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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 12 septembre 2024, n° 23/01782

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

World Security Protect France (SARL)

Défendeur :

La Maison du Treizième (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseiller :

Mme Deryckere

Avocats :

Me Jeddi, Me Lustman, Me Pommel

TJ Versailles, du 2 mars 2022, n° 21/007…

2 mars 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique reçu les 23 et 27 décembre 2019 et 03 janvier 2020, la société la Maison du Treizième a donné à bail commercial à la société World Security Protect France (ci-après : WSPF) dont l'activité porte sur la sécurité en intervenant notamment dans le domaine des activités récréatives, des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6] (78), à destination exclusive de 'local d'activité' aux fins d'exploitation sous l'enseigne 'Laser Game / Kids Paradise', ceci pour une durée de 10 années à compter de la réalisation de la condition suspensive, moyennant un loyer annuel de 86.250 euros hors charges et hors taxes, outre 10 % de provision sur charges.

Un dépôt de garantie au montant de 21.562,50 euros était alors versé.

Du fait que l'activité de loisirs recevant du public envisagée nécessitait des aménagements spécifiques requérant l'obtention d'autorisations administratives, il était stipulé comme suit (en page 4 du bail) dans un paragraphe intitulé 'Condition suspensive particulière de l'obtention par le preneur des autorisations administratives liée à ses travaux' :

'Le preneur s'engage à déposer, auprès de l'autorité compétente, une demande d'autorisation de travaux, portant sur l'aménagement et l'équipement des locaux, au plus tard le 07 janvier 2020, et à fournir au bailleur la copie du dossier présenté avec justificatif de dépôt.

La demande d'autorisation devra être conforme à la législation et à la réglementation en vigueur, le preneur devra également respecter les demandes formulées par les services instructeurs.

Le preneur disposera de la faculté de se prévaloir de la non-obtention de ladite autorisation dans le délai de deux (2) mois de la date de son dépôt.

Le preneur informera le bailleur de l'obtention de l'autorisation.

Dans le cas où le preneur se prévaut du refus de ladite autorisation dans le délai ci-dessus, soit au plus tard le 07 mars 2020, les présentes seront frappées de caducité, sans indemnité de part ni d'autre, et le bailleur devra restituer au preneur le dépôt de garantie,

Sauf à ce que le preneur déclare faire son affaire personnelle de la non-obtention de ladite autorisation.

A défaut de se prévaloir du refus de ladite autorisation, et à en justifier, à l'issue dudit délai de deux mois et quinze jours, soit au plus tard le 07 mars 2020, le preneur déclare reconnaître que le présent bail sera réputé définitif, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable du bailleur ni de l'établissement d'un acte constatant la réalisation de la condition.'.

Il est apparu que ces travaux relevaient non point du régime de l'autorisation de travaux mais de celui du permis de construire et c'est dans ce contexte que :

le 08 janvier 2020, la mairie d'[Localité 6] enregistrait une demande de permis de construire et s'ensuivait un échange par courriels entre les cocontractants,

le 27 mai 2020 la bailleresse adressait par acte extrajudiciaire à la société WSPF une convocation aux fins d'établissement d'un état des lieux contradictoire, lequel était établi le 04 juin 2020 en l'absence de la société WSPF et lui était dénoncé le 08 juin suivant, avec sommation de retirer les clefs chez l'huissier instrumentaire,

le 07 août 2020 et par pli recommandé, la bailleresse mettait en demeure la société WSPF de lui régler les loyers des deuxième et troisième trimestres 2020,

le 08 septembre 2020, la société WSPF, expliquant que la crise sanitaire avait retardé le traitement de son dossier, informait la bailleresse du refus de lui accorder un permis de construire, selon arrêté préfectoral du 18 août 2020, en raison de l'insuffisance d'emplacements de stationnement pour les personnes à mobilité réduite et proposait une alternative consistant à 'prolonger la condition suspensive' ou de 'considérer le bail comme caduc',

le 14 septembre 2020 et par courrier recommandé, la bailleresse réitérait sa demande en paiement des loyers,

le 25 novembre 2020, la bailleresse faisait délivrer à la société WSPF un commandement de payer pour un montant total de 84.681 euros (cumulant les loyers, charges des deuxième, troisième et quatrième trimestres 2020 outre des taxes) qui visait la clause résolutoire,

le 26 décembre 2020, la société WSPF déposait un nouveau permis de construire qui lui sera accordé le 15 juillet 2021,

Le 29 janvier 2021, la société La Maison du Treizième a assigné la société WSPF en paiement des loyers, taxes et honoraires de commercialisation des locaux, et si, le 22 février 2022, la société WSPF a procédé au paiement d'une somme de 60.000 euros en vertu d'un protocole d'accord prévoyant une réduction de la créance de la bailleresse, son paiement fractionné, la signature d'un nouveau bail commercial et le désistement des parties, cet accord n'a pas été signé par la bailleresse.

Par jugement contradictoire rendu le 02 mars 2023 le tribunal judiciaire de Versailles, rappelant que l'exécution provisoire de sa décision est de droit, a :

rejeté la demande relative à la caducité du bail commercial,

constaté la résiliation de plein droit du contrat de bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6] (78) au 25 décembre 2020,

ordonné l'expulsion de la société World Security Protect France et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6] (78) avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,

condamné la société World Security Protect France à payer a la société la Maison du Treizième les sommes suivantes :

9.411,67 € au titre du loyer dû entre le 7 juin 2020 et le 30 juin 2020 et des provisions sur charges du 2ème trimestre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2020,

28.462,50 € au titre du loyer et des provisions sur charges du 3ème trimestre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020,

26.606,25 € au titre du loyer et des provisions sur charges dus entre le 1er octobre 2020 et le 25 décembre 2020,

4.851,14 € au titre de la taxe sur les commerces 2020,

13.082,76 € au titre de la taxe foncière 2020,

1.500 € au titre de la clause pénale du bail relative à la conservation du montant du dépôt de garantie versé,

constaté que la société World Security Protect France a déjà versé à la société la Maison du Treizième la somme de 60.000 €,

condamné la société la Maison du Treizième à rembourser à la société World Security Protect France la somme de 20.062,50 € au titre du solde restant dû du montant du dépôt de garantie,

ordonné la compensation des créances respectives des parties,

dit qu'il appartient aux parties de faire leurs comptes,

rejeté les autres demandes des parties,

condamné la société World Security Protect France à payer à la société la Maison du Treizième la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés,

condamné la société World Security Protect France aux dépens de l'instance avec droit de recouvrement au profit de la SCP Courtaigne avocats.

Par dernières conclusions notifiées le 16 juin 2023 la société à responsabilité limitée World Security Protect France, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 16 mars 2023, demande à la cour, au visa des articles 1304 et suivants, 1132 et suivants et 1719 du code civil :

d'infirmer le jugement en ce qu'il a : rejeté la demande relative à la caducité du bail commercial // constaté la résiliation de plein droit du contrat de bail commercial liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6] (78) au 25 décembre 2020 // ordonné l'expulsion de la société World Security Protect France et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6] (78) avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est // condamné la société World Security Protect France à payer à la société la Maison du Treizième les sommes suivantes : (1) 9.411,67 € au titre du loyer dû entre le 7 juin 2020 et le 30 juin 2020 et des provisions sur charges du 2ème trimestre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2020 (2) 28.462,50 € au titre du loyer et des provisions sur charges du 3ème trimestre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020 (3) 26.606,25 € au titre du loyer et des provisions sur charges dus entre le 1er octobre 2020 et le 25 décembre 2020 (4) 4.851,14 € au titre de la taxe sur les commerces 2020 (5) 13.082,76 € au titre de la taxe foncière 2020 (6) 1.500 € au titre de la clause pénale du bail relative à la conservation du montant du dépôt de garantie versé,

statuant à nouveau

de juger que la condition suspensive inhérente à l'obtention de l'autorisation de travaux n'a pas

été réalisée et qu'en tout état de cause le consentement de la société WSPF a été vicié pour erreur,

de juger en conséquence que le bail en est frappé de caducité,

en conséquence

de condamner la société Maison du Treizième au paiement des sommes suivantes :

21.562,50 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie payé à la signature du bail,

60.000 euros au titre des sommes perçues le 22 février 2022 en règlement des termes du protocole d'accord qui n'a jamais été régularisé par la société Maison du Treizième,

30.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale qui a été faite par la société Maison du Treizième du contrat ainsi que par le comportement fautif à l'égard de la société WSPF,

subsidiairement

de débouter la société Maison du Treizième de sa demande au titre de la taxe foncière,

de fixer le montant de la clause pénale relative au dépôt de garantie à la somme de 1 euro,

de débouter la société Maison du Treizième du paiement du montant de commission d'agence,

de débouter la société Maison du Treizième de sa demande de dommages et intérêts,

en toute hypothèse

de condamner la société Maison du Treizième au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2023, la société par actions simplifiée La Maison du Treizième prie la cour, au visa du contrat de bail, du commandement de payer visant la clause résolutoire du 25 novembre 2020, des articles L 145-41 du code de commerce, 1231-1, 1228 et 1760 du code civil :

de confirmer le jugement en ses dispositions sauf en ce qu'il a : débouté la société Maison du Treizième de sa demande de condamnation de la société World Security Protect France à lui verser une somme de 15.525 € au titre des honoraires réglés en pure perte à l'agence immobilière // limité la condamnation de la société World Security Protect France à verser à la société La Maison du Treizième à une somme de 1.500 euros 'au titre de la clause pénale du bail relative à la conservation du dépôt de garantie versé' // débouté la société Maison du Treizième de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de la société World Security Protect France pour un montant de 227.700 euros,

en conséquence, l'infirmer de ces chefs et statuant à nouveau :

de constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial des 23 et 27 décembre 2019 et 3 janvier 2020 et en conséquence la résiliation du bail à compter du 25 décembre 2020,

d'ordonner l'expulsion de la société World Security Protect France des lieux loués et de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique et avec l'assistance d'un serrurier,

de condamner la société World Security Protect France à verser à la société La Maison du Treizième les sommes suivantes :

9.411,67 € au titre du loyer pour la période du 7 juin au 30 juin 2020 et des provisions pour charges pour la période 1/4/2020-30/6/2020, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 août 2020, date de la première mise en demeure,

28. 462,50 € au titre du loyer et des provisions sur charges pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2020, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020, date de la première mise en demeure,

une somme de 26.606,25 euros (28.462,50/92 x 86) à titre de loyers et provisions pour la période allant du 1er octobre 2020 au 25 décembre 2020, date d'effet du commandement visant la clause résolutoire outre les intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de la présente assignation,

4.851,14 € au titre de la taxe sur les commerces,

13.082,76 € au titre de la taxe foncière,

15.525 € au titre des honoraires réglés en pure perte à l'agence immobilière s'agissant de la commercialisation des locaux,

de dire et juger que l'intégralité du dépôt de garantie, soit 21.562,50 euros, reste acquis à la société Maison du Treizième,

de condamner la société World Security Protect France à verser à la société Maison du Treizième une somme de 227.700 euros à titre de dommages-intérêts,

de débouter la société World Security Protect France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

de condamner la société World Security Protect France verser à la société Maison du Treizième une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du 'CPC' et aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de la Scp Courtaigne avocats en application de l'article 699 du 'CPC'.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caducité du contrat de bail

Pour rejeter la demande tendant à la caducité du bail commercial formée par la société WSPF en jugeant qu'en ne respectant pas les modalités de réalisation de la condition suspensive fixées par le contrat de bail, elle s'est privée du bénéfice de ses effets, le tribunal, sur le fondement des articles 1304 alinéa 2, 1103 du code civil et de la stipulation du bail relative à la condition suspensive (sus-reprise), a considéré que le dépôt du dossier aux fins d'autorisation administrative est intervenu le 08 janvier 2020, soit postérieurement à la date-butoir visée au contrat dont il n'est pas démontré qu'il ait été convenu de son report, qu'en outre, la société WSPF ne s'est jamais prévalue du défaut d'obtention du permis de construire dans le délai imparti alors qu'il lui appartenait éventuellement, à la date du 07 mars 2020, de solliciter du bailleur les effets de la condition suspensive ou de tirer les conséquences d'un refus et qu'enfin les exigences spécifiques de la bailleresse relatives aux travaux à réaliser, formulées dans un échange de courriels, n'empêchait pas la société de faire jouer la condition suspensive à son profit si elle l'estimait nécessaire.

L'appelante reprend cette demande en faisant valoir que, dans le cadre d'une obligation assortie d'une condition suspensive, le contrat ne pourra être formé que si l'événement incertain, dont dépend la condition, se produit et que si elle n'intervient pas, l'obligation est anéantie rétroactivement selon l'article 1304-6 du code civil, de sorte que le contrat n'est pas formé.

Elle évoque à ce stade l'obligation de délivrance du bailleur, quand bien même des travaux seraient à la charge du preneur et se réclame de deux arrêts de cours d'appel ayant résilié un contrat de bail commercial aux torts exclusifs du bailleur alors que des travaux avaient été réalisés sans autorisation administrative ou lorsque le bailleur avait déclaré faire son affaire personnelle d'un arrêté de fermeture.

Elle fait état d'un 'vice du consentement' pour dire, d'abord, qu'elle a rempli ses obligations en déposant un dossier daté du 07 janvier 2020, malgré le bref délai imparti, qui portait sur une demande d'autorisation administrative qui s'est révélée consister en un permis de construire et non point une déclaration de travaux et qu'eu égard aux exigences nouvelles formulées par la bailleresse ainsi qu'aux délais d'instruction d'un permis de construire, elle n'a pu obtenir aucun accord à la date du 07 mars 2020, de sorte que la condition suspensive n'était pas réalisée à cette date et que, de fait, le bail devenait caduc ; et pour affirmer, ensuite, que son consentement a été vicié par l'erreur elle soutient que l'autorisation administrative convenue a, en fait, porté sur un permis de construire, condition de validité du contrat, en précisant que si elle avait été informée de son délai de traitement elle n'aurait jamais accepté les délais stipulés.

Poursuivant la confirmation du jugement, l'intimée y réplique point par point et argue du caractère définitif du bail, faute pour la société WSPF de s'être prévalue d'une absence d'autorisation de travaux avant le 07 mars 2020, soutenant, de plus, qu'une erreur de droit est dénuée de portée ou observant que le terme 'autorisation de travaux' utilisé dans la clause en cause est un terme générique.

Elle ajoute que non seulement la société WSPF ne s'est pas prévalue de la caducité du bail à bonne date mais elle a renoncé à s'en prévaloir, poursuivant en particulier ses démarches afin d'obtenir une autorisation de travaux après le 07 mars 2020, comme le démontre en particulier le dépôt d'un nouveau permis de construire, le 26 décembre 2020, finalement obtenu le 15 juillet 2021.

Et, soulignant la contradiction de son adversaire qui invoque tout à la fois la caducité du contrat de bail et le manquement de la bailleresse à l'obligation de délivrance prévue à l'article 1719 du code civil qui suppose la formation du contrat, elle se défend d'y avoir manqué en se prévalant de la destination contractuelle du bail (soit : 'un local d'activité'), des termes du constat dressé par huissier de justice le 04 juin 2020 qui lui faisait, en outre, sommation de venir retirer les clefs du local, ou encore du fait que le refus de la première demande de permis de construire résultait des seules défaillances de la société WSPF dans son projet.

Ceci étant exposé, il résulte des textes visés par le tribunal que l'obligation conditionnelle se définit comme celle qui dépend d'un 'événement futur et incertain' et que la condition est suspensive lorsque son accomplissement donne naissance à l'obligation.

Tel est le cas en l'espèce puisque les parties étaient convenues d'une condition nécessaire à la naissance du bail commercial qui n'existait qu'en germe, s'agissant de l'obtention d'une 'autorisation administrative' dont, à raison, la bailleresse soutient qu'elle pouvait s'entendre aussi bien d'une déclaration de travaux que d'un permis de construire, de sorte que la société WSPF, dotée de compétences sur ce point en raison de sa sphère d'activité professionnelle et qui avait le devoir de se renseigner sur les exigences administratives liées aux travaux et aménagements envisagés à son initiative, n'est pas fondée à se prévaloir d'une erreur excusable qui aurait vicié son consentement.

Cette condition suspensive était stipulée dans l'intérêt de la société WSPF jusqu'au terme fixe convenu, à savoir le 07 mars 2020, et il est constant qu'elle n'y a pas alors renoncé, comme le permet l'article 1304-4 du code civil modifié par ordonnance du 20 avril 2018 selon lequel 'une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli'.

Pas plus qu'il n'est établi qu'elle ait sollicité de sa cocontractante la prorogation de ce terme fixe par un avenant à leur contrat.

La condition suspensive étant censée défaillie lorsque l'événement qui devait intervenir dans un temps fixe ne s'est pas produit à son expiration, le contrat était caduc à cette date, comme cela ressort de l'article 1304-6 du code civil disposant en son dernier alinéa qu' 'en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé'.

Toutefois, il ne s'agit pas de dispositions d'ordre public, ainsi qu'énoncé dans le rapport au Président de la République afférent à l'ordonnance du 10 février 2016, et les parties peuvent en convenir autrement, ainsi que cela ressort du dernier paragraphe de la clause du contrat de bail reprise ci-dessus, à savoir : 'A défaut de se prévaloir du refus de ladite autorisation, et à en justifier, à l'issue dudit délai de deux mois et quinze jours, soit au plus tard le 07 mars 2020, le preneur déclare reconnaître que le présent bail sera réputé définitif, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable du bailleur ni de l'établissement d'un acte constatant la réalisation de la condition.'.

En application de cette clause faisant la loi des parties la société WSPF ne peut demander à la cour, comme elle le fait, de 'juger que le bail est frappé de caducité'.

Ne peut, par ailleurs, prospérer l'argumentation de l'appelante tenant au défaut de délivrance à laquelle le bailleur s'oblige 'par la nature du contrat', d'autant qu'elle ne poursuit pas dans le dispositif de ses conclusions (qui seul saisit la cour) la résiliation du contrat aux torts de la bailleresse .

La société La Maison du Treizième peut, en revanche, être suivie lorsqu'elle lui oppose les termes du constat de l'état des lieux du 04 juin 2020 auquel la preneuse s'est abstenue de participer et qui contenait une sommation de retirer les clefs du local, comme le fait que les travaux envisagés (résultant de son propre projet défini par son propre architecte) ne consistaient qu'en des travaux d'aménagement et d'équipement des lieux, avec mise en conformité, pour exercer l'activité de Laser Game.

Il s'évince de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette la demande relative à la caducité du contrat de bail commercial.

Le bail est donc devenu définitif, aux termes de la convention, et appelé à produire ses effets.

Sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire

Evoquant le mécanisme de la clause résolutoire insérée dans un bail commercial résultant des dispositions des articles L 145-41 du code de commerce et 1728 du code civil obligeant le preneur à payer le prix du bail aux termes convenus, le tribunal a repris les obligations auxquelles était contractuellement tenue la société WSPF, la clause du bail prévoyant sa résiliation de plein droit un mois après la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux, le détail des sommes portées dans le commandement délivré le 25 novembre 2020 qui visait cette clause résolutoire, et, par ailleurs, rejeté le moyen tiré du défaut de délivrance conforme dont se prévalait, à cet autre stade, la société WSPF.

Jugeant que les causes du commandement de payer n'ont pas été réglées dans le délai imparti, il a constaté la résiliation de plein droit du bail au 25 décembre 2020 et ordonné l'expulsion de la société WSPF.

Cette motivation, dûment étayée, doit être approuvée et le jugement confirmé dès lors que la société WSPF ne fait que se prévaloir, pour s'y opposer, de moyens déjà évoqués tenant à la caducité du bail ou au défaut de délivrance et que la cour, à l'instar du tribunal, les a rejetés plus avant.

Sur les demandes en paiement

Alors que le tribunal a fait droit à la demande en paiement formée par la bailleresse au titre des loyers, provisions sur charges et taxes (comme précisément explicité dans le dispositif de son jugement repris ci-dessus) mais l'a déboutée de sa réclamation au titre des honoraires réglés à l'agence immobilière, a limité le montant de la 'clause pénale du bail relative à la conservation du dépôt de garantie versé' et a rejeté sa demande indemnitaire, la bailleresse intimée, formant appel incident, poursuit la confirmation du jugement sauf en ses dispositions portant sur ces derniers points.

Elle sollicite la condamnation de la société WSPF à lui verser le montant des honoraires de l'agence immobilière (soit la somme de 15.525 euros), l'attribution de l'intégralité du montant du dépôt de garantie (soit : 21.562,50 euros) outre la somme de 227.700 euros (représentant deux ans de loyers) à titre indemnitaire.

Elle ne conteste pas avoir perçu de son adversaire la somme de 60.000 euros dans le cadre d'un protocole d'accord non finalisé, pas plus que la décision en ce qu'elle ordonne la compensation.

L'appelante conclut, quant à elle, à la minoration à un euro de la clause pénale retenue par le tribunal à hauteur de la somme de 1.500 euros et s'oppose aux demandes de son adversaire formées sur appel incident ; elle conteste sa condamnation au titre de la taxe foncière, sollicitant reconventionnellement, outre la restitution du dépôt de garantie et celle de 60.000 euros, l'allocation d'une somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts venant réparer le préjudice qu'elle a subi en raison du comportement de la bailleresse.

Il convient d'apprécier ces créances réciproques postes par poste.

Sur les créances revendiquées par la bailleresse

S'agissant des sommes reprenant les montants figurant au commandement de payer, il y a lieu de considérer que le tribunal n'est pas contesté en sa condamnation au titre des loyers, des provisions sur charges et de la taxe sur les commerces.

S'agissant de la taxe foncière 2020 retenue par le tribunal (à hauteur de 13.082,76 euros) la société WSPF n'est pas fondée à en contester l'imputabilité au motif que le contrat de bail serait caduc, eu égard à ce qui précède, ou à poursuivre une proratisation (selon une demande ne faisant l'objet d'aucune appréciation chiffrée) eu égard aux termes du bail et au fait que la résiliation de plein droit est intervenue dans les derniers jours de l'année 2020.

S'agissant de la demande afférente à la conservation du dépôt de garantie, la société bailleresse conteste l'appréciation du tribunal en ce qu'il a qualifié de clause pénale, partant susceptible de modération, la clause prévoyant qu'il lui restera acquis en cas de résiliation et se prévaut des termes du contrat relatifs au dépôt de garantie et à la clause résolutoire selon lesquels :

'Dans le cas de résiliation du bail pour inexécution de ses conditions ou pour une cause quelconque imputable au preneur, ledit dépôt de garantie restera acquis au bailleur de plein droit à titre de dommages intérêts sans préjudice de tous autres',

' En cas de résiliation suite à un des cas cités ci-dessus ou de résiliation amiable acceptée des deux parties ou en cas de cession de bail autorisée par le renouvellement, la somme due ou payée à titre de garantie par le preneur restera en totalité acquise au bailleur à titre d'indemnité et sans exclure tous autres dommages intérêts s'il y a lieu, nonobstant le paiement dû'.

Il y a lieu de rappeler que la clause pénale peut se définir comme la stipulation d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et par avance l'indemnité due en cas d'inexécution de l'obligation contractée.

Et de considérer qu'en la qualifiant de clause pénale, le tribunal en a fait une appréciation erronée dès lors qu'elle n'en revêt pas les caractéristiques, que ce soit son caractère forfaitaire du fait que n'est pas exclue l'indemnisation d'autres préjudices ou qu'il s'agisse de son caractère coercitif.

Par suite, la société La Maison du Treizième est fondée à solliciter l'infirmation du jugement en cette évaluation et à demander que ce dépôt de garantie (au montant de 21.562,50 euros) lui reste acquis.

S'agissant du montant des honoraires que la bailleresse a été conduite à acquitter à l'agence chargée de la commercialisation du local litigieux, elle fait valoir, en se fondant sur les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, que la somme de 15.525 euros a été versée 'en pure perte' en raison de la faute de la société WSPF qui doit par conséquent l'indemniser de son préjudice à hauteur de ce montant.

Mais la somme a été déboursée en amont de la conclusion du contrat de bail au profit d'un tiers à ce contrat et ne peut être regardée comme une faute constituée par l'inexécution ou le retard dans l'exécution de son obligation par la société WSPF.

Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu'il déboute la bailleresse de cette demande.

S'agissant des dommages-intérêts évalués au montant de 227.700 euros dont la société La Maison du Treizième poursuit l'allocation, le tribunal a rejeté cette prétention au motif qu'elle a délibérément poursuivi la résiliation de plein droit du bail en parallèle du paiement des loyers et qu'elle ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui déjà réparé, d'une part, par la condamnation au paiement des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et, d'autre part, par la résiliation de plein droit du contrat de bail.

Elle fait valoir, sur fondement des articles 1231-1 et 1760 du code civil, que si elle a sollicité le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, c'est à la suite d'inexécutions contractuelles de la preneuse et qu'en outre, cette dernière (qui devait rester dans les lieux durant au moins 6 ans) est tenue de payer le prix du loyer pendant le temps nécessaire à la relocation, laquelle n'est pas réalisée en l'espèce en dépit de ses recherches et démarches et comme vient en attester une pièce n° 22 produite aux débats.

Si l'appelante sollicite le rejet de cette demande dans le dispositif de ses conclusions, elle ne développe aucun moyen de fait ou de droit pour le soutenir, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Cela étant, la société bailleresse ne justifie d'aucun préjudice distinct du retard dans le paiement des loyers et charges au paiement desquels est condamnée la société WSPF et que vient indemniser l'octroi d'intérêts de retard.

S'il est vrai, par ailleurs, que la bailleresse s'est trouvée dans la nécessité de relouer du fait du départ prématuré du locataire et par sa faute, l'article 1760 invoqué évoque 'le temps nécessaire à la relocation' et non point le temps durant lequel le bien n'a pas fait l'objet d'une nouvelle location.

Et l'intimée ne caractérise pas les éléments qui auraient pu faire obstacle à la relocation du local en cause une fois acquise la résiliation du bail, d'autant que la société WSPF affirme sans être contredite qu'elle n'est pas entrée en possession des clefs de ce local.

Elle sera, dans ces conditions, déboutée de sa demande.

Sur les créances de la locataire

S'agissant de la somme de 60.000 euros versée par la société WSPF le 22 février 2022 dans le cadre d'un protocole non finalisé et qui correspondait à une première tranche de paiement de la dette locative négociée dans le projet de transaction, la société bailleresse ne conteste pas l'avoir perçue pas plus qu'elle n'en conteste le remboursement.

Par suite, cette somme doit être admise au rang des créances réciproques dont peut se prévaloir la société locataire.

S'agissant, enfin, de la demande indemnitaire formée par la société WSPF (à hauteur de 30.000 euros), cette dernière entend voir sanctionner le comportement de la société La Maison du Treizième qui l'a conduite à engager d'importants frais d'architecte pour la réalisation 'du' projet et qui s'est 'jouée d'elle' alors qu'elle composait avec cette bailleresse pour trouver des solutions, encaissant en particulier le 22 février 2022, sans justification, ce chèque de 60.000 euros dans le cadre d'une transaction non aboutie qui devait permettre la poursuite du projet.

La bailleresse se défend de toute faute, faisant valoir qu'au contraire elle a attiré l'attention de la preneuse sur les insuffisances de son projet et qu'elle n'est pas responsable du rejet du premier projet, élaboré par la seule société WSPF, et qui était motivé par le fait qu'il comportait trop de parkings dédiés aux visiteurs et insuffisamment aux personnes à mobilité réduite. Elle déduit du fait qu'une seconde demande de permis a été déposée et qu'il a été finalement obtenu, après révision, la preuve qu'elle y est étrangère.

Elle objecte également que son adversaire ne peut tout à la fois poursuivre la caducité du bail et solliciter une indemnisation des frais qu'il a volontairement engagés.

Les premiers juges ont rejeté cette demande indemnitaire au motif qu'elle était corrélée à la demande aux fins de caducité du contrat de bail mais rien ne s'oppose à la recevabilité d'un nouveau moyen tendant aux mêmes fins.

Cela étant, les éléments de la procédure conduisent à considérer que la bailleresse est étrangère au projet d'aménagement dont il est question, comme aux écueils que comportait le premier.

Et si la bailleresse a conservé le chèque remis par la locataire dès avant de s'assurer de la signature du protocole, elle était, à sa date, titulaire d'une importante créance de loyers et de charges impayés sur laquelle ce versement pouvait s'imputer à sa date, étant de plus observé que la société WSPF ne justifie ni ne fait état d'une demande de remboursement en temps réel.

Aussi, par motifs substitués, le jugement sera confirmé en son débouté de cette demande.

Sur les autres demandes

L'équité conduit à condamner la société WSPF à verser à la société intimée la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante qui succombe sera déboutée de ce même chef de demande et condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en sa condamnation de la société Word Security Protect France Sarl au paiement de la somme de 1.500 euros 'au titre de la clause pénale du bail relative à la conservation du montant du dépôt de garantie' et en celle de la société La Maison du Treizième Sas au remboursement du solde de ce dépôt de garantie pour un montant de 20.062,50 euros et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

Déboute la société Word Security Protect France Sarl de sa demande de remboursement de la somme versée au titre du montant du dépôt de garantie ;

Condamne la société Word Security Protect France Sarl au paiement de la somme de 21.562,50 euros d'ores et déjà perçue par la société La Maison du Treizième ;

Condamne la société Word Security Protect France Sarl à verser à la société La Maison du Treizième Sas la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.