CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 12 septembre 2024, n° 22/18799
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Alma (SA)
Défendeur :
Le Repaire de Bacchus (SNC), Compagnie Financiere Europeenne de Prises de Participation (COFEPP) (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseillers :
Mme Pelier-Tetreau, Mme Rohart
Avocats :
Me Domain, Me Bouttier, Me Guizard, Me Constant, Me Grappotte-Benetreau, Me Bes De Berc
Exposé des faits et de la procédure
La société Alma a une activité portant sur la distribution de vins et de spiritueux en gros.
Elle est la société fondatrice du réseau de boutiques et cavistes Repaire de Bacchus.
En 2005 elle a fait apport de sa branche d'activité de vente aux particuliers sous l'enseigne Le Repaire de Bacchus dans la Société « ChateauOnline » et a reçu en contrepartie des titres de cette dernière.
Le 23.06.2009 la société Château Online a décidé de revendre l'activité boutique sous l'enseigne « Repaire de Bacchus » et a créé la SAS LFDR par apport du fonds de commerce et de la marque.
La société Alma bénéficiant d'un droit préférentiel du fait du pacte d'actionnaire a souhaité reprendre l'activité.
Dans ce but elle s'est rapprochée de la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation, Cofepp, avec laquelle elle a créé à cette fin, en août 2009, la société RDB Holding avec un capital réparti à hauteur de 75% pour la Cofepp et de 25% pour la société Alma.
La société RDB Holding a acquis 100% des parts de la société LFDR.
Monsieur [N], dirigeant de la Cofepp, a été désigné président de la société RDB Holding.
La société LFDR a pris pour nouvelle dénomination sociale Le Repaire de Bacchus.
Le dirigeant de la société Le Repaire de Bacchus était Monsieur [G] dirigeant de la société Alma, actionnaire minoritaire de la société holding.
Un pacte d'actionnaires a été signé le 7.08.2009 entre la société Cofepp et la société Alma qui prévoyait, entre autres:
- que la Cofepp se portait fort que les organes de la société LFDR et la société ne prendraient aucune des décisions suivantes sans l'accord préalable de la société Alma: changement significatif de l'activité de la société, acquisition, cession ou location d'actifs significatifs de participation ou de fonds de commerce, projet de fusion ou d'apport partiel d'actif et à défaut la société Alma pourrait exercer avant le 01.01.2014 la promesse d'achat stipulée à son profit
- que la Cofepp se portait fort que les organes de la Holding et de la société ne prendraient aucune des décisions suivantes sans l'accord préalable de la société Alma: changement significatif de l'activité de la société, acquisition, cession ou location d'actifs significatifs de participation ou de fonds de commerce, projet de fusion ou d'apport partiel d'actif et à défaut la société Alma pourrait exercer avant le 01.01.2014 la promesse d'achat stipulée à son profit
- une promesse d'achat par Cofepp des titres de la Holding détenues par la société Alma du 1.01.2014 au 31.12.2014.
Par ailleurs un contrat de prestation de service a été signé entre la SAS le Repaire de Bacchus d'une part et la société Alma et Monsieur [G], d'autre part, le 1.10.2009. Ce contrat avait pour objet le conseil stratégique en matières financières, techniques et de ressources humaines, ainsi que la supervision et l'animation des services opérationnels relatifs aux achats, au marketing, à la politique commerciale ainsi qu'aux réseaux de vente.
Aux termes d'un traité de fusion en date du 19.11.2013 la société le Repaire de Bacchus a absorbé sa Holding, la société RDB Holding avec effet rétroactif au 1.10.2013.
Le 27.01.2014 l'assemblée générale extraordinaire de la SAS Le Repaire de Bacchus a voté sa transformation de SAS en société en nom collectif.
Le dirigeant de la société Cofepp Monsieur [N], est devenu le dirigeant de la société Le Repaire de Bacchus après la transformation de la société en SNC.
Le contrat de prestations existant entre la SNC Le Repaire de Bacchus et la société Alma a été renouvelé le 15.09.2015 pour un montant passant de 14.927 euros HT à 13000 euros HT, et pour une durée de trois ans, renouvelable tacitement par période d'un an.
Les relations s'étant dégradées entre les actionnaires une solution de cession de la société Le Repaire de Bacchus était recherchée et un mandat était confié à la banque Rotschild, signé le 15.01.2019 par les deux associés, à l'effet de rechercher un cessionnaire.
Aucune cession n'est cependant intervenue.
La société Le Repaire de Bacchus mettait fin au contrat de prestation de service signé avec son associé minoritaire, la société Alma, le 17.06.2019 avec prise d'effet au 1.10.2019. Une clause de non concurrence s'appliquait pendant une durée de 12 mois.
Une augmentation de capital était votée lors de l'assemblée générale extraordinaire de la SNC le Repaire de Bacchus du 30.09.2020 étant précisé que deux augmentations de capital avaient eu lieu en 2013 pour 400.000 euros et 2016 pour 1,2 millions d'euros.
Cette augmentation de capital d'un montant de 2.966.584,55 euros était souscrite par la société Cofepp uniquement, par compensation avec son compte courant associé.
La société Alma engageait une action devant le tribunal de commerce de Créteil à l'encontre de la société Cofepp et en présence de la société Le Repaire de Bacchus exposant être victime d'un abus de majorité reprochant à la société Cofepp et à son dirigeant, également président de RDB Holding, d'avoir subi une augmentation de capital favorisant la société Cofepp car:
- réalisée par conversion du compte courant associé de celle-ci très largement bénéficiaire du fait de conventions passées avec des entités dans lesquelles le président de la Cofepp détenait des participations majoritaires dissimulées à l'actionnaire minoritaire s'agissant en particulier de la cession de l'intégralité du stock de la société le Repaire de Bacchus à la Cofepp qui les lui avait revendus ensuite en faisant inscrire les factures de revente au crédit de son compte courant associé, trois semaines plus tard
- et sur la base d'une valorisation très basse de la société ayant permis la dilution de l'actionnaire minoritaire alors que les offres de cession reçues valorisaient la société à un montant beaucoup plus élevé.
Elle soutenait que la fusion absorption puis le changement de forme sociale procédait de la même manoeuvre pour évincer l'actionnaire minoritaire.
Elle demandait ainsi la condamnation de la société COFEPP au titre des abus de majorité, l'annulation de la délibération de l'assemblée générale du 30.09.2020 aux termes de laquelle une augmentation de capital avait été votée au profit de la société COFEPP notamment par compensation avec son compte courant, et la condamnation de la société Cofepp à verser la somme de 2.966.594,55 euros à la société Le Repaire de Bacchus et la somme de 2.500.000 euros à la société Alma en indemnisation de la perte de chance de céder sa participation minoritaire, et subsidiairement la nomination d'un expert.
Elle demandait également que soit ordonnée à la société Le Repaire de Bacchus de reprendre l'exécution du contrat de prestation conclu avec Alma et à lui verser à titre de dommages et intérêts une somme égale à sa rémunération au titre des années 2020 et 2021 et subsidiairement à lui verser la somme de 312.000 euros hors taxe à titre d'indemnisation de la rupture brutale de la convention d'assistance et de conseil et de l'interdiction faite à Alma d'exercer une quelconque activité professionnelle.
Puis elle rajoutait des demandes concernant la production de diverses pièces comptables et fiscales en relation avec l'opération de cession de stock critiquée et demandait le rejet de la fin de non recevoir soulevée par les défendeurs.
Les défenderesses opposaient d'abord l'irrecevabilité des demandes de la société Alma pour défaut de mise en oeuvre de la clause statutaire instituant une procédure de conciliation puis subsidiairement soulevaient la prescription des demandes concernant les opérations de fusion-absorption, la convention de cession des stocks, et l'inscription en compte courant des factures de la société Cofepp d'un montant de 2.966.594,55 euros.
La société Cofepp demandait la prescription de la demande de la société Alma s'agissant de la transformation de la société en SNC.
Par jugement en date du 27.09.2022 le tribunal de commerce de Créteil:
rejetait la fin de non recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre de la procédure de conciliation prévue dans les statuts de la société Le Repaire de Bacchus,
déclarait la société Alma irrecevable en ses demandes relatives:
- aux opérations de fusion-absorption de la société RDB Holding par la société Le Repaire de Bacchus, puis de transformation de celle-ci en société en nom collectif
- à la convention de cession des stocks de la société Le Repaire de Bacchus à la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (COFEPP)
- à l'inscription en compte courant des factures de la société COFEPP d'un montant de 938.815,00 euros, 1.156.490,55 euros et 871.289,00 euros
car prescrites,
et déboutait la société Le Repaire de Bacchus de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de prestation de service conclu entre les sociétés Alma et Le Repaire de Bacchus à effet du 1er octobre 2009 et renouvelé le 15 septembre 2015.
La société Alma a formé appel par déclaration d'appel en date du 4.11.2022.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 4.01.2024, la société Alma demande à la cour de:
- Déclarer la société Alma recevable et bien fondée en son appel ;
- Débouter les sociétés Cofepp et Repaire de Bacchus de leurs appels incidents
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 27 septembre 2022 dans son intégralité
Et statuant à nouveau:
- Déclarer la société Alma recevable et bien fondée en ses demandes ;
- Condamner les sociétés Cofepp et Repaire de Bacchus à régler à la société Alma la somme de 5.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts compte tenu de l'intention dolosive dont elles ont fait preuve au sens de l'article 123 du code de procédure civile
- Faire sommation à la société Cofepp de produire les déclarations de TVA liées à l'opération de cession des stocks conclue au 31 décembre 2013 ainsi que l'ensemble des rachats de stocks par Le Repaire de Bacchus durant l'année 2014 ;
- Faire sommation à la société Cofepp de produire un extrait complet et original du Grand Livre du compte 451213 du 1er octobre 2013 au 31 décembre 2019.
- Condamner la société Cofepp au titre des abus de majorité commis en tant qu'associée majoritaire de la SNC Repaire de Bacchus
- Annuler la délibération de l'assemblée générale du 30 septembre 2020, au terme de laquelle l'augmentation de capital a été votée au profit de la société COFEPP, notamment par compensation avec son compte courant sauf pour cette dernière de verser la somme de 2.966.594, 55 €, équivalent au compte courant illicite inscrit dans les comptes de la société Repaire de Bacchus, en violation notamment de l'article 11 des statuts de la société Repaire de Bacchus ;
- Condamner la société Cofepp à verser la somme de 2.500.000 €, et a minima celle de 1.250.000€, à la société Alma en indemnisation de la perte de chance de céder sa participation minoritaire au capital social de la société Repaire de Bacchus ;
- Ordonner à la société Le Repaire de Bacchus de reprendre l'exécution du contrat de prestation conclu avec Alma le 1 er octobre 2009.
- Condamner la société Le Repaire de Bacchus à verser à titre de dommages et intérêts à la société Alma une somme égale au montant de la rémunération due à cette dernière au titre des années 2020, 2021 et 2022, actualisée à la date de l'arrêt à intervenir.
À titre subsidiaire:
- Condamner la société Le Repaire de Bacchus à payer à la société Alma la somme de 312.000 € HT à titre d'indemnisation de la rupture brutale de la convention d'assistance et de conseil et l'interdiction faite à Alma d'exercer une quelconque activité professionnelle.
À titre infiniment subsidiaire:
- Nommer un expert afin qu'il détermine la situation nette de la société Le Repaire de Bacchus au 31 décembre 2014, au 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020 après retraitement les sommes inscrites au compte courant de Cofepp obtenu par la rétrocession irrégulière du stock dans le courant de l'année 2014 pour apprécier la valeur des offres d'Ovalto et le montant de la perte de chance d'Alma de conclure au prix convenu.
En tout état de cause :
- Condamner les sociétés Cofepp et Le Repaire de Bacchus à payer à la société Alma la somme de 15.000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 31.10.2023, la société Le Repaire de Bacchus demande à la Cour de:
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris (sic ) du 27 septembre 2022 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (Cofepp) et la société Le Repaire de Bacchus tirée du défaut de mise en 'uvre de la procédure de conciliation prévue dans les statuts
En conséquence, statuant à nouveau :
Déclarer la société Alma irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 27 septembre 2022 en ce qu'il a déclaré la société Alma irrecevable en ses demandes relatives aux opérations de fusion-absorption de la société RDB Holding par la société Le Repaire de Bacchus, puis de transformation de celle-ci en société en nom collectif car prescrites ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 27 septembre 2022 en ce qu'il a déclaré la société Alma irrecevable en ses demandes relatives à la convention de cession des stocks de la société Le Repaire de Bacchus à la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (Cofepp) car prescrites;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 27 septembre 2022 en ce qu'il a déclaré la société Alma irrecevable en ses demandes relatives à l'inscription en compte courant des factures de la société Cofepp d'un montant de 938.815,00 euros, 1.156.490,55 euros et 871.289,00 euros car prescrites,
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 27 septembre 2022 en ce qu'il a débouté la société Le Repaire de Bacchus de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de prestation de service conclu entre les sociétés Alma et Le Repaire de Bacchus à effet du 1er octobre 2009 et renouvelé le 15 septembre 2015 ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit ne pas y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
En conséquence, statuant à nouveau:
Condamner la société Alma à verser à la société Le Repaire de Bacchus la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant de la première instance
- Débouter la société Alma de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre incident, le Tribunal ayant omis de statuer sur ce point:
- Condamner la société Alma à verser à la société Le Repaire de Bacchus la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la présente action;
En tout état de cause
- Condamner la société Alma à verser à la société Le Repaire de Bacchus la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamner la société Alma aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 16.01.2024 la société
Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation demande à la cour de:
Vu les articles 1843-5 du Code civil, 122 du Code de procédure civile, L.235-9 du Code de commerce, 2224 du Code civil, 4,5 et 463 du Code de procédure civile,
A titre principal
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation de déclarer la société Alma irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions faute d'avoir mis en oeuvre la procédure de conciliation préalable obligatoire et,
Statuant à nouveau à cet égard
Déclarer la société Alma irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation ;
A titre subsidiaire
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré la société Alma irrecevable en ses demandes afférentes (i) aux opérations de fusion-absorption de la société R.D.B. Holding par la société Le Repaire de Bacchus, puis de transformation de celle-ci en société en nom collectif, (ii) à la convention de cession des stocks de la société Le Repaire de Bacchus à la société COFEPP et (iii) à 1'inscription en compte courant des factures de la société COFEPP d'un montant de 938.815 euros HT, 1.156.490,55 euros HT et 871.289 euros HT ;
et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause
Débouter la société Alma de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Réparant l'omission de statuer affectant le jugement entrepris à cet égard, condamner la société Alma à verser à la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de la présente action;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et,
Statuant à nouveau à cet égard :
Condamner la société Alma à verser à la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant de la première instance ;
Condamner la société Alma à verser à la société Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamner la société Alma aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre du processus de conciliation prévu aux statuts et sur la demande de dommages et intérêts pour procédure tardive
La Cofepp conclut à l'irrecevabilité de l'action engagée faute de mise en oeuvre de la clause de conciliation prévue aux statuts.
Elle indique que le tribunal a retenu à tort que cette clause avait été mise en oeuvre dans la mesure où le processus décrit dans l'article n'a pas été respectée s'agissant de la désignation d'un conciliateur d'un commun accord entre les parties, ou, à défaut, par le président du tribunal de commerce statuant en référé, puis écoulement d'un délai de 6 mois à compter de la désignation du conciliateur, qu'en l'espèce aucun conciliateur n'a pas été désigné ni d'un commun accord, ni par le président du tribunal de commerce qui n'a pas été saisi de cette demande, que l'assignation en référé devant le président du tribunal de commerce de Créteil demandant entre autre la désignation de Me [X] comme conciliateur pour mettre en oeuvre la cession de la participation de la société Alma au capital de la société Le Repaire de Bacchus ne saurait être lue comme valant demande de désignation d'un conciliateur puisque sa prétention visait à la mise en oeuvre de la cession de sa participation par Alma, et non au règlement du litige.
Elle conteste tout aveu judiciaire de ce qu'elle aurait refusé de faire application de la clause statutaire de conciliation obligatoire.
Elle conteste le caractère tardif de la fin de non-recevoir soulevée.
La société Le Repaire de Bacchus soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre de la clause de conciliation prévue à l'article 27 des statuts soutenant que la société Alma a engagé la présente procédure en méconnaissance de la clause statutaire en ce qu'aucun conciliateur n'a été désigné, ni d'un commun accord, ni par le président du tribunal de commerce, ce dernier n'ayant été saisi par aucunes des parties à cette fin.
En réplique aux conclusions de la société Alma elle expose que la proposition de celle-ci de désigner Me [X] comme conciliateur n'a pas reçu son accord et que l'assignation délivrée concerne la désignation de Me [X] uniquement pour la mise en oeuvre de la cession de participation de la société Alma au capital de la société Le Repaire de Bacchus et ne peut donc être regardée comme une demande de désignation d'un conciliateur visant le règlement des litiges.
Elle conteste le caractère tardif de sa fin de non-recevoir puisque soulevée en première instance.
La société Alma demande la confirmation de la décision de première instance qui a constaté à juste titre qu'elle a mis en oeuvre la procédure de conciliation prévue par les statuts puisqu'elle a proposé la désignation de Me [X] en qualité de conciliateur, puis a saisi le juge des référés entre autres pour obtenir la désignation d'un conciliateur.
Elle fait valoir l'aveu judiciaire de la société Cofepp et de la société Repaire de Bacchus exposant qu'ils ont soutenu devant le juge des référés que la procédure de conciliation n'avait trait qu'aux litiges relatifs aux affaires sociales ou à l'exécution des présents statuts pour refuser l'application de la clause statutaire de conciliation préalable.
Elle relève enfin la tardiveté de la fin de non-recevoir soulevée et demande l'octroi de dommages et intérêts.
Sur ce
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix la chose jugée.
L'artic1e 27 des statuts de la société Le Repaire de Bacchus stipule que En cas de pluralité d'associés, toutes les contestations qui pourraient surgir pendant la durée de la Société ou lors de sa liquidation entre les associés ou entre la Société et les associés, relativement aux affaires sociales ou à l'exécution des présents statuts, seront soumises aux tribunaux compétents du siège social.
Toutefois, avant l'ouverture de toute procédure judiciaire, les différends devront être soumis à une procédure de conciliation, le conciliateur étant choisi d'un commun accord entre les parties au litige ou, à défaut d 'accord par décision du Président du Tribunal de commerce du siège statuant en référé a la demande de la partie la plus diligente.
A défaut d'accord entre les parties dans les six mois de la désignation du conciliateur, les voies judiciaires seront ouvertes à l'initiative de la partie la partie diligente.
En l'espèce c'est par une motivation fondée que la cour fait sienne que le tribunal de commerce a écarté la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs devenus intimés pour conclure à l'irrecevabilité de l'action engagée par la société Alma.
En effet la société Alma a par courrier du 11.06.2020 proposé à la société Cofepp la désignation de Me [X] comme conciliateur et demandé l'accord de la société Cofepp sur ce point. Celle ci n'a jamais donné son accord. Le tribunal retient à juste titre que le courrier vise la mise en oeuvre de la cession de sa participation par Alma à la société Ovalto mais plus généralement la gestion de la société Le Repaire de Bacchus qui a contribué à la forte dégradation de la valeur de la société et ainsi de notre participation minoritaire, ainsi que le fait que le courrier évoque également le préjudice financier consécutif à la rupture de la relation commerciale établie entre la société Alma et la société Cofepp.
La première étape du processus de conciliation (Toutefois, avant l'ouverture de toute procédure judiciaire, les différends devront être soumis à une procédure de conciliation, le conciliateur étant choisi d'un commun accord entre les parties au litige) a donc été respectée mais a échoué faute pour la Cofepp d'avoir répondu.
Puis la société Alma a saisi le juge des référés et a demandé, entre autres, la désignation d'un conciliateur pour mettre en oeuvre la cession de sa participation au capital de la société Le Repaire de Bacchus.
Cette demande de désignation d'un conciliateur faite au président du tribunal de commerce saisi en référé a été effectuée pour les mêmes demandes que celles ensuite présentées devant le tribunal. En effet si l'assignation délivrée au fond est plus détaillée en ce qu'il est demandé l'annulation de la délibération ayant approuvé l'augmentation de capital au profit de la société Cofepp par compensation avec son compte courant, et l'indemnisation du préjudice subi au titre de la perte de chance d'avoir pu céder sa participation minoritaire, elle est identique à la demande principale en référé de la société Alma, et à sa demande de désignation d'un conciliateur, à savoir céder sa participation dans le capital de la société Le Repaire de Bacchus, possibilité de cession qui a été réduite à néant par l'augmentation de capital votée et mise en oeuvre.
Enfin il y a lieu de souligner que la demande d'indemnisation du préjudice subi par la société Alma du fait de la rupture du contrat de prestation ne relève pas de l'application des statuts mais d'un contrat spécifique et n'est donc pas concernée par l'obligation de conciliation prévue dans les statuts.
En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée.
S'agissant de la demande formée par la société Alma de dommages et intérêts compte tenu du caractère dilatoire de la fin de non-recevoir, sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile, il y a lieu de rejeter cette demande dès lors que ce moyen a été soulevée dès la première instance et n'apparaît donc pas avoir été présentée tardivement.
Sur la communication de pièces
La cour constate que s'il est demandé dans le dispositif de ses conclusions par la société Alma la communication de diverses pièces celle-ci ne motive pas sa demande en explicitant les raisons pour lesquelles elle la maintient alors que l'affaire vient au fond pour être jugée devant la cour d'appel.
Il en résulte qu'il convient de rejeter la demande de communication de pièce non motivée.
Sur la prescription
La société Alma demande l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a retenu la prescription.
Elle expose que le point de départ de la prescription retenu par le tribunal est erroné s'agissant des dates d'imputation des factures au compte courant associé de la société Cofepp alors qu'il convenait de retenir comme point de départ de la prescription la date de connaissance des faits par elle, que n'étant plus dirigeante de la société elle n'a pas été informée de l'imputation critiquée et ne l'a découvert que par un courrier de la société Cofepp du 28.09.2020.
La société Cofepp demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Alma irrecevable en ses demandes afférentes (1) aux opérations de fusion-absorption de la société R.D.B. Holding par la société Le Repaire de Bacchus, (2) puis à la transformation de celle-ci en société en nom collectif, (3) à la convention de cession des stocks de la société Le Repaire de Bacchus à la société COFEPP et (4) à 1'inscription en compte courant des factures de la société COFEPP d'un montant de 938.815 euros HT, 1.156.490,55 euros HT et 871.289 euros HT. Elle expose que l'opération de fusion est intervenue le 9.11.2013 et l'opération de transformation en SNC le 27.01.2014 et qu'en conséquence toute action à ce titre est donc prescrite, depuis à tout le moins janvier 2017. Elle fait valoir en réponse aux arguments de la société Alma qui soutient avoir découvert ces opérations à l'occasion de l'action en référé que celle-ci a participé à la réalisation de ces deux opérations et donc les connaissait. Elle soutient les mêmes arguments de prescription concernant la convention de cession des stocks qui a été signée le 30.12.2013 et était donc parfaitement connue de la société Alma dont le dirigeant était alors dirigeant de la société Le Repaire de Bacchus et a signé de ce fait la convention litigieuse.
La société Le Repaire de Bacchus conclut que la société Alma est prescrite à contester plusieurs opérations compte tenu de leur ancienneté s'agissant des opérations de fusion entre RDB Holding et la société Le Repaire de Bacchus, de la convention portant sur le rachat du stock de vin, des factures de rétrocession de stocks inscrites en compte courant.
Sur ce
L'article 12 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
En première instance il était demandé par la société Alma:
- la condamnation de la société Cofepp au titre des abus de majorité commis en tant qu'associée majoritaire de la SNC Repaire de Bacchus
- l'annulation de la délibération générale du 30.09.2020 aux termes de laquelle l'augmentation de capital avait été voté au profit de la société Cofepp, notamment par compensation avec son compte courant sauf pour cette dernière de verser la somme de 2.966.594,55 euros équivalent au compte courant illicite inscrit dans les comptes de la société Repaire de Bacchus en violation notamment de l'article 11 des statuts de la société Repaire de Bacchus
- la condamnation de la société Cofepp à verser la somme de 2.966.594,55 euros à la société Repaire de Bacchus
- la condamnation de la société Cofepp à verser à la société Alma la somme de 2.500.000 euros en indemnisation de la perte de chance de céder sa participation minoritaire.
La société Cofepp, en réplique, avait uniquement soulevé la prescription concernant la régularité des opérations de fusion-absorption, et la prescription de la convention de cession signée le 30.12.2013 et la société Le Repaire de Bacchus soutenait pour sa part que la contestation des opérations de fusion-absorption était prescrite, tout comme la contestation de la convention de cession de stocks, et la contestation de la régularité des trois factures de rétrocession de stocks.
Le tribunal a retenu:
* sur le fondement de l'article L.235-9 du code de commerce la prescription:
- des demandes afférentes aux opérations de fusion-absorption de la société RDB Holding par la société Le Repaire de Bacchus,
- de la demande d'annulation de la société Alma de la convention de cession des stocks du 30.12.2013,
- des opérations de transformation de la société Le Repaire de Bacchus en SNC
* sur le fondement de l'article 2224 du code civil et de l'article L.110-4 du code de commerce la prescription:
- de l'action en contestation de l'inscription des factures de rétrocession de stocks au compte courant de la société Cofepp dans les comptes de la société Le Repaire de Bacchus.
En statuant ainsi le tribunal a commis une erreur de droit.
En effet la prescription ne peut s'appliquer qu'aux prétentions articulées par la demanderesse dans son dispositif et ne peut être retenue concernant les moyens développés au soutien des prétentions. Or en l'espèce le tribunal n'a pas statué sur la prescription de l'action en indemnisation et de l'action en nullité d'une délibération d'une assemblée générale, les deux étant fondées sur un abus de majorité de la part de Cofepp mais a statué sur la prescription des différents moyens avancés au soutien des demandes formulées.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur la prescription des moyens et statuant à nouveau de dire irrecevables les demandes de prescription des moyens articulées au soutien des demandes.
En appel les intimées ne formulent aucune demande de prescription concernant les prétentions de la société Alma figurant dans son dispositif, de telle sorte que la cour constate que la prescription des prétentions de la société Alma s'agissant de:
- CONDAMNER la société COFEPP au titre des abus de majorité commis en tant qu'associée majoritaire de la SNC Repaire de Bacchus
- ANNULER la délibération de l'assemblée générale du 30 septembre 2020, au terme de laquelle l'augmentation de capital a été votée au profit de la société COFEPP, notamment par compensation avec son compte courant sauf pour cette dernière de verser la somme de 2.966.594, 55 €, équivalent au compte courant illicite inscrit dans les comptes de la société Repaire de Bacchus, en violation notamment de l'article 11 des statuts de la société Repaire de Bacchus ;
- CONDAMNER la société COFEPP à verser la somme de 2.500.000 €, et a minima celle de
1.250.000€, à la société Alma en indemnisation de la perte de chance de céder sa participation minoritaire au capital social de la société Repaire de Bacchus ;
n'est pas soulevée par les intimées.
Sur l'abus de majorité
La société Alma expose que l'abus de majorité s'est construit en plusieurs temps, que dans un premier temps la Cofepp associée majoritaire de la société RDB Holding a décidé, sans concertation préalable avec son associé minoritaire, de procéder à une opération de fusion-absorption de la société RDB Holding par la société Le Repaire de Bacchus, sa filiale, que cette absorption a eu plusieurs conséquences : la disparition de l'engagement souscrit par Cofepp au terme du pacte d'associé signé entre les associés de RDB de racheter les actions détenues par Alma au 1.01.2014, et la reprise du compte-courant associé de la société Cofepp dans les comptes de RDB Holding au sein des comptes de la société Le Repaire de Bacchus.
Elle souligne que la fusion-absorption s'est faite à la date du 30.09.2013 soit au plus mauvais moment au regard de la valorisation de la société Le Repaire de Bacchus qui connaît à cette période de l'année une baisse de son chiffre d'affaires et une hausse de ses charges, et sur la base d'une situation comptable réalisée par l'associé majoritaire sans réalisation d'un inventaire physique des stocks.
Elle expose que compte tenu de la reprise du compte courant associé de la société Cofepp dans la société Le Repaire de Bacchus l'écrasante majorité du passif de la société absorbante appartenait à la Cofepp, qu'en outre la faiblesse des capitaux propres de la société par rapport au compte courant de la Cofepp compromettait les possibilités de financement extérieur.
Elle soutient que la signature de ce traité de fusion est intervenue sous la contrainte pour elle de ne pas voir renouveler la convention de prestation conclue entre la société Le Repaire de Bacchus et elle, source de revenus déterminante pour elle, et que d'ailleurs lors du renouvellement du contrat, le 15.09.2015, le montant mensuel de sa prestation a été diminué de 1927 euros par mois passant de 14927 euros à 13000 euros en représailles du conflit entre les associés lors de la fusion-absorption.
Elle fait valoir que dans un second temps, le 19.11.2013, la société Le Repaire de Bacchus a été transformée en SNC par décision de l'associé majoritaire.
Elle indique que compte tenu des oppositions entre les associés une solution de cession du capital de la société a été recherchée qu'un mandat a été confié par les deux associés à la banque Rotschild mais que la société Cofepp n'a jamais donné suite à la proposition de la société Ovalto du 30.04.2019 renouvelé le 5.04.2020, que dans le même temps la société Cofepp a mis fin au contrat de prestation de service conclue avec la société Alma le 17.06.2019, cherchant à asphyxier la société Alma pour s'assurer de son éviction de la société à un moindre coût.
Elle expose que dans un troisième temps une augmentation de capital par conversion du compte courant d'associé de la Cofepp a été votée lors d'une assemblée générale le 30.09.2020.
Elle soutient qu'elle a découvert, lors de l'action en référé qu'elle a engagée, que le compte courant créditeur de la société Cofepp, qui a permis de souscrire à l'augmentation de capital, a été constitué par une opération qui s'est déroulée en deux temps.
Elle indique que l'opération a d'abord consisté en un contrat de cession de l'intégralité des stocks de la société Le Repaire de Bacchus au profit de la société Cofepp en date du 30.12.2013, moyennant le paiement de son prix par compensation avec le compte courant associé de la Cofepp, qu'ainsi le 31.12.2013 les comptes de la SAS Le Repaire de Bacchus ne mentionnent plus de stocks, que par ailleurs la convention prévoit que les éléments de stock confiés en dépôt-vente par Cofepp à Bacchus seraient rétrocédées par Cofepp à Bacchus au fur et à mesure des ventes effectuées par cette dernière auprès de ses propres clients.
Puis elle explique que le stock a fait l'objet de revente dès les semaines suivantes par la société Cofepp à la société Le Repaire de Bacchus (facture du 28.02.2014), le montant des factures étant mobilisé au crédit du compte courant associé de Cofepp.
Elle affirme que ces opérations ont été dissimulées et n'ont pas été soumises à l'approbation de l'assemblée des associés de la SNC Le Repaire de Bacchus, et ont permis à la société Cofepp de se reconstituer un compte courant d'associé qui lui a permis de souscrire à l'augmentation de capital, qu'en effet la convention visant pour la société Le Repaire de Bacchus à céder l'intégralité du stock de la société à son associé majoritaire, n'a fait l'objet d'aucun rapport du commissaire aux comptes, ni été soumise à l'approbation de l'assemblée générale, que la convention ne figure dans un aucun document de la société, et n'est pas mentionnée parmi les « conventions réglementées » prévues en rubrique 5 dans le rapport de gestion établi par Monsieur [N], président de la Cofepp, et gérant de la SNC Repaire de Bacchus depuis le 27 janvier 2014, au titre de l'assemblée générale du 30 juin 2014,.
Elle expose ensuite que la Cofepp a inscrit sur son compte-courant d'associée les factures émises par Bacchus, ce qui constitue un évident conflit d'intérêt puisque la Cofepp est à la fois associée, créancière et gérante.
Elle indique qu'aucun des éléments produits ne permet de déterminer que la fréquence de la facturation mise en place par Cofepp pour la revente des actifs Repaire de Bacchus correspond à l'utilisation du stock par la société Le Repaire de Bacchus et aux besoins du réseau.
Elle expose qu'un certain nombre de factures étaient exigibles à des dates éloignées de la date de leur paiement en compte courant (s'agissant de la facture de 871.289 euros HT exigible au 30.11.2014 et inscrite le 30.09.2014 et de la facture de 1.156.490 euros inscrite le 31.12.2014 alors que la facture correspondante était exigible au 28.02.2015), que s'agissant de la facture de 938.815 euros HT elle ne porte pas de mention et la société Cofepp l'a arbitrairement inscrite à son compte courant, que la Cofepp a ainsi augmenté son compte courant d'associé d'un montant de 2.966.594,55 euros sans établir que la trésorerie de la société Le Repaire de Bacchus n'aurait pas permis de tel règlement sur les exercices 2014 et 2015, qu'au total le montant total des factures de revente par la Cofepp du stock à la société Le Repaire de Bacchus s'est élevé à 4.099.540,05 euros.
Elle ajoute qu'en outre ces inscriptions se sont faites en violation de l'article 11 des statuts qui autorise uniquement les apports en numéraire au titre des apports en compte courant, que les créances sous forme de factures d'un actionnaire majoritaire à l'égard de la société n'entrent pas dans ce cas de figure, que la société Cofepp a agi contrairement à l'intérêt social de la société Le Repaire de Bacchus.
Elle conclut que le réel intérêt de la convention de stock aurait été l'obtention rapide de trésorerie par la société Le Repaire de Bacchus mais que le mode de règlement n'a pas abondé la trésorerie de la société, qu'il y a en réalité dans la construction de l'opération d'achat et revente de stocks un détournement d'actifs préjudiciable aux intérêts de la société Le Repaire de Bacchus et de son associé minoritaire Alma et qu'il convient de remettre en cause les opérations de rachats des stocks par inscription au compte courant de Cofepp.
Elle explique ensuite qu'après s'être constitué frauduleusement un compte courant d'associé d'un montant de plus de 2 millions d'euros, la société Cofepp a ensuite procédé à une augmentation de capital par incorporation de ce compte courant, qu'en agissant ainsi la Cofepp a commis un abus de majorité caractérisé par la volonté d'utiliser son droit de vote dans le but de nuire aux associés minoritaires en violant l'intérêt social.
Elle soutient en effet que l'augmentation de capital votée lors de l'assemblée générale du 30.09.2020 avait, entre autres, pour objectif de priver la société Alma de la possibilité de céder sa participation au capital social dans des conditions financières avantageuses, que cette augmentation du capital favorisait l'actionnaire majoritaire, que son objet principal était de rembourser le solde du compte courant de la société Cofepp qui procède d'une manipulation comptable liée à la convention, que l'augmentation de capital ainsi votée et réalisée nuit aux intérêts de la société Alma.
Elle conteste le fait que l'augmentation de capital par compensation résulte d'une recommandation du commissaire aux comptes, exposant que la note rédigée par celui-ci ne préconise pas la stratégie mise en oeuvre par la Cofepp, que le faible niveau de la trésorerie est aggravée par la convention de trésorerie mise en place avec la société Cofepp qui fait remonter la trésorerie de la société, que cette convention de trésorerie crée une augmentation significative des dettes de la société et qu'il ne peut être justifié l'augmentation de capital par l'incorporation du compte courant de la Cofepp au motif d'une volonté de réduire les dettes de la société alors que c'est la Cofepp qui a mis en oeuvre l'aggravation du passif de la société à travers une convention de trésorerie.
Elle expose que l'augmentation de capital par compensation du compte courant d'associé n'est pas par nature conforme à l'intérêt social de la société indiquant que cela ne crée aucune trésorerie permettant de faire face aux besoins en financement invoqués.
La société Cofepp expose que la présentation des faits par la société Alma est erronée puisque celle ci a voté l'opération de fusion puis la transformation de la SAS en SNC, et par ailleurs son président en qualité de président de la société Le Repaire de Bacchus a signé la convention de cession de stock prévoyant la rétrocession de ceux ci, sans mettre en oeuvre la procédure concernant les conventions réglementées estimant que ladite convention n'en relevait pas.
Elle explique que toutes ces opérations ont été nécessaires au regard des pertes accumulées sur plusieurs années par la société Le Repaire de Bacchus, pour améliorer la situation financière de la société de façon à rechercher de nouveaux concours bancaires, qui ont été obtenus en 2016 et 2017 pour un montant de deux millions d'euros pour financer son développement.
Elle indique que c'est pour des raisons financières que la société Le Repaire de Bacchus n'a pas poursuivi sa collaboration avec la société Alma.
Elle expose qu'elle a accepté de signer un mandat de vente, bien que la vente ne soit pas son projet, pour ne pas écarter cette possibilité si les conditions offertes correspondaient à ses attentes, ce qui n'a pas été le cas.
Elle conteste la lecture de l'article 11 des statuts telle qu'effectuée par la société Alma exposant que l'article 11 stipule qu' outre les apports, les associés pourront verser ou laisser à la disposition de la société toutes sommes dont elle pourrait avoir besoin et que cette rédaction n'interdit nullement la compensation des sommes laissées en compte courant avec des sommes qui seraient dues par ailleurs à la société par l'associé concerné ni a fortiori l'inscription de sommes dues par la société à l'associé concerné au crédit de son compte courant, qu'elle était donc parfaitement fondée à régler le prix d'acquisition des stocks par compensation avec son compte courant créditeur et à inscrire les factures de rachat, par Le Repaire de Bacchus, de ses marchandises, au crédit de son compte courant.
La société Le Repaire de Bacchus s'associe aux explications de la société Cofepp s'agissant de l'opération de fusion, de la transformation de la société en SNC, de la signature de la convention de cession des stocks et de la revente de celui-ci par Cofepp avec inscription des factures au compte courant correspondant de l'associé.
Elle expose que la convention a été conclue pour soulager les problèmes de trésorerie qu'elle rencontrait et qu'en tout état de cause cette cession des stocks est une opération neutre pour elle puisque la réduction des stocks à 0 a eu pour contrepartie comptable la diminution du compte courant d'associé de la Cofepp à hauteur du prix de rachat des stocks et que la convention a permis d'améliorer sa situation comptable en lui permettant d'afficher un résultat bénéficiaire à hauteur de 30.201 euros au 31.12.2013 alors qu'elle affichait précédemment des pertes constantes causant ainsi des problèmes de trésorerie.
Elle ajoute que l'augmentation des créances de la société Cofepp sur la société Le Repaire de
Bacchus au 31 décembre 2014 résulte du versement par la première au profit de la seconde, sur son compte bancaire, d'avances de fonds, en exécution d'une convention de gestion de trésorerie intragroupe, dont les montants ont été retranscrits chaque année dans les comptes et certifiés à ce titre par le commissaire aux comptes.
S'agissant des factures inscrites au compte courant associé de la société Cofepp seule trois factures sont critiquées par la société Alma alors que le traitement comptable de ces trois factures est d'une part parfaitement régulier et d'autre part ne cause aucun préjudice à la société. Elle souligne en particulier que la forme sociale de la société Le Repaire de Bacchus qui est une SNC, permet une grande liberté contractuelle, que ni la loi, ni les statuts n'imposent, pour une inscription en compte courant associé, une procédure d'approbation préalable en assemblée générale.
Elle fait valoir que la société Alma ne conteste pas l'intégralité de l'augmentation de capital de la société Le Repaire de Bacchus mais seulement l'augmentation de capital par incorporation du compte courant de la société Cofepp, mais n'établit pas que cette opération, qui est licite, est contraire à l'intérêt de la société Le Repaire de Bacchus, qu'au contraire cette augmentation de capital a été opérée pour diminuer le passif exigible de la société Le Repaire de Bacchus, dont le montant des fonds propres était négatif, qu'en outre cette opération s'est réalisée sur les conseils de l'expert-comptable et a eu pour conséquence une augmentation de capital et l'amélioration du bilan de la société.
Sur ce
L'abus de majorité est selon la Cour de cassation, caractérisé lorsque deux conditions sont remplies:
1- les associés majoritaires ou les dirigeants ont fait prendre à la société une décision qui n'est pas conforme à son intérêt social en ce qu'elle lui cause un préjudice ou n'a aucun intérêt pour elle,
2- en faisant adopter la décision critiquée les majoritaires ou les dirigeants ont recherché leur intérêt personnel en s'octroyant un avantage particulier ou en frappant les minoritaires d'un désavantage.
Sur les opérations réalisées en 2013 et 2014
La société Alma expose au soutien de son action ayant pour but de voir retenu l'abus de majorité commis par la société Cofepp, que cet abus de majorité débute à l'opération de fusion-absorption de la société RDB Holding par sa filiale Le Repaire de Bacchus et la transformation de celle-ci en SNC puis par la constitution frauduleuse dans le même temps du compte courant associé de la société Cofepp par une opération d'achat et de revente du stock de vin avant de trouver son accomplissement dans l'opération d'augmentation de capital par transformation du compte courant associé de la société Cofepp en capital.
Cependant il convient de souligner que les premières opérations contestées ont eu lieu en 2013-2014 et que l'opération d'augmentation de capital ne s'est réalisée qu'en 2020 soit 6 ans après.
L'écart temporel entre les premières opérations critiquées et l'augmentation de capital ne permet pas de retenir, par principe, que les premières constituent des actes préparatoires à la mise en oeuvre d'un abus de majorité qui serait constitué par l'augmentation de capital. Il convient que cette relation entre les opérations réalisées en 2013 et 2014 et l'augmentation de capital de 2020 soit établie.
La société Alma soutient rapporter cette preuve en soulignant d'une part que l'opération de fusion-absorption et la transformation de la SAS en SNC se sont faites contre sa volonté et d'autre part qu'elle n'avait pas connaissance de la convention de vente et rachat du stock de vin de la société Le Repaire de Bacchus qui s'est faite en violation des statuts et dans des conditions critiquables.
Or s'agissant de l'opération de fusion-absorption elle a été votée par l'assemblée générale des actionnaires de la société RDB et la société Alma a voté favorablement.
La société Alma ne rapporte pas la preuve, par ailleurs, que cette fusion est un acte contraire à l'intérêt social de la société Le Repaire de Bacchus, au contraire les explications justifiant la fusion telles qu'exposées dans le traité de fusion apparaissent légitimes, à savoir supprimer une société holding qui alourdissait la gestion de l'ensemble et pouvait constituer une entrave aux relations opérationnelles et financières importantes entre la société Cofepp et la société Le Repaire de Bacchus.
La société Alma soutient que cette opération a eu pour but de la priver de son droit de voir racheter ses parts par la société Cofepp.
Il résulte de l'article 3.2.1 du pacte d'actionnaire que la Cofepp avait pris l'engagement de ne procéder à aucune opération de fusion sans l'accord préalable de la société Alma et il était prévu qu'en cas de violation de cet engagement la société Alma pourrait exercer avant le 1.01.2014 la promesse d'achat stipulée au pacte. Or la société Alma a donné son accord à la fusion, alors qu'elle aurait pu refuser celle-ci et demander, si l'opération de fusion s'était tout de même poursuivie, le rachat de ses parts. Elle est donc mal-fondée à critiquer les conséquences d'une opération qu'elle a votée.
La société Alma soutient par ailleurs que cette opération a entraîné la reprise du compte courant associé de la société Cofepp par la société Le Repaire de Bacchus.
D'une part cette reprise est la conséquence légale de l'opération de fusion et ne permet pas en soi de caractériser un abus de majorité et d'autre part la société Alma était parfaitement informée de cette conséquence et pouvait donc voter contre la fusion.
Par ailleurs la société Alma, parfaitement informée de l'opération de fusion, est mal fondée à critiquer la date de l'arrêté des comptes qui a été retenue, date qu'elle pouvait remettre en cause en 2013 en demandant à ce que la fusion se fasse au terme d'un exercice, ce qu'elle n'a pas fait.
Elle est tout aussi mal fondée à critiquer les modalités de la fusion s'agissant de l'absence d'inventaire, alors qu'elle pouvait demander qu'il en soit réalisé un, voire le mettre en oeuvre, puisque son président était le président de la société absorbante.
Enfin aucun élément ne rapporte la preuve que la société Alma ait voté sous la contrainte les différents actes contestés par elle.
La société Alma poursuit en soutenant que la reprise du compte courant associé de la Cofepp dans RDB Holding par la société Le Repaire de Bacchus, société absorbante, participe de l'abus de majorité parce qu'elle a permis ensuite la mise en oeuvre de la convention ayant abouti selon elle à une augmentation frauduleuse du compte courant associé de la société Cofepp.
Comme il a été souligné ci-dessus la reprise du compte courant associé de Cofepp dans RDB Holding par la société Le Repaire de Bacchus est une des conséquences de l'opération de fusion parfaitement connue de la société Alma.
S'agissant de la convention d'achat et de revente du stock de vin, elle a été signée par Monsieur [G] qui était alors président de la société Le Repaire de Bacchus, et qui est par ailleurs président de la société Alma. La société Alma était donc parfaitement informée des modalités de la convention critiquée et donc des modalités d'achat du stock et du principe de la revente de ceux-ci au fur et à mesure des ventes effectuées par Bacchus auprès de ses clients, des stocks achetés par Cofepp. Elle est en outre mal-fondée à faire valoir que la procédure régissant les conventions réglementées n'a pas été respectée puisque c'est son président, alors également président de la société Le Repaire de Bacchus qui n'a pas mis en oeuvre ladite procédure, pour autant qu'elle ait été obligatoire.
Le compte courant associé de la Cofepp issu de la fusion a permis l'achat des stocks de vins par la société Cofepp par le biais des écritures comptables qui ont compensé le montant des stocks par une partie du montant du compte courant associé. Cette opération comptable a amené la réduction à 0 de la valeur des stocks dans le bilan de la société Le Repaire de Bacchus. On constate par ailleurs à la lecture de ce même bilan pour l'exercice 2013 que la dette de la société vis à vis de son associé majoritaire a été réduite de 4.064.133,06 euros HT.
Aucun élément n'est versé aux débats établissant que le paiement du stock par compensation avec le compte courant associé est contraire aux règles comptables, ou aux statuts, ou au pacte d'associés.
Il en résulte que l'opération était connue, n'apparaît pas comme illicite, n'a pas été critiquée par l'actionnaire minoritaire en 2013, était de l'intérêt social de la société en ce qu'elle améliorait la situation comptable de celle-ci en diminuant le montant de son endettement au bilan.
La société Alma était également parfaitement informée de la transformation de la société Le Repaire de Bacchus de SAS en SNC puisqu'elle a voté celle-ci lors de l'assemblée générale du 14.01.2014. Elle ne peut donc soutenir aujourd'hui que cette opération lui a été dissimulée. En outre elle n'établit pas que cette opération est contraire à l'intérêt social de la société, aucun élément en ce sens n'étant versé aux débats.
Ainsi l'opération de fusion, l'opération de rachat du stock de vin et la transformation de la forme sociale de la société étaient parfaitement connues de la société Alma, n'ont pas été critiquées par elle, ont, au contraire, été acceptées par elle, et aucun élément ne permet de retenir qu'au moment de leur réalisation ces trois opérations étaient contraires à l'intérêt de la société Le Repaire de Bacchus.
Les éléments versés aux débats ne permettent pas plus de modifier la lecture des opérations au regard du processus d'augmentation du capital mis en oeuvre 6 ans après, et de retenir a posteriori qu'elles étaient contraires à l'intérêt social de la société et qu'elles constituaient donc les actes préparatoires d'un abus de majorité qui s'est concrétisé par l'opération d'augmentation du capital.
S'agissant de la revente du stock de vin Alma soutient que l'inscription des factures de revente en compte courant associé de la société Cofepp est irrégulière comme contraire aux statuts et a participé à l'abus de majorité en ce que le compte courant associé de la société Cofepp a été augmenté et a permis à celle-ci de souscrire à l'augmentation de capital uniquement par conversion de son compte courant associé en capital.
Il y a lieu de souligner que les factures de revente du vin ne sont pas critiquées en elles-mêmes, par Alma.
La cour retient en outre qu'Alma fait valoir que des factures ont été inscrites sur le compte courant associé avant leur exigibilité mais s'agissant de factures de 2014 exigibles en 2015 cette argumentation, quand bien même elle serait fondée en fait, est inopérante à rapporter la preuve d'un abus de majorité commis en 2020, c'est à dire à une date où les factures étaient exigibles en tout état de cause.
L'article 11 des statuts stipule que Outre leurs apports les associés pourront verser ou laisser à disposition de la société toutes sommes dont elle pourrait avoir besoin. Ces sommes sont inscrites au crédit d'un compte ouvert au nom de la société.
La société Alma conclut que les apports ne peuvent être que des versements en numéraire. Cependant la mention laisser à disposition de la société toutes sommes dont elle pourrait avoir besoin démontrent le contraire: à savoir que l'associé peut laisser à disposition de la société une somme que celle-ci lui doit, si la société est susceptible d'en avoir besoin.
Ainsi il était parfaitement possible pour la société Cofepp de laisser à la disposition de la société Le Repaire de Bacchus, dont elle était associée, les sommes que celle-ci lui devait au titre du règlement des factures d'achat du stock de vin.
Contrairement à ce que soutient la société Alma, sans en rapporter la preuve, cette inscription en compte courant associé n'avait pas à être autorisée par l'assemblée générale des associés, aucune disposition des statuts ne l'imposant.
S'agissant de l'intérêt social pour la société Le Repaire de Bacchus de ne pas régler les factures mais de les inscrire en compte courant associé, il résulte dans le fait que la société conserve ainsi de la trésorerie en ne réglant pas certaines charges liées à son activité dans un contexte où son activité est déficitaire depuis sa création sauf en 2013 année de mise en oeuvre de la convention de rachat des stocks. (2012 résultat déficitaire à hauteur de 639.169 euros, 2013 résultat bénéficiaire de 30.201 euros, 2014 résultat déficitaire de 1.698.049,58 euros, 2015 résultat déficitaire de 604.402 euros, 2016 résultat déficitaire de 596.992 euros).
La société Alma ne rapporte pas la preuve que cette modalité de paiement a été mise en oeuvre alors que la société avait la possibilité de payer les factures à son associé.
Enfin l'argumentation tirée de l'existence d'une convention de trésorerie qui aurait fait remonter la trésorerie de la société au niveau du groupe est inopérante au regard du soutien réitéré de l'associé majoritaire par le versement de sommes à la société Bacchus, inscrite en compte courant associé, et l'absence de règlement des factures de revente du vin.
En conséquence il ne convient pas de retenir comme irrégulière l'inscription des factures de revente des stocks du vin au compte courant associé de la Cofepp à compter de 2014.
Enfin la société Alma était à même, par la consultation des comptes qui étaient mis à sa disposition une fois par an, de prendre connaissance de cette modalité de règlement et de la contester en assemblée générale.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les opérations d'inscription des factures de revente du stock de vin en compte courant associé de la société Cofepp ne sont pas de nature à caractériser des actes préparatoires d'un abus de majorité qui se serait ensuite concrétisé par l'opération d'augmentation du capital.
Sur l'augmentation de capital voté le 30.09.2020
La société Alma soutient que la société Cofepp a commis un abus de majorité.
L'expert comptable a effectué les recommandations suivantes dans les états financiers et de gestion au 31.12.2019 (pièce 43 de l'intimé):
Situation nette négative
Malgré les dernières augmentations de capital réalisées, du fait des pertes qu'elle a accumulées, la SNC Le Repaire de Bacchus présente des capitaux propres négatifs de 1 688 K€.
De ce fait, son financement est actuellement presque exclusivement dépendant du soutien financier d'un de ses associés, la SA Cofepp. Les sommes avancées par cet associé à la SNC Le Repaire de Bacchus ne sont affectées d'aucun terme et sont donc immédiatement exigibles. Aussi, afin d'assurer le financement et la pérennité de la SNC Le Repaire de Bacchus, tout en justifiant le maintien du principe de continuité de l 'exploitation qui a présidé à l 'élaboration des présents Comptes annuels, ses associés devront donc procéder au plus tôt à une augmentation de capital suffisante lui permettant de reconstituer ses capitaux propres et de dégager des ressources suffisantes pour financer ses investissements présents et son besoin en fonds de roulement.
Au terme d'une telle opération la SNC Le Repaire de Bacchus aura alors également reconstitué sa capacité d'endettement afin de financer ses investissements à venir.
Il résulte des conclusions du commissaire aux comptes pour les comptes annuels 2019:
L'analyse passée de l'EBITDA de Repaire de Bacchus montre que cette dernière consomme continuellement de la trésorerie, sans compter ses besoins liés au financement des investissements et du besoin en fonds de roulement.
Faute d'une autre source de financement Cofepp doit continuer d'assurer le besoin de financement de Repaire de Bacchus.
Diverses actions de redressement et d'économie doivent être mises en oeuvre mais leurs effets seront nécessairement longs et nécessiteront d'importants investissements nouveaux dont Repaire de Bacchus devra assumer le poids financier en souscrivant de nouveaux emprunts.
Même en comptant, naturellement, sur le succès des actions envisagées, le niveau des dettes financières accumulées par la Société représente un fardeau financier que Repaire de Bacchus n'aura ni la capacité de soutenir, ni même de rembourser.
Il est donc grandement temps de restaurer les équilibres financiers de Repaire de Bacchus en procédant à une nouvelle recapitalisation, afin d'effacer de son bilan la part de pertes accumulées.
Il résulte tant des recommandations de l'expert-comptable que des conclusions du commissaire aux comptes la nécessité de recapitaliser la société par le biais d'une augmentation de capital.
L'opération critiquée, votée par l'assemblée générale le 30.09.2020, a répondu exactement aux recommandations des professionnels du chiffre. La décision votée par l'assemblée générale le 30.09.2020 n'était donc pas contraire à l'intérêt social de la société.
Il est par ailleurs critiqué par la société Alma les conditions dans lesquelles la société Cofepp a souscrit à cette augmentation de capital en convertissant son compte courant associé en capital et non en versant une somme en numéraire à la société en contrepartie de l'émission de nouvelles parts sociales.
Cependant cette opération de souscription n'est interdite ni par la loi, ni par les statuts.
En outre il n'apparaît pas qu'elle soit contraire à l'intérêt social de la société: au contraire la souscription par le biais du compte courant associé de la Cofepp de l'augmentation du capital a eu pour conséquence de diminuer les créances à court terme de la société et d'augmenter ses fonds propres qui étaient alors négatifs.
Le fait que l'opération d'augmentation du capital ait eu pour conséquence la dilution de l'actionnaire minoritaire qui n'a pas participé à ladite augmentation ne caractérise pas en soi un caractère abusif à l'opération. Il convient de souligner, comme le rappelle l'expert- comptable, que la société Le Repaire de Bacchus a été soutenue financièrement par son associé majoritaire pendant plusieurs années, celui-ci ayant avancé des fonds importants.
En conséquence, confirmant le jugement et y ajoutant, il convient de débouter la société Alma de sa demande de voir condamner la société Cofepp au titre des abus de majorité commis en tant qu'associée majoritaire de la SNC Repaire de Bacchus, de voir annuler la délibération de l'assemblée générale du 30 septembre 2020 et de la voir condamner à lui verser la somme de 2.500.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu céder sa participation minoritaire.
Sur la responsabilité de la société Cofepp et l'indemnisation de la perte de chance de la société Alma de ne pas avoir cédé sa participation
La société Alma demande la condamnation de la société Cofepp exposant que les deux associés s'étaient entendus pour rechercher un acquéreur et avaient mandaté une banque d'affaires de premier plan dans cette perspective, que la société Ovalto a formulé une première offre d'achat le 30.04.2019 et une seconde le 6.04.2020 mais que la société Cofepp n'a pas donné de réponses à la banque Rothschild, qu'en agissant ainsi elle a fait perdre à l'associé minoritaire une chance de vendre sa participation.
Elle expose que si le refus par un actionnaire majoritaire d'accepter une offre de rachat constitue un droit discrétionnaire de celui-ci, la jurisprudence a néanmoins admis que celui-ci dégénère en abus de droit dans certaines conditions, qu'ainsi la jurisprudence a considéré qu'un actionnaire majoritaire, qui après avoir accepté le principe de la cession des titres du minoritaire, mettait en 'uvre « des man'uvres dans le dessein de faire échouer le projet de cession » commettait un abus de majorité portant nécessairement préjudice à l'actionnaire minoritaire, que tel est le cas en l'espèce puisque la société Cofepp avait dans un premier temps donné son accord pour céder sa participation dans la société Le Repaire de Bacchus avant de faire obstacle à la cession envisagée par son mutisme puis a allégué des motifs infondés, qu'en effet la condition de remboursement du compte courant de la société Cofepp qui est alléguée par elle comme une des explications de son refus de l'offre proposée, n'avait jamais été exprimée comme une condition déterminante du consentement de la Cofepp préalablement au mandat signé par elle et en tout état de cause la seconde offre d'Ovalto prévoyait ce remboursement.
La société Cofepp fait valoir que contrairement à ce qu'affirme la société Alma elle ne s'est pas engagée à céder ses parts en signant le mandat de vente confié à la banque Rothschild, qu'en effet le mandat signé ne comporte aucun engagement de vendre de sorte que son refus de vendre ne peut lui être reproché à titre de faute, que la société Alma ne fait état d'aucune manoeuvre qui aurait été mise en oeuvre par la société Cofepp dans le but de faire échouer le projet de cession de son associé.
Elle conteste donc tout abus de majorité, rappelant qu'une décision prise par un associé en dehors de tout organe délibérant ne peut constituer un abus de majorité.
Elle ajoute que la première offre émise par la société Ovalto ne prévoyait pas de remboursement du compte courant associé et que la seconde offre faite un an plus tard, prévoyait effectivement un remboursement du compte courant associé de la société Cofepp à hauteur de 9 millions d'euros, alors que celui-ci s'élevait à 11,7 millions d'euros, mais proposait un prix d'achat des titres en baisse de 10 à 5 millions d'euros et la vente concomitance de la société Wine & Co détenue à 95% par la société Cofepp et qui n'était pas vendre.
Sur ce
L'article 1104 du code civil dispose dans son premier alinéa que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En l'espèce les associés ont signé un mandat confiant à la banque Rothschild la recherche d'un cessionnaire de la société Le Repaire de Bacchus.
Il ne résulte pas du mandat signé un engagement de vendre pris par la société Cofepp.
Aucun prix n'est défini dans le mandat imposant, s'il est proposé, à la société Cofepp de vendre.
Au contraire il est indiqué d'une part qu' il appartiendra à la société seule d'arrêter les termes et conditions de la transaction et plus particulièrement le prix ou la valeur définitivement retenue, le mode de paiement ou la nature de la contrepartie et d'autre part que la présente mission n'autorise par Rotschild à accepter ou conclure un quelconque accord au nom ou pour le compte de la société.
La société Cofepp disposait donc d'une pleine liberté contractuelle pour accepter ou refuser les offres présentées par le mandataire.
En refusant de contracter elle n'a donc commis aucune faute, quelle qu'ait été l'offre d' Ovalto et quand bien même la proposition aurait été présentée comme ' un peu inespéré dans le contexte actuel'.
Il est donc inopérant de discuter des propositions effectuées par cette dernière, pour déterminer si elles étaient sérieuses et si elles étaient dans l'intérêt de la société, la société Cofepp n'ayant aucune obligation de céder la propriété de ses parts sociales quelles que soient les propositions qui lui ont été faites.
Contrairement à ce que soutient Alma il n'appartenait pas à la société Cofepp d'inclure dans le mandat de recherche ses attentes financières. L'absence d'indication dans le mandat des conditions financières précises attendues ne constitue donc pas une faute de la part de la Cofepp.
Enfin aucun élément n'est produit rapportant la preuve d'une rupture brutale des pourparlers par la Cofepp alors que ceux-ci étaient sur le point de se conclure.
Il y a donc lieu de débouter la société Alma de sa demande de condamnation de la société Cofepp à l'indemniser de la perte de chance de ne pas avoir pu céder sa participation minoritaire du fait de son refus de vendre la société.
Sur le contrat de prestation de service
La société Alma expose que la convention de la prestation conclue entre elle et la société Le Repaire de Bacchus aurait dû faire l'objet d'une approbation en assemblée générale, qu'en effet il ressort de différents éléments versées aux débats que la société Le Repaire de Bacchus a choisi de se soumettre volontairement à la procédure des conventions réglementées puisque ce contrat est mentionné dans les procès verbaux d'assemblée générale ordinaire depuis sa signature, la convention étant un des éléments composant la rémunération du dirigeant de l'époque la société Alma.
La société Le Repaire de Bacchus expose que la convention a été valablement résiliée et en conséquence conclut au rejet de la demande de reprise de la convention et de versement des rémunérations ayant couru depuis la résiliation de la convention.
Elle expose qu'il n'existe pas de procédure de contrôle des conventions réglementées en matière de SNC, que les statuts ne le prévoient pas, qu'il n'existe aucune commune intention des parties, pour faire application d'une telle procédure, qu'en tout état de cause la procédure de contrôle ne trouve pas s'appliquer en matière de résiliation unilatérale d'une convention.
La société Le Repaire de Bacchus conteste toute brutalité dans la rupture de la relation commerciale.
Sur ce
C'est par une exacte analyse des faits et du droit applicable que le tribunal a rejeté l'argumentation de la société Alma .
Lors de la signature de la convention de prestations de service entre la société Alma et la société Le Repaire de Bacchus, cette dernière était une SAS qui contractait avec une société gérée par son propre dirigeant. La convention de prestations de services rentrait donc dans le cas des conventions réglementées.
Lors de la résiliation de la convention de prestation de service, la société avait changé de forme sociale et était devenue une SNC. En outre Monsieur [G] n'était plus dirigeant de la société.
Or:
- la résiliation n'est pas une procédure de signature d'une convention réglementée devant éventuellement être soumise au contrôle de l'assemblée générale
- aucune disposition légale ne réglemente, dans le cadre d'une SNC, la signature d'une convention entre son dirigeant et la société, et les statuts de la SNC Le Repaire de Bacchus ne le prévoient pas plus.
En tout état de cause Monsieur [G] n'étant plus dirigeant au moment de la résiliation la société Alma ne peut demander l'application de dispositions dont elle indique elle-même qu'elles concernent le dirigeant.
Le fait que la convention ait été antérieurement présentée à l'AG ne constitue pas 'une commune intention des parties' qui imposerait lors de la résiliation, pour respecter le parallélisme des formes, de présenter la décision de résiliation à l'approbation de l'AG dans la mesure où contrairement à ce que soutient la société Alma il ne s'agissait pas alors d'une soumission volontaire à un processus mais de l'application de la loi.
Aucun élément ne rapporte la preuve qu'après la transformation de la forme sociale de la société, les associés aient souhaité faire application d'une telle procédure ,non seulement pour la signature d'une convention, mais encore pour la résiliation et avec un cocontractant n'étant plus dirigeant.
En conséquence c'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu que la résiliation de la convention de prestations de services conclue entre la société Le Repaire de Bacchus et la société Alma avait été valablement résiliée et a rejeté les demandes formées par la société Alma
La décision de première instance est confirmée, la cour ajoutant le rejet de la société Alma de sa demande tendant à la reprise de l'exécution de la convention résiliée par la société Le Repaire de Bacchus.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Les sociétés Cofepp et Le Repaire de Bacchus demandent la rectification de l'omission de statuer commise par le tribunal en ce qu'il n'a pas statué sur leur demande de condamnation de la société Alma au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur ce
Il n'a pas été statué par le tribunal sur ces demandes présentées par chacune des défenderesses en première instance.
Cependant l'engagement d'une action en justice ne dégénère en abus qu'en cas d'exercice déraisonnable, abusif ou disproportionné du droit d'ester en justice, ce dont les intimés ne rapportent pas la preuve s'agissant de l'introduction de l'instance par la société Alma.
Il convient de les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive présentées en première instance sur laquelle le tribunal avait omis de statuer.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il est inéquitable de laisser les intimés supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de leur allouer la somme de 10.000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Les dépens sont laissés à la charge de la société Alma qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en oeuvre de la clause de conciliation et en ce qu'il a débouté la société Alma de ses demandes d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de prestation de service conclu entre les sociétés Alma et Le Repaire de Bacchus à effet du 1.10.2009 et renouvelé le 15.09.2015, et s'agissant des dépens,
l'infirme pour le surplus
et statuant à nouveau et y ajoutant
déboute la société Alma de sa demande de communication de pièces
déboute la société Alma de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile
déclare irrecevable les fins de non recevoir fondées sur la prescription des moyens développés par la société Alma
déboute la société Alma de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Cofepp
déboute la société Alma de sa demande formée à l'encontre de la société Le Repaire de Bacchus de reprendre l'exécution du contrat de prestation conclu le 1er octobre 2009.
déboute la société Alma de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
réparant l'omission de statuer déboute la société Cofepp et la société Le Repaire de Bacchus de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
condamne la société Alma à verser aux sociétés Cofepp et Le Repaire de Bacchus à payer à la société Alma la somme de 10.000 euros, à chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,
laisse les dépens d'appel à la charge de la société Alma.