des fils d'eau, ce qui n'est pas efficace du point de vue hydraulique et l'essai auquel l'expert a procédé par écoulement d'un seau d'eau dans la douche de l'appartement a montré que l'eau de la douche chemine par une canalisation, sort de l'immeuble par le regard R6 puis vers le regard R7 et que, le siphon de la douche étant le point le plus bas du réseau d'assainissement de l'immeuble, un refoulement se produit prioritairement par la bonde de douche de l'appartement litigieux en cas de mise en charge des regards R6 et R7 vers R1 ;

- les investigations auprès des services météorologiques, ont permis de vérifier que les épisodes de reflux et d'inondation décrits par les locataires de Mme [B] les 1er février 2021, 26 octobre 2012 et 7 novembre 2012 correspondaient à des épisodes de pluie intense.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments techniques que l'ouvrage construit par l'EURL FP création est correctement installé et relié aux réseaux d'écoulement des eaux et que ce n'est qu'en cas de mise en charge du réseau qu'il dysfonctionne.

Par ailleurs, il résulte des attestations de M. [L] [N] et M. [V] [J], copropriétaires au sein de l'immeuble [Adresse 4] que, lors des fortes pluies, leurs appartements sont eux-mêmes régulièrement inondés, l'eau ressortant par les toilettes et le bac de douche.

Ces témoignages confirment que l'origine du désordre n'est pas propre aux travaux de construction réalisés par la société FP création dans l'appartement vendu à Mme [B].

L'expert, tout en préconisant une amélioration du réseau public en aval de l'[Adresse 8], nécessaire pour assurer l'écoulement régulier et total des eaux usées et eaux vannes en cas de mise en charge du réseau, sous réserve que les réseaux d'écoulement des eaux pluviales et des eaux usées soient bien séparés, a identifié deux solutions susceptibles de mettre fin aux désordres :

- l'installation d'un clapet anti retour sur l'immeuble, solution qu'il décrit cependant comme insuffisante dans la mesure où, si celui-ci serait alors protégé des refoulements du réseau public en cas de mise en charge, ses occupants ne pourraient plus utiliser leurs sanitaires et où, si un seul tirait la chasse d'eau, les eaux usées et vannes ne pourraient plus être évacuées, provoquant une mise en charge par l'intérieur, le bac à douche [B] servant alors d'exutoire ;

- l'installation d'une station de relevage, solution décrite comme la plus efficiente.

Il en résulte que les reflux à l'origine des dommages dont Mme [B] demande réparation proviennent de la saturation des regards R1 et R3 lors d'épisodes de fortes pluies.

Pour expliquer l'origine de cette saturation, l'expert s'en étant tenu à deux hypothèses : l'absence de séparation stricte des réseaux pluvial et d'assainissement de l'[Adresse 6] ou une défectuosité du réseau d'assainissement.

En revanche, la cause des reflux se situe de manière certaine dans la mise en charge des réseaux d'écoulement des eaux par forte pluie.

Si l'expert n'en a pas identifié la cause avec certitude, n'ayant pas, faute d'investigations complémentaires, discriminé les deux hypothèses privilégiées, il doit être relevé, s'agissant de l'absence de séparation effective des réseaux, que le règlement du service communautaire d'assainissement collectif de la ville de [Localité 10], pris en application de l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2008, décrit bien les réseaux comme séparés.

Par ailleurs, s'agissant du sous-dimensionnement du réseau, sur les plans qu'il a examinés, les canalisations ont une dimension de 300 mm et le diamètre du collecteur secondaire situé sous l'[Adresse 8] mesure 200 mm.

A contrario, il est acquis que le siphon de la douche par laquelle se sont produits les reflux est situé à un niveau inférieur à celui de la chaussée et constitue le point le plus bas du réseau d'assainissement de l'immeuble.

Or, le règlement du service communautaire d'assainissement collectif de la ville de [Localité 10], pris en application de l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2008, et l'article 44 du règlement sanitaire départemental imposent l'installation d'un dispositif anti-reflux afin de prévenir tout reflux en cas de mise en charge du réseau d'écoulement des eaux.

Ces textes rejoignent les préconisations formulées par l'expert dans le cas de l'appartement de Mme [B].

Or, de tels travaux relèvent du syndicat des copropriétaires en ce qu'ils concernent les canalisations, qui sont des parties communes de l'immeuble.

En l'espèce, l'installation d'un clapet en décembre 2022 par un plombier dans l'appartement, partie privative de l'immeuble, acquis par Mme [B], a permis de mettre un terme aux remontées des eaux usées par le bac de douche de l'appartement.

Les désordres dont Mme [B] demande réparation ont donc bien pour origine l'absence d'installation d'un clapet anti reflux, ce qui confirme les conclusions techniques de l'expert quant aux solutions à mettre en place pour remédier aux désordres dans l'avenir.

Le fait que Mme [B] ait réussi à trouver une solution individuelle aux reflux dans son appartement ne saurait suffire pour considérer que le syndicat des copropriétaires de la copropriété n'est pas concerné.

Le désordre en cause s'apparente bien à un vice de construction ou un défaut d'entretien d'une partie commune auquel le syndicat des copropriétaires, qui doit assurer aux copropriétaires une évacuation efficace des eaux usées, pouvait et devait remédier.

En revanche, le dysfonctionnement allégué des réseaux publics n'est pas démontré, étant observé que la mise en charge de ceux-ci en cas de pluies importantes ne correspond pas à un événement climatique imprévisible, les usagers du réseau ayant le devoir, aux termes du règlement sanitaire départemental, de s'en préserver.

L'absence de clapet anti-retour sur les canalisations ou de vide sanitaire sous l'immeuble traduit donc bien une carence du syndicat des copropriétaires, dont il doit répondre au regard de son obligation légale d'administration et d'entretien des parties communes, et qui l'oblige à remédier aux dommages qui en sont la conséquence, sans que la victime ait à démontrer qu'il a commis une faute, dès lors que le dommage est lié à une partie commune dont le syndicat a la charge.

Le syndicat des copropriétaires de la copropriété soutient qu'aucune partie commune n'est en cause dans les désordres, dès lors que la douche installée dans l'appartement de Mme [B] n'est pas reliée au réseau d'écoulement de l'immeuble mais directement au tout à l'égout.

Telles ne sont pas cependant les conclusions de l'expert qui, à la faveur d'investigations complètes, réalisées au contradictoire de toutes les parties au litige, a mis en cause, lors des épisodes de pluie intense, une saturation du réseau avec reflux vers les antennes et singulièrement vers celle située sous l'[Adresse 8].

Il a, d'ailleurs, réalisé un essai à partir de la douche de Mme [B] en écoulant un seau d'eau dans celle-ci et démontré que l'eau de la douche cheminait par une canalisation, sortait de l'immeuble par le regard R6 puis vers le regard R7 et que, le siphon de la douche étant le point le plus bas du réseau d'assainissement de l'immeuble, un refoulement se produisait prioritairement par la bonde de douche de l'appartement litigieux en cas de mise en charge des regards R6 et R7 vers R1.

Les pièces produites aux débats par le syndicat des copropriétaires correspondent à des échanges de courriers électroniques avec M. [K], compagnon de Mme [B].

Selon ces échanges, le 11 septembre 2022, en réponse à un courrier du 8 septembre 2022 de M. [K] annonçant leur intention d'installer des clapets anti-retour dans l'appartement, le syndic lui répond que 'l'appartement de Mme [B] est indépendant, car relié directement aux évacuations de la ville'.

Aussi, lorsqu'à 23 h 08, le même jour, M. [K] explique : ' concernant les évacuations, j'ai appris que nous étions connectés de manière indépendante, nous n'aurons donc pas besoin d'impliquer le syndic', cette réponse fait directement suite à une affirmation du syndicat des copropriétaires lui même quant au caractère 'autonome' de l'évacuation.

Pour autant, aucun élément technique n'étaye cette affirmation du syndicat des copropriétaires, alors que l'expert n'a pas relevé cette particularité lors qu'il a procédé à ses investigations techniques.

Par ailleurs, s'il résulte d'autres échanges par courriers électroniques qu'un plombier a estimé possible d'installer un clapet anti-retour sur le seul appartement de Mme [B], cette solution ne remet pas en cause les préconisations de l'expert, à qui il a été demandé de décrire les solutions pérennes et efficaces afin d'éviter les remontées d'eaux usées dans l'immeuble en son entier.

Il a d'ailleurs souligné le fait que, remédier aux remontées dans un seul appartement, exposerait les autres à subir eux-mêmes, par contre-coup, des remontées d'eaux usées.

En conséquence, si en l'espèce, l'installation par Mme [B] d'un clapet anti-retour pour 31,90 € a permis de mettre un terme aux dommages dans son appartement, cette solution ne règle pas le dysfonctionnement dans l'immeuble lui même, dont les parties communes demeurent inadaptées, faute de solution anti-reflux globale.

Contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, les dommages procèdent donc bien de ce qu'il convient de qualifier de vice de construction dès lors que l'immeuble n'est pas équipé de clapets anti-reflux afin de protéger les parties privatives dont les sanitaires sont situés à un niveau inférieur à celui de la chaussée, au point le plus bas du réseau d'assainissement de l'immeuble.

Il importe peu que ces sanitaires aient été installés après le construction de l'immeuble lui même et avant que la copropriété soit dotée d'un syndic.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires étant de droit dès lors que les désordres procèdent des parties communes, seules une faute de la victime ou d'un tiers ou une circonstance de force majeure sont susceptibles d'y faire échec.

De ce point de vue, compte tenu des explications qui précèdent, l'absence d'installation par l'EURL FP création ou Mme [B] d'un clapet anti-retour sur dans l'appartement, partie privative, ne consacre pas une faute exonérant la copropriété de sa responsabilité. Le syndicat des copropriétaires ne peut utilement prétendre que les dommages auraient été inexistants ou limités si L'EURL FP création ou Mme [B] avaient eux mêmes entrepris, avant les travaux de gros oeuvre préconisés par l'expert, l'installation au niveau de leur seul appartement d'un clapet anti-reflux individuel, puisque l'installation d'un tel dispositif sous l'immeuble, donc dans les parties communes, relevait de ses pouvoirs propres.

La charge de la preuve d'une cause d'exonération, totale ou partielle, incombe au syndicat des copropriétaires, étant rappelé que la seule absence de faute de sa part ne constitue pas une cause d'exonération de sa responsabilité, de sorte qu'il importe peu que le vice de construction ou défaut d'entretien ne soit pas de son fait ou qu'il n'ait pas failli à ses obligations.

Le syndicat des copropriétaires ne peut davantage se retrancher derrière l'absence d'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour la réalisation des travaux d'installation de sanitaires par l'EURL FP création.

En premier lieu, le syndicat des copropriétaires ne démontre par aucune pièce que ces parties privatives n'étaient pas à l'origine affectées à l'habitation et que l'EURL FP création y aurait illicitement réalisé des travaux destinés à en changer la destination pour en faire des appartements habitables.

Il résulte tout au plus des termes de l'acte d'achat du bien par l'EURL FP création, que celle-ci a entrepris des travaux de construction d'une salle de bain en l'équipant d'éléments sanitaires, notamment d'une douche. Pour autant, et même si l'expert a estimé qu'en l'absence de dépose d'un appareil sanitaire, aucune douche n'équipait le logement auparavant, il n'est pas pour autant démontré que cette partie privative a été transformée en appartement de manière illicite, sans l'aval de l'assemblée générale des copropriétaires.

En second lieu, à supposer que tel ait été le cas, le syndicat des copropriétaires, ne démontre par aucune pièce avoir émis une quelconque opposition à ces travaux, ni sollicité la remise en état de cette partie privative au motif, notamment, que l'immeuble n'était pas, en raison de ses dispositions constructives initiales, en état d'assurer l'évacuation, dans des conditions normales, des eaux usées provenant des appartements du rez de chaussée.

Les travaux litigieux, à supposer qu'ils aient été illicites, n'ont donc jamais fait l'objet de la moindre opposition des autres copropriétaires, ni d'une quelconque action en justice afin d'obtenir une remise en état.

Bien au contraire, il apparait que les propriétaires, dont Mme [B], ont été régulièrement convoqués aux assemblées générales et réglé les charges de copropriété qui leur étaient demandées sans que la nature de leurs droits aient jamais fait l'objet de la moindre remise en question.

Aucune force majeure susceptible d'exonérer le syndicat des copropriétaires ne peut davantage être retenue quand bien même il n'est pas contesté que les refoulements se sont produits lors d'épisodes pluvieux intenses, puisque de telles pluies ne sont pas imprévisibles.

S'agissant de la faute de la victime et du fait du tiers, ils doivent, pour exonérer le syndicat des copropriétaires, être la cause unique des dommages.

Or, en l'espèce, l'ouvrage construit par l'EURL FP création n'est pas seul en cause puisque, pris isolément, il est correctement installé et relié aux réseaux d'écoulement des eaux, que le branchement a été jugé opérationnel par l'expert et qu'il ne dysfonctionne qu'en cas de mise en charge du réseau en raison de l'absence de clapet anti-retour ou de vide sanitaire.

Il résulte de ces éléments que c'est bien la carence du syndicat des copropriétaires qui est à l'origine du refoulement des eaux dans l'appartement, qu'il n'est pas légitime à soutenir qu'il n'a commis aucune faute et que, s'il a la possibilité d'appeler en garantie celui qui a installé les sanitaires en cause, il n'est pas pour autant fondé à opposer la perspective de cette action récursoire à Mme [B], copropriétaire victime de dommages, pour échapper à sa responsabilité de plein droit.

Il importe peu que le dommage ne se soit manifesté qu'à l'occasion des travaux réalisés par l'EURL FP création.

La responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires l'oblige donc à réparer les dommages causés à Mme [B] par les reflux d'eaux usées via le bac de douche de son appartement.

Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [B]

Le syndicat des copropriétaires, responsable de plein droit sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1065, est tenu de réparer la totalité des dommages causés par les parties communes de l'immeuble.

La réparation du préjudice devant être intégrale, doit compenser les dommages causés aux parties privatives ainsi que le préjudice supporté par le copropriétaire du fait de l'absence d'exécution des travaux de réfection incombant au syndicat des copropriétaires, notamment le préjudice de jouissance, si la réalité en est démontrée.

Il doit en outre supporter le coût des travaux dans les parties communes afin de mettre un terme aux désordres et celui afférent aux parties privatives ayant subi des dégradations.

En l'espèce, Mme [B] sollicite l'indemnisation :

- d'une perte de loyers pendant quatre-vingt cinq mois ;

- de la reprise des embellissements de son appartement ;

- du coût d'installation d'un clapet anti-retour.

Elle sollicitait initialement, à partir des solutions alternatives préconisées par l'expert, c'est à dire l'installation d'un clapet anti-retour ou la réalisation d'une station de relevage, la somme de 21 780 € correspondant à la solution la plus efficiente.

La cour, considérant qu'elle ne démontrait pas avoir elle-même engagé les travaux correspondant à l'installation d'une station de relevage qui, en tout état de cause, ne relève pas de ses pouvoirs s'agissant de travaux intéressant les parties communes de l'immeuble, n'a pas fait droit à cette demande.

En revanche, il résulte des termes de l'acte de revente de son appartement, du 21 juillet 2023, qu'elle a elle même financé la pose d'un clapet anti-retour sur les équipements de son appartement (page 16 de l'acte).

Elle a produit, sur demande de la cour, la facture d'achat chez Castorama du clapet anti-retour.

Cette facture, du 9 décembre 2022, fait ressortir que le dispositif lui a coûté 31,90 €.

Mme [B] ne démontre pas avoir personnellement financé l'installation d'une station de relevage à hauteur de 21 780 € ou d'un clapet anti-reflux dans les parties communes pour le coût évalué par l'expert.

Elle ne sollicite pas la condamnation du syndicat des copropriétaires à exécuter les travaux de réfection nécessaires pour satisfaire à l'obligation qui lui incombe en application de la loi et éviter le renouvellement des désordres.

En revanche, il est démontré qu'elle a personnellement engagé une somme de 31,90 € correspondant au coût d'achat d'un clapet anti-retour.

Compte tenu de la répétition des épisodes de refoulement des eaux usées lors des pluies, cette dépense doit être considérée comme répondant à une urgence en l'absence de réactivité de la copropriété pour y remédier. Elle correspond à une mesure indispensable pour sauvegarder l'intégrité de la partie privative concernée.

En conséquence, Mme [B] a droit au remboursement de cette dépense.

S'agissant de la perte des loyers, elle correspond à un préjudice de jouissance.

Mme [B] soutient qu'elle n'a pas été en mesure de louer son appartement en raison de la récurrence des phénomènes de refoulement des eaux usées et des dégâts qu'ils ont entraînés dans l'appartement.

L'expert a retenu au titre du préjudice une perte de loyers entre juillet 2013 et le mois de juillet 2015, à raison de 440 € par mois, soit la somme de 11 400 € pour vingt-six mois.

Il résulte des contrats de bail produits aux débats que le logement était effectivement loué contre un loyer de 440 € par mois.

Certes, la gêne provenant du refoulement des eaux usées ne se produisait que lors d'épisodes pluvieux, mais elle était de nature à contrarier la mise en location de l'appartement, sauf à exposer Mme [B] à une action de ses locataires pour trouble de jouissance. L'absence de mise en location de l'appartement à partir de juillet 2013 est donc en lien de causalité avec les désordres dont la responsabilité incombe notamment au syndicat des copropriétaires.

Dans ses dernières conclusions, Mme [B] demande l'indemnisation d'un trouble de jouissance entre le mois de juillet 2013 et le mois de septembre 2020.

La perte est établie sur cette période dès lors que le désordre n'était pas réglé à cette date.

Le préjudice personnel subi par un copropriétaire bailleur, qui n'a pu relouer son appartement affecté de désordres récurrents en l'absence de réalisation des travaux incombant au syndicat des copropriétaires afin d'y remédier, doit être indemnisé.

En l'espèce, ce préjudice s'établit à 37 400 € (440 € x 85 mois).

Par ailleurs, selon l'expert, les remontées d'eaux usées qui se sont produites à plusieurs reprises dans l'appartement ont endommagé celui-ci. Il retient, au titre des travaux d'embellissement destinés à remettre en état l'appartement, un coût de 10 998 € correspondant aux travaux listés par l'expert amiable.

Ceux-ci correspondent à la dépose des mobiliers de cuisine intégrés, l'évacuation en décharge publique, la dépose de deux portes intérieures, la reprise des enduits en partie inférieure de l'habitation sur 45 m², la fourniture et la pose de deux portes intérieures en remplacement des existantes, la fourniture et la pose d'une cuisine équipée type kitchenette, y compris accessoires et raccordements, la mise en peinture de la totalité du logement et la reprise/révision de l'installation électrique.

Cet avis, formulé par une expertise privée, est officieux en ce qu'il ne procède pas d'une expertise réalisée au contradictoire des parties. Cependant, il a été produit aux débats et a pu être discuté contradictoirement par les parties.

Par ailleurs, le juge peut de se référer à un rapport officieux pour apprécier l'étendue du préjudice, dès lors qu'il est corroboré par d'autres pièces.

En l'espèce, l'expert judiciaire, à la faveur d'une discussion contradictoire avec les parties, a analysé les travaux préconisés par l'expertise privée et considéré que ceux-ci devaient être intégrés au dommage financier subi par Mme [B].

Aucune pièce produite aux débats ne remet utilement en cause l'analyse de l'expert judiciaire sur ce point.

En conséquence, Mme [B] est bien fondée à réclamer l'indemnisation du coût financier des travaux d'embellissement nécessaires à la remise en état de son appartement, à hauteur de 10 998 €.

La réparation du préjudice par le syndicat des copropriétaires devant être intégrale, l'auteur du dommage ne peut exiger de la victime la production de factures justificatives des dépenses engagées, puisqu'elle demeure libre de réaliser elle même ou faire réaliser les travaux au moment où elle le juge opportun.

Au total, le syndicat des copropriétaires de la copropriété doit être condamné, afin de réparer les préjudices causés à Mme [B], à lui payer la somme de 48 429,90 € (37 400 € + 10 998 € + 31,90 €).

Il n'y a donc pas lieu à rétractation de l'arrêt en ce qu'il a infirmé le jugement rendu le 8 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Toulon et condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à payer à Mme [R] [B] la somme de 48 429,90 € à titre de dommages-intérêts.

Sur les dépens et frais

En l'absence de rétractation des dispositions relatives à la condamnation du syndicat des copropriétaires, il n'y a pas lieu à rétractation de l'arrêt en ce qu'il l'a également condamné à payer à Mme [B] une indemnité de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en première instance et devant la cour, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés qui a préparé l'instance au fond.

L'arrêt du 17 octobre 2023 précise que la condamnation aux dépens est assortie, au profit des avocats qui en ont fait la demande tant en première instance qu'en appel, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Succombant sur son opposition, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens de l'opposition et à payer à Mme [B] une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, condamné aux dépens, le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à solliciter une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société CEO.

Enfin, la condamnation aux dépens est assortie au profit des avocats qui en ont fait la demande, du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Sur l'action récursoire du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] sollicite la condamnation de l'EURL FP création, représentée par son liquidateur, à le relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

L'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 autorise le syndicat des copropriétaires, dont la responsabilité de plein droit est engagée, à exercer une action récursoire contre celui dont la faute ou la négligence est à l'origine des dommages.

En l'espèce, l'action est exercée à l'encontre de l'EURL FP création qui a été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 12 décembre 2017.

Son liquidateur a été régulièrement appelé en cause.

Cependant, en application de l'article L. 641-9 I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

L'article L. 641-3 du code de commerce dispose le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30.

Or, selon l'article L.622-21 du même code, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Ces dispositions sont d'ordre public et doivent être appliquées d'office.

L'action du syndicat des copropriétaires à l'encontre de l'EURL FP création tend à sa condamnation à supporter le coût de l'indemnisation des préjudices de Mme [B].

S'agissant d'une condamnation à payer, et d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure, l'action est soumise à la règle de l'arrêt des poursuites et, par conséquent, interrompue par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.

Il résulte de l'article 369 du code de procédure civile que l'interruption d'instance par l'effet de l'ouverture d'une procédure collective se produit de plein droit.

L'interruption dure jusqu'à la déclaration de créance par le créancier (article L. 622-22 du code de commerce) et la mise en cause du mandataire judiciaire. Si le créancier ne déclare pas sa créance, l'instance demeure interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires ne justifie par aucune pièce avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l'EURL FP création.

En conséquence, quand bien même le liquidateur de cette dernière a été appelé en cause, la cour ne peut se prononcer sur sa demande et peut, tout au plus, dans son dispositif, se borner à constater l'interruption de l'instance l'empêchant de statuer sur celle-ci.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare l'opposition recevable ;

Dit n'y avoir lieu à rétractation de l'arrêt n° 2023/296 prononcé par la cour le 17 octobre 2023 dans la procédure enrôlée sous le n°19/18584 ;

Y ajoutant,

Constate l'interruption de l'instance sur l'action récursoire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] aux fins de condamnation de l'EURL FP création, représentée par son liquidateur, à le relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

Déboute le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4]

de sa demande d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à payer à Mme [R] [B] une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'opposition ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société CEO ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] aux dépens de l'opposition qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT