Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 12 septembre 2024, n° 21/09889
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2024
(n° 2024/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09889 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEX4U
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY COURCOURONNES - RG n° F 20/00213
APPELANT
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Claire BASSALERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0770, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Maureen BAKONYI, avocat au Barreau de Lyon, Toque T 524
INTIMEE
S.A. CERVINIA 91
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Nathalie GIROUDET-DEMAY, avocat au barreau de PARIS, toque L0155
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [Y] a été engagé le 27 septembre 1999 par la société JC Le Gallou par un contrat de qualification dont le terme était fixé au 6 octobre 2000, ce afin d'acquérir la qualification de conseiller commercial automobile.
Les parties ont conclu le 1er novembre 2000 un contrat de travail à durée indéterminée, M. [Y] étant engagé en qualité de vendeur.
Le 15 juin 2016, les parties ont conclu un avenant à ce contrat de travail, stipulant que le salarié occupait alors la fonction de vendeur, à l'échelon 3, catégorie employé, qu'il deviendra agent de maîtrise à l'échelon 20 à compter du 1er juillet 2016, que sa rémunération mensuelle brute sera composée à compter de cette date d'une partie fixe de 1 500 euros par mois outre une rémunération variable composée de commissions et de primes sur objectifs.
A la suite du rachat de la société JC Le Gallou par le groupe PRIOD, le contrat de travail de M. [Y] a été transféré à la société Cervinia 91 (ci-après la société) au mois de juillet 2018.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'automobile et la société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de leur rupture.
Par lettre du 18 avril 2019, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 2 mai 2019, sa mise à pied à titre conservatoire lui étant notifiée.
Par courrier du 17 mai 2019, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes qui, par jugement du 15 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a dit son licenciement pour faute grave justifié, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a laissé les éventuels dépens à sa charge.
M. [Y] a interjeté appel de ce jugement le 3 décembre 2021.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit son licenciement pour faute grave justifié, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a laissé les éventuels dépens à sa charge ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de sa demande reconventionnelle ;
En conséquence,
In limine litis :
- constater l'erreur matérielle contenue sur l'ensemble des pages du jugement concernant les identités erronées des deux parties au litige ;
- rectifier l'ensemble des mentions du jugement où M. [Y], demandeur, est indument dénommé ' Monsieur [B] [V] ' ;
- rectifier l'ensemble des mentions du jugement où la société Cervinia 91, défenderesse, est indument dénommée ' CERTIFIA 91 ' ;
à titre principal:
- fixer son salaire de référence à 5 429,63 euros selon la moyenne des douze derniers mois effectivement travaillés avant son arrêt maladie ;
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
- condamner la société au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :
* 81 444,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à quinze mois de salaire selon l'article L. 1235-3 du code du travail pour dix-neuf années d'ancienneté ;
* 16 288,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 628,88 euros au titre des congés payés afférents ;
* 30 912,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- condamner la société à la somme de 10 859,26 euros au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
- condamner la société à la somme de 5 429,63 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 542,96 euros au titre des congés payés afférents ;
à titre subsidiaire :
- fixer son salaire de référence à 4 377,96 euros bruts selon la moyenne des douze derniers mois d'activité ;
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
- condamner la société au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal :
* 65 669,40 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à quinze mois de salaire selon l'article L.1235-3 du code du travail pour dix-neuf années d'ancienneté ;
* 13 133,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 313,38 euros au titre des congés payés afférents ;
* 24 930 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- condamner la société à la somme de 8 755,92 euros nets au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
- condamner la société à la somme de 4 377,96 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 437,80 euros au titre des congés payés afférents ;
à titre infiniment subsidiaire,
- juger son licenciement en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non en un licenciement pour faute grave ;
en conséquence,
- condamner la société au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal :
* 16 288,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 628,88 euros au titre des congés payés afférents, ou à défaut, 13 133,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 313,38 euros au titre des congés payés afférents ;
* 30 912,70 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ou, à défaut, 24 930 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
* 10 859,26 euros nets au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ou, à défaut, 8 755,92 euros au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
* 5 429,63 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 542,96 euros au titre des congés payés afférents ou, à défaut, 4 377,96 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 437,80 euros au titre des congés payés afférents ;
en tout état de cause,
- condamner la société à 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société aux dépens de l'instance ;
- ordonner la remise des documents de fin de contrats modifiés.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 mars 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a : « DEBOUTE Monsieur [B] [V] de l'intégralité de ses demandes » ;
et, statuant à nouveau,
- condamner M. [Y] au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement de M. [Y] pour faute grave est fondé ;
- fixer le salaire moyen brut mensuel à la somme de 3 867,99 euros ;
en conséquence,
- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
à titre plus subsidiaire,
- juger que M. [Y] ne justifie pas du préjudice qu'il prétend subir et qu'il évalue à la somme de 81 444,45 euros ;
- juger que M. [Y] ne démontre pas l'existence d'une rupture brutale et vexatoire du contrat ;
en conséquence,
- limiter l'évaluation du préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par le code du travail.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2023.
MOTIVATION
Sur la rectification d'erreurs matérielles
M. [Y] sollicite la rectifications d'erreurs matérielles affectant selon lui le jugement dans la mesure où il est dénommé ' Monsieur [B] [V] ' et la société ' CERTIFIA 91 ".
La société ne conclut pas sur cette demande.
Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office. Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu'il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties. La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement. Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.
La cour constate que dans le jugement rendu le 15 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes, le salarié est dénommé [B] [V] alors qu'il se nomme [T] [Y] et que la société est dénommée CERTIFIA 91 alors qu'elle se nomme Cervinia 91.
Il convient en conséquence d'ordonner la rectification de ces erreurs purement matérielles comme indiqué au dispositif de la présente décision.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :
« Par une lettre remise en main propre le 18 avril 2019, vous avez été convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 2 mai 2019 à 11h30. La convocation vous signifiait également votre mise à pied à titre conservatoire.
Pour rappel, vous avez été embauché le 01/11/2000 en qualité de vendeur.
Lors de l'entretien préalable, les faits suivants vous ont été soumis afin de recueillir vos observations :
- Dossier [O]. Vous avez vendu à Monsieur [O] un véhicule d'occasion et le bon de commande daté du 21/02/2019 ne faisait pas apparaitre de reprise de son ancien véhicule : une FIAT 500 immatriculée [Immatriculation 7]. Or, en date du 11 avril 2019, nous avons vu que ce véhicule faisait l'objet d'une publicité dans le Bon Coin diffusée le 03/04/2019 à 12h24 au prix de vente de 8.790 € et portant les références Tony Vito et votre numéro de portable personnel, le [XXXXXXXX01]. Après vérification dans notre système informatique, il est apparu que ce véhicule avait fait l'objet d'une déclaration d'achat le 5 avril 2019 à votre nom. Ainsi, vous avez effectué la reprise du véhicule du client de l'entreprise directement à votre nom, pour votre compte.
- Dossier [S]. Un bon de commande, établi par Monsieur [P] [X], pour la vente d'un véhicule de démonstration FIAT 500 C a été signé par Monsieur [S]. Il était initialement prévu une reprise d'un véhicule d'occasion FIAT 500 immatriculé [Immatriculation 6]. Un second bon de commande a été établi ensuite sans mentionner la reprise. Interrogé sur les raisons de l'absence du véhicule de reprise sur ce second bon de commande, Monsieur [X] nous a indiqué que finalement le client aurait changé d'avis. Après vérification, il est apparu que la déclaration d'achat dudit véhicule a pourtant été faite dans notre système informatique et à votre nom en date du 11 avril 2019.
Lors de l'entretien préalable, vous nous avez indiqué que vous aviez racheté le véhicule de Monsieur [O] pour votre femme, mais que finalement, comme elle n'en voulait pas, vous aviez racheté le véhicule de Monsieur [S]. Vous avez ensuite affirmé que Monsieur [S] aurait ultérieurement changé d'avis et conservé son véhicule pour un membre de sa famille. Pourtant, la déclaration d'achat est bien officiellement faite à votre nom.
En qualité de vendeur automobile vous devez réaliser l'ensemble des activités concourant d'une part à la commercialisation des véhicules et produits périphériques et d'autre part à la reprise des véhicules d'occasion. Votre rôle consiste donc notamment à procéder à l'estimation physique de véhicules d'occasion, à estimer leur valeur. Dès lors, vous ne pouvez sans autorisation préalable de votre hiérarchie, procéder à la reprise de véhicules de nos clients pour votre propre compte. Ce faisant, vous profitez de votre fonction et de votre temps de travail pour commettre des actes de concurrence déloyale dans votre propre intérêt.
De tels actes causent nécessairement préjudice à l'entreprise, tant au plan financier par la perte de chiffre qu'il entraine qu'en termes d'image. Ainsi, non seulement, vous avez engendré des profits sur ces deux dossiers (marge moyenne brute 2019 par véhicule égale à 800 € HT multipliée par les 2 dossiers soi 1600 € HT) en spoliant l'entreprise pour votre compte personnel, mais vous avez également semé la confusion dans l'esprit de notre clientèle en détournant pour votre intérêt le processus normal de reprise des anciens véhicules de nos clients.
Il relève pourtant pleinement de vos fonctions d'assurer la reprise des véhicules d'occasion des clients, volet important de l'activité d'une concession automobile
Votre comportement constitue une exécution particulièrement déloyale de votre contrat de travail que nous ne pouvons tolérer.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Par ailleurs, vous n'avez pas respecté les termes de votre mise à pied à titre conservatoire puisque vous vous êtes présenté à l'entreprise le vendredi 10 mai 2019 vers 14h.30 désobéissant ainsi ouvertement à une consigne qui vous était donnée par écrit.
Votre licenciement prend effet à compter de la date d'envoi de ce courrier et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis ni de licenciement. (...)'.
M. [Y] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car il n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale et n'a pas fait preuve de déloyauté dans l'exécution du contrat de travail. S'il reconnaît avoir acheté le véhicule de M. [O], il souligne qu'il l'a acquis pour son épouse et l'a revendu car il ne convenait pas à cette dernière. S'il reconnaît également avoir souhaité racheter le véhicule de M. [S], il fait valoir que cette vente n'a pas eu lieu, M. [S] ayant décidé de garder son véhicule. Il souligne que la société ne peut pas valablement invoquer à l'appui de la mesure de licenciement une sanction de plus de trois ans conformément aux dispositions de l'article L. 1332-5 du code du travail. Il ajoute qu'aucune consigne ne lui a été donnée interdisant notamment l'acquisition de véhicules éligibles à une reprise. En dernier lieu, il fait valoir qu'il a subi une inégalité de traitement dans la mesure où un autre salarié, M. [L], qui a commis des actes similaires n'a été destinataire que d'un rappel des règles. Enfin, il ajoute que son licenciement est en réalité fondé sur un motif économique, le groupe Priod ayant souhaité se séparer des anciens salariés et le tribunal de commerce ayant prononcé le 26 juin 2019, la continuation de la société malgré un actif net devenu inférieur à la moitié du capital social.
La société soutient que le licenciement de M. [Y] est fondé sur une faute grave car les faits sont établis et rendaient impossible la poursuite du contrat de travail. Elle fait valoir qu'elle n'a pas procédé dans un premier temps au licenciement de M. [L] car il avait commis un fait isolé mais qu'ayant réitéré un comportement fautif, elle a depuis procédé à son licenciement. Elle ajoute que l'employeur dispose de la possibilité d'individualiser les sanctions. Elle conteste tout motif économique de licenciement en soulignant que les ruptures énoncées par le salarié sont en majorité des démissions ou des ruptures conventionnelles. Elle ajoute qu'elle a recruté quatre vendeurs entre les mois de mars et octobre 2019 notamment afin de pallier les licenciements de M. [Y] et de M. [L].
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il en résulte que le salarié est tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur durant l'exécution de son contrat de travail ce qui lui impose un devoir de fidélité lui interdisant d'exercer une activité concurrente, de démarcher, de détourner la clientèle ou de commettre des actes de concurrence déloyale au cours de l'exécution de son contrat de travail.
Il appartient à celui qui invoque une mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail de la démontrer.
L'obligation de loyauté est inhérente à la relation contractuelle de sorte que le salarié en est tenu même en l'absence de clause du contrat de travail la stipulant.
Il est établi par les pièces produites aux débats par la société (bon de commande, déclaration de cession d'un véhicule et annonce) et il est reconnu par M. [Y] qu'il a acheté à M. [O] son ancien véhicule et qu'il l'a proposé à la vente sur le site ' le bon coin '. Il est également établi par les pièces versées aux débats par l'employeur (bon de commande, déclaration de cession d'un véhicule, 'attestation annulation vente véhicule') et reconnu par le salarié qu'il a tenté d'acquérir le véhicule d'un autre client, M. [S].
Il ressort de la fiche de poste produite par la société et non contestée par le salarié qu'un vendeur de véhicules automobiles a pour mission les activités concourant à la reprise des véhicules d'occasion. Il s'en déduit qu'il entrait dans les fonctions contractuelles de M. [Y] de favoriser la reprise par la société des véhicules des clients achetant un nouveau véhicule.
Or M. [Y] a acheté un véhicule à M. [O] sans en avertir son employeur alors qu'il avait vocation à être acheté par la société. Il importe peu à cet égard qu'il l'ait acquis pour son épouse ce qui n'est au surplus pas établi dès lors qu'il produit seulement à l'appui de ses dires une attestation de cette dernière qui ne présente pas de garantie d'impartialité compte tenu de son lien de parenté et que ce véhicule acheté le 5 mars 2019 a fait l'objet dès le 3 avril 2019 d'une diffusion sur le site d'annonces.
De la même manière, il est établi qu'il a acheté à M. [S] son véhicule dans les mêmes conditions peu important que cette vente ait été ensuite annulée par le client, le comportement de M. [Y] étant avéré.
M. [Y] a ainsi fait preuve de déloyauté à l'égard de son employeur puisqu'il a acquis ou tenté d'acquérir dans son propre intérêt des véhicules dont il devait favoriser la reprise par la société aux termes de sa fiche de poste ce qu'il ne pouvait pas ignorer compte tenu de son ancienneté et de sa qualification d'agent de maîtrise. Ce comportement a porté préjudice à la société dans la mesure où elle expose sans être contestée sur ce point, qu'elle réalisait une marge à la revente du véhicule repris et qu'elle pouvait obtenir le suivi mécanique du véhicule ce qui générait une nouvelle clientèle.
M. [Y] ne peut pas valablement invoquer une inégalité de traitement dès lors que la société démontre par la production de la lettre de rappel des règles notifiée à M. [L] le 3 mai 2019 qu'il lui était alors reproché un fait similaire mais isolé puis par la production d'une lettre de licenciement du 4 septembre 2019, qu'elle a procédé à son licenciement pour faute grave en lui reprochant la réalisation d'un second fait similaire.
De même, il ne peut pas être retenu comme il le soutient que son licenciement est fondé en réalité sur un motif économique dès lors que les faits qui lui sont reprochés sont avérés, qu'il résulte de la liste des ruptures contractuelles qu'il invoque et qui ne sont pas contestées par la société, que seul son licenciement a été prononcé pour une faute grave, celui de M. [L] n'y figurant pas, que plusieurs ruptures sont dues à des démissions ou des ruptures conventionnelles et que la société justifie par la production des contrats de travail avoir engagé quatre vendeurs entre le 1er mars et le 18 octobre 2019.
Le manquement à l'obligation de loyauté caractérisé et réitéré comme développé ci-dessus, commis par M. [Y] rendait impossible son maintien dans l'entreprise et nécessitait son départ immédiat sans indemnité.
Dès lors, son licenciement est fondé sur une faute grave.
En conséquence, il sera débouté de ses demandes au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement ainsi qu'au titre de sa mise à pied à titre conservatoire et de remise de documents de fin de contrat modifiés.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.
Sur les dommages et intérêts au titre de circonstances brutales et vexatoires du licenciement
M. [Y] soutient que rien ne justifiait qu'il soit mis à pied à titre conservatoire pendant trente jours alors qu'il avait acquis une ancienneté de 19 ans et que les faits reprochés n'étaient pas établis.
La cour a précédemment retenu que les faits qu'il a commis étaient constitutifs d'une faure grave. Aucun élément du dossier ne permet de caractériser un comportement brutal et vexatoire de la société.
En conséquence, M. [Y] sera débouté de sa demande à ce titre.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, M. [Y] sera condamné au paiement des dépens, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis les dépens à sa charge.
Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Dit que dans le jugement rendu le 15 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Evry Courcouronnes,
Au lieu de lire :
' [B] [V] '
Il convient de lire :
' [T] [Y] '
et
Au lieu de lire :
' CERTIFIA 91 '
Il convient de lire :
' CERVINIA 91 '
Dit que la présente décision rectificative sera mentionnée sur la minute et les expéditions du jugement rectifié et notifiée comme lui,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [T] [Y] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2024
(n° 2024/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09889 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEX4U
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY COURCOURONNES - RG n° F 20/00213
APPELANT
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Claire BASSALERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0770, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Maureen BAKONYI, avocat au Barreau de Lyon, Toque T 524
INTIMEE
S.A. CERVINIA 91
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Nathalie GIROUDET-DEMAY, avocat au barreau de PARIS, toque L0155
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [Y] a été engagé le 27 septembre 1999 par la société JC Le Gallou par un contrat de qualification dont le terme était fixé au 6 octobre 2000, ce afin d'acquérir la qualification de conseiller commercial automobile.
Les parties ont conclu le 1er novembre 2000 un contrat de travail à durée indéterminée, M. [Y] étant engagé en qualité de vendeur.
Le 15 juin 2016, les parties ont conclu un avenant à ce contrat de travail, stipulant que le salarié occupait alors la fonction de vendeur, à l'échelon 3, catégorie employé, qu'il deviendra agent de maîtrise à l'échelon 20 à compter du 1er juillet 2016, que sa rémunération mensuelle brute sera composée à compter de cette date d'une partie fixe de 1 500 euros par mois outre une rémunération variable composée de commissions et de primes sur objectifs.
A la suite du rachat de la société JC Le Gallou par le groupe PRIOD, le contrat de travail de M. [Y] a été transféré à la société Cervinia 91 (ci-après la société) au mois de juillet 2018.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'automobile et la société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de leur rupture.
Par lettre du 18 avril 2019, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 2 mai 2019, sa mise à pied à titre conservatoire lui étant notifiée.
Par courrier du 17 mai 2019, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes qui, par jugement du 15 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a dit son licenciement pour faute grave justifié, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a laissé les éventuels dépens à sa charge.
M. [Y] a interjeté appel de ce jugement le 3 décembre 2021.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit son licenciement pour faute grave justifié, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et a laissé les éventuels dépens à sa charge ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de sa demande reconventionnelle ;
En conséquence,
In limine litis :
- constater l'erreur matérielle contenue sur l'ensemble des pages du jugement concernant les identités erronées des deux parties au litige ;
- rectifier l'ensemble des mentions du jugement où M. [Y], demandeur, est indument dénommé ' Monsieur [B] [V] ' ;
- rectifier l'ensemble des mentions du jugement où la société Cervinia 91, défenderesse, est indument dénommée ' CERTIFIA 91 ' ;
à titre principal:
- fixer son salaire de référence à 5 429,63 euros selon la moyenne des douze derniers mois effectivement travaillés avant son arrêt maladie ;
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
- condamner la société au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :
* 81 444,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à quinze mois de salaire selon l'article L. 1235-3 du code du travail pour dix-neuf années d'ancienneté ;
* 16 288,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 628,88 euros au titre des congés payés afférents ;
* 30 912,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- condamner la société à la somme de 10 859,26 euros au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
- condamner la société à la somme de 5 429,63 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 542,96 euros au titre des congés payés afférents ;
à titre subsidiaire :
- fixer son salaire de référence à 4 377,96 euros bruts selon la moyenne des douze derniers mois d'activité ;
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
- condamner la société au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal :
* 65 669,40 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à quinze mois de salaire selon l'article L.1235-3 du code du travail pour dix-neuf années d'ancienneté ;
* 13 133,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 313,38 euros au titre des congés payés afférents ;
* 24 930 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- condamner la société à la somme de 8 755,92 euros nets au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
- condamner la société à la somme de 4 377,96 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 437,80 euros au titre des congés payés afférents ;
à titre infiniment subsidiaire,
- juger son licenciement en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non en un licenciement pour faute grave ;
en conséquence,
- condamner la société au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal :
* 16 288,89 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 628,88 euros au titre des congés payés afférents, ou à défaut, 13 133,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 313,38 euros au titre des congés payés afférents ;
* 30 912,70 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ou, à défaut, 24 930 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
* 10 859,26 euros nets au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ou, à défaut, 8 755,92 euros au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;
* 5 429,63 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 542,96 euros au titre des congés payés afférents ou, à défaut, 4 377,96 euros au titre l'indemnité de la mise à pied conservatoire et 437,80 euros au titre des congés payés afférents ;
en tout état de cause,
- condamner la société à 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société aux dépens de l'instance ;
- ordonner la remise des documents de fin de contrats modifiés.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 mars 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a : « DEBOUTE Monsieur [B] [V] de l'intégralité de ses demandes » ;
et, statuant à nouveau,
- condamner M. [Y] au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement de M. [Y] pour faute grave est fondé ;
- fixer le salaire moyen brut mensuel à la somme de 3 867,99 euros ;
en conséquence,
- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
à titre plus subsidiaire,
- juger que M. [Y] ne justifie pas du préjudice qu'il prétend subir et qu'il évalue à la somme de 81 444,45 euros ;
- juger que M. [Y] ne démontre pas l'existence d'une rupture brutale et vexatoire du contrat ;
en conséquence,
- limiter l'évaluation du préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par le code du travail.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2023.
MOTIVATION
Sur la rectification d'erreurs matérielles
M. [Y] sollicite la rectifications d'erreurs matérielles affectant selon lui le jugement dans la mesure où il est dénommé ' Monsieur [B] [V] ' et la société ' CERTIFIA 91 ".
La société ne conclut pas sur cette demande.
Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office. Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu'il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties. La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement. Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.
La cour constate que dans le jugement rendu le 15 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes, le salarié est dénommé [B] [V] alors qu'il se nomme [T] [Y] et que la société est dénommée CERTIFIA 91 alors qu'elle se nomme Cervinia 91.
Il convient en conséquence d'ordonner la rectification de ces erreurs purement matérielles comme indiqué au dispositif de la présente décision.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :
« Par une lettre remise en main propre le 18 avril 2019, vous avez été convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 2 mai 2019 à 11h30. La convocation vous signifiait également votre mise à pied à titre conservatoire.
Pour rappel, vous avez été embauché le 01/11/2000 en qualité de vendeur.
Lors de l'entretien préalable, les faits suivants vous ont été soumis afin de recueillir vos observations :
- Dossier [O]. Vous avez vendu à Monsieur [O] un véhicule d'occasion et le bon de commande daté du 21/02/2019 ne faisait pas apparaitre de reprise de son ancien véhicule : une FIAT 500 immatriculée [Immatriculation 7]. Or, en date du 11 avril 2019, nous avons vu que ce véhicule faisait l'objet d'une publicité dans le Bon Coin diffusée le 03/04/2019 à 12h24 au prix de vente de 8.790 € et portant les références Tony Vito et votre numéro de portable personnel, le [XXXXXXXX01]. Après vérification dans notre système informatique, il est apparu que ce véhicule avait fait l'objet d'une déclaration d'achat le 5 avril 2019 à votre nom. Ainsi, vous avez effectué la reprise du véhicule du client de l'entreprise directement à votre nom, pour votre compte.
- Dossier [S]. Un bon de commande, établi par Monsieur [P] [X], pour la vente d'un véhicule de démonstration FIAT 500 C a été signé par Monsieur [S]. Il était initialement prévu une reprise d'un véhicule d'occasion FIAT 500 immatriculé [Immatriculation 6]. Un second bon de commande a été établi ensuite sans mentionner la reprise. Interrogé sur les raisons de l'absence du véhicule de reprise sur ce second bon de commande, Monsieur [X] nous a indiqué que finalement le client aurait changé d'avis. Après vérification, il est apparu que la déclaration d'achat dudit véhicule a pourtant été faite dans notre système informatique et à votre nom en date du 11 avril 2019.
Lors de l'entretien préalable, vous nous avez indiqué que vous aviez racheté le véhicule de Monsieur [O] pour votre femme, mais que finalement, comme elle n'en voulait pas, vous aviez racheté le véhicule de Monsieur [S]. Vous avez ensuite affirmé que Monsieur [S] aurait ultérieurement changé d'avis et conservé son véhicule pour un membre de sa famille. Pourtant, la déclaration d'achat est bien officiellement faite à votre nom.
En qualité de vendeur automobile vous devez réaliser l'ensemble des activités concourant d'une part à la commercialisation des véhicules et produits périphériques et d'autre part à la reprise des véhicules d'occasion. Votre rôle consiste donc notamment à procéder à l'estimation physique de véhicules d'occasion, à estimer leur valeur. Dès lors, vous ne pouvez sans autorisation préalable de votre hiérarchie, procéder à la reprise de véhicules de nos clients pour votre propre compte. Ce faisant, vous profitez de votre fonction et de votre temps de travail pour commettre des actes de concurrence déloyale dans votre propre intérêt.
De tels actes causent nécessairement préjudice à l'entreprise, tant au plan financier par la perte de chiffre qu'il entraine qu'en termes d'image. Ainsi, non seulement, vous avez engendré des profits sur ces deux dossiers (marge moyenne brute 2019 par véhicule égale à 800 € HT multipliée par les 2 dossiers soi 1600 € HT) en spoliant l'entreprise pour votre compte personnel, mais vous avez également semé la confusion dans l'esprit de notre clientèle en détournant pour votre intérêt le processus normal de reprise des anciens véhicules de nos clients.
Il relève pourtant pleinement de vos fonctions d'assurer la reprise des véhicules d'occasion des clients, volet important de l'activité d'une concession automobile
Votre comportement constitue une exécution particulièrement déloyale de votre contrat de travail que nous ne pouvons tolérer.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Par ailleurs, vous n'avez pas respecté les termes de votre mise à pied à titre conservatoire puisque vous vous êtes présenté à l'entreprise le vendredi 10 mai 2019 vers 14h.30 désobéissant ainsi ouvertement à une consigne qui vous était donnée par écrit.
Votre licenciement prend effet à compter de la date d'envoi de ce courrier et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis ni de licenciement. (...)'.
M. [Y] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car il n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale et n'a pas fait preuve de déloyauté dans l'exécution du contrat de travail. S'il reconnaît avoir acheté le véhicule de M. [O], il souligne qu'il l'a acquis pour son épouse et l'a revendu car il ne convenait pas à cette dernière. S'il reconnaît également avoir souhaité racheter le véhicule de M. [S], il fait valoir que cette vente n'a pas eu lieu, M. [S] ayant décidé de garder son véhicule. Il souligne que la société ne peut pas valablement invoquer à l'appui de la mesure de licenciement une sanction de plus de trois ans conformément aux dispositions de l'article L. 1332-5 du code du travail. Il ajoute qu'aucune consigne ne lui a été donnée interdisant notamment l'acquisition de véhicules éligibles à une reprise. En dernier lieu, il fait valoir qu'il a subi une inégalité de traitement dans la mesure où un autre salarié, M. [L], qui a commis des actes similaires n'a été destinataire que d'un rappel des règles. Enfin, il ajoute que son licenciement est en réalité fondé sur un motif économique, le groupe Priod ayant souhaité se séparer des anciens salariés et le tribunal de commerce ayant prononcé le 26 juin 2019, la continuation de la société malgré un actif net devenu inférieur à la moitié du capital social.
La société soutient que le licenciement de M. [Y] est fondé sur une faute grave car les faits sont établis et rendaient impossible la poursuite du contrat de travail. Elle fait valoir qu'elle n'a pas procédé dans un premier temps au licenciement de M. [L] car il avait commis un fait isolé mais qu'ayant réitéré un comportement fautif, elle a depuis procédé à son licenciement. Elle ajoute que l'employeur dispose de la possibilité d'individualiser les sanctions. Elle conteste tout motif économique de licenciement en soulignant que les ruptures énoncées par le salarié sont en majorité des démissions ou des ruptures conventionnelles. Elle ajoute qu'elle a recruté quatre vendeurs entre les mois de mars et octobre 2019 notamment afin de pallier les licenciements de M. [Y] et de M. [L].
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il en résulte que le salarié est tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur durant l'exécution de son contrat de travail ce qui lui impose un devoir de fidélité lui interdisant d'exercer une activité concurrente, de démarcher, de détourner la clientèle ou de commettre des actes de concurrence déloyale au cours de l'exécution de son contrat de travail.
Il appartient à celui qui invoque une mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail de la démontrer.
L'obligation de loyauté est inhérente à la relation contractuelle de sorte que le salarié en est tenu même en l'absence de clause du contrat de travail la stipulant.
Il est établi par les pièces produites aux débats par la société (bon de commande, déclaration de cession d'un véhicule et annonce) et il est reconnu par M. [Y] qu'il a acheté à M. [O] son ancien véhicule et qu'il l'a proposé à la vente sur le site ' le bon coin '. Il est également établi par les pièces versées aux débats par l'employeur (bon de commande, déclaration de cession d'un véhicule, 'attestation annulation vente véhicule') et reconnu par le salarié qu'il a tenté d'acquérir le véhicule d'un autre client, M. [S].
Il ressort de la fiche de poste produite par la société et non contestée par le salarié qu'un vendeur de véhicules automobiles a pour mission les activités concourant à la reprise des véhicules d'occasion. Il s'en déduit qu'il entrait dans les fonctions contractuelles de M. [Y] de favoriser la reprise par la société des véhicules des clients achetant un nouveau véhicule.
Or M. [Y] a acheté un véhicule à M. [O] sans en avertir son employeur alors qu'il avait vocation à être acheté par la société. Il importe peu à cet égard qu'il l'ait acquis pour son épouse ce qui n'est au surplus pas établi dès lors qu'il produit seulement à l'appui de ses dires une attestation de cette dernière qui ne présente pas de garantie d'impartialité compte tenu de son lien de parenté et que ce véhicule acheté le 5 mars 2019 a fait l'objet dès le 3 avril 2019 d'une diffusion sur le site d'annonces.
De la même manière, il est établi qu'il a acheté à M. [S] son véhicule dans les mêmes conditions peu important que cette vente ait été ensuite annulée par le client, le comportement de M. [Y] étant avéré.
M. [Y] a ainsi fait preuve de déloyauté à l'égard de son employeur puisqu'il a acquis ou tenté d'acquérir dans son propre intérêt des véhicules dont il devait favoriser la reprise par la société aux termes de sa fiche de poste ce qu'il ne pouvait pas ignorer compte tenu de son ancienneté et de sa qualification d'agent de maîtrise. Ce comportement a porté préjudice à la société dans la mesure où elle expose sans être contestée sur ce point, qu'elle réalisait une marge à la revente du véhicule repris et qu'elle pouvait obtenir le suivi mécanique du véhicule ce qui générait une nouvelle clientèle.
M. [Y] ne peut pas valablement invoquer une inégalité de traitement dès lors que la société démontre par la production de la lettre de rappel des règles notifiée à M. [L] le 3 mai 2019 qu'il lui était alors reproché un fait similaire mais isolé puis par la production d'une lettre de licenciement du 4 septembre 2019, qu'elle a procédé à son licenciement pour faute grave en lui reprochant la réalisation d'un second fait similaire.
De même, il ne peut pas être retenu comme il le soutient que son licenciement est fondé en réalité sur un motif économique dès lors que les faits qui lui sont reprochés sont avérés, qu'il résulte de la liste des ruptures contractuelles qu'il invoque et qui ne sont pas contestées par la société, que seul son licenciement a été prononcé pour une faute grave, celui de M. [L] n'y figurant pas, que plusieurs ruptures sont dues à des démissions ou des ruptures conventionnelles et que la société justifie par la production des contrats de travail avoir engagé quatre vendeurs entre le 1er mars et le 18 octobre 2019.
Le manquement à l'obligation de loyauté caractérisé et réitéré comme développé ci-dessus, commis par M. [Y] rendait impossible son maintien dans l'entreprise et nécessitait son départ immédiat sans indemnité.
Dès lors, son licenciement est fondé sur une faute grave.
En conséquence, il sera débouté de ses demandes au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents, d'une indemnité légale de licenciement ainsi qu'au titre de sa mise à pied à titre conservatoire et de remise de documents de fin de contrat modifiés.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.
Sur les dommages et intérêts au titre de circonstances brutales et vexatoires du licenciement
M. [Y] soutient que rien ne justifiait qu'il soit mis à pied à titre conservatoire pendant trente jours alors qu'il avait acquis une ancienneté de 19 ans et que les faits reprochés n'étaient pas établis.
La cour a précédemment retenu que les faits qu'il a commis étaient constitutifs d'une faure grave. Aucun élément du dossier ne permet de caractériser un comportement brutal et vexatoire de la société.
En conséquence, M. [Y] sera débouté de sa demande à ce titre.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, M. [Y] sera condamné au paiement des dépens, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis les dépens à sa charge.
Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Dit que dans le jugement rendu le 15 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Evry Courcouronnes,
Au lieu de lire :
' [B] [V] '
Il convient de lire :
' [T] [Y] '
et
Au lieu de lire :
' CERTIFIA 91 '
Il convient de lire :
' CERVINIA 91 '
Dit que la présente décision rectificative sera mentionnée sur la minute et les expéditions du jugement rectifié et notifiée comme lui,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [T] [Y] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE