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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 septembre 2024, n° 23/03203

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 23/03203

17 septembre 2024

BR/LCC

Numéro 24/02768

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 17/09/2024

Dossier : N° RG 23/03203 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IWRB

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels

Affaire :

S.C.I. CHAPELET,

S.A.S.U. OCEAN CLASSIC DRIVE

C/

S.C.I. CRISTOBAL

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Avril 2024, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame BLANCHARD, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

S.C.I. CHAPELET

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée et assistée de Me Manuel VELASCO de la SELARL L'HOIRY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

S.A.S.U. OCEAN CLASSIC DRIVE

[Adresse 7]

[Localité 9]

représentée et assistée de Me Manuel VELASCO de la SELARL L'HOIRY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.C.I. CRISTOBAL

[Adresse 5]

[Localité 10]

représentée et assistée de Me Gabrielle CHAPON de la SELARL CHAPON & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 28 NOVEMBRE 2023

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 23/00411

EXPOSE DU LITIGE

La SCI CHAPELET est propriétaire d'un ensemble immobilier composé de lots commerciaux, sis aux [Adresse 8] (64), cadastré section AO n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4].

Le local commercial correspondant aux lots 2 et 3 situé au rez-de-chaussée de l'immeuble a été loué dans le cadre d'un bail commercial par la SCI CHAPELET à la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE qui y exploite une activité de location de vans de standing tout équipés.

La SCI CRISTOBAL est propriétaire de l'immeuble sis sur la parcelle contiguë cadastrée section AO n°[Cadastre 2], située au [Adresse 6].

Par arrêté du 31 mars 2016, ayant fait l'objet de trois arrêtés modificatifs des 04 avril 2017, 15 janvier 2020 et 21 mars 2023, le maire de Biarritz a accordé un permis de construire à la SCI CRISTOBAL en vue d'un changement de destination et de diverses modifications de l'immeuble existant sur la parcelle cadastrée section AO n°[Cadastre 2], pour l'installation d'un restaurant et d'une discothèque dénommée 'La Rhapsodie'.

Dans le cadre des travaux d'aménagement de cette discothèque, il a été prévu d'installer sur le toit de la future discothèque, une terrasse en hauteur, accessible à la clientèle donnant sur la cour de la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE; le projet prévoit également l'installation d'un dispositif de désenfumage pour lequel ont été pratiquées des ouvertures.

Par exploit du 11 août 2023, la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE et la SCI CHAPELET ont fait assigner la SCI CRISTOBAL devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile et des articles 678, 679, 637, 639 et 544 du code civil, aux fins de :

- ordonner à la SCI CRISTOBAL de condamner l'accès au toit terrasse et à supprimer la vue par la fenêtre d'aspect, baie vitrée sur terrasse en proximité du fonds voisin, et ce, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce, pendant une durée de six mois,

- ordonner à la SCI CRISTOBAL de remettre en état d'origine la façade contiguë du fonds voisin, et ce, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce pendant une durée de six mois,

- condamner la SCI CRISTOBAL à payer à la SCI CHAPELET et à la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE la somme de 1.500,00 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Cette procédure a été enregistrée sous le RG n°23/00411.

Suivant ordonnance contradictoire en date du 28 novembre 2023 , le juge des référés a :

- débouté la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE à verser chacune à la SCI CRISTOBAL la somme de 600,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE aux dépens.

La motivation du juge des référés est la suivante :

Après avoir constaté qu'il résultait d'un constat d'huissier en date des 23 mai, 31 mai et 07 juin 2023, qu'une ouverture avait été réalisée mais qu'elle était occultée par un panneau OSB, qu'avaient également été réalisés une ouverture en partie haute sur le bardage au niveau de l'entrée de passage ainsi que des percements sur la paroi de la SCI CRISTOBAL pour l'installation d'un système de désenfumage et qu'une terrasse avait été créée dominant côté Est la propriété de la SCI CHAPELET, le premier juge a retenu que toutes ces constatations étaient sérieusement discutées et relevaient de l'appréciation du juge du fond sur la conformité avec les dispositions légales des travaux réalisés, de sorte que la preuve d'un trouble manifestement illicite résultant de la construction de la fenêtre, du toit terrasse, de la baie vitrée sur terrasse en proximité du fonds voisin, ou de la présence de bouches de désenfumage n'était pas rapportée.

Par déclaration du 07 décembre 2023, la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE ont relevé appel de cette décision, la critiquant en toutes ses dispositions.

Suivant avis de fixation adressé le 19 décembre 2023 par le greffe de la cour, l'affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile à l'audience de la 1er chambre de la cour du 09 avril 2024, avec clôture avant les débats .

Aux termes de leurs écritures notifiées par voie électronique le 02 janvier 2024, la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE demandent à la cour, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile et des articles 678, 679, 637, 639 et 544 du code civil, de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la SAS OCEAN CLASSIC DRIVE et la SCI CHAPELET,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs de leurs demandes,

Et, statuant à nouveau :

- ordonner à la SCI CRISTOBAL de condamner l'accès au toit terrasse et à supprimer la vue par la fenêtre d'aspect, baie vitrée sur terrasse en proximité du fond voisin, et ce, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce pendant une durée de 6 mois,

- ordonner à la SCI CRISTOBAL de remettre en état d'origine la façade contigüe du fond voisin, et ce, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce pendant une durée de 6 mois,

- condamner la SCI CRISTOBAL à payer à la SCI CHAPELET et la SASU OCEAN CLASSIC

DRIVE la somme de 2500,00 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI CRISTOBAL aux entiers dépens.

Aux termes de ses écritures notifiées par voie électronique le 08 avril 2024, la SCI CRISTOBAL demande à la cour, de :

A titre principal :

- déclarer recevables les conclusions en défense de la SCI CRISTOBAL,

A titre subsidiaire :

- faire application des dispositions de l'article 442 du code de procédure civile aux fins de permettre à la SCI CRISTOBAL de fournir les explications de droit et de fait,

En toute hypothèse :

- débouter la SCI CHAPELET et la SASU OCEAN CLASSIC DRIVE de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer l'ordonnance RG n° 23/00411 prise par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne le 28 novembre 2023,

- condamner solidairement les requérantes à lui verser la somme de 2500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- lui donner acte de ce qu'elle se réserve la possibilité de présenter des observations à l'audience à laquelle le dossier est appelé, par l'intermédiaire de son conseil.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 08 avril 2024, la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE demandent à la cour, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, des articles 905 et suivants du même code et des articles 678, 679, 637, 639 et 544 du code civil :

- déclarer irrecevables les conclusions de la SCI CRISTOBAL,

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la SAS OCEAN CLASSIC DRIVE et la SCI CHAPELET,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs de leurs demandes,

Et, statuant à nouveau :

- ordonner à la SCI CRISTOBAL de condamner l'accès au toit terrasse et à supprimer la vue par la fenêtre d'aspect, baie vitrée sur terrasse en proximité du fond voisin, et ce, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce pendant une durée de 6 mois,

- ordonner à la SCI CRISTOBAL de remettre en état d'origine la façade contigüe du fond voisin, et ce, sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, et ce pendant une durée de 6 mois,

- condamner la SCI CRISTOBAL à payer à la SCI CHAPELET et la SASU OCEAN CLASSIC

DRIVE la somme de 2500,00 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI CRISTOBAL aux entiers dépens.

MOTIFS

1°) Sur la recevabilité des conclusions déposées le 08 avril 2024 par la SCI CRISTOBAL

Aux termes des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile : 'Lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 776, le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762.'

En application des dispositions de ce texte, une ordonnance de référé relève de plein droit de la procédure à bref délai.

Aux termes des dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile : 'Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.'

Aux termes des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile : 'A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.'

En l'espèce, l'avis de fixation à bref délai a été notifié aux appelantes le 19 décembre 2023.

En l'absence de constitution de l'intimée, les appelantes ont fait signifier la déclaration d'appel à la SCI CRISTOBAL, intimée, suivant exploit du 28 décembre 2023 mentionnant les dispositions susvisées des articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile.

Les appelantes ont par ailleurs fait signifier leurs écritures par la voie du RPVA le 02 janvier 2024.

L'intimée n'ayant toujours pas constitué avocat, les appelantes ont fait signifier leurs écritures à la SCI CRISTOBAL suivant exploit du 05 janvier 2024, de sorte que la SCI CRISTOBAL avait jusqu'au 05 février 2024 pour faire signifier ses écritures.

La SCI CRISTOBAL a transmis ses premières conclusions le 08 avril 2024, soit en dehors du délai qui lui était imparti et la veille de l'audience de plaidoirie, de sorte que ces conclusions sont irrecevables.

2°) Sur le trouble manifestement illicite

L'article 835 du code de procédure civile dispose que : "le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

Constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique, le juge des référés pouvant mettre fin à un tel trouble en cours de réalisation.

En l'espèce, l'action engagée par la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE se fonde sur un trouble illicite.

Les appelantes se plaignent :

- de la création de vues sur la parcelle AO n°[Cadastre 3], par la réalisation d'une terrasse à la place du toit et par la création d'une ouverture sur le premier bâtiment et ce en violation des articles 677 et 678 du code civil;

- de la création d'ouvertures de désenfumage, en violation de l'article 544 du code civil.

Elles demandent que la SCI CRISTOBAL condamne l'accès au toit terrasse et supprime la vue par la fenêtre d'aspect et qu'elle remette en état d'origine la façade contigüe du fond voisin, le tout sous astreinte.

Sur les vues :

L'article 678 du code civil précise qu'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de construction.

L'article 679 du code civil dispose qu' on ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance.

Il en résulte qu'il n'est pas possible d'avoir une vue droite sur la propriété de son voisin à moins de 19 décimètres, entre la fenêtre et le bien du voisin.

De même, il n'est pas possible d'avoir une vue oblique sur le bien du voisin, s'il n'y a pas 60 cm séparant la vue du bien.

Au soutien de leurs prétentions, la SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE font valoir que la construction d'une terrasse en aplomb de la zone de stockage des vans de la SASU OCÉAN DRIVE crée une vue directe sur leur fonds à moins de 1,90 m, en limite de propriété, susceptible d'entraîner une multiplication des incivilités par les clients de la discothèque et d'atteintes à leur propriété, outre des nuisances sonores, visuelles et olfactives jusque tard dans la nuit, alors qu'il n'a pas été créée de servitude de vue et que tant la canisse installée que la clôture végétalisée prévue sont inefficaces pour supprimer la vue.

Elles soutiennent également que la SCI CRISTOBAL a créé une fenêtre d'aspect sur le premier bâtiment, constitutive d'une vue oblique à moins de 60 cm de leur fonds, alors qu'elle ne bénéficie pas d'une servitude de vue.

En l'espèce, il ressort des documents versés aux débats, et notamment des plans joints à la demande de permis de construire, que le projet de construction de la SCI CRISTOBAL comprend la création d'une terrasse de 145 m² en aplomb de la zone de stockage de vans de standing correspondant à la parcelle AO n°[Cadastre 3], en lieu et place de la toiture, laquelle terrasse a d'ailleurs d'ores et déjà été créée, comme cela résulte des photographies communiquées et du constat dressé par Maître [V], commissaire de justice, les 23 mai, 31 mai et 07 juin 2023.

Il est constant que cette terrasse sera accessible au public puisqu'elle constituera un espace de consommation assise ; il est également constant qu'elle se trouve en limite séparative de propriété et surplombe le fonds des appelantes ainsi que la zone de stockage des véhicules et qu'elle crée une vue directe sur la parcelle AO n°[Cadastre 3] appartenant à la SCI CHAPELET et occupée par la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE et ce, incontestablement à moins de 1,90 m de la limite séparative des deux fonds, ainsi que cela résulte des photographies et du constat susvisés.

Il est tout aussi constant que les solutions envisagées par la SCI CRISTOBAL pour remédier à la vue directe ainsi créée, à savoir, comme l'indique le représentant légal de cette société au commissaire de justice qui a dressé le procès-verbal des 23 mai, 31 mai et 07 juin 2023, l'installation d'un garde-corps et d'un coupe-vue en palissade ou en végétaux, ne peuvent suffire à occulter la vue créée par la transformation de la toiture en terrasse accessible au public, ni à éviter les nuisances que cette proximité est susceptible d'engendrer du fait des clients de la future discothèque qui auront un accès directe à cette terrasse.

Il s'ensuit que cette situation qui crée une vue directe sur le fonds voisin porte atteinte aux droits des sociétés appelantes et constitue un trouble manifestement illicite constitué à raison de la violation évidente d'une règle de droit et notamment, en l'espèce, des dispositions du code civil sus-visées, principalement l'article 678 du code civil.

Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise de ce chef et de condamner la SCI CRISTOBAL à supprimer l'accès au toit terrasse et ce sous astreinte provisoire de 150,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et ce pendant un délai de six mois, à l'expiration duquel il sera à nouveau fait droit, en tant que de besoin.

En revanche, s'il est établi qu'une ouverture a été pratiquée sur le premier bâtiment dont les appelantes indiquent qu'il s'agit d'une fenêtre d'aspect, la preuve n'est pas rapportée par les pièces versées aux débats et notamment par les photographies et le constat susvisé établi par le commissaire de justice, que cette ouverture constitue un fenêtre et qu'elle aura pour conséquence de créer une vie oblique sur le fonds voisin à plus de 6 décimètres de distance; il s'ensuit que le trouble à la propriété voisine ne peut être qualifié, en l'état, de manifestement excessif, son caractère anormal n'étant pas avéré.

L'ordonnance entreprise qui a rejeté les demandes de la SCI CHAPELET et de la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE concernant la suppression de cette ouverture sera confirmée.

Sur les ouvertures de désenfumage :

La SCI CHAPELET et la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE soutiennent que le projet de la SCI CRISTOBAL prévoit l'installation d'un système de désenfumage au droit de la limite séparative en limite Est et que si les bouches de désenfumage, encore appelées amenées d'air, conçues pour créer une ouverture permettant à la fumée de s'échapper à l'extérieur des locaux en cas d'incendie, sont obligatoires dans un établissement recevant du public, cette installation va avoir pour conséquence de créer une charge sur le fonds voisin, dès lors que ne devant pas être obstruées, il ne sera plus possible de garer de véhicule, de planter des végétaux ou d'installer des panneaux devant les ouvertures, et ce sans l'existence d'une servitude légale ou conventionnelle.

Elles font valoir qu'il existe d'autres solutions techniques d'installation de désenfumage, notamment par la mise en place d'un système de désenfumage par la toiture qui respecterait la propriété voisine et ne créerait pas de charge à leur détriment.

En l'espèce, les appelantes se fondent sur les dispositions de l'article 544 du code civil selon lequel 'la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.'

Elles revendiquent une atteinte à leur droit de propriété du fait de l'anormalité des troubles qu'elles allèguent émanant de leurs voisins, qui ne peut être appréciée par le juge des référés qu'avec l'évidence inhérente à ce contentieux.

En effet, le droit pour un propriétaire de jouir de son bien de manière la plus absolue consacrée par l'article 544 du code civil est limité par l'obligation qu'il a de ne causer aucun dommage aux tiers dépassant les inconvénients normaux de voisinage; ainsi, un trouble pour être qualifié d'anormal doit être caractérisé et apprécié en fonction de son intensité et sa durée; en référé, cette anormalité doit être évidente.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, alors qu'il est acquis que le projet litigieux bénéficie d'un permis de construire, qu'il n'est pas contesté que l'installation d'ouvertures de désenfumage est obligatoire dans un établissement recevant du public, que la preuve de la violation évidente d'une règle de droit n'est pas rapportée et que la solution du présent litige nécessite d'apprécier la conformité du système de désenfumage choisi par rapport aux autorisations délivrées et à la configuration des lieux, autant d'éléments qui excédent les pouvoirs du juge des référés.

L'ordonnance entreprise qui a rejeté les demandes de la SCI CHAPELET et de la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE concernant les ouvertures pratiquées pour le système de désenfumage et la demande de remise en état de la façade concernée, sera confirmée.

3°) Sur les demandes accessoires

L'ordonnance entreprise sera infirmée concernant les dispositions relatives aux condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, elles garderont à leur charge les dépens de première instance et d'appel qu'elles ont exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE irrecevables les conclusions signifiées le 08 avril 2024 par la SCI CRISTOBAL,

INFIRME l'ordonnance entreprise :

- en ce qu'elle a rejeté la demande de la SCI CHAPELLE et de la SASU OCÉAN CLASSIC DRIVE tendant à supprimer l'accès au toit terrasse réalisé par la SCI CRISTOBAL,

- en ses dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que la réalisation d'un toit terrasse accessible au public par la SCI CRISTOBAL constitue un trouble manifestement illicite du fait de la violation de l'article 678 du code civil,

CONDAMNE la SCI CRISTOBAL à supprimer l'accès au toit terrasse et ce sous astreinte provisoire de 150,00 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et ce pendant un délai de six mois, à l'expiration duquel il sera à nouveau fait droit, en tant que de besoin,

CONFIRME l'ordonnance entreprise en l'ensemble de ses autres dispositions soumises à la cour,

DIT que chacune des parties conservera à sa charge ses dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE