CA Toulouse, 2e ch., 17 septembre 2024, n° 21/04861
TOULOUSE
Arrêt
Autre
Faits et procédure
Suite à un démarchage à domicile par la société Tuco Energy, désormais dénommée Sas TucoEnergie, Monsieur [R] [V] a signé le 27 octobre 2013 un bon de commande N0104792 pour l'installation d'une centrale photovoltaïque de 4000Wc, 16 modules, et un chauffe-eau thermodynamique de 250 L, outre prise en charge des démarches administratives, de l'installation complète, et du raccordement au réseau à la charge de TucoEnergie.
Le prix total de cette commande était fixé à la somme de 24 587,57€ HT.
Ce contrat a été financé par un crédit affecté, souscrit le jour même par l'intermédiaire de TucoEnergie auprès de Sygma Banque pour un montant de 28 500 €, remboursable en 156 mensualités dont 144 échéances de 289,72 € hors assurance, 333,90 € avec assurance, au TAEG de 5,87 %.
Un procès-verbal de livraison et de demande de financement a été signé le 21 janvier 2014 par Monsieur [V].
L'installation a été mise en service le 30 juin 2014 selon le relevé de production d'électricité produit en demande et non contesté.
Monsieur [V] a fait procéder à une consultation sur son installation photovoltaïque ; le rapport remis le 3 septembre 2020 fait état d'un rendement et d'une rentabilité moindre à ce qui était annoncé, notamment s'agissant de l'autofinancement de l'installation.
Par acte du 21 septembre 2020, Monsieur [V] a fait délivrer assignation devant le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse, à la société Tuco Energy, et à Sygma Banque, aux droits de laquelle intervient désormais la société Bnp Paribas Personal Finance, réclamant la nullité du contrat principal et la nullité subséquente du contrat de crédit.
Par jugement du 30 septembre 2021, le juge chargé des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse a, en visant la prescription :
- déclaré irrecevables les demandes de [R] [V] envers la Sa Bnp Paribas Personal Finance et la Sarl Tuco Energy ;
- débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions ;
- condamné [R] [V] aux dépens de l'instance ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 8 décembre 2021, Monsieur [R] [V] a formé appel de l'ensemble des chefs de jugement, à l'exception de celui relatif à l'exécution provisoire.
La clôture est intervenue le 11 avril 2023, et l'affaire, initialement fixée au 19 avril 2023 a finalement été appelée à l'audience du 22 mai 2024.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions d'appelant notifiées le 5 avril 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [R] [V] demandant, aux visas des articles L 120-1, L 121-21, L 121-23, L 121-24, L 121-25, R 121-5, L 121-20-16, R.121-4 du Code de la consommation, des articles 1110, 1116, 1147, 1304, 1338, 1183 et 2224 du Code civil, et des articles 514 et 700 du Code de procédure civile, de :
- ordonner le report de l'ordonnance de la clôture prononcée le 26 octobre 2022 et à défaut, déclarer recevables les présentes écritures ;
- déclarer recevable et bien fondés Monsieur [R] [V] en son appel, y faire droit ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [R] [V] envers la société Bnp Paribas Personal Finance et la Sarl Tuco Energy , l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
- A titre principal :
- prononcer la nullité du contrat principal de vente conclu entre Monsieur [R] [V] et la société TucoEnergie ;
- Subsidiairement :
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre Monsieur [R] [V] et la société TucoEnergie sur le fondement du dol ;
En conséquence,
- prononcer la nullité du contrat de crédit à la consommation conclu entre Monsieur [R] [V] et la société Sa Bnp Paribas Personal Finance;
- condamner la société TucoEnergie à verser à Monsieur [R] [V] la somme de 10 000 €, en réparation de son préjudice, au titre du remboursement de l'excès de prix qu'il a dû payer ;
- condamner la société TucoEnergie à restituer à Monsieur [R] [V] l'intégralité du prix de vente, soit la somme de 16 900 € ;
- condamner la société Bnp Paribas Personal Finance à restituer à Monsieur [R] [V] la totalité des échéance payées jusqu'au jour de l'annulation de la vente et du prêt, soit, au 5 mars 2022, la somme de 28.112, 28 €, le solde pour mémoire, sans compensation avec le capital prêté ;
- condamner la société Bnp Paribas Personal Finance à verser à Monsieur [R] [V] la somme de 10.000 €, au titre de la perte de chance subie du fait de s'engager dans cette opération ;
- condamner la TucoEnergie à procéder, à ses frais, à la dépose et la reprise du matériel installé au domicile de Monsieur [R] [V], dans le délai de deux mois à compter de la décision devenue définitive, en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par lettre recommandée avec accusé de réception et sans opérer de dégradations en déposant le matériel ;
- juger que faute pour la société TucoEnergie de reprendre à ses frais l'ensemble du matériel installé dans les deux mois suivant la signification du jugement Monsieur [R] [V] pourrait en disposer à sa guise;
- A titre infiniment subsidiaire :
Si la Cour devait estimer que l'annulation de la vente et annulation doive entraîner des restitutions réciproques ;
- condamner la société TucoEnergie à restituer à Monsieur [R] [V] l'intégralité du prix de vente, soit la somme de 20.800 €;
- En tout état de cause :
- débouter la société TucoEnergie de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- débouter la société Bnp Paribas Personal Finance de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- condamner solidairement la société TucoEnergie et la société Bnp Paribas Personal Finance à payer à Monsieur [R] [V] la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner solidairement les sociétés TucoEnergie et Bnp Paribas Personal Finance aux entiers dépens.
Vu les conclusions d'intimé n°3 notifiées le 11 avril 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas TucoEnergie (anciennement dénommée Tuco Energy) demandant, aux visas des articles 122 du Code de procédure civile et l'ancien article 1304 du Code civil, L.121-23 et suivants du Code de la Consommation, R.121-3 et suivants du Code de la Consommation, 1116 du Code civil, 1338 du Code civil, 1165 du Code Civil, 9 du Code civil, 2224 du Code civil, et les articles 696 et 700 du Code de procédure civile, de :
- A titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrites les actions de Monsieur [V], et :
- juger qu'il s'est écoulé sept ans entre la signature du bon de commande litigieux, qui reproduisaient intégralement les articles L.121-23 à L.121-26 du Code de la Consommation, et la date à laquelle Monsieur [V] a fait signifier son assignation à la Sas TucoEnergie,
- juger que l'action de Monsieur [V] fondée sur le formalisme consumériste bute sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- juger que Monsieur [V] a découvert la production réelle de sa centrale et des revenus qu'elle lui procure lors de l'établissement du premier relevé de production électrique, soit le 30/6/2015,
- juger que l'action de Monsieur [V] fondée sur le dol bute sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, son action ayant été introduite tardivement, soit postérieurement au 30/6/2020,
En conséquence :
- déclarer Monsieur [V] irrecevable en sa demande d'annulation du contrat pour manquement au formalisme consumériste, sans examen au fond,
- déclarer Monsieur [V] irrecevable en sa demande d'annulation du contrat pour dol, sans examen au fond,
- A titre subsidiaire, si la Cour considérait que Monsieur [V] n'est pas prescrit dans ses actions : sur la validité des contrats de vente et de crédit affecté :
- juger que la Sas TucoEnergie n'a commis aucune pratique commerciale trompeuse à l'égard de Monsieur [V],
- juger que les pratiques commerciales trompeuses ne sont pas sanctionnées par la nullité du contrat,
- juger que la Sas TucoEnergie n'a commis ni mensonge, ni man'uvre, ni réticence dolosive à l'encontre de Monsieur [V],
- juger que le contrat de vente obéit parfaitement au formalisme imposé par le Code de la Consommation,
- juger que le bon de commande désigne précisément les biens vendus,
- juger que le bon de commande indique le prix global des matériels et de la main d''uvre sans que l'indication du prix de chaque composant de la centrale solaire soit nécessaire s'agissant d'une installation technique globale,
- juger que l'article 9.1 des conditions générales de vente détaille les modalités de livraison,
- juger que le bon de commande mentionne un délai de livraison des biens de 4 mois, qui a été respecté en l'espèce,
- juger que le bon de commande est muni d'un formulaire de rétractation régulier en la forme et facilement détachable sans amputer les clauses du contrat ni la signature des parties,
- juger que l'appelant a purgé rétroactivement le bon de commande de ses vices éventuels en se servant d'une centrale fonctionnelle pendant six ans et demi, en remboursant le crédit, en tirant profit de la revente d'électricité,
En conséquence :
- juger que le contrat de vente n'est affecté d'aucune cause de nullité fondée sur une prétendue pratique commerciale trompeuse,
- juger que le contrat de vente n'est affecté d'aucune cause de nullité fondée sur la théorie des vices du consentement ;
- juger que le contrat de vente n'est affecté d'aucune cause de nullité fondée sur le formalisme consumériste,
- juger que le demandeur a confirmé le contrat de vente en réceptionnant l'installation sans réserve, en remboursant les échéances du crédit affecté, et en tirant profit de la revente d'électricité pendant sept ans sans formuler de réclamation,
- juger que le contrat de vente est parfaitement valide ;
- juger que le contrat de crédit affecté souscrit par Monsieur [V] auprès de la Sa Bnp Paribas est valide,
- débouter Monsieur [V] de sa demande indemnitaire de 10 000€ formulée à l'encontre de la Sas TucoEnergie,
- débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes.
- A titre plus subsidiaire, en cas d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté :
- prendre acte de la volonté de la Sas TucoEnergie de procéder personnellement à la dépose des matériels et à la remise en état de la toiture;
- prendre acte de l'engagement de la Sas TucoEnergie de se rapprocher spontanément de Monsieur [V] pour convenir avec lui d'un calendrier de dépose des matériels en fonction des disponibilités de ses équipes techniques,
- juger que la prétention de Monsieur [V] tendant à la condamnation de la Sas TucoEnergie à procéder aux travaux de dépose des matériels dans un certain délai et moyennant un délai de prévenance et sa prétention tendant à être autorisé à disposer à sa guise des matériels ne figuraient au dispositif de ses premières conclusions,
- juger qu'en cas d'annulation du contrat de crédit affecté conséquente à celle du contrat de vente, seul l'emprunteur est tenu de rembourser le prêteur du le capital prêté, peu important que les fonds aient été remis directement au vendeur par le prêteur,
- juger que la Sa Bnp Paribas, venant aux droits de Sygma Banque, n'a pas commis de faute dans le déblocage des fonds,
En conséquence :
- déclarer irrecevable Monsieur [V] en sa prétention tendant à la condamnation de la Sas TucoEnergie à procéder aux travaux de dépose des matériels dans un certain délai et moyennant un délai de prévenance et en sa prétention tendant à être autorisé à disposer à sa guise des matériels, sur le fondement de l'article 910-4 du Code de procédure civile,
- débouter Monsieur [V] de sa demande de conservation de l'installation photovoltaïque,
- débouter Monsieur [V] de sa demande de remboursement du capital prêté de 20 800€ (sic) dirigée contre la Sas TucoEnergie en ce qu'elle contrevient au principe de l'effet relatif des contrats,
- débouter Monsieur [V] de sa demande d'être dispensé du remboursement du crédit entre les mains de la Sa Bnp Paribas,
- condamner Monsieur [V] à restituer à la Sa Bnp Paribas le capital prêté au titre du contrat de crédit affecté,
- A titre très subsidiaire, en cas d'annulation des contrats et de privation de la banque de son droit à restitution du capital :
- juger que la clause de remboursement à première demande contenue dans le certificat de livraison et invoquée par la Sa Bnp Paribas doit s'interpréter comme étant inapplicable à l'hypothèse d'une annulation judiciaire des contrats de vente et de crédit affecté assortie d'une privation de la banque de son droit à restitution du capital prononcée plus de sept ans après la livraison des biens, a fortiori si elle n'est fondée que sur un manquement au formalisme consumériste,
- juger que l'engagement de remboursement à première demande pris par la Sas TucoEnergie se prescrit par cinq ans à compter du jour où elle s'est fait verser les fonds de manière indue par la Sa Bnp Paribas,
En conséquence :
- déclarer irrecevable la Sa Bnp Paribas en sa demande de remboursement de la somme de 28 500 € dirigée contre la Sas TucoEnergie comme étant prescrite depuis le 31 janvier 2019, et sinon l'en débouter.
- En tout état de cause :
- juger que Monsieur [V] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice financier,
- juger que Monsieur [V] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice de jouissance,
- juger que Monsieur [V] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice moral,
En conséquence :
- débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes indemnitaires dirigées contre la Sas TucoEnergie,
- débouter Monsieur [V] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens
- condamner Monsieur [V] à 1 000€ au titre des frais irrépétibles,
- condamner Monsieur [V] aux dépens.
Vu les conclusions d'intimé n°1 notifiées le 3 juin 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sa Bnp Paribas Personal Finance demandant, aux visas des articles 2224 du code civil, 9 du code de procédure civile et 1116 du code civil, de :
- dire et juger que le point de départ de l'action en nullité du contrat principal pour irrégularité formelle est sa date de signature soit le 27/10/2013,
- dire et juger que le point de départ de l'action en responsabilité du prêteur quant aux conditions d'octroi du prêt est sa date de signature le 27/10/2013, et celle de l'action en responsabilité au titre du déblocage des fonds celle dudit déblocage intervenue le 03/02/2014,
- dire et juger que le point de départ de l'action en nullité pour dol est au plus tard la date de la première facture annuelle de production, ici le 30/06/2015,
- dire et juger en conséquence Monsieur [V] prescrit en son action introduite suivant exploit du 21/09/2020,
- dire et juger irrecevable toute demande dirigée à titre principal ou accessoire contre la Sa Bnp Paribas Personal Finance,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses moyens et demandes,
- Sur le fond, en cas de réformation du jugement sur la recevabilité,
- dire et juger qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun dol commis par la Sas TucoEnergie, et
- débouter [R] [V] de ses moyens et demandes,
Dans l'hypothèse d'une annulation ou résolution du contrat principal,
- dire et juger que le dol éventuellement commis par TucoEnergie ne peut être imputé à Bnp Paribas Personal Finance, de sorte qu'aucune faute ni responsabilité ne serait en résulter à ce titre,
- dire et juger à tout le moins qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice en corrélation dès lors que les prestations sont exécutées conformément au contrat depuis le 30/06/2014,
- dire et juger que les obligations de Monsieur [V] ont pris effet à l'égard de Bnp Paribas Personal Finance, de sorte qu'aucune faute du prêteur n'est caractérisée au visa de l'article L312-48 (L311-31 ancien) du code de la consommation,
- dire et juger à tout le moins qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice qui devrait être indemnisé par la privation totale ou partielle pour le prêteur de son droit à restitution du capital mis à disposition, ou par l'allocation d'une quelconque somme à titre de dommages et intérêts,
- dire et juger en conséquence que dans l'hypothèse d'une annulation ou résolution du contrat de prêt par accessoire, Monsieur [V] est tenu à restituer le capital mis à disposition et,
- le débouter de tous ses moyens et demandes tels que dirigés contre la Bnp Paribas Personal Finance,
- le condamner à payer à Bnp Paribas Personal Finance la somme de 28.500€ au titre de la restitution du capital emprunté, avec déduction des échéances déjà versées,
A titre très subsidiaire en cas de privation du prêteur de sa créance de restitution,
- condamner la Sas TucoEnergie à payer à la Sa Bnp Paribas Personal Finance la somme de 28.500€ en exécution de son obligation de paiement à première demande,
En toute hypothèse,
- condamner Monsieur [V] ou tout succombant à payer à la Sa Bnp Paribas Personal Finance la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Monsieur [V] demande la nullité du contrat souscrit auprès de TucoEnergie, et par voie de conséquence la nullité du contrat de crédit, à titre principal sur le fondement d'irrégularités de forme affectant le bon de commande, et à titre subsidiaire sur le dol commis par son co-contractant, qui lui avait laissé espérer une rentabilité bien plus importante, permettant un autofinancement de l'installation.
Il engage par ailleurs la responsabilité de la banque du fait d'un manquement à son obligation de vérification des formalités du code de la consommation sur le bon de commande, au moment de la libération des fonds.
La société TucoEnergie conclut à la confirmation du premier jugement, ayant déclaré prescrites les deux actions en nullité.
La Sa Bnp Paribas reprend les moyens d'irrecevabilité retenus par le premier juge et ajoute que l'action en responsabilité relative à la libération des fonds est également irrecevable.
Il ressort de l'article 122 du code de procédure civile, que constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
En outre il ressort de l'article L110-4 du code de commerce, que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Sur la prescription de l'action en nullité au titre des irrégularités formelles
En l'espèce, les contrats de vente et de crédit dont l'annulation est demandée ont été conclus le 27 octobre 2013 et Monsieur [V] a engagé l'instance par assignation délivrée le 21 septembre 2020.
Plus de cinq années s'étant écoulées depuis la conclusion des contrats, Monsieur [V] est irrecevable à solliciter l'annulation du contrat de vente sur le fondement des articles L121-23 et suivants du code de la consommation alors applicables, ainsi que du contrat de crédit affecté, en invoquant des irrégularités formelles qui étaient visibles par lui à la date de conclusion du contrat, sans que l'invocation d'une méconnaissance de la réglementation applicable puisse faire échec à l'application des règles de la prescription ou en reporter le point de départ du délai.
Le bon de commande signé par Monsieur [V] le 27 octobre 2013, comporte la reproduction intégrale des articles L121-23 à L121-26 du code de la consommation, dont il conteste la bonne application ; il a été mis en mesure de connaître le contenu de ces textes, et de s'assurer de leur bonne application dès la signature du contrat, et ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'agir.
La prescription de son action sur le fondement de ces dispositions était donc acquise au jour de la délivrance de l'assignation ; c'est à bon droit que le premier juge a retenu la fin de non-recevoir soulevée, et la Cour confirmera ce chef de décision.
Sur la prescription de l'action en nullité pour dol
Monsieur [V] invoque à titre subsidiaire les dispositions des articles 1110 et 1116 du code civil, dans leur ancienne version applicable en l'espèce, relatives à l'erreur et au dol comme causes de nullité du contrat.
Il affirme avoir fait l'objet d'une tromperie quant à la rentabilité de l'installation photovoltaïque, qui lui avait été présentée comme suffisante pour s'auto-financer, et avoir ainsi commis une erreur ayant vicié son consentement.
Une nouvelle fois, c'est le délai de prescription quinquennale qui s'applique, avec comme point de départ le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; s'agissant de la question de la rentabilité soulevée par Monsieur [V], le point de départ de la prescription quinquennale se situe en conséquence au jour où il a pu se convaincre du caractère déficitaire de l'installation.
En l'espèce, il ressort des pièces soumises à l'appréciation de la Cour que la première facture annuelle établie par Edf concernant son installation, a été éditée le 30 juin 2015.
Dès réception de cette facture, Monsieur [V] a pu constater que la rentabilité annuelle de l'installation lui permettait de percevoir la somme de 1 498,71 €, soit 124,90 euros par mois, et ce alors que le crédit souscrit pour financer l'installation s'élevait à la somme mensuelle de 333,90 euros.
Il a donc été mis en mesure d'avoir conscience de l'absence de rentabilité dès la réception de cette première facture.
Le rapport Thalès invoqué par Monsieur [V], déposé le 3 septembre 2020 n'a apporté aucun élément nouveau, et s'est borné à faire ce même simple calcul, en divisant par douze le montant annuel récolté grâce à l'installation, et en dressant le constat d'un gain nettement inférieur aux mensualités du prêt.
Par ailleurs, le moyen invoqué par Monsieur [V], sur l'insuffisance d'une seule facture pour connaître le dommage réalisé, est inopérant dans la mesure où, une fois encore, un calcul simple, à la portée de tous ceux qui ont eu connaissance d'une seule facture annuelle, permettait de constater l'absence de rentabilité espérée.
Dès lors, le premier juge a justement retenu que la prescription était acquise également sur ce fondement au jour de l'assignation du 21 septembre 2020 ; la Cour confirmera le chef de décision ayant déclaré cette action irrecevable.
La Cour constate qu'elle n'est pas saisie d'une action indépendante s'agissant de la validité du contrat de crédit à la consommation, dont la nullité n'est sollicitée qu'au regard de l'interdépendance entre le contrat de vente et le contrat de prêt.
Sur la prescription de l'action contre la banque du fait de la libération des fonds
Monsieur [V] demande à la Cour de condamner la Sa Bnp Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de la perte de chance subie ; il estime que l'établissement de crédit a engagé sa responsabilité en libérant les fonds sans procéder aux vérifications nécessaires quant au respect des exigences formelles du code de la consommation.
Il ressort toutefois des éléments de la procédure que la banque a procédé au déblocage des fonds le 3 février 2014, soit plus de cinq années avant la délivrance de l'assignation, et ce alors que Monsieur [V] ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription.
En tout état de cause, les demandes en annulation des contrats de vente et de crédit fondées sur les irrégularités du bon de commande ayant été déclarées prescrites, il est constant que la Cour n'est pas fondée à statuer sur lesdites irrégularités.
Le premier juge ayant omis de statuer sur cette fin de non-recevoir, la Cour déclarera irrecevable la demande formée de ce chef par Monsieur [V].
Sur les demandes accessoires
En l'état de la présente décision de confirmation, Monsieur [V] sera condamné aux entiers dépens d'appel ; le premier jugement, mettant à sa charge les dépens de première instance sera par ailleurs confirmé.
Si le premier juge a écarté les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, il ne peut qu'être relevé qu'il a omis ce chef de décision dans le dispositif de son jugement ; la Cour confirmera et ajoutera en conséquence le débouté des parties s'agissant des frais irrépétibles de première instance.
En revanche, en cause d'appel, il est équitable de condamner Monsieur [V] au paiement de la somme de 400 euros à la société TucoEnergy et 400 euros à la Sa Bnp Paribas Personal Finance en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [V] sera en revanche débouté de sa demande sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe, et dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable l'action en responsabilité engagée par Monsieur [R] [V] à l'égard de la Sa Bnp Paribas Personal Finance ;
Déboute Monsieur [R] [V], la Sas TucoEnergie et la Sa Bnp Paribas Personal Finance, de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Déboute Monsieur [R] [V] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Monsieur [R] [V] à payer la somme de 400 euros à la Sa Bnp Paribas Personal Finance en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Monsieur [R] [V] à payer la somme de 400 euros à la Sas TucoEnergie en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Monsieur [R] [V] aux entiers dépens d'appel ;