CA Orléans, ch. com., 12 septembre 2024, n° 22/01182
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bhcar (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chegaray
Conseillers :
Mme Chenot, M. Desforges
Avocats :
Me Hamelin, Me Vilain, Me Genova
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Suivant bon de réservation en date du 16 juillet 2020, M. [H] [R], demeurant à [Localité 8], a acquis un véhicule d'occasion Mercedes Benz classe A auprès de la société BHCar [Localité 3], pour un montant de 35'256 euros.
Le 15 septembre 2020, M. [D] [G], associé unique de la SARL BHCar [Localité 3], a décidé de la dissolution anticipée de sa société.
Le 16 octobre 2020, M. [H] [R] a été interpellé à bord de son véhicule Mercedes Classe A par la police nationale à [Localité 8]. Le véhicule a été saisi, et M. [H] [R] s'est retrouvé menotté et transporté au commissariat de Police où les officiers lui ont indiqué que ce véhicule avait été signalé volé.
Ainsi dépossédé de son véhicule, M. [H] [R] a mis en demeure la société BHCar [Localité 3] de lui rembourser la somme de 35 256 euros versée le 16 juillet 2020, outre les cotisations d'assurance du véhicule et des dommages et intérêts divers, par courrier recommandé du 9 décembre 2020, avant de déclarer cette créance auprès de M. [D] [G], liquidateur amiable de la société.
C'est dans ce contexte que, par actes des 10 et 11 février 2021, M. [H] [R] a fait assigner M. [D] [G], ès-qualités de liquidateur amiable de la société BHCar Blois, et la société BHCar Blois elle-même, devant le tribunal de commerce de Blois aux fins de voir fixer au passif de la société les sommes de 35 256 euros au titre du remboursement du prix de vente du véhicule saisi, 837,38 euros au titre du remboursement de la cotisation d'assurance annuelle du véhicule saisi, 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et du préjudice d'agrément subi, et 600 euros à titre de remboursement des frais déboursés pour faire valoir la garantie légale d'éviction lors de démarches amiables.
La clôture des opérations de liquidation de la société BHCar [Localité 3] a été effectuée le 12 avril 2021.
Par jugement du 8 avril 2022, le tribunal de commerce de Blois a :
- dit que la SARL BHCar [Localité 3] est le vendeur du véhicule Mercedes Benz Classe A 200 immatriculé [Immatriculation 7] livré le 21 juillet 2021 à M. [H] [R],
- fixé la somme de 35 256 euros au passif de la SARL BHCar [Localité 3] au titre de la garantie d'éviction due à M. [H] [R],
- fixé la somme de 500 euros au passif de la SARL BHCar [Localité 3] au titre de 1'indemnisation du préjudice moral due à M. [H] [R],
- débouté M. [H] [R] de ses autres demandes,
- débouté la SARL BHCar [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SARL BHCar [Localité 3] et fixé au passif de la société la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL BHCar [Localité 3] aux entiers dépens en ce compris le coût du jugement liquidés à la somme de 80,30 euros ainsi que les coûts des frais d'huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire.
La société BHCar [Localité 3] et M. [D] [G] ès-qualités de liquidateur amiable de cette société ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 16 mai 2022 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause faisant grief à la société.
Par ordonnance du 26 septembre 2023, le président du tribunal de commerce de Blois a désigné M. [D] [G] en qualité de mandataire ad hoc de la société BHCar Blois avec pour mission de représenter celle-ci devant la cour d'appel d'Orléans dans l'affaire l'opposant à M. [H] [R].
Par ordonnance d'incident du 16 mai 2024, le président de cette chambre chargé de la mise en état a rejeté l'exception de nullité de la déclaration d'appel que soulevait M. [H] [R] au motif du défaut de capacité d'agir en justice de la société BHCar [Localité 3] et du défaut de capacité de M. [D] [G] pour assurer la représentation de celle-ci au moment de ladite déclaration d'appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 4 avril 2024, la société BHCar [Localité 3] et M. [D] [G] agissant ès-qualités de mandataire ad hoc de cette société demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1625 et suivants du code civil,
Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Blois le 8 avril 2022,
In limine litis,
- déclarer irrecevables les conclusions de M. [H] [R] sur l'exception de procédure,
- le débouter de cette demande,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que la SARL BHCar [Localité 3] est le vendeur du véhicule Mercedes Benz Classe A 200 immatriculé [Immatriculation 7] livré le 21 juillet 2021 à M. [H] [R],
- fixé la somme de 35 256 euros au passif de la SARL BHCar [Localité 3] au titre de la garantie d'éviction due à M. [H] [R],
- fixé la somme de 500 euros au passif de la SARL BHCar [Localité 3] au titre de l'indemnisation du préjudice moral due à M. [H] [R],
- débouté la SARL BHCar [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SARL BHCar [Localité 3] et fixé au passif de la société la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL BHCar [Localité 3] aux entiers dépens en ce compris le coût du présent jugement liquidé à la somme de 80,30 euros ainsi que les coûts des frais d'huissier et de droit de plaidoirie portés pour mémoire,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [R] de toutes ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre M. [D] [G] et la société BHCar,
- condamner M. [R] au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Audrey Hamelin,
- débouter M. [R] de sa demande reconventionnelle tendant à condamner M. [G] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre d'une procédure abusive.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 avril 2024, M. [H] [R] demande à la cour de :
Vu l'article 914 du code de procédure civile,
Vu les articles 1240, 1844-8 et 1984 du code civil,
Vu l'article L.237-2 du code de commerce,
Vu l'article 567 du code de procédure civile,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
À titre principal :
Confirmer la décision déférée,
Débouter les appelants de toutes leurs demandes,
Condamner M. [D] [G] à payer à M. [H] [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
À titre reconventionnel :
Condamner M. [D] [G] à payer à M. [H] [R] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 mai 2024 à 9 h 30. L'affaire a été plaidée le même jour à 14 h et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Suivant l'article 1626 du code civil, quoi que lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu.
Il est constant que l'annonce de vente du véhicule Mercedes Benz classe A publiée par la société BHCar [Localité 3], au vu de laquelle M. [H] [R] a pris contact avec son gérant M. [D] [G], ne faisait aucunement mention de ce que la société agissait seulement comme intermédiaire et non comme propriétaire du véhicule.
Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats que, de la prise de contact de M. [H] [R] jusqu'à la rencontre des consentements et à la formation du contrat le 16 juillet 2020, celui-ci n'a pas été informé de ce que le véhicule n'était pas la propriété de la société BHCar, alors qu'à l'évidence le fait d'acquérir un véhicule auprès d'un professionnel était de nature à le rassurer.
Ainsi le bon de réservation établi à l'en-tête de BHCar [Localité 3] n'indique le nom d'aucun propriétaire pour le compte duquel celle-ci interviendrait. L'unique petit trait oblique porté sur la mention « en qualité de professionnel de l'automobile », censé selon l'appelante faire comprendre à M. [H] [R] qu'elle n'agissait, suivant l'autre mention figurant à la même hauteur, qu'en qualité d'intermédiaire de vente, n'était certainement pas suffisant pour attirer l'attention de ce dernier sur ce seul statut de mandataire. Aucune autre information sur le document n'était de nature à informer clairement M. [H] [R] à cet égard, tandis que les deux encarts réservés aux signatures mentionnent seulement, s'agissant des parties au contrat, « BHCar [Localité 3] » d'une part, et « acheteur » d'autre part. Il n'est en réalité fait état d'aucun autre vendeur que la société BHCar [Localité 3] sur ce document.
À cela s'ajoute le fait que l'entier prix de vente a été viré par M. [H] [R], suivant ordre de virement du 16 juillet 2020, sur le compte de la société BHCar [Localité 3], et ce conformément à la demande de cette dernière.
Ce n'est qu'au jour de la récupération du véhicule, le 21 juillet 2020, et donc postérieurement à la conclusion de la vente, que M. [H] [R] a pu prendre connaissance de ce que la société BHCar [Localité 3] n'agissait que comme intermédiaire, lorsqu'il a signé le certificat de cession sur lequel le nom d'un certain M. [X] [V] apparaissait en qualité d'ancien propriétaire.
Si l'appelante se prévaut de ce qu'à l'occasion de son audition par les policiers le 4 décembre 2020, M. [H] [R] a pu de lui-même leur préciser que BHCar [Localité 3] n'était qu'un intermédiaire de vente et leur transmettre la copie de la pièce identité de M. [X] ainsi qu'un RIB du compte bancaire sur lequel le prix de vente déduction faite de la commission du garage avait été viré, force est de constater que ces éléments lui ont été communiqués par M. [D] [G] seulement le 21 octobre 2020 (pièce 9 M. [D] [G] et BHCar [Localité 3]), soit postérieurement à son interpellation par les forces de l'ordre au volant du véhicule et a fortiori postérieurement à la vente. M. [D] [G] indique d'ailleurs dans son mail du 17 décembre 2020 en réponse à l'avocat de M. [H] [R] que c'est à l'occasion de son échange téléphonique avec ce dernier au mois d'octobre précédent qu'il lui a expliqué « tous les moindres détails de la mise en vente de ce véhicule (service d'intermédiaire du réseau BHCar [Localité 3] et mise en relation de ventes entre particuliers) ».
Il résulte ainsi de l'analyse de l'ensemble des pièces versées aux débats que la société BHCar [Localité 3] s'est comportée à l'égard de M. [H] [R] comme le propriétaire apparent du véhicule litigieux et qu'elle ne l'a pas informé, tant à l'occasion des échanges précédant la transaction qu'au moment de celle-ci, qu'elle n'était que le mandataire d'un tiers propriétaire, dont M. [H] [R] n'a appris l'existence que lors de la remise de la déclaration de cession.
Il y a lieu dès lors de juger que la société BHCar [Localité 3] était bien le vendeur apparent du véhicule, et que, tenue envers M. [H] [R] en cette qualité, elle doit le garantir de l'éviction dont il a souffert, conformément à l'article 1626 précité.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce que, après avoir dit que la société BHCar [Localité 3] était le vendeur du véhicule litigieux, les premiers juges ont fixé la somme de 35'256 euros à son passif au titre de la garantie d'éviction due à M. [H] [R].
Par ailleurs, dès lors qu'il résulte de l'article 1630 du code civil que l'acquéreur évincé a droit à la réparation de tout le préjudice causé par l'inexécution du contrat, les premiers juges doivent être également approuvés en ce qu'ils ont fait droit partiellement à la demande d'indemnisation formée par M. [H] [R] au titre du préjudice moral, en évaluant celui-ci à 500 euros compte tenu du désagrément inhérent à son interpellation du 16 octobre 2020 au volant du véhicule litigieux.
En revanche, M. [H] [R] ne caractérise pas de faute de la société BHCar [Localité 3] ayant fait dégénérer en abus le droit de celle-ci de se défendre en justice et d'interjeter appel, pas plus qu'il n'établit de préjudice autre que celui résultant de l'obligation dans laquelle il s'est trouvé d'engager des frais pour faire valoir ses droits. Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à hauteur de cour sera donc rejetée.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
La société BHCar [Localité 3], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à M. [H] [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [H] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la société BHCar [Localité 3], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [D] [G], à payer à M. [H] [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
REJETTE la demande de la société BHCar [Localité 3] formée sur le même fondement,
CONDAMNE la société BHCar [Localité 3], prise en la personne de son mandataire ad hoc M. [D] [G], aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.