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Décisions

CA Lyon, premier président, 16 septembre 2024, n° 24/00158

LYON

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

La Cuisine Créative (SAS)

Défendeur :

Urssaf Rhône Alpes, Selarl Mj Synergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardoux

Avocats :

Me De Boysson, Me Nouvellet

CA Lyon n° 24/00158

15 septembre 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation du 24 mai 2024, l'URSSAF Rhône Alpes a saisi le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou subsidiairement de liquidation judiciaire à l'encontre de la S.A.S. la Cuisine créative (LCC), lequel par jugement réputé contradictoire du 12 juin 2024 a prononcé le redressement judiciaire de cette société et nommé la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

La société LCC a interjeté appel de cette décision le 27 juin 2024.

Par assignations en référé délivrées les 17 et 18 juillet 2024 à la SELARL MJ Synergie et à l'URSSAF, la société LCC a saisi le premier président afin d'arrêter l'exécution provisoire.

A l'audience du 21 août 2024 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société LCC invoque les dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile et son absence d'état de cessation des paiements en indiquant qu'elle va être en mesure de faire face à son passif exigible à très court terme. Elle ajoute que le maintien du redressement judiciaire aurait des conséquences manifestement excessives car elle lui ferait perdre ses marchés publics avec les crèches.

Dans son soit transmis du 16 août 2024 régulièrement porté à la connaissance des parties notamment lors de l'audience, le ministère public indique ne pas avoir d'observations à présenter.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 5 août 2024, la SELARL MJ Synergie s'oppose aux demandes de la société LCC et sollicite que les dépens soient employés en frais privilégiés de procédure collective.

Elle relève que les dispositions de l'article R. 661-1 du code de commerce doivent recevoir application en l'espèce et ne nécessitent que l'articulation par la société LCC de moyens paraissant sérieux.

Elle indique qu'à la date du 16 juillet 2024, l'état des situations en cours révèlent des créances déclarées pour une somme de 24 617,85 € mais que le délai alloué aux créanciers pour adresser leurs déclarations de créances expirera le 26 août 2024.

Elle précise qu'au 1er août 2024, le passif déclaré s'élève à 55 381,10 € et que la trésorerie de la société LCC semble fragile au regard des charges mensuelles d'un montant de 16 186,38 € hors toute prise en compte du passif éventuel.

Elle ajoute que l'unique bilan clôturé au 31 décembre 2022 fait état de dettes d'un montant global de 139 553 €, composé d'un compte courant d'associé de 1 238 €, de dettes fournisseurs pour 12 063 €, de dettes fiscales et sociales pour 3 762 €, et d'autres dettes pour 122 490 €.

L'URSSAF, assignée par acte remis à une personne habilitée à le recevoir, n'a pas comparu.

Les parties ont été autorisées à déposer des notes en délibéré concernant d'une part l'évolution de la trésorerie et de l'activité de la société LCC et d'autre part concernant la production de l'état définitif des créances déclarées par le mandataire judiciaire.

Dans sa note en délibéré déposée au greffe par RPVA le 29 août 2024, la SELARL MJ Synergie a produit un état actualisé des créances déclarées au 28 août 2024 et a fait valoir que la créance déclarée par l'URSSAF à titre provisionnel de 11 766,58 € ne peut être écartée du calcul à réaliser pour l'apurement du passif comme la somme de 760 € déclarée à titre provisionnel par l'administration fiscale.

Dans sa note en délibéré déposée au greffe le 9 septembre 2024, la société LCC considère que le passif exigible est limité à 29 702 € et qu'elle dispose sur son compte d'un montant créditeur de 32 645,46 €.

Dans son courriel reçu au greffe le 9 septembre 2024, la SELARL MJ Synergie fait valoir que le paiement des dettes antérieures assécherait complètement le compte bancaire et qu'aucune marge n'existe pour permettre le règlement des charges fixes. Elle ajoute qu'il apparaît que la trésorerie est en grande partie constituée d'un apport de la holding et du dirigeant personne physique, ce qui ne démontre pas une capacité concrète de l'entreprise à poursuivre son activité.

Dans son courriel reçu au greffe le 10 septembre 2024, la société LCC répond que l'état de cessation des paiements répond à une stricte définition juridique et que seul doit être pris en compte le passif exigé alors que l'origine de l'actif disponible est juridiquement indifférente.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que la présente ordonnance est réputée contradictoire en ce que l'URSSAF a été assignée à sa personne ;

Attendu qu'aux termes de l'article R. 661-1 du Code de commerce, le jugement prononçant la liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire et par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel statuant en référé ne peut arrêter l'exécution provisoire d'un tel jugement, que si les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux ;

Attendu que comme l'a relevé la SELARL MJ Synergie, la société LCC est infondée à solliciter l'application de l'article 514-3 du Code de procédure civile au soutien de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ; que le texte spécifique du Code de commerce ne conduit d'ailleurs pas à examiner l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives ;

Attendu qu'un moyen sérieux ne relève pas d'une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance ; qu'en d'autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d'être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d'être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l'annulation ou à la réformation ;

Que l'absence de pouvoir juridictionnel du premier président pour déterminer les chances de succès de l'appel doit le conduire à ne retenir un moyen que s'il repose sur une base factuelle évidente ;

Attendu que la société LCC conteste se trouver en état de cessation des paiements, et il convient de rappeler que cet état doit être apprécié au jour où le juge statue et qu'il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve de ce qu'elle n'est pas actuellement en état de cessation des paiements ;

Qu'aux termes de l'article L. 631-1 du Code de commerce, la cessation des paiements se définit comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ;

Attendu que les parties comparantes discutent de l'exigibilité du passif déclaré au passif de la société LCC mais également de l'impact financier des besoins spécifiques de cette entreprise pour le maintien de son activité ;

Attendu que la société LCC soutient à tort que l'appréciation à réaliser pour déterminer le sérieux de son moyen de réformation d'une absence d'état de cessation des paiements est limitée à la seule confrontation des créances déclarées et du solde actuel de son compte bancaire ;

Que le mandataire judiciaire souligne avec pertinence que la trésorerie actuelle de la société LCC est destinée d'une part à faire face aux charges immédiatement exigibles de son activité poursuivie et d'autre part à faire face au passif exigible, tel que ressortant des déclarations de créances ;

Attendu qu'à l'examen de la liste des créances déclarées est actuellement exigible un total de 30 941,85 € ; que la société LCC ne précise pas les éléments qui la conduisent à limiter ce passif exigible à 29 702 € ;

Attendu que la société LCC verse aux débats :

- son bail faisant état d'un loyer mensuel payable le 5 du mois d'un montant de 2 016 € TTC,

- un projet d'activité agréée,

- trois factures,

- un tableau retraçant les opérations et le solde de son compte redressement judiciaire entre le 10 août et 6 septembre 2024 ;

Attendu qu'elle n'a pas contredit le mandataire judiciaire qui a relevé dans sa note en délibéré du 29 août 2024 que ses bilans antérieurs permettent d'identifier les charges fixes mensuelles de l'entreprise, la SELARL MJ Synergie produisant le bilan pour la période du 13 décembre 2021 au 31 décembre 2022 faisant état notamment de salaires et traitements pour un montant annuel de 40 108 € et des charges sociales pour 11 776 € ;

Que la société LCC demeure silencieuse sur le maintien de salarié dans l'entreprise et même sur l'ampleur de ses charges fixes, en particulier sur leurs montants et même leurs dates d'exigibilité ;

Attendu, en outre, que le relevé de compte produit ne mentionne pas le règlement mensuel du loyer pour ses locaux, mais fait état d'un versement de salaire d'un montant de 1 583,19 € à Mme [C] [L] pour le mois d'août 2024 ;

Attendu que le solde du compte courant de l'entreprise au 6 septembre 2024 est créditeur de 32 645,46 €, mais ne s'avère pas suffisant pour faire face à la fois aux charges courantes fixes telles qu'elles ont pu être identifiées partiellement (salaire de 1 583,19 € et loyer mensuel de 2 016 € soit 3 599,19 €) et aux créances exigibles de 30 941,85 € ;

Attendu qu'en l'absence d'une évidence, il ne peut ainsi être retenu que la société LCC est sérieuse à soutenir qu'elle ne se trouve pas actuellement en état de cessation des paiements ;

Attendu qu'en conséquence, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de son redressement judiciaire est rejetée ;

Attendu que les dépens de la présente instance doivent rester à la charge de la société LCC qui succombe et seront employés en frais privilégiés de procédure collective ; que ces dépens ne peuvent être réservés comme correspondant à une instance distincte de celle d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance réputée contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 27 juin 2024,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée de plein droit au jugement rendu le 12 juin 2024 par le tribunal de commerce de Lyon,

Disons que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de procédure collective.