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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 17 septembre 2024, n° 22/06180

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/06180

17 septembre 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2024

RENDU

SUR TIERCE OPPOSITION

PUIS RECOURS EN REVISION

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06180 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUMH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 NOVEMBRE 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021 014864

APPELANTE :

Madame [J] [L]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [S] [X]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric CAUDRELIER, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Anne Lise ESTEVE de la SCP CAUDRELIER ESTEVE, avocat au barreau de BEZIERS

Madame [K] [W] ès qualités de mandataire judiciaire de la société SCG

[Adresse 1]

[Localité 2]

(ordonnance de caducité partielle le 12 mai 2023)

Ordonnance de clôture du 11 Juin 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 JUILLET 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

MINISTERE PUBLIC : le dossier a été communiqué au ministère public qui n'a pas fait connaître son avis.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 21 octobre 2008, M. [S] [X] a donné à bail commercial à Mme [J] [L], gérante de la SARL SCG [L], un local sis [Adresse 6] à [Localité 8].

Mme [J] [L] et son concubin, M. [T] [R], s'y sont portés cautions de la société SCG [L] pour toutes sommes dues en exécution du contrat, en principal et accessoires.

A compter du mois de septembre 2012, les loyers n'ont plus été payés par la société SCG [L].

Par jugement du 8 avril 2013, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SCG [L].

Par lettre recommandée du 24 mai 2013, M. [X] a transmis au mandataire liquidateur, Mme [K] [W], une déclaration de créance pour un montant total de 47'231,02 euros.

Il n'y a pas eu d'opposition du liquidateur, ni du débiteur la CSG [L], puisque le procès-verbal de dépôt des listes des créances vérifiées indique que M. [X] a une créance chirographaire de 7 231,02 € et une créance provisionnelle de 40'000 €.

La caution M. [R] n'a pas contesté la créance.

Par lettre du 4 octobre 2013, M. [X] a informé Mme [W], ès qualités, du non-paiement des loyers, ce qui a conduit celui-ci à mettre fin au bail avec remise des clés.

M. [X] a repris les locaux sans qu'ils soient remis en état par la société SCG [L].

Par lettre du 14 décembre 2016, M. [S] [X] a mis en demeure Mme [J] [L] et M. [T] [R] d'avoir à lui régler la somme totale de 57'945,38 euros en leur qualité de cautions.

Par jugement du 1er avril 2019, le tribunal de commerce de Béziers a condamné Mme [J] [L] et M. [T] [R] à payer à M. [S] [X] la somme de 47'231,02 euros (7'231,02 euros au titre des loyers, charges et frais impayés, 40'000 euros au titre des travaux de démontage ainsi que 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile).

Par arrêt contradictoire du 1er février 2022, la cour d'appel de Montpellier a réformé le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 1er avril 2019, seulement sur le quantum de la condamnation de Mme [J] [L] et M. [T] [R] à payer solidairement la somme de 45'103,02 euros à M. [S] [X], au motif que l'ordonnance du juge commissaire avait autorité de chose jugée tant à l'égard de la société qu'à l'égard des cautions.

Par exploits du 6 décembre et du 21 décembre 2021, Mme [J] [L] a assigné M. [S] [X] et Mme [K] [W], au visa des articles 582 et 583 du code de procédure civile, aux fins de la déclarer recevable en sa tierce-opposition, réformer, et à défaut, rétracter l'ordonnance prononcée par le juge-commissaire, dire que la déclaration de créance sera ramenée à hauteur des loyers déduction faite du dépôt de garantie, condamner M. [X] à payer la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour avoir trompé le mandataire et le juge commissaire et tenté de percevoir des fonds au titre de travaux non réalisés.

M. [X], par conclusions du 2 juin 2022, lui a opposé une fin de non-recevoir en exposant que, faute d'avoir formé la réclamation prévue à l'article R.624-8 du code de commerce dans le délai d'un mois à compter de la publication qui a eu lieu le 22 novembre 2015, contre l'ordonnance d'admission de créance, le tribunal de commerce de Béziers, par jugement du 1er avril 2019, avait considéré que la créance de 40'000 € avait été admise au passif de la société et qu'elle ne pouvait plus être remise en cause par les cautions en vertu de l'autorité s'attachant à la chose jugée ; que Mme [L] n'est pas un tiers à la décision de justice ; que la caution qui n'est pas un tiers étranger à la décision de justice, mais un tiers intéressé, les motifs de l'arrêt du 1er février 2022 qualifiant bien Mme [L] de personne intéressée qui disposait d'un mois pour contester l'état des créances ; et qu'elle n'a donc pas qualité pour former tierce-opposition.

Par conclusions du 28 août 2022, Mme [J] [L] a demandé au tribunal de commerce, au visa cette fois des articles 593 à 603 du "code civil" (sic) de juger que la décision du juge-commissaire a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue, de jugée recevable son recours en révision, et voir rétracter l'ordonnance d'admission de créances.

M. [X] lui a opposé une fin de non-recevoir tirée de son absence de qualité de tiers à la décision de justice rendue.

Par jugement contradictoire du 30 novembre 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a':

- dit que Mme [J] [L] est irrecevable dans ses demandes ;

- l'a déboutée de'l'intégralité de ses demandes';

- débouté de M. [S] [X] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive';

- ordonné l'exécution provisoire';

- et condamné Mme [J] [L] à payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 90,95 euros.

Le tribunal retient en ses motifs que l'article 582 du code de procédure civile dispose que «'La tierce opposition tend à faire rétracter ou reformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points juges qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statue en fait et en droit'»'; qu'il est de jurisprudence constante que les cautions en leur qualité de tiers intéressés ne peuvent pas bénéficier de la possibilité de remettre en cause la décision de justice par le biais de la tierce opposition'; que l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 1er février 2022 qualifie Mme [L] de personne intéressée'; qu'il en résulte qu'elle n'a pas qualité pour former tierce opposition'et que ses demandes sont irrecevables.

Par déclaration du 10 décembre 2022, Mme [J] [L] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 9 janvier 2023, elle demande à la cour :

- de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel';

- de juger que le tribunal avait été saisi d'une action de recours en révision à l'encontre de la décision prononcée par le juge-commissaire'; et que le tribunal a été induit en erreur par les conclusions de M. [S] [X]';

- d'infirmer le jugement attaqué';

- de juger recevable, fondé et justifié son recours en révision';

- de juger que la décision du juge-commissaire a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue'; et que M. [S] [X] a trompé le juge commissaire et a obtenu en fraude une décision de justice';

- de rétracter la décision prononcée par le juge commissaire';

- de rejeter les arguments développés par M. [X] et la déclaration de sa créance';

- de le condamner à lui rembourser l'intégralité des fonds versés dans le cadre de la procédure les ayant opposés'avec intérêts et anatocisme';

- et de le condamner à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour tromperie, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance et d'appel,

Par conclusions du 3 juin 2024, M. [S] [X] demande à la cour, au visa des articles 595 et suivants du code de procédure civile':

à titre principal

- de réformer le jugement entrepris';

statuant à nouveau

- de prononcer l'irrecevabilité du recours en révision de Mme [J] [L] tenant les fins de non-recevoir dont est affecté son recours';

à titre subsidiaire

- de rejeter au fond l'intégralité des demandes de Mme [J] [L] dès lors que le préjudice est établi';

Et en tout état de cause

- de condamner Mme [J] [L] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [K] [W], ès qualités, assignée le 17 janvier 2023 par acte déposé à étude, n'a pas constitué avocat. Par ordonnance du 12 mai 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel caduc à son encontre.

Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué le 13 décembre 2022 et qui a été informé de la date d'audience, n'a pas fait connaître son avis.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 11 juin 2024.

MOTIFS :

M. [X] soulève l'irrecevabilité du recours en révision qui s'est substitué dans les dernières écritures de Mme [L], subrepticement, faisant suite aux conclusions de M. [X] qui soulevaient l'irrecevabilité de la tierce opposition d'abord formée dans l'acte introductif d'instance.

M. [X] soutient en effet exactement qu'un recours en révision doit être formé dans les deux mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque aux termes de l'article 596 du code de procédure civile ; qu'en application de l'article 600 du code de procédure civile: « Le recours en révision est communiqué au ministère public. Lorsque le recours en révision est formé par citation, cette communication est faite par le demandeur auquel il incombe, à peine d'irrecevabilité de son recours, de dénoncer cette citation » ; que Mme [L] n'a jamais dénoncé son assignation, ni même ses conclusions, au ministère public, et pour cause, puisque le tribunal de commerce avait été saisi d'une assignation en tierce opposition fondée sur l'article 582 du code de procédure civile ; que les dernières conclusions de Mme [L] qui paraissaient similaires à l'assignation contenaient un changement de fondement juridique passé inaperçu, tant auprès du défendeur à l'action que du tribunal ; et pour réponse à ce moyen, que les fins de non-recevoir touchant l'action même des parties en première instance ne relèvent pas de la procédure d'appel et donc du conseiller de la mise en état, mais ressortissent bien de la compétence de la cour.

Etant observé que l'appelante n'a fait aucune réplique à ces pertinents moyens, il y a lieu de dire que les conditions de recevabilité d'un recours en révision, voie extraordinaire de recours, ne sont pas réunies.

L'appelante succombant, devra supporter la charge des dépens d'appel, et verser en équité la somme de 2 000 € au titre de la procédure de première instance et la même somme en cause d'appel, soit au total 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déclare irrecevable le recours en révision formé par Mme [J] [L] ;

Condamne Mme [J] [L] à payer à M. [S] [X] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

le greffier, la présidente,