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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 17 septembre 2024, n° 23/01480

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux (R)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA), MJS Partners (SELAS), Sungold (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Javelas

Conseillers :

M. Pinoy, Mme Thivellier

Avocats :

Me Baudin, Me Boularie, Me Karm, Me Mendes Gil

TJ Courbevoie, du 13 oct. 2022, n° 11-21…

13 octobre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant contrat d'achat n°16355 du 27 octobre 2015, M. [D] [R] et Mme [H] [R] née [G], domiciliés [Adresse 4], ont commandé auprès de la société Sungold exerçant sous l'enseigne « Institut des nouvelles énergies » [Adresse 2], une installation solaire photovoltaïque d'une puissance globale de 3000 Wc pour un prix total de 21 500 euros toutes taxes comprises.

Suivant offre préalable émise le 5 novembre 2015 et acceptée le 6 novembre 2015, la société Sygma Banque a consenti aux époux [R] un crédit accessoire à la vente et l'installation de la centrale solaire photovoltaïque d'un montant de 21 500 euros, remboursable en 120 mensualités d'un montant unitaire de 249,41 euros sans assurance, incluant les intérêts au TEG de 5,76% à l'issue d'une période de report de 12 mois.

La société Sungold a procédé à l'installation, au domicile des époux [R] de la centrale solaire photovoltaïque le 21 novembre 2015, une attestation de fin de travaux a été signée à cette date par M. [R] et la société Sygma Banque a procédé au déblocage des fonds.

Par jugement du 6 septembre 2016, la société Sungold a été placée en liquidation judiciaire.

Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.

Par assignations 15 et 19 avril 2021, estimant que l'installation photovoltaïque ne satisfaisait en aucune manière aux promesses de rendement qui leur avaient été faites, les époux [R], par actes de commissaire de justice signifiés les 15 et 19 avril 2021, ont fait assigner en nullité des contrats de vente et de crédit affecté devant le juge de la protection de Courbevoie, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, et la SELAS MJS Partners en la personne de Me [C], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Sungold.

Par jugement réputé contradictoire du 13 octobre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie a :

- déclaré les époux [R] irrecevables comme prescrits en leurs demandes, à l'exception de celle fondée sur le dol qui sera déclarée comme infondée,

- rejeté tout autre demande,

- laissé les dépens de l'instance à la charge des époux [R],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration déposée au greffe le 8 mars 2023, les époux [R] ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 28 novembre 2023, les époux [R], appelants, demandent à la cour de :

- vu l'article liminaire du code de la consommation ; vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil, devenus les articles 1130 et 1137 du même code, vu l'article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012, vu l'article L.121-17 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, désormais codifié à l'article 221-5 du même code, vu les articles 221-5 et suivants du code de la consommation, vu l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014,vu l'article R.111-1 du même code, issu du décret 2014-1061 du 17 septembre 2014,vu la jurisprudence citée et l'ensemble des pièces visées aux débats,

- infirmer le jugement entrepris :

* en ce qu'il les déclare irrecevables comme prescrits en leurs demandes, à l'exception de celle fondée sur le dol qui sera déclarée infondée,

* en ce qu'il rejette toute autre demande,

* en ce qu'il laisse les dépens de l'instance à leur charge,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- prononcer la nullité du contrat de vente qu'ils ont conclu avec la société Sungold,

- prononcer, en conséquence, la nullité du contrat de prêt affecté qu'ils ont conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque,

- constater que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes qu'ils ont versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à leur verser l'intégralité des sommes suivantes :

* 21 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

* 8 957,80 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'ils ont payés à la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, en exécution du prêt souscrit,

* 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation litigieuse et de la remise en état de l'immeuble,

* 5 000 euros au titre du préjudice moral,

* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, et la société Sungold de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 31 août 2023, la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, intimée, demande à la cour de :

vu l'article 564 du code de procédure civile, vu l'article 122 du code de procédure civile, vu l'article 2224 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er octobre 2016 et l'article L.110-4 du code de commerce, vu l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er octobre 2016, vu les articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile, vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, vu l'article L.311-32 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'offre, vu les articles L.121-23 et suivant du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date de l'offre, vu l'article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er octobre 2016, vu l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er octobre 2016, vu les articles l 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date de signature du contrat, vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er octobre 2016, vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1 er octobre 2016, vu l'article 1235 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie le 13 octobre 2022 en ce qu'il a déclaré prescrites la demande en nullité formée par les époux [R] sur le fondement d'une irrégularité du bon de commande, ainsi que leurs autres demandes, et donc en ce qu'il a déclaré les époux [R] irrecevables comme prescrits en leurs demandes,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré recevable la demande en nullité des époux [R] formée sur le fondement du dol, et donc en ce qu'il a indiqué dans son dispositif « à l'exception de celle fondée sur le dol » et subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande,

- confirmer le jugement en ce qu'il a laissé les dépens de l'instance à la charge des époux [R],

Statuant à nouveau sur les chefs critiqués et sur les demandes des parties,

A titre principal,

- déclarer irrecevables l'action et l'ensemble des demandes formées par les époux [R] au vu de la prescription quinquennale,

- rejeter toutes autres demandes dont le bien-fondé dépend de celles prescrites,

A défaut,

- déclarer irrecevable la demande des époux [R] en nullité du contrat conclu avec la société Sungold,

- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande des époux [R] en nullité du contrat de crédit conclu avec elle,

- dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées ;

- débouter les époux [R] de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société Sungold, ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle et de leur demande en restitution des mensualités réglées,

Subsidiairement, en cas de nullité des contrats,

- déclarer irrecevable la demande des époux [R] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter,

- condamner, en conséquence, in solidum les époux [R] à lui régler la somme de 21 500 euros en restitution du capital prêté,

- débouter les époux [R] de leurs demandes de la condamner à leur régler les sommes de 21 500 euros et de 8 957,80 euros qui ne correspondent pas aux sommes qu'ils ont réglées,

- limiter la restitution des mensualités réglées aux sommes effectivement réglées par les emprunteurs,

En tout état de cause,

- déclarer irrecevables les demandes des époux [R] visant à la privation de sa créance, ainsi que leurs demandes de dommages et intérêts,

- à tout le moins, les débouter de leurs demandes,

Très subsidiairement,

- limiter la réparation qu'elle devrait eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,

- limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour les époux [R] d'en justifier,

- en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que les époux [R] restent tenus in solidum de restituer l'entier capital à hauteur de 21 500 euros,

A titre infiniment subsidiaire,

- en cas de privation de sa créance, condamner in solidum les époux [R] à lui payer la somme de 21 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,

- enjoindre aux époux [R] de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la SELAS MJS Partners, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Sungold, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, et dire et juger qu'à défaut de restitution, les époux [R] resteront tenus du remboursement, restitution du capital prêté,

Subsidiairement,

- priver les époux [R] de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- débouter les époux [R] de toutes autres demandes, fins et conclusions,

- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

En tout état de cause,

- condamner in solidum les époux [R] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Mery Renda Karm Génique,

La société Sungold n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 2 mai 2023, la déclaration d'appel a été signifiée à personne morale à la SELAS MJS Partners en qualité de mandataire ad hoc. Les conclusions d'appelant lui ont été signifiées le 12 juin 2023 par remise à personne morale. Les conclusions d'intimés ont été signifiées à personne morale le 4 septembre 2023.

L'arrêt sera, par suite, qualifié de réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474, alinéa 1, du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 février 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la recevabilité de demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté en raison des irrégularités affectant le bon de commande

Moyens des parties

Les époux [R] font grief au premier juge d'avoir déclaré leur demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté irrecevable, motif pris de sa prescription.

A hauteur de cour, ils font valoir au soutien de leur demande d'infirmation que la demande en nullité des contrats de vente et de crédit affecté n'est pas prescrite, parce que le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil doit être reportée à la date à laquelle ils ont consulté un avocat qui a appelé leur attention sur les irrégularités affectant le bon de commande, la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs affectant le calcul du taux effectif global dans les contrats de crédit, dont il résulte que le point de départ de la prescription n'est pas fixé à la date de l'acceptation de l'offre par l'emprunteur, étant transposable au cas d'espèce, dans la mesure où ils n'étaient pas en mesure, à la seule lecture des documents contractuels, de déceler les mentions absentes du bon de commande.

La société BNP Paribas Personal Finance réplique que :

- il ne peut être admis que le point de départ de la prescription soit reporté au jour où le requérant consulte un avocat lui indiquant qu'une action est envisageable, dans la mesure où cela aurait pour effet de rendre l'action imprescriptible et où les règles de la prescription reposent sur le principe selon lequel ' nul n'est censé ignorer la loi',

- la jurisprudence européenne invoquée par les époux [R] n'est pas applicable au cas d'espèce, leur action reposant sur un défaut de respect de la réglementation sur la régularité formelle du contrat, qui est purement interne et ne résulte pas de la transposition d'une directive européenne,

- l'action en nullité fondée sur des irrégularités formelles se prescrit à compter de l'acte argué de nullité,

- les irrégularités affectant le bon de commande étaient décelables dès sa signature,

- les époux [R] étaient censés connaître les irrégularités affectant le bon de commande et étaient en mesure de constater, à la simple lecture du bon de commande, que certaines des mentions prescrites par le code de consommation ne figuraient pas dans le bon de commande litigieux.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le point de départ du délai de prescription d'une action commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l'exercer.

Au vu du fondement de la demande en nullité du contrat, à savoir le non-respect des prescriptions de l'article L.121-23 du code de la consommation, le point de départ de la prescription est la date de l'acte argué de nullité sauf à ce que les époux [R] démontrent qu'ils étaient dans l'impossibilité d'agir et qu'ils ignoraient l'existence de leurs droits.

Les époux [R] ne sauraient, pour administrer une telle preuve et solliciter un report du point de départ de la prescription à la date à laquelle ils ont consulté un avocat, se prévaloir de leur qualité de consommateurs profanes et d'une méconnaissance de la réglementation applicable, alors même que nul n'est censé ignorer la loi et que les irrégularités formelles invoquées, à les supposer avérées, étaient visibles par les intéressés à la date de conclusion du contrat.

Par suite, les époux [R] connaissaient ou auraient dû connaître les irrégularités entachant le bon de commande litigieux et étaient en mesure d'agir dès sa signature.

En outre, il sera relevé que la reproduction des dispositions applicables au verso du bon de commande, si elles ne permet pas de rapporter la preuve de la connaissance effective par les acquéreurs des irrégularités formelles entachant le bon de commande, avait néanmoins pour conséquence de rendre ces irrégularités décelables au moment de la signature du bon de commande.

C'est en vain que les époux [R] invoquent la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, pour échapper à la prescription quinquennale.

Cette règle nationale de prescription de l'action, contrairement à ce que soutiennent les époux [R], est conforme aux principes européens d'effectivité des droits, notamment du consommateur, en ce que d'une part, elle ne fait courir le délai à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits ; d'autre part en ce qu'elle aménage un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en oeuvre efficacement.

En outre, le principe d'effectivité des sanctions posé par l'article 23 de la directive 2008.43/CE du 23 avril 2008 n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes, et ce dans un souci de sécurité juridique compatible avec le droit communautaire.

Pareillement, les époux [R] ne peuvent utilement invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était point décelable lors de la conclusion du contrat, puisque précisément, en l'espèce, les époux [R] étaient en mesure de déceler lors de la conclusion du contrat de vente litigieux les irrégularités entachant, selon leurs dires, le bon de commande, sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux, ces erreurs résultant du seul constat que certaines mentions prévues par le Code de la consommation n'apparaissaient pas sur le bon de commande.

Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondée sur les irrégularités entachant le bon de commande, motif pris de ce qu'elle avait été formée par assignations délivrées les 15 et 19 avril 2021, soit plus de cinq ans après la signature du bon de commande litigieux intervenue le 27 octobre 2015.

II) Sur la recevabilité de la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté sur le fondement du dol

Moyens des parties

Les époux [R] font valoir que le point de départ de la prescription doit être reporté, en raison du fait qu'ils n'ont découvert que la quantité d'électricité produite n'était pas conforme à ce qui leur avait été annoncé, que postérieurement à la souscription des contrats dont l'annulation est sollicitée.

La banque de répliquer que les époux [R] ne peuvent se prévaloir d'un report du point de départ de la prescription postérieurement au contrat, parce qu'ils ne justifient pas avoir eu connaissance du dol invoqué postérieurement à la souscription du contrat.

Réponse de la cour

En application de l'article 1304 du code civil dans sa version applicable au contrat, la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert les manoeuvres ou la réticence dolosive qu'il dénonce.

Il incombe au requérant de justifier des éléments de fait qui induisent qu'il n'a eu connaissance du dol ou n'a été en mesure de le connaître que postérieurement à la souscription du contrat.

En l'espèce, les époux [R], qui n'ont émis aucune contestation à réception de leur facture de revente d'électricité, défaillent à rapporter la preuve d'une découverte postérieure au contrat d'une discordance entre la rentabilité promise et la rentabilité effective de leur installation, dès lors que:

- le bon de commande et l'ensemble des pièces contractuelles ne comportent aucun engagement contractuel de la venderesse concernant la rentabilité de l'installation acquise par les époux [R] ni aucune garantie de revenus ou d'autofinancement,

- il n'est pas justifié, au vu des pièces produites, de la rentabilité effective de l'installation, qui doit être appréciée sur la totalité de sa durée de vie,

- l'acquisition des époux [R] ne s'inscrit pas uniquement dans une finalité de rentabilité mais constitue également un achat responsable visant à protéger l'environnement.

Partant, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande de nullité des contrats sur le fondement du dol.

La demande eût-elle été déclarée recevable, que la cour l'eût rejetée pour être manifestement mal fondée, en raison du fait que les époux [R] échouent à faire la preuve des manoeuvres dolosives prêtées à la société venderesse et vantant la rentabilité de l'installation et son autofinancement, et que l'examen du bon de commande, seul document ayant valeur contractuelle, ne fait pas ressortir que les époux [R] avaient fait de la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque une condition déterminante de leur consentement (Cass.Com., 30 août 2023, n° 21-16.738 ; Civ., 2e, 25 mai 2022, n°20-23.641).

III) Sur la recevabilité de l'action en responsabilité dirigée contre la banque

Moyens des parties

Les époux [R] soutiennent que l'action n'est pas prescrite, dès lors que la prescription n'a commencé à courir que lorsqu'ils ont eu connaissance du préjudice et des manquements imputés à la banque.

La banque de rétorquer que le préjudice résultant de la faute qui lui est reprochée et ayant consisté en un déblocage hâtif des fonds s'est manifesté immédiatement à la date du déblocage, si bien que la prescription a couru à compter de cette date, c'est-à-dire à compter du 23 novembre 2015 et que le préjudice résultant d'une prétendue insuffisance de rentabilité de l'installation est sans lien avec les fautes qui lui sont reprochées et tenant à un déblocage prématuré des fonds.

Réponse de la cour

Le point de départ du délai de prescription régi par l'article 2224 du code civil de l'action en responsabilité dirigée contre la société BNP Paribas Personal Finance se situe au jour de la commission de la faute prétendue, qu'il s'agisse de l'insuffisance de vérification formelle du bon de commande ou d'un déblocage prétendument hâtif des fonds.

Au cas d'espèce, les contrats de vente et de crédit affecté ayant été signés le 6 novembre 2015 et le déblocage des fonds étant intervenu le 23 novembre 2015, l'action en responsabilité, et subséquemment les demandes en indemnisation des préjudices des époux [R] sont irrecevables comme prescrites, l'introduction de l'instance devant le premier juge étant intervenue les 15 et 19 avril 2021, soit plus de cinq après la signature des contrats et le déblocage des fonds marquant le point de départ du délai de la prescription quinquennale.

Pour les motifs explicités au paragraphe I, les époux [R] sont mal fondés à se prévaloir de la jurisprudence de la CJUE.

III) Sur les dépens

Les époux [R], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant déclaré recevable la demande de M. [D] [R] et de Mme [H] [N], épouse [R], visant à voir annuler les contrats de vente et de crédit affecté, motif pris de l'existence d'un dol;

Statuant à nouveau de ce seul chef

Déclare irrecevable la demande de M. [D] [R] et de Mme [H] [N], épouse [R], visant à voir annuler les contrats de vente et de crédit affecté, motif pris de l'existence d'un dol ;

Ajoutant au jugement entrepris

Condamne in solidum M. [D] [R] et Mme [H] [N], épouse [R], aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par la société Mery, Renda, Karm, Genique, qui en a fait la demande ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [D] [R] et Mme [H] [N], épouse [R], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une indemnité de 3 000 euros.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Mme Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.