Décisions
CA Douai, ch. 1 sect. 1, 12 septembre 2024, n° 21/01785
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 12/09/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/01785 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ7P
Jugement (N° 18/09306)
rendu le 04 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [W] [N]
né le 16 décembre 1970 à [Localité 15]
Madame [VG] [V] épouse [N]
née le 02 mars 1976 à [Localité 14]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentés par Me Thierry Lorthiois, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [O] [Y]-[I]
née le 21 mai 1960 à [Localité 14]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Isabelle Collinet-Marchal, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
Monsieur [M] [T]
né le 30 juillet 1958 à [Localité 13] (Liban)
[Adresse 2]
[Localité 10]
La société MMA Iard Assurances Mutuelles
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 12]
représentés par Me Delphine Lancien, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistés de Me Patrick de Fontbressin, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
Maître [J] [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Libert-Haye
[Adresse 5]
[Localité 9]
assigné en appel provoqué le 29 mars 2023 à personne habilitée
La SCI Le Castel
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 11]
représentée par Me Cindy Dubrulle, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
La SARL Libert Haye Diagnostics exerçant sous le nom commercial 'Ald Diagnostics'
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par Me Manuel de Abreu, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
DÉBATS à l'audience publique du 29 janvier 2024, après rapport oral de l'affaire par Céline Miller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024 après prorogation du délibéré en date du 16 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 janvier 2024
****
Il existe à [Localité 8] un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3], érigé sur une parcelle cadastrée section ZE n° [Cadastre 4], d'une contenance de 2 ares et 80 centiares.
Cet immeuble a été acquis par la SCI Le Castel le 18 septembre 1996, puis par M. [U] [F] et son épouse Mme [A] [H] le 6 septembre 2001, puis par M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] le 28 octobre 2005 et enfin, par Mme [O] [Y] épouse [I] le 2 juin 2017.
Suspectant la présence de mérule dans le plancher de l'étage, laquelle avait été confirmée par la société Valmi, et après avoir obtenu en référé une mesure d'expertise judiciaire ordonnée le 24 avril 2018, Mme [I] a fait assigner ses vendeurs devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 30 novembre 2018 aux fins, principalement, de faire annuler la vente.
Par actes des 21 et 27 décembre 2018, les époux [N] ont fait assigner M. [T] et la société MMA Iard assurances mutuelles, ainsi que les sociétés Le Castel et Libert Haye diagnostics aux fins, principalement, de réclamer leur garantie.
M. [E] [D], expert judiciaire, a déposé son rapport le 14 janvier 2019, confirmant la présence de mérule dans l'immeuble.
Par jugement réputé contradictoire du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
1) Sur l'action de Mme [I] :
- annulé la vente conclue le 2 juin 2017 sur le fondement du dol ;
- ordonné, en conséquence, à Mme [I] de restituer le bien litigieux aux vendeurs ;
- dit que le jugement devrait être publié au service de la publicité foncière aux frais des époux [N] ;
- condamné in solidum ces derniers à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
- 376 401,05 euros au titre du remboursement du prix augmenté des frais de la vente, des honoraires de l'agent immobilier et de la taxe foncière pour les années 2017 et 2018, et dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;
- 41 793,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire exécutée par M. [D], dont distraction au profit de Me Collinet-Marchal ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement ;
2) sur les recours en garantie des époux [N] :
- rejeté toutes les demandes de ces derniers ;
- rejeté les demandes reconventionnelles indemnitaires de M. [M] [T], ainsi que de la SCI Le Castel ;
- condamné in solidum les époux [N], outre aux dépens, à verser à la société Le Castel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre dudit article 700.
Par déclaration du 26 mars 2021, les époux [N] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 24 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré recevable la demande de Mme [I] tendant à la résolution de la vente, ainsi que ses demandes tendant à voir condamner les époux [N] à lui payer :
- le remboursement du prix de la vente, sous astreinte à prononcer ;
- la somme de 1 500 euros par mois en réparation de son préjudice de jouissance ;
- la somme de 37 475,37 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
- la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
ou, subsidiairement, à voir condamner solidairement les époux [N], la société Le Castel, la société Libert-Haye Diagnostics, M. [T] et la société MMA IARD à lui verser les sommes suivantes :
- 114 000 euros au titre des travaux de remise en état, sous astreinte de 200 euros ;
- 24 970 euros en réparation de son préjudice financier ;
- 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- déclaré irrecevable la demande de Mme [I] tendant à retarder le transfert de propriété au remboursement intégral du prix de vente ;
- condamné in solidum les époux [N] et la société Libert-Haye Diagnostics aux dépens de l'incident ;
- condamné in solidum les époux [N], ainsi que la société Libert-Haye Diagnostics, à verser à Mme [I] la somme, pour les premiers, de 1 500 euros et celle, pour la seconde, de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les époux [N] et la société Libert-Haye Diagnostics de leurs demandes formées sur le fondement dudit article 700.
Par ordonnance du 21 mars 2023, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable la demande de Mme [I] tendant à voir condamner in solidum les appelants au paiement à son profit de la somme de 78 658,30 euros au titre de la perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine ;
- condamné Mme [I], outre aux dépens de l'incident, à payer aux époux [N] la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté cette dernière de ses demandes formulées au titre des dépens et des dispositions dudit article 700.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 15 décembre 2023, les époux [N] demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1139, 1231-1, 1240, 1641 et 1643 du code civil, d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente intervenue le 2 juin 2017 et les a condamnés à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
- 376 401,05 euros au titre du remboursement du prix augmenté des frais de la vente, des honoraires de l'agent immobilier et de la taxe foncière 2017 et 2018,
- 41 793,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire exécutée par M. [D] ;
et, statuant à nouveau :
- les mettre hors de cause ;
- débouter Mme [I] de sa demande d'annulation ou de résolution de la vente litigieuse, ainsi que de toutes ses demandes de condamnation formulées à leur encontre ;
Sur l'appel incident de Mme [I], au visa des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile :
- déclarer irrecevable sa demande de report du transfert de propriété à la date de remboursement du prix, ainsi que la demande nouvelle tirée d'un prétendu préjudice patrimonial de 78 658,30 euros au titre de la perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine ;
- en tout état de cause, la débouter de l'ensemble de ses demandes formées à titre incident, ainsi que de sa demande en réparation de la perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine ;
- débouter les intimés de leurs appels incidents et de toutes demandes formées à leur encontre ;
- condamner Mme [I] à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel ;
Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, de l'article L. 124-3 du code des assurances et des articles 1231-1, 1792 et 1641 du code civil :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a condamnés à verser à la société Le Castel la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Subsidiairement, faisant droit à leur appel contre M. [T], la société MMA IARD, la société Libert-Haye Diagnostics et la société Le Castel :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes en garantie formées contre M. [T], son assureur responsabilité MMA, ainsi que contre les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel ;
Statuant à nouveau :
- condamner in solidum M. [T], son assureur responsabilité MMA, ainsi que les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel à les garantir et les relever indemnes, ainsi qu'à leur payer toute somme ou indemnité correspondant à celles mises à leur charge au profit de Mme [I] ;
Subsidiairement :
- condamner in solidum M. [T], son assureur responsabilité MMA, et la société Libert-Haye Diagnostics à leur payer la somme de 109 492 euros au titre du coût de reprise des désordres, outre toutes indemnités mises à leur charge, au profit de Mme [I] ;
- condamner in solidum M. [T], son assureur responsabilité MMA, ainsi que les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel à leur verser les sommes suivantes :
- 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [T], son assureur responsabilité MMA, et la société Le Castel de l'ensemble de leurs demandes formulées à leur encontre ;
- condamner in solidum Mme [I], M. [T], la société MMA IARD, ainsi que les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel à payer les dépens, en ce compris ceux de référés et d'expertise.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 5 décembre 2023, Mme [I] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'astreinte et a partiellement rejeté ses demandes indemnitaires et, statuant sur le surplus :
A titre principal, au visa des articles 1112-1 et 1137 du code civil :
- prononcer la nullité de la vente litigieuse sur le fondement du dol ;
- pour les besoins de la publicité foncière, faire mention de l'effet relatif des parcelles objet du litige ;
A titre subsidiaire, au visa des articles 1112-1 et 1139 du code civil :
- prononcer la nullité de la vente litigieuse sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles ;
A titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1641 et suivants du code civil :
- prononcer l'inopposabilité de la clause élusive de garantie des vices cachés ;
- prononcer la résolution de la vente litigieuse ;
Dans l'éventualité où il serait fait droit à la demande en nullité ou en résolution de la vente, au visa des articles 544, 1231-1, 1103 et 1240 du code civil, et de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution :
- condamner in solidum les appelants à lui restituer le prix de vente et les frais afférents à la vente, soit une somme totale de 380 026,05 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, date de régularisation de la promesse de vente ;
- les condamner in solidum au paiement des taxes foncières qui seraient acquittées postérieurement à l'arrêt à intervenir, sur justification de leur acquittement par elle et ce, jusqu'au transfert effectif de propriété ;
- assortir cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- dire que la décision à intervenir sera publiée au service de la publicité foncière de [Localité 14] 2 aux frais des appelants ;
- condamner in solidum les appelants à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
* 1 500 euros par mois à compter du mois de septembre 2017 jusqu'au jour du transfert effectif de propriété, en réparation de son préjudice de jouissance ;
* 37 475,37 euros, sauf à actualiser, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, date de régularisation de la promesse de vente, en réparation de son préjudice financier ;
* 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
* 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les débours et honoraires d'expertise arrêtés à 13 418,40 euros ;
Dans l'éventualité où il ne serait pas fait droit à la demande de nullité ou de résolution de la vente, au visa des articles 1103 et 1240 du code civil, et de l'article L. 124-3 du code des assurances :
- engager la responsabilité contractuelle des appelants ;
- engager la responsabilité délictuelle des sociétés Le Castel et Libert-Haye Diagnostics, de M.'[T], ainsi que de la société MMA IARD Assurances mutuelles ;
- condamner conjointement et solidairement, ou subsidiairement l'un à défaut de l'autre, les époux [N], la société Le Castel, M. [T] et la société MMA IARD, à lui payer les sommes suivantes :
- 114 000 euros au titre des travaux de remise en état, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir';
- 24 970 euros au titre de son préjudice financier ;
- 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- ordonner la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Libert-Haye Diagnostics de sa créance à concurrence d'une somme de 214 888,40 euros à titre chirographaire et d'évaluation ;
- condamner conjointement et solidairement, ou subsidiairement l'un à défaut de l'autre, les époux [N], la société Le Castel, M. [T] et la société MMA IARD, à lui payer la somme de 15'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les débours et honoraires d'expertise arrêtés à 13 418,40 euros ;
En tout état de cause :
- débouter les appelants, la société Le Castel, la société Libert-Haye Diagnostics, M. [T], ainsi que la société MMA IARD, de l'ensemble de leurs demandes ;
- conformément à l'article 699 du code de procédure civile, autoriser Me Collinet-Marchal à recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par conclusions remises le 5 septembre 2022, M. [T] et la société MMA IARD demandent à la cour, au visa de l'article 909 du code de procédure civile, et des articles 1103, 1112-1, 1139, 1231-1, 1240, 1641, 1643 et suivants, et 1792 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes des appelants au titre de leur recours en garantie formulées à leur encontre ;
- débouter les appelants de leurs demandes de condamnation formulées à leur encontre ;
- débouter Mme [I] de ses demandes formées à leur encontre au titre de son appel incident ;
A titre subsidiaire, pour le cas où la cour infirmerait le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes en garantie formulées à leur encontre :
- condamner la société Libert-Haye Diagnostics à les garantir de toutes condamnations qui seraient éventuellement prononcées à leur encontre et exclure toutes condamnations in solidum avec d'autres parties à l'instance ;
Au visa de l'article 1240 du code civil :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle indemnitaire formée par M. [T] ;
- condamner in solidum les époux [N] à verser à M. [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, ainsi que la somme de 10 000 euros au profit de la société MMA IARD sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises le 22 août 2022, la société Libert-Haye Diagnostics demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de vente du 2 juin 2017 pour dol, débouter les appelants de leurs demandes formulées à son encontre et, subsidiairement, en cas d'infirmation et de résolution de la vente pour vice caché, de :
- débouter les époux [N] et Mme [I], ainsi que M. [T] et la société MMA IARD, de leurs demandes formulées à son encontre ;
- condamner les appelants et Mme [I], outre aux dépens, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître [J] [G], liquidateur judiciaire de la société Libert-Haye, assigné en appel provoqué le 29 mars 2023 par remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat devant la cour.
Aux termes de ses conclusions remises le 13 septembre 2021, la société Le Castel demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formulées par les époux [N] à son encontre ;
- débouter Mme [I] de son appel incident formé à son encontre et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [N] et Mme [I] de leurs demandes formulées à son encontre ;
à titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité de la vente intervenue le 2 juin 2017 et à considérer qu'elle est tenue de garantir les appelants :
- dire qu'elle ne peut être tenue à garantie que dans la limite des sommes qu'elle a perçues quand elle a vendu l'immeuble à M. [F] en 2001, soit la somme de 157 022,49 euros ;
en toutes hypothèses :
- condamner les appelants à lui verser les sommes suivantes :
- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient d'observer qu'ont déjà été traitées par le conseiller de la mise en état, dont la décision est devenue définitive, les demandes des époux [N] tendant à voir déclarer irrecevables celles de Mme [I] aux fins de report du transfert de propriété à la date de remboursement du prix et aux fins d'indemnisation de sa perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine.
Elles ne seront donc pas évoquées.
I- Sur l'action de Mme [I]
I-1. Sur la demande en annulation de la vente
M. et Mme [N] sollicitent à titre principal l'infirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci a prononcé, sur le fondement du dol, l'annulation de la vente du 2 juin 2017 conclue avec Mme [I].
Ils font valoir à cet effet que leurs prédécesseurs dans l'immeuble, à savoir la société Le Castel, puis les époux [F], y avaient réalisé d'importants travaux, portant notamment sur la couverture et les chéneaux ; qu'après avoir acquis le bien en octobre 2005 des époux [F], ils ont constaté, au printemps 2008, l'apparition d'infiltrations au niveau du chéneau en zinc et ont obtenu, par ordonnance de référé du 20 avril 2010, la désignation d'un expert judiciaire en la personne de M. [R], ensuite remplacé par M. [T] qui a déposé son rapport le 5 septembre 2014, excluant la présence de mérule dans l'immeuble et relevant un taux d'humidité correct des éléments bois structurels de l'immeuble, à savoir la charpente, le plancher et l'escalier, et recommandant la réalisation de travaux pour pallier les infiltrations liées à des défauts d'exécution de travaux en 1999. Ils précisent que l'expert se fondait, pour écarter la présence de mérule, sur les conclusions de la société ALH Diagnostics, laquelle avait pu visiter l'immeuble et examiner notamment le plancher en bois ; que par ailleurs, l'expert a expressément indiqué dans son rapport qu'aucun traitement n'était à prévoir pour le mérule.
Ils soutiennent que la réticence dolosive ne peut être confondue avec le simple manquement à une obligation pré-contractuelle d'information en l'absence de caractérisation de l'élément moral du dol ; que si l'acte de vente comportait une clause spécifique aux termes de laquelle ils attestaient n'avoir pas eu connaissance de signes de présence de mérule dans l'immeuble, c'est à tort que le premier juge a estimé qu'ils s'étaient rendus responsables de réticence dolosive en n'évoquant pas, dans l'acte de vente, les suspicions passées de présence de ce champignon dans l'immeuble et les conclusions de l'expertise qu'ils avaient fait réaliser dès lors que ces suspicions avaient été écartées de manière péremptoire par les conclusions du rapport d'expertise de M. [T] et de son sapiteur, dont ils n'avaient pas de raison de douter, et qu'ils avaient par ailleurs fait réaliser les travaux préconisés par ce rapport pour pallier les sources d'infiltration sans ménager leurs dépenses ; que si la société TBRC, qui est intervenue ultérieurement à leur demande dans l'immeuble, a pu détecter la présence de pourriture cubique sur la sablière, ce désordre situé à un tout autre endroit n'avait rien à voir avec le plancher depuis incriminé, ainsi que l'atteste la note technique réalisée par M. [P] [L], expert indépendant qu'ils ont mandaté postérieurement au jugement de première instance, d'autant que cette sablière a été par la suite intégralement remplacée dans le cadre de travaux qu'ils ont confiés à la société [BR] ; qu'il ne peut dès lors leur être reproché d'avoir, tout en ayant connaissance de la présence effective d'un champignon parasite dans l'immeuble, sciemment omis de transmettre à l'acquéreure des informations qui auraient été déterminantes de son consentement.
Mme [I] sollicite à titre principal la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'annulation de la vente litigieuse sur le fondement du dol.
Elle soutient que l'acte de vente contient une clause par laquelle ses vendeurs ont déclaré n'avoir jamais constaté 'l'existence de zones de condensation interne, de traces d'humidité, de moisissures, ou encore de présence d'effritements ou de déformation dans le bois ou de tâche de couleur marron ou l'existence de filaments blancs à l'aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon [mérule]' ; que si cette clause est habituelle dans les actes notariés de vente d'immeuble, elle n'en est pas pour autant dénuée de valeur ; que les époux [N] ont cependant sciemment omis de l'informer de ce que des traces évocatrices de la présence de mérule avaient été successivement constatées dans l'immeuble par M. [S] de la société Valmi bâtiment en décembre 2008, puis par M.'Langham, expert d'assurance Macif en 2009, puis par M. [C], autre expert Macif, et enfin par M. [R], expert judiciaire initialement désigné.
Elle ajoute que si M. [T], expert judiciaire intervenu en remplacement de M. [R], a écarté dans son rapport final la présence de mérule alors même que celle-ci avait été constatée en 2009 et 2010, c'est sur la base de conclusions erronées de son sapiteur, la société Libert-Haye Diagnostics, posées à la suite d'une investigation très superficielle, sans aucun sondage, et alors même que les conclusions de ce sapiteur n'étaient pas tranchées, celui-ci s'étant contenté d'indiquer qu'il n'avait pas été détecté de 'traces de champignons lignivores actifs', ce qui ne permettait pas d'écarter la présence de champignons non actifs.
Elle soutient qu'à supposer que les consorts [N] aient pu se convaincre des conclusions de M. [T], la bonne foi contractuelle leur imposait néanmoins de l'informer :
- du sinistre résultant du défaut d'étanchéité, survenu en juin 2008, en lui remettant un exemplaire du rapport dressé par le cabinet AEXP, expert d'assurance MACIF ;
- de la procédure d'expertise judiciaire en lui communiquant, préalablement à la vente définitive, une copie de la note n°1 de M. [R] et du rapport d'expertise déposé par M. [T] le 5 septembre 2013, peu important les conclusions de ce dernier.
Elle affirme que dès lors qu'ils avaient eu de très fortes suspicions concernant la présence de mérule, qui les avaient amenés à solliciter la désignation d'un expert judiciaire, les vendeurs ne pouvaient ignorer le caractère déterminant de cette information ; qu'au demeurant, ils avaient eux-mêmes et par l'intermédiaire de leur conseil et de leur expert d'assurance, soulevé les incohérences et inexactitudes du rapport de M.'[T], montrant leur connaissance des désordres affectant l'immeuble (infiltrations depuis 10 ans notamment) ; que le remplacement des bois pourris par des pièces récentes atteste de l'intervention des précédents propriétaires pour remédier à l'état dégradé du plancher et des solives et de leur connaissance des désordres ; qu'en dépit du constat de la présence de mérule dans la maison par le cabinet AEXP, il n'a été entrepris aucune démarche d'éradication du champignon, les seuls travaux effectués par les époux [N] ayant consisté en la réfection des chéneaux et de la toiture par la société [BR] en 2016, pour mettre un terme aux infiltrations, lesquels n'ont pu résoudre les désordres d'ores et déjà causés par l'humidité ; que les vendeurs ont reconnu, aux termes d'une note adressée à l'expert M. [D] le 8 octobre 2018, avoir confié à la société TBRC, spécialisée dans le traitement des bois et murs, une 'mission de contrôle de la présence éventuelle de champignon, de l'état du caisson du chéneau et de la sablière avec dépose du chéneau', laquelle a permis de mettre en évidence la présence de pourritures cubiques sur la sablière, mais qu'ils se sont gardés d'en informer leur acquéreur, dans le but manifeste de parvenir à la vente, ce qui suffit à attester l'élément intentionnel du dol ; que s'ils affirment avoir remplacé cette sablière, ils ne peuvent ignorer que le remplacement d'une pièce saine n'est pas suffisant à éradiquer la mérule présente dans un immeuble ; qu'ils se sont d'ailleurs abstenus de lui communiquer les factures TBRC et [BR] préalablement à la vente ; que la réalisation prétendue par les vendeurs de travaux de nature à corriger les désordres est indifférente dès lors qu'il suffit, pour caractériser le dol, de rechercher s'ils avaient ou non constaté, du temps de leur occupation, des indices révélateurs de la présence de mérule, ce qui est bien le cas en l'espèce.
Tout en relevant l'absence de caractère contradictoire de la note technique de M. [L], expert indépendant, produite par les appelants, lequel ne s'est pas déplacé à son domicile pour réaliser ses constatations, elle souligne que cette note ne permet pas d'écarter la présence de mérule puisque l'expert affirme qu'elle pouvait être suspectée. Elle ajoute que cette suspicion, qui n'a été suivie d'aucune information à son égard avant la vente, suffit à caractériser la réticence dolosive des époux [N], peu important leur absence de certitude concernant l'infestation de l'immeuble par le champignon.
Enfin, elle affirme que cette réticence dolosive a porté sur des éléments déterminants du consentement, s'agissant de désordres susceptibles d'affecter la structure même de l'immeuble, et donc la sécurité des occupants.
Sur ce
En vertu de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Aux termes de l'article 1130 du même code, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1131 du même code dispose que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
L'article 1137 précise que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ; que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
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En l'espèce, le contrat de vente conclu entre les parties en la forme authentique le 2 juin 2017 comporte une clause intitulée 'Mérules', aux termes de laquelle :
' Les parties ont été informées des dégâts pouvant être occasionnés par la présence de mérules dans un bâtiment, la mérule étant un champignon qui se développe dans l'obscurité, en espace non ventilé et en présence de bois humide.
Le bien ne se trouve pas actuellement dans une zone de présence d'un risque de mérule délimité par un arrêté préfectoral.
Le vendeur déclare ne pas avoir constaté l'existence de zones de condensation interne, de traces d'humidité, de moisissures, ou encore de présence d'effritements ou de déformation dans le bois ou de tâches de couleur marron ou l'existence de filaments blancs à l'aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon.'
Cependant, il résulte du procès-verbal de constat établi le 30 juin 2017 par Maître [X] [Z], huissier de justice, à la demande de la Sarl ECH, représentée par M. [FN], chargée de la réalisation de travaux de réfection dans l'immeuble nouvellement acquis par Mme [I], que la présence de champignons caractéristiques de la mérule a pu être constatée à plusieurs endroits sur les solives mises à nu du plancher du premier étage, plusieurs d'entre elles étant très dégradées, que par ailleurs, le plancher du premier étage présente par endroits une pente importante, que des pièces de bois ont été remplacées de manière récente dans les solives, et que l'artisan lui a déclaré que c'était des fuites de toiture qui étaient à l'origine des désordres constatés, tandis que Mme [I] lui a remis une facture de la société [BR] en date du 20 janvier 2016 relative à des travaux de réfection de toiture commandés par les époux [N].
Dans le cadre d'un diagnostic réalisé le 8 septembre 2017, la société Valmi bâtiment, représentée par M. [S], confirme que 'les dégradations constatées sont bien dues à la présence de champignon de pourriture cubique Serpula lacrymans, plus communément appelé la mérule', ajoutant que 'le diagnostic visuel dans les zones les plus sensibles ne permet pas d'appréhender l'étendue des dégradations dans le bâtiment par les champignons lignivores' et que 'le sinistre ne peut être réellement cerné qu'au terme d'un démontage progressif'. Elle préconise l'application d'un traitement curatif spécifique et précise que celui-ci ne pourra être appliqué avec sécurité que si les travaux de mise hors d'eau du bâtiment ont été effectués et les sources d'infiltration supprimées.
La présence de la mérule dans l'immeuble, sur le solivage de plancher du premier étage et en sous-face de parquet, mais également sur les maçonneries, a également été confirmée dans le cadre de l'expertise judiciaire confiée à M. [E] [D] à la requête de Mme [I].
Ainsi, l'expert relève, en synthèse, les constatations suivantes :
'Des désordres passés a priori non évolutifs sont visibles dans le plancher du 1er étage :
- Ces désordres consistent essentiellement en la dégradation prononcée des encastrements de solives dans la maçonnerie.
- La grande majorité des solives visibles, au nombre de 18, sont tellement dégradées qu'elles n'assurent plus la transmission des efforts de portance au gros oeuvre.
- Le bois présente des dégâts de pourriture cubique.
- Le bois présente également des dégâts consécutifs à des insectes à larves xylophages.
- L'état hydrique des maçonnerie est bon et sec, sans trace d'humidité. Cet état hydrique a été contrôlé à l'aide d'un humidimètre capacitif et à pointe en de nombreux endroits à proximité des extrémités des solives.
- L'état hydrique des solives est bon : entre 10 et 15 %. Cet état hydrique a été contrôlé à l'aide d'un humidimètre résistif à pointes isolées.
- De nombreux restes de mycélium non actifs sont présents sur les maçonneries et sur les solives.
- Des prélèvements ont été faits :
1- Mycélium sur solives en dressing,
2- Mycélium sur maçonnerie en dressing,
3- Dégâts d'insectes en solives à proximité du conduit de cheminée en chambre double,
4- Mycélium sur solives en couloir donnant sur chambre double.
- Ces échantillons seront analysés par un laboratoire pour identification formelle des agents biologiques de dégradation.
- Il a été de plus constaté que des tentatives de réparation ont été faites en solivage couloir, afin de redonner une planéité et une horizontalité nécessaire à la bonne pose d'un parquet sur plancher, et faisant suite à l'affaissement des solives du fait de leur dégradation. Constat fait dans les solives du couloir donnant à la chambre double.
- Sur le palier en haut de l'escalier : deux solives ont été coupées à 20 cm de la maçonnerie. Les trous en maçonnerie semblent avoir été bouchés par du mortier, et les jours ainsi réalisés comblés par des petits tronçons de solives, mais qui de fait, n'assurent aucune portance ni transmission de charges au gros oeuvre. Ces rajouts de pièces permettent simplement de faire reposer le parquet dans la continuité de son plan. (...)'
L'expert note par ailleurs des désordres a priori évolutifs en salle de bains, liés à l'affaissement du plancher.
L'expert relève en outre que le démontage du plafond de la cuisine, en dessous de la salle de bains, a révélé la présence de dégâts d'insectes mais également de bois dégradés par attaque fongique, la présence de bois d'aspects très différents témoignant d'interventions multiples à dates espacées.
Il précise que l'analyse en laboratoire des différents prélèvements effectués a permis de confirmer la présence de plusieurs occurrences de mérule pleureuse (serpula lacrymans), 'basidiomycète lignivore provoquant de la pourriture cubique brune et nécessitant un taux d'humidité minimal de 22% pour se développer', l'expert précisant que 'ce champignon a la particularité de fabriquer des syrrotes (organe végétatif transportant l'eau) comme ceux observés au sein des prélèvements, lorsque les conditions hydriques sont inférieures à 22 %'.
Il indique que les désordres observés consistent en la dégradation biologique des pièces de bois (pourriture cubique consécutivement à l'attaque de la mérule sur le solivage dans le couloir, galeries d'insectes xylophages), mais que les agents de dégradation ne semblent plus actifs en ce qui concerne les champignons, les conditions de cette activité n'étant plus réunies à la suite des reprises en toiture ayant supprimé les sources d'infiltration connues, ce que confirment les relevés d'humidité en maçonnerie et pièces de bois. Il ajoute que l'activité des insectes xylophages (petites vrillettes) semble passée, celle-ci étant souvent couplée à celle des champignons lignivores.
S'agissant de la cause des désordres, il précise que les fuites passées en toiture et chéneaux ont permis les apports en eau nécessaires au développement de la mérule et ajoute qu'actuellement, l'état hydrique de la maison semble normal, ce qui explique la non-activité apparente actuelle de la mérule qui ne se développe qu'à partir de 22 % d'humidité du bois, mais que celle-ci peut rester néanmoins en veille jusqu'à des taux d'humidité du bois relativement bas (18 %) ou même constituer des réseaux de filaments (sirrotes) aux fins d'assurer l'apport hydrique nécessaire à son développement.
Il résulte de ces éléments que lors de la vente du 2 juin 2017, l'immeuble était affecté par la mérule, champignon lignivore particulièrement destructeur pour les pièces en bois et pouvant affecter la structure de l'immeuble.
* Si les époux [N], vendeurs de l'immeuble, soutiennent qu'ils n'étaient pas informés de la présence de ce champignon et que leur responsabilité ne peut être engagée dès lors que l'expertise judiciaire confiée à M. [T] à leur demande avait expressément écarté en 2014 la présence de ce champignon après avis d'un sapiteur, qu'ils avaient effectué tous les travaux nécessaires pour éliminer les causes d'infiltration dans l'immeuble, et qu'enfin, ils avaient remplacé la sablière atteinte de pourriture cubique constatée par la société TBRC en 2015, il importe en réalité, pour caractériser l'élément moral du dol, de déterminer si l'affirmation contenue dans la clause litigieuse est mensongère à savoir si les époux [N] n'ont pas pu ne pas avoir constaté 'l'existence de zones de condensation interne, de traces d'humidité, de moisissures, ou encore de présence d'effritements ou de déformation dans le bois ou de tâche de couleur marron ou l'existence de filaments blancs à l'aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon.'
Or, à cet égard, il résulte de la note n° 9 annexée au rapport de l'expert judiciaire, M. [E] [D], que les vendeurs ont été informés d'une suspicion de présence de mérule au plus tard dans le courant de l'année 2008, par M. [P] [S], de la société Valmi, lequel a relaté à l'expert s'être rendu à leur domicile une première fois au cours de cette année, avoir inspecté l'escalier et constaté que le limon gauche pour la partie en appui contre le mur (partie haute) était dégradé et présentait de la pourriture cubique, avoir alors suspecté la présence de mérule, en avoir fait part oralement à M. [N], puis avoir transmis en décembre 2008 à M. [K], expert Macif, un devis en vue d'un sondage, lequel n'a pas été suivi d'effet. Il a précisé avoir de nouveau été sollicité le 26 juillet 2012 dans le cadre de l'expertise judiciaire, à l'occasion de laquelle il a ouvert le plafond de la salle à manger en deux endroits (côté jardin et côté escalier) dont il a pu constater qu'ils étaient affectés par la présence de dégâts de champignons lignivores de type mérule. Il a indiqué avoir alors transmis à l'expert et M. [N] un devis pour une dépose de plus grande ampleur en vue de vérifier l'étendue de la mérule, auquel il n'a pas été donné suite. Il ajoute, enfin, s'être rendu une troisième fois sur place à la demande de Mme [I] le 4 septembre 2017 et l'avoir informée de la présence de mérule.
En 2008, les époux [N] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de leur assureur, la Macif, à la suite d'un désordre en façade ayant révélé que les chéneaux présentaient des fissurations infiltrantes et que les murs étaient humides. Un expert d'assurance a alors été désigné en la personne de M. [K], du cabinet AEXP, lequel a relevé, dans son rapport du 16 février 2009, la présence de mérule sur les charpentes (p. 3 : 'Des fuites se produisent sur le chéneau en zinc du domicile de M. [N] et occasionnent des dommages de mérule sur la charpente. Les fuites sont consécutives à une non-conformité des ouvrages de zinguerie (...) réalisés en 1999 par la Sarl [MS] pour le compte de l'un des anciens propriétaires, la société Lecatel (sic). Les dommages concernent les ouvrages de charpente et notamment le développement d'un champignon xylophage de type mérule' ; p. 6 : 'Par ailleurs, j'ai noté la réalisation d'une double paroi en fond de chéneaux, emplie de laine de verre. Cette réalisation partant peut-être d'un bon sentiment de vouloir isoler participe à la rétention d'eau et d'un facteur aggravant favorable au développement du champignon.').
Une expertise judiciaire a ensuite été ordonnée le 20 avril 2010 à la demande des époux [N], confiée dans un premier temps à M. [R], puis en raison de la carence de celui-ci, à M. [T] en 2014.
Or il ressort de la note n°1 d'expertise rédigée par M. [R] à la suite du rendez-vous d'expertise du 6 septembre 2010, dont les époux [N] ont eu communication, que l'expert a constaté la présence de pourriture cubique sous l'escalier en bois : 'de l'eau s'infiltre par l'entourage du châssis et par le chéneau, humidifie le mur derrière le doublage et présence d'un champignon sylophage au niveau du limon marche de l'escalier en bois sous L5".
Par la suite, dans un dire adressé à l'expert [T] le 29 août 2014, le conseil des époux [N], s'étonnant de l'évaluation faite par celui-ci des dommages subis, lui 'rappelle que les infiltrations durent depuis plus de 10 ans' et que son 'évaluation laisse à penser qu'elles n'ont fait qu'altérer les embellissements et en aucun cas le bois qui sépare l'endroit de la fuite sur le zinc du chéneau'. Il joint à ce courrier une note technique établie par M. [C], conseiller technique Macif et expert, qui relève que du fait de la non-conformité des travaux sur le chéneau et de l'absence de joint de dilatation, des fissures sont apparues au niveau des soudures, générant au fil du temps des infiltrations lentes, et indiquant que 'les points énumérés ci-dessus ont occasionné progressivement l'apparition de pourriture cubique des bois de charpente, le délitement de la maçonnerie (...).'
Dans son rapport définitif du 5 septembre 2014, M. [M] [T], expert judiciaire, relève la présence d'une trace de moisissure sur une marche d'escalier et de traces de rétention d'eau de pluie dans le chéneau. Cependant, il note que le rapport de son sapiteur, la société ALH Diagnostics, daté du 29 mai 2014, 'conclut à l'absence de champignons lignivores actifs. En d'autres termes, à l'absence de mérule dans la construction. Il a été repéré les traces de présences d'insectes xylophages non actifs dans les combles et le plancher intermédiaire ainsi que d'anciennes traces d'agents de dégradation sur une solive bois intermédiaire, ce qui ne nuit nullement à la solidité de l'ouvrage. Les résultats du diagnostiqueur professionnel sont les suivants :
* concernant le plancher bois des combles : absence de traces d'agents de dégradation sur bois mis en oeuvre (...)
* concernant la charpente des combles : absences de traces d'agents de dégradation, présence de petites traces de moisissure
* concernant l'escalier (utilisation d'une caméra endoscopique) : absence de traces d'agents de dégradation
* concernant le dessus du plancher intermédiaire : présence d'anciennes traces de ptilinus (insecte xylophage) dans la chambre et dans le dégagement : non actifs
- concernant le dessous du plancher intermédiaire et des solives : présence d'anciennes traces de ptilinus dans chambre et dégagement (non actifs) et présence de traces anciennes d'agents de dégradation sur solive bois réparée.'
Or, c'est à tort que cet expert déduit de l'absence de champignons lignivores actifs l'absence de mérule dans la construction alors qu'il conclut plus loin à la présence de 'traces anciennes d'agents de dégradation' qui, bien que sans la désigner nommément, ne peuvent que faire référence à la mérule dès lors que les insectes xylophages sont par ailleurs décrits par l'expert, et qu'il est bien connu, ainsi que l'a expliqué plus tard l'expert [D] dans son rapport, que la mérule peut rester à l'état latent pendant très longtemps, pour se réactiver si les conditions d'hygrométrie redeviennent favorables à son développement.
Les époux [N], qui ne pouvaient ignorer cette circonstance alors qu'ils étaient en procédure depuis plusieurs années en raison de suspicions de présence de mérule dans leur immeuble, ne peuvent donc prétendre avoir été totalement rassurés par le rapport de M. [T], alors qu'ils écrivaient à leur expert d'assurance le 18 août 2014, à la suite du dépôt du pré-rapport d'expertise, se réjouir d'apprendre 'après 6 ans l'absence de champignon lignivore actif dans la construction contrairement aux diagnostics de la société Valmy mandatée en 2008 par le cabinet AEXP.'
Le fait que la présence d'un champignon lignivore actif ait été écartée par le rapport [T] n'est donc pas de nature à exclure la présence d'un tel champignon à l'état latent.
En tout état de cause, à supposer même que ce rapport ait pu rassurer les époux [N] sur l'absence de mérule dans leur habitation, la bonne foi contractuelle leur imposait de faire part à leur acquéreur des suspicions qu'ils avaient pu entretenir à la suite de constats effectués par des hommes de l'art et de la procédure d'expertise judiciaire qui s'en était suivie, en lui communiquant les différents rapports intervenus.
Les époux [N] ont enfin omis de communiquer à Mme [I] la note qui leur a été communiquée par la société TBRC le 8 septembre 2015, mentionnant la 'présence de pourriture cubique sur la sablière' et que 'plusieurs tranches de cette sablière avaient été précédemment remplacées', ainsi que la facture de travaux de réfection de couverture et zinguerie réalisés par la société [BR] en date du 20 janvier 2016, dont il ressort que la panne sablière a été remplacée.
Or il est connu que le remplacement de pièces infectées par la mérule ne suffit pas à éradiquer ce champignon dès lors qu'il est présent dans un immeuble et qu'il est bien souvent nécessaire de traiter celui-ci, ainsi que l'a d'ailleurs recommandé l'expert [D] dans son rapport.
Les époux [N] tentent enfin de tirer argument d'un rapport extra judiciaire, réalisé à leur demande par M. [P] [L], architecte D.P.L.G. et expert judiciaire près la cour d'appel de céans, pour démontrer que la seule présence de pourriture cubique sur la panne sablière détectée en 2015 ne pouvait leur permettre d'identifier la présence effective de mérule dans l'immeuble alors que le rapport [T] les avait rassurés sur ce point.
Bien que ce rapport ait été effectué de manière non contradictoire et sans que l'expert ait pu visiter les lieux, il a été soumis au contradictoire des parties dans le cadre des débats et la cour est tenue de l'examiner.
Or, celui-ci relève que 'les fuites en couverture et, notamment, en chéneau, ont apporté une humidité anormale. La dégradation de la panne sablière est directement liée à ces fuites. Les dégradations en plancher sont conséquentes de l'humidité qui a pu redescendre dans les murs avec, bien sûr, à l'origine la présence de spores. Cependant, dans le cas présent, le plancher est séparé du début de la toiture par une remontée des murs de façades (appelée encuvement). Aussi, la présence de mérule au droit des planchers pouvait être suspectée mais pas affirmée puisqu'il n'y a pas de contact entre ces différents bois structurants, même si des filaments de mérule ont pu circuler à travers le mur jusqu'au plancher.'
Cette note vient donc confirmer qu'après la découverte de pourriture cubique sur la panne sablière, la présence de mérule dans l'immeuble pouvait être suspectée.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est manifestement de mauvaise foi que les époux [N] ont conclu le contrat de vente litigieux en affirmant n'avoir jamais eu connaissance d'éléments évocateurs de la présence de mérule, ce qui était faux, tout en omettant de transmettre à leur acquéreure les informations concernant les inquiétudes fortes et légitimes qui les avaient occupés pendant plusieurs années, l'historique de la maison et les constatations des différents hommes de l'art ayant eu à intervenir, alors que la connaissance de telles informations était de toute évidence de nature à déterminer le consentement de leur contractante, l'infestation d'un immeuble par ce champignon pouvant en altérer la structure même et par conséquent le fragiliser de manière significative.
Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'annulation de la vente litigieuse sur le fondement du dol.
Les demandes subsidiaires de Mme [I] sont donc sans objet.
I-2. Sur les conséquences de l'annulation de la vente
L'article 1178 du code civil dispose que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ; que les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ; qu'indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
I-2-1. Sur les restitutions
Aux termes de l'article 1352 du code civil, la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.
L'article 1352-1 dudit code précise que celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.
L'article 1352-3 du même code ajoute que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée ; la valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce que sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s'ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l'état de la chose au jour du paiement de l'obligation.
L'article 1352-5 prévoit que pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution.
L'article 1352-6 dispose que la restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue.
Enfin, l'article 1352-7 précise que celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu'il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande.
* Sur la restitution de l'immeuble et du prix
Sur le fondement de ces textes, c'est à juste titre que le premier juge a ordonné, d'une part, la restitution de l'immeuble par Mme [I], sans que celle-ci soit conditionnée ni différée, et, d'autre part, la restitution par les époux [N] de la somme de 360 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de l'immeuble.
Il convient de préciser que l'obligation de restituer cette somme doit être majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017, date de la vente, en application des articles 1352-6 et 1352-7 susvisés, les époux [N] ne pouvant être considérés de bonne foi.
En revanche, c'est par de justes motifs, qu'il convient d'adopter, que le premier juge a refusé d'assortir d'une astreinte la condamnation des époux [N] à la restitution du prix, dès lors que les voies d'exécution sont de nature à garantir l'exécution d'une telle condamnation, étant observé au demeurant que Mme [I] est parvenue à inscrire une hypothèque judiciaire sur un immeuble appartenant aux époux [N].
Les demandes relatives aux frais de la vente, honoraires de l'agent immobilier, taxes foncières ne peuvent être qualifiées de demandes de restitution, ne s'agissant pas de prestations fournies par l'une des parties à l'autre. Elles seront donc envisagées dans la rubrique relative aux demandes indemnitaires formulées par Mme [I].
* Sur les frais de conservation et d'amélioration de l'immeuble
En application de l'article 1352-5 précité, les époux [N] doivent rembourser à Mme [I] les frais de conservation et d'amélioration de l'immeuble qu'elle a exposés, peu important que ces frais ne soient pas en lien avec la présence de la mérule.
A ce titre, il résulte des éléments produits que depuis son entrée dans les lieux, Mme [I] a fait réaliser des travaux d'aménagement, travaux électriques, travaux d'entretien divers et d'isolation des combles dont elle justifie en pièces 28 et 57 :
1) selon facture ECH du 12 juillet 2017, acquittée le 16 juillet 2017, pour un montant de 22700 euros HT, ont été réalisés des travaux de gros oeuvre, de charpente, plâtrerie, peinture, ponçage des parquets, de pose de plancher dans les combles et dans le dressing, ainsi que la création d'un auvent pour voiture dont le premier juge, estimant que la preuve de ce que cette construction ait été régulière sur le plan administratif n'était pas rapportée, a écarté le remboursement. En appel, Mme [I] ne justifie pas que cette construction ait fait l'objet d'une déclaration de travaux ou d'un permis de construire'; la décision sera donc confirmée sur ce point et le remboursement de cette facture limité à la somme de 19 840 HT, soit 21 824 euros TTC.
2) entretien annuel de la chaudière : 190,30 euros TTC ;
- remplacement vase d'expansion de la chaudière : 219,68 euros TTC ;
- petits travaux divers d'amélioration (facture ECH, portant sur la pose d'un judas sur la porte d'entrée, la pose d'un porte-manteaux, la pose de 2 plafonniers, la fixation d'une poignée sur la porte d'une chambre) : 231 euros TTC
- petits travaux divers d'amélioration de l'électricité (facture ECH, portant sur la pose d'étagères, de barres à rideaux, de plafonniers, le réglage des portes) : 352 euros TTC
- travaux de taille des haies : 122,50 TTC
C'est à tort que le premier juge a écarté le remboursement de ces factures au motif qu'il n'était pas établi qu'elles excédaient la contrepartie de l'occupation du bien, ces dépenses étant remboursables sur le fondement de l'article précité, étant observé qu'il appartenait aux vendeurs, le cas échéant, de formuler une demande d'indemnisation au titre de l'occupation du bien par Mme [I], ce qu'ils n'ont pas fait.
La décision sera donc infirmée sur ce point et les époux [N] condamnés à payer à Mme [I] la somme de 1 115,48 euros en remboursement de ces frais.
3) La facture ECH du 2 août 2017, acquittée le 23 août 2017, portant sur l'isolation des combles est justifiée. Il convient d'en ordonner le remboursement à Mme [I] à hauteur de 3'692,50 euros.
M. et Mme [N] seront ainsi condamnés à rembourser à Mme [I] la somme totale de 26'631,98 euros au titre des frais d'entretien, de conservation et d'amélioration de l'immeuble qu'elle a exposés.
I-2-2. Sur les demandes indemnitaires de Mme [I]
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, les époux [N], dont il a été reconnu qu'ils avaient commis un dol à l'égard de Mme [I], justifiant l'annulation de la vente conclue entre les parties, doivent réparer l'intégralité du préjudice subi par cette dernière du fait de la vente et de son annulation.
* Sur la demande au titre du trouble de jouissance
C'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance dès lors que, du fait de l'anéantissement rétroactif de la vente, elle est réputée n'en avoir jamais été propriétaire.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
* Sur le préjudice matériel
A ce titre, les époux [N] doivent être condamnés à payer à Mme [I] les sommes suivantes, correspondant aux frais qu'elle a inutilement exposés pour la vente :
- 5 163 euros au titre des frais de vente, amputés des droits de mutation,
- 10 000 euros au titre des honoraires de l'agent immobilier,
- 4 863,05 euros au titre des taxes foncières de 2017 à 2023 inclus (507,05+ 731+695+699+700+729+802).
Par ailleurs, c'est à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de Mme [I] tendant au remboursement de ses frais d'emprunt (frais de dossier, assurance du prêt et intérêts), à hauteur de 3 145,88 euros,
Mme [I] est enfin bien fondée à obtenir le remboursement des sommes de :
- 1331 euros et 1331,90 euros au titre des travaux réalisés par la société ECH au cours des réunions d'expertise, suivant factures des 2 août 2017 et 3 juillet 2018 ;
- 1 124,02 euros au titre de la note technique établie par M. [B], architecte, en mars 2018, pour la démonstration du désordre.
- 676,50 euros et 288,09 euros au titre du coût des constats d'huissier dressés par Maître [Z] les 30 juin 2017 et 12 mars 2018.
Les époux [N] seront donc condamnés à payer à Mme [I] la somme totale de 27 923,44 euros en indemnisation de son préjudice matériel.
* Sur le préjudice moral
C'est de manière convaincante que le premier juge, soulignant qu'il n'était pas besoin de rechercher si la situation avait entraîné un désordre psychologique ou psychiatrique pour admettre que la découverte par l'acquéreure, dans la maison nouvellement acquise, de la présence de mérule, entraînant des dépenses importantes en argent et en énergie pour faire venir les huissiers, hommes de l'art et sachants, engager une procédure afin d'aboutir à l'annulation de la vente, et supporter au quotidien la présence d'étais dans sa maison, était nécessairement à l'origine d'un préjudice moral qu'il a justement évalué à la somme de 10 000 euros.
La décision sera confirmée de ce chef.
***
Dès lors, M. et Mme [N] seront condamnés in solidum, la solidarité stipulée dans l'acte étant annulée avec celui-ci, à payer à Mme [I] les sommes de :
- 360 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de l'immeuble, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017 ;
- 26'631,98 euros au titre du remboursement des frais d'entretien, conservation et amélioration de l'immeuble ;
- 27 923,44 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice matériel ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral.
I-3. Sur les autres demandes
I-3-1. Sur les dépens
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné les époux [N], qui succombent, à supporter in solidum les dépens de l'instance au fond, ainsi que les frais de l'expertise judiciaire exécutée par M. [D] et qu'ils ont accordé à Maître Isabelle Collinet-Marchal le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Les époux [N] seront de même condamnés aux dépens de l'appel.
I-3-2. Sur les frais irrépétibles
Les premiers juges ont exactement statué sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient par ailleurs de condamner les époux [N] à payer à Mme [I] la somme de 5'000 euros au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.
II- Sur les recours en garantie
M. et Mme [N] sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté leurs appels en garantie formés à l'encontre de M. [T], expert judiciaire, et de la MMA, son assureur (1), de la société Libert Haye Diagnostics, sapiteur intervenu dans le cadre de l'expertise de M. [T], désormais en liquidation judiciaire (2) et enfin, de la société Le Castel, l'un des précédents propriétaires du bien immobilier objet du litige, qui a fait d'importants travaux à l'intérieur de celui-ci (3).
II-1. A l'encontre de M. [T] et de la société MMA
II-1-1. Sur le recours en garantie
Les époux [N] entendent engager la responsabilité délictuelle de M. [T], expert judiciaire, pour la faute commise par celui-ci dans le cadre de l'exercice de sa mission, les conclusions erronées de son rapport les ayant à tort rassurés sur la présence de mérule dans l'immeuble, qu'il a écarté sur la base du rapport de son sapiteur, ce qui ne leur a pas permis d'informer utilement leur acquéreure.
M. [T] et son assureur, la MMA, concluent au rejet de ces prétentions au motif qu'aucun lien de causalité ne peut être établi entre une faute quelconque de M. [T] et les chefs de préjudice subis par Mme [I] en raison du manquement délibéré de ses vendeurs à leur obligation d'information concernant l'historique du bien vendu et la suspicion de présence de mérule qui ne pouvait être exclue compte tenu des éléments révélateurs récurrents dont ils avaient connaissance, en ce compris l'information donnée par la société TBRC postérieurement au dépôt du rapport [T].
Sur ce
Aux termes de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant qu'à défaut de toute disposition contraire, la responsabilité personnelle d'un expert judiciairement désigné, à raison de fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, est engagée conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile (Civ. 2ème, 8 octobre 1986, 85-14201).
Il résulte du rapport d'expertise de M. [T] en date du 5 septembre 2014 que celui-ci avait reçu communication du rapport d'expertise d'assurance du cabinet Aexp du 16 février 2009 indiquant que la présence de fuites du chéneau en zinc étaient à l'origine de l'apparition de la mérule sur les charpentes et de la note n°1 d'expertise de l'ancien expert M. [R] datée du 29 février 2012, faisant également état(p.27) de la présence de pourriture cubique au niveau du limon d'une des marches de l'escalier, de lames de parquet vétustes et de l'humidité dans les chambres en raison d'infiltrations ; qu'il avait par ailleurs lui-même constaté des traces d'infiltration, une trace de moisissure sur une marche de l'escalier menant à l'étage, le fléchissement du plancher à l'étage ; qu'il a cependant écarté formellement l'hypothèse de présence de la mérule dans l'immeuble sur la base du seul rapport de son sachant, l'entreprise ALH Diagnostics, lequel n'est pas joint à la procédure, mais dont il a retranscrit les conclusions dans les termes suivants :
'Il conclut à l'absence de champignons lignivores actifs. En d'autres termes l'absence de mérule dans la construction.
Il a été repéré des traces de présence d'insectes xylophages non actifs dans les combles et le plancher intermédiaire ainsi que d'anciennes traces d'agents de dégradation sur une solive de bois intermédiaire, ce qui ne nuit nullement à la solidité de l'ouvrage.
Les résultats du diagnostic réalisé par le professionnel sont les suivants :
* concernant le plancher bois des combles : absence de traces d'agents de dégradation sur bois mis en oeuvre ; présence de débris de bois au sol altérés (provenant d'une ancienne charpente : non actifs
* concernant la charpente des combles : absences de traces d'agents de dégradation, présence de petites traces de moisissure
* concernant l'escalier (utilisation d'une caméra endoscopique) : absence de traces d'agents de dégradation
* concernant le dessus du plancher intermédiaire : présence d'anciennes traces de ptilinus (insecte xylophage) dans la chambre et dans le dégagement : non actifs
- concernant le dessous du plancher intermédiaire et des solives : présence d'anciennes traces de ptilinus dans chambre et dégagement (non actifs) et présence de traces anciennes d'agents de dégradation sur solive bois réparée.'
Or, ainsi qu'il a été relevé plus haut, c'est à tort que M. [T] déduit de l'absence de champignons lignivores actifs l'absence de mérule dans la construction alors qu'il conclut plus loin à la présence de 'traces anciennes d'agents de dégradation' qui, bien que sans la désigner nommément, ne peuvent que faire référence à la mérule dès lors que les insectes xylophages sont par ailleurs décrits par l'expert, et qu'il est bien connu, ainsi que l'a expliqué plus tard l'expert [D] dans son rapport, que la mérule peut rester à l'état latent pendant très longtemps, pour se réactiver si les conditions d'hygrométrie redeviennent favorables à son développement.
En raison des inexactitudes et approximations de son rapport, M. [T] a donc commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle.
Cependant, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, le préjudice des époux [N], à savoir l'annulation de la vente et leur obligation de rembourser le prix de vente et de payer des dommages et intérêts à leur acquéreure, a été causé non par leur affirmation fausse que l'immeuble n'était pas infesté par la mérule, mais par leur affirmation qu'ils n'avaient pas eu connaissance de signes de présence de ce champignon dans l'immeuble, ce qui était manifestement faux.
Alors que l'exigence de transparence contractuelle les obligeait à faire part de leurs suspicions passées, de l'historique de l'immeuble avec les différentes constatations réalisées au fil des ans, des conclusions du rapport d'expertise [T] et de son sachant, de la note de l'entreprise TBRC et du remplacement de la panne sablière, les époux [N] n'en ont rien fait et sont donc entièrement responsables de leur préjudice.
Ils ne peuvent en effet valablement arguer que le rapport [T] les avait totalement rassurés sur les suspicions entretenues pendant plusieurs années sur la base de constatations objectives d'hommes de l'art, alors qu'ils ont par la suite confié une mission complémentaire d'inspection de la charpente à l'entreprise TBRC, qui les a informés de l'infestation de la panne sablière, qu'ils ont remplacée tout en ne pouvant manquer d'ignorer que le seul remplacement d'une pièce infestée ne pourrait éradiquer le champignon dans l'immeuble.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle les a déboutés de leur appel en garantie, le lien de causalité entre la faute de M. [T] et leur préjudice n'étant pas établi.
II-1-2. Sur la demande reconventionnelle indemnitaire de M. [T]
Il résulte des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, l'abus par les époux [N] de leur droit d'agir en justice n'apparaît pas caractérisé alors que la faute de M. [T] est établie et que ce n'est qu'au terme d'une analyse complexe du lien de causalité qu'il n'a pas été condamné à les garantir de leurs propres condamnations.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
II-2. A l'encontre de la société Libert Haye Diagnostics
Les époux [N] sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci les a déboutés de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Libert Haye Diagnostics, et la condamnation de cette société, in solidum avec M. [T], l'assureur de celui-ci et la SCI Le Castel, à les garantir et relever indemnes de toute condamnation pouvant être prononcée à leur encontre et à leur payer toute somme ou indemnité correspondant à celles mises à leur charge au profit de Mme [I].
Ils justifient de leur déclaration de créance auprès de la liquidation judiciaire de cette société par courrier adressé à Maître [J] [G], liquidateur judiciaire nommé par jugement du 16 janvier 2023, à hauteur de la somme de 214 888,40 euros.
Au soutien de leur demande, ils font valoir que la société ALH Diagnostics a commis une faute dans le cadre de sa mission d'expert et que celle-ci est bien en lien avec leur préjudice, dès lors qu'ils se sont fiés aux conclusions affirmatives de cet expert, lesquelles les ont induits en erreur.
M. [T] et la société MMA assurances mutuelles sollicitent la condamnation de Maître [G], ès qualités, à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre et d'exclure toute condamnation in solidum.
Ils n'invoquent cependant aucun moyen au soutien de cette demande qui se trouve en tout état de cause sans objet dès lors qu'ils n'ont pas été condamnés à garantir les époux [N] de leurs condamnations.
Maître [J] [G], ès qualités, n'a pas conclu dans le cadre de la procédure. Cependant, la société Libert-Haye Diagnostics avait déposé des conclusions d'intimée avant d'être placée en liquidation judiciaire, par lesquelles elle sollicitait la confirmation de la décision entreprise et le débouté des autres parties de leurs demandes formées à son encontre.
Elle soutient que la conclusion du rapport [T], non conforme en elle-même à son propre rapport de diagnostic évoquant des dégradations anciennes de solives du plancher et une absence de champignons lignivores actifs, ne pouvait abuser les époux [N], eux-mêmes experts en bâtiment quoique non spécialisés en mérule, qui auraient dû s'entourer de toutes précautions au moment de la vente en 2017 dès lors qu'ils avaient été avertis par plusieurs professionnels (Valmi et Aexp) avant le rapport [T], que le courrier de l'entreprise TBRC, postérieur d'un an au rapport [T], affirmait la présence de pourriture cubique et qu'ils ne pouvaient ignorer que la mérule pouvait se propager au travers des maçonneries humides pour aller infecter les bois se trouvant à proximité.
Sur ce
Vu l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige,
Il résulte du rapport de M. [E] [D], expert judiciaire, qu'à la date du constat effectué par la société Libert Haye diagnostics, le 15 mai 2014, soit 18 mois avant l'importante réfection de toiture effectuée par les époux [N], les apports hydriques étaient présents et permettaient le développement de champignons. L'expert en déduit qu'à cette date, la mérule était présente et très probablement active et qu'il pouvait y avoir d'autres champignons lignivores actifs.
Il précise qu'il ressort des éléments fournis par les parties que l'inspection menée par le diagnostiqueur s'est faite sans démontage ni observation représentative de l'état sanitaire de l'ensemble du solivage alors que, compte tenu de l'ampleur de l'ouvrage, un examen représentatif doit être effectué, en effectuant les ouvertures nécessaires aux observations des endroits critiques de l'ouvrage, pour pouvoir déterminer s'il y a ou non présence de champignons lignivores, et si ces derniers sont actifs ou non. Il ajoute qu'en fonction de la localisation des fuites en toiture, et donc des infiltrations, mais également en fonction des dates de réparation des différentes fuites, à un instant donné il est tout à fait possible que des champignons lignivores ne soient pas ou plus actifs alors qu'à d'autres endroits, et dans le même temps, ils peuvent l'être, et prospérer.
Il conclut que les extraits du rapport de diagnostic reproduits dans le rapport [T] ne sont pas clairs et que la méthodologie précise prescrite par la norme NF P 03-200, qui impose de faire un examen le plus complet possible de la situation de l'immeuble, et notamment de préciser les parties cachées ou inaccessibles de l'immeuble qui n'ont pas fait l'objet de sondages et/ou d'examen visuels, n'a pas été suivie.
Il est ainsi manifeste que la société Libert Haye diagnostics n'a pas respecté la méthodologie recommandée ni pris les précautions d'usage dans ses conclusions en précisant que l'absence de traces de champignons lignivores actifs ne permettait pas de conclure à l'absence de tout champignon dans l'immeuble, que ce soit à l'état latent ou à l'état actif mais dans un endroit non examiné de l'immeuble.
Cependant, c'est à juste titre que, de la même manière que pour l'expert [T], le premier juge a écarté l'existence d'un lien de causalité entre cette faute du sapiteur et le dommage des époux [N], causé par leur omission dolosive de préciser qu'ils avaient détecté des traces de présence de mérule dans l'immeuble.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté les époux [N] de leur appel en garantie.
II-3. A l'encontre de la société Le Castel
II-3-1. Sur le recours en garantie
De même qu'en première instance, les époux [N] revendiquent la garantie de la société Le Castel, propriétaire de l'immeuble entre 1996 et 2001, celle-ci ayant fait réaliser d'importants travaux à l'origine des infiltrations ayant favorisé la propagation de la mérule dans l'immeuble. Ils invoquent à cet effet la garantie des vices cachés (a) et la garantie décennale (b).
a) Sur le fondement de la garantie des vices cachés
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il est constant que si le sous-acquéreur dispose d'une action directe contre le vendeur d'origine à raison du vice caché affectant la chose vendue, il importe néanmoins de rapporter la preuve de l'existence d'un tel vice lors de la vente initiale.
En l'espèce, l'expert [D] expose dans ses conclusions que la 'datation précise ou même approximative est délicate voire impossible en ce qui concerne l'apparition de champignons lignivores ou d'insectes à larves xylophages. Par ailleurs, nous parlons d'une maison d'une certaine étendue. L'apparition peut ne concerner qu'une partie du bâtiment. Si, à un instant donné, des preuves formelles peuvent attester de la présence ou pas d'agents de dégradation, dater a posteriori, et qui plus est plusieurs années après la date d'apparition probable des agents de dégradation du bois, voire des décennies après, s'avère délicat et impossible de façon précise. Tout au plus, des indices peuvent être listés, pouvant mener à des convictions.'
L'expert relève ensuite certains indices lui permettant d'émettre l'avis que 'la présence de mérule ou autre champignon lignivore était avérée dès 2008, appelant une date d'apparition évidemment antérieure, probablement de quelques années compte tenu des infiltrations d'eau résultant des fuites en toiture.'
Or la date précise d'apparition de ces infiltrations n'est pas connue et les époux [F], propriétaires intermédiaires entre la société Le Castel et les époux [N], ont déclaré lors de l'expertise n'avoir jamais constaté d'infiltrations à l'intérieur de la maison.
Dès lors, l'antériorité des vices à la vente intervenue entre la société Le Castel et les époux [F] n'est pas démontrée.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'appel en garantie de cette société sur le fondement de la garantie des vices cachés.
b) Sur le fondement de la garantie décennale
Les époux [N] prétendent que la responsabilité décennale de la société Le Castel peut être recherchée au titre des travaux réalisés à sa demande sur les chéneaux par la Sarl [MS] en 1999.
La société Le Castel soutient que l'action des époux [N] à son encontre sur ce fondement est prescrite.
Sur ce
En vertu de l'article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du même code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
Aux termes de l'article 2230 dudit code, la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.
L'article 2239 du même code dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ; que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
En l'espèce, la société Le Castel a fait réaliser des travaux de chéneaux par la société [MS] suivant facture en date du 17 mai 1999.
Elle a été assignée en référé par les époux [N] aux fins d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile suivant assignation en date du 31 mars 2009.
A cette date, la prescription a donc été suspendue alors qu'il lui restait 1 mois et 17 jours à courir.
En application de l'article 2239 susvisé, elle a recommencé à courir, mais pour une durée limitée à six mois à compter du dépôt du rapport d'expertise de M. [T] intervenu le 5 septembre 2014.
Aucune action ne pouvait donc plus être engagée à l'encontre de la société Le Castel sur le fondement de la responsabilité décennale depuis le 5 mars 2015 et les époux [N], qui ont attrait cette société sur ce fondement juridique par acte du 26 décembre 2018, sont prescrits et donc irrecevables en leur action.
La décision entreprise sera cependant infirmée en ce qu'elle a rejeté, et non déclaré irrecevable, leur demande formée sur ce fondement.
II-3-2. Sur la demande indemnitaire complémentaire au titre du préjudice moral
Les appels en garantie formés par les époux [N] à l'encontre de M. [T], de son assureur, de la société Libert Haye diagnostics et de la société Le Castel étant rejetés au motif principal que les époux [N] sont responsables de leur propre préjudice causé par leur réticence dolosive, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande indemnitaire complémentaire sur le fondement du préjudice moral.
II-3-3. Sur la demande reconventionnelle indemnitaire de la société Le Castel
Vu l'article 1240 du code civil précité,
Pas plus qu'en première instance, la société Le Castel n'allègue ni ne démontre le préjudice qu'elle invoque, résultant de la procédure engagée par les époux [N].
La cour y ajoute que la société Le Castel ne démontre pas qu'en faisant appel d'une décision leur faisant grief, les époux [N] aient fait un usage abusif de leur droit d'ester en justice.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté ces derniers de leur demande indemnitaire pour procédure abusive.
III- Sur les autres demandes
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et frais irrépétibles.
Les époux [N], qui succombent en leur appel, seront condamnés aux entiers dépens de celui-ci, ainsi qu'à payer la somme de 2 500 euros à la société Le Castel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et seront déboutés de leur demande au même titre.
Cependant, l'équité commande de débouter les autres parties de leurs demandes respectives sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour
1) Sur l'action de Mme [Y]-[I]
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] à payer à Mme [O] [Y]-[I] les sommes de :
- 376 401,05 euros au titre du remboursement du prix augmenté des frais de la vente, des honoraires de l'agent immobilier et de la taxe foncière pour les années 2017 et 2018 ;
- 41 793,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne in solidum M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] à payer à Mme [O] [Y]-[I] les sommes de :
- 360 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de l'immeuble, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017 ;
- 26'631,98 euros au titre des frais d'entretien, conservation et amélioration de l'immeuble';
- 27 923,44 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral.
Déboute Mme [O] [Y]-[I] du surplus de ses demandes indemnitaires ;
Condamne in solidum M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] à supporter les dépens de l'instance d'appel ;
Les condamne in solidum à payer à Mme [O] [Y]-[I] la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
2) Sur les recours en garantie de M. et Mme [N]
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes de M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] ;
La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Déclare irrecevable l'appel en garantie formé par M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] à l'encontre de la SCI Le Castel sur le fondement de la garantie décennale ;
Rejette le surplus des appels en garantie formé par M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] à l'encontre de M. [M] [T], de son assureur la MMA, de la Sarl Libert-Haye représentée par Maître [J] [G], en qualité de liquidateur, et de la SCI Le Castel ;
Y ajoutant,
Condamne M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] in solidum aux dépens d'appel ;
Les condamne in solidum à payer à la SCI Le Castel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Les déboute de leur demande à ce titre ;
Déboute les autres parties de leurs demandes respectives sur le même fondement.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 12/09/2024
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/01785 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ7P
Jugement (N° 18/09306)
rendu le 04 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [W] [N]
né le 16 décembre 1970 à [Localité 15]
Madame [VG] [V] épouse [N]
née le 02 mars 1976 à [Localité 14]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentés par Me Thierry Lorthiois, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [O] [Y]-[I]
née le 21 mai 1960 à [Localité 14]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Isabelle Collinet-Marchal, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
Monsieur [M] [T]
né le 30 juillet 1958 à [Localité 13] (Liban)
[Adresse 2]
[Localité 10]
La société MMA Iard Assurances Mutuelles
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 12]
représentés par Me Delphine Lancien, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistés de Me Patrick de Fontbressin, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
Maître [J] [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Libert-Haye
[Adresse 5]
[Localité 9]
assigné en appel provoqué le 29 mars 2023 à personne habilitée
La SCI Le Castel
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 11]
représentée par Me Cindy Dubrulle, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
La SARL Libert Haye Diagnostics exerçant sous le nom commercial 'Ald Diagnostics'
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par Me Manuel de Abreu, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
DÉBATS à l'audience publique du 29 janvier 2024, après rapport oral de l'affaire par Céline Miller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024 après prorogation du délibéré en date du 16 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 janvier 2024
****
Il existe à [Localité 8] un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3], érigé sur une parcelle cadastrée section ZE n° [Cadastre 4], d'une contenance de 2 ares et 80 centiares.
Cet immeuble a été acquis par la SCI Le Castel le 18 septembre 1996, puis par M. [U] [F] et son épouse Mme [A] [H] le 6 septembre 2001, puis par M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] le 28 octobre 2005 et enfin, par Mme [O] [Y] épouse [I] le 2 juin 2017.
Suspectant la présence de mérule dans le plancher de l'étage, laquelle avait été confirmée par la société Valmi, et après avoir obtenu en référé une mesure d'expertise judiciaire ordonnée le 24 avril 2018, Mme [I] a fait assigner ses vendeurs devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 30 novembre 2018 aux fins, principalement, de faire annuler la vente.
Par actes des 21 et 27 décembre 2018, les époux [N] ont fait assigner M. [T] et la société MMA Iard assurances mutuelles, ainsi que les sociétés Le Castel et Libert Haye diagnostics aux fins, principalement, de réclamer leur garantie.
M. [E] [D], expert judiciaire, a déposé son rapport le 14 janvier 2019, confirmant la présence de mérule dans l'immeuble.
Par jugement réputé contradictoire du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
1) Sur l'action de Mme [I] :
- annulé la vente conclue le 2 juin 2017 sur le fondement du dol ;
- ordonné, en conséquence, à Mme [I] de restituer le bien litigieux aux vendeurs ;
- dit que le jugement devrait être publié au service de la publicité foncière aux frais des époux [N] ;
- condamné in solidum ces derniers à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
- 376 401,05 euros au titre du remboursement du prix augmenté des frais de la vente, des honoraires de l'agent immobilier et de la taxe foncière pour les années 2017 et 2018, et dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;
- 41 793,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire exécutée par M. [D], dont distraction au profit de Me Collinet-Marchal ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement ;
2) sur les recours en garantie des époux [N] :
- rejeté toutes les demandes de ces derniers ;
- rejeté les demandes reconventionnelles indemnitaires de M. [M] [T], ainsi que de la SCI Le Castel ;
- condamné in solidum les époux [N], outre aux dépens, à verser à la société Le Castel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre dudit article 700.
Par déclaration du 26 mars 2021, les époux [N] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 24 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré recevable la demande de Mme [I] tendant à la résolution de la vente, ainsi que ses demandes tendant à voir condamner les époux [N] à lui payer :
- le remboursement du prix de la vente, sous astreinte à prononcer ;
- la somme de 1 500 euros par mois en réparation de son préjudice de jouissance ;
- la somme de 37 475,37 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
- la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
ou, subsidiairement, à voir condamner solidairement les époux [N], la société Le Castel, la société Libert-Haye Diagnostics, M. [T] et la société MMA IARD à lui verser les sommes suivantes :
- 114 000 euros au titre des travaux de remise en état, sous astreinte de 200 euros ;
- 24 970 euros en réparation de son préjudice financier ;
- 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- déclaré irrecevable la demande de Mme [I] tendant à retarder le transfert de propriété au remboursement intégral du prix de vente ;
- condamné in solidum les époux [N] et la société Libert-Haye Diagnostics aux dépens de l'incident ;
- condamné in solidum les époux [N], ainsi que la société Libert-Haye Diagnostics, à verser à Mme [I] la somme, pour les premiers, de 1 500 euros et celle, pour la seconde, de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les époux [N] et la société Libert-Haye Diagnostics de leurs demandes formées sur le fondement dudit article 700.
Par ordonnance du 21 mars 2023, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable la demande de Mme [I] tendant à voir condamner in solidum les appelants au paiement à son profit de la somme de 78 658,30 euros au titre de la perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine ;
- condamné Mme [I], outre aux dépens de l'incident, à payer aux époux [N] la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté cette dernière de ses demandes formulées au titre des dépens et des dispositions dudit article 700.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 15 décembre 2023, les époux [N] demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1139, 1231-1, 1240, 1641 et 1643 du code civil, d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente intervenue le 2 juin 2017 et les a condamnés à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
- 376 401,05 euros au titre du remboursement du prix augmenté des frais de la vente, des honoraires de l'agent immobilier et de la taxe foncière 2017 et 2018,
- 41 793,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire exécutée par M. [D] ;
et, statuant à nouveau :
- les mettre hors de cause ;
- débouter Mme [I] de sa demande d'annulation ou de résolution de la vente litigieuse, ainsi que de toutes ses demandes de condamnation formulées à leur encontre ;
Sur l'appel incident de Mme [I], au visa des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile :
- déclarer irrecevable sa demande de report du transfert de propriété à la date de remboursement du prix, ainsi que la demande nouvelle tirée d'un prétendu préjudice patrimonial de 78 658,30 euros au titre de la perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine ;
- en tout état de cause, la débouter de l'ensemble de ses demandes formées à titre incident, ainsi que de sa demande en réparation de la perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine ;
- débouter les intimés de leurs appels incidents et de toutes demandes formées à leur encontre ;
- condamner Mme [I] à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel ;
Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, de l'article L. 124-3 du code des assurances et des articles 1231-1, 1792 et 1641 du code civil :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a condamnés à verser à la société Le Castel la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Subsidiairement, faisant droit à leur appel contre M. [T], la société MMA IARD, la société Libert-Haye Diagnostics et la société Le Castel :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes en garantie formées contre M. [T], son assureur responsabilité MMA, ainsi que contre les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel ;
Statuant à nouveau :
- condamner in solidum M. [T], son assureur responsabilité MMA, ainsi que les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel à les garantir et les relever indemnes, ainsi qu'à leur payer toute somme ou indemnité correspondant à celles mises à leur charge au profit de Mme [I] ;
Subsidiairement :
- condamner in solidum M. [T], son assureur responsabilité MMA, et la société Libert-Haye Diagnostics à leur payer la somme de 109 492 euros au titre du coût de reprise des désordres, outre toutes indemnités mises à leur charge, au profit de Mme [I] ;
- condamner in solidum M. [T], son assureur responsabilité MMA, ainsi que les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel à leur verser les sommes suivantes :
- 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [T], son assureur responsabilité MMA, et la société Le Castel de l'ensemble de leurs demandes formulées à leur encontre ;
- condamner in solidum Mme [I], M. [T], la société MMA IARD, ainsi que les sociétés Libert-Haye Diagnostics et Le Castel à payer les dépens, en ce compris ceux de référés et d'expertise.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 5 décembre 2023, Mme [I] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'astreinte et a partiellement rejeté ses demandes indemnitaires et, statuant sur le surplus :
A titre principal, au visa des articles 1112-1 et 1137 du code civil :
- prononcer la nullité de la vente litigieuse sur le fondement du dol ;
- pour les besoins de la publicité foncière, faire mention de l'effet relatif des parcelles objet du litige ;
A titre subsidiaire, au visa des articles 1112-1 et 1139 du code civil :
- prononcer la nullité de la vente litigieuse sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles ;
A titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1641 et suivants du code civil :
- prononcer l'inopposabilité de la clause élusive de garantie des vices cachés ;
- prononcer la résolution de la vente litigieuse ;
Dans l'éventualité où il serait fait droit à la demande en nullité ou en résolution de la vente, au visa des articles 544, 1231-1, 1103 et 1240 du code civil, et de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution :
- condamner in solidum les appelants à lui restituer le prix de vente et les frais afférents à la vente, soit une somme totale de 380 026,05 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, date de régularisation de la promesse de vente ;
- les condamner in solidum au paiement des taxes foncières qui seraient acquittées postérieurement à l'arrêt à intervenir, sur justification de leur acquittement par elle et ce, jusqu'au transfert effectif de propriété ;
- assortir cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- dire que la décision à intervenir sera publiée au service de la publicité foncière de [Localité 14] 2 aux frais des appelants ;
- condamner in solidum les appelants à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
* 1 500 euros par mois à compter du mois de septembre 2017 jusqu'au jour du transfert effectif de propriété, en réparation de son préjudice de jouissance ;
* 37 475,37 euros, sauf à actualiser, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, date de régularisation de la promesse de vente, en réparation de son préjudice financier ;
* 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
* 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les débours et honoraires d'expertise arrêtés à 13 418,40 euros ;
Dans l'éventualité où il ne serait pas fait droit à la demande de nullité ou de résolution de la vente, au visa des articles 1103 et 1240 du code civil, et de l'article L. 124-3 du code des assurances :
- engager la responsabilité contractuelle des appelants ;
- engager la responsabilité délictuelle des sociétés Le Castel et Libert-Haye Diagnostics, de M.'[T], ainsi que de la société MMA IARD Assurances mutuelles ;
- condamner conjointement et solidairement, ou subsidiairement l'un à défaut de l'autre, les époux [N], la société Le Castel, M. [T] et la société MMA IARD, à lui payer les sommes suivantes :
- 114 000 euros au titre des travaux de remise en état, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir';
- 24 970 euros au titre de son préjudice financier ;
- 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- ordonner la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Libert-Haye Diagnostics de sa créance à concurrence d'une somme de 214 888,40 euros à titre chirographaire et d'évaluation ;
- condamner conjointement et solidairement, ou subsidiairement l'un à défaut de l'autre, les époux [N], la société Le Castel, M. [T] et la société MMA IARD, à lui payer la somme de 15'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les débours et honoraires d'expertise arrêtés à 13 418,40 euros ;
En tout état de cause :
- débouter les appelants, la société Le Castel, la société Libert-Haye Diagnostics, M. [T], ainsi que la société MMA IARD, de l'ensemble de leurs demandes ;
- conformément à l'article 699 du code de procédure civile, autoriser Me Collinet-Marchal à recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par conclusions remises le 5 septembre 2022, M. [T] et la société MMA IARD demandent à la cour, au visa de l'article 909 du code de procédure civile, et des articles 1103, 1112-1, 1139, 1231-1, 1240, 1641, 1643 et suivants, et 1792 du code civil, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes des appelants au titre de leur recours en garantie formulées à leur encontre ;
- débouter les appelants de leurs demandes de condamnation formulées à leur encontre ;
- débouter Mme [I] de ses demandes formées à leur encontre au titre de son appel incident ;
A titre subsidiaire, pour le cas où la cour infirmerait le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes en garantie formulées à leur encontre :
- condamner la société Libert-Haye Diagnostics à les garantir de toutes condamnations qui seraient éventuellement prononcées à leur encontre et exclure toutes condamnations in solidum avec d'autres parties à l'instance ;
Au visa de l'article 1240 du code civil :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle indemnitaire formée par M. [T] ;
- condamner in solidum les époux [N] à verser à M. [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, ainsi que la somme de 10 000 euros au profit de la société MMA IARD sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises le 22 août 2022, la société Libert-Haye Diagnostics demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de vente du 2 juin 2017 pour dol, débouter les appelants de leurs demandes formulées à son encontre et, subsidiairement, en cas d'infirmation et de résolution de la vente pour vice caché, de :
- débouter les époux [N] et Mme [I], ainsi que M. [T] et la société MMA IARD, de leurs demandes formulées à son encontre ;
- condamner les appelants et Mme [I], outre aux dépens, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître [J] [G], liquidateur judiciaire de la société Libert-Haye, assigné en appel provoqué le 29 mars 2023 par remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat devant la cour.
Aux termes de ses conclusions remises le 13 septembre 2021, la société Le Castel demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formulées par les époux [N] à son encontre ;
- débouter Mme [I] de son appel incident formé à son encontre et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [N] et Mme [I] de leurs demandes formulées à son encontre ;
à titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité de la vente intervenue le 2 juin 2017 et à considérer qu'elle est tenue de garantir les appelants :
- dire qu'elle ne peut être tenue à garantie que dans la limite des sommes qu'elle a perçues quand elle a vendu l'immeuble à M. [F] en 2001, soit la somme de 157 022,49 euros ;
en toutes hypothèses :
- condamner les appelants à lui verser les sommes suivantes :
- 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient d'observer qu'ont déjà été traitées par le conseiller de la mise en état, dont la décision est devenue définitive, les demandes des époux [N] tendant à voir déclarer irrecevables celles de Mme [I] aux fins de report du transfert de propriété à la date de remboursement du prix et aux fins d'indemnisation de sa perte de chance de profiter de l'augmentation de son patrimoine.
Elles ne seront donc pas évoquées.
I- Sur l'action de Mme [I]
I-1. Sur la demande en annulation de la vente
M. et Mme [N] sollicitent à titre principal l'infirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci a prononcé, sur le fondement du dol, l'annulation de la vente du 2 juin 2017 conclue avec Mme [I].
Ils font valoir à cet effet que leurs prédécesseurs dans l'immeuble, à savoir la société Le Castel, puis les époux [F], y avaient réalisé d'importants travaux, portant notamment sur la couverture et les chéneaux ; qu'après avoir acquis le bien en octobre 2005 des époux [F], ils ont constaté, au printemps 2008, l'apparition d'infiltrations au niveau du chéneau en zinc et ont obtenu, par ordonnance de référé du 20 avril 2010, la désignation d'un expert judiciaire en la personne de M. [R], ensuite remplacé par M. [T] qui a déposé son rapport le 5 septembre 2014, excluant la présence de mérule dans l'immeuble et relevant un taux d'humidité correct des éléments bois structurels de l'immeuble, à savoir la charpente, le plancher et l'escalier, et recommandant la réalisation de travaux pour pallier les infiltrations liées à des défauts d'exécution de travaux en 1999. Ils précisent que l'expert se fondait, pour écarter la présence de mérule, sur les conclusions de la société ALH Diagnostics, laquelle avait pu visiter l'immeuble et examiner notamment le plancher en bois ; que par ailleurs, l'expert a expressément indiqué dans son rapport qu'aucun traitement n'était à prévoir pour le mérule.
Ils soutiennent que la réticence dolosive ne peut être confondue avec le simple manquement à une obligation pré-contractuelle d'information en l'absence de caractérisation de l'élément moral du dol ; que si l'acte de vente comportait une clause spécifique aux termes de laquelle ils attestaient n'avoir pas eu connaissance de signes de présence de mérule dans l'immeuble, c'est à tort que le premier juge a estimé qu'ils s'étaient rendus responsables de réticence dolosive en n'évoquant pas, dans l'acte de vente, les suspicions passées de présence de ce champignon dans l'immeuble et les conclusions de l'expertise qu'ils avaient fait réaliser dès lors que ces suspicions avaient été écartées de manière péremptoire par les conclusions du rapport d'expertise de M. [T] et de son sapiteur, dont ils n'avaient pas de raison de douter, et qu'ils avaient par ailleurs fait réaliser les travaux préconisés par ce rapport pour pallier les sources d'infiltration sans ménager leurs dépenses ; que si la société TBRC, qui est intervenue ultérieurement à leur demande dans l'immeuble, a pu détecter la présence de pourriture cubique sur la sablière, ce désordre situé à un tout autre endroit n'avait rien à voir avec le plancher depuis incriminé, ainsi que l'atteste la note technique réalisée par M. [P] [L], expert indépendant qu'ils ont mandaté postérieurement au jugement de première instance, d'autant que cette sablière a été par la suite intégralement remplacée dans le cadre de travaux qu'ils ont confiés à la société [BR] ; qu'il ne peut dès lors leur être reproché d'avoir, tout en ayant connaissance de la présence effective d'un champignon parasite dans l'immeuble, sciemment omis de transmettre à l'acquéreure des informations qui auraient été déterminantes de son consentement.
Mme [I] sollicite à titre principal la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'annulation de la vente litigieuse sur le fondement du dol.
Elle soutient que l'acte de vente contient une clause par laquelle ses vendeurs ont déclaré n'avoir jamais constaté 'l'existence de zones de condensation interne, de traces d'humidité, de moisissures, ou encore de présence d'effritements ou de déformation dans le bois ou de tâche de couleur marron ou l'existence de filaments blancs à l'aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon [mérule]' ; que si cette clause est habituelle dans les actes notariés de vente d'immeuble, elle n'en est pas pour autant dénuée de valeur ; que les époux [N] ont cependant sciemment omis de l'informer de ce que des traces évocatrices de la présence de mérule avaient été successivement constatées dans l'immeuble par M. [S] de la société Valmi bâtiment en décembre 2008, puis par M.'Langham, expert d'assurance Macif en 2009, puis par M. [C], autre expert Macif, et enfin par M. [R], expert judiciaire initialement désigné.
Elle ajoute que si M. [T], expert judiciaire intervenu en remplacement de M. [R], a écarté dans son rapport final la présence de mérule alors même que celle-ci avait été constatée en 2009 et 2010, c'est sur la base de conclusions erronées de son sapiteur, la société Libert-Haye Diagnostics, posées à la suite d'une investigation très superficielle, sans aucun sondage, et alors même que les conclusions de ce sapiteur n'étaient pas tranchées, celui-ci s'étant contenté d'indiquer qu'il n'avait pas été détecté de 'traces de champignons lignivores actifs', ce qui ne permettait pas d'écarter la présence de champignons non actifs.
Elle soutient qu'à supposer que les consorts [N] aient pu se convaincre des conclusions de M. [T], la bonne foi contractuelle leur imposait néanmoins de l'informer :
- du sinistre résultant du défaut d'étanchéité, survenu en juin 2008, en lui remettant un exemplaire du rapport dressé par le cabinet AEXP, expert d'assurance MACIF ;
- de la procédure d'expertise judiciaire en lui communiquant, préalablement à la vente définitive, une copie de la note n°1 de M. [R] et du rapport d'expertise déposé par M. [T] le 5 septembre 2013, peu important les conclusions de ce dernier.
Elle affirme que dès lors qu'ils avaient eu de très fortes suspicions concernant la présence de mérule, qui les avaient amenés à solliciter la désignation d'un expert judiciaire, les vendeurs ne pouvaient ignorer le caractère déterminant de cette information ; qu'au demeurant, ils avaient eux-mêmes et par l'intermédiaire de leur conseil et de leur expert d'assurance, soulevé les incohérences et inexactitudes du rapport de M.'[T], montrant leur connaissance des désordres affectant l'immeuble (infiltrations depuis 10 ans notamment) ; que le remplacement des bois pourris par des pièces récentes atteste de l'intervention des précédents propriétaires pour remédier à l'état dégradé du plancher et des solives et de leur connaissance des désordres ; qu'en dépit du constat de la présence de mérule dans la maison par le cabinet AEXP, il n'a été entrepris aucune démarche d'éradication du champignon, les seuls travaux effectués par les époux [N] ayant consisté en la réfection des chéneaux et de la toiture par la société [BR] en 2016, pour mettre un terme aux infiltrations, lesquels n'ont pu résoudre les désordres d'ores et déjà causés par l'humidité ; que les vendeurs ont reconnu, aux termes d'une note adressée à l'expert M. [D] le 8 octobre 2018, avoir confié à la société TBRC, spécialisée dans le traitement des bois et murs, une 'mission de contrôle de la présence éventuelle de champignon, de l'état du caisson du chéneau et de la sablière avec dépose du chéneau', laquelle a permis de mettre en évidence la présence de pourritures cubiques sur la sablière, mais qu'ils se sont gardés d'en informer leur acquéreur, dans le but manifeste de parvenir à la vente, ce qui suffit à attester l'élément intentionnel du dol ; que s'ils affirment avoir remplacé cette sablière, ils ne peuvent ignorer que le remplacement d'une pièce saine n'est pas suffisant à éradiquer la mérule présente dans un immeuble ; qu'ils se sont d'ailleurs abstenus de lui communiquer les factures TBRC et [BR] préalablement à la vente ; que la réalisation prétendue par les vendeurs de travaux de nature à corriger les désordres est indifférente dès lors qu'il suffit, pour caractériser le dol, de rechercher s'ils avaient ou non constaté, du temps de leur occupation, des indices révélateurs de la présence de mérule, ce qui est bien le cas en l'espèce.
Tout en relevant l'absence de caractère contradictoire de la note technique de M. [L], expert indépendant, produite par les appelants, lequel ne s'est pas déplacé à son domicile pour réaliser ses constatations, elle souligne que cette note ne permet pas d'écarter la présence de mérule puisque l'expert affirme qu'elle pouvait être suspectée. Elle ajoute que cette suspicion, qui n'a été suivie d'aucune information à son égard avant la vente, suffit à caractériser la réticence dolosive des époux [N], peu important leur absence de certitude concernant l'infestation de l'immeuble par le champignon.
Enfin, elle affirme que cette réticence dolosive a porté sur des éléments déterminants du consentement, s'agissant de désordres susceptibles d'affecter la structure même de l'immeuble, et donc la sécurité des occupants.
Sur ce
En vertu de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Aux termes de l'article 1130 du même code, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1131 du même code dispose que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
L'article 1137 précise que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ; que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
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En l'espèce, le contrat de vente conclu entre les parties en la forme authentique le 2 juin 2017 comporte une clause intitulée 'Mérules', aux termes de laquelle :
' Les parties ont été informées des dégâts pouvant être occasionnés par la présence de mérules dans un bâtiment, la mérule étant un champignon qui se développe dans l'obscurité, en espace non ventilé et en présence de bois humide.
Le bien ne se trouve pas actuellement dans une zone de présence d'un risque de mérule délimité par un arrêté préfectoral.
Le vendeur déclare ne pas avoir constaté l'existence de zones de condensation interne, de traces d'humidité, de moisissures, ou encore de présence d'effritements ou de déformation dans le bois ou de tâches de couleur marron ou l'existence de filaments blancs à l'aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon.'
Cependant, il résulte du procès-verbal de constat établi le 30 juin 2017 par Maître [X] [Z], huissier de justice, à la demande de la Sarl ECH, représentée par M. [FN], chargée de la réalisation de travaux de réfection dans l'immeuble nouvellement acquis par Mme [I], que la présence de champignons caractéristiques de la mérule a pu être constatée à plusieurs endroits sur les solives mises à nu du plancher du premier étage, plusieurs d'entre elles étant très dégradées, que par ailleurs, le plancher du premier étage présente par endroits une pente importante, que des pièces de bois ont été remplacées de manière récente dans les solives, et que l'artisan lui a déclaré que c'était des fuites de toiture qui étaient à l'origine des désordres constatés, tandis que Mme [I] lui a remis une facture de la société [BR] en date du 20 janvier 2016 relative à des travaux de réfection de toiture commandés par les époux [N].
Dans le cadre d'un diagnostic réalisé le 8 septembre 2017, la société Valmi bâtiment, représentée par M. [S], confirme que 'les dégradations constatées sont bien dues à la présence de champignon de pourriture cubique Serpula lacrymans, plus communément appelé la mérule', ajoutant que 'le diagnostic visuel dans les zones les plus sensibles ne permet pas d'appréhender l'étendue des dégradations dans le bâtiment par les champignons lignivores' et que 'le sinistre ne peut être réellement cerné qu'au terme d'un démontage progressif'. Elle préconise l'application d'un traitement curatif spécifique et précise que celui-ci ne pourra être appliqué avec sécurité que si les travaux de mise hors d'eau du bâtiment ont été effectués et les sources d'infiltration supprimées.
La présence de la mérule dans l'immeuble, sur le solivage de plancher du premier étage et en sous-face de parquet, mais également sur les maçonneries, a également été confirmée dans le cadre de l'expertise judiciaire confiée à M. [E] [D] à la requête de Mme [I].
Ainsi, l'expert relève, en synthèse, les constatations suivantes :
'Des désordres passés a priori non évolutifs sont visibles dans le plancher du 1er étage :
- Ces désordres consistent essentiellement en la dégradation prononcée des encastrements de solives dans la maçonnerie.
- La grande majorité des solives visibles, au nombre de 18, sont tellement dégradées qu'elles n'assurent plus la transmission des efforts de portance au gros oeuvre.
- Le bois présente des dégâts de pourriture cubique.
- Le bois présente également des dégâts consécutifs à des insectes à larves xylophages.
- L'état hydrique des maçonnerie est bon et sec, sans trace d'humidité. Cet état hydrique a été contrôlé à l'aide d'un humidimètre capacitif et à pointe en de nombreux endroits à proximité des extrémités des solives.
- L'état hydrique des solives est bon : entre 10 et 15 %. Cet état hydrique a été contrôlé à l'aide d'un humidimètre résistif à pointes isolées.
- De nombreux restes de mycélium non actifs sont présents sur les maçonneries et sur les solives.
- Des prélèvements ont été faits :
1- Mycélium sur solives en dressing,
2- Mycélium sur maçonnerie en dressing,
3- Dégâts d'insectes en solives à proximité du conduit de cheminée en chambre double,
4- Mycélium sur solives en couloir donnant sur chambre double.
- Ces échantillons seront analysés par un laboratoire pour identification formelle des agents biologiques de dégradation.
- Il a été de plus constaté que des tentatives de réparation ont été faites en solivage couloir, afin de redonner une planéité et une horizontalité nécessaire à la bonne pose d'un parquet sur plancher, et faisant suite à l'affaissement des solives du fait de leur dégradation. Constat fait dans les solives du couloir donnant à la chambre double.
- Sur le palier en haut de l'escalier : deux solives ont été coupées à 20 cm de la maçonnerie. Les trous en maçonnerie semblent avoir été bouchés par du mortier, et les jours ainsi réalisés comblés par des petits tronçons de solives, mais qui de fait, n'assurent aucune portance ni transmission de charges au gros oeuvre. Ces rajouts de pièces permettent simplement de faire reposer le parquet dans la continuité de son plan. (...)'
L'expert note par ailleurs des désordres a priori évolutifs en salle de bains, liés à l'affaissement du plancher.
L'expert relève en outre que le démontage du plafond de la cuisine, en dessous de la salle de bains, a révélé la présence de dégâts d'insectes mais également de bois dégradés par attaque fongique, la présence de bois d'aspects très différents témoignant d'interventions multiples à dates espacées.
Il précise que l'analyse en laboratoire des différents prélèvements effectués a permis de confirmer la présence de plusieurs occurrences de mérule pleureuse (serpula lacrymans), 'basidiomycète lignivore provoquant de la pourriture cubique brune et nécessitant un taux d'humidité minimal de 22% pour se développer', l'expert précisant que 'ce champignon a la particularité de fabriquer des syrrotes (organe végétatif transportant l'eau) comme ceux observés au sein des prélèvements, lorsque les conditions hydriques sont inférieures à 22 %'.
Il indique que les désordres observés consistent en la dégradation biologique des pièces de bois (pourriture cubique consécutivement à l'attaque de la mérule sur le solivage dans le couloir, galeries d'insectes xylophages), mais que les agents de dégradation ne semblent plus actifs en ce qui concerne les champignons, les conditions de cette activité n'étant plus réunies à la suite des reprises en toiture ayant supprimé les sources d'infiltration connues, ce que confirment les relevés d'humidité en maçonnerie et pièces de bois. Il ajoute que l'activité des insectes xylophages (petites vrillettes) semble passée, celle-ci étant souvent couplée à celle des champignons lignivores.
S'agissant de la cause des désordres, il précise que les fuites passées en toiture et chéneaux ont permis les apports en eau nécessaires au développement de la mérule et ajoute qu'actuellement, l'état hydrique de la maison semble normal, ce qui explique la non-activité apparente actuelle de la mérule qui ne se développe qu'à partir de 22 % d'humidité du bois, mais que celle-ci peut rester néanmoins en veille jusqu'à des taux d'humidité du bois relativement bas (18 %) ou même constituer des réseaux de filaments (sirrotes) aux fins d'assurer l'apport hydrique nécessaire à son développement.
Il résulte de ces éléments que lors de la vente du 2 juin 2017, l'immeuble était affecté par la mérule, champignon lignivore particulièrement destructeur pour les pièces en bois et pouvant affecter la structure de l'immeuble.
* Si les époux [N], vendeurs de l'immeuble, soutiennent qu'ils n'étaient pas informés de la présence de ce champignon et que leur responsabilité ne peut être engagée dès lors que l'expertise judiciaire confiée à M. [T] à leur demande avait expressément écarté en 2014 la présence de ce champignon après avis d'un sapiteur, qu'ils avaient effectué tous les travaux nécessaires pour éliminer les causes d'infiltration dans l'immeuble, et qu'enfin, ils avaient remplacé la sablière atteinte de pourriture cubique constatée par la société TBRC en 2015, il importe en réalité, pour caractériser l'élément moral du dol, de déterminer si l'affirmation contenue dans la clause litigieuse est mensongère à savoir si les époux [N] n'ont pas pu ne pas avoir constaté 'l'existence de zones de condensation interne, de traces d'humidité, de moisissures, ou encore de présence d'effritements ou de déformation dans le bois ou de tâche de couleur marron ou l'existence de filaments blancs à l'aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon.'
Or, à cet égard, il résulte de la note n° 9 annexée au rapport de l'expert judiciaire, M. [E] [D], que les vendeurs ont été informés d'une suspicion de présence de mérule au plus tard dans le courant de l'année 2008, par M. [P] [S], de la société Valmi, lequel a relaté à l'expert s'être rendu à leur domicile une première fois au cours de cette année, avoir inspecté l'escalier et constaté que le limon gauche pour la partie en appui contre le mur (partie haute) était dégradé et présentait de la pourriture cubique, avoir alors suspecté la présence de mérule, en avoir fait part oralement à M. [N], puis avoir transmis en décembre 2008 à M. [K], expert Macif, un devis en vue d'un sondage, lequel n'a pas été suivi d'effet. Il a précisé avoir de nouveau été sollicité le 26 juillet 2012 dans le cadre de l'expertise judiciaire, à l'occasion de laquelle il a ouvert le plafond de la salle à manger en deux endroits (côté jardin et côté escalier) dont il a pu constater qu'ils étaient affectés par la présence de dégâts de champignons lignivores de type mérule. Il a indiqué avoir alors transmis à l'expert et M. [N] un devis pour une dépose de plus grande ampleur en vue de vérifier l'étendue de la mérule, auquel il n'a pas été donné suite. Il ajoute, enfin, s'être rendu une troisième fois sur place à la demande de Mme [I] le 4 septembre 2017 et l'avoir informée de la présence de mérule.
En 2008, les époux [N] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de leur assureur, la Macif, à la suite d'un désordre en façade ayant révélé que les chéneaux présentaient des fissurations infiltrantes et que les murs étaient humides. Un expert d'assurance a alors été désigné en la personne de M. [K], du cabinet AEXP, lequel a relevé, dans son rapport du 16 février 2009, la présence de mérule sur les charpentes (p. 3 : 'Des fuites se produisent sur le chéneau en zinc du domicile de M. [N] et occasionnent des dommages de mérule sur la charpente. Les fuites sont consécutives à une non-conformité des ouvrages de zinguerie (...) réalisés en 1999 par la Sarl [MS] pour le compte de l'un des anciens propriétaires, la société Lecatel (sic). Les dommages concernent les ouvrages de charpente et notamment le développement d'un champignon xylophage de type mérule' ; p. 6 : 'Par ailleurs, j'ai noté la réalisation d'une double paroi en fond de chéneaux, emplie de laine de verre. Cette réalisation partant peut-être d'un bon sentiment de vouloir isoler participe à la rétention d'eau et d'un facteur aggravant favorable au développement du champignon.').
Une expertise judiciaire a ensuite été ordonnée le 20 avril 2010 à la demande des époux [N], confiée dans un premier temps à M. [R], puis en raison de la carence de celui-ci, à M. [T] en 2014.
Or il ressort de la note n°1 d'expertise rédigée par M. [R] à la suite du rendez-vous d'expertise du 6 septembre 2010, dont les époux [N] ont eu communication, que l'expert a constaté la présence de pourriture cubique sous l'escalier en bois : 'de l'eau s'infiltre par l'entourage du châssis et par le chéneau, humidifie le mur derrière le doublage et présence d'un champignon sylophage au niveau du limon marche de l'escalier en bois sous L5".
Par la suite, dans un dire adressé à l'expert [T] le 29 août 2014, le conseil des époux [N], s'étonnant de l'évaluation faite par celui-ci des dommages subis, lui 'rappelle que les infiltrations durent depuis plus de 10 ans' et que son 'évaluation laisse à penser qu'elles n'ont fait qu'altérer les embellissements et en aucun cas le bois qui sépare l'endroit de la fuite sur le zinc du chéneau'. Il joint à ce courrier une note technique établie par M. [C], conseiller technique Macif et expert, qui relève que du fait de la non-conformité des travaux sur le chéneau et de l'absence de joint de dilatation, des fissures sont apparues au niveau des soudures, générant au fil du temps des infiltrations lentes, et indiquant que 'les points énumérés ci-dessus ont occasionné progressivement l'apparition de pourriture cubique des bois de charpente, le délitement de la maçonnerie (...).'
Dans son rapport définitif du 5 septembre 2014, M. [M] [T], expert judiciaire, relève la présence d'une trace de moisissure sur une marche d'escalier et de traces de rétention d'eau de pluie dans le chéneau. Cependant, il note que le rapport de son sapiteur, la société ALH Diagnostics, daté du 29 mai 2014, 'conclut à l'absence de champignons lignivores actifs. En d'autres termes, à l'absence de mérule dans la construction. Il a été repéré les traces de présences d'insectes xylophages non actifs dans les combles et le plancher intermédiaire ainsi que d'anciennes traces d'agents de dégradation sur une solive bois intermédiaire, ce qui ne nuit nullement à la solidité de l'ouvrage. Les résultats du diagnostiqueur professionnel sont les suivants :
* concernant le plancher bois des combles : absence de traces d'agents de dégradation sur bois mis en oeuvre (...)
* concernant la charpente des combles : absences de traces d'agents de dégradation, présence de petites traces de moisissure
* concernant l'escalier (utilisation d'une caméra endoscopique) : absence de traces d'agents de dégradation
* concernant le dessus du plancher intermédiaire : présence d'anciennes traces de ptilinus (insecte xylophage) dans la chambre et dans le dégagement : non actifs
- concernant le dessous du plancher intermédiaire et des solives : présence d'anciennes traces de ptilinus dans chambre et dégagement (non actifs) et présence de traces anciennes d'agents de dégradation sur solive bois réparée.'
Or, c'est à tort que cet expert déduit de l'absence de champignons lignivores actifs l'absence de mérule dans la construction alors qu'il conclut plus loin à la présence de 'traces anciennes d'agents de dégradation' qui, bien que sans la désigner nommément, ne peuvent que faire référence à la mérule dès lors que les insectes xylophages sont par ailleurs décrits par l'expert, et qu'il est bien connu, ainsi que l'a expliqué plus tard l'expert [D] dans son rapport, que la mérule peut rester à l'état latent pendant très longtemps, pour se réactiver si les conditions d'hygrométrie redeviennent favorables à son développement.
Les époux [N], qui ne pouvaient ignorer cette circonstance alors qu'ils étaient en procédure depuis plusieurs années en raison de suspicions de présence de mérule dans leur immeuble, ne peuvent donc prétendre avoir été totalement rassurés par le rapport de M. [T], alors qu'ils écrivaient à leur expert d'assurance le 18 août 2014, à la suite du dépôt du pré-rapport d'expertise, se réjouir d'apprendre 'après 6 ans l'absence de champignon lignivore actif dans la construction contrairement aux diagnostics de la société Valmy mandatée en 2008 par le cabinet AEXP.'
Le fait que la présence d'un champignon lignivore actif ait été écartée par le rapport [T] n'est donc pas de nature à exclure la présence d'un tel champignon à l'état latent.
En tout état de cause, à supposer même que ce rapport ait pu rassurer les époux [N] sur l'absence de mérule dans leur habitation, la bonne foi contractuelle leur imposait de faire part à leur acquéreur des suspicions qu'ils avaient pu entretenir à la suite de constats effectués par des hommes de l'art et de la procédure d'expertise judiciaire qui s'en était suivie, en lui communiquant les différents rapports intervenus.
Les époux [N] ont enfin omis de communiquer à Mme [I] la note qui leur a été communiquée par la société TBRC le 8 septembre 2015, mentionnant la 'présence de pourriture cubique sur la sablière' et que 'plusieurs tranches de cette sablière avaient été précédemment remplacées', ainsi que la facture de travaux de réfection de couverture et zinguerie réalisés par la société [BR] en date du 20 janvier 2016, dont il ressort que la panne sablière a été remplacée.
Or il est connu que le remplacement de pièces infectées par la mérule ne suffit pas à éradiquer ce champignon dès lors qu'il est présent dans un immeuble et qu'il est bien souvent nécessaire de traiter celui-ci, ainsi que l'a d'ailleurs recommandé l'expert [D] dans son rapport.
Les époux [N] tentent enfin de tirer argument d'un rapport extra judiciaire, réalisé à leur demande par M. [P] [L], architecte D.P.L.G. et expert judiciaire près la cour d'appel de céans, pour démontrer que la seule présence de pourriture cubique sur la panne sablière détectée en 2015 ne pouvait leur permettre d'identifier la présence effective de mérule dans l'immeuble alors que le rapport [T] les avait rassurés sur ce point.
Bien que ce rapport ait été effectué de manière non contradictoire et sans que l'expert ait pu visiter les lieux, il a été soumis au contradictoire des parties dans le cadre des débats et la cour est tenue de l'examiner.
Or, celui-ci relève que 'les fuites en couverture et, notamment, en chéneau, ont apporté une humidité anormale. La dégradation de la panne sablière est directement liée à ces fuites. Les dégradations en plancher sont conséquentes de l'humidité qui a pu redescendre dans les murs avec, bien sûr, à l'origine la présence de spores. Cependant, dans le cas présent, le plancher est séparé du début de la toiture par une remontée des murs de façades (appelée encuvement). Aussi, la présence de mérule au droit des planchers pouvait être suspectée mais pas affirmée puisqu'il n'y a pas de contact entre ces différents bois structurants, même si des filaments de mérule ont pu circuler à travers le mur jusqu'au plancher.'
Cette note vient donc confirmer qu'après la découverte de pourriture cubique sur la panne sablière, la présence de mérule dans l'immeuble pouvait être suspectée.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est manifestement de mauvaise foi que les époux [N] ont conclu le contrat de vente litigieux en affirmant n'avoir jamais eu connaissance d'éléments évocateurs de la présence de mérule, ce qui était faux, tout en omettant de transmettre à leur acquéreure les informations concernant les inquiétudes fortes et légitimes qui les avaient occupés pendant plusieurs années, l'historique de la maison et les constatations des différents hommes de l'art ayant eu à intervenir, alors que la connaissance de telles informations était de toute évidence de nature à déterminer le consentement de leur contractante, l'infestation d'un immeuble par ce champignon pouvant en altérer la structure même et par conséquent le fragiliser de manière significative.
Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'annulation de la vente litigieuse sur le fondement du dol.
Les demandes subsidiaires de Mme [I] sont donc sans objet.
I-2. Sur les conséquences de l'annulation de la vente
L'article 1178 du code civil dispose que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ; que les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ; qu'indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
I-2-1. Sur les restitutions
Aux termes de l'article 1352 du code civil, la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.
L'article 1352-1 dudit code précise que celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.
L'article 1352-3 du même code ajoute que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée ; la valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce que sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s'ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l'état de la chose au jour du paiement de l'obligation.
L'article 1352-5 prévoit que pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution.
L'article 1352-6 dispose que la restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue.
Enfin, l'article 1352-7 précise que celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu'il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de la demande.
* Sur la restitution de l'immeuble et du prix
Sur le fondement de ces textes, c'est à juste titre que le premier juge a ordonné, d'une part, la restitution de l'immeuble par Mme [I], sans que celle-ci soit conditionnée ni différée, et, d'autre part, la restitution par les époux [N] de la somme de 360 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de l'immeuble.
Il convient de préciser que l'obligation de restituer cette somme doit être majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017, date de la vente, en application des articles 1352-6 et 1352-7 susvisés, les époux [N] ne pouvant être considérés de bonne foi.
En revanche, c'est par de justes motifs, qu'il convient d'adopter, que le premier juge a refusé d'assortir d'une astreinte la condamnation des époux [N] à la restitution du prix, dès lors que les voies d'exécution sont de nature à garantir l'exécution d'une telle condamnation, étant observé au demeurant que Mme [I] est parvenue à inscrire une hypothèque judiciaire sur un immeuble appartenant aux époux [N].
Les demandes relatives aux frais de la vente, honoraires de l'agent immobilier, taxes foncières ne peuvent être qualifiées de demandes de restitution, ne s'agissant pas de prestations fournies par l'une des parties à l'autre. Elles seront donc envisagées dans la rubrique relative aux demandes indemnitaires formulées par Mme [I].
* Sur les frais de conservation et d'amélioration de l'immeuble
En application de l'article 1352-5 précité, les époux [N] doivent rembourser à Mme [I] les frais de conservation et d'amélioration de l'immeuble qu'elle a exposés, peu important que ces frais ne soient pas en lien avec la présence de la mérule.
A ce titre, il résulte des éléments produits que depuis son entrée dans les lieux, Mme [I] a fait réaliser des travaux d'aménagement, travaux électriques, travaux d'entretien divers et d'isolation des combles dont elle justifie en pièces 28 et 57 :
1) selon facture ECH du 12 juillet 2017, acquittée le 16 juillet 2017, pour un montant de 22700 euros HT, ont été réalisés des travaux de gros oeuvre, de charpente, plâtrerie, peinture, ponçage des parquets, de pose de plancher dans les combles et dans le dressing, ainsi que la création d'un auvent pour voiture dont le premier juge, estimant que la preuve de ce que cette construction ait été régulière sur le plan administratif n'était pas rapportée, a écarté le remboursement. En appel, Mme [I] ne justifie pas que cette construction ait fait l'objet d'une déclaration de travaux ou d'un permis de construire'; la décision sera donc confirmée sur ce point et le remboursement de cette facture limité à la somme de 19 840 HT, soit 21 824 euros TTC.
2) entretien annuel de la chaudière : 190,30 euros TTC ;
- remplacement vase d'expansion de la chaudière : 219,68 euros TTC ;
- petits travaux divers d'amélioration (facture ECH, portant sur la pose d'un judas sur la porte d'entrée, la pose d'un porte-manteaux, la pose de 2 plafonniers, la fixation d'une poignée sur la porte d'une chambre) : 231 euros TTC
- petits travaux divers d'amélioration de l'électricité (facture ECH, portant sur la pose d'étagères, de barres à rideaux, de plafonniers, le réglage des portes) : 352 euros TTC
- travaux de taille des haies : 122,50 TTC
C'est à tort que le premier juge a écarté le remboursement de ces factures au motif qu'il n'était pas établi qu'elles excédaient la contrepartie de l'occupation du bien, ces dépenses étant remboursables sur le fondement de l'article précité, étant observé qu'il appartenait aux vendeurs, le cas échéant, de formuler une demande d'indemnisation au titre de l'occupation du bien par Mme [I], ce qu'ils n'ont pas fait.
La décision sera donc infirmée sur ce point et les époux [N] condamnés à payer à Mme [I] la somme de 1 115,48 euros en remboursement de ces frais.
3) La facture ECH du 2 août 2017, acquittée le 23 août 2017, portant sur l'isolation des combles est justifiée. Il convient d'en ordonner le remboursement à Mme [I] à hauteur de 3'692,50 euros.
M. et Mme [N] seront ainsi condamnés à rembourser à Mme [I] la somme totale de 26'631,98 euros au titre des frais d'entretien, de conservation et d'amélioration de l'immeuble qu'elle a exposés.
I-2-2. Sur les demandes indemnitaires de Mme [I]
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, les époux [N], dont il a été reconnu qu'ils avaient commis un dol à l'égard de Mme [I], justifiant l'annulation de la vente conclue entre les parties, doivent réparer l'intégralité du préjudice subi par cette dernière du fait de la vente et de son annulation.
* Sur la demande au titre du trouble de jouissance
C'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance dès lors que, du fait de l'anéantissement rétroactif de la vente, elle est réputée n'en avoir jamais été propriétaire.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
* Sur le préjudice matériel
A ce titre, les époux [N] doivent être condamnés à payer à Mme [I] les sommes suivantes, correspondant aux frais qu'elle a inutilement exposés pour la vente :
- 5 163 euros au titre des frais de vente, amputés des droits de mutation,
- 10 000 euros au titre des honoraires de l'agent immobilier,
- 4 863,05 euros au titre des taxes foncières de 2017 à 2023 inclus (507,05+ 731+695+699+700+729+802).
Par ailleurs, c'est à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de Mme [I] tendant au remboursement de ses frais d'emprunt (frais de dossier, assurance du prêt et intérêts), à hauteur de 3 145,88 euros,
Mme [I] est enfin bien fondée à obtenir le remboursement des sommes de :
- 1331 euros et 1331,90 euros au titre des travaux réalisés par la société ECH au cours des réunions d'expertise, suivant factures des 2 août 2017 et 3 juillet 2018 ;
- 1 124,02 euros au titre de la note technique établie par M. [B], architecte, en mars 2018, pour la démonstration du désordre.
- 676,50 euros et 288,09 euros au titre du coût des constats d'huissier dressés par Maître [Z] les 30 juin 2017 et 12 mars 2018.
Les époux [N] seront donc condamnés à payer à Mme [I] la somme totale de 27 923,44 euros en indemnisation de son préjudice matériel.
* Sur le préjudice moral
C'est de manière convaincante que le premier juge, soulignant qu'il n'était pas besoin de rechercher si la situation avait entraîné un désordre psychologique ou psychiatrique pour admettre que la découverte par l'acquéreure, dans la maison nouvellement acquise, de la présence de mérule, entraînant des dépenses importantes en argent et en énergie pour faire venir les huissiers, hommes de l'art et sachants, engager une procédure afin d'aboutir à l'annulation de la vente, et supporter au quotidien la présence d'étais dans sa maison, était nécessairement à l'origine d'un préjudice moral qu'il a justement évalué à la somme de 10 000 euros.
La décision sera confirmée de ce chef.
***
Dès lors, M. et Mme [N] seront condamnés in solidum, la solidarité stipulée dans l'acte étant annulée avec celui-ci, à payer à Mme [I] les sommes de :
- 360 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de l'immeuble, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017 ;
- 26'631,98 euros au titre du remboursement des frais d'entretien, conservation et amélioration de l'immeuble ;
- 27 923,44 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice matériel ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral.
I-3. Sur les autres demandes
I-3-1. Sur les dépens
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné les époux [N], qui succombent, à supporter in solidum les dépens de l'instance au fond, ainsi que les frais de l'expertise judiciaire exécutée par M. [D] et qu'ils ont accordé à Maître Isabelle Collinet-Marchal le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Les époux [N] seront de même condamnés aux dépens de l'appel.
I-3-2. Sur les frais irrépétibles
Les premiers juges ont exactement statué sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient par ailleurs de condamner les époux [N] à payer à Mme [I] la somme de 5'000 euros au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.
II- Sur les recours en garantie
M. et Mme [N] sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté leurs appels en garantie formés à l'encontre de M. [T], expert judiciaire, et de la MMA, son assureur (1), de la société Libert Haye Diagnostics, sapiteur intervenu dans le cadre de l'expertise de M. [T], désormais en liquidation judiciaire (2) et enfin, de la société Le Castel, l'un des précédents propriétaires du bien immobilier objet du litige, qui a fait d'importants travaux à l'intérieur de celui-ci (3).
II-1. A l'encontre de M. [T] et de la société MMA
II-1-1. Sur le recours en garantie
Les époux [N] entendent engager la responsabilité délictuelle de M. [T], expert judiciaire, pour la faute commise par celui-ci dans le cadre de l'exercice de sa mission, les conclusions erronées de son rapport les ayant à tort rassurés sur la présence de mérule dans l'immeuble, qu'il a écarté sur la base du rapport de son sapiteur, ce qui ne leur a pas permis d'informer utilement leur acquéreure.
M. [T] et son assureur, la MMA, concluent au rejet de ces prétentions au motif qu'aucun lien de causalité ne peut être établi entre une faute quelconque de M. [T] et les chefs de préjudice subis par Mme [I] en raison du manquement délibéré de ses vendeurs à leur obligation d'information concernant l'historique du bien vendu et la suspicion de présence de mérule qui ne pouvait être exclue compte tenu des éléments révélateurs récurrents dont ils avaient connaissance, en ce compris l'information donnée par la société TBRC postérieurement au dépôt du rapport [T].
Sur ce
Aux termes de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant qu'à défaut de toute disposition contraire, la responsabilité personnelle d'un expert judiciairement désigné, à raison de fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, est engagée conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile (Civ. 2ème, 8 octobre 1986, 85-14201).
Il résulte du rapport d'expertise de M. [T] en date du 5 septembre 2014 que celui-ci avait reçu communication du rapport d'expertise d'assurance du cabinet Aexp du 16 février 2009 indiquant que la présence de fuites du chéneau en zinc étaient à l'origine de l'apparition de la mérule sur les charpentes et de la note n°1 d'expertise de l'ancien expert M. [R] datée du 29 février 2012, faisant également état(p.27) de la présence de pourriture cubique au niveau du limon d'une des marches de l'escalier, de lames de parquet vétustes et de l'humidité dans les chambres en raison d'infiltrations ; qu'il avait par ailleurs lui-même constaté des traces d'infiltration, une trace de moisissure sur une marche de l'escalier menant à l'étage, le fléchissement du plancher à l'étage ; qu'il a cependant écarté formellement l'hypothèse de présence de la mérule dans l'immeuble sur la base du seul rapport de son sachant, l'entreprise ALH Diagnostics, lequel n'est pas joint à la procédure, mais dont il a retranscrit les conclusions dans les termes suivants :
'Il conclut à l'absence de champignons lignivores actifs. En d'autres termes l'absence de mérule dans la construction.
Il a été repéré des traces de présence d'insectes xylophages non actifs dans les combles et le plancher intermédiaire ainsi que d'anciennes traces d'agents de dégradation sur une solive de bois intermédiaire, ce qui ne nuit nullement à la solidité de l'ouvrage.
Les résultats du diagnostic réalisé par le professionnel sont les suivants :
* concernant le plancher bois des combles : absence de traces d'agents de dégradation sur bois mis en oeuvre ; présence de débris de bois au sol altérés (provenant d'une ancienne charpente : non actifs
* concernant la charpente des combles : absences de traces d'agents de dégradation, présence de petites traces de moisissure
* concernant l'escalier (utilisation d'une caméra endoscopique) : absence de traces d'agents de dégradation
* concernant le dessus du plancher intermédiaire : présence d'anciennes traces de ptilinus (insecte xylophage) dans la chambre et dans le dégagement : non actifs
- concernant le dessous du plancher intermédiaire et des solives : présence d'anciennes traces de ptilinus dans chambre et dégagement (non actifs) et présence de traces anciennes d'agents de dégradation sur solive bois réparée.'
Or, ainsi qu'il a été relevé plus haut, c'est à tort que M. [T] déduit de l'absence de champignons lignivores actifs l'absence de mérule dans la construction alors qu'il conclut plus loin à la présence de 'traces anciennes d'agents de dégradation' qui, bien que sans la désigner nommément, ne peuvent que faire référence à la mérule dès lors que les insectes xylophages sont par ailleurs décrits par l'expert, et qu'il est bien connu, ainsi que l'a expliqué plus tard l'expert [D] dans son rapport, que la mérule peut rester à l'état latent pendant très longtemps, pour se réactiver si les conditions d'hygrométrie redeviennent favorables à son développement.
En raison des inexactitudes et approximations de son rapport, M. [T] a donc commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle.
Cependant, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, le préjudice des époux [N], à savoir l'annulation de la vente et leur obligation de rembourser le prix de vente et de payer des dommages et intérêts à leur acquéreure, a été causé non par leur affirmation fausse que l'immeuble n'était pas infesté par la mérule, mais par leur affirmation qu'ils n'avaient pas eu connaissance de signes de présence de ce champignon dans l'immeuble, ce qui était manifestement faux.
Alors que l'exigence de transparence contractuelle les obligeait à faire part de leurs suspicions passées, de l'historique de l'immeuble avec les différentes constatations réalisées au fil des ans, des conclusions du rapport d'expertise [T] et de son sachant, de la note de l'entreprise TBRC et du remplacement de la panne sablière, les époux [N] n'en ont rien fait et sont donc entièrement responsables de leur préjudice.
Ils ne peuvent en effet valablement arguer que le rapport [T] les avait totalement rassurés sur les suspicions entretenues pendant plusieurs années sur la base de constatations objectives d'hommes de l'art, alors qu'ils ont par la suite confié une mission complémentaire d'inspection de la charpente à l'entreprise TBRC, qui les a informés de l'infestation de la panne sablière, qu'ils ont remplacée tout en ne pouvant manquer d'ignorer que le seul remplacement d'une pièce infestée ne pourrait éradiquer le champignon dans l'immeuble.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle les a déboutés de leur appel en garantie, le lien de causalité entre la faute de M. [T] et leur préjudice n'étant pas établi.
II-1-2. Sur la demande reconventionnelle indemnitaire de M. [T]
Il résulte des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, l'abus par les époux [N] de leur droit d'agir en justice n'apparaît pas caractérisé alors que la faute de M. [T] est établie et que ce n'est qu'au terme d'une analyse complexe du lien de causalité qu'il n'a pas été condamné à les garantir de leurs propres condamnations.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
II-2. A l'encontre de la société Libert Haye Diagnostics
Les époux [N] sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci les a déboutés de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Libert Haye Diagnostics, et la condamnation de cette société, in solidum avec M. [T], l'assureur de celui-ci et la SCI Le Castel, à les garantir et relever indemnes de toute condamnation pouvant être prononcée à leur encontre et à leur payer toute somme ou indemnité correspondant à celles mises à leur charge au profit de Mme [I].
Ils justifient de leur déclaration de créance auprès de la liquidation judiciaire de cette société par courrier adressé à Maître [J] [G], liquidateur judiciaire nommé par jugement du 16 janvier 2023, à hauteur de la somme de 214 888,40 euros.
Au soutien de leur demande, ils font valoir que la société ALH Diagnostics a commis une faute dans le cadre de sa mission d'expert et que celle-ci est bien en lien avec leur préjudice, dès lors qu'ils se sont fiés aux conclusions affirmatives de cet expert, lesquelles les ont induits en erreur.
M. [T] et la société MMA assurances mutuelles sollicitent la condamnation de Maître [G], ès qualités, à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre et d'exclure toute condamnation in solidum.
Ils n'invoquent cependant aucun moyen au soutien de cette demande qui se trouve en tout état de cause sans objet dès lors qu'ils n'ont pas été condamnés à garantir les époux [N] de leurs condamnations.
Maître [J] [G], ès qualités, n'a pas conclu dans le cadre de la procédure. Cependant, la société Libert-Haye Diagnostics avait déposé des conclusions d'intimée avant d'être placée en liquidation judiciaire, par lesquelles elle sollicitait la confirmation de la décision entreprise et le débouté des autres parties de leurs demandes formées à son encontre.
Elle soutient que la conclusion du rapport [T], non conforme en elle-même à son propre rapport de diagnostic évoquant des dégradations anciennes de solives du plancher et une absence de champignons lignivores actifs, ne pouvait abuser les époux [N], eux-mêmes experts en bâtiment quoique non spécialisés en mérule, qui auraient dû s'entourer de toutes précautions au moment de la vente en 2017 dès lors qu'ils avaient été avertis par plusieurs professionnels (Valmi et Aexp) avant le rapport [T], que le courrier de l'entreprise TBRC, postérieur d'un an au rapport [T], affirmait la présence de pourriture cubique et qu'ils ne pouvaient ignorer que la mérule pouvait se propager au travers des maçonneries humides pour aller infecter les bois se trouvant à proximité.
Sur ce
Vu l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige,
Il résulte du rapport de M. [E] [D], expert judiciaire, qu'à la date du constat effectué par la société Libert Haye diagnostics, le 15 mai 2014, soit 18 mois avant l'importante réfection de toiture effectuée par les époux [N], les apports hydriques étaient présents et permettaient le développement de champignons. L'expert en déduit qu'à cette date, la mérule était présente et très probablement active et qu'il pouvait y avoir d'autres champignons lignivores actifs.
Il précise qu'il ressort des éléments fournis par les parties que l'inspection menée par le diagnostiqueur s'est faite sans démontage ni observation représentative de l'état sanitaire de l'ensemble du solivage alors que, compte tenu de l'ampleur de l'ouvrage, un examen représentatif doit être effectué, en effectuant les ouvertures nécessaires aux observations des endroits critiques de l'ouvrage, pour pouvoir déterminer s'il y a ou non présence de champignons lignivores, et si ces derniers sont actifs ou non. Il ajoute qu'en fonction de la localisation des fuites en toiture, et donc des infiltrations, mais également en fonction des dates de réparation des différentes fuites, à un instant donné il est tout à fait possible que des champignons lignivores ne soient pas ou plus actifs alors qu'à d'autres endroits, et dans le même temps, ils peuvent l'être, et prospérer.
Il conclut que les extraits du rapport de diagnostic reproduits dans le rapport [T] ne sont pas clairs et que la méthodologie précise prescrite par la norme NF P 03-200, qui impose de faire un examen le plus complet possible de la situation de l'immeuble, et notamment de préciser les parties cachées ou inaccessibles de l'immeuble qui n'ont pas fait l'objet de sondages et/ou d'examen visuels, n'a pas été suivie.
Il est ainsi manifeste que la société Libert Haye diagnostics n'a pas respecté la méthodologie recommandée ni pris les précautions d'usage dans ses conclusions en précisant que l'absence de traces de champignons lignivores actifs ne permettait pas de conclure à l'absence de tout champignon dans l'immeuble, que ce soit à l'état latent ou à l'état actif mais dans un endroit non examiné de l'immeuble.
Cependant, c'est à juste titre que, de la même manière que pour l'expert [T], le premier juge a écarté l'existence d'un lien de causalité entre cette faute du sapiteur et le dommage des époux [N], causé par leur omission dolosive de préciser qu'ils avaient détecté des traces de présence de mérule dans l'immeuble.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté les époux [N] de leur appel en garantie.
II-3. A l'encontre de la société Le Castel
II-3-1. Sur le recours en garantie
De même qu'en première instance, les époux [N] revendiquent la garantie de la société Le Castel, propriétaire de l'immeuble entre 1996 et 2001, celle-ci ayant fait réaliser d'importants travaux à l'origine des infiltrations ayant favorisé la propagation de la mérule dans l'immeuble. Ils invoquent à cet effet la garantie des vices cachés (a) et la garantie décennale (b).
a) Sur le fondement de la garantie des vices cachés
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il est constant que si le sous-acquéreur dispose d'une action directe contre le vendeur d'origine à raison du vice caché affectant la chose vendue, il importe néanmoins de rapporter la preuve de l'existence d'un tel vice lors de la vente initiale.
En l'espèce, l'expert [D] expose dans ses conclusions que la 'datation précise ou même approximative est délicate voire impossible en ce qui concerne l'apparition de champignons lignivores ou d'insectes à larves xylophages. Par ailleurs, nous parlons d'une maison d'une certaine étendue. L'apparition peut ne concerner qu'une partie du bâtiment. Si, à un instant donné, des preuves formelles peuvent attester de la présence ou pas d'agents de dégradation, dater a posteriori, et qui plus est plusieurs années après la date d'apparition probable des agents de dégradation du bois, voire des décennies après, s'avère délicat et impossible de façon précise. Tout au plus, des indices peuvent être listés, pouvant mener à des convictions.'
L'expert relève ensuite certains indices lui permettant d'émettre l'avis que 'la présence de mérule ou autre champignon lignivore était avérée dès 2008, appelant une date d'apparition évidemment antérieure, probablement de quelques années compte tenu des infiltrations d'eau résultant des fuites en toiture.'
Or la date précise d'apparition de ces infiltrations n'est pas connue et les époux [F], propriétaires intermédiaires entre la société Le Castel et les époux [N], ont déclaré lors de l'expertise n'avoir jamais constaté d'infiltrations à l'intérieur de la maison.
Dès lors, l'antériorité des vices à la vente intervenue entre la société Le Castel et les époux [F] n'est pas démontrée.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'appel en garantie de cette société sur le fondement de la garantie des vices cachés.
b) Sur le fondement de la garantie décennale
Les époux [N] prétendent que la responsabilité décennale de la société Le Castel peut être recherchée au titre des travaux réalisés à sa demande sur les chéneaux par la Sarl [MS] en 1999.
La société Le Castel soutient que l'action des époux [N] à son encontre sur ce fondement est prescrite.
Sur ce
En vertu de l'article 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du même code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
Aux termes de l'article 2230 dudit code, la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.
L'article 2239 du même code dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès ; que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
En l'espèce, la société Le Castel a fait réaliser des travaux de chéneaux par la société [MS] suivant facture en date du 17 mai 1999.
Elle a été assignée en référé par les époux [N] aux fins d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile suivant assignation en date du 31 mars 2009.
A cette date, la prescription a donc été suspendue alors qu'il lui restait 1 mois et 17 jours à courir.
En application de l'article 2239 susvisé, elle a recommencé à courir, mais pour une durée limitée à six mois à compter du dépôt du rapport d'expertise de M. [T] intervenu le 5 septembre 2014.
Aucune action ne pouvait donc plus être engagée à l'encontre de la société Le Castel sur le fondement de la responsabilité décennale depuis le 5 mars 2015 et les époux [N], qui ont attrait cette société sur ce fondement juridique par acte du 26 décembre 2018, sont prescrits et donc irrecevables en leur action.
La décision entreprise sera cependant infirmée en ce qu'elle a rejeté, et non déclaré irrecevable, leur demande formée sur ce fondement.
II-3-2. Sur la demande indemnitaire complémentaire au titre du préjudice moral
Les appels en garantie formés par les époux [N] à l'encontre de M. [T], de son assureur, de la société Libert Haye diagnostics et de la société Le Castel étant rejetés au motif principal que les époux [N] sont responsables de leur propre préjudice causé par leur réticence dolosive, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande indemnitaire complémentaire sur le fondement du préjudice moral.
II-3-3. Sur la demande reconventionnelle indemnitaire de la société Le Castel
Vu l'article 1240 du code civil précité,
Pas plus qu'en première instance, la société Le Castel n'allègue ni ne démontre le préjudice qu'elle invoque, résultant de la procédure engagée par les époux [N].
La cour y ajoute que la société Le Castel ne démontre pas qu'en faisant appel d'une décision leur faisant grief, les époux [N] aient fait un usage abusif de leur droit d'ester en justice.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté ces derniers de leur demande indemnitaire pour procédure abusive.
III- Sur les autres demandes
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et frais irrépétibles.
Les époux [N], qui succombent en leur appel, seront condamnés aux entiers dépens de celui-ci, ainsi qu'à payer la somme de 2 500 euros à la société Le Castel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et seront déboutés de leur demande au même titre.
Cependant, l'équité commande de débouter les autres parties de leurs demandes respectives sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour
1) Sur l'action de Mme [Y]-[I]
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] à payer à Mme [O] [Y]-[I] les sommes de :
- 376 401,05 euros au titre du remboursement du prix augmenté des frais de la vente, des honoraires de l'agent immobilier et de la taxe foncière pour les années 2017 et 2018 ;
- 41 793,90 euros à titre de dommages et intérêts ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne in solidum M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] à payer à Mme [O] [Y]-[I] les sommes de :
- 360 000 euros au titre de la restitution du prix de vente de l'immeuble, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2017 ;
- 26'631,98 euros au titre des frais d'entretien, conservation et amélioration de l'immeuble';
- 27 923,44 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral.
Déboute Mme [O] [Y]-[I] du surplus de ses demandes indemnitaires ;
Condamne in solidum M. [W] [N] et son épouse Mme [VG] [V] à supporter les dépens de l'instance d'appel ;
Les condamne in solidum à payer à Mme [O] [Y]-[I] la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
2) Sur les recours en garantie de M. et Mme [N]
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes de M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] ;
La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Déclare irrecevable l'appel en garantie formé par M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] à l'encontre de la SCI Le Castel sur le fondement de la garantie décennale ;
Rejette le surplus des appels en garantie formé par M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] à l'encontre de M. [M] [T], de son assureur la MMA, de la Sarl Libert-Haye représentée par Maître [J] [G], en qualité de liquidateur, et de la SCI Le Castel ;
Y ajoutant,
Condamne M. [W] [N] et Mme [VG] [V] épouse [N] in solidum aux dépens d'appel ;
Les condamne in solidum à payer à la SCI Le Castel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Les déboute de leur demande à ce titre ;
Déboute les autres parties de leurs demandes respectives sur le même fondement.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet