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Décisions

TUE, 6e ch., 11 septembre 2024, n° T-3/22

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Zheshartsky LPK OOO (ZHLPK)

Défendeur :

Commission européenne

TUE n° T-3/22

10 septembre 2024

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l'article 263 TFUE, la requérante, Zheshartsky LPK OOO (ZHLPK), demande l'annulation du règlement d'exécution (UE) 2021/1930 de la Commission, du 8 novembre 2021, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie (JO 2021, L 394, p. 7, ci-après le « règlement attaqué »).

Antécédents du litige

2 La requérante est un producteur-exportateur russe de contreplaqué de bouleau, qui exporte, entre autres, vers l'Union européenne.

3 À la suite d'une plainte déposée le 31 août 2020 au nom de l'industrie de l'Union du contreplaqué de bouleau par le Woodstock Consortium, conformément à l'article 5, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), entré en vigueur le 20 juillet 2016, la Commission européenne a, en date du 14 octobre 2020, ouvert une enquête antidumping concernant les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie. Elle a publié un avis d'ouverture au Journal officiel de l'Union européenne (JO 2020, C 342, p. 2).

4 L'enquête relative au dumping et au préjudice en cause a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020 (ci-après la « période d'enquête »). L'examen des tendances pertinentes aux fins de l'évaluation dudit préjudice et du lien de causalité a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2017 et la fin de la période d'enquête (ci-après la « période considérée »).

5 Par son règlement d'exécution (UE) 2021/940, du 10 juin 2021, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie (JO 2021, L 205, p. 47, ci-après le « règlement provisoire »), la Commission a soumis à un droit antidumping provisoire de 15,3 % les importations de contreplaqué de bouleau constitué exclusivement de feuilles de bois dont chacune avait une épaisseur n'excédant pas 6 millimètres, ayant des plis extérieurs en bois des espèces spécifiées à la sous-position 441233 et au moins un pli extérieur en bois de bouleau, recouvert ou non, originaire de Russie et relevant du code NC ex 44123300 (code TARIC 4412330010) (ci-après le « produit concerné »), fabriqué par la requérante.

6 Le 31 août 2021, la Commission a communiqué les faits et considérations essentiels sur le fondement desquels elle envisageait d'instituer des mesures antidumping définitives.

7 Le 8 novembre 2021, la Commission a adopté le règlement attaqué, par lequel elle a institué un droit antidumping définitif de 15,8 % sur le produit concerné fabriqué par la requérante.

8 Le 3 décembre 2021, la Commission a adopté la décision d'exécution (UE) 2021/2145 de ne pas suspendre les droits antidumping définitifs sur les importations de contreplaqué de bouleau originaire de Russie institués par le règlement attaqué (JO 2021, L 433, p. 19, ci-après la « décision de suspension »).

Conclusions des parties

9 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué ;

– condamner la Commission aux dépens.

10 La Commission, soutenue par les intervenantes, Latvijas Finieris AS et Paged Pisz sp. z o.o, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

11 À l'appui de son recours, la requérante soulève six moyens.

12 Le premier moyen est tiré d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, en ce que la Commission aurait erronément procédé à un ajustement du prix à l'exportation et de la valeur normale en répartissant le montant des commissions exclusivement affectées aux ventes sur le marché intérieur par l'intermédiaire du distributeur lié, Trade House Lesplittorg LLC (ci-après « Trade House »).

13 Les deuxième et troisième moyens portant sur le montant des frais de transport, ils seront traités conjointement. À cet égard, le deuxième moyen est tiré d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation de l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base ou, à titre subsidiaire, de l'article 2, paragraphe 10, sous k), dudit règlement, en ce que la Commission aurait refusé de procéder à un ajustement à la hausse du prix à l'exportation, afin de tenir compte du fait qu'environ 80 % des frais de transport encourus lors du transport du contreplaqué de bouleau vers les marchés à l'exportation, y compris l'Union, feraient l'objet d'un remboursement par les pouvoirs publics russes, au titre du régime de compensation tarifaire ferroviaire russe.

14 Invoqué à titre alternatif, le troisième moyen est tiré d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base et de l'obligation de motivation, en ce que, lors de la détermination du montant des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») aux fins du calcul de la valeur normale, la Commission aurait erronément décidé de ne pas tenir compte du montant du remboursement des frais de transport à l'exportation.

15 Le quatrième moyen et la première branche du sixième moyen sont tirés d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, de l'obligation de motivation et du droit à une bonne administration, en ce que la Commission aurait erronément inclus le contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné et n'aurait pas tenu compte de la segmentation des marchés du contreplaqué de bouleau de forme carrée et de forme rectangulaire.

16 Le cinquième moyen est tiré d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et du droit à une bonne administration, en ce que la Commission aurait déterminé les volumes et les prix des importations du produit concerné sur la base de données de l'Office statistique de l'Union européenne (Eurostat) non fiables.

17 La seconde branche du sixième moyen est tirée d'erreurs manifestes d'appréciation ainsi que d'une violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base et du droit à une bonne administration, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l'incidence d'autres facteurs de préjudice lors de l'évaluation du lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice causé à l'industrie de l'Union.

Sur le premier moyen, tiré d'erreurs manifestes d'appréciation des faits et d'erreurs de droit dans l'ajustement apporté au prix à l'exportation et à la valeur normale

18 La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation et une violation de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, en ce qu'elle aurait erronément considéré que Trade House percevait des commissions pour les ventes sur le marché à l'exportation et sur le marché intérieur et procédé à un ajustement théorique de 1,479 % à l'égard tant de la valeur normale que du prix à l'exportation.

19 Selon la requérante, la quasi-totalité des ventes sur le marché intérieur est réalisée par l'intermédiaire de Trade House, agissant comme commissionnaire, rémunéré pour les fonctions qu'il exerce au moyen d'une commission fixée par un contrat de commission conclu avec elle, représentant 6 % du montant des ventes aux acheteurs indépendants. Le montant des recettes des ventes serait ensuite transféré à la requérante après déduction de la commission.

20 En revanche, sur le marché à l'exportation, environ 20 % des ventes seraient réalisées par l'intermédiaire d'un importateur lié situé en Lettonie, qui achèterait directement le produit concerné à la requérante et le revendrait aux acheteurs indépendants. 80 % des ventes seraient directement réalisées par elle, qui conclurait les contrats-cadres avec les acheteurs indépendants, les facturerait, leur expédierait ledit produit et percevrait les paiements.

21 Les services qu'exercerait Trade House sur le marché intérieur seraient donc réalisés directement par la requérante sur le marché à l'exportation vers l'Union. Bien que Trade House exerce également certaines fonctions sur le marché à l'exportation, aucune commission ne lui serait réellement payée à cet égard. Il ne recevrait pas non plus de marge sur lesdites ventes.

22 Or, il ressortirait notamment de la jurisprudence du Tribunal que, lorsque des commissions sont versées sur les prix à l'exportation et non sur les prix intérieurs, seul l'ajustement des premiers est justifié, indépendamment du fait que la même entité exerce les mêmes fonctions sur les deux marchés bien que n'étant rémunérée que sur l'un des deux.

23 La requérante se serait acquittée de la charge de la preuve du montant total de l'ajustement au titre des commissions perçues pour les ventes sur le marché intérieur, à savoir 76 332 175,88 roubles russes (RUB) (environ 770 000 euros), et la Commission aurait accueilli ce montant comme étant intégralement affecté audit marché. À cet égard, la Commission se contredirait lorsque, dans le règlement attaqué, d'une part, elle réaffecterait une partie du montant des commissions perçues pour les ventes sur le marché intérieur aux ventes sur le marché à l'exportation et, d'autre part, elle admettrait le montant total des commissions comme étant exact et comme se rapportant entièrement au marché intérieur dans le calcul des frais VAG dans le tableau des profits et des pertes (ci-après le « tableau G »).

24 Dès lors, afin de procéder à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale, conformément à l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, la Commission aurait dû opérer un ajustement de la valeur normale correspondant au montant total des commissions versées à Trade House pour les ventes sur le marché intérieur, soit 6 %, et non 1,479 %. Quant au prix à l'exportation, il n'aurait dû faire l'objet d'aucun ajustement.

25 La Commission conteste les arguments de la requérante.

26 Dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que les institutions de l'Union disposent d'un large pouvoir d'appréciation, de telle sorte que le contrôle juridictionnel doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêts du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 58 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2023, Vitol, C‑268/22, EU:C:2023:508, point 63 et jurisprudence citée).

27 Dans ce contexte, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l'Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n'empiète pas sur le large pouvoir d'appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l'exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l'ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s'ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées [voir arrêts du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69 et jurisprudence citée, et du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 37 et jurisprudence citée].

28 En revanche, s'agissant des questions de droit, le Tribunal exerce un contrôle entier, ce qui inclut l'interprétation qu'il convient de faire de dispositions juridiques sur la base d'éléments objectifs ainsi que la vérification que les conditions d'application d'une telle disposition se trouvent ou non réunies (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 34, et du 9 novembre 2022, Cambodge et CRF/Commission, T‑246/19, EU:T:2022:694, point 45).

29 L'article 2, paragraphe 10, du règlement de base dispose qu'il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l'exportation et la valeur normale. Dans ce but, cette disposition impose aux institutions de l'Union de prendre en considération tout facteur susceptible d'affecter la comparabilité des prix [arrêt du 6 septembre 2013, Godrej Industries et VVF/Conseil, T‑6/12, EU:T:2013:408, point 22 (non publié)].

30 Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d'autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l'exportation ne peuvent être ainsi comparés, cette disposition énonce qu'il sera tenu compte, sous la forme d'ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu'ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité, afin d'assurer que la comparaison soit opérée au même stade commercial (voir arrêt du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, points 137 et 138 et jurisprudence citée).

31 Parmi les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés, l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base prévoit qu'un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées. Cette disposition précise que le terme « commission » couvre la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions.

32 Ces ajustements ne sont pas opérés d'office. En ce qui concerne la charge de la preuve, conformément à la jurisprudence, si une partie demande, au titre de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, des ajustements destinés à rendre comparables la valeur normale et le prix à l'exportation en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. En outre, la charge de prouver que les ajustements spécifiques énumérés à l'article 2, paragraphe 10, sous a) à k), du règlement de base doivent être opérés incombe à ceux qui souhaitent s'en prévaloir (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, points 82 et 83 et jurisprudence citée).

33 Ainsi, lorsqu'un producteur revendique l'application d'un ajustement, en principe à la baisse, de la valeur normale ou, logiquement à la hausse, des prix à l'exportation, il revient à cet opérateur d'indiquer et de démontrer que les conditions pour l'octroi d'un tel ajustement sont satisfaites. À l'inverse, lorsque les institutions de l'Union considèrent qu'il y a lieu d'appliquer, au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, un ajustement à la baisse du prix à l'exportation au motif qu'une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions, il appartient à ces institutions de rapporter à tout le moins des indices convergents permettant d'établir l'existence du facteur au titre duquel l'ajustement est opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix afin de démontrer que cette condition est remplie (voir, en ce sens, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 61, et du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 84 et jurisprudence citée).

34 Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où les institutions de l'Union ont rapporté des indices convergents qu'un distributeur lié à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d'un agent travaillant sur la base de commissions, il incombe à ce distributeur ou à ce producteur de rapporter la preuve qu'un ajustement au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n'est pas justifié, par exemple en démontrant qu'ils forment une entité économique unique. À cette fin, ces opérateurs économiques pourraient notamment prouver qu'ils n'opèrent pas de manière indépendante et qu'ils sont liés par des arrangements de compensation (arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 85).

35 En l'espèce, au cours de la procédure administrative, la requérante a demandé à ce que la Commission procède à un ajustement de la valeur normale, en tenant compte de la commission de 6 % versée à Trade House pour les ventes sur le marché intérieur.

36 La Commission, ayant considéré que la requérante n'avait pas démontré que les conditions pour l'octroi d'un tel ajustement étaient satisfaites, a décidé que, au vu de la réalité économique des relations entre la requérante et Trade House, il convenait de réaffecter une partie de la commission versée au titre des ventes sur le marché intérieur aux ventes sur le marché à l'exportation vers l'Union. À cet effet, il ressort des éléments du dossier que la Commission a tenu compte d'une commission de 1,479 % aux fins d'ajuster la valeur normale et le prix à l'exportation.

37 Au vu de la jurisprudence citée aux points 32 et 33 ci-dessus, la Commission ayant considéré qu'il y avait lieu d'appliquer un ajustement à la baisse du prix à l'exportation et de la valeur normale et de tenir compte d'une commission de 1,479 % sur les deux marchés, il lui appartient de rapporter, à tout le moins, des indices convergents permettant d'établir l'existence du facteur au titre duquel l'ajustement a été opéré et de déterminer son incidence sur la comparabilité des prix afin de démontrer que les conditions pour l'octroi d'un tel ajustement étaient satisfaites.

38 Il ressort du considérant 65 du règlement provisoire et des considérants 47 et 49 à 52 du règlement attaqué que la Commission a indiqué avoir réparti le montant des commissions versées à Trade House entre les ventes intérieures et les ventes à l'exportation en fonction du volume des ventes. À titre de preuve, elle a justifié une telle répartition en se fondant sur des déclarations et des documents émanant de la requérante, dont la réponse au questionnaire, la demande de complément d'information, le rapport sur le recoupement à distance et les commentaires de la requérante faisant suite à la communication des conclusions finales.

39 Tout d'abord, le Tribunal relève qu'il ressort de la réponse de la requérante au questionnaire, figurant à l'annexe A.2 de la requête, que les fonctions de vente sont exercées par Trade House, agissant en qualité d'agent, pour les ventes directes vers l'Union comme pour les ventes intérieures. La requérante a expliqué que, en particulier, Trade House négociait les contrats avec des clients dans l'Union en ce qui concerne les quantités, les prix, les conditions de livraison et les listes de produits. Ces contrats étaient ensuite exécutés entre les clients et la requérante. La requérante a ajouté que, contrairement aux ventes intérieures toutefois, Trade House n'était pas rémunérée pour ses activités au moyen d'une commission.

40 Ensuite, à l'annexe 1 de la réponse à la première demande de complément d'information, figurant à l'annexe A.4 de la requête, la requérante a rappelé que Trade House ne recevait aucune rémunération pour les fonctions exercées sur le marché à l'exportation. Elle a cependant ajouté que la décision de ne verser des commissions que pour les ventes intérieures était fondée sur des raisons de stratégie commerciale visant à promouvoir les ventes intérieures du produit concerné et que les revenus tirés par Trade House de la commission sur les ventes intérieures étaient suffisants pour couvrir ses frais et ses profits.

41 En outre, dans le rapport sur le recoupement à distance du 18 février 2021, figurant à l'annexe A.3 de la requête, la Commission s'est référée à certaines explications et documents obtenus de la requérante même, desquels il ressortait que, sur le marché intérieur, Trade House agissait sur le fondement d'un contrat de commission et percevait une commission de 6 %. Sur le marché à l'exportation, si Trade House était impliqué dans le processus de vente, aucun contrat de commission n'était établi à cet égard, mais ses coûts et ses dépenses étaient couverts par les commissions perçues pour les ventes intérieures.

42 Enfin, dans ses observations définitives sur le dumping, figurant à l'annexe A.6 de la requête, si la requérante a réaffirmé que les commissions étaient exclusivement versées à Trade House pour les ventes intérieures, elle a également réitéré que ces commissions étaient suffisantes pour couvrir toutes les fonctions réalisées par Trade House sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation.

43 Il ressort donc des documents auxquels renvoie la Commission dans le règlement attaqué que, d'une part, Trade House agit en tant qu'intermédiaire sur les deux marchés, bien que la requérante signe elle-même les contrats avec les acheteurs indépendants sur le marché à l'exportation vers l'Union. D'autre part, les commissions versées à Trade House pour les ventes sur le marché intérieur permettent également de couvrir les coûts qu'elle supporte dans le cadre des ventes sur le marché à l'exportation et de lui attribuer un bénéfice pour l'exercice de ces fonctions.

44 Les arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

45 En effet, au soutien de ses arguments relatifs aux contrats encadrant les fonctions que Trade House exerce sur le marché à l'exportation vers l'Union et le marché intérieur, la requérante a renvoyé aux documents figurant à l'annexe A.7 de la requête et portant sur :

– deux exemples de contrat de vente conclus entre la requérante et deux acheteurs indépendants de l'Union, ainsi que les documents y afférents, spécifiant le type de produit, la quantité et le prix et fournissant des informations sur le paiement et le transport dudit produit ;

– un contrat de commission signé par Trade House, en qualité de commissionnaire, et la requérante, en qualité de commettant, et un addendum conclu entre Trade House et un acheteur indépendant sur le marché intérieur russe portant commande de produits, ainsi que les documents y afférents, fournissant des informations sur le paiement et le transport des produits, dont un bordereau de livraison renseignant la requérante comme expéditeur, ledit acheteur comme destinataire et Trade House comme distributeur.

46 Certes, il ressort de ces documents que, sur le marché à l'exportation vers l'Union, la requérante conclut directement les contrats-cadres avec les acheteurs indépendants situés dans l'Union, signe les factures, perçoit les paiements, établit les listes d'emballage des produits et procède à leur envoi, tandis que, sur le marché intérieur, Trade House agit comme commissionnaire de la requérante, reçoit les ordres de commandes des acheteurs indépendants, conclut les contrats d'approvisionnement et perçoit les paiements desdits acheteurs et transfère ensuite le montant des ventes à la requérante.

47 Toutefois, force est également de constater que, au point 18 de la requête, la requérante a indiqué que, « [s]ur le marché de l'Union, environ 80 % des ventes [étaie]nt été réalisées directement par [elle] par l'intermédiaire de Trade House, bien que – contrairement aux ventes sur le marché intérieur – Trade House ne [fû]t pas rémunérée pour ses activités sur le marché de l'Union ». Elle a précisé en outre, au point 19 de la requête, que « Trade House négoci[ait] des contrats avec des clients dans l'Union et, en ce sens, exer[çait] les mêmes fonctions sur le marché de l'Union et sur le marché intérieur ».

48 Les déclarations de la requérante dans ses écrits devant le Tribunal confirment donc que, bien qu'elle soit la signataire directe des documents relatifs au marché à l'exportation vers l'Union, Trade House y exerce les mêmes fonctions que sur le marché intérieur et agit en tant qu'intermédiaire.

49 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la jurisprudence du Tribunal que la Commission serait limitée aux prescriptions contractuelles entre les parties afin de procéder à un ajustement sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base.

50 Certes, au point 94 de l'arrêt du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil (T‑88/98, EU:T:2002:280), et aux points 274 à 282 de l'arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil (T‑299/05, EU:T:2009:72), le Tribunal a indiqué que seule une commission réellement payée était susceptible d'affecter la comparabilité du prix à l'exportation et de la valeur normale ou, en l'absence de commission effectivement versée, lorsque les opérateurs commerciaux en cause exerçaient des fonctions assimilables à celles d'un agent et perçoivent une marge commerciale.

51 De même, dans l'arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil (T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, point 94), le Tribunal a relevé que le contrat liant le producteur-exportateur à l'un des distributeurs liés ne prévoyait le versement d'une commission que sur certaines ventes à l'exportation, de sorte que le distributeur lié ne bénéficiait d'aucun paiement pour les ventes réalisées sur le marché intérieur et qu'un ajustement devait être opéré uniquement sur le prix à l'exportation.

52 Cependant, il ne saurait être conclu de cette jurisprudence qu'il existerait une règle générale selon laquelle, lorsqu'un contrat liant un producteur-exportateur à son distributeur lié prévoit le versement d'une commission ou d'une marge pour les ventes effectuées sur l'un des marchés uniquement, une institution de l'Union ne pourrait jamais tenir compte de la réalité économique entre ces entités et des fonctions effectivement exercées.

53 En outre, si, dans l'arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil (T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437), le Tribunal a considéré que seul un ajustement du prix à l'exportation était justifié, il ne ressort pas des faits de cette affaire que la commission perçue par le distributeur lié en cause pour les ventes sur le marché à l'exportation visait également à couvrir ses coûts et à lui attribuer un bénéfice pour les fonctions de vente exercées sur le marché intérieur. Au contraire, il n'existait aucune justification du paiement d'une commission pour les ventes intérieures dans cette affaire.

54 Il en va autrement en l'espèce. Ainsi que relevé aux points 39 à 48 ci-dessus, il ressort des documents sur lesquels s'est fondée la Commission et des écrits mêmes de la requérante que Trade House exerce les mêmes fonctions et agit comme intermédiaire sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation. Si la commission est réellement payée au titre des ventes sur le marché intérieur, elle permet également de couvrir les coûts et d'attribuer un bénéfice à Trade House pour les fonctions exercées sur le marché à l'exportation.

55 Dès lors, la Commission pouvait valablement considérer, dans ses constatations sur la matérialité des faits, que, au vu des éléments de preuve dont elle disposait, les commissions versées par la requérante à Trade House avaient vocation à rémunérer le distributeur lié pour les fonctions exercées tant sur le marché intérieur que sur le marché à l'exportation, indépendamment du fait que le contrat de commission ne prévoyait leur versement que pour les ventes sur le marché intérieur. C'est donc sans commettre d'erreurs de droit ou d'erreurs manifestes d'appréciation des faits qu'elle a décidé de répartir les commissions versées entre les ventes sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation.

56 S'agissant de la question du montant spécifique de l'ajustement auquel pouvaient être soumis le prix à l'exportation et la valeur normale, la Commission a indiqué, au considérant 65 du règlement provisoire, avoir « réparti le montant des commissions versées au négociant lié entre les ventes intérieures et les ventes à l'exportation en fonction du volume de ces ventes ». Ainsi que constaté au point 36 ci-dessus, la Commission a appliqué un ajustement de 1,479 % au prix à l'exportation et à la valeur normale.

57 À la lecture du « tableau DMSAL d'UPG fourni avec les conclusions finales », figurant à l'annexe A.5 de la requête, et du « tableau EUSALUR d'UPG fourni avec les conclusions finales », figurant à l'annexe A.13 de la requête, le Tribunal comprend que le pourcentage de 1,479 % a été obtenu en divisant le montant total des commissions perçues par Trade House (76 332 175,88 RUB) par la somme des montants des ventes intérieures (1 272 202 931 RUB) (environ 12 900 000 euros), des ventes aux clients indépendants de l'Union (2 577 886 910,30 RUB) (environ 26 130 000 euros) et des autres ventes à l'exportation (1 309 273 392 RUB) (environ 13 270 000 euros). Il ressort ainsi de ces deux annexes que cette méthode de calcul a été utilisée pour déterminer la clé de répartition des commissions applicable aux ventes intérieures et aux ventes à l'exportation vers l'Union .

58 Force est par ailleurs de constater que le recours à un ajustement de 1,479 %, utilisé par la Commission pour ajuster la valeur normale et le prix à l'exportation, a été suggéré par la requérante elle-même au cours de l'enquête.

59 En effet, dans ses observations provisoires sur le dumping du 28 juin 2021, figurant à l'annexe A.11, la requérante a suggéré à la Commission que, si elle devait maintenir sa décision de réaffecter le montant des commissions payées à Trade House, elle devrait tenir compte du fait que ce distributeur lié intervenait tant sur le marché à l'exportation vers l'Union que vers des pays tiers, de sorte qu'une base correcte pour la distribution du montant des commissions était de 1,479 %. Au considérant 48 du règlement attaqué, la Commission a indiqué avoir accepté cette demande.

60 S'agissant de l'argument de la requérante portant sur la contradiction quant à la prise en considération du montant total des commissions dans le cadre du calcul des frais VAG dans le tableau G, le Tribunal constate que le tableau figurant à l'annexe A.12.B de la requête, auquel renvoie la requérante au point 4 de la réplique, ne correspond pas au tableau qu'elle reproduit au même point de la réplique et ne comprend aucune colonne relative au montant des commissions perçues par Trade House pour les ventes sur le marché intérieur.

61 La Commission a en revanche produit le tableau G révisé sur lequel elle s'est fondée, dans lequel le montant indiqué pour les commissions est de 25 223 dans les conclusions provisoires et de 18 882 dans les conclusions finales, le montant total de 76 332 y étant barré à chaque fois en commentaire de la cellule du tableau. La Commission n'a donc pas affecté le montant total des commissions aux ventes intérieures dans le tableau G.

62 Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreurs manifestes d'appréciation des faits, ni violé l'article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base en réaffectant les commissions versées par la requérante à Trade House pour les ventes sur le marché intérieur aux ventes sur le marché à l'exportation et en procédant à un ajustement théorique de 1,479 % tant à l'égard de la valeur normale que du prix à l'exportation.

63 Le premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d'erreurs manifestes d'appréciation des faits, d'erreurs de droit et d'une violation de l'obligation de motivation dans la prise en compte des remboursements des frais de transport vers le marché à l'exportation

64 À titre principal, la requérante fait valoir que la Fédération de Russie lui rembourse environ 80 % des frais de transport encourus lors du transport du contreplaqué de bouleau vers les marchés à l'exportation, y compris l'Union, au titre du régime de compensation tarifaire ferroviaire russe. Ce régime ne serait pas prévu pour les ventes sur le marché intérieur.

65 Les montants de ces remboursements seraient prévisibles dès le moment de la conclusion de la vente. Ainsi, sur la base de la législation russe et de l'expérience passée de la requérante, celle-ci fixerait le prix à l'exportation en escomptant raisonnablement que 20 % des frais de transport seraient effectivement exposés. La date à laquelle le remboursement serait effectivement demandé ou effectué serait sans importance. Conformément à l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base, la Commission aurait donc dû en tenir compte dans la détermination de l'ajustement du prix à l'exportation au titre des frais de transport.

66 À titre subsidiaire, la requérante soutient que, les remboursements n'ayant lieu qu'à l'égard des ventes à l'exportation, ils doivent être considérés comme étant d'« autres facteurs », au sens de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, différenciant le marché intérieur et le marché à l'exportation et affectant la comparabilité des prix. Ils justifieraient ainsi un ajustement à la hausse des prix à l'exportation. L'obligation de tenir dûment compte des différences affectant la comparabilité des prix viserait par ailleurs à neutraliser les différences qu'un exportateur « pourrait » avoir répercutées dans son prix, ainsi qu'il ressortirait du rapport du groupe spécial intitulé « États‑Unis – Mesures antidumping visant les tôles d'acier inoxydable en rouleaux et les feuilles et bandes d'acier inoxydable en provenance de Corée (États-Unis – Acier inoxydable) », adopté le 22 décembre 2000 (WT/DS 179/R, point 6.77).

67 La requérante aurait en outre produit des éléments de preuve visant à démontrer que les acheteurs indépendants payaient des prix différents sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation et que le remboursement des frais de transport affectait la comparabilité des prix, à savoir la législation russe contraignante, son expérience concrète ainsi que la transparence et le caractère prévisible du système permettant de présenter les demandes de remboursement sur la base de factures.

68 La Commission aurait donc commis des erreurs manifestes d'appréciation et violé l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base ou, à titre subsidiaire, l'article 2, paragraphe 10, sous k), dudit règlement.

69 À titre alternatif, la requérante fait valoir que, pour autant que la Commission ait pu valablement considérer que les remboursements n'affectaient pas uniquement les ventes à l'exportation et ne justifiaient pas une adaptation des ajustements, elle aurait dû également affecter ce montant en tant que frais VAG relatifs aux ventes sur le marché intérieur, conformément à l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base.

70 À cet égard, la requérante soulève qu'il ressortait de la colonne « revenus financiers totaux » des ventes à l'exportation dans le tableau G produit avec les informations accompagnant le règlement provisoire que la Commission a vérifié et accepté le montant des remboursements reçus au titre du régime de compensation tarifaire ferroviaire russe. Ce montant aurait cependant disparu de la version dudit tableau qui figurait dans les conclusions finales, sans aucune explication, alors qu'il aurait dû, à tout le moins, être reflété dans les colonnes correspondant au marché intérieur. La Commission n'aurait par ailleurs pas justifié son rejet de tenir compte de ce montant lors de la construction de la valeur normale.

71 La Commission aurait donc commis des erreurs manifestes d'appréciation, violé l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base et méconnu son obligation de motivation.

72 La Commission conteste les arguments de la requérante.

Sur l'ajustement du prix à l'exportation

73 Aux termes de l'article 2, paragraphe 8, du règlement de base, le prix à l'exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers l'Union.

74 L'article 2, paragraphe 9, du règlement de base dispose notamment que, dans le cas de la construction du prix à l'exportation, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais, y compris les droits et les taxes, intervenus entre l'importation et la revente, et d'une marge bénéficiaire, afin d'établir un prix à l'exportation fiable au niveau de la frontière de l'Union. Les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent ceux normalement supportés par un importateur, mais payés par toute partie ayant ses activités à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union et paraissant être associée à ou avoir conclu un arrangement de compensation avec l'importateur ou l'exportateur.

75 L'article 2, paragraphe 10, du règlement de base prévoit en outre que, pour assurer une comparaison équitable entre la valeur normale et le prix à l'exportation, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d'ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu'ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. S'agissant des coûts de transport, l'article 2, paragraphe 10, sous e), dudit règlement prévoit qu'un ajustement est opéré au titre de différences dans ces coûts qui ont un rapport direct avec le produit et qui ont été exposés pour acheminer le produit en question depuis les locaux de l'exportateur jusqu'au premier acheteur indépendant, lorsque ces coûts sont inclus dans les prix pratiqués.

76 Les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base se distinguent, tant par leur objectif que par leurs conditions d'application, des ajustements opérés dans le cadre de la reconstitution du prix à l'exportation. Alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l'exportation qui correspondrait à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de cette disposition tendent à redresser le prix à l'exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées à l'article 2, paragraphes 3 à 9, dudit règlement. Les ajustements prévus dans le cadre de l'article 2, paragraphe 10, de ce règlement sont opérés en fonction d'éléments objectifs, qui correspondent aux particularités de chaque marché (d'origine et d'exportation), se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix (voir arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission, C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337, point 43 et jurisprudence citée).

77 À titre liminaire, le Tribunal relève que la requérante ne conteste pas le calcul du prix à l'exportation sur le fondement de l'article 2, paragraphes 8 ou 9, du règlement de base, mais la déduction totale des frais de transport lors de l'ajustement du prix à l'exportation sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous e), du même règlement.

78 Aux considérants 62 à 64 du règlement provisoire et aux considérants 35 à 41 du règlement attaqué, la Commission a expliqué avoir ajusté le prix à l'exportation pour tenir compte des différences affectant les prix et leur comparabilité et avoir ainsi déduit les frais de transport directement liés à la livraison du produit concerné au premier acheteur indépendant, conformément à l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base. Elle a rejeté les allégations de la requérante visant à ce qu'il soit tenu compte du régime de remboursement des frais de transport lors de l'ajustement du prix à l'exportation, en indiquant que l'éventualité d'un remboursement ultérieur de ces frais ne relevait pas du champ d'application de cette disposition. Elle a ajouté que la requérante n'avait pas présenté la moindre preuve de ce que ses clients payaient invariablement des prix différents sur le marché intérieur en raison de la prétendue différence relative aux remboursements des coûts de transport par les pouvoirs publics russes selon que le produit est vendu sur le marché intérieur ou à l'exportation, comme le requiert l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base.

79 En premier lieu, s'agissant de l'ajustement sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base, le Tribunal rappelle qu'il est opéré « au titre de différences dans les coûts qui ont un rapport direct avec le produit et qui ont été exposés pour acheminer le produit en question depuis les locaux de l'exportateur jusqu'au premier acheteur indépendant, lorsque ces coûts sont inclus dans les prix pratiqués » et que « [c]es coûts comprennent le transport, l'assurance, la manutention, le chargement et les coûts accessoires ».

80 Tout d'abord, le Tribunal constate que l'existence même d'un régime de remboursement pour les frais de transport dans le cadre des ventes sur le marché à l'exportation et l'absence d'équivalent pour les ventes sur le marché intérieur ne sont pas contestées.

81 À l'appui de sa demande d'adaptation de l'ajustement du prix à l'exportation, la requérante renvoie à sa réponse au questionnaire de la Commission, à la première demande de complément d'information et à sa réponse à la lettre préalable au recoupement.

82 À cet égard, il ressort de la réponse de la requérante au questionnaire de la Commission, figurant à l'annexe A.2 de la requête, que, dans le cadre du programme de soutien au transport des produits industriels civils, le gouvernement de la Fédération de Russie couvre jusqu'à 80 % des coûts réels encourus par les fabricants lors du transport de leurs produits vers les marchés étrangers. Il y est précisé le montant reçu par la requérante en guise de compensation, dont une partie concernait l'exportation du produit concerné vers l'Union, pour la période allant du 25 avril 2019 au 30 juillet 2020. La requérante y a ajouté avoir déclaré le montant du remboursement, par lequel le coût du transport vers l'Union devrait être réduit, et a précisé avoir été en mesure de lier les montants reçus aux coûts de transport encourus dans le cadre de la vente des produits sur les marchés à l'exportation.

83 Dans la réponse de la requérante à la première demande de complément d'information, figurant à l'annexe A.4 de la requête, et sa réponse à la lettre préalable au recoupement, figurant à l'annexe A.9 de la requête, la requérante produit une explication des informations contenues dans ses livres comptables, dans lesquels les remboursements reçus pour 2019 et pour 2020 sont comptabilisés, et y explique la manière dont le montant de l'ajustement demandé a été calculé. Il en ressort que ce montant correspond au remboursement des coûts de transport ferroviaire engagés pour les exportations, qui est calculé sur la base du montant soumis au ministère du Commerce et de l'Industrie de la Fédération de Russie pour remboursement des coûts de transport en fonction des factures et du montant total effectivement remboursé. Le coefficient de remboursement apparaît comme étant de 97,3 %, en ce sens que 97,3 % des frais de transport dont le remboursement est demandé seraient octroyés. La requérante a ajouté que les montants du remboursement dont l'ajustement a été demandé ont été révisés en fonction du montant réel du remboursement demandé et reçu.

84 À l'annexe A.9 de la requête, la requérante a également spécifié le montant de certains frais encourus, ainsi que leur demande de remboursement, en fonction des factures émises par une société de transport, une facture de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des récépissés des transports ferroviaires russes et des déclarations de douane.

85 La Commission indique par ailleurs, au point 47 du mémoire en défense, que, comme détaillé à l'annexe A.4 de la requête, elle a reçu de la requérante deux registres de connaissement que cette dernière avait envoyés au gouvernement russe afin de lui demander les remboursements, établissant les remboursements obtenus par la requérante entre quatre et quinze mois après l'exportation.

86 Il ressort donc de ces documents que la requérante a produit des éléments de preuve permettant d'identifier les frais pour l'envoi de certains produits et de démontrer que 80 % des frais de transport exposés ont fait l'objet d'une demande de remboursement et que 97,3 % d'entre eux ont été effectivement remboursés, ce qui n'est par ailleurs pas contesté.

87 Toutefois, le Tribunal relève que la requérante reste en défaut de démontrer que ce remboursement a été effectivement répercuté sur le prix à l'exportation, de sorte que les coûts de transport remboursés n'auraient pas été inclus dans les prix pratiqués, au sens de l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base.

88 En effet, si la requérante fait valoir, dans ses observations provisoires sur le dumping, figurant à l'annexe A.11 de la requête, qu'elle est censée refléter, dans ses décisions sur les prix, le montant par lequel les coûts de transport sur les ventes à l'exportation seront réduits, et qu'elle le fait effectivement, elle ne produit aucun indice ou élément de preuve suffisant au soutien de ces allégations.

89 De même, le fait que les montants dont le remboursement est demandé puissent être prévisibles, que la requérante puisse fixer le prix à l'exportation à la date de la vente des produits et enregistrer les ventes en escomptant raisonnablement que 20 % seulement des frais de transport seront exposés et que cette attente raisonnable est fondée sur la législation russe et son expérience passée ne démontre pas à suffisance de droit que ces remboursements ont réellement affecté le niveau des prix à l'exportation.

90 Dès lors, la requérante reste en défaut de démontrer que, en refusant d'adapter à la hausse le montant de l'ajustement du prix à l'exportation, la Commission aurait violé l'article 2, paragraphe 10, sous e), du règlement de base et commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits à cet égard.

91 En second lieu, l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base dispose qu'un ajustement peut également être opéré au titre de différences relatives à d'autres facteurs non prévues à l'article 2, paragraphe 10, sous a) à j), du même règlement s'il est démontré que ces différences affectent la comparabilité des prix, comme l'exige l'article 2, paragraphe 10, dudit règlement, et en particulier que les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause de celles‑ci.

92 Il a déjà été jugé qu'il résulte du libellé de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, interprété à la lumière de l'économie de l'article 2, paragraphe 10, dans son ensemble, que l'exigence de la démonstration d'un lien entre la différence alléguée et les prix est d'autant plus impérieuse dans un tel cas de figure. En effet, si un tel facteur n'a pas été expressément mentionné à l'article 2, paragraphe 10, sous a) à j), du règlement de base, c'est que le législateur n'a pas considéré qu'il faisait partie des facteurs qui sont, le plus souvent, susceptibles d'influer directement sur les prix et, partant, sur leur comparabilité, sans qu'on puisse néanmoins exclure que tel soit le cas dans certaines circonstances particulières [arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 305 (non publié)].

93 Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être considéré que, pour pouvoir opérer un ajustement, il suffirait qu'un exportateur puisse répercuter les différences de transactions dans le prix à l'exportation ou la valeur normale.

94 Certes, le groupe spécial s'est, au point 6.77 du rapport WT/DS 179/R, prononcé sur l'interprétation de la notion de « différences dans les conditions de vente », au sens de l'article 2.4 de l'accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l'« accord antidumping »), figurant à l'annexe 1 A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), qui a été transposé en droit de l'Union par l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Il a indiqué que, ces différences faisant partie des « différences affectant la comparabilité des prix », l'obligation de tenir dûment compte des différences affectant la comparabilité des prix visait à neutraliser dans une transaction les différences qu'un exportateur aurait pu avoir répercutées dans son prix.

95 Néanmoins, d'une part, force est de constater qu'une telle interprétation s'inscrivait dans un contexte factuel particulier, portant sur la prise en considération d'un défaut de paiement imprévu du client pour certaines ventes. D'autre part, le groupe spécial a poursuivi en précisant qu'« [u]ne différence qui n'aurait raisonnablement pas pu être prévue et donc prise en compte par l'exportateur au moment de déterminer le prix à demander pour le produit sur différents marchés ou à différents clients n'[était] pas une différence qui affect[ait] la comparabilité des prix au sens de l'article 2.4 » de l'accord antidumping.

96 Les conclusions du rapport du groupe spécial ne peuvent donc s'appliquer en tant que telles aux faits de l'espèce et être interprétées comme visant à obliger une institution à tenir compte de toute différence dans les transactions qui pourrait hypothétiquement avoir été répercutée par un producteur-exportateur dans ses prix, et encore moins qui n'aurait pas été prise en compte au moment de déterminer le prix.

97 Ainsi, si les institutions de l'Union ont l'obligation de prendre des dispositions pour se faire une idée claire de l'ajustement demandé, il ne saurait être exigé de ces dernières qu'elles opèrent un ajustement chaque fois qu'il existe une possibilité que des facteurs puissent avoir une incidence sur les prix. Cela irait à l'encontre du libellé de l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base, qui exige expressément que les différences « affectent la comparabilité des prix », ainsi que de la jurisprudence développée à cet égard.

98 Or, si la requérante réitère que le fonctionnement du régime est tel qu'il permet de prendre en compte le montant du remboursement dans le prix proposé aux clients dans l'Union, et que l'on peut s'attendre à ce qu'elle le fasse systématiquement, elle n'a apporté aucun indice ou élément de preuve suffisant que les remboursements effectués sous le régime de compensation tarifaire ferroviaire affectaient effectivement les prix à l'exportation et, partant, leur comparabilité avec la valeur normale ou que les acheteurs payaient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur. Les affirmations de la requérante portant sur le caractère contraignant de la législation russe, son expérience concrète, ainsi que la transparence et le caractère prévisible du système ne sauraient être considérés comme étant des éléments de preuve suffisants pour prouver ses allégations.

99 La requérante reste donc en défaut de démontrer que, en refusant d'adapter à la hausse le montant de l'ajustement du prix à l'exportation, la Commission aurait violé l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base et commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits à cet égard.

100 Dès lors, les griefs de la requérante tirés de ce que la Commission a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation des faits lorsqu'elle a rejeté la demande d'adapter le montant de l'ajustement du prix à l'exportation aux fins de tenir compte des remboursements ultérieurs des frais de transport doivent être rejetés comme étant non fondés.

Sur les frais VAG dans le cadre du calcul de la valeur normale

– Sur les erreurs manifestes d'appréciation et la violation de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base

101 L'article 2, paragraphe 6, première phrase, du règlement de base réglemente la détermination des montants correspondant aux frais VAG, ainsi qu'aux bénéfices, et prévoit qu'ils « sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d'opérations commerciales normales, du produit similaire par l'exportateur ou le producteur faisant l'objet de l'enquête ». Ce n'est que si ces montants ne peuvent pas être déterminés sur le fondement de « données réelles » que cette disposition prévoit d'autres méthodes de calcul.

102 En l'espèce, le Tribunal relève qu'il ne ressort pas du règlement attaqué ni du règlement provisoire que la Commission aurait considéré que les remboursements au titre du régime de compensation tarifaire ferroviaire n'affectaient pas uniquement les ventes à l'exportation. Au contraire, ainsi que relevé au point 80 ci-dessus, l'existence de ce régime pour les frais de transport exposés pour les ventes sur le marché à l'exportation et l'absence d'équivalent pour les ventes sur le marché intérieur ne sont pas contestées.

103 Il ressort par ailleurs des observations provisoires sur le dumping, figurant à l'annexe A.11 de la requête, que la requérante a admis que l'inscription, dans la colonne « revenus financiers totaux », des ventes à l'exportation du tableau G, d'un montant négatif de 71 350 000 RUB (environ 720 000 euros), correspondant aux remboursements des frais de transport pour lesdites ventes, impliquait qu'aucun avantage d'un tel remboursement n'était reconnu aux fins de la détermination des frais VAG encourus sur le marché intérieur. De même, dans ses observations finales sur le dumping, figurant à l'annexe A.6 de la requête, la requérante a réaffirmé que les remboursements reçus au titre du régime de compensation tarifaire ferroviaire concernaient uniquement les ventes et les prix à l'exportation.

104 Certes, le tableau G produit avec les informations accompagnant le règlement provisoire, figurant à l'annexe A.10 de la requête, qui renseignait, dans la colonne « revenus financiers totaux » des ventes à l'exportation, un montant négatif de 71 350 000 RUB, correspondant au remboursement des frais de transport pour les ventes du produit concerné sur le marché à l'exportation, a subi une modification. Ainsi, ce montant a été supprimé du tableau G de l'annexe 2 des conclusions finales, figurant à l'annexe A.17 de la requête.

105 Cependant, il ressort des considérants 42, 44 et 45 du règlement attaqué que la suppression de ce montant du tableau G visait à répondre à un commentaire de la requérante, dans ses observations provisoires sur le dumping, figurant à l'annexe A.11 de la requête, selon lequel une telle inscription devait signifier que la Commission avait accepté que ces remboursements avaient un impact direct sur la profitabilité des ventes à l'exportation et que le refus de procéder à une adaptation de l'ajustement du prix à l'exportation en conséquence constituait une erreur manifeste d'appréciation des faits et une violation de l'article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base.

106 C'est donc pour répondre aux commentaires de la requérante que la Commission a produit un tableau G révisé.

107 La requérante ne précise pas les raisons pour lesquelles le refus d'adapter l'ajustement du prix à l'exportation aux fins de tenir compte des remboursements des frais de transport et la suppression du montant de ces remboursements de la colonne « revenus financiers totaux » des ventes à l'exportation dans le tableau G impliqueraient que la Commission doive affecter ce montant aux frais VAG dans le cadre du calcul de la valeur normale construite.

108 Si la requérante a, dans ses observations définitives sur le dumping, figurant à l'annexe A.6 de la requête, contesté la révision du tableau G et la suppression du montant du remboursement des frais de transport de la colonne « revenus financiers totaux » des ventes à l'exportation, elle s'est contentée de demander à ce que ce montant soit alors reflété dans les colonnes des ventes intérieures pour le produit concerné, afin de réduire le montant des frais VAG supportés au titre des ventes intérieures. Le postulat selon lequel la suppression du montant des remboursements de la colonne des ventes à l'exportation signifie qu'il doit être affecté à toutes les ventes n'est étayé par aucun argument concret.

109 Dès lors, la requérante reste en défaut de démontrer que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits ou violé l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base et ses griefs à cet égard doivent être rejetés comme étant non fondés.

– Sur la violation de l'obligation de motivation

110 À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, il ne saurait substituer aux motifs invoqués pendant la procédure d'enquête et dans le règlement attaqué d'autres motifs invoqués pour la première fois devant lui (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 153 et jurisprudence citée).

111 Force est de relever que constituent de tels motifs invoqués pour la première fois devant le Tribunal les appréciations formulées par la Commission, portant sur le fait que les remboursements des frais de transport à l'exportation constitueraient des recettes tirées d'une subvention à l'exportation prohibée, qui ne pourraient être considérés comme des « coûts » ou comme « concernant la production et les ventes » du produit similaire, au sens de l'article 2, paragraphe 6, du règlement de base.

112 La motivation exigée par l'article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution qui en est l'auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 81 et jurisprudence citée).

113 De même, lorsqu'il s'agit d'un règlement, la motivation peut se borner à indiquer, d'une part, la situation d'ensemble qui a conduit à son adoption et, d'autre part, les objectifs généraux qu'il se propose d'atteindre. Dès lors, il ne saurait être exigé des institutions de l'Union qu'elles spécifient les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels le règlement a été adopté, ni a fortiori qu'elles en fournissent une appréciation plus ou moins complète (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 77).

114 En l'espèce, ainsi qu'indiqué ci-dessus, il peut être déduit des considérants 42 à 45 du règlement attaqué et de l'annexe 2 des conclusions finales de la Commission, figurant à l'annexe A.17 de la requête, que la suppression du montant des remboursements des frais de transport du tableau G visait à répondre à la préoccupation de la requérante quant à une éventuelle acceptation de sa demande portant sur les ajustements du prix à l'exportation, sur le fondement de l'article 2, paragraphe 10, sous e) et k), du règlement de base.

115 Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir mis en avant dans le règlement attaqué le fait que le montant des remboursements des frais de transport pour les ventes à l'exportation ne devait pas être pris en considération dans les frais VAG lors de la construction de la valeur normale, dès lors que, selon la jurisprudence rappelée au point 113 ci-dessus, la motivation exigée par l'article 296 TFUE n'impose pas à cette institution de spécifier de manière exhaustive les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels un règlement imposant des droits antidumping a été adopté, ni a fortiori d'en fournir une appréciation plus ou moins complète.

116 En outre, les explications fournies par la Commission dans ses écrits devant le Tribunal, ainsi que celles fournies en réponse aux questions posées par le Tribunal au titre de mesures d'organisation de la procédure, comportent des détails et des informations complémentaires sur les motifs contenus dans le règlement attaqué et dans l'annexe 2 des conclusions finales de la Commission, qui constituent une motivation suffisante, sur la base desquels la Commission a rejeté les demandes de la requérante visant à ce qu'il soit tenu compte du montant des remboursements des frais de transport dans le cadre du calcul de la marge de dumping.

117 Dès lors que l'essentiel de l'objectif poursuivi par la Commission ressortait du règlement attaqué, ce dernier n'avait pas à comporter de motivation spécifique pour chacun des nombreux arguments factuels invoqués à l'égard de ce calcul.

118 Partant, la Commission n'a pas manqué à son obligation de motivation. Le grief de la requérante à cet égard doit donc être rejeté comme étant non fondé et, partant, les deuxième et troisième moyens dans leur intégralité.

Sur le quatrième moyen et la première branche du sixième moyen, tirés d'erreurs manifestes d'appréciation des faits, d'erreurs de droit ainsi que d'une violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration dans l'inclusion du contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné

119 La requérante soutient que le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire ne présentent pas les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles, car ils diffèrent dans leurs dimensions et leur forme, présentent des différences d'épaisseurs et sont fabriqués à l'aide de colles différentes. Cela aurait pour conséquence qu'ils sont destinés à des utilisations différentes et ne sont pas interchangeables, ce qui serait également étayé par leur différence significative de prix. La Commission serait par ailleurs incohérente, en ce qu'elle aurait exclu de l'enquête les contreplaqués de pin, de peuplier, d'okoumé et de hêtre, alors qu'une différence au niveau de l'essence du bois utilisée constituerait une différence de composition au même titre qu'une différence au niveau de la colle.

120 Il existerait en outre d'autres facteurs pertinents qui auraient imposé l'exclusion du contreplaqué de forme carrée de la définition du produit concerné. Ainsi, ce contreplaqué ne serait pas, voire pratiquement pas produit ni vendu par les producteurs de l'Union, de sorte que les importations de ce type de contreplaqué n'entreraient pas en concurrence avec le contreplaqué de l'Union et n'auraient pas d'incidence sur la situation de l'industrie de l'Union.

121 La requérante ajoute que, même à considérer que le contreplaqué de bouleau de forme carrée puisse valablement être inclus dans la définition du produit concerné, la Commission aurait dû tenir compte de la segmentation du marché du contreplaqué de bouleau de forme carrée importé de Russie et de forme rectangulaire produit par l'Union dans le cadre de l'analyse du préjudice et du lien de causalité. Ainsi, les producteurs-exportateurs russes exporteraient principalement un produit de base semi-fini, devant être transformé dans l'Union, alors que les producteurs de l'Union produiraient des produits spécialisés, prêts à l'emploi, plus haut de gamme et plus chers.

122 Les calculs de la sous-cotation des prix auraient démontré que 19 % des ventes réalisées par la requérante ne peuvent pas être comparées aux ventes des producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon, que les ventes réalisées par ces derniers, qui peuvent être comparées aux ventes de la requérante, ne représentent que 40 % de ses ventes et que le prix moyen des ventes comparables des producteurs de l'Union est inférieur de 17 % au prix moyen de l'ensemble de leurs produits. La requérante ajoute que plus de 55 % des ventes des producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon ne sont pas en concurrence avec le contreplaqué russe. Le préjudice subi par l'industrie de l'Union ne pourrait donc pas résulter des importations de contreplaqué de bouleau en provenance de Russie.

123 La segmentation du marché du contreplaqué serait par ailleurs largement admise, ainsi qu'il ressortirait de la plainte déposée par le Woodstock Consortium et des observations faites par la Birch Plywood Alliance.

124 Dès lors, en incluant le contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné, la Commission aurait commis des erreurs manifestes d'appréciation. En ne procédant pas à une analyse du préjudice et du lien de causalité par segment de marché, elle aurait également violé l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base. Elle aurait par ailleurs manqué à son obligation de motivation en ne faisant pas apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qui sous-tendait sa décision et aurait violé le droit à une bonne administration en n'examinant pas avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce.

125 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments de la requérante.

126 Le Tribunal estime opportun d'examiner l'argumentation de la requérante tirée, en premier lieu, d'erreurs manifestes d'appréciation des faits qui entacheraient la définition du produit concerné, en deuxième lieu, d'erreurs manifestes d'appréciation des faits et d'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 6, du règlement de base quant à la question de la segmentation du marché et, en troisième et quatrième lieu, d'une violation de l'obligation de motivation et du principe de bonne administration à cet égard.

Sur la définition du produit concerné

127 À titre liminaire, le Tribunal relève que la notion de « produit concerné », retenue tant dans le règlement provisoire que dans le règlement attaqué, constitue la traduction concrète de la notion générale de « produit considéré comme faisant l'objet d'un dumping », figurant à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement de base (ci-après le « produit considéré »), le règlement attaqué ayant pour objet l'exécution du règlement de base dans le domaine en question.

128 Il en résulte que les éléments constitutifs de la notion de « produit considéré », au sens du règlement de base, déterminent nécessairement ceux à attribuer au « produit concerné », au sens du règlement provisoire et du règlement attaqué.

129 Or, le règlement de base ne précise pas la portée de la notion de « produit considéré », se bornant à définir, à son article 1er, paragraphe 4, celle de « produit similaire » comme étant le produit identique ou présentant des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. Par ailleurs, il découle du considérant 3 du règlement de base que ce règlement vise à transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de l'accord antidumping dans le droit de l'Union (arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 40).

130 Dans ces conditions il y a lieu d'interpréter la notion de « produit considéré », figurant dans le règlement de base, à l'aune de cet accord et, notamment, de son article 2. Toutefois, cet article ne précise pas non plus la portée de la notion de « produit considéré » et il a déjà été jugé que son libellé ne comporte aucun élément de nature à confirmer une exigence spécifique d'homogénéité et de similarité des produits en cause (arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 41), ni n'exige de procéder à une taxinomie fine (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 61).

131 Le règlement de base, lu à l'aune de l'accord antidumping, n'impose ainsi pas en lui-même que la notion de « produit considéré » vise nécessairement un produit envisagé comme un tout homogène et composé de produits similaires (arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 42).

132 Il ressort également d'une jurisprudence constante du Tribunal que la définition du produit concerné dans le cadre d'une enquête antidumping a pour objet d'aider à l'élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l'objet de l'imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu'en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité (arrêts du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, EU:T:2010:390, point 138, et du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, EU:T:2010:549, point 82).

133 Dans ces conditions, l'examen du bien-fondé de l'inclusion d'un produit spécifique au sein de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l'objet de l'imposition des droits antidumping doit être effectué au regard des caractéristiques du produit concerné tel que défini par les institutions et non au regard de celles des produits composant le produit concerné ou des sous-catégories de celui-ci (arrêt du 18 novembre 2014, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, T‑394/13, non publié, EU:T:2014:964, point 30).

134 En effet, des produits qui ne sont pas identiques à tous égards peuvent relever, en raison du fait qu'ils répondent aux facteurs dont les institutions ont tenu compte afin de définir le produit concerné, de la définition de ce dernier et, dans ce contexte, faire l'objet d'une enquête antidumping (voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 2014, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, T‑394/13, non publié, EU:T:2014:964, point 31, et du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑157/14, non publié, EU:T:2017:127, point 112 et jurisprudence citée).

135 Par ailleurs, au regard du caractère indicatif de la liste des critères indiqués au point 132 ci-dessus, rien n'oblige les institutions à déterminer le produit concerné en recourant à l'ensemble desdits critères. Il n'est pas non plus indispensable que l'analyse de chacun des critères soit susceptible de conduire au même résultat (voir arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 113 et jurisprudence citée).

136 Enfin, selon la jurisprudence, une allégation selon laquelle le produit concerné est mal défini devrait reposer sur des arguments montrant soit que les institutions ont mal évalué les facteurs qu'elles ont tenus pour pertinents, soit que l'application d'autres facteurs plus pertinents nécessitait de restreindre la définition du produit concerné (arrêts du 28 février 2017, JingAo Solar e.a./Conseil, T‑157/14, non publié, EU:T:2017:127, point 100, et du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 99).

137 Il y a donc lieu de vérifier si la requérante est à même de démontrer soit que la Commission a effectué une appréciation erronée, dans son examen sur la matérialité des faits ou une erreur manifeste d'appréciation de ces faits, au regard des facteurs qu'elle a jugé pertinents, soit que l'application d'autres facteurs plus pertinents aurait imposé l'exclusion d'un produit de la définition du produit concerné.

138 Dans le cadre de ce contrôle, il convient de prendre en compte la circonstance selon laquelle, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions de l'Union disposent d'un large pouvoir d'appréciation. À cet égard, dès lors qu'il a déjà été jugé que la détermination du produit similaire relevait de l'exercice du large pouvoir d'appréciation reconnu aux institutions et faisait donc l'objet d'un contrôle restreint (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 63), la même approche doit être suivie en ce qui concerne le contrôle du bien-fondé de la détermination du produit concerné [voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, points 46 et 47, et du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 62].

139 En premier lieu, s'agissant des critères choisis par la Commission, il ressort des considérants 32, 33, 37 et 163 du règlement provisoire ainsi que des considérants 29 et 30 du règlement attaqué que le produit concerné a été défini en fonction de sa composition en tant que matériau en feuilles de bois, dont chacune a une épaisseur n'excédant pas 6 millimètres, constitué de couches ou de fibres de placage de bois pressées ensemble à l'aide d'une colle pour former de grandes feuilles plates, ayant des plis extérieurs en bois, dont au moins un en bois de bouleau, utilisé, notamment, dans la construction, le conditionnement et l'ameublement. La Commission s'est en outre fondée sur les caractéristiques physiques, chimiques et techniques essentielles du contreplaqué de bouleau ainsi que sur un certain degré de substituabilité et sur l'utilisation finale de base qui en découle.

140 Afin de faire valoir une appréciation erronée de ces facteurs, la requérante soulève les différences en termes de dimensions et de forme, qui constitueraient des différences physiques fondamentales, les différences d'épaisseurs et de colles, les utilisations diverses et l'absence d'interchangeabilité entre le contreplaqué de forme carrée et le contreplaqué de forme rectangulaire, ainsi qu'une différence de prix.

141 À cet égard, le Tribunal relève que la requérante reste en défaut d'apporter des éléments de preuve suffisants permettant de conclure que les différences de dimensions et de forme entre le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire et le contreplaqué de bouleau de forme carrée seraient déterminantes ou auraient une importance telle que ce dernier devrait être exclu des produits concernés par l'enquête.

142 La requérante n'apporte pas non plus d'élément de preuve permettant d'établir que le contreplaqué de bouleau de forme carrée ne pourrait avoir qu'une épaisseur maximale de 27 millimètres ou que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire ne pourrait être découpé pour prendre une forme carrée, voire qu'une telle forme découpée ne pourrait être que de 4 pieds sur 4 alors que les dimensions habituelles du contreplaqué de bouleau de forme carrée seraient de 5 pieds sur 5.

143 Au contraire, ainsi que le soulèvent les intervenantes, il ressort d'une brochure commerciale de la requérante relative au contreplaqué de bouleau qu'elle produit, figurant à l'annexe I.2 du mémoire en intervention, que les contreplaqués de forme carrée et de forme rectangulaire peuvent avoir différentes dimensions standards, de sorte qu'un contreplaqué de forme rectangulaire de 4 pieds sur 8 ou de 5 pieds sur 10 peut être transformé en contreplaqué de forme carrée de 4 pieds sur 4 (1 200 millimètres sur 1 200 millimètres) ou de 5 pieds sur 5 (1 525 millimètres sur 1 525 millimètres), voire de 4,8 pieds sur 4,8 pieds (1 475 millimètres sur 1 475 millimètres).

144 En outre, dans la réfutation des commentaires des parties intéressées sur le règlement provisoire, datée du 7 juillet 2021, figurant à l'annexe I.3 du mémoire en intervention, le Woodstock Consortium a indiqué que le contreplaqué de bouleau n'était, dans la plupart des cas, pas utilisé dans son format original et que les consommateurs pouvaient effectuer des coupes à partir de tout type de format d'origine selon les besoins du produit final. Il a ajouté que cela valait en particulier pour le contreplaqué de forme carrée qui était découpé en panneaux rectangulaires de plus petites tailles et que les utilisateurs finaux pouvaient effectuer des coupes à partir de contreplaqué de forme carrée ou de contreplaqué de forme rectangulaire, ce qui permettait un certain degré d'interchangeabilité et de substituabilité. Selon le Woodstock Consortium, les producteurs de parquet et d'emballage de l'Union s'approvisionnaient pour leur production à la fois en contreplaqué de forme carrée et de forme rectangulaire, utilisés de manière interchangeable pour produire le revêtement de plancher ou l'emballage industriel. Il en allait de même pour les bobines de contreplaqué utilisées pour les câbles, où les brides découpées dans du contreplaqué avaient un format rond et non carré. Il existait en outre une technologie permettant aux entreprises de procéder à un assemblage en biseau de plusieurs panneaux individuels de forme carrée pour obtenir un panneau de forme rectangulaire répondant aux besoins particuliers d'un client.

145 Si la requérante soutient qu'elle a demandé que le produit visé par l'exclusion soit composé de « feuilles carrées d'une longueur de 1 525 millimètres et d'une largeur de 1 525 millimètres », il ne ressort pas du règlement de base que la Commission soit obligée d'enquêter sur les produits qui correspondent aux critères que la requérante aurait retenus.

146 Il ressort par ailleurs du point 125 de la requête ainsi que des observations provisoires de la requérante sur le préjudice, figurant à l'annexe A.18 de la requête, que la requérante a admis que le contreplaqué de bouleau en provenance de Russie était « principalement » un produit semi-fini faisant l'objet d'une transformation ultérieure dans l'Union, dont une découpe, et que seule « une partie » du contreplaqué de forme carrée produit en Russie ne pouvait avoir qu'une épaisseur de 27 millimètres.

147 Le Tribunal constate également que la requérante n'a pas démontré que le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire seraient destinés à des utilisations différentes. En effet, elle se contente à cet effet de renvoyer à ses propres observations provisoires sur le préjudice, figurant à l'annexe A.18 de la requête, à la demande d'exclusion du produit formulée par le groupe Sveza, figurant à l'annexe A.19 de la requête, et à la réponse du groupe Sveza aux observations sur la demande d'exclusion du produit, figurant à l'annexe A.20 de la requête. Quant au renvoi à la plainte déposée par le Woodstock Consortium, figurant à l'annexe A.21 de la requête, s'il y est indiqué que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire est caractérisé par des utilisations plus complexes, il n'en ressort pas que les deux types de contreplaqués ne puissent jamais faire l'objet d'une utilisation similaire ou d'une interchangeabilité dans les mêmes secteurs.

148 La requérante indique, en revanche, dans la réplique, que la « pratique habituelle » dans le secteur de l'emballage consiste à utiliser du contreplaqué de forme carrée, tandis que les secteurs de l'ameublement et de l'aménagement intérieur utilisent « généralement » soit du contreplaqué de forme carrée, soit du contreplaqué de forme rectangulaire. Elle renvoie également aux réponses de Sveza-Les LLC aux observations sur la demande d'exclusion du produit, figurant à l'annexe A.20 de la requête, desquelles il ressort que les producteurs exportateurs russes du groupe Sveza vendent tant du contreplaqué de forme rectangulaire que du contreplaqué de forme carrée dans les secteurs du transport et de la construction, de l'emballement et de l'ameublement, bien qu'en quantités différentes. Une telle argumentation implique qu'elle reconnaît un certain degré d'interchangeabilité entre ces contreplaqués.

149 Le Tribunal constate par ailleurs que rien dans le règlement de base n'impose que les fonctionnalités techniques soient les mêmes pour tous les produits relevant de la définition du produit concerné. S'il en était ainsi, tous les produits relevant de cette définition devraient être pratiquement identiques, ce que le règlement de base n'impose pas (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 127).

150 Quant à l'argument tiré de prix différents, même à considérer que le contreplaqué de bouleau de forme carrée soit moins cher que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire, il ne permet pas de conclure à l'absence d'interchangeabilité de ces contreplaqués, le choix de l'un ou de l'autre étant susceptible de dépendre d'autres critères que du prix.

151 Ainsi, même si la Commission a reconnu qu'il existait des utilisations où, pour des raisons techniques, le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire, de plus grande taille, serait préféré au contreplaqué de bouleau de forme carrée, une telle constatation n'empêche pas de conclure à l'existence d'une certaine interchangeabilité de ces types de contreplaqués dans d'autres circonstances, notamment par une découpe pour atteindre une forme souhaitée.

152 Enfin, s'agissant de l'argument de la requérante selon lequel les contreplaqués de pin, de peuplier, d'okoumé et de hêtre ont été exclus de l'enquête et qu'une différence au niveau de l'essence du bois utilisée constituerait une différence de composition au même titre qu'une différence au niveau de la colle utilisée, il doit être rejeté, la requérante n'ayant pas apporté d'éléments de preuve suffisants de nature à établir que le choix d'une essence de bois à partir de laquelle le contreplaqué est produit, en tant que principale matière première, serait aussi déterminant que le choix d'une colle liant les feuilles de bois.

153 Il y a donc lieu de conclure que la requérante est restée en défaut de démontrer que la Commission a commis une appréciation erronée dans son examen sur la matérialité des faits ou des erreurs manifestes d'appréciation des faits au regard des facteurs qu'elle a jugé pertinents aux fins de définir le produit concerné.

154 En second lieu, s'agissant de la question de savoir si l'application d'autres critères plus pertinents que ceux retenus par les institutions aurait conduit à l'exclusion d'un type de produits de la définition concernée, il a été jugé que l'application de ces autres critères ne saurait remettre en cause les conclusions tirées par les institutions au regard des critères retenus que si la requérante démontre au préalable que ces autres critères sont manifestement plus pertinents (arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 130).

155 À cet égard, le Tribunal considère que l'argumentation de la requérante selon laquelle il n'existerait pratiquement pas de production de contreplaqué de bouleau de forme carrée par l'industrie de l'Union doit être écartée. En effet, sans même qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de cette affirmation, l'absence éventuelle de production dans l'Union d'un tel contreplaqué n'est pas déterminante. En effet, la question déterminante est celle de savoir si ce type de contreplaqué est, en raison de ses caractéristiques et, partant, de la perception qu'en a le consommateur, en concurrence avec des produits issus de la production de l'Union (voir, par analogie, arrêt du 18 novembre 2014, Photo USA Electronic Graphic/Conseil, T‑394/13, non publié, EU:T:2014:964, point 37).

156 Or, il ressort des points 139 à 152 ci-dessus que le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire peuvent être interchangeables. Ainsi, ils sont en concurrence à un certain degré.

157 En tout état de cause, force est de constater qu'il ressort du dossier qu'il existe une production de contreplaqué de bouleau de forme carrée dans l'Union, la requérante ayant procédé à une comparaison des prix et du pourcentage des ventes du contreplaqué de bouleau de forme carrée produit par l'industrie de l'Union.

158 Ainsi, il ressort des documents figurant aux annexes A.22 et A.23 de la requête que la requérante a relevé que la production comparable de contreplaqué de bouleau de forme carrée par l'industrie de l'Union était de « [247,06] m3, i.e. [0,24 %] » du total des ventes comparables de l'industrie de l'Union et que le prix moyen du contreplaqué de bouleau de forme carrée vendue par l'industrie de l'Union était de 369 euros. Elle a également relevé, au point 93 de la requête, en renvoyant à l'annexe A.22 de la requête, que le contreplaqué de forme carrée produit par la requérante était 27 % moins cher que le contreplaqué de forme rectangulaire et que, pour des ventes comparables par les producteurs de l'Union, le contreplaqué de forme carrée était 18 % moins cher, ce qui tendait donc à démontrer qu'elle reconnaissait l'existence de producteurs de l'Union de contreplaqué de bouleau de forme carrée.

159 Dès lors, les arguments de la requérante tendant à démontrer que d'autres critères pertinents auraient conduit à exclure le contreplaqué de bouleau de forme carrée de la définition du produit concerné doivent être rejetés.

160 Les griefs de la requérante portant sur des erreurs manifestes d'appréciation des faits dans la définition du produit concerné doivent donc être rejetés comme étant non fondés.

Sur la segmentation du marché dans le cadre de l'analyse du préjudice et du lien de causalité

161 Selon l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base, l'examen de l'existence d'un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d'une part, du volume des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union et, d'autre part, de l'incidence de ces importations sur l'industrie de l'Union. Ladite disposition précise ainsi l'administration de la preuve et l'examen qui incombent à la Commission, en tant qu'autorité investigatrice, afin d'établir l'existence d'un préjudice pour pouvoir instituer des droits antidumping (arrêt du 21 septembre 2023, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, C‑478/21 P, EU:C:2023:685, point 117).

162 L'article 3, paragraphe 6, du règlement de base stipule, quant à lui, qu'il doit être démontré à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice au sens dudit règlement.

163 Selon la jurisprudence, même si ces deux déterminations diffèrent dans leur finalité, les éléments de preuve de l'existence d'un préjudice, y compris ceux relatifs à l'effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union, sont pris en compte dans le cadre de l'analyse menée par la Commission concernant le lien de causalité, visé à l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base. Ainsi, il existe un rapport entre la détermination de la sous-cotation des prix et, d'une façon plus générale, de l'effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l'Union, au titre de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et l'établissement d'un lien de causalité, au titre de l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2023, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission, T‑500/17 RENV, non publié, EU:T:2023:171, point 44 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 14 décembre 2022, PT Wilmar Bioenergi Indonesia e.a./Commission, T‑111/20, EU:T:2022:809, point 266 et jurisprudence citée).

164 En outre, selon la Cour, il ressort des termes mêmes de l'article 3, paragraphe 3, du règlement de base que la méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l'article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, même si celui-ci peut être composé de différents types de produit relevant de plusieurs segments de marché (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 74 et jurisprudence citée).

165 Partant, le règlement de base n'impose, en principe, pas d'obligation à la Commission d'effectuer une analyse de l'existence de la sous-cotation des prix à un niveau autre que celui du produit similaire (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 75).

166 Toutefois, dès lors que, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission est tenue de procéder à un « examen objectif » de l'effet des importations faisant l'objet d'un dumping sur les prix des produits similaires de l'industrie de l'Union, elle est obligée de tenir compte dans son analyse de la sous-cotation des prix de tous les éléments de preuve positifs pertinents, y compris, le cas échéant, ceux relatifs aux différents segments de marché du produit considéré (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 77).

167 Ainsi, afin d'assurer l'objectivité de l'analyse de la sous-cotation des prix, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue, malgré son large pouvoir d'appréciation, de procéder à une telle analyse au niveau des segments du marché du produit en cause. Il peut en aller ainsi dans une situation marquée par l'existence d'une segmentation caractérisée du marché du produit en cause et par le fait que les importations faisant l'objet de l'enquête antidumping étaient très majoritairement concentrées dans l'un des segments du marché du produit en cause, sous réserve, toutefois, que le produit similaire dans son ensemble soit dûment pris en compte. Il peut également en aller ainsi dans une situation particulière caractérisée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l'objet d'un dumping sur des segments distincts ainsi que par des différences de prix tout à fait notables entre ces segments. En effet, dans ces circonstances, la Commission peut être tenue de prendre en considération les parts de marché de chaque type de produit et ces différences de prix afin de garantir l'objectivité de l'analyse relative à l'existence de la sous-cotation des prix (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 78 à 81, 110 et 111).

168 En revanche, une telle analyse par segment n'est pas requise lorsque les produits sont suffisamment interchangeables. Ce n'est que dans l'hypothèse où les résultats se révéleraient biaisés, pour une raison ou une autre, qu'une analyse segmentée se justifierait en présence de produits pourtant interchangeables. Dans un tel cas, il appartient à la partie intéressée d'apporter des éléments concrets permettant d'étayer son affirmation selon laquelle différents produits ne sont pas suffisamment interchangeables ou selon laquelle l'absence d'une analyse segmentée en présence de produits suffisamment interchangeables aboutirait, en l'espèce, à des résultats biaisés (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, EU:T:2021:278, points 378 et 379).

169 En outre, il a déjà été jugé que l'appartenance de produits à des gammes différentes ne suffit pas pour établir, en soi, leur absence d'interchangeabilité et donc l'opportunité d'effectuer une analyse par segment, dès lors que des produits appartenant à des gammes distinctes peuvent avoir des fonctions identiques ou répondre aux mêmes besoins (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1992, Sanyo Electric/Conseil, C‑177/87, EU:C:1992:111, point 12).

170 En l'espèce, il ressort des considérants 164 à 166 et 193 à 199 du règlement attaqué que la Commission a rejeté les allégations fondées sur l'existence de segments de marché différents entre le contreplaqué de bouleau produit par l'industrie russe et le contreplaqué de bouleau produit par l'industrie de l'Union, en raison du fait qu'elle aurait comparé des milliers de types différents de produits en contreplaqué, constaté un niveau significatif de correspondance (plus de 68 %) entre les ventes de l'Union et les produits importés russes et que l'enquête aurait établi que ces produits partageaient les mêmes caractéristiques physiques et techniques essentielles et que l'industrie de l'Union et les producteurs-exportateurs étaient en concurrence dans les mêmes secteurs et pour les mêmes utilisateurs finaux.

171 Or, ainsi qu'il ressort du point 156 ci-dessus, le contreplaqué de bouleau de forme carrée et le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire peuvent être interchangeables et en concurrence l'un avec l'autre à un certain degré.

172 En outre, dans un document renseignant des calculs basés sur les informations relatives à la sous-cotation des prix et à la sous-cotation des prix indicatifs fournies dans les conclusions finales, figurant à l'annexe A.22 de la requête, la requérante indique que ses ventes de contreplaqué de forme carrée représentent 6 % de ses ventes totales sur le marché de l'Union. Comme le souligne la Commission, il en ressort donc que le contreplaqué de forme rectangulaire représente 94 % de ses ventes, ce que la requérante ne conteste pas.

173 C'est donc à tort que la requérante soutient que ses importations se concentreraient sur le contreplaqué de forme carrée. Il en va de même de l'affirmation selon laquelle les importations en provenance de Russie seraient concentrées sur un segment du marché différent.

174 Ainsi, dans la plainte déposée par le Woodstock Consortium, figurant à l'annexe A.21 de la requête, il est indiqué que le contreplaqué de bouleau exporté de Russie vers l'Union consiste principalement en des feuilles rectangulaires. Certes, le Woodstock Consortium a indiqué que ces feuilles étaient caractérisées par des utilisations plus sophistiquées et par des prix moyens plus élevés. Toutefois, il a également fait valoir que les importations en provenance de Russie étaient concentrées sur les qualités et les tailles les plus standards qui étaient considérées comme des produits de base parmi le contreplaqué de bouleau. Il a ajouté que, sur un marché de matière première, tous les produits étant interchangeables, le prix le plus bas disponible sur le marché devenait la référence en matière de fixation des prix, ce qui donnait aux producteurs-exportateurs russes une position de pouvoir sur le marché. Il n'en ressort donc pas qu'une segmentation entre le marché du contreplaqué de forme carrée et le marché du contreplaqué de forme rectangulaire serait largement admise.

175 Quant à l'argument de la requérante selon lequel la Birch Plywood Alliance aurait expliqué que l'industrie de l'Union n'avait pas les capacités suffisantes pour répondre à la demande dans l'Union, même à considérer que tel soit le cas, il ne permet pas en soi de conclure à une segmentation entre le marché de contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire et le marché du contreplaqué de bouleau de forme carrée, voire entre le contreplaqué de bouleau produit dans l'Union et le contreplaqué de bouleau produit par la requérante.

176 La requérante fait également valoir que 19 % des ventes qu'elle réalise ne peuvent pas être comparées aux ventes de producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon, que les ventes réalisées par ces derniers qui peuvent être comparées à ses ventes ne représentent que 40 % de ses ventes et que plus de 55 % des ventes de producteurs de l'Union ne sont pas en concurrence avec le contreplaqué russe.

177 Cependant, d'une part, le règlement de base ne prévoit pas que la Commission est tenue, en toute circonstance, de prendre en compte l'intégralité des produits vendus par l'industrie de l'Union.

178 D'autre part, force est de constater qu'il ressort de l'annexe A.22 de la requête que la requérante a obtenu ces pourcentages en procédant à la comparaison de ses seules importations à la production de l'Union. Or, la requérante n'est pas le seul producteur-exportateur de contreplaqué de bouleau originaire de Russie dont la Commission a tenu compte dans l'échantillon, les sociétés faisant partie du groupe Sveza et Syktyvkar Plywood Mill Ltd ayant également été retenues.

179 En outre, si 19 % des ventes de la requérante ne sont pas comparables aux ventes des producteurs de l'Union, cela signifie que 81 % le sont. À cela s'ajoute le fait que les ventes réalisées par les producteurs de l'Union qui peuvent être comparées aux ventes de la requérante représentent 40 % de ses ventes. Il s'agit donc d'un nombre relativement élevé de correspondances pour un seul producteur-exportateur.

180 La requérante n'explique également pas comment elle parvient à la conclusion que plus de 55 % des ventes des producteurs de l'Union inclus dans l'échantillon ne seraient pas en concurrence avec le contreplaqué russe, mais correspondraient à des produits plus haut de gamme et plus chers. Cet argument n'étant pas circonstancié, il n'est pas non plus de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission portant sur le niveau significatif de correspondance de plus de 68 % entre les ventes de l'Union et les produits importés russes.

181 La requérante déduit par ailleurs à tort de l'absence éventuelle de correspondance pour les 32 % restants des ventes de producteurs de l'Union retenus dans l'échantillon que celles-ci n'auraient pas été affectées par les importations en cause. En effet, dès lors que le produit concerné comprend différents types de produits qui sont interchangeables et que, corrélativement, il n'existe pas de segmentation caractérisée du marché du produit en cause, ces importations ont vraisemblablement eu également un effet sur les prix des produits des producteurs de l'Union retenus dans l'échantillon n'ayant pas pu être comparés. Les arguments de la requérante ne suffisent donc pas à remettre en cause l'objectivité de l'appréciation selon laquelle les importations en cause ont dû affecter le prix des produits des producteurs de l'Union puisque ces produits sont interchangeables.

182 Partant, les arguments de la requérante ne permettent pas de démontrer que la Commission aurait commis des erreurs de droit ou des erreurs manifestes d'appréciation des faits en ne procédant pas à une segmentation du marché dans le cadre de l'analyse du préjudice et du lien de causalité, de sorte que ses griefs à cet égard doivent être rejetés comme étant non fondés.

Sur la violation de l'obligation de motivation

183 Ainsi que rappelé aux points 112 et 113 ci-dessus, la motivation exigée par l'article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, et il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents.

184 En l'espèce, le Tribunal considère que le règlement attaqué, lu à la lumière du règlement provisoire, contient une motivation suffisante de la décision de la Commission de ne pas exclure le contreplaqué de forme carrée de la définition du produit concerné et de ne pas tenir compte d'une segmentation du marché à cet égard.

185 En effet, aux considérants 27 à 30 du règlement attaqué, qui renvoient également aux considérants 32, 33 et 37 du règlement provisoire, la Commission a répondu aux arguments portant sur l'exclusion du contreplaqué de bouleau de forme carrée de la définition du produit concerné en raison du fait qu'il présentait les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles que le contreplaqué de bouleau de forme rectangulaire, ainsi qu'un degré d'interchangeabilité et de substituabilité, de sorte qu'il exerçait une pression concurrentielle sur ce dernier.

186 Quant au rejet de l'allégation portant sur une segmentation entre le marché du contreplaqué de forme carrée et le marché du contreplaqué de forme rectangulaire, il ressort de la lecture des considérants 164 à 165 et 193 à 199 du règlement attaqué, qui renvoient également aux considérants 162 et 163 du règlement provisoire, que la Commission s'est fondée sur le fait que ces produits partageaient les mêmes caractéristiques physiques, chimiques et techniques essentielles, qu'ils présentaient un degré important d'interchangeabilité, qu'ils étaient en concurrence dans les mêmes secteurs et pour les mêmes utilisateurs finaux, et qu'ils avaient un niveau significatif de correspondance.

187 Par conséquent, la motivation du règlement attaqué répond aux conditions posées par l'article 296 TFUE et le grief de la requérante à cet égard doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur la violation du principe de bonne administration

188 Dans le cadre des enquêtes antidumping, il appartient aux institutions de veiller au respect du principe de bonne administration consacré par l'article 41, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en vertu duquel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. Cet article de la charte des droits fondamentaux régit la procédure administrative devant la Commission et le Conseil de l'Union européenne en matière de défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 45 et jurisprudence citée].

189 En l'espèce, il ressort de l'analyse ci-dessus que la Commission a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce et les principaux arguments soulevés par la requérante et y a répondu aux fins de confirmer l'inclusion du contreplaqué de bouleau de forme carrée dans la définition du produit concerné et le refus de reconnaître deux segments de marché.

190 Dans ces circonstances, il convient de conclure que tous les éléments pertinents dans le cas d'espèce ont été examinés et que la Commission n'a pas méconnu le principe de bonne administration à cet égard.

191 Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son intégralité ainsi que la première branche du sixième moyen comme étant non fondés.

Sur le cinquième moyen, tiré d'erreurs de droit, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation du principe de bonne administration dans l'utilisation de données d'Eurostat

192 La requérante allègue une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et du droit à une bonne administration ainsi que l'existence d'erreurs manifestes d'appréciation, en ce que la Commission aurait déterminé les volumes et les prix des importations du produit concerné sur la base de données d'Eurostat non fiables.

193 S'agissant des volumes des importations, la requérante fait valoir que l'utilisation d'un ratio de 79 %, aux fins de distinguer le pourcentage des importations du produit concerné parmi les importations de contreplaqué en provenance de Russie tombant sous le code de nomenclature combinée (code NC) 44123300, ne reflète pas la situation prévalant sur l'ensemble de la période d'enquête et ne permet pas d'identifier précisément l'évolution et les volumes des importations dudit produit. Ainsi, le code NC comprendrait des produits autres que le produit concerné et le ratio serait artificiellement gonflé, car fondé sur une période de six mois postérieure à la période d'enquête, qui aurait été marquée par des conditions de marché particulières, la part du produit concerné dans le code NC ayant augmenté en raison d'une pénurie d'autres types de contreplaqué. Les tendances relatives aux volumes fondées sur les données d'Eurostat différeraient par ailleurs des tendances telles qu'elles émanent des réponses de la requérante au questionnaire de la Commission.

194 En outre, le rapport de densité de 0,69 kilogramme par mètre cube de contreplaqué, ayant servi à convertir en mètres cubes les données d'Eurostat exprimées en tonnes, auquel il est fait référence dans le règlement attaqué, serait inadéquat et devrait être de 0,26. La requérante aurait ainsi fourni, au cours de l'enquête, des statistiques d'exportations russes pour le produit concerné qui refléteraient la densité exacte du contreplaqué.

195 S'agissant des prix des importations, la requérante soutient que ses réponses au questionnaire relatives à l'évolution des prix à l'exportation du produit concerné auraient démontré que les prix avaient augmenté au cours de la période d'enquête, alors que le règlement attaqué, se fondant sur les données d'Eurostat, indique une baisse de 10 %. Elle ajoute que les données d'Eurostat sur les prix sont déconnectées de la réalité, car elles renseignent une augmentation à partir de décembre 2020 jusqu'à mai 2021, pour ensuite baisser drastiquement en juin 2021 et atteindre les 385 euros par tonne, alors qu'il est constant que les prix ont atteint des niveaux sans précédent en juin 2021.

196 La Commission fait valoir que la violation alléguée de l'article 3, paragraphe 3, du règlement de base est manifestement irrecevable. Du reste, la Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments de la requérante.

197 Selon la jurisprudence, la Commission jouit d'une large marge d'appréciation dans l'analyse des données, y compris celles fournies par Eurostat (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, Schroeder/Conseil et Commission, T‑205/14, EU:T:2015:673, point 41).

198 Par ailleurs, les institutions ne commettent pas d'erreur manifeste d'appréciation des faits quand elles se fondent sur les données dont elles peuvent raisonnablement disposer (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 1991, Gimelec e.a./Commission, C‑315/90, EU:C:1991:447, points 13 et 14, et du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, points 229 et 230).

199 Il appartient, par conséquent, à la requérante, si elle entend contester la fiabilité des données utilisées par la Commission à propos du volume et des prix des importations faisant l'objet d'un dumping, d'étayer ses affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d'une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution. Dès lors, une partie requérante, si elle veut obtenir gain de cause, ne peut pas se limiter à contester les données et les chiffres utilisés par la Commission ou produire des chiffres alternatifs, par exemple des chiffres obtenus sur la base de données émanant des autorités douanières dont proviennent les importations litigieuses, mais doit produire des éléments susceptibles de mettre en cause celles fournies par la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 357 (non publié)].

200 En l'espèce, s'agissant des volumes des importations, le Tribunal considère que la Commission a fait un usage raisonnable et prudent des données d'Eurostat relatives aux importations de produits relevant du code NC 4412330. Ainsi qu'il ressort du considérant 86 du règlement provisoire et du considérant 127 du règlement attaqué, la Commission avait pleinement conscience du fait que ce code incluait également d'autres produits que le produit concerné. Elle a donc estimé la proportion des importations de celui-ci à l'intérieur dudit code. Pour ce faire, elle a, lors de l'ouverture de la procédure, créé un code TARIC spécial pour lequel seules les importations du produit concerné étaient enregistrées.

201 La Commission a alors établi le pourcentage du produit concerné dans le code NC à partir des données du premier mois complet faisant suite à la création du code TARIC spécial, soit le mois de novembre 2020. Dans le règlement provisoire, le ratio entre les volumes d'importations du code NC complet et les importations du produit concerné ressortant des données TARIC, correspondant à 78 %, a été établi sur la base des données de trois mois postérieurs à la période d'enquête, soit de novembre 2020 à janvier 2021. Ce ratio a ensuite été revu à 79 % dans le règlement attaqué sur la base des données de six mois postérieurs à la période d'enquête, soit de novembre 2020 à avril 2021.

202 Il ressort également des considérants 128 à 130 du règlement attaqué que la Commission a également tenu compte d'un problème de comptabilité dans le cadre de la comparaison de données exprimées en tonnes avec des données exprimées en mètres cubes, les résultats ne correspondant pas au rapport normal de densité moyenne du produit concerné. Elle a constaté que les données exprimées en mètres cubes fluctuaient, alors que les données exprimées en poids conservaient une valeur constante. La Commission a donc procédé à une conversion des données exprimées en tonnes, jugées plus fiables et stables, en mètres cubes et a utilisé un rapport de densité de 0,69 kilogramme par mètre cube pour ce faire.

203 Sur la base de cette méthode, la Commission indique, aux considérants 133 et 135 du règlement attaqué, avoir établi le volume des importations du produit concerné ainsi que leur évolution.

204 Or, une enquête antidumping est en réalité un processus continu, au cours duquel de nombreuses conclusions sont constamment révisées. Dès lors, il ne peut pas être exclu que les conclusions finales des institutions de l'Union diffèrent des conclusions établies à un certain moment de l'enquête. En outre, les données provisoires peuvent, par définition, être modifiées au cours de l'enquête. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la légère augmentation du ratio des importations en provenance de Russie, passant de 78 à 79 %, serait, d'une quelconque manière, l'illustration du manque de fiabilité des données en cause. Enfin, il importe de souligner que le préjudice doit être établi par rapport au moment de l'adoption d'un éventuel acte instituant des mesures de défense (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 1989, Epichirisseon Metalleftikon, Viomichanikon kai Naftiliakon e.a./Conseil, C‑121/86, EU:C:1989:596, points 34 et 35).

205 L'utilisation du rapport de densité de 0,69 kilogramme par mètre cube, utilisé par la Commission pour convertir en mètres cubes les données d'Eurostat exprimées en tonnes, a par ailleurs été suggérée par la requérante elle-même au cours de l'enquête.

206 En effet, dans ses observations provisoires sur le préjudice du 28 juin 2021, figurant à l'annexe A.18 de la requête, et ses observations définitives sur le préjudice du 10 septembre 2021, figurant à l'annexe A.23 de la requête, la requérante a fait valoir que les volumes d'importation obtenus par la Commission ne reflétaient pas la densité typique du contreplaqué de bouleau, qui est d'environ 0,69 kilogramme par mètre cube. Elle indique alors avoir demandé à la Commission, à tout le moins, de renoncer aux chiffres en mètres cubes d'Eurostat et de convertir les chiffres exprimés en tonnes en appliquant un ratio de densité de 0,69, tout en exprimant sa préférence à cet égard pour une utilisation des statistiques d'exportations russes pour le contreplaqué de bouleau.

207 Il ressort donc clairement de ces documents que la requérante a demandé à ce que la Commission renonce aux chiffres en mètres cubes et les convertisse en tonnes en appliquant le rapport de densité typique du contreplaqué de bouleau de 0,69 et qu'elle a reconnu que cette conversion avait, à tout le moins, résolu le problème affectant la densité.

208 La requérante a en outre admis que, même en cas d'utilisation des statistiques russes sur les exportations, il conviendrait d'ajuster le montant des volumes à la baisse en ayant recours aux données TARIC. Ainsi, dans ses observations provisoires sur le préjudice du 28 juin 2021, figurant à l'annexe A.18 de la requête, la requérante a suggéré à la Commission, en cas d'utilisation des statistiques russes sur les exportations comme base pour évaluer le volume des importations du produit concerné, d'ajuster ces statistiques à la baisse en utilisant les données TARIC.

209 La requérante a donc reconnu que les statistiques russes, tout comme le code NC, incluaient des produits autres que le produit concerné et qu'il n'existait aucun outil similaire au code TARIC en Russie pour déterminer la part des exportations du produit concerné contenue. Ses arguments ne permettent donc pas de considérer que les statistiques russes seraient plus fiables que les données d'Eurostat.

210 Les arguments de la requérante tirés de ce que le ratio calculé par la Commission ne refléterait pas la situation prévalant sur l'ensemble de la période considérée ou de la période d'enquête, en raison de conditions de marché particulières, ou de ce que l'évolution des volumes des importations fondées sur les données d'Eurostat ne serait pas reflétée par ses données ne sont par ailleurs pas étayés par des éléments de preuve suffisants.

211 En effet, si la requérante renvoie aux explications supplémentaires de la Commission du 21 juin 2021 concernant la détermination des chiffres d'importations, figurant à l'annexe A.26 de la requête, desquelles il ressortirait que, d'un mois à l'autre, des variations pouvaient survenir (71 % en décembre 2020 et 79 % en janvier 2021), il en ressort également que le ratio de 78 % repris par la Commission dans le règlement provisoire y a été établi en calculant la moyenne des données combinées de trois mois postérieurs à la période d'enquête, à savoir de novembre 2020 à janvier 2021. Force est de relever que ce ratio est proche du ratio de 79 % repris dans le règlement attaqué.

212 La requérante renvoie également aux réponses du Woodstock Consortium au questionnaire de suspension, figurant à l'annexe B.2 du mémoire en défense, desquelles il ressort que les changements survenus dans les conditions du marché entre la période d'enquête et la période d'analyse et l'augmentation de la demande du contreplaqué de bouleau dans l'Union en 2021 étaient causés, entre autres, par une pénurie d'autres types de contreplaqué et une demande croissante des États-Unis.

213 Toutefois, à la lecture de ces informations, il n'est pas possible de conclure dans quelle mesure l'augmentation alléguée de la demande de contreplaqué de bouleau se serait traduite par une augmentation des importations du produit concerné originaire de Russie vers l'Union, ni la part d'une telle augmentation.

214 Dans ses réponses au questionnaire de suspension, figurant à l'annexe B.2 du mémoire en en défense, le Woodstock Consortium a également indiqué que, dans l'ensemble, durant les six premiers mois de l'année 2021, les importations en provenance de Russie avaient augmenté de 13 % par rapport à la même période en 2020 ainsi que de 13 % entre le premier semestre 2021 et la même période au cours de l'année prépandémique de 2019.

215 Cependant, cette information s'inscrivait dans le cadre d'une réflexion plus générale visant à relever que les exportateurs russes étaient capables de générer des exportations massives en direction de l'Union en très peu de temps et que les usines russes et leurs clients dans l'Union n'étaient pas dissuadés par les mesures antidumping. En outre, ainsi que le relève la Commission, ces observations portaient sur des données au niveau de la NC antérieures à l'ouverture de l'enquête et à la création du code TARIC et qui couvraient donc d'autres produits que le produit concerné sans qu'il soit possible de déterminer si la part du produit concerné dans le volume couvert par le code NC avait réellement augmenté ou diminué.

216 Enfin, la requérante renvoie à ses propres réponses au questionnaire de la Commission, établissant que les volumes de ses importations ont baissé de 7 % entre 2017 et la période d'enquête, aux fins de contester les chiffres repris dans le tableau no 2 du règlement attaqué, qui renseignent une augmentation de 14 % des importations du produit concerné en provenance de Russie.

217 Or, conformément à la jurisprudence citée au point 199 ci-dessus, la requérante ne peut se limiter à produire des chiffres alternatifs, obtenus sur la base de ses propres données exclusivement, pour contester les données et les chiffres utilisés par la Commission.

218 Partant, la requérante n'a pas étayé à suffisance de droit ses affirmations par des éléments de nature à jeter un doute, d'une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par la Commission pour établir le volume des importations du produit concerné.

219 S'agissant des prix des importations, il ressort des considérants 136 à 141 du règlement attaqué que la Commission les a déterminés à partir des statistiques d'Eurostat exprimées en euros par tonne, au niveau de la NC. Bien que les importations du produit concerné aient été enregistrées avec un panier plus large de produits, selon la Commission, cette méthode garantissait une estimation fiable des prix et de leur évolution et permettait de comparer l'évolution des prix entre différents pays exportateurs. Elle a ajouté que la méthode utilisée aurait confirmé que les prix obtenus à partir des statistiques d'Eurostat, qui ont diminué de 10 % au cours de la période d'enquête, en passant de 646 euros par tonne en 2017 à 584 euros par tonne au cours de la période d'enquête, ont suivi la même tendance que les prix à l'exportation moyens pondérés des producteurs-exportateurs russes retenus dans l'échantillon, avec un prix de 434 euros par mètre cube au cours de la période d'enquête.

220 La requérante conteste la tendance que l'évolution des prix aurait suivie et renvoie à cet égard à ses observations définitives sur le préjudice, figurant à l'annexe A.23 de la requête, ainsi qu'à ses réponses au questionnaire de la Commission, figurant à l'annexe C.2 de la réplique.

221 Or, d'une part, force est de constater que les données chiffrées auxquelles la requérante renvoie dans ses observations définitives sur le préjudice, pour alléguer une déconnexion des données d'Eurostat avec la réalité, relèvent d'une période postérieure à la période d'enquête, allant de juillet 2020-février 2021 à juin 2021. La requérante n'explique pas en quoi cette augmentation des prix postérieure à la période d'enquête mettrait en cause la fiabilité des données d'Eurostat sur les prix pendant ladite période.

222 En outre, le montant de 385 euros par tonne auquel la requérante fait référence pour alléguer que la baisse de prix renseignée par Eurostat était erronée ne correspond pas au chiffre après les mises à jour mensuelles auquel Eurostat est soumis. En effet, le mode d'emploi sur les statistiques européennes sur le commerce international de biens indique, en substance, que les données telles que publiées par Eurostat sont susceptibles de faire l'objet de révisions ultérieures. À cet égard, la Commission produit les données de juin 2021, extraites en juillet 2022, qui font état d'un prix moyen de 784,35 euros par tonne et donc d'une augmentation par rapport à la période d'enquête.

223 D'autre part, la requérante s'appuie sur ses réponses au questionnaire de la Commission pour contester la tendance d'une baisse des prix à l'importation entre 2017 et la période d'enquête, telle qu'elle ressort du tableau no 3 du règlement attaqué, ses propres importations ayant suivi une augmentation de 17 %.

224 Néanmoins, il ne s'agit là que de l'évolution des prix à l'exportation de la requérante, qui représente environ 12 % de l'ensemble des importations du produit concerné dans l'Union. Or, aux fins de l'analyse de l'évolution des prix des importations du produit concerné, la Commission a tenu compte de la tendance telle qu'elle ressortait des données Eurostat, qui se fondent sur les prix de toutes les importations du produit concerné originaire de Russie, et l'a comparée avec la tendance qui ressortait des données des trois producteurs-exportateurs russes retenus dans l'échantillon, représentant environ 66 % de toutes les importations dudit produit dans l'Union. Les chiffres de la requérante, établis sur la base de ses propres données exclusivement, ne sont donc pas de nature à mettre en cause les données fournies par la Commission, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée au point 199 ci-dessus.

225 Partant, la requérante n'a pas produit d'éléments suffisants de nature à jeter un doute, d'une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par la Commission pour établir les prix des importations du produit concerné.

226 Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que la requérante reste en défaut de démontrer que, en tenant compte des données d'Eurostat, la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits ainsi qu'une violation de l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base ou de son droit à une bonne administration, à supposer même que les allégations de violation de l'article 3, paragraphe 3, dudit règlement et du droit à une bonne administration, qui se limitent à la seule affirmation de leur violation, satisfassent à l'exigence de l'article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal et, partant, soient recevables.

227 Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen dans son intégralité.

Sur la seconde branche du sixième moyen, tirée d'erreurs de droit, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une violation du droit à une bonne administration dans le cadre de l'analyse de l'existence d'autres facteurs de préjudice

228 La requérante allègue une violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base et du droit à une bonne administration ainsi que des erreurs manifestes d'appréciation, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l'incidence d'autres facteurs de préjudice lors de l'évaluation du lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice causé à l'industrie de l'Union.

229 En premier lieu, la requérante fait valoir que les augmentations du volume des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie entre 2017 et la période d'enquête ne sauraient être considérées comme marginales. Elles seraient plus élevées et moins chères que les augmentations des importations en provenance de Russie et auraient pu influencer la situation de l'industrie de l'Union. La décision de la Commission de ne pas les considérer dans l'évaluation du lien de causalité serait donc erronée.

230 La Commission se contredirait par ailleurs lorsqu'elle reconnaît une segmentation entre le marché du contreplaqué de bouleau en provenance de Biélorussie, mais estime qu'il n'en irait pas de même pour les marchés de contreplaqué de bouleau russe et de l'Union.

231 En second lieu, selon la requérante, la décision de suspension confirme que, pendant la période postérieure à la période d'enquête, allant de juillet 2020 à juin 2021, les fluctuations des prix des matières premières et les engagements contractuels à long terme qui lient les producteurs de l'Union à leurs clients ont affecté leur capacité à bénéficier de l'augmentation de la demande et à adapter leurs prix. Ces facteurs auraient donc affecté les producteurs de l'Union, non seulement pendant la période postérieure à la période d'enquête, mais également pendant cette dernière.

232 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste les arguments de la requérante.

233 L'article 3, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l'objet d'un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l'industrie de l'Union sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l'objet d'un dumping au sens du paragraphe 6 de cet article, lequel précise qu'il doit être démontré, à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés, que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice important à l'industrie de l'Union (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 33 et jurisprudence citée).

234 Lors de sa détermination, les institutions de l'Union ont l'obligation d'examiner si le préjudice qu'elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l'objet d'un dumping et d'écarter tout préjudice découlant d'autres facteurs et, notamment, celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l'Union (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 35 et jurisprudence citée).

235 Il appartient, à ce titre, aux institutions de l'Union de vérifier si les effets de ces autres facteurs n'ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d'une part, les importations en cause et, d'autre part, le préjudice subi par l'industrie de l'Union. Il leur appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n'entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice au sens de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base et que, par conséquent, le droit antidumping imposé n'excède pas ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l'objet d'un dumping (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 36 et jurisprudence citée).

236 Toutefois, si les institutions de l'Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par les importations faisant l'objet d'un dumping est important, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement de base, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l'industrie de l'Union peut en conséquence être établi (voir arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, point 37 et jurisprudence citée).

237 Enfin, il appartient aux parties invoquant l'illégalité d'un règlement tel que le règlement attaqué de présenter les éléments de preuve de nature à démontrer l'incidence des facteurs susceptibles d'avoir un effet sur le préjudice causé à l'industrie de l'Union. Ces parties doivent notamment démontrer que lesdits facteurs ont pu avoir une incidence d'une telle importance que l'existence d'un préjudice causé à l'industrie de l'Union et celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l'objet d'un dumping n'étaient plus fiables (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 28 et jurisprudence citée).

238 S'agissant, en premier lieu, des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie, il ressort des considérants 168 à 177 du règlement attaqué que la Commission en a tenu compte dans l'analyse du lien de causalité. Elle n'a donc pas refusé de les examiner, mais a conclu, aux considérants 173 et 176 du règlement attaqué, que leur incidence n'atténuait pas le lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice important subi par les producteurs de l'Union.

239 À cet égard, il ressort des données d'Eurostat reprises dans le tableau no 5, figurant au considérant 170 du règlement attaqué, que les volumes des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie ont, au cours de la période considérée, augmenté respectivement de 30 % (passant de 67 831 à 88 303 mètres cubes) et de 17 % (passant de 124 561 à 145 731 mètres cubes). En comparaison, le tableau no 2, figurant au considérant 134 du règlement attaqué, permet quant à lui de constater que le volume des importations en provenance de Russie a augmenté de 14 % (passant de 710 163 à 812 521 mètres cubes) pour cette même période.

240 Les augmentations de volume correspondent ainsi, pour l'Ukraine et la Biélorussie, à une augmentation de leur part de marché de 1 % (passant, respectivement, de 4 à 5 % et de 7 à 8 %), tandis que la part de marché des importations en provenance de Russie a augmenté de 6 % (passant de 40 à 46 %).

241 Dès lors, si le pourcentage d'augmentation des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie est plus élevé que celui des importations en provenance de Russie, il n'en reste pas moins que le volume de ces importations en soi et la part de marché qu'elles représentent sont beaucoup moins élevés que le volume des importations en provenance de Russie et la part de marché détenue par ces dernières.

242 Quant aux prix des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie, la requérante a repris les prix tels que figurant au tableau no 5 du règlement attaqué, mais les a augmentés, pour les importations en provenance de Russie et de Biélorussie, de 7 % afin de tenir compte des droits de douane. Elle n'en a pas fait de même avec les prix des importations en provenance d'Ukraine.

243 Or, ainsi qu'il ressort du tableau no 5 du règlement attaqué, une comparaison des prix sans les droits de douane permet de constater que le prix moyen des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie a diminué, respectivement, de 5 % (passant de 651 à 616 euros par tonne) et de 10 % (passant de 403 à 363 euros par tonne), au cours de la période considérée, alors que le prix moyen des importations en provenance de Russie a diminué de 11 % (passant de 646 à 584 euros par tonne), ainsi qu'il ressort du tableau no 3 du règlement attaqué. Contrairement à ce que soutient la requérante, le prix moyen des importations en provenance d'Ukraine est donc plus élevé que le prix moyen des importations en provenance de Russie.

244 Quant au prix moyen des importations en provenance de Biélorussie, s'il est moins élevé, la requérante ne conteste pas l'explication de la Commission figurant au considérant 172 du règlement attaqué, selon laquelle cette différence de prix serait due aux contraintes technologiques du pays, qui ne peut produire que du contreplaqué de bouleau de moins bonne qualité, alors que les importations en provenance de Russie concerneraient un plus large éventail de produits et du contreplaqué de bouleau de qualité supérieure. Elle se contente de soulever une contradiction avec le choix de la Commission d'inclure le contreplaqué de forme carrée dans la définition du produit concerné et de ne pas reconnaître une segmentation du marché. Or, ainsi qu'il ressort des points 160 et 182 ci-dessus, la requérante n'a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d'appréciation à cet égard.

245 Partant, la requérante est restée en défaut de démontrer l'incidence des importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie sur le préjudice causé à l'industrie de l'Union, au sens de la jurisprudence citée au point 237 ci-dessus. Ses griefs tirés d'erreurs manifestes d'appréciation des faits et d'une erreur de droit à cet égard doivent donc être rejetés.

246 S'agissant, en second lieu, des fluctuations des prix des matières premières et des engagements contractuels à long terme qui lient les producteurs de l'Union à leurs clients, la Commission a indiqué, au considérant 185 du règlement attaqué, que l'enquête avait établi que le coût des matières premières n'atténuait pas le lien de causalité et que le problème tenait plutôt au fait que l'industrie de l'Union était peu en mesure d'augmenter suffisamment les prix pour répercuter les hausses de coûts dues à la pression exercée par les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de Russie, tant sur le plan des volumes que des prix.

247 Certes, au considérant 11 de la décision de suspension, la Commission a indiqué que l'industrie de l'Union n'avait que partiellement bénéficié de l'augmentation de la demande, étant donné que la hausse des ventes et des prix avait été contrebalancée, dans une large mesure, par la hausse des coûts de production et par des ajustements tardifs des prix en raison d'obligations contractuelles. De même, le Woodstock Consortium a, dans sa réponse au questionnaire sur la suspension, figurant à l'annexe A.30 de la requête, précisé que les producteurs de l'Union travaillaient normalement avec leurs clients sur la base de contrats à long terme, qui limitaient considérablement leur capacité à ajuster les prix à court terme en cas de fluctuation rapide des prix sur le marché.

248 Toutefois, la requérante n'étaye pas à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la Commission n'aurait pu, au terme de l'enquête, conclure que la baisse des prix de vente dans l'Union était due à la pression sur les prix exercée par les importations du produit concerné, et non à l'augmentation des prix des matières premières et aux modalités contractuelles auxquelles est soumise l'industrie de l'Union.

249 Partant, la requérante ne démontre pas en quoi les obligations contractuelles des producteurs de l'Union et les augmentations des prix des matières premières au cours de la période postérieure à la période d'enquête seraient telles qu'elles affecteraient le lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice subi par l'industrie de l'Union, au point de rendre manifestement inadaptée l'institution du droit antidumping.

250 Il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas produit d'éléments de preuve suffisants susceptibles de remettre en cause la validité de l'analyse de la Commission portant sur le lien de causalité.

251 Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que la requérante reste en défaut de démontrer que, en considérant que les importations en provenance d'Ukraine et de Biélorussie, les coûts des matières premières et les engagements contractuels des producteurs de l'Union n'avaient pas atténué le lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice subi par les producteurs de l'Union, la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des faits ainsi qu'une violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base ou de son droit à une bonne administration.

252 Il s'ensuit que la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant non fondée et, partant, le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

253 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

254 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et des intervenantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Zheshartsky LPK OOO (ZHLPK) est condamnée aux dépens.