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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 17 septembre 2024, n° 20/13281

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Organisation Motonautique Varoise (SAS)

Défendeur :

Generali Iard (SA), Helvetia Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brue

Conseillers :

Mme Ouvrel, Mme Allard

Avocats :

Me Daval-Guedj, Me Bernie, Me Badie, Me Brajeux, Me Dejean, Me Boulan, Me Bellaiche, Me Haigar

TJ Draguignan, du 25 nov. 2020, n° 18/04…

25 novembre 2020

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 25 avril 2017, Mme [C] [N] a acquis un yacht de marque Sunseeker modèle Superhawk 40 nommé 'Nitro' pour le prix de 90 000 euros auprès de la SAS Organisation Motonautique Varoise. Cette dernière a procédé à des travaux sur ce navire selon factures du 19 juin 2017 établies au nom de M. [H] [U], conjoint de Mme [N], pour des montants de 18 831,47 euros et 8 146 euros.

Le navire a été transporté par la route jusqu'à [Localité 7] par un transporteur mandaté par la SAS Organisation Motonautique Varoise qui a émis la facture de transport au nom de M. [U] pour un montant de 6 792 euros. Le navire est arrivé à destination le 22 juin 2017, date à laquelle il a été mis à l'eau, et convoyé à son point de mouillage [Localité 5] par la société DB marine pour un montant de 451 euros.

Le navire a sombré partiellement le 30 juin 2017, seule l'étrave dépassant de la surface de l'eau.

Une réunion d'expertise amiable, organisée par la cabinet [R], mandaté par l'assureur de Mme [N], la SA Helvetia assurances, a eu lieu le 18 août 2017 à laquelle ont participé les représentants de la SA Generali Iard, de la SAS Organisation Motonautique Varoise et M. [U] représentant Mme [N].

Le cabinet [R] a émis son rapport le 19 décembre 2017.

Par assignation des 26 et 27 juin 2018, la SA Helvetia assurances, Mme [N] et M. [U] ont fait citer la SAS Organisation Motonautique Varoise et la SA Generali France, devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de les voir, notamment, solidairement condamnées à payer à Mme [N] et M. [U] la somme de 49 220,47 euros et à la SA Helvetia assurances la somme de 126 407,86 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par jugement rendu le 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- révoqué la décision de clôture fixée par jugement du 19 février 2020 et fixé au 15 septembre 2020, la date de clôture des débats,

- déclaré la SA Helvetia assurances et M. [U] recevables en leur action initiée à l'encontre de la SAS Organisation motonautique Varoise et de la SA Generali France,

- dit que la SAS Organisation Motonautique Varoise doit sa garantie légale au titre des vices cachés affectant lors de la vente le navire 'Nitro' suite au sinistre survenu le 30 juin 2017,

- condamné, en conséquence, la SAS Organisation Motonautique Varoise solidairement avec la SA Generali France dans la limite de la somme de 26 407, 66 euros, à payer à la SA Helvetia assurances la somme totale de 126 407, 66 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2018,

- condamné la SAS Organisation Motonautique Varoise, solidairement avec la SA Generali France dans la limite de la somme de 17 243 euros, à payer à Mme [N] et M. [U] la somme de 34 220, 47 euros en réparation de leur préjudice matériel, avec intérêts au taux légal de cette somme à compter du 26 juin 2018,

- condamné solidairement la SAS Organisation Motonautique Varoise et la SA Generali France à payer la SA Helvetia assurances la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la SAS Organisation Motonautique Varoise et la SA Generali France aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toute demande supplémentaire ou contraire.

Pour rejeter l'irrecevabilité de l'action de la SA Helvetia assurances pour défaut de preuve de l'indemnisation du sinistre, le tribunal a jugé que celle-ci rapportait la preuve d'une subrogation, dans le cadre des dispositions des articles L 121-12 du code des assurances et 1 343-1 du code civil, en relevant que les demandeurs avaient produit la quittance subrogative signée par Mme [N] en faveur de l'assureur, qui mentionnait l'acceptation par celle-ci de la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire.

Le tribunal a retenu l'intérêt à agir de M. [H] [U], conjoint de Mme [C] [N] ayant financé certains travaux sur le navire.

Sur le fond, le tribunal a jugé que la SAS Organisation Motonautique Varoise devait sa garantie au titre des vices cachés en retenant les constatations du cabinet [R] corroborées par celles de l'accédit du 18 août 2017 qui concluent que le sinistre est la conséquence de défauts d'étanchéité affectant le navire lors de la vente et contradictoirement constatés par les experts de chacune des parties. Le tribunal a estimé que la SAS Organisation Motonautique Varoise ne produisait aucun élément probant établissant l'existence d'un acte de vandalisme à l'origine du sinistre. S'agissant de l'indemnisation du préjudice consécutif au naufrage, le tribunal a considéré que les frais nécessaires à la remise en état du navire étaient largement supérieurs à sa valeur. Il a condamné la SAS Organisation Motonautique Varoise à indemniser l'assureur des acquéreurs au titre des préjudices matériels (prix d'achat, travaux réalisés, transport, grutage et frais de sauvetage) et les acquéreurs de leur préjudice de jouissance.

S'agissant de la garantie de la SA Generali France, le tribunal a limité celle-ci et a exclu le remboursement du prix de vente et des équipements installés sur le bateau, au vu des conditions de garanties contractuellement prévues.

Par déclaration transmise au greffe le 31 décembre 2020, la SAS Organisation Motonautique Varoise a relevé appel de cette décision en visant chacun des chefs de son dispositif, sauf en ce qu'elle a révoqué la décision de clôture et fixé la date de clôture des débats.

Par dernières conclusions transmises le 20 mai 2024 au visa des articles 1641 et suivants du code civil, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Organisation Motonautique Varoise (la SAS OMV), sollicite de la cour qu'elle :

' infirme le jugement rendu entre les parties le 25 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

' déboute Mme [N], M. [U] et la SA Helvetia assurances de l'ensemble de leurs demandes,

' juge que la SA Helvetia assurances est irrecevable en son action faute d'être subrogée dans les droits de Mme [N] et M. [U],

' ordonne la restitution à son profit de toute somme versée au titre de l'exécution provisoire,

A titre subsidiaire :

' dise que l'action rédhibitoire est irrecevable en l'état de la vente du navire 'Nitro' par Mme [N],

' constate que l'action intentée par Mme [N], M. [U] et la SA Helvetia assurances ne peut qu'être estimatoire,

' ramène le montant des indemnités allouées à Mme [N], M. [U] et la SA Helvetia assurances à de plus justes proportions,

' condamne la SA Generali Iard à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge,

En tout état de cause :

' condamne tout succombant à lui payer 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux plus entiers dépens de l'instance.

La SAS OMV fait valoir que la SA Helvetia assurances est irrecevable en son action puisqu'elle ne bénéficie ni de la subrogation légale, le vice propre de la chose faisant l'objet d'une exclusion légale de garantie en application de l'article L121-7 du code des assurances de sorte qu'elle n'était pas tenue d'indemniser son assurée à ce titre, ni de la subrogation conventionnelle, faute de rapporter la preuve d'un paiement concomitant à la volonté de subroger de l'assuré.

L'appelante critique le jugement entrepris, lui reprochant une inversion de la charge de la preuve quant à la démonstration d'un vice caché puisqu'il a considéré que c'était à elle, et non à Mme [C] [N] et M. [H] [U], de démontrer l'existence d'un acte de vandalisme ou d'une autre cause expliquant l'avarie, donc de démontrer l'absence de vice caché.

L'appelante soutient que la signature par son représentant du procès-verbal du 18 août 2017 ne vaut pas acceptation des assertions qui y sont consignées puisqu'il n'a pas pris connaissance des pages précédentes, pensant qu'il s'agissait d'une feuille de présence. Elle estime que cette signature n'emporte que reconnaissance de la présence à la réunion, rien de plus. En outre, elle fait valoir que son représentant était un simple salarié qui n'avait donc ni qualité ni pouvoir de l'engager à ce titre ce qui rend ce procès-verbal nul.

L'appelante fait valoir que le rapport d'expertise qu'elle a fait réaliser par un expert indépendant relève que les opérations réalisées dans le cadre du rapport [R] n'ont pas été faites dans les règles de l'art et notamment en violation de la norme ISO 12216 applicable aux tests réalisés depuis 2002, selon laquelle un test d'étanchéité doit être réalisé avec une pression d'eau équivalente à celle d'un tuyau d'arrosage et non à celle d'un jet sous pression.

La SAS OMV considère que le scénario retenu par le rapport [R] n'est pas démontré, ni réaliste, au regard de l'absence d'incidence des conditions météorologiques et du clapot de mer, de la capacité d'assèchement de la pompe et du fait que les défauts d'étanchéité relevés sont tous situés significativement au dessus de la ligne de flottaison.

L'appelante soutient, en tout état de cause, qu'aucun vice caché ne peut être retenu puisque le navire a été utilisé pendant plusieurs jours après sa réception dans des conditions inconnues, et donc qu'il n'est pas possible de considérer un vice inhérent à la chose qui l'aurait rendu impropre à son usage, sans quoi le bateau aurait été empêché de naviguer même avant le naufrage. Elle ajoute que la seule prise en charge du sinistre par la SA Helvetia assurances suppose que la cause du sinistre soit un événement de mer, puisqu'il existe une exclusion de garantie en cas de vice caché sur le navire.

Ainsi, elle fait valoir qu'au regard du rapport réalisé par l'expert [G] il est nécessaire d'envisager une avarie résultant d'une collision par un autre bateau, possibilité qui n'a pas été examinée par le rapport [R], et qui est rendue vraisemblable à la fois par les heurts constatés sur la plateforme, et, par le fait que le navire a été abandonné hors d'un port, la nuit, sans feu de navigation en violation des règles internationales.

S'agissant des demandes indemnitaires, la SAS OMV fait valoir que seule l'action estimatoire est envisageable en l'espèce puisque Mme [N] a revendu le navire litigieux et donc aucune restitution du navire, conséquence de la restitution du prix dans une action rédhibitoire, ne peut être envisagée. Toutefois, l'appelante sollicite le débouté des demandes indemnitaires des intimés en l'absence de justification du prix de revente et donc de leur préjudice.

Ainsi, elle considère que M. [U] n'a pas qualité pour agir en vertu de la règle selon laquelle l'accessoire suit le principal, car les travaux qu'il a financé ont été incorporés dans le navire et ont bénéficié à Mme [N].

Enfin, l'appelante soutient que son assureur, la SA Generali assurances lui doit sa garantie, aucune clause d'exclusion ne pouvant être mise en oeuvre en application de l'article L113-17 du code des assurances ; elle considère en effet qu'elle a pris la direction du procès en mandatant son expert pour les opérations d'expertise, puis un avocat.

Subsidiairement, la SAS OMV fait valoir que son assureur ne peut lui opposer de clause d'exclusion en vertu de l'article 1644 du code civil pour la garantie de la condamnation au prix de vente que si le sinistre est clairement imputé à un vice caché du navire et si le montant concerné, la différence entre le prix de vente et de revente, peut être déterminé.

De plus, l'appelante considère que le montant des travaux ne peut faire l'objet d'une exclusion de garantie que s'ils constituent le fait générateur du sinistre. Elle fait valoir que si tel était le cas, la garantie au titre de la responsabilité civile de l'assuré après travaux s'appliquerait et la garantie de la SA Generali assurances serait due pour la perte du navire.

Par dernières conclusions transmises le 20 avril 2021 au visa des articles 15, 16, 31, 32, 122, 783 et 784 du code de procédure civile, des articles 1641 et suivants du code civil et de l'article L 112-6 du code des assurances, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Generali IARD sollicite de la cour qu'elle :

' infirme le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a :

' dit que la SAS Organisation Motonautique Varoise doit sa garantie légale au titre des vices cachés qui affecteraient le navire 'Nitro' suite au sinistre survenu le 30 juin 2017,

' condamné la SAS Organisation Motonautique Varoise, solidairement avec elle, dans la limite de la somme de 26 407, 66 euros, à verser à la SA Helvetia assurances la somme de 126 407, 66 euros,

' condamné la SAS Organisation Motonautique Varoise, solidairement avec elle dans la limite de la somme de 17 243 euros, à verser à Mme [N] et M. [U] la somme de 34 220, 47 euros en réparation de leur préjudice,

' condamné la SAS Organisation Motonautique Varoise solidairement avec elle à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

' confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que sa garantie n'est pas due au titre des sommes allouées en remboursement du prix de vente du bateau et des équipements installés par la SAS Organisation motonautique varoise,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

' dise que l'origine du naufrage est indéterminée,

' dise que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée,

' dise qu'il n'existe aucun lien entre le naufrage et la prestation de la SAS Organisation Motonautique Varoise,

En conséquence,

' déboute Mme [N], M. [U] et la SA Helvetia assurances de l'intégralité de leurs demandes, dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire :

' dise que les demandeurs ne rapportent pas la preuve des préjudices qu'ils allèguent,

' déboute Mme [N], M. [U] et la SA Helvetia assurances de l'intégralité de leurs demandes, dirigées à son encontre,

En toute hypothèse :

' rejette toute demande de garantie formée à son encontre au titre du prix d'achat du navire à hauteur de 90 000 euros,

' rejette toute demande de garantie formée à son encontre au titre du remboursement des travaux réalisés par l'assuré pour un montant de 26 977, 47 euros,

' fasse application des limites de garantie du contrat conclu avec elle et dise que la garantie des dommages immatériels demeure limitée à un montant maximum de 160 000 euros, sous déduction d'une franchise de 10 % du montant des dommages, avec un maximum de 8 000 euros et un minimum de 3 200 euros,

' condamne la SA Helvetia assurances, Mme [N], M. [U] et la SAS Organisation Motonautique Varoise au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la SA Helvetia assurances, Mme [N], M. [U] et la SAS Organisation Motonautique Varoise aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SA Generali IARD soutient que les conditions légales nécessaires pour la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés de la SAS OMV ne sont pas réunies puisqu'il est nécessaire pour cela de pouvoir déterminer avec certitude l'existence du vice caché. Or, elle considère que cela n'est pas le cas en l'espèce, le rapport d'expertise sur lequel se fonde la décision de première instance n'ayant étayé ses conclusions par aucune démonstration technique. Elle fait également valoir qu'aucune entrée d'eau, ni dommage, n'ont été constatés par le prestataire ayant procédé aux vérifications au moment de la mise à l'eau et de l'utilisation du navire. Elle reproche au premier juge un renversement de la charge de la preuve

L'intimée fait valoir que le rapport d'expertise produit est insuffisant, ne remplit pas les conditions d'objectivité et d'impartialité attendues, et, ne peut, en vertu de la jurisprudence, fonder à lui seul la décision d'un juge, ayant été établi par un expert privé choisi et rémunéré par l'assurance même s'il l'a été en présence de toutes les parties. De plus, elle estime qu'il est impossible de considérer qu'il est corroboré par l'accédit du 18 août 2017, la signature des parties sur ce dernier ne valant pas acceptation des constatations rédigées en ce qu'elles n'en ont signé que la dernière page en tant que feuille de présence.

La SA Generali IARD fait valoir qu'elle produit des notes d'expert venant contredire les constatations et les méthodes utilisées par le cabinet [R]. Ainsi, elle soutient que la taille des ouvertures qui auraient permis le naufrage se situent au dessus de la ligne d'eau et ne sont pas assez larges pour expliquer un naufrage aussi rapide. De plus, elle relève que les conditions météorologiques n'étaient pas différentes de celles dans lesquelles le bateau avait déjà navigué auparavant sans qu'aucune infiltration n'ait été constatée, et, que les pompes mises en cause possédaient des batteries neuves permettant d'exclure leur dysfonctionnement.

L'intimée soutient ainsi que d'autres hypothèses doivent être considérées, telles qu'un acte de malveillance ou une collision avec un autre bateau.

L'intimée sollicite, à titre subsidiaire, la réduction des sommes accordées par le jugement. Elle fait valoir que seule une action estimatoire est possible en l'espèce au regard de la vente du navire litigieux, mais qu'en l'absence d'information sur ce prix de vente, Mme [N], M. [U] et la SA Helvetia assurances ne peuvent recevoir aucune indemnisation au titre du prix d'achat et du coût des travaux et du transport.

De plus, elle considère que Mme [N] et M. [U] ne justifient aucunement l'existence et le quantum du préjudice de jouissance réclamé, et doivent donc en être déboutés.

La SA Generali IARD fait valoir qu'en tout état de cause, une exclusion de garantie est applicable aux termes de la police d'assurance souscrite par la SAS OMV permettant d'exclure le remboursement du prix de vente et des équipements. De plus, elle conteste avoir renoncé à opposer à la SAS OMV les exclusions et limitations de garantie en prenant la direction de procès puisqu'elle expose avoir émis des réserves par un courrier du 19 octobre 2018 à la SAS OMV contenant l'ensemble des limitations et exclusions, la deuxième condition de cette règle de renonciation ne se trouvant ainsi pas remplie.

Par dernières conclusions transmises le 14 juin 2024 au visa des articles 15, 16, 135 et 803 du code de procédure civile et des articles 1641 et suivants du code civil, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [U], Mme [N] et la SA Helvetia assurances, sollicitent de la cour qu'elle :

' rejette les conclusions n°3 et la pièce n°17 transmises par la SAS Organisation motonautique varoise en raison de leur communication tardive,

A défaut, à titre subsidiaire :

' révoque la clôture rendue le 21 mai 2024 et admette aux débats les présentes écritures ainsi que les pièces communiquées avec,

' confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan le 25 novembre 2020,

' déboute la SAS Organisation Motonautique Varoise et la SA Generali Iard de leurs demandes,

' condamne la SAS Organisation Motonautique Varoise aux dépens et à verser à la SA Helvetia assurances une indemnité de 17 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés font valoir que la SA Helvetia assurances est recevable à agir puisqu'elle bénéficie à la fois de la subrogation légale et conventionnelle, justifiée par la production des conditions contractuelles de la police outre des quittances et preuve de règlement du sinistre.

Les intimés soutiennent que la SAS OMV doit sa garantie au titre des défauts d'étanchéité qui remplissent les caractéristiques permettant de les qualifier de vices cachés.

En effet, ils font valoir que ces défauts n'étaient pas apparents au moment de la vente puisqu'ils n'auraient pas pu être décelés sans un examen minutieux et des tests, ce qui n'incombait pas à Mme [N] en sa qualité de profane. Ils soutiennent également qu'ils étaient antérieurs à la vente puisqu'aucune intervention n'a été réalisée sur les parties concernées par ces défauts d'étanchéité après la vente et au regard de la courte période d'utilisation du navire.

De plus, les intimés soutiennent qu'il s'agit de vices inhérents à la chose qui la rendent impropre à son usage, un défaut d'étanchéité étant considéré comme un caractère intrinsèque d'un navire qui empêche son utilisation.

Les intimés font valoir que le rapport d'expertise du cabinet [R] possède une force probante selon la jurisprudence en vertu de laquelle tout rapport amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties puisque toutes les parties étaient représentées pendant les opérations d'expertise, et qu'il est effectivement corroboré par d'autres éléments, notamment le procès-verbal de constat du 18 août 2017 signé par toutes les parties.

De plus, ils font valoir que le représentant de la SAS OMV n'avait pas besoin de justifier d'une quelconque qualité pour signer le procès-verbal de constat, ce document ne possédant pas de valeur contractuelle.

Les intimés contestent la note de synthèse établie par M. [G] en faisant valoir que les conditions météorologiques, bien qu'habituelles, ont eu une influence sur le naufrage puisque le clapot de mer a engendré le déplacement des zones immergées plusieurs centimètres au-dessous de la ligne de flottaison ce qui a conduit à l'envahissement de la plateforme, puis au naufrage en raison des défauts d'étanchéité.

De plus, ils font valoir que les hypothèses retenues par la SAS OMV et la SA Generali IARD sont en contradiction avec les constatations faites lors des opérations d'expertise, les dégâts de la plateforme arrière ayant été causés par les heurts avec l'ancre, tandis qu'aucun dommage dû à un choc n'a été identifié sur la coque du navire.

Les intimés soutiennent que leur indemnisation ne peut être diminuée en raison de la vente du navire puisque la somme obtenue lors de cette dernière est de 5 000 euros et correspond aux frais engagés pour le stockage et la maintenance du navire rendus nécessaires par l'inertie de la SAS OMV.

Les intimés considèrent que M. [U] est recevable à agir en vertu de la jurisprudence puisqu'en sa qualité de conjoint de Mme [N], il disposait de la jouissance du navire acquis par elle et a engagé des frais pour des travaux sur ce dernier.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 21 mai 2024, révoquée à l'audience du 18 juin 2024, date à laquelle elle a été de nouveau clôturée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

En l'état de l'accord des parties, la clôture de la procédure a été révoquée et de nouveau prononcée le 18 juin 2024, de sorte que l'ensemble des conclusions et pièces telles que visées ci-dessus seront prises en compte.

Sur l'action en garantie des vices cachés exercée contre la SAS Organisation Motonautique Varoise

Sur la recevabilité de l'intervention et de la demande de la SA Helvetia assurances

En vertu de l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse. Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.

Par application de l'article L 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.

Il incombe à l'assureur de prouver, par tous moyens, qu'il a rempli son obligation de versement de l'indemnité.

En l'espèce, les conditions particulières de la police, qui renvoient aux conditions générales, consentie à Mme [C] [N] stipulent une garantie due par la SA Helvetia assurances dans la limite d'un plafond de 100 000 € au titre des pertes et avaries, et, une garantie due au titre des frais de renflouement à hauteur de 25 % de la valeur d'assurance avec un maximum de 150 000 €, tous frais confondus.

Les conditions générales de cette police stipulent que la garantie " pertes et avaries " est due à concurrence de la valeur vénale du bateau assuré au jour du sinistre, et dans la limite de la valeur d'assurance mentionnée aux conditions particulières, notamment dans le cas d'un sinistre consécutif à un naufrage.

Sont également pris en charge par l'assureur, dans cette hypothèse, les frais d'assistance à sauvetage, le coût des objets sacrifiés au cours de ces opérations, ainsi que les frais de renflouement à la suite d'échouement ou de naufrage.

Or, les intimés produisent en pièce 24 la quittance de sinistre signée par Mme [C] [N] et la SA Helvetia assurances, avec délégation d'indemnité et effectivité du virement réalisé par l'assureur à son assurée, à hauteur de 100 000 €, le 24 octobre 2017, au titre du sinistre en cause, et ce, à titre d'indemnité forfaitaire totale et définitive. Cette quittance subroge expressément la SA Helvetia assurances dans les droits de Mme [C] [N] dans le cadre de l'action en indemnisation résultant du naufrage du navire assuré. Les intimés justifient en outre des virements effectués par la SA Helvetia assurances en faveur des entreprises chargées de l'acheminement du navire, de son renflouage et de son transport, pour un montant total de 26 407,66 €, ces sommes étant prises en charge, en sus, au titre de la garantie due pour les frais de transport, d'assistance à sauvetage et frais de renflouement à la suite d'un naufrage.

Ces éléments suffisent à justifier l'intérêt légitime manifeste de la SA Helvetia assurances à agir dans le cadre de la présente instance, à raison de la subrogation à la fois conventionnelle et légale dont elle peut se prévaloir.

L'appréciation du motif de la garantie mise en oeuvre par l'assureur, contesté par la SAS OMV et son assureur qui soutiennent qu'en présence d'un vice caché, comme allégué par les intimés, la SA Helvetia assurances n'aurait pas dû indemniser son assurée puisque bénéficiant alors d'une exclusion de garantie, relève du fond du litige. Elle ne peut conduire à déclarer l'action et les prétentions de la SA Helvetia assurances dans le cadre du litige irrecevables.

En définitive, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a considéré la SA Helvetia assurances pleinement recevable à agir.

Sur l'action estimatoire

En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Par application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

En vertu de l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Aux termes de l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

L'article 1644 du code civil dispose que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Par application de l'article 1648-1 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

En application de ces dispositions, la jurisprudence applique la garantie des vices cachés quand le bien vendu présente un défaut non apparent et suffisamment grave pour rendre la chose impropre à l'usage auquel l'acheteur pouvait sérieusement s'attendre compte tenu de la nature du bien vendu, dès lors que le vice est antérieur à la vente, et plus précisément au transfert des risques.

Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices, y compris non apparents, affectant la chose qu'il vend.

En l'occurrence, la qualité de vendeur professionnel de la SAS OMV dans le domaine de la vente de bateaux ne saurait être contestée.

Par ailleurs, en l'état de la revente par Mme [C] [N], en cours de procédure, du bateau en cause, aucune action rédhibitoire n'est envisageable, seule l'est l'action estimatoire.

Pour justifier son action estimatoire au titre de la garantie des vices cachés due par son vendeur, la SAS OMV, Mme [C] [N], à qui il incombe de prouver la réunion des conditions de mise en oeuvre d'une telle garantie, s'appuie essentiellement sur le rapport de la société [R] (centre européen d'expertise météorologique des industries nautiques), expert mandaté par son assureur, la SA Helvetia assurances, qui a fait état de ses conclusions dans son rapport du 19 décembre 2017.

Or, il est de jurisprudence constante qu'un rapport d'expert amiable non contradictoire constitue une preuve que le juge ne peut refuser d'examiner, mais qui ne suffit pas à fonder la condamnation d'une partie, en l'absence d'autres éléments. Il en est également ainsi même lorsqu'il s'agit d'une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée.

En l'occurrence, il résulte des pièces produites que Mme [C] [N] a acquis de la SAS OMV, le 25 avril 2017, un yacht de marque Sunseeker modèle Superhawk 40 nommé 'Nitro' pour le prix de 90 000 euros. Elle et son mari, M. [H] [U], ont fait réaliser quelques travaux sur ce bateau, confiés à la SAS OMV, ceux-ci ayant trait à des travaux sur l'électronique embarquée (installation d'un pilot automatique), au marquage du navire, et au changement des plexiglas latéraux par un sous traitant. Les factures du 19 juin 2017, pour des montants respectifs de 18 831,47 et 8 146 €, font état de l'installation d'un pilote automatique et sa mise en service, de la mise à bord d'un bout de remorquage et de deux amarres, du remplacement des balais d'essuie-glace, des chaussettes de pare battage, des vitres de la salle de bain, de pare-brise latéraux, et, de l'installation d'un pavillon anglais de l'ancre. Aucune modification ou autres travaux n'ont été engagés par la SAS OMV sur la structure ou la coque du bateau.

Aucune réserve n'a été dressée à la livraison du bateau, ni aucune prise d'eau rapportée, ni par l'acheteur, ni par la société DB Marine en charge du transport du navire de la Méditerranée en Bretagne. Le navire a ainsi été transporté, mis à terre, mis à l'eau, convoyé, gruté puis mis au mouillage dans la baie des Sables d'Or le 22 juin 2017.

Deux sorties en mer ont été réalisées les 24 et 26 juin 2017 avant que le navire ne sombre partiellement le 30 juin au matin.

Aux termes du rapport du cabinet [R], expert amiable mandaté et choisi par la SA Helvetia assurances, assureur de Mme [C] [N], les constatations suivantes ont, notamment, été réalisées le 18 août 2017 :

- le feu de navigation arrière au dessus de la plate-forme n'est pas étanche,

- la liaison raccord entre le tableau arrière et le pont n'est pas étanche,

- la ventilation arrière de la cale moteur au dessus du feu de navigation n'est pas étanche,

- des entrées d'air (0,83 m au dessus de la flottaison) permettent des entrées d'eau,

- un défaut d'étanchéité de la trappe de plate-forme et le percement du tableau arrière qui favorise des voies d'eau,

- une défaillance d'étanchéité du capot de plage de bain'.

Ces constats figurent dans le 'procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances du sinistre et à l'évaluation des dommages' dressé le 18 août 2017 sous l'égide et par le cabinet [R]. Ce document est annexé au rapport d'expertise de ce même expert. La dernière page de ce procès-verbal est signée par un représentant de la société [R], par un représentant de la SA Generali Iard, par M. [H] [U] pour la SAS OMV et par M. [M] au nom de la SAS OMV. Pour autant, d'une part, cette signature des autres parties conviées à l'expertise atteste de leur présence lors de la réunion au cours de laquelle certains constats ont pu être effectués, mais ne vaut aucunement acceptation et adhésion par eux aux constats et analyses dont le cabinet [R] demeurait le seul décisionnaire. Ce seul document en soi ne peut être opposé à la SAS OMV et la SA Generali Iard telle une reconnaissance par elle de leur responsabilité, ni même telle une adhésion aux conclusions et analyses du cabinet [R]. D'autre part, ce procès-verbal est annexé au rapport d'expertise à proprement parler de l'expert [R] et y est intégré. Ce procès-verbal ne peut donc constituer un élément objectif indépendant permettant de conforter l'expertise amiable [R] et de valoir une preuve suffisante par Mme [C] [N] au soutien de ses demandes indemnitaires. Force est donc de considérer, en tout état de cause, que le rapport du cabinet [R] n'est étayé par aucun autre élément objectif probant extérieur.

Certes, il est admis par tous que le navire 'Nitro'a coulé par l'arrière à son mouillage le 30 juin 2017 du fait d'une entrée d'eau.

Selon l'expert [R], au vu de ses propres constats, des relevés météorologiques sur le site d'[Localité 6], des tests d'étanchéité par lui réalisés, des éléments recueillis auprès du plongeur chargé de remonter le navire, le naufrage du bateau résulte de défauts d'étanchéité. Plus précisément, l'expert amiable conclut que 'les dommages constatés sur le bateau sont la conséquence de l'envahissement progressif des fonds de coque du navire par de mauvaises conditions de mer sur le secteur où il était amarré à son mouillage. La météo ne présentait malgré tout aucun caractère dangereux. Nous étions dans une situation habituelle pour le secteur. Le Nitro est le seul bateau du secteur a avoir subi un envahissement, et avoir coulé à son mouillage.

Ce naufrage est consécutif au fait que :

- le flotteur (coque/pont/plate-forme) du bateau n'était pas étanche au-dessus de la flottaison, et que l'eau de mer a pénétré dans la coque, alors que le bateau était à son mouillage par mer agitée,

- de multiples possibilités d'entrée d'eau ont été mises en évidence lors de l'expertise contradictoire,

- les expertises ont mis en évidence que le bateau au mouillage présentait un risque majeur d'envahissement du fait de sa conception/construction/entretien,

- aucune faute ou erreur de l'assuré n'a été mise en évidence lors des expertises,

- la SAS OMV, vendeur du bateau, n'avait transmis aucune consigne particulière lors de la vente, vis-à-vis du bateau.'

Pourtant, ces éléments ont immédiatement été critiqués par la SAS OMV dans un mail du 22 août 2017 par lequel elle indique que, selon elle, et à ce stade, l'origine exacte du naufrage du navire n'est pas déterminée, et elle se défend de l'engagement d'une quelconque responsabilité de sa part.

La SAS OMV produit une note de synthèse établie par son propre expert, M. [G], expert maritime près la cour d'appel de Montpellier, en date du 23 décembre 2020, outre deux notes complémentaires des 16 juillet 2021 et12 mai 2024, aux termes desquelles cet expert met en cause les méthodes employées par l'expert [R], principalement au titre des tests d'étanchéité réalisés à forte pression, en contradiction avec les normes applicables en la matière. L'expert [G] conclut pour sa part que les défauts d'étanchéité relevés sur le navire ne peuvent pas expliquer les entrées d'eau pour les raisons suivantes :

- 'parce qu'ils sont tous situés significativement au-dessus de la ligne de flottaison, et qu'il aurait fallu que la vedette soit déjà submergée pour qu'ils aient un quelconque effet. Ils ne sont pas à l'origine de l'événement.

- les essais d'étanchéité n'ont pas été conduits en accord avec la réglementation,

- les pressions utilisées pour les tests d'étanchéité ont eu des effets destructifs,

- les conditions météorologiques depuis le 22 juin 2017 jusqu'au 30 juin 2017, ne peuvent absolument pas expliquer une quelconque submersion de la plateforme. La plateforme était pourvue d'une pompe d'assèchement obligatoire mais dont la fonction n'est pas de pouvoir combattre une voie d'eau en application de la norme ISO 15083.'

M. [G] estime ainsi pour sa part que seule une voie d'eau résultant d'une avarie a pu permettre l'envahissement significatif et brutal de la plate-forme et du tableau arrière du compartiment machine, que les pompes de cale de ces deux compartiments n'ont pas pu efficacement combattre, bien que celles-ci aient été en parfait état de fonctionnement avant le naufrage. Il conclut donc que 'l'avarie ne peut être que le résultat d'une collision par un autre bateau et dont les destructions ont été dissimulées par le heurt de l'arrière de la vedette contre les fonds'. Il ajoute que seul un choc causé par un tiers a pu endommagé significativement la coque de la plate-forme de bain et les étanchéités de passage de câbles et/ou du tableau arrière, a engendré une arrivée d'eau continue et significative qui, par épuisement des pompes d'assèchement a entraîné le naufrage.

Dans une note du 24 mars 2021, l'expert [R] continue de considérer que des défauts d'étanchéité ont conduit au naufrage du "Nitro", l'eau ayant pénétré la plate-forme arrière en raison des défauts d'étanchéité relevés, les pompes ayant fonctionné jusqu'à ce que les batteries ne tiennent plus, la plate-forme arrière s'étant remplie d'eau et l'eau ayant pénétré dans la cale moteur par les trous faits dans le tableau qui ne sont pas étanches.

Dans le cadre de son rapport [R], l'expert avait noté qu'aucun impact, ni trace de choc n'était visible sur la coque au niveau des oeuvres vives et des oeuvres mortes du navire, en dehors de la plate-forme de bain à l'arrière qui est endommagée par ragage dans le sable et sur le corps mort du bateau. Il avait également noté que la trappe d'accès au fonds de plate-forme de bain du bateau, non endommagée, avait été retrouvée séparée du bateau et que la porte extérieure qui donne à l'intérieur du navire avait été retrouvée ouverte après le naufrage.

La SA Generali Iard a mandaté également son propre expert, le cabinet Equad. Dans sa note technique du 11 décembre 2018, cet expert conclut :

'Les conditions de mer avant sinistre ne nous paraissent pas suffisamment sévères pour expliquer le naufrage d'un bateau de cette qualité.

Par ailleurs, les différentes hypothèses soulevées par le cabinet [R] nous paraissent devoir être écartées du fait des faibles quantités d'eau potentiellement introduites dans le bateau.

Seule une entrée d'eau massive peut expliquer le naufrage d'un bateau fabriqué en grande série et éprouvé lors de 16 années d'exploitation.

Cette entrée d'eau ne peut être localisée qu'au niveau de la trappe de plate-forme retrouvée désolidarisée du bateau après naufrage, tandis que tous les témoignages confirment qu'elles étaient en place jusqu'au 25 juin 2017.

Le fait que la porte de la cabine ait été retrouvée ouverte, alors que, là encore, elle aurait été fermée le 25 juin 2017, conforte l'hypothèse d'un acte volontaire et de malveillance d'un tiers vis-à-vis à d'un bateau de standing mouillé depuis quelques jours seulement dans la baie des Sables d'Or'.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît qu'aucune expertise contradictoire et impartiale n'a été réalisée s'agissant du naufrage du 'Nitro', aucune expertise judiciaire n'ayant jamais été sollicitée et ne pouvant plus être réalisée dès lors que le navire a été revendu.

Or, sur la base des constats effectués dans les suites immédiates du naufrage, plusieurs éléments potentiellement contradictoires sont à relever.

Tout d'abord, le navire, long de 12,25 mètres, de conception anglaise, naviguait depuis 2001 sans qu'aucune avarie majeure ne soit démontrée, de sorte que la mise en cause d'un clapot plus important en Manche qu'en Méditerranée, susceptible d'expliquer une entrée d'eau régulière de nature à entraîner une voie d'eau, cause du naufrage, interroge.

Les conditions d'utilisation du navire entre sa mise à l'eau le 22 juin 2017 et son naufrage ne sont pas connues, faute de journal de bord du skipper. Leur incidence sur le sinistre ne peut donc être appréciée.

De plus, le navire n'était pas amarré en port, mais, sans surveillance, en simple mouillage, dans une baie décrite comme très agitée car ouverte en pleine mer, et sans feu de navigation, de sorte qu'un acte de vandalisme ou un choc avec un navire tiers ne peut être d'emblée exclu. En tout état de cause, le rapport du cabinet [R] ne permet pas de l'exclure totalement dès lors que la plage arrière du navire a subi des dégâts et que la trappe d'accès aux fonds de la plate-forme arrière a été retrouvée, non endommagée, mais désolidarisée du navire.

Certes, le tableau arrière comprend des trous de perçage non étanches susceptibles de permettre des voies d'eau. Toutefois, ces trous, de faible section, sont situés au dessus de la ligne de flottaison. De plus, des pompes d'assèchement se trouvaient sur le bateau avec des batteries neuves et étaient donc en parfait état de fonctionnement, ce qui laisse entendre que l'entrée d'eau a été suffisamment importante pour épuiser ces batteries et conduire à l'arrêt des dites pompes.

Il apparaît donc que la cause ou les causes exactes du sinistre survenu le 30 juin 2017 ne sont pas établies avec certitude, mais demeurent indéterminées. Dans ces conditions, il appert que Mme [C] [N], sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas le vice affectant le navire vendu par la SAS OMV, caché et existant lors de la vente, et qui soit à l'origine du sinistre. Il n'est pas établi avec certitude que le défaut d'étanchéité du navire, à le supposer démontré, soit la cause de son naufrage.

La garantie des vices cachés du vendeur ne peut donc être actionnée, ses conditions de mise en oeuvre n'étant pas réunies.

Dès lors, la décision entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la SAS OMV et en ce qu'elle l'a condamnée, ainsi que son assureur, à indemniser Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances de divers préjudices.

En revanche, la restitution des sommes versées par la SAS OMV en raison de l'exécution provisoire attachée à la décision critiquée résulte de l'arrêt lui-même, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une quelconque restitution.

Sur l'appel en garantie de la SA Generali France par la SAS Organisation Motonautique Varoise

En l'état de l'infirmation de la décision entreprise et faute d'engagement de la garantie des vices cachés du vendeur, cet appel en garantie est sans objet.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La décision entreprise sera infirmée également au titre de ses dispositions relatives aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. Ils seront condamnés également au paiement de la somme de 2 000 € au bénéfice de la SAS OMV, et de la même somme de 2 000 € au bénéfice de la SA Generali Iard.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SA Helvetia assurances et M. [H] [U] recevables en leur action,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances de toutes leurs demandes indemnitaires à l'encontre de la SAS Organisation Motonautique Varoise et de la SA Generali Iard, au titre de l'engagement de la garantie des vices cachés du vendeur consécutivement au naufrage du navire Nitro le 30 juin 2017,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution par Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances des sommes versées par la SAS OMV en exécution de la décision entreprise,

Condamne Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances à payer à la SAS Organisation Motonautique Varoise la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances à payer à la SA Generali Iard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances de leur demande sur ce même fondement,

Condamne Mme [C] [N], M. [H] [U] et la SA Helvetia assurances au paiement des entiers dépens.