CA Orléans, ch. com., 12 septembre 2024, n° 22/00311
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cta Chateauneuf (SARL)
Défendeur :
Girault (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chegaray
Conseillers :
Mme Chenot, M. Desforges
Avocats :
Me Lavisse, Me Kante
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte du 2 avril 2013, la SARL Gabereau Contrôle Technique a cédé à la société CTA Châteauneuf deux fonds de commerce de contrôle technique automobile, l'un à [Localité 5], [Adresse 2], l'autre à [Localité 7], [Adresse 1]. Les locaux dans lesquels le fonds de [Localité 7] est exploité appartiennnent à la SCI Girault.
Reprochant à la société CTA Châteauneuf de ne pas payer ses loyers, la SCI Girault lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte extrajudiciaire du 11 mars 2014 correspondant aux loyers d'avril 2012 à février 2014 pour un montant total en principal de 33 342,64 euros.
Par acte du 10 avril 2014, la société CTA Châteauneuf a formé opposition à ce commandement et fait assigner la SCI Girault devant le tribunal de grande instance de Montargis en nullité dudit commandement et aux fins de voir dire n'y avoir lieu à résolution du bail, sollicitant en tout état de cause une expertise sur l'état de la toiture du local commercial.
L'affaire a été radiée du rôle par ordonnance du 8 octobre 2015 puis rétablie à la demande de la SCI Girault.
Par acte extrajudicaire du 3 mars 2016, la SCI Girault a fait signifier à la société CTA Chateauneuf un second commandement visant la clause résolutoire d'avoir à lui payer la somme en principal de 43 508,48 euros au titre des loyers des mois d'avril 2014 à mars 2016.
Par acte du 2 avril 2016, la société CTA Châteauneuf a formé opposition à ce second commandement de payer et fait assigner la SCI Girault devant le tribunal de grande instance de Montargis en nullité dudit commandement et aux fins d'entendre dire n'y avoir lieu à la résolution du contrat de bail.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 12 mai 2016.
L'affaire a été retirée du rôle le 15 mars 2018 avant d'être réinscrite.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2019, la SCI Girault a mis en demeure la société locataire d'avoir à lui régler la somme de 27 035,10 euros au titre des loyers non encore régularisés.
Par acte du 3 juillet 2019, la SCI Girault a fait assigner la société CTA Chateauneuf devant le tribunal de grande instance de Montargis en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, expulsion et paiement de diverses sommes au titre des loyers, indemnité d'occupation et de dommages-intérêts.
Par ordonnance du 9 janvier 2020, le juge de la mise en état a joint cette affaire aux oppositions à commandemant formées par la société CTA Chateauneuf.
La société CTA Chateauneuf a fait signifier à la SCI Girault un congé par acte du 30 mars 2021 avec effet au 30 septembre 2021.
Par jugement contradictoire du 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Montargis a :
- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 31 août 2001 entre la SCI Girault et la SARL Gabereau contrôle technique, ayant été cédé à la société CTA Châteauneuf, concernant les locaux situés [Adresse 1] ont été réunies à la date du 11 avril 2014,
- ordonné en conséquence à la société CTA Châteauneuf de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision,
- dit qu'à défaut pour la société CTA Châteauneuf d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SCI Girault pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique, en application des dispositions des articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- fixé le montant de l'idemnité d'occupation par référence au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, en ce compris l'augmentation ou la diminution du fait de l'indexation, à la somme de 1 537,75 euros par mois jusqu'à la libération effective des lieux loués établie par la remise des clés,
- débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande d'expertise comptable,
- condamné la société CTA Châteauneuf à verser à la SCI Girault la somme totale de 73 420,18 euros, la somme de 92 486,26 euros déjà versée par la société CTA Châteauneuf devant être déduite de la somme due de 165 906,44 euros se décomposant comme suit :
* 33 136,15 euros au titre des loyers dus pour la période du 2 avril 2012 au 11 avril 2014,
* 131 292,29 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 12 avril 2014 au 30 septembre 2021,
* 1 478 euros au titre des taxes foncières pour les années 2013 et 2019,
- débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de dommages-intérêts pour violation du droit de préemption,
- débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte de son fonds de commerce,
- condamné la SCI Girault à verser à la société CTA Chateauneuf la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance,
- débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- débouté la SCI Girault de sa demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,
- débouté la SCI Girault de sa demande de dommages-intérêts au titre du séquestre des loyers effectué par la société CTA Châteauneuf,
- ordonné la mainlevée au profit de la SCI Girault de la mise sous séquestre des montants du loyer encore détenu par Me [R] [D], notaire à [Localité 7] (45),
- condamné la société CTA Châteauneuf à payer à la SCI Girault la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de condamnation de la SCI Girault au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société CTA Châteauneuf aux entiers dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Suivant déclaration du 4 février 2022, la société CTA Châteauneuf a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement, à l'exception des dispositions relatives à la condamnation de la SCI Girault à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et au débouté de la SCI Girault de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive et du séquestre des loyers effectué par la société CTA Châteauneuf.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 février 2024, la SARL CTA Chateauneuf demande à la cour de :
Vu le commandement de payer signifié le 11 mars 2014,
Vu le second commandement signifié le 3 mars 2016,
Vu l'article L.145-46-1 du code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
- déclarer la société CTA Châteauneuf recevable et bien fondée en son appel et y faire droit,
En conséquence,
- infirmer le jugement du 6 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Montargis en ce qu'il a :
' constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 31 août 2001 entre la SCI Girault et la SARL Gabereau Contrôle Technique, ayant été cédé à la société CTA Châteauneuf concernant les locaux situés [Adresse 1] - ont été réunies à la date du 11 avril 2014,
' ordonné à la société CTA Châteauneuf de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement,
' dit qu'à défaut pour la société CTA Châteauneuf d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SCI Girault pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique, en application des dispositions des articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
' fixé le montant de l'indemnité d'occupation par référence aux loyer et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, en ce compris l'augmentation ou la diminution du fait de l'indexation, à la somme de 1 537,75 euros par mois jusqu'à libération effective des lieux loués établie par la remise des clefs,
' débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande d'expertise comptable,
' condamné la société CTA Châteauneuf à verser à la SCI Girault la somme totale de 73 420,18 euros, la somme de 92 486,26 euros déjà versée par la société CTA Châteauneuf devant être déduite de la somme due de 165 906,44 euros se décomposant comme suit :
' 33 136,15 euros au titre des loyers dus pour la période du 2 avril 2012 au 11 avril 2014,
' 131 292,29 euros au titre de l'indemnité d'occupation due pour la période du 12 avril 2014 au 30 septembre 2021,
' 1 478 euros au titre des taxes foncières pour les années 2013 et 2019,
' débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de dommages et intérêts pour violation du droit de préemption,
' débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de son fonds de commerce,
' condamné la SCI Girault à verser à la société CTA Châteauneuf la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance,
' débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
' ordonné la mainlevée au profit de la SCI Girault de la mise sous séquestre des montants du loyer encore détenu par Maître [R] [D] notaire à [Localité 7] (45),
' condamné la société CTA Châteauneuf à payer à la SCI Girault la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouté la société CTA Châteauneuf de sa demande de condamnation de la SCI Girault au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la société CTA Châteauneuf aux entiers dépens de l'instance,
' ordonné l'exécution provisoire du jugement.
- le confirmer pour le surplus,
Statuant de nouveau :
- déclarer la société CTA Châteauneuf recevable et bien-fondée en ses deux oppositions à commandements de payer signifiés le 11 mars 2014 et le 3 mars 2016 à la requête de la SCI Girault,
1- déclarer que la SCI Girault a manqué à son obligation de délivrance conforme en n'assurant pas le clos et le couvert du local commercial donné à bail à la société CTA Châteauneuf dont la toiture n'était pas étanche,
- déclarer que c'est à juste titre que la rétention des loyers a été opérée par la société CTA Châteauneuf,
- déclarer que les quelques travaux de réfection de la toiture réalisés n'ont pas été satisfactoires, - déclarer que le clos et le couvert n'étaient pas assurés et que la société CTA Châteauneuf ne pouvait pas se mettre en conformité avec la règlementation de droit du travail du fait du bailleur, - mettre à néant les deux commandements de payer successivement délivrés à la société CTA Châteauneuf ainsi que le courrier recommandé avec AR du 8 mars 2019 valant mise en demeure de régler les loyers sous peine de mise en 'uvre de la clause résolutoire,
2 - déclarer que la société CTA Châteauneuf a entièrement réglé les causes du premier et du second commandement de payer ainsi que les loyers et charges qui ont suivi jusqu'à son départ du local,
- déclarer que la société CTA Châteauneuf est à jour du paiement de ses loyers et charges,
- déclarer que les deux commandements de payer signifiés sont par conséquent devenus sans objet, nuls et de nul effet et les mettre à néant,
- déclarer que le courrier recommandé avec AR du 8 mars 2019 valant mise en demeure de régler les loyers sous peine de mise en 'uvre de la clause résolutoire est nul en la forme ainsi qu'au fond du fait des règlements intervenus,
3 - déclarer que la société CTA Châteauneuf a réglé ses loyers à titre conservatoire pour ne pas encourir la résiliation de son bail commercial mais qu'elle conteste formellement le quantum des sommes qu'elle a réglées,
- déclarer que la SCI Girault est incapable de justifier de manière claire et précise des sommes réclamées par le biais des deux commandements de payer qui ont été signifiés,
- déclarer que le quantum des sommes exigées par le biais de ces commandements est inexact et non justifié à défaut de prendre en compte :
' les sommes qui avaient été mises sous séquestre et qui ont été versées à la SCI Girault,
' les sommes trop-versées par la société CTA Châteauneuf au titre de la TVA calculée à tort sur les loyers de mai 2012 à octobre 2016,
' les sommes versées par la société CTA Châteauneuf en exécution de trois avis à tiers détenteurs,
- déclarer que le quantum des sommes demandées par le biais de ces commandements est d'autant plus faux que la SCI Girault a commis une erreur dans le calcul du loyer révisé,
- déclarer que le quantum des sommes demandées par le biais des commandements de payer est erroné puisqu'il inclut de la TVA alors que le bail commercial n'y est pas assujetti,
- déclarer qu'en l'état la SCI Girault ne démontre pas l'existence d'une dette certaine, liquide et exigible,
- mettre à néant les commandements de payer du 11 mars 2014 et 3 mars 2016 ainsi que le courrier recommandé avec AR du 8 mars 2019 valant mise en demeure de régler les loyers sous peine de mise en 'uvre de la clause résolutoire et dire n'y avoir lieu à résolution du contrat de bail,
- le cas échéant vu les désaccords, désigner tel expert comptable aux fins de faire les comptes entre les parties,
4 - condamner la SCI Girault à payer à la société CTA Châteauneuf les sommes de :
' 200 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de son fonds de commerce,
' 75 000 euros de dommages-intérêts pour trouble de jouissance,
' 50 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- débouter la SCI Girault de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la SCI Girault à payer à la société CTA Châteauneuf la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts compensateurs du préjudice de violation du droit de préemption, point non contesté par la SCI Girault,
- condamner la SCI Girault à payer à la société CTA Châteauneuf la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SCI Girault aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc conformément à l'article 699 code de procédure civile.
La SCI Girault a constitué avocat le 4 mai 2022 mais n'a pas conclu au fond. Seules des conclusions d'incident par devant le conseiller de la mise en état aux fins de radiation de l'affaire du rôle sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile ont été notifiées et ont donné lieu à une ordonnance du 16 février 2023 ayant déclaré recevable mais ayant rejeté la demande de radiation de la SCI Girault.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2024 et l'affaire plaidée à l'audience du 21 mars 2024.
La SCI Girault a notifié par RPVA le 15 mars 2024 des conclusions de demande de rabat de l'ordonnance de clôture adressée à la cour.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture de la SCI Girault :
En application de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
La SCI Girault fait valoir qu'elle a été destinataire des dernières conclusions de l'appelante avec 23 pièces à quelques jours de la clôture ; que compte tenu des enjeux du dossier et des éléments de contestation en sa possession, mais aussi des nombreuses pièces adressées par l'appelante, elle sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 7 mars 2024 ainsi que la réouverture des débats.
Il apparaît que la SCI Girault a déposé des conclusions d'incident aux fins de radiation dans le délai de trois mois qui lui était imparti pour remettre ses conclusions au fond au greffe. En application de l'article 524 du code de procédure civile, la saisine du conseiller de la mise en état d'une demande de radiation pour défaut d'exécution de la décision dont appel suspend le délai de l'intimé pour conclure au fond et ce délai recommence à courir à compter de l'ordonnance rejetant la demande de radiation. En l'espèce, l'ordonnance d'incident a été rendue le 16 février 2023. La SCI Girault qui n'avait pas conclu au fond préalablement ou concomitamment à sa demande de radiation n'a pas non plus conclu au fond après l'ordonnance ayant rejeté sa demande de radiation.
Dans ces conditions, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture pour répondre aux dernières conclusions et pièces de l'appelante, qui plus est déposées plus de deux semaines avant la clôture, alors que la SCI Girault n'a pas respecté les délais qui lui étaient impartis et n' a jamais conclu au fond, ne saurait prospérer en l'absence de caractérisation d'une cause grave depuis que l'ordonnance de clôture a été rendue.
Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, l'intimé qui ne conclut pas est réputé s'approprier les motifs du jugement attaqué. En l'absence de conclusions, les pièces déposées par la SCI Girault ne peuvent être prises en compte.
Sur le commandement de payer visant la clause résolutoire du 11 mars 2014 :
Le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 11 mars 2014 porte sur la somme en principal de 33 342,64 euros correspondant aux loyers d'avril 2012 à février 2014.
La société CTA Chateauneuf fait valoir que la couverture du local se trouvant en très mauvais état au point que le clos et le couvert n'était plus assurés eu égard aux jours apparaissant dans la toiture et aux fuites d'eau importantes dans les locaux les jours de pluie, et qu'il était impossible de procéder à une isolation pérenne et sérieuse desdits locaux, elle a légitimement retenu le paiement des loyers en application du principe de l'exception d'inexécution, assurant n'avoir pu jouir normalement des locaux.
C'est par de justes motifs que la cour adopte au vu des pièces verséses au débat que les premiers juges, après avoir rappelé que le locataire ne peut se prévaloir d'une telle exception d'inexécution que dans l'hypothèse où il se trouve dans l'impossibilité de jouir du bien, ont considéré que la société CTA Chateauneuf ne s'est jamais trouvée dans l'impossibilité totale d'user des lieux loués conformément à leur destination contractuelle puisque, parfaitement informée de l'état des locaux, elle a pris à bail le bien et y a installé son activité de contrôle technique laquelle s'est poursuivie jusqu'à son départ des lieux en 2021, étant ajouté que le fait que l'exception d'inexécution n'ait pas été retenue -dès lors qu'il n'était pas impossible de jouir des lieux- n'est pas incompatible avec l'allocation au locataire de dommages-intérêts pour l'indemniser des troubles de jouissance subis en lien avec les désordres de toiture.
La société CTA Chateauneuf soutient ensuite que les causes du commandement ont été entièrement réglées par des règlements spontanés, à savoir :
- la somme totale de 7 750 euros par 4 chèques débités les 11 septembre 2012 (1550 euros), 19 octobre 2012 (3 100 euros), 21 décembre 2012 (1550 euros) et 25 janvier 2013 (1550 euros),
- la somme de 13 950 euros placée sous séquestre chez le notaire et décaissée au profit de la SCI Girault en février 2014,
- un chèque de 10 000 euros mis sous séquestre par le notaire également versé à la SCI Girault le 11 mars 2014,
soit un total de 31 700 euros réglé dans délai d'un mois imparti par le commandement du 11 mars 2014, alors que le jugement entrepris a arrêté la somme globale due au titre des loyers d'avril 2012 à février 2014 à 31 154,92 euros HT, l'assujettissemernt des loyers à la TVA initialement prévu n'ayant jamais été mis en application.
Il s'avère qu'un commandement délivré pour un montant supérieur à celui réellement dû n'en est pas moins valable à due concurrence.
Si la somme de 10 000 euros, partie des sommes séquestrées versée le 11 mars 2014, a bien été prise en compte par les premiers juges, il apparaît en effet que la somme de 7 750 ne l'a pas été, à tort. Quant à la somme de 13 950 euros, les pièces versées au débat établissent qu'elle n'est pas distincte de celle de 10 000 euros, puisque les courriers échangés -notamment celui du notaire en date du 22 février 2014- font état d'une somme séquestrée de 13 950 euros à débloquer au profit de la société Girault ou entre les mains de la banque du choix de celle-ci, 'après règlement de la facture du couvreur et mes honoraires', de sorte que la somme de 13 950 euros placée sous séquestre chez le notaire (courrier du 22 février 2014) a été décaissée au profit de la banque de la SCI Girault le 11 mars 2014 à concurrence de 10 000 euros (v.courrier du 19 septembre 2014), sans qu'il y ait lieu d'ajouter ces deux sommes.
Il en résulte que les causes du commandement n'ont été réglées que partiellement, à hauteur de 17 750 euros, dans le délai imparti, de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail sont réunies à la date du 11 avril 2014.
A l'instar des premiers juges, il sera relevé que la société CTA Chateauneuf n'a pas sollicité de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 11 avril 2014 et de fixer l'indemnité d'occupation due jusqu'à la libération des lieux le 30 septembre 2021 au montant -non critiqué par l'appelante- fixé par les premiers juges.
La société CTA Chateauneuf justifie avoir fait délivrer à la bailleresse un congé par acte du 30 mars 2021 avec effet au 30 septembre 2021. Dans le cadre de l'incident initié par la SCI Girault devant le conseiller de la mise en état, celle-ci a fait savoir que la société CTA Chateauneuf avait quitté les lieux. Par infirmation du jugement entrepris de ce chef, il n'y a donc pas lieu d'ordonner l'expulsion de la société CTA Chateauneuf.
Compte tenu de ce qui précède, la contestation du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 3 mars 2016 est devenue sans objet, tout comme celle relative à la lettre de mise en demeure du 8 mars 2019 de régler les loyers sous peine de mise oeuvre de la clause résolutoire, le bail étant résilié depuis le 11 avril 2014.
Sur le paiement des loyers et indemnités d'occupation :
La société CTA Chateauneuf fustige les comptes erronés de la bailleresse, ce que n'ont pas manqué de relever également les premiers juges, mais ne critique pas le montant des sommes dues au titre du bail auquel sont parvenus les premiers juges au vu des pièces communiquées, à savoir la somme totale de 165 906,44 euros se décomposant comme suit :
- 33 136,15 euros au titre des loyers dus du 2 avril 2012 au 11 avril 2014
- 131 292,29 euros au titre de l'indemnité d'occupation du 12 avril 2014 au 30 septembre 2021
- 1 478 euros au titre de la taxe foncière pour les années 2013 et 2019, seules justifiées par la bailleresse,
étant précisé que dans ce calcul la TVA n'a pas été appliquée au montant des loyers ou indemnités d'occupation.
La société CTA Chateauneuf expose qu'elle s'est acquittée envers la SCI Girault de la somme de 144 925,26 euros au titre des loyers et charges dus en vertu du bail et qu'aucun arriéré d'aucune sorte n'est dû.
Celle-ci justifie en effet au vu des pièces produites du versement de la somme totale de 130.975,26 euros, à savoir 144 925,26 euros dont il y a lieu de déduire la somme de 13 950 euros pour les raisons précédemment exposées.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise comptable, il apparaît que la société CTA Chateauneuf reste redevable de la somme de 34 931,18 euros (165 906,44 - 130.975,26).
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise comptable mais réformé du chef des sommes restant dues et la société CTA Chateauneuf condamnée à verser à la SCI Girault la somme totale de 34 931,18 euros.
Sur la mainlevée au profit de la SCI Girault des sommes mises sous séquestre et encore détenues par le notaire :
La société CTA Chateauneuf qui a interjeté appel de ce chef du jugement entrepris ne le critique pas dans ses conclusions ni ne demande qu'il soit à nouveau statué sur ce point. Cette disposition sera donc confirmée.
Sur les dommages-intérêts réclamés par la société CTA Chateauneuf :
- au titre de la perte du fonds de commerce
La société CTA Chateauneuf fait valoir que du fait des manquements du bailleur rendant impossible l'exploitation normale de son fonds, elle a fini par faire signifier un congé avec effet au 30 septembre 2021 ; que cette décision est entièrement imputable aux conditions épouvantables dans lesquelles elle a été amenée à devoir exploiter son activité depuis l'acquisition du fonds en 2013 ; qu'elle a dû quitter le local pour s'installer ailleurs et redémarrer de zéro sans pouvoir céder son fonds ; qu'elle doit être indemnisée de la perte de son fonds de commerce par l'allocation de la somme de 200 000 euros.
Il ne saurait y avoir lieu à indemnisation de la perte du fonds de commerce de la société CTA Chateauneuf dès lors que le bail a été résilié à effet du 11 avril 2014 pour non paiement des loyers par le preneur, date à compter de laquelle la société CTA Chateauneuf est devenue occupante sans droit ni titre.
Le jugement qui a débouté la société CTA Chateauneuf de ce chef d'indemnisation sera confirmé.
- au titre du trouble de jouissance
Le jugement entrepris a condamné la SCI Girault à verser à la société CTA Chateauneuf la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.
Il apparaît que dans sa déclaration d'appel, la société CTA Chateauneuf n'a pas interjeté appel de ce chef du jugement. Elle sollicite néanmoins dans le dispostif de ses conclusions la réformation du jugement sur ce point de manière à voir porter l'indemnisation à hauteur de 75.000 euros.
En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La société appelante ne peut étendre par des conclusions postérieures la portée de son appel. L'intimée, qui n'a pas conclu au fond, n'a pas formé d'appel incident de ce chef. Par voie de conséquence, cette disposition n'a pas été dévolue à la cour, laquelle ne peut donc statuer à nouveau.
- au titre du préjudice moral
La société CTA Chateauneuf fait valoir que depuis l'acquisition de son fonds, elle n'a eu de cesse d'être confrontée aux pires difficultés, en premier lieu, pour exploiter son fonds compte tenu des infiltrations répétées mais aussi, en second lieu, au regard du comportement parfaitement déloyal du bailleur qui n'a jamais daigné donner une suite favorable aux demandes de réfection de la toiture et n'a réagi que par la signification de commandements de payer afin de se débarrasser du preneur ; que s'en est suivie une procédure qui dure depuis X années ; que de guerre lasse, elle a fini par signifier un congé, ce qui génère un préjudice financier considérable résultant de l'impossibilité pour elle de céder son fonds mais aussi un préjudice moral évident du fait de cette perte financière, dont il convient de l'indemniser par l'allocation de la somme de 50 000 euros.
C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le préjudice moral tel qu'invoqué par le preneur n'était pas distinct du préjudice invoqué au titre du trouble jouissance, par ailleurs indemnisé.
La société CTA Chateauneuf, personne morale, ne saurait sérieusement ajouter que les dommages-intérêts sollicités au titre du préjudice moral ont vocation à indemniser le preneur du stress, des tracas et des soucis d'ordre moral que ces désordres lui ont inconstestablement causés, ces préjudices ayant éventuellement été subis par son dirigeant ou ses salariés mais pas par elle-même.
Le jugement entrepris qui n'a pas fait droit à ce chef de demande sera confirmé.
- au titre de la violation du droit de préemption du locataire
La société CTA Chateauneuf fait valoir que 100 % des parts de la SCI Girault ont changé de propriétaire, et partant le bien immobilier en cause, sans respect de son droit de préemption en qualité de preneur par application de l'article L.145-46-1 du code de commerce. Elle sollicite réparation de ce chef à hauteur de 50 000 euros.
Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, la société CTA Chateauneuf s'est trouvée sans droit ni titre des locaux loués à compter du 11 avril 2014, date d'acquisition de la clause résolutoire, et ne pouvait se prévaloir d'un quelconque droit de préemption au-delà de cette date.
La société appelante ne fournit aucune indication sur la date de changement de propriétaire des parts sociales de la SCI bailleresse et ne justifie pas d'une éventuelle violation de son droit de préemption antérieurement à la résiliation du bail.
Par infirmation du jugement entrepris, il ne sera pas fait droit à ce chef de demande.
Sur les demandes accessoires :
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.
La SCI Girault, qui succombe partiellement à hauteur de cour, supportera la charge des dépens d'appel.
Compte tenu des ciconstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
CONFIRME le jugement du 6 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Montargis en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la société CTA Chateauneuf et condamné la société CTA Chateauneuf à verser à la SCI Girault la somme de 73 420,18 euros,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DIT n'y avoir lieu à expulsion de la société CTA Chateauneuf des locaux situés [Adresse 1], celle-ci ayant quitté les lieux,
CONDAMNE la société CTA Chateauneuf à verser à la SCI Girault la somme totale de 34 931,18 euros restant due au titre de l'occupation des locaux,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI Girault aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés par la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.