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Décisions

CA Pau, 1re ch., 17 septembre 2024, n° 24/00038

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/00038

17 septembre 2024

BR/LCC

Numéro 24/02767

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 17/09/2024

Dossier : N° RG 24/00038 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IXC3

Nature affaire :

Demande relative à un droit de passage

Affaire :

[O] [Y]

C/

[W] [A] [J],

S.A. PROGEFIM

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Avril 2024, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame BLANCHARD, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [O] [Y]

né le 26 Juin 1977 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 1]

représenté par Me Cathy GARBEZ de la SELARL CATHY GARBEZ, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

assisté par Me Cécile ZAKINE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES :

Monsieur [W] [A] [J]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 11]

représenté et assisté de Me Corinne CAPDEVILLE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

S.A. PROGEFIM, Société anonyme immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 429127418 dont le siège social est [Adresse 7] (France), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 10]

représentée par Me Guillaume FRANCOIS de la SELARL SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

assisté par Me Patrice CORNIELLE de la SCP CORNILLE - FOUCHET - MANETTI, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 21 DECEMBRE 2023

rendue par le PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 23/00162

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte reçu le 14 octobre 2002 par Maître [V] [B], Notaire à [Localité 24] (40), Madame [Z] [Y], Madame [F] [Y] et Monsieur [W] [Y] ont cédé à Monsieur [O] [Y] une parcelle de terrain en nature de friche cadastrée section AW n°[Cadastre 2] lieu-dit "[Localité 20]" à [Localité 21] (40); cette parcelle est située à proximité de la [Adresse 22] et de la [Adresse 23].

Cette parcelle confronte :

* au Nord le ruisseau de Robichon,

* à l'Est la parcelle cadastrée AW n°[Cadastre 8] appartenant à la société AQUITANIS,

* à l'Ouest la parcelle cadastrée AW n°[Cadastre 3] appartenant à Monsieur [W] [J], puis la parcelle AW [Cadastre 4] appartenant à la SA PROGESIM et enfin la parcelle AW [Cadastre 6] (appartenant à Monsieur [S] [M])) en limite de la [Adresse 22].

* au Sud la parcelle AW n°[Cadastre 14] appartenant à la SA PROGEFIM, la parcelle AW n°[Cadastre 15] appartenant aux époux [L] et la parcelle AW n°[Cadastre 16] appartenant à l'indivision [K].

De l'autre côté du ruisseau, au Nord et à côté de la parcelle AW n°[Cadastre 2], se trouve la voie publique de la [Adresse 23] qui se poursuit au Sud mais qui est séparée de la parcelle AW n°[Cadastre 2] par la parcelle AW [Cadastre 14] appartenant à la SA PROGEFIM.

Un projet de lotissement dénommé "Lotissement Lou Prat" est en cours par la SA PROGEFIM sur les côtés Sud-Est et Nord-Est de la parcelle de Monsieur [O] [Y] et ce, sur les parcelles AW n°[Cadastre 3], AW n°[Cadastre 4], AW n°[Cadastre 12] et AW n°[Cadastre 13] (ces quatre dernières parcelles appartenant à la SA PROGEFIM) dont le permis d'aménager a été accordé suivant arrêté PA n°04018423M0003 délivré le 06 juin 2023 par la Mairie de [Localité 21] (40), précision faite que ledit lotissement comprend la [Adresse 23].

Une parcelle AW n°[Cadastre 14] a par ailleurs été créée appartenant à la SA PROGEFIM.

Par courrier recommandé en date du 30 juin 2023, Monsieur [O] [Y] a formé un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté susvisé du 06 juin 2023, recours qui a été rejeté par courrier du Maire de [Localité 21] en date du 03 août 2023.

Par requête enregistrée le 23 novembre 2023 devant le tribunal administratif de Pau, Monsieur [O] [Y] a formé un recours aux fins d'annulation du permis d'aménager, recours qui a été rejeté par décision du tribunal administratif de Pau du 19 janvier 2024 qui a par ailleurs condamné Monsieur [O] [Y] a verser à la commune de Mimizan (40) et à la SA PROGEFIM, la somme de 750,00 euros chacune au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Affirmant qu'il accédait à sa parcelle AW [Cadastre 5] par la [Adresse 22] en traversant les parcelles AW [Cadastre 6], AW [Cadastre 4] et AW [Cadastre 3], en soutenant qu'il bénéficiait d'une servitude de passage sur ces parcelles et reprochant à la SA PROGEFIM d'avoir enclavé son terrain par la création du lotissement englobant ces parcelles et d'avoir par ailleurs installé une barrière sur la parcelle AW n°[Cadastre 4] l'empêchant d'accéder a sa parcelle AW n°[Cadastre 2], par exploits des 10 et 17 août 2023, Monsieur [O] [Y] a fait assigner la SA PROGEFIM et Monsieur [W] [J] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, aux fins de :

- juger que l'enclave de la parcelle AW n°[Cadastre 2] est liée aux agissements de la SA PROGEFIM,

- constater que cette enclave provient de l'impossibilité pour Monsieur [Y] d'accèder à sa parcelle en raison d'une barrière installée sur la parcelle AW n°[Cadastre 4], propriété de la SA PROGEFIM,

- juger que le permis de lotir accordé notamment sur les parcelles AW n°[Cadastre 3], AW n°[Cadastre 4] enclave la parcelle AW n°[Cadastre 2] du fait de la présence de la parcelle "verrou" AW n°[Cadastre 14],

Par conséquent :

- ordonner la dépose de la barrière se trouvant au niveau de la parcelle AW n°[Cadastre 4] sous astreinte de 1.000,00 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,

- faire interdiction à la SA PROGEFIM de démarrer les travaux de construction jusqu'à ce qu'une solution ne soit trouvée pour faire cesser l'enclave existante, sous astreinte de 1.000,00 euros par jour par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner solidairement la SA PROGEFIM et Monsieur [W] [J] à la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Cette procédure a été enrôlée sous le n°RG 23/00162.

Par ordonnance contradictoire du 21 décembre 2023, le juge des référés a :

- débouté Monsieur [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [O] [Y] à verser à Monsieur [W] [J] et à la SA PROGEFIM la somme de 1.000,00 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [O] [Y] aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Les motifs de la décision sont les suivants :

Le juge des référés a considéré que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'était pas rapportée, dès lors que :

- les parcelles AW n°[Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] sont enclavées, mais qu'un accès à la voie publique est possible en empruntant à partir de la parcelle AW [Cadastre 2], un chemin longeant le ruisseau et en passant par les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour atteindre la parcelle AW [Cadastre 6] qui dispose d'un accès à la voie publique ;

- c'est Monsieur [W] [J] qui a posé en 2021 une barrière sur la parcelle AW [Cadastre 4] pour empêcher les sangliers de passer, mais il l'a désormais retirée, de sorte que rien n'empêche plus désormais le passage par ce chemin;

- Monsieur [O] [Y] ne verse aux débats aucun document justifiant qu'il bénéficie d'une servitude de passage légale, judiciaire ou conventionnelle au profit de sa parcelle AW [Cadastre 2] ;

- un accès plus court et direct à la voie publique pour la parcelle AW [Cadastre 2] existe par la parcelle AW [Cadastre 14] donnant sur la [Adresse 23], dont [O] [Y] ne justifie pas qu'il serait empêché de l'emprunter ;

- il n'est pas démontré que le projet de lotissement de la SA PROGEFIM sur les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4] changerait la situation d'enclave préexistante de [O] [Y].

Par déclaration en date du 26 décembre 2023 Monsieur [O] [Y] a relevé appel de cette décision, intimant Monsieur [W] [J] et la SA PROGEFIM et critiquant la décision en ce qu'elle a :

- débouté de l'ensemble de ses demandes,

- condamné à verser à Monsieur [W] [J] et à la SA PROGEFIM la somme de 1.000,00 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné aux dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières écritures déposées et notifiées par le RPVA le 03 avril 2024, Monsieur [O] [Y] demande à la cour, sur le fondement de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile et des articles L. 162-1 et L. 162-3 du code rural et de la pêche, de :

- infirmer l'ordonnance de référé déférée en ce qu'elle a :

* débouté Monsieur [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné Monsieur [O] [Y] à verser à Monsieur [W] [J] et à la SA PROGEFIM la somme de 1.000,00 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Monsieur [O] [Y] aux dépens de l'instance.

Et, statuant à nouveau,

- constater que cette enclave provient de l'impossibilité pour Monsieur [O] [Y] d'accéder à sa parcelle en raison d'une barrière installée sur la parcelle AW [Cadastre 4], propriété de la SA PROGEFIM,

- constater l'exploitation par [O] [Y] de l'existence d'un chemin passant par les parcelles AW [Cadastre 6], AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 4],

- constater l'existence d'un chemin d'exploitation,

- constater que l'existence du chemin d'exploitation est exclusive de l'existence ou de l'absence d'une servitude,

- dire et juger que l'enclave de la parcelle AW [Cadastre 2] est liée aux agissements de la SA PROGEFIM et de Monsieur [W] [J],

- dire et juger que le permis de lotir accordé notamment sur les parcelles AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 4] enclave la parcelle AW [Cadastre 2] du fait de la présence de la parcelle verrou AW [Cadastre 14],

- dire et juger que la SA PROGEFIM refuse le droit de passage sur le chemin existant de Monsieur [Y] sur sa parcelle AW [Cadastre 2] et l'enclave,

- dire et juger que la SA PROGEFIM, en tant que fonds servant sur la parcelle AW [Cadastre 14] n'a jamais assigné Monsieur [O] [Y] pour le contraindre à passer par cette parcelle et qu'elle ne peut le solliciter dans le cadre de la présente instance,

- dire et juger qu'en tout état de cause, l'existence d'un chemin d'exploitation ne s'éteint pas par son non-usage,

Par conséquent,

- ordonner la dépose de la barrière se trouvant au niveau de la parcelle AW114 sous astreinte de 1.000,00 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,

- ordonner à la SA PROGEFIM et à Monsieur [W] [J] de laisser de nouveau l'accès à son bien à Monsieur [Y] par le chemin d'exploitation situé sur les parcelles AW [Cadastre 6], AW [Cadastre 3] et AW [Cadastre 4], sous astreinte de 1.000,00 euros par jour par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir,

- faire interdiction à la SA PROGEFIM de démarrer les travaux de construction jusqu'à ce qu'une solution ne soit trouvée pour faire cesser l'enclave existante, sous astreinte de 1.000,00 euros par jour par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner solidairement la SA PROGEFIM et Monsieur [W] [J] à la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir,

- qu'il emprunte depuis 1955 le chemin depuis la parcelle AW [Cadastre 6], en passant par les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour rejoindre sa parcelle AW [Cadastre 2], que ce chemin constitue un chemin d'exploitation reconnu qu'il existe ou non une servitude ;

- que l'existence de ce chemin d'exploitation a été reconnue par Monsieur [W] [J], par le bornage du 02 juillet 1999, et du fait de l'existence du chemin le long du ruisseau, allant jusqu'au portail de la parcelle AW [Cadastre 6] laissé ouvert ;

- qu'il entretient et exploite ce chemin de manière constante ;

- que l'impossibilité d'accéder au chemin d'exploitation et donc à sa parcelle AW [Cadastre 2] qui est enclavée lui cause un trouble manifestement illicite ;

- que la SA PROGEFIM a bloqué l'accès au chemin d'exploitation par l'installation d'un portail sur la parcelle AW [Cadastre 4], et n'a pas mentionné le chemin d'exploitation frappant les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4] dans son permis de lotir ;

- qu'il ne peut se rendre sur sa parcelle ni en empruntant la parcelle AW [Cadastre 14] appartenant à la SA PROGEFIM qui ne lui a jamais donné son accord en ce sens, ni en passant par le Nord (parcelle AW [Cadastre 9]), ni par le Sud (parcelle AW [Cadastre 17]), cette voie l'obligeant aussi à passer par la parcelle AW [Cadastre 14] ;

- que la barrière installée par Monsieur [W] [J] est haute et lourde contrairement aux photographies qu'il a présentées de manière non contradictoire;

- que même si sa parcelle n'est pas considérée comme enclavée, cela ne justifie pas la cessation de l'exploitation du chemin, qui ne saurait dont être bloqué et doit être reconnu.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 02 avril 2024, la SA PROGEFIM, demande à la cour, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile et de l'article 686 du code civil de :

- confirmer entièrement l'ordonnance dont appel,

- débouter en conséquence l'appelant de toutes ses prétentions, fins et conclusions,

- le condamner à verser à la SA PROGEFIM la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir :

- qu'aucun trouble manifestement illicite ne résulte de l'installation de la barrière, qui n'a pas été installée par elle, et a d'ailleurs été enlevée ;

- que la parcelle AW [Cadastre 2] n'est pas enclavée, Monsieur [O] [Y] pouvant y accéder par le Nord (parcelle AW [Cadastre 9]) et par le Sud, par la parcelle AW [Cadastre 14] et le domaine privé de la commune, et qu'il ne démontre pas avoir demandé le passage par ces parcelles et s'être heurté à un refus ;

- que Monsieur [O] [Y] ne demande pas à voir la SA PROGEFIM condamnée à le laisser passer par la parcelle AW [Cadastre 14], ce qui ne garantirait pas l'accès à sa parcelle puisqu'il doit également obtenir l'accord de la mairie ;

- que l'assiette du passage dont Monsieur [O] [Y] se dit privé est en état de friche naturelle et n'est pas aménagée ;

- que la SA PROGEFIM n'a commis aucun agissement susceptible de causer à Monsieur [O] [Y] un trouble manifestement illicite, son projet de lotissement sur les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4] étant régulier, et la parcelle AW [Cadastre 14] lui appartenant n'étant pas fermée.

Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 26 février 2024, Monsieur [W] [J] demande à la cour, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, de :

- débouter [O] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

- condamner Monsieur [O] [Y] en cause d'appel au paiement de la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir :

- que Monsieur [O] [Y] n'a pas accès à sa parcelle en traversant les parcelles AW [Cadastre 6], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], ce chemin n'étant qu'une bande de terre enherbée laissée au bord du ruisseau pour stabiliser la berge, qu'il n'est jamais passé par ce chemin et qu'il ne l'a jamais entretenu ;

- que pour accéder à sa parcelle, Monsieur [O] [Y] passe par les parcelles AW [Cadastre 12], AX [Cadastre 13] et AW [Cadastre 3], plus propres car entretenues par Monsieur [W] [J];

- qu'il dispose d'un accès plus court et direct sur la voie publique par la parcelle AW [Cadastre 14], de sorte que sa propriété n'est pas enclavée ;

- que la barrière installée sur la parcelle AW [Cadastre 4] a été enlevée.

L'affaire a été fixée pour plaidoirie à l'audience de la première chambre de la cour d'appel du 09 avril 2024 avec clôture à la même date avant les débats.

MOTIFS

1°) Sur le trouble manifestement illicite

L'article 835 du code de procédure civile dispose que : "le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

L'action engagée par Monsieur [O] [Y] se fonde sur un trouble illicite.

Le juge des référés peut intervenir, même en présence d'une contestation sérieuse, pour ordonner les mesures qui s'imposent lorsqu'il constate l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage sur le point de survenir.

Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit; il procède de la méconnaissance d'un droit, d'un titre ou, corrélativement, d'une interdiction les protégeant.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

Il revient à la cour d'apprécier, à la date où le premier juge a rendu sa décision, l'existence d'un trouble manifestement illicite.

La constatation du trouble suppose que soient établies à la fois l'existence d'un acte qui ne s'inscrit manifestement pas dans le cadre des droits légitimes de son auteur et celle d'une atteinte dommageable et actuelle aux droits ou aux intérêts légitimes du demandeur.

Il s'ensuit, en l'espèce, que pour qu'il soit fait droit aux demandes de Monsieur [O] [Y], il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit ou d'une obligation par les intimés entraînant pour Monsieur [O] [Y] un trouble manifestement illicite.

Monsieur [O] [Y] soutient qu'il emprunte, pour rejoindre sa parcelle cadastrée section AW n°[Cadastre 2] depuis la voie publique constituée par la [Adresse 22], le chemin partant de la parcelle cadastrée section AW n°[Cadastre 6] en passant ensuite par les parcelles cadastrées section AW n°[Cadastre 3] et AW n°[Cadastre 4]; il fait valoir que ce chemin constitue un chemin d'exploitation, ce qui, selon lui, n'est pas exclusif de l'existence d'une servitude de passage, et que sa parcelle cadastrée section AW n°[Cadastre 5] est devenue enclavée du fait de la SA PROFEGIM qui a installé une barrière sur la parcelle AW n°[Cadastre 4] et qui va par ailleurs englober les parcelles constituant l'assiette du chemin d'exploitation dans la création du lotissement.

La solution du litige ne nécessite pas seulement de vérifier que Monsieur [O] [Y] peut invoquer un droit incontestable à emprunter le chemin litigieux, qu'il s'agisse d'un chemin d'exploitation ou d'une servitude de passage, il y a lieu de savoir également si sa propriété est enclavée ainsi qu'il le prétend, de sorte qu'il pourrait invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite en cas d'obstacle injustifié mis en place et qui aurait pour conséquence de l'empêcher d'accèder à sa parcelle depuis la voie publique ou inversement, quand bien même la voie litigieuse ne serait pas un chemin d'exploitation et même s'il ne bénéficiait pas d'une servitude de passage.

S'agissant de l'existence d'un chemin d'exploitation, selon l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés.

En l'espèce, la desserte du terrain de Monsieur [O] [Y] par un chemin d'exploitation ne résulte pas de son titre de propriété et même s'il affirme dans ses écritures que le propriétaire de la parcelle AW n°[Cadastre 6] lui laisse un droit de passage, force est de constater que ce propriétaire qui semble être Monsieur [S] [M] n'est pas dans la cause et qu'en l'absence de titre et en l'absence de tous les propriétaires concernés à la cause et donc de reconnaissance explicite par ces propriétaires que l'itinéraire emprunté par Monsieur [O] [Y] à travers ces parcelles relève d'un chemin d'exploitation, la question qui porte sur la qualification de chemin d'exploitation au sens de l'article L 162-1 du code rural ne peut être tranchée par le juge des référés pour déterminer le droit d'usage commun revendiqué par Monsieur [O] [Y] et apprécier ainsi l'existence d'un trouble manifestement illicite; en effet, les contestations relatives à la propriété ou aux conditions d'usage des chemins et sentiers d'exploitation relèvent du juge du fond.

Il résulte par ailleurs du propre titre de propriété de Monsieur [O] [Y] que la propriété de celui-ci ne bénéficie d'aucune servitude de passage sur les propriétés voisines et comme l'a justement relevé le premier juge, plus généralement Monsieur [O] [Y] ne verse aux débats aucune pièce justifiant qu'il bénéficie d'une servitude légale, judiciaire ou conventionnelle au profit de sa parcelle cadastrée section AW n°[Cadastre 5].

S'agissant de l'état d'enclave allégué, il sera rappelé que selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont le fond est enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

En l'espèce, il est constant qu'en raison de la présence au Nord du ruisseau de Robichon et au Sud de la parcelle cadastrée AW n°[Cadastre 14] appartenant à la SA PROGEFIM, Monsieur [O] [Y] ne peut pas accéder à partir de sa parcelle AW n°[Cadastre 5] à la voie publique constituée par la [Adresse 23] et que pour accéder à la voie publique constituée par la [Adresse 22], il doit traverser les parcelles cadastrées section AW n°[Cadastre 6], [Cadastre 3] et [Cadastre 4].

C'est donc justement que le premier juge a retenu que sa parcelle cadastrée section AW n°[Cadastre 5] était enclavée.

S'agissant de l'existence d'un trouble manifestement illicite, Monsieur [O] [Y] invoque d'une part la mise en place par la SA PROGEFIM d'une barrière empêchant le passage de la parcelle AW n°[Cadastre 4] à la parcelle AW n°[Cadastre 6] et donc lui interdisant désormais l'accès à [Adresse 22] et d'autre part, le projet de lotissement de la SA PROGEFIM qui, par la création de la parcelle AW n°[Cadastre 14], empêche l'accès à la voie publique constituée par la [Adresse 23].

Il résulte des photographies produites aux débats et du constat du commissaire de justice en date du 19 septembre 2023 que l'obstacle litigieux se trouvant sur la parcelle cadastrée AW n°[Cadastre 4] n'est pas une barrière mais une échelle en acier posée au sol sur sa longueur avec un grillage entre les barreaux, dépourvue de chaîne ou de cadenas, pouvant être déplacée manuellement pour permettre le passage ou être facilement enjambée, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant susceptible d'interdire à Monsieur [O] [Y] l'accès à sa parcelle.

Il est par ailleurs établi par le constat susvisé que cette échelle a été placée sur cette parcelle, non pas par la SA PROGEFIM, mais par Monsieur [W] [J] pour empêcher le passage des sangliers qui sont à l'origine de graves dégâts sur les terrains environnants.

Enfin, le jour de l'audience devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan du 21 décembre 2023, il a été indiqué par Monsieur [W] [J] que cette barrière avait été enlevée, ce qui n'a pas été contesté par les autres parties comme le souligne le juge des référés dans sa décision en indiquant à la page 5 de l'ordonnance "Il n'est pas prétendu et a fortiori justifié que cette barrière a depuis été remise en place".

Comme cela a été indiqué, la situation litigieuse doit s'apprécier au jour où le juge statue; au cas d'espèce, au jour où le juge des référés a statué, à savoir le 21 décembre 2023, l'obstacle prétendu invoqué par Monsieur [O] [Y] au soutien de sa demande avait disparu.

C'est vainement que Monsieur [O] [Y] critique la décision entreprise en affirmant que le juge des référés a tenu compte d'éléments non communiqués au préalable à l'adversaire en violation du principe du contradictoire, alors qu'il ne produit devant la cour aucun document justifiant que cette échelle a été remise en place depuis le prononcé de l'ordonnance entreprise et est toujours présente sur la parcelle AW n°[Cadastre 4] au jour où la cour statue.

Quant aux conséquences sur l'accès à sa parcelle du projet de lotissement de la SA PROGEFIM portant sur les parcelles AW [Cadastre 3] et [Cadastre 4] et qui, par la création de la parcelle AW n°[Cadastre 14], lui interdirait l'accès à la [Adresse 23], force est de constater que Monsieur [O] [Y] ne produit ni document (mise en demeure, constat de commissaire de justice, sommation inerpellative...) justifiant qu'il aurait sollicité le droit de passer par la parcelle AW n°[Cadastre 14] pour accèder à la voie publique constituée par le [Adresse 23] et que cet accès lui aurait été refusé, pas plus d'ailleurs qu'il n'établit que l'accès aux parcelles AW n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] lui a été interdit, alors que par ailleurs, il affirme lui-même que le propriétaire de la parcelle AW n°[Cadastre 6] l'autorise à accèder à la [Adresse 22] par sa parcelle; c'est donc justement que le premier juge a retenu qu'il n'était pas démontré que le projet de lotissement entraîne un changement dans la situation de Monsieur [O] [Y] ou d'atteinte à ses droits, puisque la situation d'enclave existait avant ce projet et que rien n'établit que ce projet aggraverait la situation.

Il s'ensuit que Monsieur [O] [Y] ne justifie pas d'un trouble manifestement illicite, l'atteinte alléguée à son droit de propriété n'étant pas démontrée avec l'évidence requise en référé.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée.

2°) Sur les demandes accessoires

L'ordonnance entreprise sera confirmée concernant les dispositions relatives aux condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

L'équité commandera par ailleurs d'allouer à la SA PROGEFIM et à Monsieur [W] [J], en cause d'appel, une indemnité de 2000,00 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; Monsieur [O] [Y] sera débouté de ce chef de demande.

Les entiers dépens d'appel seront mis à la charge de Monsieur [O] [Y] qui succombe en ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [O] [Y] à payer en cause d'appel à Monsieur [W] [J] la somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [O] [Y] à payer en cause d'appel à la SA PROGEFIM la somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [O] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [O] [Y] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE