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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 17 septembre 2024, n° 22/03428

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/03428

17 septembre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 17 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/03428 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZOZ

S.A.R.L. SO B CONCEPT

c/

S.A.R.L. DEVEXPERT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 janvier 2022 (R.G. 2020F00384) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 13 juillet 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. SO B CONCEPT, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Maître Sabrina BEUVAIN, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Myriam VINCENS-HOUREZ, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. DEVEXPERT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Maître Julien PRAMIL-MARRONCLE de la SELARL PIERRE NATALIS ET JULIEN PRAMIL-MARRONCLE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE:

A compter de juillet 2017, et jusqu'en avril 2018, date de rupture des relations contractuelles, la SARL Devexpert, ayant pour gérant M. [O] [X], a réalisé des prestations de service de coaching d'affaires au profit de la SARL SO B Concept, ayant piour gérant M. [K].

Un litige est survenu entre les parties en décembre 2018, en ce qui concerne le nombre d'heures effectuées, le taux horaire retenu et les résultats obtenus, et la société SO B Concept a refusé de régler certaines des prestations facturées.

Après mise en demeure infructueuse par actes d'huissier des 2 janvier 2019 et 11 juillet 2019, la société Devexpert a fait assigner la société SO B Concept devant le tribunal de commerce de Bordeaux, par acte du 18 mai 2020, en paiement des sommes principales de 11520 euros TTC et 5760 euros TTC, au titre des factures émises les 3 aout 2018 et 18 décembre 2018.

La société SO B Concept a concu au débouté en sollicitant à titre reconventionnel l'annulation du contrat du 17 juillet 2017, et la condamnation de la société Devexpert au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué comme suit :

Condamne la société SO B Concept à payer à la SARL Devexpert la somme de 15.360 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Déboute la société SO B Concept de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société SO B Concept à payer à la société Devexpert la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que l'exécution provisoire est de droit,

Condamne la société SO B Concept aux dépens.

Le tribunal a considéré, en substance, que le contrat du 17 juillet 2017 était valide, et définissait parfaitement les obligations à la charge des parties, quand bien même la société SO B Concept n'avait pas signé les devis qui lui avaient été présentés, et qu'aucune contestation n'avait été faite jusqu'en mars 2018 sur la qualité des interventions réalisées.

Il en a conclu que la société Devexpert avait bien rempli sa mission sur une durée de 8 mois, pour un coût mensuel de 1600 euros, et que celle-ci avait été arrêtée par décision unilatérale par la société SO B Concept, sans envoi de courrier de résiliation.

Par déclaration au greffe du 13 juillet 2022, la SARL SO B Concept a relevé appel du jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 4 octobre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société SO B Concept demande à la cour de :

Vu le jugement déféré du 26 Janvier 2022 .

Vu les articles 9, 542, 961 du code de procédure civile

Vu les articles 1137 alinéa 2, 1353 et suivants du code civil, L441-6 du code de commerce,

Vu les pièces,

Réformer le jugement du 26 Janvier 2022 rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions,

Débouter la Société Devexpert du règlement des factures F -20180-20 pour un montant de 11520 euros TTC et celle de F-2018-28 pour un montant de 5600 euros TTC, pour défaut de conformité contractuelle,

Faire droit à la proposition de règlement de la Société SO B Concept de la somme de 6308,57 euros TTC soit 5257,14 euros HT,

Condamner la Société Devexpert à la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêt,

Condamner la Société Devexpert à la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Société Devexpert aux entiers frais et dépens.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 22 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la SARL Devexpert demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104,1163, 1362, 1212,1710 du code civil;

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 11 janvier 2022 ;

Déclarer la SARL Devexpert recevable et bien fondée en ses demandes ;

Confirmer le jugement rendu le 11 janvier 2022 par le tribunal de commerce de

Bordeaux en ce qu'il a :

Condamné la société S0 B Concept à payer à la SARL Devexpert la somme de 15.360 euros outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

Débouté la SARL SO B Concept de l'ensemble de ses demandes,

Condamné la SARL SO B Concept à payer à la société Devexpert la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonné l'exécution provisoire de droit

En tout état de cause :

Débouter la SARL SO B Concept de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Ordonner (sic) la parfaite exécution du contrat de prestation de services du 17 juillet 2017 par la SARL Devexpert ;

Ordonner l'iexistence de la créance de la SARL Devexpert pour un montant total de 15.320 euros T.T.C au titre de l'exécution du contrat du 17 juillet 2017 ;

Condamner la SARL SO B Concept à verser à la SARL Devexpert, la somme de 15.320 euros T.T.C, majorée des intérêts de retard au taux légal ;

Condamner la SARL SO B Concept aux entiers dépens et frais de la présente procédure et à verser 5.000 euros à la SARL Devexpert sur le fondement des articles 696 et 700 de code procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1- Se fondant sur les dispositions des articles 1104, 1217 et 1130 du code civil, de l'article L.441-6 du code de commerce, et L.112-2 du code de la consommation, la société SO B Concept soutient qu'elle était profane en matière de coaching professionnel, et que la société Devexpert a manqué à son égard à son obligation d'information pré-contractuelle , de conseil et de 'transparence de la relation contractuelle', que le contrat dénommé 'Bronze' n'a été précédé d'aucun devis ni note explicative; que le consentement de M. [K] a été surpris par dol de sorte que le contrat doit être annulé; que l'exemplaire de contrat produit par la société Devexpert a été falsifié; et que la preuve n'est pas rapportée de la réalisation des prestations convenues (les factures communiquées étant à cet égard insuffisantes) tant dans leur contenu que sur le quantum d'heures.

2- La société Devexpert réplique qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information et de conseil, au vu des mentions contenues au contrat du 17 juillet 2017, permettant de déterminer le prix et les prestations à réaliser; et qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations.

Sur ce:

Concernant les demandes aux fins de nullité et d'inopposabilité:

3- Selon les dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

4- Au dispositif de ses conclusions notifiées le 4 octobre 2022, la société SO B Concpet n'a pas demandé à la cour d'annuler le jugement, ni de prononcer la nullité du contrat de prestation de service Bronze du 17 juillet 2017, ni de le déclarer inopposable à la société SO B Concept, ni de 'déclarer nulle et non avenue' la demande en paiement de la facture 'complément de mission selon contrat de prestation Bronze' d'un montant de 5760 euros TTC.

5- Ces prétentions ne sont mentionnées que dans la partie Discussion; la cour n'en est donc pas saisie, et il n'y a donc pas lieu d'examiner la pertinence des moyens énoncées au soutien de ces demandes.

Concernant le manquement allégué à l'obligation d'information pré-contractuelle et de conseil:

6- La société SO B Concept soutient qu'avant la conclusion du contrat, la société Devexpert l'a mal informée sur la nature des prestations, et mal conseillée.

7- Toutefois, les conséquences d'un manquement à un devoir d' information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance car il n'est pas certain que s'il avait été mieux informé, le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse (En ce sens, Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 mars 2013, n° 12-14.711 et 12-14.712).

8- Il en résulte en l'espèce que les manquements éventuels de la société Devexpert à son obligation d'information et de conseil, tels qu'invoqués par la société SO B Concept, ne pouvaient donner lieu de sa part qu'à une demande de dommages-intérêts, de nature à compenser totalement ou partiellement la demande en paiement de factures. En revanche, ces mêmes manquements ne pouvaient entraîner le rejet pur et simple de la demande de la société Devexpert en paiement de factures, ainsi que cela est sollicité au dispositif des conclusions.

9- Dès lors, l'argumentation développée sur ce point par la société SO B Concept doit être écartée, comme inopérante.

Concernant la contestation sur l'exécution effective du contrat:

10- Aucune conséquence juridique ne peut être tirée du fait que la société SO B Concept n'a pas signé le 'devis conseil' du 5 septembre 2017 intitulé Organisation participative sur 24 demi-journées soit 12 journées de 7 heures, pour un montant forfaitaire de 9600 euros HT soit 11 520 euros TTC (sa pièce 5), dès lors qu'elle avait préalablement signé le contrat de prestation de service Bronze le 17 juillet 2017, ayant pour objet une prestation de coaching du chef d'entreprise, pour une durée de 12 mois, à compter de juillet 2017, pour un prix de 1600 euros HT payable mensuellement.

L'article 1er de ce contrat détaillait les prestations à la charge de la société Devexpert:

- une consultation dite 'd'alignement' d'une durée moyenne de 3 heures, donnant lieu à un rapport écrit, et comportant comportant 'une liste étendue de stratégies et d'idées' après une analyse des objectifs professionnels et personnels du chef d'entreprise, des stratégies marketing et ventes, et des résultats afin d'établir une feuille de route,

- un programme de coaching personnalisé dénommé Programme Bronze ou 'construire une base solide', consistant en:

- 2 heures de consultation par semaine au choix, sur 12 mois,

- conception/évaluation des supports marketings, systèmes et méthodes de management de l'équipe,

- 1 rapport DISC sur le profil de communication.

11- La société Devexpert a communiqué le profil Disc concernant M. [K], gérant de la société appelante (pièce 12) le rapport de Conseil en organisation participative, établi le 19 novembre 2017 (pièce 13 de l'appelante) qui prévoyait 24 séances de travail, une analyse DISC (illisible-pièce 14) et le dossier de demande d'aide auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine.

12 - Aucun planning des interventions de la société Devexpert n'a été versé au débat, alors même que l'article 2.2 du contrat stipulait que les parties en établirait un mensuellement.

13- S'il est constant que les prestations ont bien commencé à compter de juillet 2017, la société Dexpert ne rapporte pas la preuve de la réalisation de 24 demi-journées de formation de 3.5 heures chacune (soit 84 heures), ainsi qu'indiqué dans sa facture du 3 aout 2018 et elle ne fournit d'ailleurs aucune précision sur les dates et horaires de ces séances. Elle n'a pas entendu communiquer le relevé figurant à l'angenda de M. [X], et auquel ce dernier fait référence dans son courriel du 4 décembre 2018 à 14h51, qui détaillerait la réalisation de 30 séances.

La société SO B Concept a en revanche produit un relevé de Google agenda de M. [K] sur lequel sont mentionnées 21 séances de 2 heures chacune, de 10 heures à 12 heures, entre le 10 juillet 2017 et le 19 février 2018, elle en admet en définitive 23 à 2 heures dans ses conclusions d'appel (soit un total de 46 heures), ce qui était déjà indiqué dans le courriel adressé le 5 décembre 2018 à M. [X] (pièce 3 Devexpert).

14- En réalité, compte tenu, d'une part, des stipulations du contrat Bronze, qui prévoyaient la réalisation de 2 heures de prestation par semaine sur 12 mois, soit 2 x 52 = 104 heures, pour un prix de 9600 euros HT et, d'autre part, de la fin anticipée du contrat à compter du 19 février 2018, dont il ressortait une durée effective d'exécution du contrat pendant 46 heures, la facture du 3 aout 2018 devait être établie sur une base de 9600 x 46/104 = 4246.15 euros HT.

15- Dès lors que le contrat a pris fin le 19 février 2018 à la demande de la société So B Concept (ce qui n'est pas contesté), sans que celle ci ne délivre de prévis d'un mois, ainsi que prévu au contrat (article 8), la société Devexpert était fondée à solliciter paiement de 4 semaines (soit 8 heures) complémentaires, de sorte qu'une somme complémentaire de 9600 x 8/104 = 738.46 euros HT pouvait être réclamée.

16 - Le montant total de la facturation devait donc être rectifié et fixée à 4984.61 euros HT, soit 5981.53 euros TTC.

17- Il convient toutefois de donner acte à la société appelante de son offre de régler la somme de 5257.14 euros HT soit 6308,57 euros TTC.

18- La cour ne pouvant statuer en deçà de ce qui est proposé par la société appelante, celle-ci sera donc condamnée, par voie d'infirmation du jugement déféré, à payer à la société Devexpert la somme de 6308,57 euros TTC avec intérêt au taux légal à compter du 18 mai 2020 date de l'assignation.

Sur les demandes accessoires :

19- Il convient de confirmer le jugement, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, dès lors que la demande en paiement était partiellement fondée.

20- Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles; les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société SO B Concept aux dépens de première instance, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formés par la société SO B Concept,

Statuant à nouveau,

Condamne la société SO B Concept à payer à la société Devexpert la somme de 5257.14 euros HT soit 6308,57 euros TTC, et ceci avec intérêt au taux légal à compter du 18 mai 2020,

Rejette le surplus des demandes,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président