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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 17 septembre 2024, n° 21/03786

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 21/03786

17 septembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03786 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IG5V

LR EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES

24 septembre 2021

RG :20/00128

[S]

C/

Organisme CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES

Grosse délivrée le17 septembre 2024 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 24 Septembre 2021, N°20/00128

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Juillet 2024 successivement prorgé au 10 et 17 septembre 2024

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [I] [S]

né le 28 Février 1956 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie SCHNEIDER de la SELARL AURELIE SCHNEIDER, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Philippe JABOT de la SELARL CHEVILLARD, JABOT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

Organisme CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DANS LES MINES CAISSE AUTONOME NATIONALE DE SECURITE SOCIALE DES MINES, organisme de sécurité sociale, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas CHENEVOY de l'AARPI FIDERE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [I] [S] a été engagé, à compter du 1er janvier 1987, au sein de la sécurité sociale minière (Union régionale de l'Est), suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef de groupe de projets au Cirece à l'échelle 14TJ.

En 2007, les « unions régionales » et les « sociétés de secours minières » ont disparu au profit des caisses régionales de sécurité sociale minière (CARMI) qui ont fusionné au sein de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines (CANSSM)

M. [I] [S] a fait l'objet d'une promotion continue.

Par décision du 15 décembre 2015, il était nommé directeur délégué de la CARMI Sud et accédait au niveau B3 (coefficient 808) puis, le 15 novembre 2018, il passait au niveau A3 (coefficient 943).

Le 30 juin 2019, M. [I] [S] a fait valoir ses droits à la retraite et est sorti des effectifs de l'entreprise.

Par requête du 26 décembre 2018, M. [I] [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'Alès aux fins d'ordonner le maintien des points de rémunération variable et d'évolution salariale depuis le 1er janvier 2016 ; ordonner l'ajout des 80 points d'évolution professionnelle en application du principe d'égalité de traitement, depuis le 1er janvier 2016 ; condamner la CANSSM au paiement de diverses sommes à caractère salarial.

Par jugement du 24 septembre 2021, le conseil de prud'hommes d'Alès a :

- débouté M. [I] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté la CANSSM - CARMI Sud, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] [S] aux entiers dépens.

Par acte du 19 octobre 2021, M. [I] [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 17 janvier 2022, M. [I] [S] demande à la cour de :

« DIRE ET JUGER l'appel formé par M. [I] [S] recevable et bien fondé ;

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'ALES, le 24 septembre 2021, en ce qu'il a :

« DEBOUTE M. [I] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions » ,

« CONDAMNE M. [I] [S] aux entiers dépens » ;

ET STATUANT A NOUVEAU,

ORDONNER le maintien des points de responsabilités supplémentaires et d'évolution salariale de M. [S], et ce depuis le 1er janvier 2016 ;

ORDONNER l'ajout des 80 points d'évolution professionnelle à M. [S], en application du principe d'égalité de traitement, et ce depuis le 1er janvier 2016 ;

En conséquence,

CONDAMNER la Caisse Autonome Nationale de Sécurité Sociale dans les Mines (C.A.N.S.S.M) au paiement des sommes suivantes :

- 43.109,21 € bruts à titre de rappel de salaire (maintien des points de responsabilités supplémentaires et d'évolution salariale),

- 4.310 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- 24.337 € bruts à titre de rappel de salaire (égalité de traitement)

- 2.433,70 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- 4.671,99 € bruts à titre de rappel d'allocation vacance,

- 467,19 € bruts titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 4.671,99 € bruts à titre de rappel de gratification annuelle, outre la somme de

- 467,19 € bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 1.079,23 € bruts à titre de mesure salariale PAS 2013,

- 107,92 € bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- ORDONNER la délivrance des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document manquant à compter du huitième jour suivant la notification de la décision à intervenir, le Conseil se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte.

- DIRE et JUGER que les sommes seront assorties des intérêts légaux depuis l'introduction de la demande ;

- CONDAMNER la CANSSM à verser à M. [I] [S] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du C.P.C., ainsi qu'aux entiers dépens. »

M. [I] [S] soutient en substance que :

- sur le maintien des points acquis

- par sa décision du 15 novembre 2018, la CANSSM lui a accordé une revalorisation du classement conventionnel, tout en lui supprimant les points acquis tout au long de sa carrière

- cette décision arbitraire de l'employeur ne respecte ni les dispositions conventionnelles, ni l'obligation de l'accord du salarié tenant la modification de sa rémunération

- lors de son passage au niveau A3 coefficient 943, il a conservé les mêmes fonctions

- la CANSSM n'était aucunement fondée à revoir à la baisse les points d'évolution salariale et de responsabilités supplémentaires accordés ; l'acquisition de ces points résulte d'une évolution professionnelle continue et pérenne, et tient compte des responsabilités étendues de son poste

- sur les points de « compétence professionnelle » et l'inégalité de traitement : en application du principe « à travail égal, salaire égal », il est bien fondé à solliciter le bénéfice des 80 points de « compétence professionnelle » qui ont été octroyés à son collègue de travail M. [K], qui bénéficie d'une ancienneté bien moindre dans l'entreprise et de fonctions moins étendues

- sur le rappel d'allocations vacances, de la gratification annuelle et d'une « mesure salariale » qu'il est en droit de réclamer :

- il est prévu à l'article 2-6 du Protocole d'accord du 22 juillet 2005, le versement d'une allocation vacances attribuée chaque année aux agents de direction, en deux versements (31 mai et 30 septembre), pour un montant d'un demi-mois de salaire ainsi que d'une gratification annuelle égale au salaire normal du dernier mois de chaque année

- il est prévu à l'article 1er du Protocole d'accord du 10 avril 2013, relatif à la rémunération dans les organismes du régime général de la sécurité sociale, une « mesure salariale » de 1,65 % « PAS 2013 »

En l'état de ses dernières écritures du 15 avril 2022, la CANSSM a demandé de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès en date du 4 juin 2021, en ce qu'il a déclaré recevable la demande de M. [I] [S] au titre du rappel de mesure salariale 'PAS 2013",

Et statuant à nouveau;

- juger irrecevable M. [I] [S] en sa demande nouvelle au titre de rappel de mesure salariale PAS 2013,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Alès en date du 24 septembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la CANSSM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en tout état de cause,

- condamner reconventionnellement M. [I] [S] à payer à la CANSSM la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La caisse intimée fait valoir en substance que :

- sur le prétendu « droit au maintien des points acquis »

- M. [I] [S] a sollicité en novembre 2018 une revalorisation de ses fonctions et de son classement conventionnel se traduisant par un passage du niveau B3 coefficient 808 au niveau A3 coefficient 943, demande à laquelle il a été fait droit, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016

- elle lui a en réalité appliqué un coefficient développé bien plus favorable conformément aux termes de l'article 2.3 du Protocole du 22 juillet 2005, lequel prévoit la perte des points d'évolution salariale

- sur la prétendue inégalité de traitement : il est démontré que la différence de traitement avec M. [K] n'est pas avérée et en tout état de cause, objectivement justifiée

- par suite, la demande de rappel d'allocations vacances et de gratification annuelle n'est pas fondée

- la demande de rappel de mesure salariale « PAS 2013 » est irrecevable comme nouvelle ne présentant pas un lien suffisant avec les demandes initiales et en tout état de cause, infondée.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 11 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 21 août 2023 à 16 heurs et fixé examen de l'affaire à l'audience du 21 septembre 2023 puis à l'audience du 7 mars 2024 et enfin à l'audience du 28 mars 2024.

MOTIFS

Sur le maintien des points acquis

Selon l'article 2.1 du titre II du protocole d'accord du 22 juillet 2005 relatif à la classification des emplois et au dispositif de rémunération des personnels de direction,

« La rémunération directe est composée des éléments suivants :

une rémunération correspondant à la fonction exercée, matérialisée par un coefficient dit coefficient de fonction, à laquelle s'ajoutent des points de cadres dirigeants, dans les conditions définies par le protocole d'accord du 24 avril 2002, ainsi que des points de responsabilités supplémentaires, dans les conditions définies par l'article 2.5 du présent accord ;

une plage d'évolution salariale non automatique et pérenne délimitée par le coefficient de fonction et un coefficient maximum ;

une prime variable destinée à reconnaître la performance dans ses dimensions collective et individuelle ».

L'article 2.3 alinéas 7 et 8 dispose quant à lui :

« En cas d'accès à un emploi dont le coefficient de fonction est supérieur à celui de l'emploi précédemment occupé, les points d'évolution salariale acquis sont supprimés.

Dans ce cas, l'agent de direction bénéficie, dès sa prise de fonction, d'une rémunération supérieure d'au moins 5% à celle résultant de son ancien coefficient et des points d'évolution salariale acquis ».

Il ressort de la décision du 15 décembre 2015 que :

- M. [I] [S] a été nommé directeur délégué de la CARMI Sud (niveau B3) à compter du 1er janvier 2016

- son coefficient a été arrêté comme suit :

- au titre du coefficient de base (correspondant au niveau B3) 808 points

- au titre des points de responsabilités supplémentaires 60 points

- au titre de l'évolution salariale 244 points

soit un total de 1112 points

Il bénéficiait précédemment, au 31 décembre 2015, alors au niveau C3, d'un coefficient développé composé comme suit :

- coefficient de base 699 points

- points d'évolution salariale 244 points

- points de responsabilités supplémentaires 60 points

soit 1003 points

Ainsi, accédant alors à un emploi de niveau supérieur (niveau B3 au niveau A3), conformément aux dispositions de l'article 2.3 précitées, le coefficient devait faire l'objet d'une revalorisation de 5 % (comprenant le coefficient de base et les points d'évolution salariale mais non les points de responsabilité supplémentaires), soit a minima :

699 + 244 = 943 points X 1,05 = 990,15 arrondi à 991

Par décision du 12 septembre 2017, la CANSSM a décidé d'attribuer à M. [I] [S] 20 points au titre des « responsabilités supplémentaires », à effet au 1er janvier 2017.

Par courrier du 31 juillet 2018, M. [I] [S] a demandé à son employeur de reconsidérer son classement eu égard à celui de son collègue, M. [Z] [K], dont il indiquait qu'il se situait au même niveau de responsabilités et de positionnement dans l'organigramme. Il sollicitait ainsi un classement au coefficient 943 (soit une différence de 135 points par rapport au coefficient 808).

Par courrier du 14 novembre 2018, le directeur général de la CANSSM décidait de lui attribuer 20 points d'évolution salariale, à effet au 1er janvier 2018.

Puis, le lendemain, par courrier du 15 novembre 2018, le directeur général lui annonçait :

« A effet rétroactif du 1er janvier 2016, je vous classe aujourd'hui, après application de la règle des 5 % et maintien des 20 points de responsabilité supplémentaires que nous vous avons accordés au 1er janvier 2017, au niveau A3 avec un coefficient développé de 1074 points se décomposant comme suit :

- coefficient de base : 943 points

-évolution 111 points

- responsabilité supplémentaire 20 points

(...) Toutefois, au regard de votre coefficient développé actuel soit 1132 points, supérieur au développement conventionnel de votre nouvelle classification, celui-ci sera maintenu ».

Or, comme il le fait valoir, sans être utilement contredit, M. [I] [S] ne changeait pas alors d'emploi puisque ses fonctions restaient exactement les mêmes et qu'il bénéficiait seulement d'une revalorisation de ses fonctions et de son coefficient de base, les dispositions conventionnelles précitées ne prévoyant la suppression des points d'évolution salariale qu'en cas « d'accès à un emploi » et non simplement de changement de catégorie, de niveau ou de coefficient de fonction, accepté par l'employeur.

En tout état de cause, il est patent que l'employeur n'appliquait qu'une partie des dispositions conventionnelles, en supprimant des points d'évolution salariale mais en ne faisant pas bénéficier au salarié de la fixation d'une « rémunération supérieure d'au moins 5% à celle résultant de son ancien coefficient et des points d'évolution salariale acquis ».

Par ailleurs, l'employeur indiquait maintenir le nombre total de points à 1132 seulement alors qu'il reconnaît lui-même, dans ses conclusions, qu'il avait accordé la veille 20 points de responsabilité supplémentaire, de sorte que M. [I] [S] bénéficiait de 1152 points au total.

En outre, si le bulletin de salaire de novembre 2018 fait mention de 943 de points de coefficient de base et 209 points d'évolution salariale, soit donc bien un total de 1152, les bulletins à partir de décembre 2018 mentionnent 943 points de coefficient de base et 197 points d'évolution salariale, soit un total de 1140 seulement.

Il est donc manifeste que M. [I] [S] a perdu les points qui lui avaient été précédemment accordés par l'employeur alors que ce dernier décidait, en novembre 2018, de maintenir le coefficient développé dont bénéficiait le salarié.

De plus, rien ne justifie que le salarié soit privé de 244 points d'évolution salariale lors du changement de coefficient réalisé par son employeur, alors que ces points résultent d'une progression au sein d'une plage d'évolution salariale s'opérant sous l'effet de la prise en compte de la maîtrise progressive et constatée de la fonction, conformément aux termes de l'accord du 22 juillet 2005.

Rien ne justifie non plus que soient supprimés les 80 points de « responsabilités supplémentaires » alors que l'article 2.5 de l'accord précité prévoit que « Ces points sont versés tant que les responsabilités supplémentaires se trouvent effectivement assumées. En tout état de cause, la limite maximale d'attribution de points de responsabilités supplémentaires est égale à 80 points (...) » et qu'il n'est pas contesté que lesdites responsabilités étaient toujours exercées par le salarié.

Cependant, si M. [I] [S] est fondé à solliciter le maintien des 244 points d'évolution salariale et des 80 points de responsabilités supplémentaires (60 + 20), il ne justifie pas de son droit à obtenir un rappel de 135 points correspondant à l'écart entre les 943 points de base (reclassement en A3) et les 808 points (classement en B3) pour la période du 1er janvier 2016 au 31 octobre 2018, soit la somme de 33 247,21 euros.

Il ressort en effet du courrier du 15 novembre 2018 ainsi que des courriels échangés en décembre 2018 et janvier 2019, produits par l'appelant, que l'employeur, en accordant le changement de statut réclamé, n'a jamais eu l'intention de lui octroyer un tel rappel de salaires.

En revanche, sont dues à M. [I] [S] les sommes suivantes :

- pour le mois de novembre 2018 : maintien des 80 points de responsabilités supplémentaires :

- 80 points X 1 mois X 7,2434 euros = 579,47 euros

- maintien de l'évolution salariale qui était à maintenir à 244 au lieu de 209 , soit un rappel de : 35 points X 1 mois X 7,2434 euros = 235,52 euros

- maintien des 20 points attribués en novembre 2018 avec effet rétroactif à partir de

janvier : 20 points X 11 mois X 7,2434 euros = 1593,55 euros

- pour la période de décembre 2018 à juin 2019 :

- une régularisation entre les 1367 points (incluant les 20 points d'évolution attribués en novembre 2018) et les 1140 points figurant sur les bulletins de salaire à partir de décembre 2018 :

- maintien des 80 points de responsabilités supplémentaires : 80 points X 7 mois X 7,2434 euros = 4056,30 euros

- maintien des 244 points, au lieu de 197, étant relevé qu'à partir de décembre 2018 les points d'évolution salariale inscrits sur le bulletin de salaire sont passés de 209 à 197, soit un rappel de : 47 points X 7 mois X 7,2434 euros = 2383,08 euros

- le paiement des 20 points d'évolution salariale notifiés en novembre 2018 : 20 points X 7 mois X 7,2434 euros = 1014,08 euros

soit un total de :

579,47 euros + 235,52 euros + 1593,55 euros + 4056,30 euros + 2383,08 euros + 1014,08 euros = 9862 euros outre les congés payés afférents, soit 986,20 euros.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de condamner la CANSSM au paiement de ces sommes.

Sur les points de « compétence professionnelle » et l'inégalité de traitement

En vertu du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. En cas de demande fondée sur une différence de rémunération, il incombe en premier lieu au salarié de produire des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec des salariés placés dans une situation identique. Au vu de ces éléments, il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération.

M. [I] [S] fait valoir que :

- il est bien fondé à solliciter le bénéfice des 80 points de compétence professionnelle qui ont été octroyés à son collègue de travail, M. [Z] [K], qui bénéficie d'une ancienneté bien moindre dans l'entreprise et de fonctions moins étendues, au vu du contrat de travail et des bulletins de salaire de ce dernier des mois de décembre 2017 et octobre 2018

- les points de compétence professionnelle attribués à M. [K] ne sont manifestement pas prévus par le protocole d'accord du 22 juillet 2005, relatif à la classification des emplois et rémunération des personnels de direction, mais correspondent en réalité à une augmentation du salaire de base

- il occupait le même poste de travail que son collègue, soit le poste de directeur délégué régional de la CARMI Sud et ses fonctions étaient au moins équivalentes

- la charge de travail avait beaucoup augmenté durant les dernières années avant son départ à la retraite ; en effet, la direction régionale (et notamment sur la partie de ses responsabilités), a dû faire face à une augmentation considérable de charge de travail due à une très forte réduction des effectifs d'encadrement de la CARMI Sud, imposée par le siège de la CANSSM et notamment une diminution élevée du nombre d'agents de direction, passant de 18 avant fusion des CARMI de la région Sud, à 7 agents après création de la CARMI Sud, ainsi que cela ressort de l'évolution des effectifs d'agents de direction 2015-2018 en pièce n°22 ; à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, il gérait les centres de santé qui comptaient 25 médecins, 22 infirmiers, pour 30 000 patients, alors que M. [K] gérait les centres de 17 médecins, 7 infirmiers, pour 20 000 patients ; en outre, à la suite d'une réorganisation d'avril 2019, il a dû assumer la double responsabilité de directeur des ressources humaines et de secrétaire général, avec une délégation supérieure à celle de son collègue de travail, ainsi que cela ressort des pièces produites : organigramme, délégations de pouvoir respectives à compter du 1er avril 2019, fiche de poste du directeur et de l'adjoint des ressources humaines

- il bénéficiait de 32 années d'ancienneté au sein de la Caisse, est titulaire d'un diplôme d'ingénieur obtenu en 1985, a suivi les cours de perfectionnement de l'Ecole [8] ([8]) 2ème section avec réussite aux examens en 2003

- M. [K] est entré à la sécurité sociale seulement en 2002 et n'a effectué ses études à l'[8] que durant les années 2008 et 2009

- enfin, à partir de l'année 2006, il a évolué sur le poste de directeur du centre informatique d'[Localité 5], puis au poste de directeur adjoint de la CARMI Sud Est puis celui de directeur adjoint et directeur délégué de la CARMI Grand Sud.

Ces éléments de fait sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec M. [K], de sorte qu'il appartient à la CANSSM de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de rémunération.

La CANSSM fait valoir que :

- M. [S] est titulaire d'un Baccalauréat C, d'un DUT en informatique de gestion, d'un DEST en informatique de gestion et enfin d'un diplôme d'ingénieur ; ces formations, dont elle ne remet pas en cause la valeur, ont été sanctionnées par des diplômes couvrant un champ d'activité très spécifique, que constitue l'informatique appliquée, de sorte qu'elles ne sont donc pas en rapport avec les dernières fonctions occupées par M. [S] et qui forment l'objet du présent litige

- M. [S] a certes suivi des formations complémentaires auprès du [7] et du [6] en management, communication, finance et comptabilité mais il ne s'agit pas d'une formation équivalente à celle des élèves du cycle initial de l'[8] recrutés sur concours

- M. [I] [S] maintient une confusion entre les deux formations, indiquant avoir réussi « l'examen d'entrée à l'Ecole [8] » et ayant réussi « aux examens de l'[8] » alors que la formation complémentaire sans concours d'entrée qu'il a suivie n'est pas comparable à la formation initiale

-à l'inverse, M. [K] est diplômé de l'[8] au titre de la formation initiale et, de surcroît, il est titulaire d'un DESS de management public et d'une maîtrise de sciences économiques et de gestion des entreprises, diplômes en rapport direct avec des fonctions de management et de direction ; il a par ailleurs suivi les enseignements suivants : actualité de la protection sociale ([8]), cycle de vie projet MOA/MOE (CNAV) et le management stratégique de projet ([6]), formations en rapport direct avec son activité professionnelle d'agent de direction d'un organisme de sécurité sociale

- M. [I] [S] ne saurait sérieusement affirmer avoir été dans une situation comparable à celle de M. [K], ces derniers présentant des profils particulièrement distincts

- de même, leur expérience professionnelle est significativement différente :

- M. [I] [S] ayant effectué l'essentiel de sa carrière, dans des fonctions informatiques en qualité d'analyste programmateur (CAP SOGETI, 1978 -1980), de chef de projet d'un centre d'études techniques (Ministère des transports, 1981 à 1986) et de chef de groupe de projets (CIRECE, 1987-1996) puis il a été recruté en qualité d'adjoint à un directeur de centre informatique

- M. [K], quant a lui, a effectué l'intégralité de sa carrière, au sein d'organismes de sécurité sociale et a occupé des fonctions de direction dès sa sortie de l'[8] ; dès ses premiers stages de découverte, puis son premier emploi en qualité de responsable de l'audit interne de la mutualité sociale agricole, il a intégralement collaboré dans le cadre de fonctions de management au sein de différents organismes de sécurité sociale : MSA de 2002 à 2007, en tant que responsable d'audit puis de responsable de pilotage des projets régionaux et membre du comité de direction, CNAV de 2009 à 2011 en tant que responsable du pôle partenaires, CPAM des Hauts de Seine de 2011 à 2014, en qualité de directeur du risque et de la communication, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, en qualité de secrétaire général en 2014 et jusqu'à son recrutement ; à ce jour, M. [K] est en charge de l'obtention des financements européens pour l'ensemble des projets nationaux de centres de santé et établissements, outre des fonctions de pilotage de l'adaptation de l'aménagement du temps de travail au plan national ; en tant que directeur adjoint, il est désormais affecté au siège national et relève directement du directeur général adjoint, soit de la personne hiérarchiquement la plus élevée de l'organisme, après son directeur général

- ainsi, tant les parcours professionnels que les diplômes de M. [K] et de M. [S], permettent de justifier un écart de rémunération, au demeurant tout à fait minime.

S'il n'est pas contestable que M. [I] [S] a connu une évolution de carrière due à son investissement professionnel, ses compétences reconnues et les responsabilités attribuées ainsi que ses réussites aux formations complémentaires, qu'il dispose d'une ancienneté plus importante et que, contrairement à ce qui est indiqué, il justifie avoir été nommé sous-directeur de la société de secours minière de Moselle Est, dès 1999 soit bien avant de devenir directeur de centre informatique en 2006, en revanche, l'employeur justifie bien de critères objectifs tenant à la différence de diplômes (concours d'entrée et formation initiale à l'[8]), de compétences et d'un parcours professionnel (notamment fonctions de management au sein des organismes de sécurité sociale) qui justifient la différence de 80 points supplémentaires.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires à ce titre.

Sur le rappel d'allocation vacances et de gratification annuelle

La cour n'ayant pas fait droit à la demande de rappel de salaire correspondant à la différence de 135 points du fait du passage du niveau B3 à A3 et à celle de 80 points de compétence professionnelle, les demandes de rappel sur trois ans de l'allocation vacances et de gratification annuelle fondées sur les 215 points réclamés ne peuvent qu'être rejetées, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le rappel de mesure salariale de 1,65 % « PAS 2013 »

La CANSSM fait valoir que la demande est irrecevable car nouvelle, ne se rattachant pas par un lien de connexité aux demandes initiales visant au maintien des points de rémunération variable et d'évolution salariale et d'ajout des points de compétence professionnelle.

Toutefois, il s'agit d'un élément de salaire dont le montant correspond à un pourcentage (1,65 %) « du salaire de base du coefficient de qualification, ou de fonction, majoré, le cas échéant, des points supplémentaires attribués », de sorte que la demande afférente se rattache par un lien suffisant au demandes initiales.

Cependant, sur le fond, outre le fait que M. [I] [S] ne justifie pas remplir les conditions d'application de cette mesure, la demande est fondée sur celle d'un rappel de 215 points depuis le 1er janvier 2016, à laquelle il n'a pas été fait droit, de sorte qu'elle ne peut qu'être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les demande accessoires et les dépens

Il y a lieu d'ordonner la délivrance de bulletins de salaires conformes au présent arrêt. Une astreinte n'est pas nécessaire.

Les intérêts légaux sont dus dans les termes du dispositif.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la CANSSM et l'équité justifie de faire droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

- Confirme le jugement rendu le 24 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Alès, en ce qui concerne le rejet des demandes au titre des 80 points de compétence professionnelle, de l'allocation vacances, de la gratification annuelle et de la mesure « PAS 2013 »,

- L'infirme pour le surplus,

- Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

- Condamne la CANSSM (Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines) à payer à M. [I] [S] la somme de 9862 euros de rappels de salaires outre les congés payés afférents, soit 986,20 euros,

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,

- Ordonne à la CANSSM de délivrer à M. [I] [S] des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans les deux mois de sa notification,

- Condamne la CANSSM à payer à M. [I] [S] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes,

- Condamne la CANSSM aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,