Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 11, 13 septembre 2024, n° 22/08084

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/08084

13 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08084 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWKL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020043268

APPELANTE

S.A.S. ECONOCOM FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 301 364 824

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

INTIMEE

S.A.S. DYNEFF

prise en la personne de ses représentants légaux

sis [Adresse 2]

[Adresse 2]

immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le numéro 305 800 997

Représentée par Me Emilie VERNHET LAMOLY de la SCP SVA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0055

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Caroline GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre,

Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Econocom France (la société Econocom), anciennement dénommée Europe Computer Systèmes, a pour activité l'achat, la vente, la location ainsi que le négoce sous toutes ses formes de matériels informatiques, technologiques et de télécommunications.

La SAS Dyneff réalise, quant à elle, des opérations relatives au négoce et au stockage de produits pétroliers.

Le 12 mai 2010, la société Econocom a conclu avec la société Dyneff un accord-cadre de location (IT CONTROL n° AC2009DYN) ayant pour objet de déterminer les droits et obligations respectifs des parties dans le cadre de la régularisation de contrats de location de matériels de bureautiques et informatiques. L'article 5.1 du contrat prévoyait que celui-ci était conclu pour une durée de trente-six mois à compter du 1er janvier 2010, et qu'il était reconductible tacitement par période de douze mois, sauf dénonciation par l'une des parties, pour courrier recommandé, sous réserve de respecter un préavis de trente jours.

Après avoir régularisé plusieurs contrats d'application successifs, les parties ont conclu, le 29 mai 2015, un ultime contrat d'application (n° 20145210), d'une durée de trente-six mois, entré en vigueur à compter du 1er juin 2015, prévoyant le paiement de loyers mensuels de 14.990,07 € HT, en contrepartie de la mise à disposition de matériels informatiques et de services.

Ce contrat a été modifié par deux avenants, en date des 17 mai et 20 juillet 2017, arrêtant la liste des produits repris ou maintenus en location.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 31 octobre 2017, la société Econocom a résilié l'accord-cadre IT CONTROL n° AC2009DYN, en application de l'article 10.2 du contrat, du fait de l'absence d'utilisation par le locataire des Capacités Nettes de Renouvellement mises à sa disposition. Dans ce courrier, la société Econocom rappelait à la société Dyneff que la résiliation de l'accord-cadre ne remettait pas en cause les termes du contrat d'application n° 20145210 encore en vigueur, qui devrait continuer à être exécuté.

Après avoir réceptionné la lettre de résiliation, le 6 novembre 2017, la société Dyneff a confirmé, par courrier du 29 novembre suivant, son intention de poursuivre l'exécution du contrat souscrit le 29 mai 2015 rattaché à l'accord-cadre, jusqu'à son terme fixé au 31 mai 2018.

Le 11 décembre 2017, la société Econocom a alors informé son cocontractant que le contrat d'application avait vocation à arriver à terme, non pas le 31 mai 2018, mais le 31 mai 2019, au motif qu'il avait fait l'objet d'une reconduction tacite, faute pour le locataire d'avoir respecté le délai de préavis stipulé dans les conditions générales du contrat.

Malgré des échanges utltérieurs, les parties ne sont parvenues à trouver aucun accord amiable, la société Dyneff ayant refusé d'honorer le paiement des loyers échus après le 31 mai 2018.

La société Econocom a repris les matériels donnés en location, le 11 décembre 2019.

Suivant exploit du 1er octobre 2020, la société Econocom a fait assigner la société Dyneff devant le tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir sa condamnation au paiement des échéances de loyers courus durant la période du 1er juin 2018 au 30 mai 2019, outre des indemnités de jouissance au titre de la conservation des matériels.

Par un jugement en date du 9 mars 2022, le tribunal a :

- Condamné la société Dyneff à payer à la société Econocom la somme de 32.000 € au titre de la prorogation du contrat d'application n° 20145210, avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois, à compter du 1er octobre 2020,

- Débouté la société Econocom de sa demande de paiement de la somme de 131.138,93 € au titre des redevances ou indemnités de jouissance,

- Ordonné la capitalisation des intérêts,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Econocom et la société Dyneff à payer chacune la moitié des dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.

La société Econocom a formé appel du jugement, par déclaration du 20 avril 2022.

Par conclusions transmises via le réseau privé virtuel des avocats, le 5 octobre 2022, la société Dyneff a interjeté un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 24 avril 2024, la société Econocom France demande à la Cour de :

« Juger la SAS ECONOCOM France recevable et bien fondée en son appel,

Débouter la société DYNEFF de l'ensemble de ses prétentions.

Vu notamment les dispositions de l'article 1134 ancien du Code civil applicable en la cause,

Infirmer le jugement dont appel en ce :

qu'il a condamné la société DYNEFF à payer à la société ECONOCOM FRANCE en principal la seule somme de 32.000 euros au titre de la prorogation du contrat d'application n°20145210 ;

en ce qu'il n'a fait que partiellement droit aux demandes de la société ECONOCOM FRANCE de voir condamner la société DYNEFF au paiement de la somme de 215.857 euros TTC au titre des échéances mensuelles de loyers arriérés du 1er juin 2018 au 1er mai 2019 inclus, avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance mensuelle impayée ;

en ce qu'il a débouté la société ECONOCOM FRANCE de sa demande de condamnation de la société DYNEFF au paiement de la somme de 131.138,93 euros TTC au titre des redevances ou indemnités de jouissance arriérées du 1er juin 2019 au 10 décembre 2019, et ce avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois, à compter de chaque échéance mensuelle impayée ;

en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

et en ce qu'il a condamné la société ECONOCOM FRANCE et la société DYNEFF à payer chacune la moitié des dépens.

Et statuant à nouveau :

Condamner la société DYNEFF à payer à la société ECONOCOM FRANCE les sommes de :

215.857 euros TTC au titre des échéances mensuelles de loyers arriérées du 1er juin 2018 au 1er mai 2019 incluse, et ce avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance mensuelle impayée ;

131.138,93 euros TTC au titre des redevances ou indemnités de jouissance arriérées du 1er juin 2019 au 10 décembre 2019, et ce avec intérêts au même taux conventionnel que dessus à compter de chaque échéance mensuelle impayée.

Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 ancien du Code civil applicable en la cause.

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où, par extraordinaire, serait prononcée la caducité du contrat d'application numéroté 20145210 :

Au visa notamment des dispositions des articles 1382 et suivants anciens du Code civil applicables en l'espèce,

Condamner la société DYNEFF à payer à la société ECONOCOM FRANCE, à titre de dommages et intérêts, la somme de 289.163,29 euros.

En toute hypothèse et y ajoutant,

Condamner la société DYNEFF à payer à la société ECONOCOM FRANCE la somme complémentaire de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Condamner la société DYNEFF aux entiers dépens d'appel. »

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 1er mars 2024, la SAS Dyneff demande à la Cour, sur le fondement de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, et des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce issues de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, de :

« REFORMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 9 mars 2022 en ce qu'il a :

Condamné la société DYNEFF à payer à la société ECONOCOM France la somme de 32.000€ au titre de la prorogation du contrat d'application n°20145210 et ce avec intérêts aux taux conventionnel de 1.50% par mois à compter du 1er octobre 2020, date de l'assignation,

Ordonné la capitalisation des intérêts,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la société DYNEFF à payer la moitié des dépens.

LE CONFIRMER en ce qu'il a :

Débouté la société ECOCONOCOM de sa demande de paiement de la somme de 131.138,93 € TTC au titre des redevances ou indemnité de jouissance.

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que le contrat d'application n°20145210 a pris fin le 31 mai 2018.

DEBOUTER en conséquence la SAS ECONOCOM FRANCE de ses demandes de condamnation de la SAS DYNEFF au paiement de quelque loyer que ce soit postérieurement à cette date du 31 mai 2018.

DEBOUTER la société ECONOCOM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la SAS ECONOCOM FRANCE a soumis la SAS DYNEFF à un déséquilibre significatif au sens des dispositions de l'article L.442-6 du Code de commerce.

En conséquence,

CONDAMNER la SAS ECONOCOM FRANCE au paiement d'une somme de 215.857 € à titre de dommages et intérêts.

DIRE ET JUGER que la SAS DYNEFF a mis à disposition le matériel objet des contrats de location à la société ECONOCOM FRANCE dès le 31 mai 2018.

CONSTATER que la SAS DYNEFF a adressé diverses mises en demeure en ce sens à la SAS ECONOCOM FRANCE.

En conséquence,

DEBOUTER la SAS ECONOCOM FRANCE de sa demande de condamnation au paiement de quelque indemnité de jouissance que ce soit.

A défaut,

DIRE ET JUGER que la SAS ECONOCOM FRANCE a soumis la SAS DYNEFF à des obligations créant un déséquilibre significatif.

CONDAMNER la SAS ECONOCOM FRANCE au paiement d'une indemnité s'élevant à la somme de 131.138,93 € à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause,

DEBOUTER la SAS ECONOCOM FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 7.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance. »

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement des arriérés de loyers

Enoncé des moyens

La société Econocom rappelle que l'accord-cadre du 12 mai 2010 précisait, en son article 5.1, qu'en cas de résiliation dudit accord, les stipulations de celui-ci continueraient à s'appliquer au contrat d'application initial ou au contrat d'application en cours d'exécution jusqu'à leur terme respectif. Selon elle, la résiliation de l'accord-cadre n'a pas remis en cause les termes du contrat du 29 mai 2015 n° 20145210, qui avaient vocation à continuer à s'appliquer jusqu'à son échéance. Elle estime ainsi que ce contrat a été reconduit tacitement, à compter du 1er juin 2018, pour une période de douze mois supplémentaire jusqu'au 31 mai 2019, faute pour le locataire d'avoir respecté le délai de préavis institué à l'article 13.4 des conditions générales, de sorte que la société Dyneff reste redevable du paiement des loyers jusqu'à cette date.

La société appelante réplique que l'accord-cadre, ne peut être qualifié de location financière, et qu'il stipule, en tout état de cause, qu'il a vocation à continuer à s'appliquer au contrat d'application en cours, de sorte que sa résiliation ne peut, par hypothèse, entraîner la caducité de ce dernier.

Elle réfute également l'interprétation des clauses du contrat par la société Dyneff entre lesquelles il n'existe, selon elle, aucune discordance, en soulignant que les parties n'ont pas entendu écarter les conditions générales régissant le contrat d'application nonobstant la résiliation de l'accord-cadre.

Pour le reste, elle soutient que les conditions d'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, dont se prévaut la société intimée, ne sont pas réunies, l'existence d'un déséquilibre significatif n'étant pas caractérisé.

Pour sa part, la société Dyneff soutient que l'accord-cadre et le contrat d'application n° 20145210, qui concourent à une opération de location financière, sont interdépendants, si bien que la résiliation du premier entraîne la caducité du second ; elle estime, en conséquence, que l'article 13.4 des conditions générales, relatif au respect d'un délai de préavis, doit être réputé non écrit, et que le contrat d'application a pris fin le 31 mai 2018.

Subsidiairement, elle prétend que les conditions particulières du contrat d'application, qui ne prévoient aucune reconduction tacite, ont vocation à prévaloir, en raison du caractère incohérent des stipulations contractuelles, considérées de leur ensemble ; elle ajoute que, selon les articles 5 et 6 de l'accord-cadre, les stipulations de celui-ci s'appliquent uniquement jusqu'au terme du contrat d'application, à savoir le 31 mai 2018, de sorte qu'il en va de même des conditions générales.

Pour le cas où la Cour estimerait que le contrat d'application a seulement pris fin le 31 mai 2019, la société Dyneff invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008, justifiant l'octroi de dommages et intérêts en compensation du préjudice subi à raison d'un déséquilibre significatif.

Réponse de la Cour

- Sur la caducité du contrat d'application

Il est de principe que les contrats concomitants ou successifs, qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants et que les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites (Cass., Ch. Mixte le 17 mai 2013, n° 11-22927 et 11-22.768, publiés au Bulletin).

En l'occurrence, l'accord-cadre signé le 12 mai 2010 précise, en préambule, que la société Econocom se porte acquéreur des produits que le locataire souhaite exploiter auprès de fournisseurs. Il a pour objet de « définir les conditions de location des Produits et de réalisation des Services Locatifs par le Loueur au Locataire pour les Produits sélectionnés par le Locataire tels qu'ils seront identifiés dans le Contrat D'application initial et dans chaque Contrat d'application » (article 2).

Cet accord-cadre et le contrat d'application n° 20145210 conclu, en dernier lieu, à la date du 29 mai 2015, constituent un ensemble contractuel définissant le périmètre de la location de produits par la société Econocom à la société Dyneff.

L'un et l'autre s'inscrivent dans une opération de location financière et sont, par hypothèse, interdépendants.

La résiliation de l'accord-cadre a été notifiée par la société Econocom à la société Dyneff le 6 novembre 2017.

Néanmoins, l'article 5.1 dudit accord-cadre stipule que :

« En cas de cessation et/ou de résiliation de l'Accord Cadre conformément aux termes de l'article 10 « Résiliation de l'Accord Cadre », les dispositions de celui-ci et de ses avenants éventuels continueront à s'appliquer au Contrat d'Application Initial ou aux Contrats d'Application en cours d'exécution jusqu'à leur terme respectif sous réserve des limites expressément prévues à l'article 10.4 de l'Accord Cadre.

Il est convenu entre les Parties que la résiliation d'un Contrat d'Application n'entraîne pas la résiliation de l'Accord-Cadre. »

Les parties ayant convenu expressément que l'accord-cadre continuerait à s'appliquer au contrat d'application en cours, malgré la résiliation de celui-ci, la société Dyneff ne peut légitimement soutenir que ce dernier contrat serait caduc, la rupture de l'accord-cadre n'ayant pas modifié substantiellement les droits et obligations des parties.

Contrairement à ce qui est prétendu, cette clause n'apparaît pas inconciliable avec le caractère interdépendant des contrats, pas plus que l'article 13.4 des Conditions Générales, qui prévoit que la durée de la location est prolongée par tacite reconduction par périodes d'un an, faute de dénonciation par le locataire dans un délai de neuf mois avant la fin de la durée de la location. Ces clauses n'ont donc pas lieu d'être déclarées non écrites.

Si l'ensemble des clauses contractuelles demeure valable, la détermination du terme du contrat d'application dépend, pour autant, de la prééminence qui doit leur être donnée.

- Sur le terme du contrat d'application

Il est constant que le contrat doit s'interpréter d'après la commune intention des parties, sans s'arrêter au sens littéral des termes, que toutes les clauses supposent d'être interprétées les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier et que l'on ne peut interpréter les clauses claires et précises d'un contrat à peine de dénaturation, ces règles étant désormais rappelées par les actuels articles 1188 et suivants du code civil.

Les parties s'accordent à reconnaître que, malgré sa résiliation, conformément à l'article 5.1 de l'accord-cadre, les stipulations de celui-ci continuent à s'appliquer au contrat d'application qui subsiste au moins jusqu'à son terme initial, soit jusqu'au 31 mai 2018.

L'article 10.4 de l'accord-cadre stipule que « En cas de cessation et/ou de résiliation de l'Accord Cadre pour quelque cause que ce soit, les dispositions de ce dernier et de ses avenants continueront à s'appliquer au Contrat d'Application qui y sera rattaché et en cours d'exécution jusqu'à son terme, avec les limitations suivantes :

- a) le Locataire n'aura plus le bénéfice de l'utilisation de la CNR, sauf accord contraire d'ECS ;

- b) le Locataire n'aura plus le bénéfice du remplacement prévu à l'article 8.1 et/ou de la restitution au titre de l'article 8.2 au titre de la Période de Rotation. Les Produits resteront en location jusqu'à la fin du contrat d'application en cours ;

- c) les réunions du Comité de Pilotage n'auront plus lieu à compter de la date de résiliation et/ou de cessation de l'Accord cadre jusqu'à la fin du contrat d'application en cours. ».

Le contrat d'application prévoit, en son article 5, que la durée de la location est fixée à trente-six mois et que, par dérogation à l'article 7.2 des Conditions Générales, cette durée et le présent contrat d'application prennent effet le 1er juin 2015, de sorte que le terme initialement fixé expirait le 31 mai 2018.

L'article 13.4 des Conditions Générales stipule, quant à lui, que :

« Le locataire doit informer le Loueur avec un préavis de neuf mois avant la fin de la durée de la location, par lettre recommandée avec accusé de réception, de son intention de ne pas poursuivre la location au-delà de la durée de location prévue aux conditions particulières, et donc de restituer les Produits au terme du contrat.

A défaut, la durée de la location est prolongée par tacite reconduction, par périodes d'un an, aux mêmes conditions et sur la base du dernier loyer, le préavis étant dans ce cas ramené à six mois avant l'expiration de chaque période annuelle de location. »

Il résulte de la combinaison de ces clauses contractuelles et de la commune intention des parties que les stipulations de l'accord-cadre, qui prévoient qu'en cas de résiliation de cet accord, le contrat d'application initial en cours d'exécution se poursuit uniquement « jusqu'à son terme » (articles 10.4 et 5.1), ont vocation à prévaloir sur les Conditions Générales envisageant une tacite reconduction (article 13.4), cela d'autant plus que la faculté de remplacement ou de restitution du matériel ou l'utilisation de la capacité nette de renouvellement initialement prévue au bénéfice du locataire n'est plus applicable en vertu de l'article 10-4. Il importe peu, à cet égard, que les parties n'aient pas expressément écarté l'application des conditions générales.

Il était, au demeurant, impossible pour la société Dyneff de résilier le contrat d'application dans le délai de neuf mois imparti par l'article 13.4 des Conditions générales, passé la date de notification de la résiliation de l'accord-cadre, le 6 novembre 2017, à l'initiative de la société Econocom, qu'elle n'était pas nécessairement en mesure d'anticiper.

Aussi, c'est en vain que la société Econocom soutient que le contrat aurait été tacitement reconduit, faute pour la société Dyneff d'avoir omis de l'informer de son intention de mettre fin au contrat, en respectant le délai de préavis de neuf mois prévu dans les Conditions Générales.

La Cour dira, en conséquence, que le terme du contrat expirait non pas le 31 mai 2019, mais le 31 mai 2018. La demande de la société Econocom en paiement des échéances mensuelles de loyers durant cette période intermédiaire, entre le 1er mai 2018 et le 1er mai 2019, sera par suite rejetée. Le jugement sera corrélativement infirmé du chef de la condamnation partielle qu'il a prononcée à ce titre, à l'encontre de la société Dyneff, et ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur la demande en paiement des indemnités de jouissance

Enoncé des moyens

La société Econocom prétend que le preneur est tenu de lui régler des redevances de jouissance du matériel, dont elle a pu reprendre possession seulement le 11 décembre 2019, alors même que la convention était parvenue à son terme à l'échéance mensuelle du 1er mai précédent.

La société Dyneff conteste devoir de quelconques indemnités, au motif qu'elle a informé à maintes reprises la société Econocom qu'elle tenait le matériel à sa disposition, cette dernière n'ayant entrepris aucune démarche pour le reprendre. Subsidiairement, elle fait valoir que les indemnités de jouissance prévues à l'article 16.5 des Conditions Générales présentent un caractère manifestement excessif.

Réponse de la Cour

L'article 16-1 des Conditions Générales, prévoit que le locataire doit, en fin de période de location, restituer les produits.

L'article 16.5 desdites Conditions Générales stipule ensuite : « Si, à l'issue de la durée de la location ou de la Période de Restitution ou d'Echange, le Locataire conserve totalement ou partiellement la jouissance des Produits pour une raison qui lui est imputable, le Loueur est autorisé à mettre en recouvrement des redevances de même montant que les loyers conventionnels, sans que le paiement de ces redevances puisse pour autant entraîner remise pour le Locataire dans le bénéfice du bail. »

Il n'est pas contesté que la société Econocom a repris les matériels donnés en location seulement le 11 décembre 2019, alors que le terme du contrat avait expiré le 31 mai 2018.

Néanmoins, il résulte des pièces versées aux débats que la société Dyneff a informé, dès le 7 juin 2018, qu'elle se tenait à la disposition de la société Econocom afin de convenir des modalités pratiques de résiliation du contrat, et qu'elle lui a offert à nouveau, les 27 février 2019, 24 avril 2019 et 17 juin 2019 de lui restituer le matériel.

Or, cette dernière n'a donné aucune suite immédiate à ces propositions, au motif qu'elle considérait que le contrat avait été tacitement reconduit. Dans un courrier du 28 septembre 2018, elle devait ainsi indiquer à la société Dyneff qu'elle prendrait contact avec celle-ci, avant le 31 août 2019. C'est seulement le 1er août 2019 qu'elle a confirmé avoir donné mandat à cet effet à ses équipes logistiques, ce qui a donné lieu à de nouveaux échanges entre les parties, durant les mois de septembre et octobre 2019, pour convenir des modalités pratiques de la restitution, lesquelles nécessitaient le passage d'un transporteur. La société Econocom, qui a attendu plus d'une année avant d'organiser la reprise du matériel, ne saurait ainsi légitimement se prévaloir de son absence de restitution, même en admettant qu'un retard de quelques semaines supplémentaires ait été imputable à la société Dyneff, en lien avec l'arrêt de travail de l'un de ses salariés. Les produits ont pu, d'ailleurs, être repris le 11 décembre 2019, à la demande de la société Econocom, dûment formalisée le 22 novembre précédent.

La société Econocom ne pourra ainsi qu'être déboutée de sa demande en paiement d'indemnités de jouissance pour la période échue entre le 1er juin 2019 et le 10 décembre 2019. Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef de rejet.

La Cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer, par ailleurs, sur la demande de dommages et intérêts de la société appelante destinés à compenser l'utilisation du matériel durant la période du 1er juin 2018 au 1er décembre 2019, cette demande ayant été formée uniquement à titre subsidiaire, pour le cas où la caducité du contrat d'application aurait été prononcée. A titre surabondant, il sera souligné que cette demande d'indemnisation n'est pas fondée, au regard des développements précédents.

Sur les autres demandes

La société Econocom succombant au recours, le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens. Il y a lieu par conséquent de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît également équitable de condamner la société Econocom à payer à la société Dyneff la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Econocom France de sa demande en paiement de la somme de 131.138,93 € au titre des redevances ou indemnités de jouissance,

L'INFIRME pour le surplus des dispositions soumises à la Cour,

STATUANT A NOUVEAU,

REJETTE les autres demandes de la SAS Econocom France,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SAS Econocom France aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la SAS Econocom France à payer à la SAS Dyneff la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT