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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-2, 12 septembre 2024, n° 23/02591

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Isa Coiffure (SARL), Bcm (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bolteau-Serre

Conseillers :

Mme De Larminat, Mme Chabal

Avocats :

Me Levy Terdjman, Me Donot, Me Cormary, Me Touboul

Cons. prud'h. Boulogne-Billancourt, du 3…

3 mars 2021

Rappel des faits constants

La SARL Isa Coiffure, dont le siège social est situé à [Localité 9] dans les Hauts-de-Seine, exploite un salon de coiffure. Elle emploie moins de onze salariés et applique la convention collective de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006.

Mme [F] [C], née le 29 mars 1974, a été engagée par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er septembre 2016, en qualité de coiffeuse.

Par jugement du 23 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Isa coiffure et a désigné la société BCM en la personne de Me [P] en qualité d'administrateur judiciaire et la société [W]'[Y] en la personne de Me [Y] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 15 février 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de redressement de l'entreprise d'une durée de dix ans et a désigné la société BCM en la personne de Me [P], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par courrier du 20 mai 2019, Mme [C] a démissionné de son emploi et son contrat de travail a pris fin le 20 juin 2019.

Par requête reçue au greffe le 20 octobre 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires.

L'AGS CGEA Île-de-France Ouest est intervenue à la cause.

La décision contestée

Devant le conseil de prud'hommes, Mme [C] a présenté les demandes suivantes :

- juger ses demandes recevables et bien fondées,

- fixer au passif de la société Isa coiffure les créances suivantes assorties des intérêts au taux légal :

. 8 430,56 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

. 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire le jugement opposable au CGEA IDF Ouest,

- entiers dépens.

La société Isa Coiffure, Me [P] et Me [Y] ont conclu au débouté de la salariée et ont sollicité la condamnation de celle-ci aux dépens et à leur verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'audience de conciliation a eu lieu le 22 janvier 2020.

L'audience de jugement a eu lieu le 18 novembre 2020.

Par jugement contradictoire rendu le 3 mars 2021, la section commerce du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- débouté Mme [C] de ses demandes,

- condamné Mme [C] à verser à la société Isa coiffure la somme nette de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [C] aux dépens.

La procédure d'appel

Mme [C] a interjeté appel du jugement par déclaration du 2 avril 2021.

Par ordonnance d'incident du 26 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré caduc l'appel interjeté le 2 avril 2021 par Mme [C] à l'encontre du jugement rendu le 3 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, à l'égard de la société Isa Coiffure, la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire et l'association AGS CGEA Île-de-France Ouest,

- rejeté les demandes des parties présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [C] au paiement des dépens de l'incident, dont distraction au profit de Me Dontot, JRF & Associés.

Par requête remise au greffe le 9 février 2023, Mme [C] a déféré cette ordonnance à la cour.

Par arrêt du 7 septembre 2023, la cour d'appel de Versailles :

- a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 janvier 2023 déférée en ce qu'elle a déclaré caduc l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 3 mars 2021 interjeté le 2 avril 2021 par Mme [C] à l'égard de l'AGS CGEA Île-de- France Ouest, en ce qu'elle a rejeté les demandes des parties présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle a condamné Mme [C] aux dépens de l'incident,

- l'a infirmée en ce qu'elle a déclaré caduc l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 3 mars 2021 interjeté le 2 avril 2021 par Mme [C] à l'égard de la société Isa Coiffure, de la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- a dit que l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 3 mars 2021 interjeté le 2 avril 2021 par Mme [C] n'est pas caduc à l'égard de la société Isa Coiffure, de la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire,

- a dit l'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 3 mars 2021 interjeté le 2 avril 2021 par Mme [C] recevable à l'égard de la société Isa Coiffure, de la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire,

- a dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de statuer sur les demandes de la société Isa Coiffure, de la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, et de la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire tendant à déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes suivantes de Mme [C] :

- fixer au passif de la société Isa coiffure les créances suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation :

. 843 euros brut au titre des congés payés afférents,

. 10 211,10 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos,

. 5 000 euros net au titre du manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail,

- ordonner la remise du bulletin de paie conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard

et à déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par Mme [C] tendant à voir fixer au passif de la société Isa coiffure les créances suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation :

. 10 211,10 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos,

. 5 000 euros net au titre du manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail,

- a débouté les parties de leurs demandes d'indemnités relatives à la procédure de déféré fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné Mme [C] aux dépens du déféré.

Par ordonnance rendue le 24 avril 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries le 2 mai 2024, dans le cadre d'une audience rapporteur.

Prétentions de Mme [C], appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 2 avril 2024 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [C] demande à la cour d'appel de :

- constater l'effet dévolutif et juger que la cour est valablement saisie,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Isa Coiffure la somme nette de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et en ce qu'il a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- juger ses demandes recevables et bien fondées,

- juger que ses demandes ne sont pas prescrites,

- débouter la société Isa Coiffure, la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan et la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire de leurs demandes, fins et conclusions,

- juger que sa pièce n°17 est lisible et parfaitement recevable,

- fixer au passif de la société Isa Coiffure les créances suivantes assorties de l'exécution provisoire et des intérêts au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation :

. 8 430,56 euros brut au titre du montant restant dû sur les heures supplémentaires,

. 2 500 euros net en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire le jugement opposable au CGEA IDF Ouest,

- condamner aux entiers dépens (sic),

statuant à nouveau,

- fixer au passif de la société Isa Coiffure les créances suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation :

. 8 430,56 euros brut au titre du montant restant dû sur les heures supplémentaires,

. 843 euros brut au titre des congés payés afférents,

. 10 211,10 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos,

. 5 000 euros net au titre du manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail,

. 2 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. les entiers dépens, en ce compris les frais de signification et d'exécution par voie d'huissier,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- dire le jugement opposable au CGEA IDF Ouest.

Prétentions de la société Isa Coiffure, de la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan et de la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire, intimées

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 26 mars 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, la société Isa Coiffure, la société BCM en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan et la société [W] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour d'appel de :

- constater que la déclaration d'appel de Mme [C] en date du 2 avril 2021 à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 3 mars 2021 ne défère à la cour d'appel de céans aucun chef critiqué du jugement entrepris et constater, en conséquence, l'absence d'effet dévolutif,

- déclarer qu'en l'absence d'effet dévolutif, la cour n'est pas valablement saisie,

subsidiairement,

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées en cause d'appel par Mme [C], et qui sont les suivantes :

- fixer au passif de la société Isa Coiffure les créances suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation :

. 843 euros brut au titre des congés payés afférents,

. 10 211,10 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos,

. 5 000 euros net au titre du manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- déclarer irrecevables comme étant prescrites les nouvelles demandes formulées par Mme [C] tendant à voir fixer au passif de la société Isa Coiffure les créances suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine avec capitalisation :

. 10 211,10 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

. 5 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos,

. 5 000 euros net au titre du manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail,

- écarter des débats la pièce adverse n°17 communiquée par l'appelante entièrement illisible,

- confirmer le jugement rendu le 3 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a :

. débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

. condamné Mme [C] à verser à la société Isa Coiffure la somme nette de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné Mme [C] aux entiers dépens,

- déclarer Mme [C] infondée en l'intégralité de ses demandes,

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant, et en tout état de cause,

- condamner Mme [C] à verser à la société Isa Coiffure la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me Dontot, JRF & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la mise hors de cause de l'association AGS CGEA Île-de-France Ouest

Il sera constaté que l'association AGS CGEA Île-de-France Ouest ayant été mise hors de cause, aucune demande ne peut prospérer à son encontre.

Sur la saisine de la cour

Après avoir relevé que les chefs de jugement critiqués ne figuraient que dans l'annexe jointe à la déclaration d'appel, les intimées font valoir que la cour n'est pas saisie, que l'effet dévolutif n'a pas opéré car, selon elles, ce n'est qu'en cas d'empêchement d'ordre technique que l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer (Civ. 2e, 13 janvier 2022, n°20-17.516).

Mme [C] considère de son côté que la déclaration d'appel est parfaitement régulière au regard de la dernière jurisprudence applicable (Civ. 2e, 26 octobre 2023, n°22-16.185).

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Il est constant que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (Civ. 2e, 30 janvier 2020, n°18-22.528).

L'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, dispose': «'La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.'»

La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe contenant, notamment, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Par avis du 8 juillet 2022 (n° 22-70.005), la Cour de cassation a notamment dit que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

L'instance devant une cour d'appel, introduite par une déclaration d'appel, ne prenant fin qu'avec l'arrêt que rend cette juridiction, lequel n'est pas encore rendu en l'espèce, le décret du 25 février 2022 est applicable au présent litige. La cour d'appel est tenue, au besoin d'office, de faire application de ce nouveau texte.

En l'espèce, la déclaration d'appel de Mme [C] indique, sur le module du Réseau privé Virtuel Avocat (RPVA) prévu à cet effet': « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : la déclaration d'appel est en pièce jointe » puis elle énonce les chefs critiqués du jugement dans une annexe, ce point n'étant pas remis en cause par les parties.

Dès lors, cette déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, applicable au litige.

Les intimées seront déboutées de leur demande tendant à dire que l'effet dévolutif n'a pas opéré.

Sur les demandes nouvelles en cause d'appel

La société Isa Coiffure et les sociétés BCM et [W] [Y] ès qualités soulèvent l'irrecevabilité de plusieurs demandes présentées par Mme [C] en cause d'appel, motif pris que celles-ci sont nouvelles, tandis que la salariée s'oppose à la demande.

Il est rappelé qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code énonce que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. L'article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, alors que Mme [C] avait présenté une demande de rappel d'heures supplémentaires devant le conseil de prud'hommes, elle a présenté en cause d'appel les demandes nouvelles suivantes':

- les congés payés afférents au rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- une indemnité pour travail dissimulé,

- des dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos,

- des dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail,

- la remise d'un bulletin de salaire conforme sous astreinte.

Ces demandes, qui ont toutes trait à la même question du temps de travail, constituent l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande initiale au titre des heures supplémentaires.

Elles seront en conséquence déclarées recevables en cause d'appel.

Sur la prescription

Les différentes demandes ne répondant pas aux mêmes règles de prescription, il convient de les distinguer.

La prescription est en effet de trois ans en matière salariale et de deux ans en ce qui concerne les demandes liées à l'exécution du contrat de travail, tandis que l'action relative à l'indemnité de travail dissimulé se prescrit par cinq ans.

Toutefois ici, Mme [C] a démissionné de son poste par courrier du 20 mai 2019, ce qui constitue le point de départ des différents délais, et elle a formulé ses demandes dans sa déclaration d'appel effectuée le 2 avril 2021, soit moins de deux ans après.

Dans ces conditions, aucune des demandes de la salariée n'est prescrite.

Sur les heures supplémentaires

Mme [C] sollicite le bénéfice d'une somme de 8 430,56 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents. Elle relate qu'elle a été engagée pour travailler au salon à temps partiel en qualité de coiffeuse débutante, selon un volume horaire hebdomadaire de 16 heures, les vendredis de 10h à 20h et les samedis de 9h à 18h, qu'à compter du 1er octobre 2016, il lui a été soumis un avenant pour un volume horaire hebdomadaire de 24 heures, sans répartition des horaires dans la semaine, puis dès le 9 janvier 2017, un nouvel avenant pour 35 heures hebdomadaires et enfin un avenant à temps plein, soit 39 heures hebdomadaires, à compter du 1er juin 2017, ces augmentations successives de son temps de travail en quelques mois révélant, selon elle, que sa charge de travail était en augmentation constante. Elle indique que la relation contractuelle s'est déroulée sans difficulté, la gérante, Mme [N], ayant attesté qu'elle donnait entière satisfaction, mais qu'elle s'est dégradée à partir du moment où elle a réclamé le paiement des heures supplémentaires qu'elle avait effectuées. Elle explique qu'en 2017 et 2018, Mme [N] n'est venue que ponctuellement et de manière irrégulière au salon pour travailler quelques heures, compte tenu de graves soucis de santé, qu'elle a donc dû être présente aux jours et heures d'ouverture du salon, soit plus de 39 heures par semaine, alors qu'elle n'était rémunérée que sur la base de 35 heures hebdomadaires. Elle termine en indiquant qu'elle a démissionné de son poste sous la pression de son employeur et compte tenu du litige qui les opposait sur le règlement des salaires.

Les intimées s'opposent à la demande.

Au préalable, compte tenu des multiples modifications du temps de travail intervenues au cours de la relation contractuelle, il convient de rechercher quel était l'horaire hebdomadaire applicable à la salariée sur la période de réclamation.

Mme [C] produit un tableau détaillé (sa pièce 20) faisant ressortir':

- une période totale de réclamation du 1er janvier 2017 au 22 juin 2019,

- une durée de travail hebdomadaire de 35h du 1er janvier au 31 mai 2017 (première période),

- une durée de travail hebdomadaire de 39h du 31 mai 2017 au 22 juin 2019 (seconde période).

L'étude des bulletins de salaire montre que la salariée a été rémunérée sur la base de 151,67'heures mensuelles correspondant à 35h par semaine au cours de la seconde période et qu'elle s'est vu reconnaître des heures supplémentaires uniquement au cours de la première période.

La société Isa Coiffure remet en cause le fait qu'un horaire de 39 heures ait été convenu entre les parties. Elle fait valoir que la salariée n'a pas signé la proposition d'avenant qui lui a été présentée, avec une augmentation de l'horaire hebdomadaire à 39 heures. S'il est exact que l'avenant n'a pas été signé, la cour relève cependant que le seul fait qu'un tel avenant lui ait été soumis accrédite le fait que sa charge de travail nécessitait qu'elle exécute davantage d'heures.

En toute hypothèse, l'employeur reconnaît que la salariée a été rémunérée sur la base de 35 heures pendant cette période. Mme [C] peut donc réclamer les 4 heures de différence à titre d'heures supplémentaires, à condition de faire la démonstration qu'elle les a effectivement réalisées.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2 et suivants du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, Mme [C] produit les éléments suivants':

- les attestations concordantes de Mmes [M], [B], [C] et [D], non utilement remises en cause par les intimées, qui confirment qu'en pratique elle gérait seule le salon (pièces 11, 12, 13 14 et 24 de la salariée),

- les justificatifs des horaires d'ouverture du salon de coiffure sur le site internet et la plaquette du salon reprenant ses horaires d'ouverture (pièces 15 et 16 de la salariée),

- des messages échangés avec son employeur montrant qu'elle faisait seule la caisse et qu'elle informait Mme [N] ensuite (pièce 19 de la salariée),

- des exemples du carnet de rendez-vous du salon (sa pièce 22).

A titre d'exemple, Mme [D] atteste en ces termes': «'(') Je n'étais coiffée que par [Mme [C]] dans ce salon et je ne voyais quasiment qu'elle dans le salon. Je venais souvent à l'ouverture et c'était elle qui faisait l'ouverture, seule. Elle faisait très souvent tout, toute seule (coiffure, shampoing, rangement, ménage, caisse, etc.) et elle faisait souvent la fermeture aussi. J'appréciais énormément le professionnalisme et la gentillesse d'[F]'» (pièce 24 de la salariée).

Ou encore, Mme [K] [J] qui indique qu'elle «'était une cliente régulière du salon de coiffure «'Isa Coiffure'» lorsque Mme [C] [F] était employée du salon, je constatais souvent qu'elle était seule à faire l'ouverture et la fermeture, la caisse et également travaillait en journée seule spécialement durant 2018, tout cela sans faire de pause car elle était débordée.'» (pièce 14 de la salariée).

Ainsi, Mme [C] présente, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, l'employeur conteste de façon inopérante la force probante des pièces produites par la salariée.

Il fait valoir qu'il n'a jamais sollicité l'accomplissement d'heures supplémentaires. Il explique que Mme [N], gérante de la société, travaillait au début de l'année 2017 avec deux salariées à temps partiel, qu'en janvier 2017, elle a été victime d'une rupture d'anévrisme qui a nécessité plusieurs hospitalisations qui l'ont empêchée de reprendre une activité professionnelle normale, que dans ces conditions, elle n'a pu réclamer l'accomplissement d'heures supplémentaires.

Il est toutefois constant qu'un salarié est bien fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires dès lors que leur réalisation est rendue nécessaire au regard notamment de sa charge de travail.

Il résulte des circonstances de la cause, telles qu'elles ont été exposées par l'employeur lui-même, que l'absence de la gérante du salon pendant une longue période a généré une charge de travail supplémentaire pour Mme [C], qui, avec son autre collègue, devait maintenir le salon ouvert selon les modalités habituelles.

L'employeur ne justifie par ailleurs pas avoir mis en place un système de contrôle des heures de travail effectuées. Tant le carnet de rendez-vous du salon que les heures d'ouverture de celui-ci, s'ils constituent des éléments d'appréciation, ne permettent à eux seuls de déterminer le temps de travail de la salariée, celle-ci pouvant être présente au salon sans pour autant avoir de rendez-vous et pouvant également rester en dehors des heures d'ouverture du salon pour faire face à des tâches annexes.

Dans ces conditions, il sera retenu le principe d'heures supplémentaires devant bénéficier à la salariée.

Au vu du salaire horaire de Mme [C], de son horaire de référence, de sa charge de travail telle qu'elle résulte des éléments produits, mais également en tenant compte de la présence d'une autre salariée au sein du salon jusqu'en février 2018, des heures supplémentaires déjà rémunérés et de ses absences pour maladie (du 25 mars au 7 avril 2019 et du 10 avril au 20 juin 2019) ainsi que de la formation qu'elle a suivie et des congés qu'elle a pris sur la période, la créance salariale se rapportant aux heures supplémentaires accomplies sur la période considérée, de janvier 2017 à juin 2019, soit pendant 2 ans et 4 mois, sera évaluée à la somme totale de 3'456,87 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 345,68 euros.

Sur le travail dissimulé

Mme [C] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer une indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 10 211,10 euros, faisant valoir que son employeur a délibérément refusé de lui payer les heures supplémentaires qu'elle a effectuées.

La société Isa Coiffure s'oppose à la demande, soutenant que la salariée n'a jamais réalisé d'heures supplémentaires et que Mme [N] s'est clairement opposée à la réalisation de celles-ci.

S'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé, il est rappelé que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié visée à l'article L. 8221-5 du code du travail doit être établi.

Or, en l'espèce, aucun élément ne vient justifier du caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié. En effet, les heures supplémentaires retenues au profit de la salariée sont en nombre modéré et surtout, les circonstances de leur réalisation, telles qu'elles sont été rappelées ci-dessus, en relation avec la maladie de la gérante de la société, étaient exceptionnelles et par nature indépendantes de toute intention de dissimulation.

Ajoutant au jugement, Mme [C] sera déboutée de cette demande.

Sur l'atteinte au droit au repos

Mme [C] sollicite l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à son droit au repos. Elle fait valoir que son employeur n'a pas respecté ses temps de pause et de repos, ce qui a dégradé ses conditions de travail et porté atteinte à sa santé.

La société Isa Coiffure s'oppose à la demande.

Il est rappelé qu'il appartient à l'employeur de garantir la santé et la sécurité de ses salariés, ce qui implique notamment de respecter les temps de pause et de repos.

A l'appui de sa demande, outre des considérations générales dont il ne peut être tiré aucune conclusion, Mme [C] indique qu'elle a assuré des rendez-vous pendant l'heure du déjeuner les 9 et 23 juin 2017, laissant entendre qu'elle n'aurait pas bénéficié de pause déjeuner.

De son côté, la société Isa Coiffure produit le carnet de rendez-vous du salon de l'année 2017 qui démontre le contraire, Mme [C] ayant noté elle-même qu'elle s'absentait pour le déjeuner en rayant d'un trait les plages horaires correspondantes (pièce 24 de l'employeur et 22 de la salariée).

Par ailleurs, Mme [C] indique qu'elle a assuré un rendez-vous le 13 juillet 2018 à 18h30 au profit de Mme [B]. Même si la cliente atteste de ce rendez-vous (pièce 12 de la salariée), celui-ci n'apparaît toutefois pas sur le carnet de rendez-vous du salon et en toute hypothèse, il serait isolé sans qu'il ne soit démontré que la salariée n'a pas déplacé son temps de repos, donc non caractéristique d'un manquement de l'employeur à cet égard.

Dans ces conditions, la demande n'apparaît pas fondée.

Ajoutant au jugement, Mme [C] en sera déboutée.

Sur les obligations de l'employeur en matière de décompte du temps de travail

Mme [C] sollicite l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts. Elle reproche à son employeur de ne pas avoir mis en place un système de décompte du temps de travail, en méconnaissance de ses obligations en la matière.

La société Isa Coiffure s'oppose à la demande, soulignant qu'en toute hypothèse, la salariée ne démontre pas le préjudice qu'elle prétend avoir subi de ce fait.

Il est rappelé qu'outre l'article L. 3171-4 du code du travail, l'article 12.1 de la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006 prévoit que':

«'L'employeur met en place un système de contrôle et de décompte des heures de travail accomplies.

La durée du travail sera décomptée quotidiennement, par tous moyens d'enregistrement (badgeuse, pointeuse, cahier d'émargement signé par chaque salarié), au début et à la fin de chaque période de travail.

L'employeur mettant en 'uvre un système de modulation :

- établit en début de semaine civile une fiche d'horaire hebdomadaire remise à chaque salarié concerné. Au terme de chaque semaine civile le salarié remet ladite fiche en précisant les écarts éventuels entre le planning annoncé et les heures réellement effectuées ;

- annexe au bulletin de paie le récapitulatif hebdomadaire de l'horaire de travail.

En cas de désaccord, l'employeur et le salarié émettent leurs réserves respectives.'»

En l'espèce, si la société Isa Coiffure ne justifie pas avoir mis en place un tel système, les seuls carnets de rendez-vous étant insuffisants à cet égard, en tout état de cause, la salariée, qui a réclamé des heures supplémentaires, ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de ce manquement.

Dans ces conditions, la demande n'apparaît pas fondée.

Ajoutant au jugement, Mme [C] en sera déboutée.

Sur la fixation des créances au passif du redressement judiciaire de la société

Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et qu'en application des dispositions des articles L. 622-22 et L. 625-1 du même code, les éventuelles créances du demandeur ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif de la liquidation judiciaire ou du redressement judiciaire.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation

En vertu de l'article L.'622-28 du code de commerce, les intérêts moratoires ne sont dus que jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, soit en l'espèce jusqu'au 23 septembre 2017.

Cette date étant antérieure au point de départ des intérêts fixé au plus tôt à la convocation des défendeurs devant le conseil de prud'hommes, soit après sa saisine du 20 octobre 2019, Mme [C] sera déboutée de cette demande, ainsi que de la demande subséquente de capitalisation.

Sur la remise d'un bulletin de salaire conforme au présent arrêt sous astreinte

Mme [C] est bien fondée à solliciter la remise par la société Isa Coiffure'd'un bulletin de paie récapitulatif conforme aux termes du présent arrêt, sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte comminatoire à l'encontre de la société.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [C] au paiement des dépens de première instance ainsi qu'à verser à la société Isa Coiffure la somme de 100 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

Il convient de fixer au passif de la société Isa Coiffure les entiers dépens, tels qu'ils sont définis par l'article 695 du code de procédure civile, outre une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONSTATE que l'association AGS CGEA Île-de-France Ouest est hors de cause,

REJETTE la demande des intimées tendant à voir dire que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas opéré,

DÉCLARE recevables en cause d'appel les demandes de congés payés afférents au rappel de salaire pour heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos, de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations en matière de décompte du temps de travail et de remise d'un bulletin de salaire conforme sous astreinte,

DIT qu'aucune des demandes de Mme [F] [C] n'est prescrite,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 3 mars 2021,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE au passif du redressement judiciaire de la SARL Isa Coiffure au profit de Mme [F] [C] les créances suivantes':

3'456,87 euros au titre des heures supplémentaires réalisées,

345,68 euros au titre des congés payés afférents,

les entiers dépens,

1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [F] [C] de ses demandes au titre du travail dissimulé, de l'atteinte au droit au repos et des manquements de l'employeur en matière de décompte du temps de travail,

DÉBOUTE Mme [F] [C] de sa demande d'intérêts de retard et de capitalisation,

ENJOINT à la SARL Isa Coiffure de remettre à Mme [F] [C] un bulletin de paie récapitulatif conforme aux termes du présent arrêt,

DÉBOUTE Mme [F] [C] de sa demande d'astreinte.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Gaëlle Rullier, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.