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Décisions

CA Cayenne, ch. soc., 13 septembre 2024, n° 23/00208

CAYENNE

Arrêt

Autre

CA Cayenne n° 23/00208

13 septembre 2024

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N°2024/20

N° RG 23/00208 - N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BFVO

[A] [M]

C/

Organisme CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUYANE

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2024

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cayenne, décision attaquée en date du 03 Avril 2023, enregistrée sous le n° 21/00154

APPELANT :

Monsieur [A] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric ROCHEBLAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Organisme CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUYANE,

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Régine GUERIL-SOBESKY, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique et mise en délibéré au 13 Septembre 2024, en l'absence d'opposition, devant :

M. Yann BOUCHARE, Président de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Yann BOUCHARE, Président de chambre

Mme Patricia GOILLOT, Conseillère

Madame Sophie BAUDIS, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Joséphine DDUNGU, greffière placée présente lors des débats, et Madame Naomie BRIEU, présente lors du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [A] [M] a été embauché par la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane, ci-après CGSS, par contrat à durée déterminée en date du 17 juin 1996, en qualité de gestionnaire portefeuille établissement. Puis, par contrat à durée indéterminée en date du 14 octobre 1996, Monsieur [A] [M] a occupé le poste d'inspecteur de recouvrement. Enfin, à compter du 1er juin 1999, Monsieur [A] [M] a été nommé responsable du service contrôle de la CGSS.

La CGSS compte plus de 50 salariés et applique la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 08 février 1957.

Selon avis du CISTC de [Localité 4] en date du 26 avril 2021, Monsieur [A] [M] a été déclaré « inapte à tous les postes. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi de l'institution ». Une étude de poste a été réalisée le 19 avril 2021 suivie d'une étude des conditions de travail et d'un échange avec l'employeur survenu le 26 février 2021.

Selon lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 avril 2021, la CGSS a informé Monsieur [A] [M] de l'impossibilité d'initier tout reclassement et de la prise de mesures pouvant aller jusqu'à une rupture du contrat de travail.

Selon lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 avril 2021, Monsieur [A] [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 mai 2021.

Selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mai 2021, la CGSS a procédé au licenciement de Monsieur [A] [M] pour inaptitude physique d'origine non professionnelle et dispense de reclassement.

Suivant requête en date du 05 octobre 2021, enregistrée au greffe le 13 octobre 2021, Monsieur [A] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Cayenne d'une demande dirigée contre la CGSS aux fins de dommages et intérêts relatifs à l'exécution du contrat de travail, de contestation du licenciement et paiement de diverses sommes.

Les parties ont été convoquées à l'audience du bureau de conciliation du 21 février 2022. À défaut de conciliation fructueuse entre les parties, l'affaire a été renvoyée à l'audience du bureau de jugement du 13 juin 2022. L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois successifs avant d'être retenue et plaidée à l'audience du bureau de jugement du 05 décembre 2022.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en réponse n°1 en date du 23 août 2022, enregistrées au greffe le 05 décembre 2022, soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [A] [M] a demandé au Conseil des prud'hommes de :

' Fixer le salaire moyen brut mensuel de référence de Monsieur [A] [M] à la somme de 5.279,30 euros ;

' Écarter des débats la pièce adverse n°9 « Rapport d'enquête établi par le cabinet OPEA en date du 14 décembre 2020 » ;

Sur l'exécution du contrat de travail

' Dire et juger qu'en dispensant de travail Monsieur [A] [M] au 22 octobre 2020, la CGSS de Guyane n'a pas pris en considération l'avis et les indications ou propositions du médecin du travail : « apte au travail doit changer de service dans l'organisation actuelle » du 07 octobre 2020 les motifs qui s'opposent ce qu'il y soit donné suite ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L.4624-6 du code du travail ;

' Dire et juger que la CGSS de la Guyane ne justifie pas avoir évalué et mis à jour son document unique d'évaluation des risques, les risques psychosociaux auxquels était exposé Monsieur [A] [M] ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 5.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions des articles L.4121-3, R.4121-1, R.4121-1-1, R.4121-4 du code du travail ;

' Dire et juger que la CGSS de Guyane n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de Monsieur [A] [M] alors qu'elle avait connaissance de la dégradation de la santé mentale et physique de Monsieur [A] [M] et de l'origine professionnelle de cette dégradation ;

' Condamner la CGSS de Guyane payer Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

' Dire et juger que la CGSS de Guyane n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Monsieur [A] [M] en bloquant son évolution de carrière à partir de juillet 2013 ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 118.990,26 euros nets au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

' Dire et juger que Monsieur [A] [M] a été victime de harcèlement moral et que la CGSS de Guyane a manqué à son obligation de prévenir le harcèlement moral ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévenir le harcèlement moral ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour atteinte discriminatoire à sa liberté d'expression religieuse ;

Sur l'origine de l'inaptitude

' Dire et juger que l'inaptitude de Monsieur [A] [M] a une origine professionnelle ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 31.675,80 euros titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3.167,58 euros à à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 1.882,95 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement, laquelle correspond à la différence entre le montant de l'indemnité spéciale de licenciement (78.872,74 euros) et l'indemnité de licenciement déjà versée (68.630,90 euros + 8.358,89 euros = 76.989,79 euros) ;

Sur la rupture du contrat de travail

' A titre principal : le licenciement est nul

' Dire et juger nul le licenciement pour inaptitude de Monsieur [A] [M] ayant pour origine le harcèlement moral dont il a été victime ;

' Dire et juger nul le licenciement pour inaptitude de Monsieur [A] [M] ayant pour origine une discrimination directement fondée sur ses convictions religieuses ;

' Dire et juger nul le licenciement pour inaptitude de Monsieur [A] [M] ayant pour origine la violation du statut protecteur du lanceur d'alerte ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 228,492 euros au titre d'indemnité pour licenciement nul en application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 31.675,80 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3.167,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

' A titre subsidiaire : le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

' Dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude physique de Monsieur [A] [M] résultant du manquement de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane à son obligation de sécurité ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 228,492 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 31.675,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' Condamner la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3.167,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis ;

Sur les autres demandes

' Condamner la caisse générale de sécurité sociale de Guyane à remettre à Monsieur [A] [M] les bulletins de salaire et les documents de fins de contrat de travail (certificat de travail, attestation pôle emploi ' etc.) rectifiés conformes à la décision à venir sous astreinte 100 euros par jour de retard à compter du 16 me jour suivant la notification du jugement ;

' Condamner la caisse générale de sécurité sociale de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

' Condamner la CGSS de Guyane aux entiers dépens ;

' Ordonner l'exécution provisoire sur le tout.

En défense, aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 20 septembre 2022, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la CGSS a demandé au Conseil de prud'hommes de :

' Dire et juger que les demandes de Monsieur [M] relatives à des faits antérieurs au 13 octobre 2016 et portant sur l'exécution de son contrat de travail, irrecevables car prescrites ;

' Débouter Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes ;

' Condamner Monsieur [M] à payer à la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner Monsieur [M] aux entiers dépens.

La CGSS a conclu au débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur [A] [M].

Par décision contradictoire rendue en premier ressort en date du 3 avril 2023 (RG °21/00154) le Conseil des prud'hommes de Cayenne a :

REJETÉ la demande de Monsieur [A] [M] tendant à voir écarter la pièce n°9 « Rapport d'enquête établi par le cabinet OPEA » produite par la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane ;

Sur la rupture contractuelle :

DÉCLARÉ recevable l'action en nullité du licenciement notifié le 18 mai 2021 formée par Monsieur [A] [M] ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour cause de harcèlement moral ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour cause de discrimination directement fondée sur ses convictions religieuses ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour violation du statut protecteur du lanceur d'alerte ;

DÉBOUTÉ en conséquence Monsieur [A] [M] des demandes suivantes :

' indemnité de licenciement nul ;

' indemnité compensatrice de préavis ;

' indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

DÉCLARÉ recevable l'action en contestation de la cause du licenciement notifié le 18 mai 2021 formée par Monsieur [A] [M] ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTÉ en conséquence Monsieur [A] [M] des demandes suivantes :

' indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

' indemnité spéciale de licenciement ;

' indemnité compensatrice de préavis ;

' indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande sous astreinte de remise des bulletins de salaire et des documents de fins de contrat de travail rectifiés ;

Sur l'exécution contractuelle :

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte discriminatoire à sa liberté d'expression religieuse ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'avis et des indications ou propositions émis par le médecin du travail ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de l'employeur d'évaluer et de mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévenir le harcèlement moral ;

DÉCLARÉ prescrits les faits survenus le 26 juillet 2013, et ceux survenus antérieurement à cette date ;

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur les autres demandes :

CONDAMNÉ Monsieur [A] [M] à verser à la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETÉ la demande formée par Monsieur [A] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNÉ Monsieur [A] [M] aux entiers dépens ;

DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

DÉBOUTÉ les parties du surplus de leurs prétentions et moyens.

Par déclaration d'appel en date du 04 mai 2023 et enregistrée au greffe le même jour, Monsieur [A] [M] interjetait appel de cette décision.

L'appel tend à l'annulation, à la réformation et à l'infirmation du jugement par la critique expresse des chefs du jugement suivant et de ceux qui en dépendent, en ce que le conseil de prud'hommes :

' REJETTE la demande de Monsieur [A] [M] tendant à voir écarter la pièce n°9 « Rapport d'enquête établi par le cabinet OPEA » produite par la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane ;

Sur la rupture contractuelle :

' DÉCLARE recevable l'action en nullité du licenciement notifié le 18 mai 2021 formée par Monsieur [A] [M] ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour cause de harcèlement moral;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour cause de discrimination directement fondée sur ses convictions religieuses ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour violation du statut protecteur du lanceur d'alerte ;

' DÉBOUTE en conséquence Monsieur [A] [M] des demandes suivantes:

- indemnité de licenciement nul ;

- indemnité compensatrice de préavis ;

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

' DÉCLARE recevable l'action en contestation de la cause du licenciement notifié le 18 mai 2021 formée par Monsieur [A] [M] ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

' DÉBOUTE en conséquence Monsieur [A] [M] des demandes suivantes:

- indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- indemnité spéciale de licenciement ;

- indemnité compensatrice de préavis ;

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande sous astreinte de remise des bulletins de salaire et des documents de fins de contrat de travail rectifiés ;

Sur l'exécution contractuelle :

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte discriminatoire à sa liberté d'expression religieuse ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'avis et des indications ou propositions émis par le médecin du travail ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de l'employeur d'évaluer et de mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ; l'obligation de l'employeur d'évaluer et de mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévenir le harcèlement moral ;

' DÉCLARE prescrits les faits survenus le 26 juillet 2013, et ceux survenus antérieurement à cette date ;

' DÉBOUTE Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur les autres demandes :

' CONDAMNE Monsieur [A] [M] à verser à la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' REJETTE la demande formée par Monsieur [A] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' CONDAMNE Monsieur [A] [M] aux entiers dépens ;

' DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

' DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions et moyens.

L'intimée n'ayant pas constituée avocat dans les délais impartis, un avis à signifier a été envoyé à l'appelant le 06 juin 2023.

Par la suite, la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant ont été signifiées à la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane le 21 juin 2023. L'intimée a constitué avocat le 13 juillet 2023.

Par ordonnance en date du 05 décembre 2024, le président de la chambre sociale chargé de la mise en état a fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 06 février 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par RPVA en date du 02 avril 2024 Monsieur [A] [M] demande de :

' DÉCLARER Monsieur [A] [M] recevable en son appel ;

' ANNULER le jugement prononcé le 3 avril 2023 par le Tribunal Judiciaire de Cayenne statuant en matière prud'homale ;

Statuant sur l'entier litige, par l'effet dévolutif de l'appel,

' INFIRMER le jugement prononcé le 3 avril 2023 le Tribunal Judiciaire de Cayenne statuant en matière prud'homale en ce qu'il a :

- REJETÉ la demande de monsieur [A] [M] tendant à voir écarter la pièce n°9 « Rapport d'enquête établi par le cabinet OPEA » produite par la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane ;

Sur la rupture contractuelle :

- DÉCLARÉ recevable l'action en nullité du licenciement notifié le 18 mai 2021 formée par monsieur [A] [M] ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour cause de harcèlement moral ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour cause de discrimination directement fondée sur ses convictions religieuses ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement nul pour violation du statut protecteur du lanceur d'alerte ;

- DÉBOUTÉ en conséquence monsieur [A] [M] des demandes suivantes :

- indemnité de licenciement nul ;

- indemnité compensatrice de préavis ;

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

- DÉCLARÉ recevable l'action en contestation de la cause du licenciement notifié le 18 mai 2021 formée monsieur [A] [M] ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude physique notifié le 18 mai 2021 en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- DÉBOUTÉ en conséquence monsieur [A] [M] des demandes suivantes :

- indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- indemnité spéciale de licenciement ;

- indemnité compensatrice de préavis ;

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande sous astreinte de remise des bulletins de salaire et des documents de fins de contrat de travail rectifiés ;

Sur l'exécution contractuelle :

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte discriminatoire à sa liberté d'expression religieuse ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'avis et des indications ou propositions émis par le médecin du travail ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de l'employeur d'évaluer et de mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévenir le harcèlement moral ;

- DÉCLARÉ prescrits les faits survenus le 26 juillet 2013, et ceux survenus antérieurement à cette date ;

- DÉBOUTÉ monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur les autres demandes :

- CONDAMNÉ monsieur [A] [M] à verser à la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETTÉ la demande formée par monsieur [A] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNÉ monsieur [A] [M] aux entiers dépens ;

- DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- DÉBOUTÉ les parties du surplus de leurs prétentions et moyens.

Statuant à nouveau,

' FIXER le salaire moyen brut mensuel de référence de Monsieur [A] [M] à la somme de 5.279,30 €

' ECARTER des débats la pièce adverse n° 9 « Rapport d'enquête établi par le Cabinet OPEA en date du 14 décembre 2020 »

Sur l'exécution du contrat de travail :

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 4624-6 du code du travail ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 5.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions des articles L. 4121-3, R 4121-1, R4121-1-1, R4121-4 du code du travail ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 118.990, 26 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 € nets à titre de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévenir le harcèlement moral ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 € nets à titre de dommages intérêts pour atteinte discriminatoire à sa liberté d'expression religieuse ;

Sur l'origine de l'inaptitude :

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 31.675,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3.167,58 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 1.882,95 € à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement, laquelle correspond à la différence entre le montant de l'indemnité spéciale de licenciement (78.872,74 €) et l'indemnité de licenciement déjà versée (68.630,9 € + 8 358,89 € = 76 989,79 €)

Sur la rupture du contrat de travail :

A TITRE PRINCIPAL : LE LICENCIEMENT EST NUL

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 228.492 € à titre d'indemnité pour licenciement nul en application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 31.675,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3.167,58 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

A TITRE SUBSIDIAIRE : LE LICENCIEMENT EST SANS CAUSE REELLE ET SERIEUSE ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 228.492 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 31.675,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' CONDAMNER la CGSS de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3.167,58 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Sur les autres demandes :

' CONDAMNER la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Guyane à remettre à Monsieur [A] [M] les bulletins de salaire et les documents de fins de contrat de travail (certificat de travail, attestation pôle emploi' etc.) rectifiés conformes à la décision à venir sous astreinte 100 € par jour de retard à compter du 16ème jour suivant la notification du jugement ;

' CONDAMNER la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 10.000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel

' CONDAMNER la CGSS de Guyane aux entiers dépens.

En défense, aux termes de ses conclusions enregistrées au greffe le 21 septembre 2023, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la CGSS demande au Conseil de prud'hommes de :

' Dire et juger que les demandes de Monsieur [M] relatives à des faits antérieurs au 13 octobre 2016 et portant sur l'exécution de son contrat de travail, irrecevables car prescrites ;

' Débouter Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes ;

' Condamner Monsieur [M] à payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner Monsieur [M] aux entiers dépens

L'affaire a été mise en délibéré au 21 juin 2024 avant d'être prorogée au 09 juillet 2024, au 10 septembre 2024, puis au 13 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation du jugement

Aux termes de l'article L.1423-8 du code du travail, « Lorsqu'un conseil de prud'hommes ne peut se constituer, le premier président de la cour d'appel, saisi sur requête du procureur général, désigne un autre conseil de prud'hommes ou, à défaut, un ou plusieurs juges du ressort de la cour d'appel pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud'hommes ou dont ce conseil aurait dû être ultérieurement saisi. »

En l'espèce, l'appelant conteste la compétence du juge ayant statué en première instance au regard de la composition du conseil de prud'hommes qui est réputé être une juridiction paritaire et dont le recours au juge unique est enserré dans des règles strictes.

Cependant, conformément à l'article L.1423-8 du code du travail, le recours au juge unique pour trancher le litige de première instance n'est pas entaché d'irrégularité dans la mesure où l'article prévoit la désignation d' « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d'appel ». Ainsi, contrairement aux moyens soulevés par l'appelant, la désignation n'a pas pour seul objet de « compléter » la composition de la juridiction mais bien, le cas échéant, de désigner un juge unique ou plusieurs juges afin de trancher le litige.

Aussi, force est de constater, à l'instar de l'intimée, que la question de la compétence du juge de première instance n'a pas été soulevée en amont par Monsieur [A] [M].

S'agissant du motif selon lequel la décision est entachée d'un défaut de motivation, le juge de première instance dans son argumentation, a renvoyé certains éléments d'analyse aux développements effectués dans d'autres parties. En ce sens, le défaut de motivation n'est pas caractérisé.

En conséquence, l'appelant sera débouté de sa prétention, conformément aux prétentions de l'intimée sur ce chef de jugement.

Sur la prescription

En application de l'article L.1471-1 du code du travail, en matière prud'homale, la prescription est de deux ans s'agissant des actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En revanche, s'agissant d'actions portant sur des faits de discrimination, en application de l'article L.1134-5 dudit code, le délai de prescription est de cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

S'agissant de la discrimination et du harcèlement, des faits commis antérieurement peuvent être pris en compte pour trancher le litige lorsqu'ils contribuent à prouver la continuité des faits récents, invoqués au cours du litige.

En application de l'article 2224 du code civil l'action pour harcèlement moral est soumise, à une prescription de cinq ans qui court à compter du dernier acte invoqué.

En l'espèce, Monsieur [A] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Cayenne le 13 octobre 2021. Le premier fait invoqué date du 26 juillet 2013 s'agissant du harcèlement et le dernier fait invoqué date du 28 avril 2021. Ces faits, notamment le dernier sont conformes au délai légal.

Compte tenu des éléments versés aux débats par les parties, l'action de Monsieur [A] [M] n'est pas prescrite et donc recevable de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point, et les prétentions de l'appelant également.

Sur les obligations de l'employeur

a) Sur la prise en compte de l'avis de la médecine du travail

Aux termes de l'article L.4624-6 du code du travail, l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail doivent être pris en compte par l'employeur en vue de l'adaptation du poste. A défaut, s'il refuse ou se trouve dans l'impossibilité de s'y conformer, il doit faire connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En l'espèce ; l'appelant a été dispensé de travail et en arrêt maladie du 14 septembre 2020 au 31 mars 2021 (pièces d'appelant 43, 26, 17, 20). Dans ce laps de temps, son état s'est progressivement dégradé. Il attribue le déclin de sa santé à une faute de la CGSS caractérisée par la violation de l'article L.4624-6 du code du travail. Il indique que ni lui ni la médecine du travail n'ont été destinataires d'un écrit formalisant le refus ou l'impossibilité de se conformer aux préconisations faites et qu'il a été privé de travail alors qu'il était apte à reprendre son emploi moyennant un aménagement de poste.

Toutefois, à mesure que son état de santé se dégradait, les arrêts de travail et la recommandation de le placer en invalidité (pièces 16, 18 et 19) ajoutaient de nouvelles préconisations à prendre en compte pour son employeur et allongeaient sa période d'arrêt de travail. Ainsi, la réponse de l'employeur, compte tenu des arrêts et mentions successives, ne pouvait qu'être retardée ou reportée dans ces circonstances.

Les éléments versés aux débats par l'intimée concernant la période ayant précédé le 14 septembre 2020 ne sont pas de nature à justifier l'absence d'écrit notifié au salarié car seuls les faits postérieurs à cette date, durant l'absence de réponse sont pertinents pour le litige.

Cependant, compte tenu de la chronologie des événements et la succession des arrêts maladie et du prononcé de l'invalidité du salarié, l'absence de réponse en vue de l'aménagement du poste n'est pas suffisamment caractérisée. Ainsi, la faute de l'employeur ne peut être prouvée au vu des éléments des parties.

En conséquence le chef de jugement sera confirmé et l'appelant débouté de ses prétentions y afférentes.

b) Sur l'élaboration du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP)

Il résulte de la lecture combinée des articles L.4121-3, L.4121-3-1 et R.4121-2 du code du travail ; que compte tenu de la nature des activités de l'établissement, l'employeur a l'obligation d'évaluer, dans chaque unité de travail, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l'organisation du travail et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation doit tenir compte de l'impact différencié de l'exposition aux risques en fonction du sexe.

En outre, les résultats de l'évaluation doivent être transcrits dans un document unique d'évaluation des risques professionnels (DUER ou DUERP) qui répertorie l'ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions. En annexe doivent être consignées les données collectives utiles à l'évaluation des expositions individuelles aux risques professionnels, de nature à faciliter la déclaration au titre du compte professionnel de prévention et la proportion de salariés exposés à ces risques au-delà des seuils réglementaires.

Le cas échéant, l'employeur doit mettre en 'uvre des actions de prévention, des méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Aussi, lorsque l'effectif est supérieur ou égal à 50 salariés, l'employeur établit un programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail.

Ce document unique d'évaluation des risques professionnels est mis à jour annuellement dans les entreprises comptant au moins 11 salariés. Il est aussi mis à jour à chaque décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail, ou quand une information supplémentaire est portée à la connaissance de l'employeur : nouvelles connaissances scientifiques et techniques, survenance d'un accident du travail, nouvelles règles de sécurité.

En sus, il doit être transmis chaque mise à jour au service de prévention et de santé au travail auquel l'employeur adhère.

En l'espèce, Monsieur [A] [M] conteste l'élaboration et la mise à jour par l'employeur du document unique d'évaluation des risques psychosociaux et estime que le non-respect de cette obligation constitue une faute lui ayant causé préjudice.

En défense, le DUERP, établi en mars 2019 (pièce de l'intimée 7) est versé aux débats, la CGSS argue qu'il s'agit d'un document « récemment réactualisé, à la suite du COVID-19 ».

Cependant, il résulte de l'analyse du DUERP qu'il ne comporte aucun document mis à jour sur les années suivantes (2020 et 2021) jusqu'à la rupture contractuelle intervenue le 18 mai 2021, alors qu'en page 5 du document il est expressément indiqué que la mise à jour est effectuée « au moins une fois par an » ou lors de « toute décision d'aménagement importante » ou encore « lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque ».

S'agissant des délais qui se rapportent à la mise en 'uvre d'action, en page 13, figure une mention « 2023 » dans la colonne des délais concernant les « coursives siège », il y a peu de mention de délais à respecter pour la mise en 'uvre d'action et un nombre infime de dates se rapporte à la fin de l'année 2019, mais pour la plupart des autres mesures, aucun délai n'est fixé.

Le document présenté est également dépourvu de mention concernant l'état actuel des mesures recommandées, notamment celles relatives aux rapports sociaux concernant l'ensemble des établissements alors qu'elles sont catégorisées comme prioritaires.

A la lecture du document il est indéniable que les causes de risques sont bien identifiées en 2019 car catégorisées en rouge pour les risques : Tensions, rivalités, isolement et Isolement, frustration, injustice. En revanche, aucun élément n'est présenté concernant l'actualisation annuelle du DUERP, ni le programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, ni les actions effectuées en ce sens.

Au regard des éléments versés aux débats, l'exécution de l'obligation de l'employeur relative au DUERP apparaît comme partielle de sorte que, elle ne peut être considérée comme satisfaite.

En conséquence, ce chef de jugement sera infirmé, la prétention de l'appelant retenue et l'intimée déboutée.

c) Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du code du travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en 'uvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise. Il appartient donc à l'employeur de démontrer qu'il avait pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.

Les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité peuvent aussi justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié (ou la résiliation judiciaire du contrat de travail) aux torts de l'employeur si ces manquements sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

A défaut l'octroi de dommages et intérêts permet d'indemniser les préjudices subis par le salarié.

En l'espèce, Monsieur [A] [M] soutient que la CGSS n'a pas pris les mesures nécessaires en vue d'assurer la sécurité de son salarié et protéger sa santé physique et mentale. Il produit en cause d'appel plusieurs lettres et mails dans lesquels il informe Monsieur [L], le directeur de l'institution, du harcèlement qu'il estime subir de la part de Madame [Z]. Il ajoute que l'employeur n'a pas pris les mesures adéquates au regard des recommandations du médecin du travail et de ses déclarations personnelles (fiches d'aptitudes pièces d'appelant 13, 17,18, 26 et lettres pièces 9, 37, 40,41).

En défense, l'intimée indique qu'aucune mesure ne pouvait être prise durant ses arrêts maladie successifs. En revanche, lors de ses reprises de poste, des mesures d'adaptation et de protection ont été prises, notamment l'entretien du 07 mai 2020 afin de valider les « objectifs et accompagnements nécessaires » (pièces 10 de l'intimée), le coach mis à sa disposition (pièce 28 de l'intimée), les différents bilans réalisés avec la direction (pièce 25 de l'intimée) ou encore la mise en place d'un temps partiel pour raison médicale du 02 septembre 2019 au 28 février 2020.

Si au titre de l'obligation de sécurité, une organisation et des moyens adaptés ont été mis en place individuellement pour Monsieur [A] [M], il n'en est pas de même s'agissant des autres composantes de l'obligation de sécurité, à savoir la mise en place de mesure de prévention, d'information et de formation.

En effet, l'employeur avait connaissance de la souffrance au travail endurée par Monsieur [A] [M] et qu'il dénonçait des faits de harcèlement depuis à minima 2019 (pièce 1 de l'intimée et 9 de l'appelant ).

Plus encore, il ressort des pièces 1, 2 et 3 de l'intimée, que le salarié tenait des propos à l'encontre de Mesdames [E] et [Z]. Ainsi, les tensions et les conflits étaient connus de l'institution, pourtant l'intimée ne justifie d'aucune mesure en vue de sécuriser les conditions de travail des personnes impliquées dans ces conflits. Il n'est fait aucune mention de mesures de prévention, d'information et de formation en vue d'améliorer les rapports sociaux alors que le DUERP de 2019 (pièce 7) le préconisait déjà.

Il en infère qu'il était évident que les rapports sociaux étaient conflictuels et empreints d'animosité mais que l'employeur n'a pas ou ne justifie pas avoir traité ou tenté de mettre en place des mesures permettant d'améliorer les rapports sociaux des intéressés.

En conséquence, l'obligation de sécurité n'est pas satisfaite de sorte que ce manquement constitue une faute contractuelle de nature à engager la responsabilité de la CGSS, ainsi, le chef de jugement sera infirmé et la prétention de l'appelant retenue et l'intimée déboutée.

Sur l'exécution d'avocat et le statut de lanceur d'alerte

En application des dispositions de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, la qualité de lanceur d'alerte repose sur plusieurs critères. Il s'agit d'une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement.

Cette alerte consiste à divulguer, dans l'intérêt général, des faits illicites ou dangereux constatés dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1132-3-3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige du 11 décembre 2016 au 01 septembre 2022, il est énoncé qu'aucune personne ne peut subir un fait discriminatoire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou encore pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [A] [M] sollicite l'application à son profit du statut protecteur de lanceur d'alerte car il estime avoir subi des faits discriminatoires conséquemment aux alertes initiées par lui en 2019 concernant le dossier [T] et en 2020 pour le dossier [Y].

S'agissant du dossier [T], entre le 03 décembre 2018 et le 07 février 2019, l'appelant indique avoir effectué trois alertes (pièces 62 et 98) afin de signaler un délit ou un crime.

Toutefois, après analyse des pièces précitées, il en ressort qu'il s'agit de mails de relance concernant une demande de rendez-vous de l'inspection du travail dans le cadre d'un partenariat. Par ailleurs, 2 jours plus tard, une prise de contact a été initiée le 09 février 2019 par la direction en vue de solutionner la situation.

De ce fait, ce moyen ne peut qu'être écarté car il ne correspond pas aux critères de l'alerte professionnelle, ainsi, l'appelant ne peut se prévaloir de cette protection. Qui plus est, une action judiciaire a été introduite le mois suivant (pièce 54, 102, 103 et 104).

S'agissant du dossier [Y], Monsieur [A] [M] produit plusieurs pièces qui relèvent selon lui d'un signalement et d'une alerte concernant des suspicions de travail dissimulé (pièces 37 à 39, 42, 45, 59, 80, 99 et 100).

Il ressort de l'analyse de la pièce 45 qu'il s'agit d'une transmission de deux tableaux « Le RAF et le département contrôle » et « la direction et le département contrôle » en vue d'« améliorer l'organisation et les conditions de travail au sein de la branche recouvrement ». Ce document ne constitue pas une alerte, par ailleurs, seule une mention en page 3 indique qu'aucune alerte n'a été faite concernant ce dossier et qu'il y a une « tentative de dénigrement » concernant le travail effectué par le service de l'intéressé. Aussi au regard de la pièce 99 et 100 , il ne fait qu'inciter à la vigilance en raison de la procédure judiciaire en cours.

Il en est de même pour la pièce 80 qui ne caractérise pas une alerte. Il s'agit des bilans d'activité et des résultats du secteur contrôle obtenus du 01 juin au 31 décembre 2018, plus encore dans ce document, des mails y sont joints dans lesquels le traitement de l'affaire suit son cours « je vais demander à Derline Fleurival de te saisir ». Il convient également de relever que les pages 52 à 88 sont illisibles ce qui ne permet pas d'analyser le document dans son intégralité.

Les échanges de mails (pièces 37 à 39), ne sauraient constituer une alerte car le salarié y fait un compte rendu de ses entretiens et échanges avec la police nationale relatifs à l'affaire [Y].

Il convient de rappeler que les missions de Monsieur [A] [M] au sein de la CGSS à cette période sont des missions de contrôle, il est donc intrinsèquement dans l'obligation de faire remonter les irrégularités qu'il rencontre. Il ne fait d'ailleurs aucun reproche, ni ne souligne des fautes de la CGSS.

En somme, Monsieur évoque des faits qui prouvent qu'il s'est conformé aux missions professionnelles qui lui étaient assignées, telle que faire remonter les dysfonctionnements qu'il observait. Toutefois, aucun de ces faits, ne relèvent de faits illicites ou dangereux constatés dans l'entreprise. Il ne vise pas de faute ou d'irrégularité de procédure grave commise par l'organisme et effectue de multiples rappels afin de protéger sa hiérarchie.

Ce faisant, les mails envoyés de juin et août 2020 ne constituent pas des alertes tel qu'énoncé par les dispositions légales, dans le corps de ces mails il insiste clairement sur l'idée qu'il émet ces alertes en vue de protéger son supérieur Monsieur [L] « alerte pour qu'elle vous protège dans les dossiers de travail dissimulé » (pièces 42, 59).

De surcroît, les faits de discrimination qu'il allègue n'ont pas de lien avec ces « alertes » dans la mesure où sa rétrogradation est intervenue avec son accord et celui de la médecine du travail à la suite d'une procédure (droit d'alerte) initiée à son encontre par ses collaborateurs. S'agissant des convocations reçues aux mois d'août lors de son absence, elles ne sauraient constituer une discrimination d'autant plus qu'il s'agissait d'une erreur.

En conséquence, eu égard les éléments précités, la réalisation d'alertes professionnelles n'ayant pu être établie, ce chef de jugement sera confirmé et l'appelant débouté de toutes prétentions y afférentes. A ce titre les demandes de l'intimée seront retenues.

SUR LA RUPTURE CONTRACTUELLE

a) Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, sur une une période brève ou espacée, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En revanche, un acte isolé telle une rétrogradation ne constitue pas un acte de harcèlement, ni la publicité donnée à la mise en cause de méthodes de management.

L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement s'il démontre :

1°) qu'il a pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et notamment les actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement,

2°) qu'il a pris immédiatement toutes les mesures propres à faire cesser le harcèlement et l'a fait cesser effectivement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Monsieur [A] [M] se prévaut de divers éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement selon lui.

L'appelant estime qu'il a été victime de dénonciations calomnieuses non démenties et d'une mise en hostilité par la Directrice générale de la CGSS Guyane ayant nui à l'évolution de sa carrière. A cet égard, il produit trois attestations d'anciens salariés ayant été témoins de ces agissements (pièces d'appelant 127, 122, 126)

Il convient de rappeler que la dénonciation calomnieuse est définie par l'article 226-10 du code pénal comme « La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée ».

Les faits dénoncés par l'appelant ne sont pas de nature à caractériser une dénonciation calomnieuse les faits d'« ingérence » qui auraient été rapportés en réunion se sont suivis d'une clarification par le supérieur hiérarchique de Monsieur [A] [M] (pièce 52) qui a indiqué que ce dernier, à la demande de son supérieur avait apporté une aide aux autres services.
D'ailleurs, l'appelant ne rapporte pas la preuve que Madame [E] avait connaissance de cette mission qui lui avait été confiée et que lors de la réunion, elle a porté des accusations d'ingérence à son encontre alors qu'elle savait qu'il avait été missionné en ce sens.

En pièce 126, un témoin allègue que lors de l'assemblée générale du 21 septembre 2018, Madame [Z] a émis l'appréciation selon laquelle les résultats étaient « mitigés, voire même pour certains insuffisants » tout en félicitant par mail le 26 octobre 2018 le salarié pour son aide.

Toutefois ces faits mis en corrélation n'établissent pas une humiliation publique et une mise en hostilité.

Qui plus est l'argumentaire de l'appelant selon lequel le courrier le félicitant démontre « la non objectivité du « collectif » constitué par M. [L], Mme [Z], M. [R], Mme [E], Mme [K], M. [X] impliqués dans les affaires '[Y]' et '[T]', qui trouve tous les griefs à Monsieur [A] [M], car il a refusé leurs mauvaises pratiques contraires aux lois et à la déontologie. » est sans lien avec le litige en présence.

D'ailleurs, le lien entre les propos tenus aux réunions précitées et l'accession à un poste de dirigeant n'est pas établi de sorte que ce moyen ne sera pas retenu.

Monsieur [A] [M] soutient qu'il a été démis de ses fonctions auprès du CODAFR après ses alertes sur le dossier « [T] » et ostracisé.

Il est incontestable que les services étaient avertis de la demande rendez-vous de l'inspection du travail (pièces 98, 61, 62), s'agissant de l'intimée, elle ne rapporte aucune pièce aux débats concernant cette modification (pièce appelant 120).

Toutefois, la pièce 14 de l'appelant permet d'établir que le salarié n'avait pas été écarté de l'instance ni avant ni après son arrêt maladie dans la mesure où il y est mentionné expressément que ce n'est qu'à titre « provisoire » que certains mails ne lui seraient pas envoyés. La mention inexacte concernant la durée de son absence n'est pas de nature à caractériser une volonté d'ostracisation.

Ce faisant, ce moyen ne sera pas retenu.

L'appelant fait valoir que sa santé s'est dégradée en raison de sa souffrance au travail.

Il est incontestable que la santé de Monsieur [A] [M] s'est dégradée au cours de la relation contractuelle, cela n'est pas contestée par la partie adverse.

Cependant, le mal-être attenant au travail ne peut à lui seul constituer un harcèlement moral.

S'agissant de la lettre de l'inspection du travail, ce moyen concourt à prouver comme sus-mentionnée que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité vis à vis de Monsieur [A] [M] en ne diligentant pas une enquête ni des mesures de prévention, d'information et de formation.

Monsieur [A] [M] soutient qu'il a subi des représailles, pressions, une rétrogradation et été « placardisé » après ses alertes sur le dossier « [Y] ».

S'agissant de sa rétrogradation, elle ne saurait constituer un fait de « placardisation » dans la mesure où il ne justifie pas qu'elle lui a été imposée d'autant plus que dans son mail du 14 septembre 2020 (pièce 27 d'appelant), il remercie son supérieur pour l'entretien et la dispense de travail puis mentionne en gras « je confirme que je ne veux plus être manager ».

Qui plus est, tel qu'énoncé par l'intimée, en vertu de l'obligation de sécurité de l'employeur, il se devait de mettre en place des mesures permettant de protéger les salariés après l'exercice du droit d'alerte d'août 2020.

Ainsi, le moyen ne peut être qu'écarté.

Monsieur [A] [M] ajoute qu'il a été victime de pressions de la part de la CGSS.

S'agissant des convocations intervenues alors qu'il était en congé, il lui a été indiqué à sa reprise de poste qu'il s'agissait d'une erreur.

Il est également pertinent d'évoquer que si l'appelant dénonce cette pratique isolée susmentionnée, il s'y adonne lui aussi, car à l'examen des pièces produites par ce dernier, il lui est arrivé d'envoyer des mails en dehors de ses périodes de travail à destination de ses collaborateurs et à sa hiérarchie, tel que le mail du 24 août 2024 envoyé à 2h 40 (pièce 25), à 20 h 18 (pièce 27) ou encore le contact pris avec le partenaire lors de sa période d'arrêt maladie (pièce 15).

S'agissant des témoignages (en pièces 126 et 122), Madame [G] et Monsieur [F] rapportent uniquement ce qui leur avait été dit par le salarié concernant son absence qu'il imputait à une volonté de l'isoler et de le mettre au placard.

Par ailleurs, la suspension de son contrat de septembre à octobre 2021 avait été décidée en concertation avec la médecine du travail et trouvait sa justification dans le traitement du droit d'alerte exercé contre lui. Aussi, il a été mis en arrêt maladie par la suite, de ce fait l'employeur ne pouvait le réintégrer.

Il résulte de l'analyse de ces éléments que ce moyen ne sera pas retenu par la cour.

Monsieur [A] [M] conteste la loyauté et la conformité de l'enquête relative au droit d'alerte de septembre 2021,

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L.2312-59 du code du travail, L'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. Aussi, l'employeur peut déléguer la réalisation de cette enquête à une structure extérieure à l'entreprise.

En cause d'appel, Monsieur [A] [M] ne produit aucun élément pertinent de nature à remettre en cause l'analyse réalisée en première instance. Ainsi, l'enquête est réputée conforme.

Au surplus, si la dégradation de la santé de Monsieur [A] [M] est indéniable, il ne parvient pas, au regard des éléments versés aux débats à établir les faits de harcèlement moral qui en serait la cause. Il ne parvient pas non plus à prouver que son inaptitude était en lien avec le travail ou des faits illicites dont il aurait été victime.

En conséquence, ce chef de jugement sera confirmé et l'appelant débouté de ses prétentions y afférentes, conformément aux prétentions de l'intimée.

b) Sur la discrimination alléguée

Une discrimination est une différence opérée pour un motif prohibé.

La discrimination directe se définit par la situation dans laquelle, en raison d'un motif prohibé, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Une discrimination indirecte se définit par une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs prohibés, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

L'article L. 1132-1 du code du travail fixe 24 motifs prohibés.

Aux termes de cet article, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En outre, selon l'article L.1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Cela s'applique aussi lorsqu'une personne est discriminée pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En l'espèce, Monsieur [A] [M] estime avoir été victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, il verse trois attestations de témoins à l'appui (pièces 122, 125, 126) en vue de justifier que ses propos relevaient de l'usage de sa liberté d'expression. Il ajoute que le règlement intérieur de la CGSS ne prévoit pas de clause de neutralité.

Si l'appelant se fonde sur des dispositions légales et le règlement intérieur de l'institution, il ne rapporte aucun fait discriminatoire ayant eu lieu à l'occasion de la relation contractuelle et encore moins que ses convictions religieuses ont été un motif de son licenciement, ni même contribué à cela.

Par ailleurs, les témoignages font référence à des « propos dénigrants » de couloir sans être circonstanciés ou développés, aucun exemple des propos tenus n'est mentionné. S'agissant du dernier témoignage, il mentionne l'appréciation qu'aurait eu Madame [Z] vis-à-vis des paroles spirituelles du salarié. Les propos de cette dernière ne sauraient constituer des faits de discrimination et ne revêtent pas un caractère discriminant.

Pour le reste, Monsieur [A] [M] reprend les conclusions de la partie adverse.

Compte tenu les éléments précités, l'appelant n'est pas parvenu à prouver les discriminations alléguées de sorte que la juridiction de première instance avait justement rejeté ses prétentions dépourvues de moyens pertinents conformément à l'argumentation de la CGSS.

S'agissant des faits de discrimination allégués en raison de sa qualité de lanceur d'alerte, suivant l'analyse faite antérieurement à ce propos, n'ayant pas été reconnu lanceur d'alerte par la cour, ces moyens ne sauraient être retenus.

En conséquence, ce chef de jugement sera confirmé et l'appelant débouté de ses prétentions y afférentes conformément aux demandes de l'intimée.

Sur les demandes d'indemnités

Au regard de la solution apportée au litige en cause d'appel, les demandes d'indemnités fondées, sur la nullité du licenciement en raison des faits de harcèlement et de discrimination n'ayant pas été retenues par la cour, les prétentions indemnitaires y afférentes seront rejetées par la cour.

Cette solution trouvera également à s'appliquer concernant les demandes d'indemnités fondées sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l'employeur dont résulteraient l'inaptitude du salarié. L'analyse des moyens n'a pas permis de mettre en évidence le lien entre des manquements de l'employeur et l'inaptitude ayant entraîné le licenciement du salarié. A ce titre, les demandes indemnitaires y afférentes seront-elles aussi rejetées.

En revanche le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur a été retenu par la cour. L'appelant n'ayant toutefois pas produit d'éléments suffisamment pertinents pour justifier de sa demande d'octroi de la somme de 10 000 euros et 5000 euros au titre des dommages et intérêts, il ne lui sera alloué que la somme de 5 000 euros au titre au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et la somme de 3 000 euros violation des dispositions des articles L.4121-3, L.4121-3-1 et R.4121-2 du code du travail.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée sauf en ce qu'elle avait débouté Monsieur [A] [M] de ses demandes relatives aux manquements à l'obligation de sécurité. Partant, la somme de 7000 euros au total lui sera allouée au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et violation des dispositions de l'article L. 4624-6 du code du travail . L'intimée quant a elle ne sera uniquement déboutée de ses demandes relatives au manquement contractuel susmentionné.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, il n'y a lieu à l'article 700 du code de procédure civile, toutefois, Monsieur [A] [M], succombant en ses prétentions, sera condamné aux dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME la décision du conseil de prud'hommes de Cayenne en date du 03 avril 2023 (RG 21/00154) en ce qu'elle a :

- Débouté Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés ;

- Débouté Monsieur [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de l'employeur d'évaluer et de mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ;

CONFIRME pour le surplus ;

Et, statuant à nouveau :

CONDAMNE la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 5 000 € nets (cinq mille euros nets) à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés ;

CONDAMNE la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de Guyane à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 3 000€ nets (trois mille euros nets) à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de l'employeur d'évaluer et de mettre à jour son document unique d'évaluation des risques ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Y ajoutant :

DIT qu'il n'y a lieu à l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande formée par Monsieur [A] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande formée par la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Guyane au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [A] [M] aux dépens en cause d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt à été signé par le Président de chambre et la greffière.

La greffière Le Président de chambre

Naomie BRIEU Yann BOUCHARE