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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-4 construction, 16 septembre 2024, n° 21/01786

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Établissements André Bondet (SA)

Défendeur :

V (Époux), Inter Mutuelles Entreprises (SA), MMA IARD (Sté), Beologic (SA), MS Amlin Insurance (Sté), Eco Tendance (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

Mme Romi, Mme Moulin-Zys

Avocats :

Me Dupuis, Me Manterola, Me Le Roy, Me Raoult, Me De Kerckhove, Me Vögeding, Me Bais, Me Cliquet, Me Teriitehau, Me Hounieu

TJ Chartres, du 20 janv. 2021, n° 16/002…

20 janvier 2021

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [V] et Mme [A] [S] épouse [V] sont propriétaires d'un pavillon d'habitation et ont chargé en 2011, la société Stéphane Goumand espaces verts, paysagiste, assurée auprès de la société Aviva, de leur fournir et de poser une terrasse en bois composite (matériau composé de fibre de bois et de résines plastiques dites « polymères ») formant un plancher d'une surface totale de 67 m² selon une facture du 30 juin 2011 pour un montant total de 11 061,68 euros, intégralement acquitté.

À cet effet, suivant la facture du 1er octobre 2010, la société Stéphane Goumand espaces verts a acheté les lames en bois composite auprès de la société Eco-tendance (exerçant sous l'enseigne Wood-chop) laquelle était assurée auprès de la société Matmut, désormais dénommée la société Inter mutuelles entreprises (ci-après « société IME »).

La société Eco-tendance s'était approvisionnée auprès du fabricant de ces lames, la société Établissements André Bondet (ci-après Éts Bondet), elle-même assurée auprès de la société MMA Iard.

Pour la fabrication de ces lames en bois composite, la société Éts Bondet a utilisé la matière première qui lui avait été fournie par la société belge Beologic, assurée auprès des sociétés Amlin Europe et HDI gerling.

Les travaux de la terrasse ont été achevés en juin 2011.

Dès le mois de mars 2012, soit moins d'un an après la réception, les époux [V] se sont plaints auprès de la société Stéphane Goumand espaces verts de fissures apparues sur leur terrasse.

Par lettres recommandées des 24 et 28 août 2012, M. [V] a demandé à la société Stéphane Goumand espaces verts de déclarer le sinistre à sa société d'assurance.

Dans ses courriers, M. [V] s'est plaint de dilatations importantes de certaines lames, de lames qui s'entrechoquent et d'une dizaine de lattes complètement fendues, estimant dangereux de marcher pieds nus sur sa terrasse.

À la suite de cette réclamation, la société Stéphane Goumand espaces verts a, par lettre du 23 mars 2013, déclaré le sinistre à son fournisseur, la société Eco-tendance, jugeant les lames de bois composite utilisées défectueuses.

Par courriel du 2 juin 2013, la société Stéphane Goumand espaces verts a transmis aux époux [V] le courriel de la société Eco-tendance du 22 mai 2013 par laquelle cette dernière confirmait la déclaration de sinistre faite à son assureur et précisait : « nous sommes en présence d'une non-conformité de matière qui nous a été vendue par notre fournisseur ».

Au vu de cette déclaration de sinistre, la société Matmut a déclenché une expertise amiable.

Dans ce cadre, le laboratoire national de métrologie et d'essais chargé d'analyser les lames litigieuses a conclu que les désordres avaient pour cause soit le processus de fabrication (dit « extrusion » : compression du mélange chauffé du bois et du polymère dans un moule afin de donner à la matière la forme souhaitée, ici, de lames) de la société Éts Bondet, soit la matière première fournie au fabricant par la société belge Beologic.

La société Matmut, assureur de la société Eco-tendance a, par lettre du 7 octobre 2013 adressée à la société Stéphane Goumand espaces verts, refusé de mettre en jeu sa garantie considérant que la responsabilité de la société Eco-tendance en tant que simple vendeur des lames composites n'était pas engagée et invité le client final à mettre en cause l'installateur de la terrasse et à saisir l'assureur de ce dernier en responsabilité civile décennale.

La société Stéphane Goumand espaces verts a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 24 février 2012.

Dans un premier temps, les époux [V] ont, par acte d'huissier des 27, 28 février et 5 mars 2014, assigné en référé devant le président du tribunal judiciaire de Chartes la société Aviva (assureur de la société Stéphane Goumand espaces verts), la société Eco-tendance et son assureur la société Matmut pour obtenir leur condamnation à leur verser la somme de 16 328,35 euros HT à titre de provision pour les travaux de réfection de leur terrasse et à les indemniser du préjudice subi pour trouble de jouissance.

Par acte d'huissier du 31 mars 2014, la Matmut a appelé en garantie la société Éts Bondet et son assureur, la société MMA Iard qui, à son tour, par acte d'huissier du 9 avril 2014, a mis en cause la société Beologic et ses assureurs, les sociétés Amlin insurance (ci-après « société Amlin ») et HDI gerling assurances.

Par ordonnance du 20 juin 2014, le juge des référés a :

- mis hors de cause la société Aviva, la société Éts Bondet, la société Beologic et ses assureurs, les sociétés Amlin Europe et HDI Gerling assurances,

- débouté les époux [V] de leur demande de provision,

- ordonné une expertise confiée à M. [D].

Par ordonnance de référé du 19 septembre 2014, le juge des référés a « déclaré irrecevable » (sic) la demande des sociétés MMA Iard d'extension de l'expertise à la société Beologic et à son assureur la société Amlin Europe. Il s'agissait en réalité d'un rejet de la demande.

Par jugement du 15 septembre 2015, le tribunal de commerce de Montauban a prononcé la liquidation judiciaire de la société Eco-tendance.

M. [D], expert, a déposé son rapport le 22 décembre 2015.

Par acte du 26 janvier 2016, le liquidateur de la société Eco-tendance et son assureur ont fait assigner les sociétés Éts Bondet et Beologic et leurs assureurs respectifs ainsi que les époux [V] aux fins de voir prononcer la nullité du rapport d'expertise et de désigner un nouvel expert. Les époux [V] ont reconventionnellement réclamé l'indemnisation de leurs préjudices.

Par un jugement contradictoire du 20 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Chartes a :

- rejeté la fin de non-recevoir de la demande reconventionnelle d'indemnisation des époux [V] soulevée par Me [E], ès qualités de liquidateur de la société Eco-tendance et la société IME pour défaut de lien suffisant avec la demande principale d'annulation du rapport l'expertise judiciaire,

- débouté les époux [V] de leurs actions à l'encontre du liquidateur de la société Eco-tendance et de son assureur, à l'encontre de la société Éts Bondet et de son assureur, sur le fondement de la responsabilité décennale énoncée aux articles 1792 et suivants du code civil,

- déclaré recevable et non forclose l'action directe des époux [V] à l'encontre du liquidateur de la société Eco-tendance et de son assureur sur le fondement de la garantie des vices cachés,

- déclaré recevable et non forclose l'action des époux [V] à l'encontre de la société Éts Bondet et de son assureur,

- déclaré recevable et non forclose la société Éts Bondet en son recours en garantie à l'encontre de la société Beologic sur le fondement de la convention de Vienne,

- déclaré la société MMA Iard, en qualité d'assureur de la société Éts Bondet, recevable et non forclose en son recours à l'encontre de la société Beologic

- débouté Me [E], ès qualités de liquidateur de la société Eco-tendance et son assureur, la société IME de leurs demandes tendant au prononcé de la nullité du rapport d'expertise de M. [D],

- déclaré opposable à la société Beologic et à son assureur, la société MS Amlin insurance venant aux droits de la société Amlin Europe, le rapport d'expertise de M. [D],

- sur le fond, dit que la société IME ne doit pas sa garantie à la société Eco-tendance, débouté en conséquence les époux [V] de leur action directe à l'encontre de celle-ci, rejeté les demandes de garantie des autres parties contre cette société et prononcé la mise hors de cause de la société IME,

- fixé le montant du préjudice subi par époux [V] à la somme de 16 246,96 HT, soit 19 496,35 euros TTC au titre du préjudice matériel et à la somme 2 400 euros au titre du préjudice de jouissance, soit la somme totale de 21 896,34 euros TTC,

- condamné la société Éts Bondet à payer aux époux [V] les sommes de 21 896,34 euros TTC, au titre du préjudice matériel et du préjudice de jouissance et 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Éts Bondet aux entiers dépens de l'instance incluant les dépens des procédures de référés ainsi que les frais d'expertise de 7 056,96 euros et autorisé Me Guerin, avocat, à les recouvrer directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

- dit que MMA Iard ne doit pas sa garantie à la société Éts Bondet, débouté M. et Mme [V] de leur demande de condamnation dirigée contre cet assureur, rejeté les demandes de garantie de la société Éts Bondet et des autres parties contre cet assureur et prononcé la mise hors de la cause de la société MMA Iard,

- condamné la société Beologic à garantir et relever indemne la société Éts Bondet, à concurrence de 20 % des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. et Mme [V],

- dit que la société MS Amlin insurance venant aux droits de la société Amlin Europe doit sa garantie à la société Beologic,

- condamné la société MS Amlin insurance venant aux droits de la société Amlin Europe à garantir la société Beologic à hauteur de :

- 3 691,91 TTC au titre de sa condamnation à garantir la société Éts Bondet de sa condamnation au titre du préjudice matériel et du trouble de jouissance de M. et Mme [V], et ce, après déduction d'une franchise de 10 % qui ne pourra être ni inférieure à 1 000 euros ni supérieure à 5 000 euros,

- 20 % des sommes dues au titre de sa condamnation à garantir la société Éts Bondet de sa condamnation au paiement des dépens et des frais irrépétibles,

- rejeté toutes demandes des parties plus amples ou contraires aux motifs,

- ordonné l'exécution provisoire.

A titre préliminaire, le tribunal a, au visa de l'article 70 du code de procédure civile, déclaré recevable la demande reconventionnelle des époux [V] visant à obtenir une indemnisation au titre des désordres affectant leur terrasse, estimant qu'elle présentait un lien suffisant avec les demandes d'annulation de l'expertise.

Il a relevé que les lames en bois composite, fabriquées en France, n'étaient pas des EPERS. Il a estimé n'y avait pas d'ouvrage en l'absence d'encrage dans la maison d'habitation et que les époux [V] ne pouvaient se prévaloir de la garantie décennale de l'article 1792-4 du code civil ni de l'action directe de l'article 124-3 du code des assurances à l'encontre de la société IME.

Il a retenu l'existence d'un contrat de vente entre la société Ets André Bondet et la société Eco tendance et jugé que les époux [V] disposaient d'une action directe contre le vendeur intermédiaire.

Enfin, le tribunal a retenu comme non prescrite la demande des époux [V] en responsabilité contractuelle pour vices cachés sur le fondement de l'article 1641 du code civil, dès lors que les époux [V] avaient eu connaissance du vice dans toute son ampleur et ses conséquences le 2 juin 2013 (date à laquelle ils avaient été informés que la société Eco tendance avait reconnu la défectuosité du produit). En effet, avant cette date, en tant que simple particulier, ils ne pouvaient avoir conscience ni de la gravité ni de l'ampleur des désordres. Il a estimé que l'assignation en référé avait eu pour conséquence de suspendre le délai de prescription et a fixé la date d'expiration du délai biennal de prescription au 25 avril 2017.

Le tribunal a par ailleurs rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise formulée par le liquidateur de la société Eco-tendance dès lors que son jugement, qui s'inscrit dans un litige sériel, ne s'appuyait pas exclusivement sur les seules conclusions de M. [D], qu'il disposait de six autres rapports d'experts judiciaires et que tous avaient été versés aux débats et contradictoirement discutés.

Sur le fond, le tribunal a retenu qu'il y avait une chaîne de contrats transmettant la propriété du même produit jusqu'à l'utilisateur final, les époux [V] et ce, avec les garanties qui y étaient attachées, dont la garantie des vices cachés due par chaque vendeur à l'égard de son acheteur. Par conséquent, il a retenu la responsabilité de la société Eco-tendance au titre de la garantie des vices cachés et estimé que son assureur, la société IME était tenue d'indemniser les époux [V].

Toutefois, il a retenu la mise hors de cause de l'assureur, la société IME dès lors qu'elle ne devait pas sa garantie envers la société Eco-tendance.

Le tribunal a retenu également la responsabilité de la société Éts Bondet à l'égard des époux [V] au titre de la garantie des vices cachés et jugé que la MMA Iard était tenue de les indemniser.

Il a jugé que les relations contractuelles entre la société Éts Bondet et la société Beologic étaient régies par la convention de Vienne du 11 avril 1980 et en a déduit que l'action de la société Éts Bondet en garantie contre la société Beologic n'était pas prescrite. Il a retenu que la société Beologic, vendeur professionnel, avait l'obligation de se renseigner auprès de son acheteur sur la destination du produit afin de s'assurer de sa conformité, ce qu'elle n'avait pas fait puisque le produit fabriqué ne pouvait convenir à la fabrication de lames utilisées en extérieur. Par conséquent, le tribunal a retenu que la société Beologic devait sa garantie à la société Éts Bondet sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Le tribunal a aussi retenu un préjudice matériel ainsi qu'un préjudice de jouissance à l'égard des époux [V]. Le premier en raison des travaux de reprise pour remédier aux désordres, le second en raison du danger présenté par l'usage de la terrasse.

Concernant le partage des responsabilités, le tribunal a retenu la responsabilité de la société Eco tendance (20 %), dès lors qu'elle avait introduit les lames composites sur le marché et qu'elle les avait commercialisées, celle de la société Éts Bondet (60 %) dès lors qu'elle avait fabriqué des lames défaillantes et celle de la société Beologic (20 %) qui avait fourni une matière première inadaptée pour des lames destinées à être utilisées en extérieur.

Le tribunal a mis hors de cause la société MMA Iard, assureur de la société Éts Bondet et jugé qu'elle ne lui devait pas sa garantie.

Le tribunal a enfin retenu que la société Beologic devait garantir la société Éts Bondet et que la société Amlin Europe devait sa garantie à la société Beologic dans les limites de son contrat.

Par déclaration du 16 mars 2021, la société Éts Bondet a interjeté appel (N°21/1786).

Par déclaration du 30 avril 2021, la société MS Amlin insurance a interjeté appel (N°21/2836).

Les deux dossiers ont fait l'objet d'une jonction.

Aux termes de ses conclusions n°6 récapitulatives, remises au greffe le 3 avril 2023, la société Éts Bondet demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [V] de leur action à son encontre sur le fondement de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle de droit commun et rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise,

- infirmer le jugement sur le reste,

- à titre liminaire, déclarer irrecevable la fin de non-recevoir, soulevée par la société Beologic, tirée de la prescription de l'appel en garantie formé à son encontre par elle,

- à titre principal, déclarer prescrite l'action des époux [V],

- en conséquence, déclarer irrecevable l'action des époux [V] à son encontre, les en débouter,

- à défaut, écarter des débats le rapport d'expertise de M. [F], déclarer qu'elle n'a commis aucune faute et n'a aucune part de responsabilité dans la survenance des désordres affectant les lames, déclarer que les préjudices allégués ne sont pas justifiés,

- en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes à son encontre des époux [V], de la société IME et de la société Beologic et de la société Amlin insurance et les en débouter,

- la mettre hors de cause,

- à titre subsidiaire, déclarer que la société Eco-tendance et la société Beologic ont une part de responsabilité prépondérante dans la survenance des désordres affectant les lames,

- déclarer inopposables à son encontre les clauses d'exclusion de garantie dont se prévalent la société IME et la société Amlin insurance,

- en conséquence, déclarer recevables et bien fondés les appels en garantie formés par elle à l'encontre de la société IME, de la société Beologic et de la société Amlin Insurance,

- condamner la société IME, la société Beologic et la société Amlin insurance à la garantir des condamnations prononcées à son encontre,

- juger que les clauses d'exclusion de garantie contenues dans la police d'assurance MMA Iard lui sont inopposables, que le plafond de la police d'assurance MMA s'applique par année d'assurance, que les frais du cabinet Erget ne sont pas imputables, au titre des frais de défense, sur son plafond d'assurance, que le plafond de garantie n'est pas épuisé et que les frais de dépose-repose des lames sont à la charge des sociétés d'assurance MMA,

- en conséquence, condamner la société MMA Iard à la garantir au titre :

- des frais de remplacement des lames évalués à la somme de 9 446,96 euros HT,

- des dommages immatériels non consécutifs tels qu'alloués, dont le plafond d'assurance à hauteur de 305 000 euros est reconstitué par année de réclamation,

- et des frais de dépose-repose des lames évalués à la somme de 6 800 euros HT,

- condamner la société MMA Iard à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre et restant définitivement à sa charge,

- condamner la société MMA Iard à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre,

- en tout état de cause, débouter toute partie de toute demande contraire au présent dispositif,

- condamner les époux [V], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dupuis.

Aux termes de ses conclusions n°4, remises au greffe le 31 mars 2023, la société MMA Iard demande à la cour de :

- à titre liminaire, juger que les fins de non-recevoir de la société Beologic sont nouvelles en cause d'appel, qu'elles ne figurent pas dans ses premières écritures au stade de l'appel et les déclarer irrecevables,

- à titre principal confirmer le jugement en ce qu'il a débouté toutes parties de leurs demandes de condamnation à son encontre, en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause, en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de leurs demandes sur le fondement décennal, en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Beologic et Wood Chop et condamné MS Amlin Insurance à garantir la société Beologic et en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du rapport d'expertise,

- en conséquence, débouter toute partie de ses demandes de condamnation à son encontre,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de M. et Mme [V] recevable sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil,

- déclarer irrecevable et prescrite l'action des époux [V] à l'encontre de la société Éts Bondet et à son encontre,

- débouter les M. et Mme [V], et toute autre partie, de leurs demandes de condamnation à son encontre et à l'encontre de la société MMA Iard assurances mutuelles,

- à titre très subsidiaire, juger que la responsabilité de la société Éts Bondet n'est pas démontrée et débouter en conséquence, toute partie de ses demandes de condamnation à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a fait partiellement droit aux demandes d'indemnisation de M. et Mme [V],

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Beologic et Eco-tendance et condamné Beologic et MS Amlin Insurance,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de 60 % à la charge de la société Éts Bondet,

- juger que le coût de remplacement des lames n'est pas garanti par elle, que M. et Mme [V] ne démontrent pas la réalité des préjudices qu'ils allèguent et réduire à de plus justes proportions leur préjudice de jouissance,

- juger que les désordres allégués par la M. et Mme [V] sont imputables au compound fabriqué par la société Beologic, juger recevable et bien fondé son recours à l'encontre des sociétés Beologic et Amlin, juger qu'elle n'est pas déchue de son droit d'agir à l'encontre de ces sociétés, que son action n'est pas prescrite, augmenter la part de responsabilité des sociétés Wood Chop et Beologic dans la survenance des désordres et réduire en conséquence celle imputée à la société Éts Bondet,

- juger que la part de responsabilité de la société Wood Chop ne saurait être attribuée aux autres défendeurs et reste à sa charge, nonobstant sa radiation,

- débouter toute partie de sa demande de condamnation in solidum entre la société Wood Chop et les autres parties,

- en conséquence, limiter toute condamnation à son encontre au préjudice de jouissance, dans la limite de la part de responsabilité la société Éts Bondet,

- débouter M. et Mme [V], et toute autre partie du surplus de leurs demandes à son encontre,

- rejeter les fins de non-recevoir de la société Beologic,

- condamner la société Beologic et son assureur la société Amlin in solidum à la garantir et la relever de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,

- en tout état de cause, débouter toute partie de toute demande de condamnation à son encontre,

- condamner tout succombant à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions n°2, remises au greffe le 18 novembre 2021, la société IME demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre et débouter les sociétés Éts Bondet et Amlin de leur appel,

- à titre subsidiaire en cas d'infirmation, annuler le rapport déposé par M. [D],

- débouter M. et Mme [V] de l'intégralité de leur demande,

- débouter les sociétés Éts Bondet, MMA, Amlin et Beologic de leurs éventuelles demandes à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Éts Bondet et la société MMA à la garantir de toutes condamnations,

- condamner la société Beologic et son assureur Amlin Europe à la garantir de toutes condamnations,

- et quoi qu'il en soit, condamner M. et Mme [V], mais aussi les sociétés Éts Bondet, MMA, Beologic et Amlin Europe aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions n°6, remises au greffe le 3 avril 2023, la société de droit belge Beologic forme appel incident et demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Éts Bondet, IME et la liquidation judiciaire de la société Eco-tendance de leur demande d'organisation d'une nouvelle expertise, en ce qu'il a débouté les époux [V] de leurs demandes indemnitaires fondées sur la garantie décennale, en ce qu'il a condamné la société Éts Bondet à indemniser les époux [V] de leurs entiers préjudices,

- réformer le jugement qu'il l'a condamnée à relever indemne la société Éts Bondet à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre et en ce qu'il a condamné la société MS Amlin Insurance à la garantir seulement à hauteur de 3 691,91 euros déduction faite d'une franchise de 1 000 euros,

- à titre principal, juger recevable sa fin de non-recevoir tenant à la prescription des appels en garantie,

- débouter la société IME de ses demandes en nullité du rapport d'expertise de M. [D], d'une part, et de celle tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise, d'autre part,

- juger mal fondée la demande de la société Éts Bondet aux fins de voir écarter des débats le rapport d'expertise de M. [F] et l'en débouter,

- condamner la société Éts Bondet à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 1240 du code civil,

- déclarer prescrite l'action intentée par les sociétés Éts Bondet, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et les déclarer déchues de leur droit de faire valoir la non-conformité,

- en conséquence, déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formées à son encontre et débouter la société Éts Bondet, MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, IME de toutes leurs demandes à son encontre,

- débouter M. et Mme [V] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Eco-tendance, la société Éts Bondet et leurs assureurs,

- débouter les sociétés société Éts Bondet, MMA Iard, IME et la liquidation judiciaire de la société Eco-tendance de toutes leurs demandes à son encontre,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où une quelconque part de responsabilité serait retenue à son encontre, condamner les sociétés Éts Bondet, IME et MMA Iard à la garantir de toute condamnation à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société MS Amlin insurance à la garantir de toute condamnation à son encontre,

- juger que, en dehors de l'indemnité éventuellement servie par la société MS Amlin insurance de la société Beologic, aucune somme ne peut être mise à sa charge et que les clauses de limitation de garantie soulevées par la société MS Amlin insurance sont nulles et lui sont inopposables,

- si, par extraordinaire la clause relative à la non-indemnisation du compound était jugée applicable, juger que la limite de garantie opposée par la société MS Amlin insurance ne peut pas dépasser 321,28 euros,

- juger que le plafond de garantie pour la clause « dépose-repose » se reconstitue tous les ans,

juger que la franchise opposée par la société MS Amlin insurance ne s'appliquera qu'une seule et unique fois dans le cadre du litige sériel,

- en tout état de cause, condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens avec distraction au profit de la société SCP Malet Bais.

Aux termes de ses conclusions n°2, remises au greffe le 25 novembre 2021, la société MS Amlin insurance (ci-après « société Amlin ») venant aux droits de la société Amlin insurance SE et de Amlin Europe anciennement dénommée Amlin corporate insurance N.V, en sa qualité d'ancien assureur de la société Beologic demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- à titre principal, déclarer les époux [V] irrecevables en leur action et en l'ensemble de leurs demandes,

- déclarer forclose l'action de la société Éts Bondet et ses assureurs,

- déclarer irrecevables la société Éts Bondet et ses assureurs en leurs prétentions et en leurs demandes dirigées à son encontre,

- à titre subsidiaire, déclarer mal fondées les sociétés Éts Bondet et MMA Iard en leurs demandes dirigées à son encontre, en raison de l'absence d'obligation de conseil de la société Beologic à l'égard de la société Éts Bondet,

- déclarer mal fondées la société Éts Bondet et la société MMA Iard en leurs demandes dirigées à son encontre en l'absence de preuve de l'utilisation des produits vendus par la société Beologic, et en l'absence de vice n'affectant les granulés de mélange 70 % bois / 30 % PEHD composite livrés à la société Éts Bondet,

- débouter en conséquence la société Éts Bondet et la société MMA Iard de toutes leurs demandes à son encontre,

- débouter la société Éts Bondet et la société MMA Iard de leur demande de garantie à son encontre en sa qualité d'assureur de la société Beologic,

- débouter la société IME de ses demandes tendant à être garantie par la société Beologic et la société Amlin des condamnations éventuellement prononcées à leur encontre,

- la déclarer fondée à exclure de sa garantie le prix de remplacement des produits livrés par la société Beologic qui sont incorporés, après le processus d'extrusion réalisé par la société Éts Bondet, dans les lames de terrasses prétendument défectueuses,

- déduire de la condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre la somme de 2 864,40 euros correspondant au prix de remplacement des produits livrés par la société Beologic qui sont défectueux,

- la déclarer fondée à refuser sa garantie au titre des frais de remplacement des produits prétendument défectueux fabriqués plus de trois ans auparavant,

- déclarer qu'en tout état de cause, si par extraordinaire, la cour devait la condamner à garantie au titre des frais de dépose-repose, cette indemnisation serait nécessairement limitée pour la totalité des frais de dépose-repose dans le cadre de ce litige sériel à la somme maximale de 125 000 euros,

- limiter les frais de dépose et repose mis à sa charge dans la présente instance dans les limites de ce plafond de garantie applicable à l'ensemble des dossiers de ce sinistre sériel, et sous réserve de non épuisement de ce plafond,

- la déclarer fondée, s'agissant de la police responsabilité civile après livraison, à opposer une franchise de 10 % avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 5 000 euros par sinistre est opposable,

- rejeter toute demande formulée à son encontre y compris celles formulées au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie qui succombera à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la société Minault Teriitehau agissant par Me Teriitehau, avocat conformément aux dispositions prévues aux articles 695, 696 et 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs premières conclusions, remises au greffe le 31 août 2021, les époux [V] demandent à la cour de :

- les dire recevables et bien fondés en leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Éts Bondet au paiement des sommes de 19 496,35 TTC euros au titre des travaux de reprise et de 5 000 euros au titre de l'article 700 pour la première instance ainsi qu'aux entiers dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Éts Bondet au paiement des sommes de 2 400 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la société Éts Bondet ou tout autre succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la société Éts Bondet ou tout autre succombant, et son assureur la société MMA Iard, au paiement de la somme de 8 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais d'appel,

- condamner la société Éts Bondet ou tout autre succombant, et son assureur la société MMA Iard, aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise qui s'élèvent à la somme 7 056,96 euros TTC, dont distraction au profit de Me Le Roy avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par courrier reçu le 23 mars 2021, Me [E], ès qualités de liquidateur de la société Eco-tendance anciennement dénommée « Wood Chop » a indiqué que la procédure était impécunieuse et qu'il ne serait pas représenté, le tribunal de commerce de Montauban ayant mis fin à sa mission par jugement du 25 septembre 2018 et prononcé la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif.

La société Éts Bondet a obtenu, pour les besoins de la présente procédure, la désignation de Me [E] en qualité de mandataire ad hoc de la société Eco-tendance par ordonnance du 29 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2023, l'affaire a été initialement fixée à l'audience de plaidoirie du 6 février 2023 reportée au 19 juin 2023 puis a été renvoyée à l'audience du 6 mai 2024 en raison de l'indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 16 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est statué dans les limites des appels, principaux et incidents, formés.

A titre préliminaire, la cour relève en premier lieu :

- que les époux [V] n'invoquent plus le fondement décennal ni contractuel de leur action,

- que l'action des époux [V] à l'encontre de la société Éts Bondet est fondée sur la seule garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du code civil, le défaut caché affectant leurs terrasses rendant celles-ci impropres à leur destination,

- qu'il n'est pas réclamé la diminution de la part de responsabilité de la société Eco-tendance fixée à 20 % par le tribunal,

- que la réalité et la matérialité des désordres ne sont pas contestées par les parties.

Sont par conséquent définitives les dispositions du jugement ayant débouté les époux [V] de leur action sur le fondement décennal et sur le fondement contractuel de droit commun.

En second lieu, il ressort de l'expertise judiciaire que les lames de la terrasse des époux [V] ont présenté, neuf mois après l'achèvement de celle-ci, une déstructuration de la matière conduisant à leur fracturation en bloc, des variations dimensionnelles (gonflements) sous l'effet des variations de température ou d'humidité avec l'apparition d'espaces en bout de lames (retraits) ou des déformations (retrait/gonflement contrarié).

M. [D] a relevé que les essais et analyses avaient montré un « produit inhomogène avec une porosité et des particules de bois insuffisamment enrobées ». Il a conclu que ces désordres, sans lien avec les conditions de pose des lames Belavia, rendaient les platelages impropres à leur destination et dangereux. Il a qualifié le sinistre de sériel.

Il a conclu « de manière certaine » que les couples machines/produits ne fonctionnaient pas.

Le procédé de fabrication des lames Belavia est le suivant :

La société Beologic produit un compound composé de 70 % de bois et de 30 % de polyéthylène haute densité (PEHD).

Cette matière première est livrée sous forme de granulés à la société Éts Bondet qui verse ces granulés dans une trémie d'alimentation chauffée à près de 80 °C. Le compound est ensuite inséré dans une extrudeuse équipée d'un système de double dégazage afin d'évacuer l'éventuel excès d'humidité. Le matériau obtenu est passé dans la filière avec mise en forme des lames et calibrage.

La société Eco-tendance, après avoir initialement importé cette filière de Chine et constaté la mauvaise qualité du produit, s'est fournie auprès de la société Éts Bondet à compter de mars 2011.

L'expert précise que la société Éts Bondet, qui n'a aucune expérience des mélanges bois/polymères a été mise en contact via un de ses fournisseurs avec la société Beologic s'affirmant comme spécialiste du domaine de la production de matière première adéquate. La production industrielle a commencé à partir du 20 juillet 2009.

Par la suite, ces lames ont été vendues par la société Eco-tendance à la société Stéphane goumand espaces verts qui a installé et posé les terrasses des époux [V].

Il est enfin rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité de l'action des époux [V] à l'encontre de la société Éts Bondet

La société Éts Bondet invoque la prescription de l'action en garantie des vices cachés des époux [V] en faisant valoir que le délai biennal court à compter de la découverte du vice et donc de l'apparition des anomalies en mars 2012 et que le tribunal ne pouvait pas reporter ce point de départ au 2 juin 2013.

Elle soutient que le délai s'est achevé le 25 mars 2014 et que les époux [V] ne sont à l'origine d'aucun acte interruptif à son égard puisqu'elle a été assignée en justice par la société IME.

La société MMA Iard soutient également, à titre subsidiaire, que leur action est prescrite puisque le délai court à compter de la découverte des désordres en mars 2012.

De la même façon, la société Beologic soutient que le délai court à compter de la découverte du vice et que les époux [V] ont constaté les désordres affectant leur terrasse en mars 2012 et non le 2 juin 2013.

La société Amlin fait aussi valoir que les demandes des époux [V] ont été formulées par conclusions du 11 avril 2017, que l'action en garantie des vices cachés devait être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice et non à compter du jour à partir duquel sa cause est établie et qu'ils auraient dû agir dans un délai de deux ans à compter de mars 2012.

Elle soutient que la date effective de la découverte du vice affectant les lames ne doit pas être confondue avec la connaissance de ses causes techniques qui n'a pu être révélée que par le rapport d'expertise, que le délai biennal est un délai de forclusion, non susceptible de suspension et que les opérations d'expertise n'ont pas eu d'effet suspensif sur ce délai.

Elle ajoute que si l'assignation en référé expertise a pu avoir un effet interruptif, aucun acte interruptif de forclusion n'est intervenu dans un délai de deux ans suite à la désignation d'un expert le 20 juin 2014 et que les demandes ont été formulées après l'expiration du délai.

De leur côté, les époux [V] font valoir que si les premières déformations sont apparues en mars 2022, ils n'avaient pas encore conscience de leur gravité ni de leur ampleur et qu'ils n'ont appris que le 2 juin 2013 qu'ils étaient en présence d'une non-conformité de la matière vendue par le fournisseur.

Ils soulignent que leur assignation en référé des 27, 28 février et 4 mars 2014 a interrompu le bref délai jusqu'au 20 juin 2014, date de la désignation de l'expert puis jusqu'au 22 décembre 2015, date de dépôt du rapport d'expertise.

Ils confirment le raisonnement du tribunal ayant fixé l'expiration du délai de prescription, au vu du délai déjà couru, à la date du 25 avril 2017 et estiment que leur action n'est pas prescrite.

Subsidiairement, ils font valoir que le point de départ du bref délai doit être fixé à la date du dépôt du rapport d'expertise, soit le 22 décembre 2015, date à laquelle la nature du désordre a été clairement établie.

Réponse de la cour

L'article 1648 du code civil dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par 1'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Il est désormais admis que ce délai est un délai de prescription susceptible de suspension et d'interruption. Il peut donc, en application de l'article 2241 du même code, être interrompu par l'assignation en référé expertise puis suspendu par l'ordonnance de désignation jusqu'au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, en application de l'article 2239.

L'article 2241 du même code précise que la demande en justice interrompt le délai de prescription.

Il est également admis que, sauf circonstances particulières, les vices ne peuvent être connus dans toute leur ampleur qu'au moment du dépôt du rapport d'expertise judiciaire qui les révèle.

Pour retenir le 2 juin 2013 comme point de départ du bref délai, le tribunal a retenu qu'à cette date, les acquéreurs avaient eu connaissance du vice dans toute son ampleur.

Il ressort du courriel échangé le 22 mai 2013 et transmis le 2 juin aux époux [V] que la société Eco-tendance a indiqué être « en présence d'une non-conformité de matière » et être en attente du retour de la prise de position de son assureur.

Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette pièce ne suffit pas à rapporter la preuve de la découverte du vice dans toute son ampleur et ses conséquences. Le vice ne se confond pas avec la notion de désordre ou de non-conformité et est défini à l'article 1641 dont il ressort notamment qu'il doit être grave, antérieur à la vente, caché et rendre la chose impropre à l'usage auquel on la destine. De même la découverte du vice n'est pas assimilable à la connaissance du désordre.

En l'espèce, c'est bien lors du dépôt du rapport que les acquéreurs, qui sont des particuliers, ont découvert le vice tel qu'exigé par la loi, dans toute son ampleur et ses conséquences, soit le 22 décembre 2015.

En l'espèce, les époux [V] ont, par conclusions signifiées électroniquement le 11 avril 2017, formulé une demande d'indemnisation à l'encontre de la société Éts Bondet sur le fondement de la garantie des vices cachés, soit dans le délai imparti de deux ans pour agir.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé leur action en garantie des vices cachés recevable et non prescrite.

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir soulevée par la société Beologic

La société Beologic soulève l'irrecevabilité des appels en garantie formés à son encontre.

Les sociétés Éts Bondet et MMA Iard invoquent, au visa des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de cette fin de non-recevoir présentée par la société Beologic pour la première fois à hauteur d'appel et dans ses conclusions d'intimée n°4, soit plus d'un an après ses premières conclusions. Elles font valoir que les demandes sont nouvelles et diffèrent tant dans leur nature que dans leurs fondements.

La société Beologic rétorque que la procédure avait été initiée avant la réforme, qu'elle n'a formulé aucune demande nouvelle, que le tribunal avait statué sur la recevabilité au regard de la convention de Vienne, que la fin de non-recevoir qu'elle formule tend aux mêmes fins, quel que soit le fondement invoqué, que le principe de concentration des demandes ne concerne que les demandes au fond et qu'une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel la prescription. Elle peut être invoquée en tout état de cause.

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Selon l'article 910-4 du même code, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Il est désormais admis que les fins de non-recevoir, qui tendent à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, ne sont pas des prétentions sur le fond. Dès lors, elles ne sont pas soumises à l'obligation de concentration des prétentions sur le fond.

Partant, cette fin de non-recevoir est jugée recevable.

Sur la recevabilité des appels en garantie à l'encontre de la société Beologic et de son assureur

Pour juger ces recours non prescrits, le tribunal a, au visa de l'article 40 de la Convention de Vienne, relevé que la société Beologic était mal fondée à invoquer l'absence de dénonciation de la non-conformité puisqu'elle avait été alertée du désordre le 9 mars 2012, qu'elle a, dès décembre 2011, utilisé un autre compound et qu'elle avait eu connaissance d'un litige similaire avec une société portugaise.

La société Beologic maintient que l'appel en garantie à son encontre fondé sur un défaut de conformité est irrecevable faute de l'avoir dénoncé dans un délai raisonnable ni même dans le délai de deux ans visé dans la Convention de Vienne, applicable dans ses relations avec le client français. Elle rappelle qu'en toute hypothèse, selon la convention de New-York, le délai de prescription serait de quatre ans, à compter de la livraison de la marchandise et qu'il a expiré le 10 octobre 2014.

Elle soutient que l'acquéreur doit démontrer que le vendeur avait connaissance de la prétendue non-conformité au plus tôt, au moment de la vente et au plus tard, au moment de la livraison.

Son assureur, la société Amlin estime également que le recours de la société Éts Bondet est tardif. Elle rappelle que le contrat de vente internationale entre les sociétés Éts Bondet et Beologic relève de la seule Convention de Vienne, que la première n'a pas dénoncé dans un « délai raisonnable » le défaut de conformité ni dans un délai de deux ans à compter de la livraison du compound, que le courriel du 9 mars 2022 est antérieur à la date d'apparition des dommages chez les époux [V], qu'il ne dénonce pas une non-conformité et ne permet pas d'identifier le compound incriminé. Dans ces conditions, elle estime que l'appel en garantie de la société Éts Bondet est irrecevable.

La société Éts Bondet sollicite la confirmation du jugement et soutient que la non-conformité du compound ne pouvait être décelée au moment de la livraison, que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du jour où elle a elle-même été assignée par les époux [V], soit le 31 mars 2014 et que le recours en garantie, formé par conclusions du 18 septembre 2017 est recevable.

De la même façon, la société MMA rappelle que la société Éts Bondet a alerté la société Beologic du défaut de conformité dès le 9 mars 2012, soit dans un délai raisonnable, que les livraisons ont débuté en juillet 2009 et que dès la fin 2011, la société Beologic avait conscience des difficultés.

Elle confirme que le délai de quatre ans issu de la convention de New-York ne court qu'à compter de la date à laquelle l'action pouvait être exercée.

Réponse de la cour

Les parties sont liées par un contrat de vente internationale dont le recours est soumis aux dispositions de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 et celles de la Convention de New-York du 14 juin 1974. Elles s'entendent sur l'application du délai de prescription quadriennal mais s'opposent sur le point de départ de ce délai.

En application de l'article 9 de la Convention de New-York, ce délai court « à partir de la date à laquelle l'action peut être exercée » ce qui implique de connaître les faits permettant d'exercer le recours. Le demandeur à une action récursoire ne peut agir avant d'avoir fait lui-même l'objet d'une action émanant de l'acheteur initial.

Il ne peut être éludé que le désordre relève non pas d'une non-conformité au sens du droit français mais d'un vice caché constitué par l'impropriété de la chose vendue à l'usage auquel elle est destinée. Dans ces conditions, la non-conformité alléguée ne pouvait être décelée lors de la vente ni lors de la livraison du compound. C'est donc sans fondement que les sociétés Beologic et Amlin fixent le point de départ du délai à compter de la livraison des produits.

En l'espèce, dès la fin de l'année 2011, et en tout cas en mars 2012, la société Beologic avait connaissance du problème de conformité posé par le produit livré à la société Éts Bondet et elle ne peut donc, en application de l'article 40 de la Convention de Vienne, se prévaloir de la forclusion de l'action intentée par celle-ci avec son assureur.

De surcroît, le recours en garantie ne pouvait être effectivement exercé avant que les époux [V] n'aient assigné, le 31 mars 2014, les sociétés Éts Bondet et MMA.

Dans ces conditions, le recours en garantie exercé contre la société Beologic et son assureur par conclusions du 18 septembre 2017 après assignation du 27 janvier 2016, doit être déclaré recevable et non prescrit.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande d'écarter des débats le rapport d'expertise de M. [F]

Invoquant la révélation de nouveaux faits en avril 2022, la société Éts Bondet demande à la cour d'écarter des débats ce rapport, en l'absence d'impartialité de l'expert, dont il est reproché la participation, la veille des opérations d'expertise sur le site de la société Beologic, à un dîner offert par le dirigeant de cette société dans le but de le convaincre du rôle prépondérant de la société Éts Bondet dans les désordres.

La société MMA s'associe à cette demande.

La société Beologic s'oppose à cette demande qu'elle estime irrecevable, déloyale et infondée.

En application de l'alinéa deux de l'article 910-4, les prétentions destinées à faire juger une question née postérieurement aux premières conclusions de la révélation d'un fait sont recevables. La demande, qui résulte de faits nouveaux, est par conséquent recevable.

En application de l'article 237 du code de procédure civile, l'expert est tenu d'accomplir sa mission avec « conscience, objectivité et impartialité ».

Il ressort des pièces produites que trois personnes (pièces 68 à 70) ont attesté en juillet 2022 de l'existence de ce dîner du 7 avril 2022 dont l'objet aurait notamment été, selon M. [J] (pièce 67) intervenu dans l'expertise en tant que sachant, d'influencer l'expert pour dégager la responsabilité de la société Beologic.

Contacté sur cette difficulté, M. [F] a produit des notes de frais non probantes et a écrit ne pas avoir souvenir d'un tel dîner, ne pas avoir dérogé aux programmes pré-établis et ne pas être influençable.

Il ne peut être contesté la difficulté pour M. [F] de rapporter, sept ans après, la preuve de l'absence d'un tel dîner et encore moins, d'avouer une partialité. Les attestations font état d'une volonté d'influencer l'expert et d'un dîner offert mais n'en rapportent pas la preuve.

Remettre en cause l'impartialité d'un expert exige des preuves tangibles qui ne sont pas produites en l'espèce. Instiller le doute sur l'impartialité d'un expert ne constitue pas une preuve de celle-ci, d'autant que le rapport d'expertise relate des faits, des constatations, des analyses et des données scientifiques sur lesquels les parties ont eu toute liberté de débattre.

De surcroît, les conclusions de ce rapport rejoignent celles d'un autre expert, M. [X]. Enfin, le fait d'émettre un avis divergent n'est pas en soi un signe de partialité.

Dans la mesure où la cour, comme le tribunal, dispose de six rapports d'experts judiciaires qui sont de nature à compléter le rapport de M. [D], il n'y a pas lieu, en l'état, d'écarter le rapport de M. [F], désigné dans neuf autres dossiers, qui est le seul expert à avoir mutualisé les dossiers de ce litige sériel en étudiant les deux filières d'extrusion, la filière Bondet et la filière Sylvadec.

La demande d'écarter cette pièce est rejetée, de même, en conséquence, que la demande d'indemnisation à hauteur de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur la demande d'inopposabilité du rapport d'expertise de M. [D]

Pour rejeter cette demande de la société Beologic et de son assureur, le tribunal a retenu que ce rapport s'inscrivait dans des désordres de nature sérielle, qu'il s'appuyait en grande partie sur le rapport de M. [F] comportant des conclusions identiques à celles d'autres rapports rendu au contradictoire de cette société et que l'ensemble des parties a pu débattre contradictoirement des rapports versés aux débats.

À l'appui de leur appel sur ce point, ces sociétés maintiennent que ce rapport n'a pas été rendu contradictoirement et qu'il leur est donc inopposable, sans toutefois critiquer les motifs retenus par le tribunal.

Il est rappelé que l'absence de mise en cause de la société Beologic dans les opérations d'expertise ne résulte que de la décision, certes singulière mais non contestée, du président du tribunal de Chartres.

Il ressort de l'expertise que M. [D] a immédiatement souligné la particularité de ce dossier résultant de l'absence du fournisseur du produit à l'expertise, que s'il cite la société Beologic à quarante-et-une reprises, il précise qu'il n'a pas pu avoir accès aux données la concernant et reste prudent sur les points qui n'ont pu être confirmés.

Les conclusions de cet expert restent cohérentes en ce qu'elles rejoignent celles d'autres experts qui ont retenu la responsabilité de la société Beologic.

En toutes hypothèses, cette société et son assureur ont pu présenter utilement leurs observations.

Au final, il n'apparaît pas nécessaire de prononcer une inopposabilité pour les motifs exposés par le tribunal et que la cour reprend. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le quantum des préjudices réclamés

À l'appui de son appel, la société Éts Bondet réclame l'infirmation du jugement et fait valoir que le montant accordé au titre de la réfection des lames est excessif et largement supérieur aux prix pratiqués sur le marché et produit deux devis comparatifs et que la somme allouée au titre du préjudice de jouissance n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum.

Elle produit deux devis fixant le coût de la réfection entre 125 et 153 euros HT/m² et non 242 euros/m² comme réclamé par les époux [V].

Elle conteste la réalité du préjudice sans toutefois expliciter sa contestation de principe.

Le premier juge a retenu le devis de la société [O] du 11 mai 2015 soumis à l'expert judiciaire qui retient un montant de 231,66 euros HT/m² alors que l'expert [X] avait retenu un devis à 224 euros HT/m².

Les devis produit par l'appelante sont laconiques et ne permettent une comparaison efficace par rapport au devis analysé par l'expert.

Le jugement est par conséquent confirmé sur le quantum du préjudice matériel.

Pour réclamer à nouveau en appel une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, les époux [V] réitèrent que les désordres sont apparus en 2013 et que les travaux de remise en état n'ont été effectués qu'en 2016 alors qu'ils avaient deux enfants en bas âge.

La cour fait siens les motifs retenus par le tribunal pour limiter à 2 400 euros le préjudice de jouissance. Le jugement est confirmé également sur ce point.

Sur la responsabilité de la société Eco-tendance

La société IME fait valoir que la société Eco-tendance n'a qu'une activité de négoce, qu'elle a passé commande des lames auprès de la société Éts Bondet, fabriquant, elle-même se fournissant auprès de la société Beologic, que le produit a été élaboré conjointement par les sociétés Éts Bondet et Beologic.

Elle précise que le partenariat avec la société Éts Bondet a débuté en avril 2009 et qu'elle lui a proposé deux types de matière première après s'être rendue dans les locaux de la société Beologic afin d'effectuer un essai avec un nouvel outillage bois arrivant de Chine.

Elle souligne que la société Eco-tendance n'a pas participé à ces essais. Selon elle, les deux sociétés étaient informées du produit et de son utilisation en terrasses extérieures et la société Beologic a conseillé le fabriquant pour le choix de la matière.

Elle ajoute que les premiers essais dans les locaux de l'extrudeur ont été réalisés dès juin 2009, que de nouveaux essais ont été réalisés en Belgique mi-juillet 2009 afin de valider le choix de la matière et des colorants et que la production industrielle a commencé après la première livraison le 20 juillet 2009.

Elle fait valoir que les experts [F], [X], [H] et [U] ont exclu la responsabilité de la société Eco-tendance et que les désordres proviennent d'un problème de matière et non d'une absence d'essai, comme le suggère, sans le démontrer, M. [D].

Elle estime que la seule intervention de la société Eco-tendance a consisté à définir la forme extérieure de la lame, qui n'a aucun lien avec les désordres.

La société Éts Bondet fait valoir qu'il incombait à la société Eco-tendance, en sa qualité de concepteur et commercialisateur du produit de procéder aux tests et essais sur les lames et que la seule norme existante à l'époque, XP Cent/TS 15534 publiée en 2007, expérimentale et non obligatoire, ne définissait pas à qui incombaient ces essais, pas plus que les projets de contrats conclus avec la société Eco-tendance.

La société Beologic soutient que la société Eco-tendance a mis sur le marché des produits sans aucun essai de qualification ou de conformité. Elle ajoute qu'elle n'a pas tenu compte de la défectuosité des lames chinoises initialement commercialisées et qu'elle aurait dû s'assurer de la qualité et de la durabilité des lames extrudés par la société Éts Bondet avant de les qualifier comme étant imputrescibles et hydrophobes.

Elle souligne qu'elle a continué à commercialiser ces lames après le mois de décembre 2010, alors qu'à cette date elle avait déjà connaissance des sinistres les affectant.

Réponse de la cour

Il est acquis que les lames Belavia utilisées pour réaliser les terrasses litigieuses ont été fournies par la société Eco-tendance suivant facture du 1er octobre 2010.

L'expert judiciaire a formulé plusieurs reproches à la société Eco-tendance, à l'origine du projet de terrasses en lames composites, ayant élaboré la fiche technique de montage et la brochure commerciale s'y rapportant.

Il a retenu à juste titre l'absence de réalisation d'un cahier des charges décrivant les spécifications du produit final adapté à l'exposition extérieure et de test permettant de vérifier leur résistance à l'utilisation qui lui était destinée.

Les deux projets de contrats remis à l'expert ne mentionnent aucune référence à une qualité ou une performance et il n'a donc pas été mis en évidence de non-conformité aux documents contractuels.

L'expert a enfin relevé que la société Eco-tendance n'avait pas sollicité la réalisation d'essai initial et qu'elle n'avait fait aucun contrôle sur ses approvisionnements. Selon lui, elle a incontestablement manqué à son devoir de vigilance lors de la mise sur le marché de ces lames.

Les experts [D] et [U] ont également reproché à la société Eco-tendance une absence de cahier des charges, une absence d'exigence sur les performances du produit lors de son élaboration et une absence de contrôle sur les produits lors de la période d'approvisionnement.

Il ressort des conditions générales de vente du sous-traitant en plasturgie qu'à défaut de cahier des charges concernant les contrôles et essais à faire sur les pièces, le fournisseur n'effectue qu'un simple contrôle visuel et dimensionnel.

C'est par conséquent à juste titre que le tribunal a retenu que la société Eco-tendance avait donné son accord pour la production industrielle sans cahier des charges ni application de bonnes pratiques.

Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas réclamé en appel la diminution de sa part de responsabilité, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu, à hauteur de 20 %, la responsabilité de la société Eco-tendance à l'égard des époux [V] au titre de la garantie des vices cachés.

Sur la garantie de la société IME

Les époux [V] ont dirigé leur action en garantie des vices cachés contre la société IME, assureur de la société Eco-tendance, liquidée, sur le fondement de l'article L.123-4 du code des assurances.

La société IME dénie sa garantie en invoquant l'exclusion prévue au paragraphe 2.1.2 de l'article 32 des conditions générales du contrat d'assurance.

Contrairement à ce que prétend la société Éts Bondet, l'ensemble des pièces relatives à la police souscrite par l'assurée est versé aux débats.

L'absence de couverture par l'assureur concerne, en application de l'article 32 §21 « les coûts de réparation, remplacement ou remboursement des produits livrés ou des travaux exécutés par l'assuré qui ne remplissent pas les fonctions promises par ce dernier ainsi que les défauts de performance ».

L'article 32 ' B 32 stipule également qu'il « n'y a pas d'assurance pour les frais occasionnés par le retrait des biens, produits ou marchandises livrées quelle qu'en soit la cause, ainsi que les dommages subis par les acquéreurs et/ou l'assuré du fait de l'arrêt de leur livraison ». Cet article exclut donc les frais de dépose-repose

Enfin, l'article 32 - B1 exclut les dommages immatériels qui ne sont pas consécutifs à des dommages matériels ou corporels garantis.

Ces clauses sont claires et précises et n'ont pas à être interprétées.

Contrairement à ce qui est soutenu, cette clause ne prive pas le contrat d'assurance de ses effets dans la mesure où les dommages causés aux tiers par le produit livré par l'assuré demeurent garantis. Étant formelle et limitée, elle ne vide pas le contrat d'assurance de sa substance au regard de l'étendue du domaine d'activité de l'entreprise mentionnée dans l'extrait Kbis. Elle apparaît ainsi conforme aux exigences posées à l'article L.113-1 du code des assurances.

En conséquence, la société IME est bien fondée à opposer aux tiers, et notamment à la société Éts Bondet les exclusions prévues au contrat. Dans les relations entre co-obligées, cette exclusion fait obstacle à tout autre recours.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société IME et en ce qu'il a rejeté les demandes en garantie des autres parties à son encontre.

Au vu de cette solution, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de la société IME.

Sur la responsabilité de la société Éts Bondet

La société Éts Bondet fait valoir qu'elle n'a aucune part de responsabilité dans les désordres, que tous les experts désignés dans ce litige sériel ont conclu à un vice du matériau en raison de l'inadaptation du compound fabriqué par la société Beologic et de l'absence de réalisation d'essais sur les lames de terrasse par la société Eco-tendance qui a conçu et commercialisé ces lames et que certains experts ont en outre retenu l'existence d'une possible défaillance dans le processus d'extrusion et une commercialisation fautive des lames par la société Eco-tendance, dont elle n'est que le sous-traitant industriel.

Elle estime ne pas avoir été défaillante dans le processus d'extrusion et souligne qu'elle n'a eu aucun rôle dans le choix de la matière première dont la composition a été définie par la société Beologic et qu'elle n'avait pas d'obligation en tant qu'extrudeur de procéder à des essais sur les lames.

Elle ajoute que la fabrication de lames de la gamme Alvea, à partir d'un autre matériau, n'a pas donné lieu à des réclamations et que la production de lames Belavia, dès février 2012, à partir d'un matériau composé différemment n'a pas fait l'objet de réclamation.

Elle souligne que l'expert [H] a imputé les déformations des lames aux compound livrés par la société Beologic, que deux autres sociétés ayant utilisé ce matériau ont eu des difficultés avec ces lames et que celle-ci a mis fin dès décembre 2011 à la fourniture de ce mélange.

En toute hypothèse, elle retient que le prétendu rôle causal de l'extrudeuse retenu par M. [F] n'est étayé d'aucun élément technique et qu'aucun lien de causalité n'a été démontré, l'expert n'ayant pas procédé à des tests de vieillissement complet sur les lames extrudées au moyen de la filière Sylvadec.

La société MMA confirme cette position et demande à la cour d'augmenter la part de responsabilité des sociétés Beologic et Eco-tendance et de réduire sa part de responsabilité.

La société IME soutient de son côté que la société Éts Bondet a été le garant du choix de la matière première permettant de fixer définitivement les caractéristiques du profilé et que la cause des désordres ne provient pas des machines utilisées par celle-ci. Selon elle, la société Éts Bondet, qui a été l'unique fournisseur pour la société Eco-tendance, a participé aux choix de la matière, qu'elle a démarché un fournisseur et qu'elle a mis en place le processus de fabrication et les essais. Elle estime que les désordres ne peuvent provenir que de la matière ou de sa transformation ou des deux cumulés et rappelle que les experts [F], [X], [H] et [U] ont conclu à la responsabilité prépondérante de la société Éts Bondet.

La société Beologic fait valoir que seul le fabriquant de lames de terrasse est à même d'apprécier si la matière première livrée peut être utilisée pour son produit final et que seule la société Éts Bondet maîtrise l'extrusion et l'outillage. Selon elle, le processus d'extrusion et les outillages utilisés sont la cause principale des sinistres comme l'a retenu M. [D] qui a retenu un process de fabrication non adapté et une fabrication défectueuse.

Son assureur, la société Amlin rappelle que les conclusions de M. [F] imputent les désordres qui ont affecté les lames de terrasse après leur pose aux seules et uniques modalités d'extrusion définies par la société Éts Bondet et mettent en avant l'absence de toute démarche qualité en dehors de l'aspect visuel et des cotes dimensionnelles. Selon elle, les désordres sont imputables à la société Éts Bondet.

Réponse de la cour

M. [D], qui s'est inspiré des observations figurant dans d'autres rapports d'expertises, a clairement identifié dans l'origine des désordres le process de fabrication des lames à partir du compound Beologic PEHD 70/30 non adapté. Il a identifié le comportement hygroscopique anormal du matériau constitutif des lames en raison d'une fabrication défectueuse. Selon lui, le process utilisé ne permet pas de fabriquer des lames aptes à leur usage extérieur.

N'ayant pu expertiser le contrat signé entre les sociétés Éts Bondet et Beologic, il n'a pu mettre en évidence de non-conformité contractuelle.

Il a relevé qu'il était anormal et incompréhensible que les deux industriels n'aient réalisé aucun essai physico-mécanique visant à établir, vérifier, contrôler les performances des lames et qu'il existait une forte suspicion quant à la possibilité de transformer ce produit en lames de platelage.

Il a estimé que la société Éts Bondet, spécialiste de l'extrusion sans aucune expérience sur les mélanges bois/polymères en 2009, s'était lancée dans un projet de développement sans aucun cahier des charges de son mandant, qu'elle n'a réalisé aucun essai, qu'elle n'a pas mis en place de plan d'action de qualité visant à garantir une reproductibilité de fabrication et une qualité continue.

S'inspirant de l'expertise de M. [F], M. [D] a retenu que l'outil de production n'était pas adapté à la production de ces lames à partir du mélange bois-PEHD 70/30 Beologic et que les lames de terrasse obtenues étaient hydroscopiques. Ainsi, le mode de fabrication n'apportait pas la compression suffisante permettant d'assurer l'encapsulation optimale des granules de bois par le PEHD.

Par ailleurs, il ne saurait être soutenu que la fiche technique du matériau livré par la société Beologic, qui n'a pas valeur contractuelle, mette à la charge de la société Éts Bondet une obligation de réaliser des essais sur le produit fini. Néanmoins, il reste peu compréhensible qu'aucun test ni essai n'ait été entrepris, même en l'absence de norme obligatoire spécifique à la fabrication de ces lames.

Dans ces conditions, le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu le processus d'extrusion défaillant et jugé que la société Éts Bondet a incontestablement contribué à l'apparition du vice dans les lames posées chez les époux [V]. Sa part de responsabilité peut être évaluée à 40 %.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé que la garantie des vices cachés avait été transmise avec les lames litigieuses lors des ventes successives et que la société Éts Bondet était tenue à la garantie des vices cachés à l'égard des époux [V].

Sur la garantie de la société MMA

Le 4 novembre 2005, la société Éts Bondet a souscrit auprès de la société MMA une police responsabilité civile n°114 443 119 garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assurée peut encourir du fait des dommages corporels, matériels et immatériels causés à un tiers.

Cette assurance garantit uniquement les dommages causés par le produit livré par l'assuré, dans les conditions et limites contractuelles. En revanche, les dommages causés au produit fourni par l'assurée ne sont pas garantis. Ainsi les dommages subis par les lames achetées par les époux [V] et extrudées par la société Éts Bondet et les frais nécessaires pour remplacer ces lames ne sont pas garantis par la société MMA.

Dès lors, la seule garantie potentiellement mobilisable dans le cadre de ce sinistre sériel est donc la garantie « dommages immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels non garantis par le présent contrat ».

En réponse, la société Éts Bondet conteste avoir signé la police d'assurance initiale.

Il ressort de l'examen de la police produite par la société MMA, qu'elle est bien signée des parties et que la société Éts Bondet a paraphé en page 7 l'avenant au contrat modifiant les conditions financières du contrat, qui s'y réfère expressément, prenant effet le 1er mai 2012. Si les clauses d'exclusion sont rappelées à l'assurée après l'apposition de sa signature, cela ne signifie cependant pas qu'elle en méconnaît leur existence, la police initiale étant simplement annexée au document modificatif.

Le débat autour du réel contenu de l'avenant est sans incidence sur la connaissance par l'assurée des garanties souscrites depuis 2005, les modifications n'ayant pas porté sur les clauses limitatives de garantie.

De surcroît, il est désormais admis que l'absence de signature de l'avenant n°2 ne fait pas obstacle à son application, d'autant que les clauses d'exclusions sont identiques à celle du contrat initial signé.

Dès lors, l'argumentation de l'appelante tendant à considérer qu'elle n'a pas émargé la police initiale de 2005 est écartée. La société Éts Bondet a bien été destinataire des conditions générales du contrat d'assurance.

La société MMA estime de son côté que le plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs, à supposer mobilisée, est épuisé.

L'article L.124-1-1 du code des assurances dispose : «constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ».

Aux termes de l'article 1-2-1 de la police, le plafond de garantie pour les dommages immatériels non consécutifs est de 305 000 euros, mobilisable par sinistre et par année d'assurance et pour l'ensemble des assurés.

Il est établi que les défauts affectant les lames de type Belavia ont généré un nombre important de sinistres mettant notamment en cause la société Éts Bondet et sollicitant la garantie de son assureur.

Les rapports d'expertise produits lors de la présente procédure ont stigmatisé le problème de composition du compound Beologic bois-PEHD 70/30 et les défaillances lors des opérations d'extrusion.

L'article 2-3-2 de la police précise que sont considérées comme formant un seul et même sinistre, quel que soit le nombre de lésés, les réclamations résultant d'une même erreur, malfaçon ou faute quelconque. Chaque sinistre est imputé à l'année d'assurance au cours de laquelle la première réclamation a été présentée.

Ainsi, les réclamations relatives aux malfaçons des lames Belavia se rattachent à un sinistre unique au sens dudit contrat, avec un seul et unique plafond de garantie.

Dès lors, aucune ambiguïté ni contrariété entre les clauses du contrat ne sont avérées au regard des dispositions du texte précité. En face d'un sinistre sériel relevant d'une même cause technique, la société MMA est fondée à se prévaloir de l'application du principe de globalisation sans que puisse lui être opposé, comme le soutient la société Éts Bondet, le fait que le plafond de 305 000 euros se reconstitue chaque année.

En conséquence, un seul plafond de garantie va s'appliquer à l'ensemble des sinistres et le paiement des victimes se fera au prix de la course en cas de dépassement du plafond de garantie.

Il est admis que l'épuisement du plafond de garantie est opposable au tiers lésé qui intente une action directe.

La société MMA estime à juste titre que ce plafond est atteint en faisant notamment état des frais de défense exposés dans le cadre de ce litige sériel d'un montant de 104 027,42 euros au titre des frais et honoraires de l'avocat de leur assurée et d'un montant de 205 119,12 euros au titre des frais d'expertises du Cabinet Erget, soit un total de 309 146,54 euros.

Il ressort du dossier que le Cabinet Erget a assisté techniquement la société Éts Bondet dans près de quatre-vingts dossiers, dont vingt-six en expertise judiciaire, onze en expertise judiciaire après expertise amiable et quarante-trois en expertise amiable.

Au regard des éléments fournis par la société MMA et du caractère sériel du litige, l'extrudeur ne peut affirmer ne pas avoir été informé des modalités et du coût de l'intervention du cabinet juridique.

Ces éléments démontrent que le plafond de garantie est dépassé. Partant, le jugement est confirmé sur ce point.

La société Éts Bondet sollicite également la garantie de son assureur au titre des frais de dépose/repose prévus à l'avenant à effet du 1er mai 2013, d'un montant de 6 800 euros HT selon le devis de la société Le [O].

La société MMA invoque sur ce point la clause d'exclusion figurant à l'article 2-1-2 du contrat opposable aux tiers et soutient que ces frais n'auraient pu être pris en charge qu'au titre de la garantie des dommages immatériels non consécutifs, si elle n'avait pas été épuisée.

Aux termes de cet article, « est toutefois pris en charge le remboursement des frais de dépose et de repose des produits défectueux fournis par l'assuré dès lors qu'ils sont engagés par lui sous réserve que sa responsabilité soit dûment établie. »

Il en résulte que les frais de dépose/repose sont exclus de la garantie sauf s'ils ont été engagés par l'assurée et que sa responsabilité est établie. Cette clause prévoit précisément et sans ambiguïté la possibilité pour l'assurée d'obtenir un remboursement de ses frais et non une contrepartie à l'obligation d'indemniser le tiers.

En l'espèce, la société Éts Bondet n'a pas engagé ces frais puisque cette prestation a été réalisée par des tiers.

Au regard de ce qui précède, le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que la société MMA ne devait pas sa garantie, en ce qu'il a débouté les époux [V] de leur demande dirigée contre celle-ci, en ce qu'il a rejeté les demandes de garantie de la société Éts Bondet et des autres parties et en ce qu'il a mis hors de cause cet assureur.

Sur la responsabilité de la société Beologic

La société IME fait valoir que la société Beologic a été le garant des performances de sa matière première pour l'usage en extérieur et qu'elle a été l'unique fournisseur de matière de la société Éts Bondet. Elle estime que les désordres ne peuvent provenir que de la matière ou de sa transformation ou des deux cumulés et rappelle que les experts [F], [X], [H] et [U] ont conclu à la responsabilité partielle de la société Beologic.

La société MMA confirme la responsabilité de la société Beologic dans la survenance des désordres.

Elle rappelle que la société Éts Bondet a été dirigée vers la société Beologic pour se fournir en matière première, que celle-ci lui a proposé le mélange incriminé et qu'un essai de fabrication avait été effectué en avril 2009 et validé par la société Beologic.

Elle souligne qu'en décembre 2011, la société Beologic a cessé de fournir ce mélange qu'elle a remplacé par un nouveau mélange sans dire que cela faisait suite à un sinistre survenu au Portugal et que deux autres clients de ce fournisseur ont rencontré des problèmes similaires.

De son côté, la société Beologic conteste toute faute. Elle relève que M. [D] n'a même pas analysé le compound et qu'il n'est pas prouvé que celui-ci soit à l'origine des désordres.

Elle rappelle que la convention de Vienne ne prévoit aucune obligation d'information entre co-contractants et que le droit français n'a pas vocation à s'appliquer entre elle et la société Éts Bondet, spécialiste en matière d'extrusion. Elle indique qu'en toute hypothèse, elle avait informé cette dernière de la nécessité de réaliser des analyses sur les produits extrudés avant leur commercialisation et que la fiche technique rappelle la nécessité de réaliser les derniers tests et essais sur le produit fini. Elle affirme que si elle avait effectué ces tests, il n'y aurait eu aucun sinistre.

Elle conteste avoir été sollicitée pour intervenir dans le processus d'extrusion et souligne qu'elle avait en 2008, proposé deux contrats avec deux produits différents et qu'elle n'est pas intervenue dans le processus décisionnel.

Selon elle, rien ne démontre que la reprise d'humidité des lames est due à la composition du compound et rien n'exclut que le processus d'extrusion et l'outillage ne soient pas impliqués dans l'apparition des désordres.

Elle ajoute qu'en toute hypothèse, il n'est pas rapporté la preuve d'un lien de causalité.

De même, son assureur invoque l'absence de toute responsabilité de la société Beologic. Il fait valoir que rien ne permet de démontrer que les lots défectueux achetés par les époux [V] auraient été fabriqués à partir de matière première fournie par la société Beologic, en l'absence de toute traçabilité des lames.

Il ajoute qu'elle n'était tenue d'aucun devoir de conseil envers un spécialiste de l'extrusion et que rien ne permet d'affirmer que les désordres trouvaient leur origine dans la qualité des matériaux, plus que dans les modalités de transformation, de stockage ou de pose.

Il relève qu'aucun vice caché ne lui est imputable et que la preuve n'est pas rapportée d'un vice qui affecterait les granulés de mélange de bois composite. Il rappelle qu'il appartient au fabriquant le plus proche de l'acquéreur final de répondre du vice lorsque la cause première du vice demeure inconnue.

Il souligne que les matériaux fournis par la société Beologic à la société Éts Bondet entre juin 2009 et décembre 2011 ne présentaient aucun défaut et que l'expertise réalisée par M. [F] a démontré l'impact du processus de fabrication sur la qualité et les performances des lames de terrasses.

Réponse de la cour

Il est acquis que la société Beologic est intervenue en qualité de fabriquant et concepteur du compound vendu à la société Éts Bondet.

Il est précisé en premier lieu qu'aucun défaut de conformité n'a été démontré entre la matière première commandée et celle qui a été livrée.

L'expertise judiciaire n'ayant pas été rendue au contradictoire de la société Beologic, il y a lieu de tenir compte également des expertises réalisées dans le cadre du litige sériel, produites aux débats et soumises à la contradiction des parties.

Il est relevé que les experts [I], [P], [M], [H], [X] et [U] ont retenu une part de responsabilité à l'encontre de la société Beologic et que M. [D] a émis une forte suspicion sur la matière première fournie par cette dernière, bien que non présente à l'expertise.

La cour note aussi que M. [D] a pris en considération les rapports d'analyse, d'essais et les notes de synthèses d'autres experts judiciaires désignés dans d'autres dossiers.

Ainsi, il ressort du dossier que la composition du compound détermine la résistance de la lame Belavia à l'humidité.

Il n'est pas contestable que l'extrudeur n'a pas de compétence dans le domaine de la chimie et que la composition du matériau a bien été proposée par la société Beologic.

À ce titre, M. [U] s'est interrogé sur le choix opéré par la société Beologic de composer le compound de 70 % de bois, matériau moins onéreux et de 30 % de PEHD.

L'analyse réalisée par le cabinet Cetim, reprise par plusieurs experts, a stigmatisé la formulation du compound (absence d'agents antifongiques et anti-moisissures, absence de compactibilisant entre le polyéthylène et le bois).

M. [F], qui est le seul à avoir effectué des analyses sur le compound et les lames, a retenu néanmoins que l'absence de charge minérale dans la composition du compound était sans incidence dans la réalisation du sinistre. Selon lui, avec une filière adaptée, ce produit permettait la fabrication de lames de bonne qualité.

Pour autant, le défaut d'étanchéité de ce matériau a également été souligné par les experts [H], [F] et [I].

Les experts [U] et [H] ont critiqué l'absence de test de résistance sur les lames et l'absence de contrôles aléatoires sur les matières premières.

Au final les différents rapports d'expert concordent sur l'existence d'un défaut du produit ayant contribué aux désordres constatés sur les terrasses.

À cet égard, il n'est pas contesté que la société Beologic a remis à la société Éts Bondet une documentation technique concernant le compound. Néanmoins, il ne saurait être soutenu que la fiche technique du matériau livré, qui n'a pas valeur contractuelle, mette à la charge de la société Éts Bondet une obligation de réaliser des essais sur le produit fini.

De la même façon, la clause selon laquelle « les nombreux facteurs peuvent affecter la transformation et l'application, le fabricant assume la responsabilité de la réalisation des derniers tests et essai sur le produit fini » est sans influence sur l'obligation pour le fournisseur de commercialiser un produit exempt de vice. Cette clause, qui n'est pas opposable aux tiers, ne saurait exonérer la société Beologic de tout recours à son encontre.

Le fait que l'extrudeur n'ait pas réalisé dans ses locaux de tests de conformité du compound livré ne constitue pas une cause d'exonération de la société de droit belge et n'engage pas la responsabilité de la société Éts Bondet à son égard. Il n'est pas contesté que les parties ont procédé, au sein de la société Beologic, à un essai de fabrication en avril 2009 en vue de tester le compound avec l'outillage ramené de Chine.

En conséquence, la société Beologic a contribué, en livrant un produit expérimental, insuffisamment protecteur de toute introduction d'humidité, au dommage subi par les époux [V].

Si aucune obligation de conseil ne saurait peser sur la société de droit belge à l'égard d'un client hautement spécialisé dans l'extrusion, ce dernier n'avait aucune compétence dans le choix de la composition de la matière première. Il doit être rappelé que la société Beologic était le fournisseur exclusif de la société Éts Bondet et que leurs relations contractuelles étroites impliquaient la connaissance par le fournisseur industriel de l'utilisation en extérieur des lames Belavia, ce qui a été reconnu devant l'expert [I].

Dans ces conditions, il ne saurait être nié son entière responsabilité dans le choix du compound, sa composition et sa commercialisation.

Ce dernier ne peut chercher à reporter la responsabilité sur l'ancien fournisseur chinois au regard de l'écart temporel significatif entre l'arrêt des importations chinoises en 2009 et la date de commande (octobre 2010).

Pour contester sa mise en cause, la société Beologic invoque une absence de traçabilité des lames qui ne suffit pas à l'exonérer de son implication au regard de la concomitance entre les dates de livraison et celles de l'établissement des factures. Ainsi, le produit livré à la société Éts Bondet est bien celui contenu dans les lames livrées aux époux [V]. Le jugement est confirmé sur ce point.

Les développements relatifs à la norme CEN/TS 15534 sont sans incidence sur cette situation et sont par conséquent écartés.

Le respect des normes ne suffit pas non plus à exonérer le fabriquant industriel de sa responsabilité dès lors que la proportion trop élevée de bois dans le compound couplée à des défauts de fabrication et de compactage expliquent la forte sensibilité des lames Belavia à l'humidité ainsi que leur porosité qui entraîne des déformations et un vieillissement prématuré.

Il ressort enfin du dossier qu'à compter de décembre 2011, la société Beologic a mis fin subitement à la fourniture du mélange litigieux pour le remplacer par un mélange 50/50 présenté par elle dans son message du 7 décembre 2011, comme ayant plusieurs avantages : moins de fluage (déformation), moins d'absorption d'eau déjà parce qu'il y a moins de bois et le PVC est une meilleure barrière contre l'humidité et plus rigide.

Ce courriel, qui énumère expressément les avantages du changement de composition, signe comme un aveu les défauts du précédent mélange. Il implique que dès la fin de l'année 2011, et en tout cas en mars 2012, date du courrier adressé par la société Éts Bondet, le fournisseur industriel avait connaissance du problème de conformité posé par la matière première livrée.

De fait, cette modification de composition n'a pas donné lieu à l'existence de litiges ultérieurs, ce qui démontre également avec une certaine évidence que les défauts rencontrés sont en lien avec la répartition 70/30 initialement choisie par la société Beologic et la qualité de ce matériau.

Ainsi, à compter de cette date, les lames Belavia ont été fabriquées à partir du même matériau que celui utilisé pour les lames Alvea.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de mise hors de cause et retenu que la société Beologic, qui a contribué au dommage subi par les époux [V], devait sa garantie à la société Éts Bondet.

Pour autant, au vu de ce qui précède, sa part de responsabilité doit être fixée à 40 %. Le jugement est partiellement infirmé sur ce point.

Sur la garantie de la société MS Amlin insurance

Le contrat entre la société Beologic et son assureur, qui a pris fin le 21 décembre 2012, est régi par la loi belge du 25 juin 1992.

Comme indiqué supra, aucune forclusion de l'action initiée par les sociétés Éts Bondet et MMA ne peut leur être opposée.

Invoquant en premier lieu l'application de l'article 22 du chapitre III de la « Garantie après livraison » des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Beologic, la société Amlin dénie sa garantie.

Cet article prévoit que la garantie ne s'applique pas pour « le remplacement ou la réparation des produits livrés et/ou des travaux exécutés qui sont défectueux ».

Les stipulations des différents contrats d'assurance conclus entre les parties, leurs limites et exclusions sont parfaitement opposables au tiers lésé qui intente une action à l'encontre d'un assuré ou une action directe à l'encontre de son assureur.

L'action directe dont bénéficie le tiers lésé s'exerce nécessairement dans les limites du contrat conclu préalablement entre l'assureur et l'assuré.

La société Beologic ne peut soutenir que la clause d'exclusion de garantie en présente pas de caractère clair et précise comme l'exige l'article 23 de la loi belge du 4 avril 2014 applicable au regard de la nationalité de l'assureur et de l'assuré.

S'agissant d'une police d'assurance non obligatoire, l'assureur est en droit de limiter sa garantie selon les modalités définies au présent contrat. Il doit être observé que le contrat souscrit par la société Beologic permet de mobiliser la garantie si sa responsabilité civile est engagée après livraison pour les dommages causés aux tiers ou à ses biens. Ainsi, celle-ci demeure couverte au titre de sa responsabilité civile après livraison pour tous les dommages corporels, matériels et immatériels à hauteur de 1 250 000 euros par sinistre et par an.

Enfin, l'affirmation selon laquelle cette clause serait uniquement insérée dans une partie relative au compound livré aux États-Unis et au Canada n'est pas exacte, cette précision apparaissant uniquement sur le volet TL1 du contrat et ne concerne pas la clause d'exclusion.

Compte tenu du fait que les produits assurés ont été incorporés aux lames de bois composite, l'assureur prétend, selon des calculs détaillés dans ses écritures, qu'en tout état de cause, comme l'a jugé le tribunal, il y aurait lieu de déduire d'une éventuelle responsabilité la somme de 2 864,40 euros correspondant au prix du remplacement des produits livrés par la société Beologic qui sont défectueux.

La société Amlin invoque en second lieu la clause d'exclusion afférente aux frais de dépose et repose, démontage et remontage des produits livrés défectueux prévus à l'article TL1 des conditions particulières.

Il ressort de cet article que l'extension de garantie relative aux frais de dépose et repose ne s'applique plus aux produits trois ans après leur date de fabrication, et ce sans limitation géographique.

Rien n'interdit à l'assureur de délimiter les conditions de sa garantie dans le temps dès lors que la clause est rédigée de manière claire et non équivoque. Il n'y a pas lieu de la réputer non écrite, aucun déséquilibre n'étant démontré entre les obligations de l'assureur et ceux de l'assuré.

Il est acquis en l'espèce que les livraisons de compound auprès de la société Éts Bondet se sont échelonnées entre juillet 2009 et novembre 2010. Il y a lieu de prendre en compte cette dernière date comme point de départ du délai, la matière première étant nécessairement fabriquée avant l'expédition.

En l'espèce, il n'est pas démontré que les dommages sur les lames posées au domicile des époux [V] ont été dénoncés dans un délai de trois ans à compter de la fabrication du compound nécessaire à leur fabrication.

La garantie était donc éteinte dès l'assignation en référé intervenue le 9 avril 2014, d'autant qu'en juin puis décembre 2014, la société Beologic a été mise hors de cause, et encore plus lors de l'assignation au fond par acte du 29 janvier 2016, étant précisé qu'il n'est nullement établi qu'une dénonciation de l'existence d'un sinistre ait été faite dans le délai auprès de l'assureur. Le fait qu'il s'agisse d'un dommage sériel est sans conséquence sur l'application de la clause.

En l'espèce, les frais de dépose/repose sont évalués par l'expert à la somme de 5 025 euros, à déduire sur l'éventuelle condamnation prononcée à l'encontre de la société Amlin.

Partant, le jugement est partiellement infirmé.

Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives.

Compte tenu de la part de responsabilité de la société Beologic, la condamnation de son assureur ne pourra excéder la somme de 4 642,78 euros TTC (40% de 19 496,35 ' (2 864,40 + 5 025)), dans la limite du plafond de garantie de 125 000 euros applicable à l'ensemble des dossiers de ce sinistre sériel et sous déduction d'une franchise de 10 %, avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 5 000 euros par sinistre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer partiellement le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile qui concernent les sociétés Éts Bondet, Beologic et Amlin.

La société Éts Bondet qui succombe, doit être condamnée aux dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise.

Elle est également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code par Me Leroy.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société Éts Bondet à payer à M. et Mme [V] une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Beologic devra garantir, à hauteur de 40 %, la société Éts Bondet de sa condamnation au paiement des frais irrépétibles et des dépens.

Les sociétés Éts Bondet, Beologic et Amlin sont déboutées de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles.

Il n'apparaît pas inéquitable de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés IME et MMA Iard qui sont maintenues hors de cause.

Enfin, la société Amlin devra garantir la société Beologic de sa condamnation à garantir le paiement, à hauteur de 40 %, des frais irrépétibles et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Déclare recevable la fin de non-recevoir présentée en appel par la société Beologic ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf :

- en ce qu'il a condamné la société Établissements André Bondet à payer aux époux [V] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en ce qu'il a condamné la société Beologic à garantir la société Établissements André Bondet, à concurrence de 20 % des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. et Mme [V],

- en ce qu'il a condamné la société MS Amlin insurance à garantir la société Beologic à hauteur de :

- 3 691,91 TTC au titre de sa condamnation à garantir la société Établissements André Bondet de sa condamnation au titre du préjudice matériel et du trouble de jouissance de M. et Mme [V], et ce, après déduction d'une franchise de 10 % qui ne pourra être ni inférieure à 1 000 euros ni supérieure à 5 000 euros,

- 20 % des sommes dues au titre de sa condamnation à garantir la société Établissements André Bondet de sa condamnation au paiement des dépens et des frais irrépétibles,

Statuant de nouveau dans cette limite,

Déboute la société Établissements André Bondet de sa demande d'écarter des débats le rapport de M. [F] et de sa demande d'indemnisation ;

Condamne la société Beologic à garantir la société Établissements André Bondet, à concurrence de 40 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Condamne la société MS Amlin insurance venant aux droits de la société Amlin insurance SE et de la société Amlin Europe anciennement dénommée Amlin corporate insurance N.V., en sa qualité d'ancien assureur de la société Beologic, à garantir la société Beologic à hauteur de :

- 4 642,78 TTC au titre de sa condamnation à garantir la société Établissements André Bondet de sa condamnation au titre du préjudice matériel et du trouble de jouissance de M. et Mme [V], dans la limite du plafond de garantie applicable à l'ensemble des dossiers de ce sinistre sériel, outre la déduction d'une franchise de 10 % qui ne pourra être ni inférieure à 1 000 euros ni supérieure à 5 000 euros,

- 40 % des sommes dues au titre de sa condamnation à garantir la société Établissements André Bondet de sa condamnation au paiement des dépens et des frais irrépétibles ;

Condamne la société Établissements André Bondet à payer à M. [Z] [V] et Mme [A] [S] épouse [V] une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Établissements André Bondet aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Le Roy dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.